- Speaker #0
Vous écoutez Au bénéfice du doute, le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole. Cet épisode évoque des faits de pédocriminalité. Écoutez-le uniquement si vous êtes dans de bonnes conditions émotionnelles. La libération sexuelle, un fort héritage laissé en France par mai 68. C'est dans ce contexte-là qu'a grandi Alimata, adopté par un français dans les années 80.
- Speaker #1
Je m'appelle Alimata, j'ai 47 ans, et du coup je vais parler un petit peu de mon histoire, de ce qui s'est passé. Et juste pour commencer, je voulais mettre les choses dans un certain contexte, parce que j'ai l'impression qu'à notre époque, les gens ont oublié un petit peu, parce qu'on a évolué, on est aujourd'hui en 2024 certes, mais par exemple, moi je suis arrivée en France dans les années 80, c'était un contexte, je vais me répéter, mais en fait, Julie de Codresse dit ça dans une de ses interviews, qui souvent elle le répète, c'est une époque où on ne savait pas qu'on pouvait dire non. Parce qu'on est dans un contexte où on grandit, en tout cas moi, petite fille comme elle, je pense, avec des postes 68A, on sort de la libération sexuelle. Et donc il y avait des choses qui étaient pour les adultes, qu'on nous faisait vivre, consciemment ou pas, mais qui étaient normales. Et donc il n'y avait pas cette place qu'on a aujourd'hui de l'individu où ce qu'on fait, par exemple ce qui lui est arrivé à elle, n'aurait pas eu de place par exemple aujourd'hui. Et donc c'est un contexte dans celui-là où on grandit, où on subit des attouchements ou des abus sexuels. On n'a même pas une fenêtre. On sait que ça ne doit pas exister. On n'a pas le droit, en fait, de subir ça. Donc, c'est aussi très important de remettre un peu dans ce contexte-là des années 80 ou 80-90, où il n'y a pas toutes ces associations. Et donc, voilà. Et donc, moi, j'arrive dans les années 80, début 80, et donc dans une petite ville, dans le Gard, à côté de Nîmes, à Alès. Et donc... J'ai déjà, en fait, à la base, déjà le trauma, parce qu'il faut savoir que je suis une enfant adoptée, avec une adoption assez particulière, monoparentale, mais tout en connaissant mes parents. Et la chose, c'est que j'évolue, mais je vais avancer très, très vite. Je vais arriver jusqu'à mes 19-20 ans, où je me suis émancipée. Je suis partie, je travaille à l'époque comme serveuse dans un restaurant. Et un soir, je regarde un reportage sur, à l'époque, on appelait ça la pédophilie encore. Et je ne sais pas, en fait... Pendant que je le regarde, il n'y a rien spécifiquement qui se passe. J'éteins la télé, je me couche, mais c'est le lendemain, je me réveille, mais pas du tout pareil. C'est très difficile à décrire et à essayer vraiment de bien l'exprimer. Mais c'est comme s'il y avait des fenêtres de mon cerveau qui sont ouvertes. J'avais un retour de souvenirs de différents événements d'attouchement de différentes personnes qui étaient vraiment posées dans mon cerveau et dans ma mémoire. Alors que... auparavant, elle n'y était pas. Après, quand on se dit ça, je vais me déguimer parce que j'ai grandi et on a toujours, on sait, on sent, il y a un mal-être aussi qu'on vit mais parce que c'est ces choses-là que ta mémoire a verrouillées. Maintenant, j'arrive à en parler comme ça et à l'écrire parce qu'il y a une part de moi qui se dit, en fait, je savais. Mais en fait, au fond de soi, c'est compliqué. Donc, c'est un peu un geyser de là, c'est douloureux parce que tu te dis ben... Dans un premier temps, il y a certains souvenirs qui sont très clairs. Il y a des choses qui sont très diffuses aussi. En fait, comme s'il y avait un voile dessus, mais c'est bien là. Et ça, c'est un peu... Je pense que si on devait donner, je devais réécrire, je pense que c'est la pire période de ma vie, en fait. Donc là, à ce moment-là, on est fin des années 90, je pense, pas encore 2000. Mais on est... Il n'y a pas accès, en fait. En tout cas, je n'ai pas connaissance d'avoir accès à la psychothérapie ou aux aides, en fait, qui vont de soi à ce moment-là. Et donc, je suis face à moi-même, en fait, avec ça. Et en fait, avec une partie de moi qui, en fait, parce que ça me rassure, parce que c'est douloureux, qui se dit, en fait, t'as fabule. Parce qu'il y avait aussi ça, je me disais, j'étais en colère. Parce que dans un de ces souvenirs, ça, justement, ça met en jeu aussi mon père adoptif. Et je me dis, il y a une partie de moi, et ça la rassure, de se dire, en fait, c'est ce que t'as trouvé de mieux pour aller à l'encontre, en fait. valider ta couleur par rapport à cette adoption. Et en fait, je gère un petit peu comme ça, et puis il faut savoir aussi pareil, du coup, c'est un peu ce que vivent un peu toutes les victimes, je fais des tentatives de suicide, en fait. Parce qu'il faut savoir, c'est juste comme une... C'est une douleur, c'est incommensurable, en fait. C'est pas un petit bobo, c'est pas une petite... Genre une petite tristesse, c'est vraiment quelque chose qui est profond, et donc du coup, on a besoin de le faire taire, en fait, parce qu'on n'a pas les mots. Et donc moi, c'était ma seule solution, en fait, de faire taire cette souffrance et de... Et puis à l'époque aussi, je pense que les intervenants psychiatriques que je rencontrais n'étaient pas du tout armés pour ça. Moi, je sais qu'on m'a donné beaucoup, beaucoup d'antidépresseurs, de choses. Mais sur le sujet lui-même, en fait, je n'ai pas été trop, au départ, pas trop suivie, pas trop entendue. C'est le sentiment que j'ai. C'était surtout de traiter pour de la dépression, mais après, pas de suivi sur ce sujet-là, en fait. Et en fait, pareil, je suis maladroite. Je ne sais pas trop. Il y a un moment donné, je crois que je rencontre un psy qui franchement me suit, il m'entend. Et en fait, l'idée, c'est d'en parler, parce que c'est bien beau d'en parler à quelqu'un que je ne connais pas, mais le sujet, ça reste familial et il faut quand même... Et en fait, il y a un autre truc aussi. Pendant très longtemps, je me disais, comme les autres personnes qui m'ont fait subir ça ne sont plus proches, je n'ai pas la possibilité de les atteindre. La seule qui était en lien, c'était mon père adoptif, sauf qu'en fait, ta mémoire, elle est très intelligente. c'est mon premier en fait à touchement c'est lui qui me l'a fait subir et c'est pour ça que je je bug en fait sur lui et que j'ai un besoin mais ça je le sais je me rends compte que bien longtemps après et en fait je fais ce truc à maladroit et je m'en suis foule des années c'est que j'en parle à ma petite soeur qui la pauvre je crois je me rappelle de mémoire je lâche le truc tac tac et je raccroche et je la laisse avec ça en fait parce que c'est c'est un peu compliqué de te dire cette époque là tu as tout qui revient mais tu as pas aucune clé pour vraiment le comprendre alors l'accepter on n'en parle même pas mais juste le comprendre et en fait c'est comme ça lâcher ta douleur et ce qui se passe c'est que forcément elle en parle à mon père adoptif forcément ça fait un peu le chemin dans la famille et en fait après c'est marrant parce que tous les petits après quand j'en reparle ils me disent ça c'est ça aussi il faut que les victimes qui ont parlé ou qui l'ont pas fait il faut qu'elles l'entendent c'est que c'est un cheminement normal c'est à dire que quand tu vois toute la masse en fait le bordel que ça met dans la famille et alors Sauf forcément qu'il y en a qui prennent partie plus d'un côté que de l'autre. Mais c'est, tu te dis, le marasme. Moi, je n'avais pas les épaules. Du coup, je fais machine arrière et je me rétracte. Et ce n'est pas la chose à faire, certes. Mais c'est l'instinct de survie qui te met dans ce truc-là. Mais ce n'est pas le meilleur des choses. Parce qu'après, avec le recul, je me dis, déjà, je n'avais pas les épaules. Je n'étais pas armée pour. Mais je me suis bouffée, en fait. Pareil, c'est comme dans l'amnésie. c'est pareil, au fond ça reste derrière toi mais Au fond de toi, tu sais que c'est pas... C'est-à-dire que je vais à l'encontre en me disant non, mais en fait, c'est mon cerveau, je me trouvais plein d'idées. Comme je t'ai dit tout à l'heure, qui m'a joué des tours, je suis contre mon adoption, j'ai besoin d'un bouc émissaire. Et en fait, pas du tout, parce que du coup, je me retourne les choses intérieurement, je me fais encore plus de mal, en fait. Alors moi, je ne me scarifiais pas, mais je te dis, j'allais souvent en finissère avaler des médicaments pour finir en hôpital. Parce qu'en fait, c'était... J'ai une de mes soeurs dans le monde en parler. Elle avait vachement de mal à comprendre. Mais moi, l'hôpital psychiatrique, c'est l'endroit où je me suis toujours sentie protégée. Parce que c'est un lieu où tes souffrances, en fait, même si à l'époque, il y a des années, elles n'étaient pas forcément... Ils n'avaient pas les outils pour te répondre. C'est un lieu où, en fait, tu es protégée. Parce que ton mal-être, en fait, même s'il n'est pas toujours compris, il est entendu. Il a le droit d'exister, en fait. Et donc, c'est vraiment quelque chose qui me permettait d'être... D'être à ma place, en fait, avec ma souffrance. après la gérer c'était autre chose Et que du coup, ça m'amène à ça, pendant des années, je me fais passer pour une menteuse aux yeux de tout l'entourage familial. Et il faut savoir en fait que du coup, les enfants, il y a quelques années, les enfants adoptés sont reconnus comme les enfants légitimes. Et donc, mon père adoptif a cette démarche. D'entre temps, il s'est remarié avec une femme et donc il a souhaité adopter le fils de cette personne. Moi, je reçois cette lettre. Donc déjà, sur l'adoption, ça me... Ça me dérange énormément. Mais bon, tu dois renvoyer au juge des affaires familiales ton consentement ou ton non-consentement. Et donc, avec une de mes sœurs, en tout cas, on fait une réponse jointe en expliquant très succinctement qu'on n'est pas pour. Donc, on donne notre non-consentement. Et en fait, la violence, c'est en juillet, je pense, 2020, il me semble. Ah oui, parce que ça, c'est un autre truc qui a l'amnésie traumatique. C'est que moi, ma mémoire est complètement un peu bousillée. J'ai vachement de mal à... Sur le temps, il y a des fois, il faut vraiment que je fasse une chronologie écrite. Et donc, c'est vers juillet 2020, il me semble, je reçois en fait un papier avec huissier du courrier en fait que nous joint le juge des affaires familiales ou le courrier qu'on perd adoptif à joindre. Et en fait, c'est cinq pages, mais pourries en fait. Mais quand je te dis pourries, c'est vraiment pourries. C'est-à-dire qu'en clair, très misogyne, très un peu, enfin, truc un peu suirtant, un peu le colonialisme aussi. Genre en disant en clair que si... S'il n'avait pas été là, il ne m'avait pas adoptée, j'aurais fini gardienne de chèvre. Puis plein de choses à la histoire violente. Ça en fait en même temps, c'est pareil en fait, quand tu grandis dans quelque chose qui te le rabâche tout le temps, ça devient une normalité pour toi. Et en fait là ce qui n'est pas passé, c'est qu'à un moment donné il parle de justement les accusations. Et en fait je bug, moi j'ai un truc de... C'est comme si ça, les autres choses assez violentes qu'il avait dit, c'était rien. Et premier plan qui passe, parce qu'il faut savoir aussi que... Des années plus tard, moi je me dis, au moment où j'ai ma première fille, je me dis en fait ça, ça ne va pas se faire. Je refais encore un hôpital psychiatrique. Par contre cette fois-ci, au lieu de me faire mal à moi, je me présente spontanément à l'hôpital en l'expliquant la thématique. Et on s'entend avec le psy justement de faire une sorte de thérapie familiale. Mon père adoptif, en fait, fait un déni total, en fait, en clair, il ne comprend pas de quoi je parle.
- Speaker #0
Qu'est-ce que ça t'a fait d'avoir ta fille par rapport à ce que tu as vécu ?
- Speaker #1
Justement, tu as tout qui revient. Je te dis, ça te ramène à l'enfant. Quand tu deviens parent, ça te ramène à ton propre enfant, en fait. Et ce que ça m'a amenée, c'était vraiment ce truc où je me suis dit, là, il faut... Parce que jusqu'à maintenant, c'était le déni que j'avais en face de moi et je m'en satisfaisais. Et en fait, là... La chose qui avait changé intérieurement, ça ne me satisfaisait pas du tout. Et donc j'ai été quand même en douceur, c'est-à-dire que j'ai quand même été avec un psy. Et c'était violent parce que c'est aussi ça la difficulté. Et les psys ont essayé apparemment de me dire « Préparez-vous au fait que vous allez avoir fait, c'est vous le déni, qu'il ne reconnaîtra jamais. » Et en fait, au fond de toi, tu as quand même ce besoin de justice qui espère, en fait je me disais « Ouais, il allait dire, écoute, je suis désolée. » Et en fait, encore une fois, c'est de te poser les choses, c'est toi le problème. Quand on a eu l'entretien, alors c'est très bizarre d'ailleurs, parce qu'il a d'abord entendu mon père adoptif, et après il m'a fait rentrer. Et moi j'avais encore à l'époque du mal à parler de ça devant lui, j'arrivais pas à dire les faits qui m'avaient fait vivre. Et donc je pars sur un exemple d'un événement que j'avais eu avec lui, de reproduire un autre événement que j'avais vécu. C'est-à-dire qu'à un moment donné on était une sorte de siège je crois, et en fait il est... Déjà, c'est très bizarre. Il vivait toujours à moitié à poil. Il mettait un boubou, alors qu'il est français, mais un boubou, il ne sent rien. C'était à poil en dessous. Forcément, c'est très large. Forcément, la personne à poil, en vérité, quand tu ne mets rien en dessous. Moi, j'attrape son sexe et je le mets entre mes jambes. Je me revois encore déjà refaire ça. Je me dis, à ce moment-là, quand je fais cette thérapie, ça fait partie des premières... J'appelle la déconstruction que j'avais de mon cerveau. Je me dis, tu vas être... parent en fait. Toi-même, c'est ton enfant qui fait ça demain. Tu te dis il y a un problème. Conçois dans les années 80-90, je m'en fous en fait. Tu ne vas pas me dire non, tu te dis juste il y a un problème, ou tu vas demander à ton enfant où est-ce qu'il a vu faire ça. Là, non. Là, je me suis mangée, et ces choses bizarres que tu fais, je me dis j'essaie de reparler de ça. Et donc en fait, je ne me rappelle pas. Moi, je me suis mangée, je ne me rappelle pas. Et je me dis mais comment ? Tu peux ne pas te rappeler, encore une fois, si tu aimes les enfants, si tu ne peux pas, ce n'est pas quelque chose qui est... Et donc, moi, ça se traduit par ça, ce truc où je me dis, il y a plein de choses qui m'étaient arrivées, qui n'étaient pas normales, et qui liées à l'enfance, et que je me disais, c'est mon enfant. Et en fait, c'était ça que j'avais dans la tête, ça m'était arrivé à moi, et je me disais, mais si, c'était à mon enfant. Et tu vois, de plus en plus, et donc, on parle maintenant des trucs transgénérationnels de plus en plus, mais moi, il y avait aussi cet aspect-là, de me dire... J'ai envie de laisser ça derrière. Il y avait vraiment cette intention. Je n'avais pas forcément le bagage pour, en fait. Et en fait, ce qui se passe, c'est qu'à ce moment-là, c'est à partir de là que j'ai arrêté de parler avec mon père. Il y a cet entretien-là. Et là, je ressors de là un peu... Alors, j'avais aussi misé beaucoup, parce que moi, je pensais que le rôle du psy, c'était qu'il allait tout réparer, ce n'était pas son rôle. Il ne me connaît pas sur un entretien de 20 minutes. Voilà, il fait ce qu'il peut. il était clair qu'on n'allait pas reconduire le truc vu la catastrophe du truc C'est comme ça qu'après je demande au flic qui est sur le forum de me donner une idée et qui m'annonce qu'il y a la prescription. Et c'est comme ça que du coup je repars encore en hôpital psychiatrique. Et là en fait, il a ce truc de venir me voir. Et moi je me revois en fait sortir du couloir de ma chambre, aller dans le couloir et tourner. Franchement je revois encore la scène. Et en fait j'étais pas loin de l'accueil et je le vois lui debout. Et là c'était physique en fait, j'ai eu une sorte d'attaque de panique. Je me suis rentrée tout de suite dans ma chambre, j'ai sonné les infirmières et j'étais tremblante, j'étais vraiment en disant je veux pas le voir. Et c'est vraiment là en fait avec cette réaction corporelle que je me suis dit non mais en fait t'es en train de te flinguer. Depuis des années t'es en train de vivre, on ferait un truc qui est toxique mais tu le sais pas. C'est encore une fois l'emprise psychologique, ton cerveau en fait est twisté, tu n'as pas la place, il n'y a pas la place pour toi, pour je. C'est vraiment tout est bouffé, t'as l'impression, et moi pendant des années j'avais l'impression que s'il n'était pas dans ma vie. Il y a une sorte de carence affective aussi, c'est mon seul repère en France. Familiale, je n'ai rien. Mais à la finalité, non, en fait, il me fait plus de mal. Et c'est comme ça que j'arrête complètement de... Je compose complètement les points à partir du moment où j'ai ma première fille. Et pour revenir à ce courrier, parce que moi à cette époque-là, je me dis, la seule façon d'être crue, c'est de porter plainte. Et ce qui se passe à cette époque-là, quand j'ai décidé de porter peintre, c'est qu'il y a prescription. En fait, j'allais sur un forum de victimes et il y avait un policier. En plus, ce que j'ai trouvé formidable, c'est que de son temps libre à lui, il prenait le temps de parler avec les victimes et il me sort justement qu'il y a prescription. Et là, je bug aussi pareil, je me dis, je ne vais jamais pouvoir faire entendre et être reconnue comme telle. et là Quand je reçois ce courrier du juge... pour cette histoire d'adoption, dans mon cerveau, il y a vraiment un truc. Alors que ça n'a rien à voir. Il ne portait pas plainte contre moi, mais je me disais, je n'en prends pas. C'est un secret et ce n'était pas à lui de le porter à la justice. Il y a quelque chose qu'à la fois, en même temps que je mélangeais, en me disant, moi, je n'ai pas pu l'emmener à la justice. Ce n'est pas à lui de le faire, en fait. Et l'autre chose aussi assez importante, c'est que quand on a demandé de répondre à ce courrier-là, d'abord, on a fait témoigner des personnes en fait qui nous... ont connues dans notre enfance et est proche et qui ont pu témoigner en fait déjà de notre vécu d'enfance elles avaient vu des choses assez étrange mais bon elle n'avait pas de preuves en fait mais c'est important que tu vois que ce soit écrit il y avait une trace de ça j'ai perdu le fil de ce que je voulais dire pas de souci et juste pour préciser justement ce que tu viens de dire les choses étranges basse et c'est une hyper sexualisation des choses il y avait il y avait aussi le truc moi qui m'a encore choqué pas encore vraiment c'est en effet des filles en fait et Et... des bisous sur la bouche, jusqu'à... On ne pouvait pas fermer la salle de bain, par exemple, même à la puberté. À l'époque, il y avait... Je me rappelle, quand je suis arrivée, il n'y avait que 4 chaînes. Il y avait la cinquième qui était arrivée, puis il y avait M6. Et M6 faisait tous les dimanches... Il y avait un film érotique qui passait. Et en fait, le droit de regarder ce film érotique, c'est l'emprise psychologique dans laquelle on peut se mettre. Moi, jusqu'à dernièrement, et je pense que j'ai mes filles, mais c'est juste dernièrement qu'on a eu cette procédure mes sœurs, on a assez déclic en se disant mais en fait c'était pas normal il y avait une chose de pas normal c'est à dire qu'il y avait les premiers Mac à l'époque avec les disquettes encore et il y avait ce jeu et en fait même quand j'y repense à cette scène j'hallucine, on sort de table c'est un dîner où il a invité des amis il y a des hommes et des femmes en fait, c'est aussi ça qu'il faut préciser sur cette époque là et donc moi encore j'ai du mal à en reparler et donc sur le jeu t'as en fait une femme qui est nue les jambes écartées et sur le côté fait de l'écran ta différence d'outils que tu peux introduire dans la femme en fait je revois ça en fait cette scène où on perd tout content adoptif tout content en fait clic sur le truc mais des choses dans le vagin de cette femme et nous on est là avec les enfants en fait on assiste à cette scène et c'est juste fin tu vois j'ai pas de mots aujourd'hui parce que c'est pas quelque chose de et c'est cette banalisation de la sexualité des choses et d'actes témoins de choses je pense je Je ne sais pas si j'ai bien répondu à la question.
- Speaker #0
Complètement, oui. Ça illustre bien.
- Speaker #1
Oui, ça fait partie de ces choses-là. Non, parce qu'après, j'ai rebondi beaucoup.
- Speaker #0
Oui, mais c'est ça qui est intéressant. C'est qu'au moins, tu prends des bribes de ce qui vient.
- Speaker #1
Oui, de ce qui vient. Et donc, ça donne bien le... Non, non, c'était pour dire de... Parce que je parlais de la procédure. Et du coup, il y a l'étape où déjà, quand tu deviens parent. Parce que ça, c'est une chose aussi. Homme ou femme, je pense que ça te renvoie à ta famille, à toi, à ton vécu, à ton histoire familiale. Mais moi, du coup, quand on répond... Voilà, ça y est, j'ai retrouvé le fil. Quand on doit répondre, moi, j'ai mis ça, en fait, dans le courrier. dans le courrier en fait. toute l'avalanche de merde dans tous les sens, à quel soit que ce soit du côté familial. Parce que moi, j'ai toujours dit, quand une famille est adoptante, c'est l'endroit où tu dois trouver le plus d'amour, en vérité. Ça va de soi, en fait. C'est une famille qui ne peut pas avoir d'enfant. Là, moi, ce n'est pas le cas dans un premier temps. Et dans le deuxième temps, sur les abus sexuels, en fait, c'est que... Toute l'avalanche de merde dans laquelle il avait écrit, c'est des avanches de merde dans lesquelles nous, on avait grandi. C'est un discours dans lequel j'ai grandi, que j'ai pris en fait comme normal pendant très très longtemps, jusqu'à encore pas si longtemps en vrai. Du coup, je me retrouve à répondre à la juge parce qu'on devait avoir le droit de réponse et je dis, ben moi... Moi, en fait, je pourrais dire la même chose. J'ai renvoyé juste une lettre que j'avais écrite dix ans auparavant, quand j'ai pris la décision d'arrêter de le voir, et en expliquant ça. Et en fait, quand j'ai l'une de mes sœurs, quand on parle justement de ce qu'on va renvoyer au dossier, etc., Je me rends compte que cette lettre... Je l'ai envoyé à lui, mais je ne l'aurais jamais fait lire à mes soeurs. Je l'ai lui fait lire. Par contre, pour elle, l'amnésie a été traumatique. Ça s'est levé devant mes yeux. Elle m'a dit, ça me parle de quelque chose que j'ai vécu moi aussi avec lui. Ça met du poids encore dans ma démarche. Parce qu'il y a une autre personne, en fait, et qui fait partie de mon entourage familial, qui n'est plus au moins une de mes sœurs. Et pareil, quand tu as subi des trucs comme ça, tu as des trucs post-traumatiques. Et donc là, je me retrouve avec toute la même souffrance, en fait, avec la même intensité de l'époque. Et pareil, ne pas pouvoir dormir, ne pas pouvoir manger. Et en fait, être dans un truc, ne penser qu'à ça à jeun, quand je me couchais avec, je me levais avec, quand j'arrivais à dormir. Et du coup, je faisais plein de recherches, toujours. Et pareil, quand je suis sur Internet, tu cliques un lien, tu vas sur un autre, tu cliques sur un autre. Et en fait, je me rends compte que je suis sur un chat.
- Speaker #0
Un chat ?
- Speaker #1
En ligne, en fait. En fait, c'était des violences faites aux femmes, je crois. Et il y a des policiers, il me semble, si je ne dis pas de bêtises. Et en fait, ce qui change, c'est que du coup, la personne me dit « Bon, vous serez recontactée très prochainement. » Et ça n'a pas raté. Deux jours après, j'ai été appelée par un policier du commissariat. Moi, je suis du 14e. Et j'ai été entendue. Et c'est suite à ça, justement, du coup, j'ai été appelée. Donc ça, c'était en août. et Sous-titrage Du coup, j'ai été entendue et pareil, je me revois la veille en me disant « Les filles datent des années 80, le type va me rigoler au nez. Il va arriver et se dire « Attends, c'est bon. » Et pas du tout. Moi, je me suis retrouvée, et c'est ce que je t'ai dit tout à l'heure, j'ai l'impression d'avoir été hyper chanceuse. Et je pense que je crois vraiment au truc de l'univers. Je pense que l'univers m'a un peu protégée. Parce que ce que je t'ai dit tout à l'heure, je pense que je me reçois avec quelqu'un qui n'est pas du tout psychologue. Et qui me dit, bon, écoutez, madame, écoutez, c'est bien bon, mais les années 80, nous, on n'a aucune... Là, pas du tout. J'ai vraiment eu une écoute... D'abord, ça s'est fait en deux étapes. Il m'a d'abord écoutée. Et ensuite, il m'a proposé une fausse clope. Et je l'ai vue passer, en fait, validée, en fait, à sa supérieure, que j'étais... Voilà, ce que je disais, ce que j'écrivais avait du sens. Après, pareil, j'ai été contactée par la brigade des mineurs. Et puis, entendu... Alors, moi, il m'avait bien expliqué que les faits remontaient, certes, à bien loin. J'ai eu l'écoute et l'entente qu'il me fallait en fait pour moi en tout cas dont j'avais besoin d'être entendue mais que j'aurais pas de procès. Par contre c'est ce qui a changé en fait aussi au niveau juridique c'est qu'on va prendre des témoignages si jamais il y a d'autres victimes en fait. Et ça je trouve que c'est hyper important parce que tu peux avoir subi quelque chose dans les années 80 et puis ne rien dire et puis finalement si t'as pas parlé mais par contre s'il y a quelqu'un qui est surgi dans les années 2000 on peut faire le lien. Moi j'ai pas envie de dire que c'est pas grave que j'ai pas de procès parce que c'est déjà beaucoup. Ce que j'expliquais aussi dans un autre témoignage, c'est que moi, j'ai fait déposer. Par contre, je suis rentrée. Quand je suis éclatée de fatigue, le mot est très faible. J'avais l'impression d'avoir tout le poids du monde sur le corps. Et j'ai dormi mes 24 heures. J'ai halluciné parce que mes enfants n'étaient pas très grandes. Et je me suis réveillée 24 heures après. L'aînée, elle a été géniale parce qu'elle a géré sa sœur. Mais c'est pour montrer le poids que tu as. Cette nécessité, je pense. En fait, de faire ce chemin, c'est hyper important d'être reconnaissance de victime. Et je te dis, moi, je ne vais pas avoir de procès, mais ne serait-ce que d'avoir juste été reconnue victime. Et après, ce qui est très intéressant, c'est qu'on nous a appelé quelques mois plus tard, en fait, par des amis d'amis qui sont liés avec lui. Et en fait, la police est allée le chercher. Il a été mis en examen. Alors, il y a beaucoup de gens qui disent, voilà, la mise en examen n'est pas... Oui, mais je voudrais juste rappeler que s'il n'y a rien... Parce que la présomption d'innocence, comme on dit souvent, si un juge va mettre en examen, c'est-à-dire qu'il va examiner un peu plus en profondeur, c'est qu'il y a quelque chose qui le titille sur le sujet. Donc il faudrait juste rappeler ça aussi aux gens. Je ne dis pas que c'est pour tous les procès ou pour toutes les plaintes, mais que moi, en fait, ça a été la cerise sur le gâteau pour moi. Ça a été vraiment de... Mais en fait, on peut te croire. Il faut savoir aussi, parce qu'il y avait eu cette procédure, c'est le JAF. Ce qui est con, c'est qu'en fait, il s'est tout seul tiré une balle dans le pied. Parce que quand il a fait cette procédure et en en parlant, déjà, le juge des affaires familiales, il faut savoir que c'est très rare ce qu'elle a fait de nous convoquer. Ça, c'est bien. De deux, on a eu notre droit de réponse. Donc, tout le dossier, comme il a été statué et jugé devant un juge, on a pu le transmettre à l'abricade des mineurs après. Donc, ça a été pris en compte, en fait. Donc, quand le juge s'est arrivé, il avait ça aussi qui est venu. Il n'y avait pas juste ce que j'avais raconté au mois d'août dans le bureau du flic. Il y a eu tout le suivi et c'est la raison pour laquelle j'ai attiré Sheila. Donc, c'est le cerveau qui se mord la queue. C'était vraiment un mal pour un bien. Parce que moi, même à mon pire ennemi, je ne souhaite pas de repasser par là. C'est parce que je pense que les gens ne se rendent vraiment pas compte. C'est vraiment le moyen. Je trouve qu'il est fait incommensurable. C'est vraiment ça. C'est une douleur. On te retire quelque chose de toi. Et moi, je me rappelle très bien. Et pendant très longtemps, je n'ai pas fait de thérapie pour ça. Parce qu'il fallait payer. Et j'en ai la tête. J'avais un truc. je me dis, je vais payer quelque chose qu'on m'a fait subir. Et c'était dur, parce qu'en fait, en définitive, c'est pour ton bien et c'est pour toi. Et c'est justement dans les directives du Jusurant, c'est ce que je trouve génial, en vrai. Parce que c'est quelque chose qu'on te fait vivre des fois enfant, des fois jeune adulte, des fois ado, mais ça te suit, mais toute ta vie, on va arrêter ça. Ça a des traumas qui sont échangés à vie, et c'est quelque chose... Et souvent, alors, il y avait un autre truc aussi, je voulais parler de ça, c'était... Moi, pendant très très longtemps, parce que j'ai subi des attouchements, et alors ils n'étaient pas répétés, parce que c'est ça aussi la particularité. Moi, je n'ai pas eu un père qui m'a tripoté pendant des années. C'est un épisode qui s'est passé un après-midi et qui m'a marqué à vie. C'est fou la mémoire quand même, parce que je suis restée bloquée là-dessus et ça m'est revenu, c'est l'événement qui me revient. Et du coup, je ne me légitimais pas. Et je me disais, ben non, parce que moi je n'ai pas été violée. Et en fait, cette phrase aussi, pareil. C'est quand même des propos qu'on nous a sortis dans les années 90. Ça va, tu n'as pas été violée en fait. Quand on parlait des attouchements, ce n'était pas grave non plus. Et donc du coup, moi je me suis construite avec ça en me disant que ce n'est pas grave, ce qui m'est arrivé, ce n'est pas violent. Et en fait, ce n'est pas vrai. Parce qu'on m'a jamais dit, par exemple, moi, on m'a jamais dit, on m'a tripoté et on m'a dit, chut, faut pas le dire, c'est un secret. C'est ton corps, en fait, et ton psychisme, au niveau psychologique, dès qu'il y a une intrusion, un attouchement, ton corps et ton esprit le sent. Tu te figes. Moi, c'est les états que je me rappelle très bien. Tu te crispes. Et c'est pire quand t'es enfant parce que t'as pas de mots pour la mettre dessus. Mais tu sais que c'est interdit. Au fond de toi, tu sais, tu sens que ce qui se passe n'est pas normal. Et tu sens aussi que justement... Tu ne peux pas en parler. Et moi, les rares fois, et en fait, c'est aussi ça, parce que j'ai une double culture qui est à la fois française et nigérienne, il y a un attouchement qui m'est arrivé quand j'étais au Niger. Et une de mes tantes, en fait, nous a surpris avec l'agresseur. Lui, il est parti, il s'est réhabillé en vitesse. Et moi, je me suis prise l'injonction de c'est moi la dégueulasse, en fait. Et donc, il y a vraiment cette chose qui se construit de... Pourquoi, en fait, tu sens au fond de toi, il n'y a même pas besoin des autres pour le dire, mais voilà. Donc c'est aussi ça de faire passer le message, qu'il n'y a pas de hiérarchie dans les souffrances. Un abus sexuel peut être aussi violent. Après, je ne veux pas comparer, ce n'est vraiment pas l'idée. Mais c'est juste parce que moi, pendant des années, je te dis que je ne me suis pas légitimée en me disant « ça va, on va tripoter, il n'y a pas de pénétration forcément en vie digitale » . C'est vraiment ça, de me dire « non, ce n'est pas grave, moi ce n'est pas important. Ceux ou celles qui ont été violés, c'est plus grave. Moi, à côté, ce n'est pas très important. » Et ça reste quand même une violence. Enfin voilà, on te vole quelque chose de toi, une partie de toi. Après, je ne parle même pas de ta sexualité. Pendant des années, c'est juste fucked up. Si on peut dire ça comme ça, tu es vraiment dans quelque chose. Et puis pareil, il y a des dérives où tu ne comprends pas. Parce que par exemple, pendant un moment, j'étais dans un truc où il fallait me violenter. Et je me disais, mais tu as un problème en fait. Tu as subi des violences et tu as besoin d'être violentée. Et en fait, pareil, il y a aussi ce truc de... Je voulais parler de... C'est comme si tu as une empreinte invisible sur toi. où les êtres agresseurs te sentent. Parce que moi, je me disais, mais attends, ça ne m'est pas arrivé qu'une fois, ça m'est arrivé une dizaine de fois. Et en fait, c'est comme si les mecs, ils avaient une antenne et à 10 000 kilomètres, t'es repéré. Et en fait, c'est normal. Parce qu'il y a une partie de toi qui n'a connu que ça et qui va reproduire ce qu'elle a connu et tu vas rester dans un terrain, même si c'est douloureux en fait et tu ne t'en rends pas compte, et tu vas reproduire ça. Et en fait, c'est aussi en même temps une façon inconsciente de prouver que... ta non-valorisation, en fait. Tu vois, il y a quand même un cheminement. Et après, il y a ce qui suit, l'autodestruction, il y a l'alcool, les drogues, il y a quand même tout un truc. Donc, ouais, ça peut flinguer, en fait, un attouchement. C'est pas forcément... La violence, elle est quand même... Ouais, à l'intérieur, elle est violente. Enfin, voilà, il n'y a pas de hiérarchie, en fait. Il y a ça aussi à dire.
- Speaker #0
À partir de quel moment tu t'es rendue compte de ça, qu'il n'y avait pas de hiérarchie ?
- Speaker #1
Longtemps. Ça m'a pris longtemps, ça m'a pris très longtemps. Parce qu'en fait, c'est bon aussi, il n'y a pas longtemps, parce que du coup, je suis encore suivie. Mais pendant longtemps, j'étais vraiment madame, excusez-moi de m'excuser de vous déranger, parce qu'il y a vraiment ce truc-là. Tu as vraiment ce truc de... Moi, ce n'est pas grave. Tu as une minimisation de ce que tu es, de ce que tu as subi. Et non, je l'ai eu. Franchement, je ne vais pas te mentir. Je crois qu'il y a 5-6 ans. Après, j'avais la place pour parler des choses. Et après, il y a... Il y a ce truc assez formidable parce qu'encore une fois avec cette procédure qui a été étudiée, ça date de 3-4 ans. C'est toujours pareil. Quand je lis ça, comme je t'ai dit, j'ai un tout qui remonte et je finis en fait à l'unité psychotrauma de l'hôtel Dieu. Et ça m'a sauvé la vie parce que du coup on m'a aussi diagnostiqué bipolaire, chose que je ne savais pas du tout. Et ça m'a beaucoup sauvé parce que du coup le traitement te permet de réguler tes humeurs et tes émotions. Ce qui n'est pas... Enfin, je veux dire... Non, vraiment, parce que c'est un truc... Les douleurs, elles sont... Si je peux te décrire ça, ça serait... Tu prends une plaie, tu l'ouvres et tu verses de l'alcool dessus, en fait. Et ce n'est pas fin, ce n'est pas quelque chose qui... C'est une réelle douleur profonde. Et donc, tu vois, d'un événement... Parce que moi, c'est ce que j'aime bien aussi dans la vie. C'est un mal pour un bien. D'un événement qui était vraiment douloureux. Je te dis, il est arrivé fanfaronnant. Parce que c'était ça aussi. avant, dès que c'était le premier à en parler, les rarefaux s'arrivaient. Mais la honte, c'est ça qui est fou. C'est toi, la victime, qui as honte. Et c'était en mode, non, surtout pas, qu'il ne parle pas, que personne ne sache. Et là, c'était en mode, vas-y, parle. Et puis encore aujourd'hui, encore plus. Moi, j'ai toujours, jusqu'à maintenant, témoigné de façon anonyme. Et c'est encore une forme de honte. Et je pense qu'il y a...
- Speaker #0
Ça dérange beaucoup beaucoup de gens, tout ce qui se passe en ce moment avec Julie Kodrèche, mais en fait, ça libère beaucoup la parole, et c'est aussi très important, je pense, parce que c'est pas que des milieux, que ce soit le cinéma, ou parce qu'on a aussi le MeToo au stand-up, il y a plein de MeToo maintenant qui sont en train de sortir, mais c'est toute la société en vérité, c'est sociétal. Et je pense qu'à un moment donné, il faut que la société, elle arrête d'être dans un certain déni, et qu'encore une fois, on est des victimes, elles ont autre chose à foutre en fait, en vérité. que ce qu'elles sont en train de faire en ce moment. Et je pense que ce qui est vachement bien aussi, à travers tous les réseaux sociaux qui sont en train de se faire, je veux dire aux jeunes victimes aujourd'hui qui sont en train de pas faire à l'essence ces outils-là, et heureusement, et tant mieux, moi à mon époque, il n'y avait pas du tout ça, c'était vraiment du bouche à oreille, il n'y avait pas Internet, il n'y avait pas toutes ces choses-là. Et c'est hyper important, je pense, de parler aujourd'hui justement qu'il y ait de plus en plus de témoignages pour celles qui peuvent. Il y avait un autre truc qui m'avait fait super mal au cœur quand j'ai commencé à aller sur internet et je parlais sur un forum de victimes et j'y retourne aussi de temps en temps. Mais ce qui me fait mal au cœur c'est qu'il y a toujours des victimes qui arrivent en fait, quelle que soit l'époque et c'est homme comme femme en fait. Et ça je trouve ça juste pas normal en fait, pas normal à notre ère du temps où on a toute cette technologie, toute cette capacité d'information, c'est pas normal que ça existe encore.
- Speaker #1
Super,
- Speaker #0
j'ai tout sorti.
- Speaker #1
Mais parfait. Est-ce que tu veux quand même, je ne sais pas, rajouter quelque chose ?
- Speaker #0
S'il y a des choses que tu as oubliées ? Non, franchement, la finalité, c'est vraiment le motif maintenant, c'est vraiment retenir qu'il n'y a pas d'enchères dans les souffrances. Tant que ça vous fait mal, en fait, il faut l'écouter, il faut l'exprimer. Un attouchement n'est pas moins violent qu'un viol, en fait. J'ai mis longtemps à l'entendre, à le comprendre. La perception de chacun, la souffrance, elle peut être aussi énorme sur deux événements. Il ne faut pas juger par rapport à ça. Il faut juger par rapport à sa propre souffrance et l'exprimer. juste il n'y a pas d'enchères.
- Speaker #1
C'est carrément important de le dire et ça me fait penser aussi à quelque chose sur lequel tu avais insisté dans le témoignage vidéo où je t'avais vu sur l'imprescriptibilité.
- Speaker #0
Oui, exact.
- Speaker #2
Le mot est très long.
- Speaker #0
Non, la prescription, honnêtement, là elle a évolué, c'est ce que je raconte justement juste avant, c'est que je me sens vraiment chanceuse dans tout ce parcours-là que j'ai eu moi avec la police et le point de vue juridique, mais elle ne devrait plus exister en fait parce que... Parce que, ben voilà, moi, ça m'est arrivé, les retours de souvenirs sont commencés à 19 ans. Mais voilà, j'ai fait une traversée du désert de plus de 20 ans. Et puis, on s'auto aussi, c'est sûr, parce qu'on se rétracte aussi, parce qu'on n'est pas outillé au niveau psychologique ou entouré au niveau thérapeutique pour le faire. Et moi, je pense qu'elle ne devrait pas avoir lieu, en vérité. Elle ne devrait pas exister. Voilà, et il faut voir ce qui se passe en ce moment avec plein de personnes qui parlent des années plus tard. On va trouver chez les victimes, en fait. plus ou moins, et moi j'ai vu vraiment très tôt dans les forums quand j'y ai participé, il y a des choses qu'on retrouve en fait dans notre façon de comportement. Dans les amnésies traumatiques, justement de se rétracter, aussi dans l'hygiène, tu vas avoir, moi je sais que le fait de tomber dans les drogues, le fait des alcools, de se scarifier, toutes ces choses-là, mais on n'a pas le même temps en fait de réaction les uns et les autres en fonction de notre vécu, en fonction de notre âge, et je pense que c'est important qu'elle ne soit plus... Alors, il y a une petite avancée. par rapport, je te dis, moi, quand j'ai voulu porter plainte il y a des années, c'était fini, tu peux rentrer chez toi, il n'y a rien à voir. Avec maintenant la possibilité, juste, que ma parole soit recueillie, c'est déjà hyper important, mais je pense qu'elle ne devrait franchement juste carrément pas exister. Moi, je vois ma soeur, ça lui est revenu à 40 ans, moi à 19. On ne peut vraiment pas. Moi, je pense qu'effectivement, je ne peux pas prononcer ce mot, mais la prescription ne devrait pas exister.
- Speaker #1
Le mot qu'il ne faut plus prononcer. Je n'ai pas pu le prononcer.
- Speaker #0
Ils l'ont fait exprès, d'ailleurs. Non, voilà. Donc, non, non, si tu as raison de revenir là-dessus, je pense que ça ne devrait pas exister. Et après, il y a aussi ça, on en parle beaucoup en ce moment, j'aimerais bien que ça fasse suite. Je n'ai pas eu ce malheur, en fait, d'être poursuivie pour diffamation, mais juste l'idée me faisait une peur, mais terrible, et ça reste une réalité. C'est-à-dire que c'est une façon, quand même, de... financièrement, la victime, elle ne peut pas... Je veux dire, tu ne peux pas essayer de détourner l'attention, en fait. Non, non, ça aussi, il faudrait aussi penser à bloquer... Non, vraiment, parce qu'encore une fois, il faut l'entendre, que tout le monde l'entende. On ne se lève pas en don maintenant, en disant « Putain, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire chier aujourd'hui ? » Parce qu'on n'a rien à faire de nos vies. Et qu'on aimerait bien faire nos intéressantes. Non, moi, j'ai d'autres moyens de faire mon intéressante que ça. Enfin, c'est d'une violence. et c'est aussi d'une violence... Que la société ne te reconnaisse pas, c'est une chose. Mais non, ta famille, ça fait partie de la société. C'est un exemple, ce n'est pas une échelle. Et je trouve que c'est d'une violence. Moi, j'ai épuisé. Je suis passée pendant 25 ans pour une monteuse. Les gens ne se rendent pas compte de la violence que c'est. Même si là, quand ma soeur a eu son retour de souvenir, et que même mes propres soeurs sont... Il y a eu tout ça aussi qu'on a raison de nous douter. Moi, on ne récupérera pas le temps, les 25 ans que j'ai perdus, en fait. Je veux dire, il y a un soulagement. Et c'est ce que j'en parlais justement quand j'étais à l'hôpital. Je me suis dit, voilà, waouh. Mais il y a au fond, derrière aussi, une profonde piétesse. Je veux dire, putain, pendant 25 ans quand même, il y avait... Et puis, quand tu sais aussi qu'après, il y avait des gens à côté de toi qui avaient vu des trucs et qui se doutaient de quelque chose et qui n'ont rien dit. Et qu'en fait, j'ai pu voir aussi, moi... Enfin, je veux dire, on s'est vus pendant des années. Enfin, je veux dire, on a bien vu. Du coup, mon père adoptif utilisait beaucoup ma fragilité. Le fait que j'aille en hôpital psychologique, vous voyez bien, en fait, elle n'est pas forcément bien constituée pour voir où est-ce qu'elle en est. Non, en fait, c'est l'inverse. Si on va là, on sait que je ne suis pas folle. Je suis bipolaire, mais c'est un trouble de l'humeur. Et c'est intéressant parce que j'ai lu dernièrement, je ne sais plus dans quoi ça t'a envoyé le truc, que souvent, justement, les troubles de l'humeur, c'est souvent lié à des traumas que tu as eus dans l'enfance. Faites les liens en fait.
- Speaker #1
Il y a un super livre, je ne sais pas si tu l'as lu, c'est le livre noir des violences sexuelles de Muriel Salmona.
- Speaker #0
Je l'ai découvert il n'y a pas très longtemps. Là je suis en train de lire Florence Porcel La honte, qui est super intéressant.
- Speaker #1
J'adorerais l'acheter.
- Speaker #0
Si tu veux je te le passe après. Je peux te le prêter avec plaisir. Il y a dans Les yeux fermés d'Héloïse Et... Robin je crois mais je ne suis pas sûre je viens juste de l'acheter c'est une BD qu'elle a faite et ça me parle un peu parce que c'est elle elle a été abusée par son grand-père et on la force en fait à vivre pareil c'est dans la famille de qui croire et en fait en même temps on te croit mais en même temps ça va tu peux déjeuner avec lui ça a l'air super intéressant moi j'avais déjà vu une Salmona, comment s'appelle ?
- Speaker #1
C'est
- Speaker #0
Muriel Salmona. J'avais regardé justement sur Youtube. Elle avait déjà, et ça m'a parlé parce qu'elle est spécialisée dans l'amnésie traumatique justement il me semble. Et ça parle beaucoup en fait, c'est véridique. Il y a rarement des choses...
- Speaker #1
Elle fait plein de liens, comme tu le dis, avec tous les troubles psychiques, psychotiques, névrotiques, tous les liens que ça a avec les violences sexuelles dans l'enfance.
- Speaker #0
Et le sujet, je pense qu'il est important de communiquer de plus en plus là-dessus. éduquer les gens sur l'amnésie traumatique. On n'en parle pas avant, pas parce qu'on ne veut pas, mais parce que souvent on en remonte et parce que souvent on ne se rappelle pas. Et ce n'est pas du cinéma, c'est réel. En tout cas, merci beaucoup de m'avoir invitée.
- Speaker #1
Merci à toi d'être venue.
- Speaker #2
Quand on est victime de violences sexuelles, On a souvent tendance à minimiser ce qui nous est arrivé. Alimata nous le rappelle, il n'y a pas de hiérarchie, quel que soit le type de violence que l'on subit. Elle laisse en nous une douleur qu'il faut écouter et ne jamais sous-estimer. Pour les crimes et les délits sexuels, la prescription reste une torture pour les personnes victimes. Comme le témoigne si bien Alimata, la levée de l'amnésie traumatique peut survenir à tout moment et le parcours judiciaire est une telle épreuve que l'on devrait être libre de l'entamer lorsque l'on se sent prête. Merci à Alimata pour son authenticité, son énergie et sa confiance. Vous venez d'écouter le douzième épisode du podcast Au bénéfice du doute. Si vous pensez qu'il peut être utile à d'autres personnes, n'hésitez pas à le partager. Ce podcast est entièrement autoproduit par Julie Dussert, la musique originale a été composée par Sandra Fabry et l'image a été dessinée par Camélia Blandot. Au bénéfice du doute, le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole.