Speaker #0Salut, c'est Hachoum, le podcast des allergies qui répond à tes souhaits. Je m'appelle Philippe, je suis médecin allergologue et je t'emmène avec moi dans le blog passionnant des allergies. Aujourd'hui, nous allons parler des IGE, les anticorps de l'allergie. Les anticorps sont une vieille invention du vivant. Vous connaissez ces minuscules soldats qui patrouillent dans votre corps à la recherche d'ennemis invisibles, les anticorps. C'est une grande famille de protéines essentielles à la maintenance de votre intégrité. Alors, commençons par quelques rappels. Les immunoglobulines ou anticorps, c'est la même chose, sont des glycoprotéines en forme de Y. Ils se fixent sur une partie de l'antigène par leur bras du Y et s'attachent à des récepteurs par la tige du Y. Ils sont apparus chez les vertébrés à mâchoire il y a 500 millions d'années, également appelés gnatostomes. Ce sont les poissons cartilagineux comme les requins et les raies, et comme ce sont nos ancêtres, nous en avons hérité. Chez les agnates, des poissons sans mâchoire comme la lampe-croix, la nature a trouvé une solution alternative. Elle a mis en place un système immunitaire adaptatif parallèle basé sur des récepteurs VLR, Variable Lymphocyte Receptors, qui ne sont pas des anticorps mais assurent un rôle équivalent. Reconnaissance spécifique, mémoire immunitaire, diversité. Peu importe le chemin, la nature trouve toujours des solutions. Avant les anticorps, il y avait déjà l'immunité innée, partagée par les invertébrés, les plantes et même les bactéries. Des cellules qui savent taper sur tout ce qui bouge, assez peu spécifiques, même si cette vision tend à s'annuancer. Les anticorps s'y sont ajoutés. La nature ne jette pas, elle ajoute. Nous avions également hérité de nos ancêtres prokaryotes des systèmes comme CRISPR-Cas9, comme FC, et d'autres protéines anti-infectieuses qui sont actuellement très étudiées, et ce sont les ancêtres bactériens de notre défense immunitaire. Après les anticorps, l'évolution a continué à inventer, avec... par exemple le complément, un système enzymatique de défense qui s'active souvent en complément des anticorps, IgG ou IgM. Mais revenons aux anticorps. Ces immunoglobulines sont toutes en forme de Y, on l'a vu, avec une partie fixe constante qu'on appelle le FC et deux branches variables qu'on appelle les FAB. Ces deux bras, les FAB, servent à attraper l'ennemi, tandis que la queue, le FC, se fixe sur les récepteurs adéquats. pour activer le reste du système immunitaire. Mais ils viennent d'où ces anticorps ? Ils sont produits par les lymphocytes B qui, ayant été activés, sont devenus des plasmocytes. Cette transformation d'un lymphocyte B en usine de production massive d'armement se fait quand un autre lymphocyte, qu'on appelle le T-helper, vient lui donner les consignes. Il l'attrape par ses récepteurs CD40, le stimule un bon coup avec de l'IL-4 Le lymphocyte B part fissa en périphérie d'un ganglion, et là, il s'active comme un fou pour produire ses anticorps en masse. Parallèlement, certains lymphocytes B, au lieu de devenir des plasmocytes, prennent un autre chemin. Ils deviennent des cellules mémoire. Ils gardent leur super capteur en mémoire, prêt à réagir beaucoup plus vite si le même ennemi revient. Ok, mais ils le choisissent comment, le lymphocyte B spécifique d'antigène ? En fait, l'histoire commence bien avant la rencontre avec l'antigène. Vous fabriquez des tout petits, des lymphocytes B, avec des IgM et des IgD spécifiques d'une immensité de possibilités d'antigènes et donc d'allergènes. Un stock de motifs antigéniques extrêmement grand qui sera challengé, sélectionné et stimulé par vos rencontres antigéniques. La diversité des anticorps est immense, grâce à un mécanisme de découpe-recollage génétique appelé VDJ, qui repose sur les chromosomes 14 pour les chaînes lourdes. et 2 et 22 pour les chaînes légères kappa et lambda. Pour faire de la diversité dans le lymphocyte, une partie de l'ADN est réservée aux gènes des anticorps. Mais ces gènes ne sont pas entiers, ce sont des morceaux séparés, comme des briques de Lego à assembler. Le lymphocyte B dispose de trois types de briques pour la chaîne lourde, V pour variable, 40 segments, D pour diversity, 25 segments, et J pour joining, qui comprend 6 segments. Le lymphocyte B va en choisir un de chaque, au hasard, et le recoller ensemble, un V plus un D plus un J, pour créer le gène qui fabriquera la partie variable de la chaîne lourde de l'anticorps. Pour la chaîne légère, il n'y a que V et J, pas deux D, avec environ 35 segments V et 5 G. Pour chaque type de chaîne légère, kappa ou lambda. Vous pensez que c'est assez compliqué comme ça ? Non, mais la nature fait mieux que ça. Ces arrangements aléatoires ne sont que la partie initiale de la diversité, car en plus, lors de l'assemblage, des enzymes ajoutent ou enlèvent des nucléotides de manière aléatoire. Sympa, hein ? Il existe cinq grandes classes d'anticorps. On ne parlera pas des sous-classes ici. Les IgM, les premiers à apparaître, qui sont détectables chez l'humain à partir de 12-13 semaines de gestation. Les IgD. récepteurs de membrane, les IgG, les plus abondants, les IgA, les gardiennes des muqueuses, et bien sûr l'IgE, notre star du jour. Chaque classe est définie par la nature de sa chaîne lourde. Mu pour les IgM, gamma pour les IgG, alpha pour les IgA, delta pour les IgD et epsilon pour les IgE. Au départ, vous avez des IgM et des IgD sur vos lymphocytes. Ceux-ci rencontrent des antigènes et vont changer de type d'anticorps produit selon la stimulation. C'est le switch ou la commutation. Cette fameuse commutation isotypique, donc changement de type, le switch d'une classe d'anticorps à une autre, se fait au niveau du locus IGH sur le chromosome 14. Les cytokines, en particulier l'interleukine 4 pour l'allergie, dictent le passage d'une classe à une autre. Le système immunitaire choisit ainsi la bonne munition contre chaque menace. Les lymphocytes helper qui produisent surtout de l'IL-4 vont donc induire la fabrication des IGE. Ils sont appelés des TH2 helper pour helper de type 2. Vous avez sûrement lu sur allergique.org les asthmes de type 2. Ça veut dire des asthmes dont l'inflammation semble régulée par des lymphocytes T helper 2. Pour la quantité produite, un adulte fabrique environ 3 g d'anticorps par kilo et par jour. Parmi eux, les IgE ne représentent qu'un millième. Mais ce millième peut déclencher un tsunami. Je résume. Dans l'utérus, à la douzième semaine, vous avez des lymphocytes B avec des IgM et des IgD qui couvrent un panel immense de motifs antigéniques possibles. Vos lymphocytes T-helper viennent présenter tout ce qu'ils trouvent en antigène aux lymphocytes B qui sont en banlieue ganglionnaire et leur indiquent quel type d'anticorps est adapté pour cet antigène. Le lymphocyte B s'excite, change de niveau en devenant un plasmocyte et produit en masse des IGE qu'il balance dans le sérum. Certains lymphocytes B préfèrent devenir des lymphocytes mémoire spécifiques de cet antigène, facilement réactivables à la demande. Parlons de l'IGE, la diva capricieuse de l'immunité. L'IGE est l'anticorps des réactions allergéniques immédiates. C'est elle qui déclenche rhinite urticaire, crise d'asthme, voire choc anaphylactique. Pourtant, sa fonction originale est autre. Elle vous défend contre les vers, les parasites, notamment les ailes maintes. On est loin de l'allergie. Le récepteur de forte affinité FC-Epsilon R1. Sa structure est classique, deux chaînes lourdes Epsilon, deux chaînes légères Kappa ou Lambda, mais sa particularité, c'est son extrême attirance pour un récepteur bien particulier, le FC-Epsilon R1. Ce récepteur FC-Epsilon R1 est surtout présent à la surface des mastocytes et des basophiles. Une fois une IGE fixée, elle y reste des semaines, voire des mois. Si deux IGE spécifiques du même allergène sont réunis par cet allergène, le mastocyte s'active et libère histamine, triptase et parine, puis synthétise rapidement du paphacéther, des leucotriènes, des prostaglandines et de nombreuses interleuquines 4, 5, 6, 8 ou 13. Tout cet arsenal est libéré dans les tissus immédiatement. et dans un deuxième temps. C'est la réaction d'allergie avec sa phase initiale et sa phase retardée. Le récepteur de faible affinité FC-R2. Il existe ainsi un récepteur de faible affinité qui fixe moins bien les IGE. Le FC-R2, également appelé CD23. Il est présent sur les lymphocytes B et sur certaines cellules épithéliales. Il joue un rôle plus subtil de modulation de la réponse immunitaire, de transport et de présentation des antigènes. Les IgE sont rares dans le sang, environ 0,01 mg par litre jusqu'à 0,05. Mais elles sont très présentes dans les tissus où résident les mastocytes, soit la peau et les muqueuses. Elles ont une demi-vie circulante courte, 2 jours et demi. mais une grande longévité une fois fixée sur le récepteur cellulaire. Attention, les IGE sont étrangement fabriquées. Elle se fait de deux manières cette fabrique. Il y a les IGE issues d'un switch direct depuis les IGM, elles sont souvent peu mutées, de faible affinité, et ce ne sont en fait que 10 à 20% des IGE circulantes. Je rappelle, le lymphocyte B commence avec des IGM en stock, le lymphocyte T helper lui ordonne de se transformer, Il file dans les ganglions et selon les instructions qu'il a reçues, il fabrique des anticorps de type demandé. Avec de l'interleukine 4, il fait plutôt des IGE, ça tombe bien. Mais il y a une deuxième manière. Il y a les IgE issus d'un switch indirect via les IgG1 ou les IgA. Ceux-là sont hautement mutés, très spécifiques, très actifs. Elles représentent 80% des IgE. L'étude de Louné et Erval, qui est en lien, a changé notre vision de l'immunologie classique. Car cette fois, c'est un lymphocyte qui fabriquait déjà des anticorps de type A ou G1, qui avaient déjà muté. Oui, parce que dans les IgG, il y a des sous-types aussi, mais ce sera souvent simple. qui va muter pour produire des IgE. Mais ces IgE à lui sont bien plus expérimentés, bien plus actifs. Voilà, donc le lymphocyte B qui faisait des ADGM, qui marche surtout mais pas très bien, ou des IgA-G1 déjà bien efficaces sur l'antigène, s'est vu ordonné par un lymphocyte T helper qui l'a baigné d'interleukin-4 de fabriquer des IgE. Il a filé dans le ganglion, il s'est mis au boulot. Certains lymphocytes B plus carriéristes préfèrent devenir des lymphocytes mémoire parce que c'est un poste d'avenir et c'est plus tranquille. Les tests biologiques. IGE, IG4, démêlons le vrai du faux. En allergologie, le dosage d'IGE est une boussole précieuse, mais il faut savoir la dire. Il y a le dosage d'IGE total. Il donne une idée générale de l'activation TH2, mais elle manque de spécificité. Une parasitose peut vous faire monter les IGE très haut et un allergique sévère peut finalement en avoir très peu. Alors si on vous dit que vous êtes très allergique parce que vous avez beaucoup d'IGE, c'est faux, ça serait un peu trop simple. Viennent ensuite les tests multi-allergéniques, Fadiatope, Trophatope par exemple, qui agissent comme des détecteurs de fumée, présence ou absence d'une sensibilisation respiratoire ou alimentaire. Ils servent à se convaincre de l'intérêt d'un bilan allergologique quand on n'est pas convaincu. Ils ont aussi leurs faux positifs et leurs faux négatifs, bien sûr, puisque ce ne sont que des tests. Puis, les IGEUX spécifiques, qui peuvent être dirigés contre une source allergénique, le chat, ou contre un composant moléculaire précis, par exemple, Feldea. Ces anticorps sont une aide bien plus précieuse, car ils permettent de déterminer des profils d'allergie, comme nous l'avons vu dans les épisodes précédents. Enfin, les puces multiallergéniques, moléculaires ou mixtes. Isaac, Alex, qui permettent d'analyser simultanément des dizaines d'allergènes. On entre dans le monde de la component resolvate diagnosis. Ces puces sont d'autant plus utiles que les profils de réactivité croisés sont compliqués. Trop souvent, une réaction au kiwi n'est qu'un effet secondaire d'une sensibilisation à un autre allergène. Un carien, bouleau, moisissure ou kiwi. Et puis il y a les dérives. Les tests IgG4 vendus comme des tests d'intolérance alimentaire. Malheureusement, c'est n'importe quoi. Les sociétés savantes sont unanimes, ils n'ont aucune validité scientifique. Le ACI, la SFA, la WAO, l'Académie de médecine, toutes dénoncent l'inutilité de ces dosages qui n'ont pas de réelle signification immunitaire. D'autant plus qu'ils vous sont vendus comme des tests d'intolérance, alors que dans l'allergie à l'arachide ou au venin d'hyménoptère, le dosage d'IGGG4 témoigne d'une acquisition de tolérance immunitaire et pas du tout d'une intolérance. C'est vraiment n'importe quoi ces tests d'IGGG4. Les vendre comme indicateurs d'intolérance, c'est une escroquerie intellectuelle. Et on ne peut pas les bloquer ces IGE ? Oui, quand les IGE s'emballent et que les traitements habituels ne suffisent plus, on sort l'artillerie lourde, les biothérapies. Il y a les anti-IGE, comme l'homalyzumab, le XOLER, qui est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l'IGE libre. Souvenez-vous que la majorité est fixée. Il empêche leur fixation sur le récepteur FC-Epsilon R1. diminue l'expression de ce récepteur et réduit la dégranulation mastocytaire. Ses indications en France sont l'asthme allergique sévère, l'urticaire chronique, la polypose nasale. La FDA aux États-Unis l'autorise dans l'allergie alimentaire sévère. Le ligélizumab, cousin plus jeune avec une meilleure affinité pour le récepteur à IGE, promet des effets plus puissants, notamment dans l'urticaire. Il est encore en cours de développement clinique. Il y a aussi les antifabrications d'IGE. Comme les inhibiteurs d'IL-4 et d'IL-13, le dupilumab, qui, en bloquant le récepteur commun IL-4Rα, freine la commutation isotypique vers l'IgE. Ces traitements sont actifs dans la dermatite atopique, l'asthme et aux inophiliques, la polypose nasale. D'autres cibles sont à l'étude sur les initiateurs du signal d'inflammation, comme les IL-33 ou TSLP, ou encore sur l'inflammation T2 chronique avec l'IL-5. Bref, l'arsenal thérapeutique des allergologues s'étoffe, on ne se contente plus d'éteindre l'incendie, on neutralise l'allumette. En conclusion, les IGE sont les anticorps de l'allergie. Ils appartiennent à la grande famille des immunoglobulines et servent initialement à la défense contre les parasites. Ces anticorps sont fabriqués sur demande de lymphocytes helper par des lymphocytes B qui vont en profiter pour créer une mémoire immunitaire de l'épisode. Il y a différents dosages biologiques possibles d'IgE, tous n'ont pas le même intérêt. Nous savons fabriquer des médicaments anti-IgE, mais aussi des antirécepteurs d'IL4, et ça change la vie des allergiques sévères. Lors du prochain épisode, nous parlerons de l'eczéma de contact. Prenez soin de vous les amis, à bientôt ! Sous-titrage Société