- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de ses vies. Je suis Martin Caouette, professeur et titulaire de la chaire Autodétermination et handicap de l'Université du Québec à Trois-Rivières et directeur scientifique du programme sur l'autodétermination du Centre de formation Campus en France.
- Speaker #1
Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap. Mais pas que. Martin, aujourd'hui on va évoquer les étapes de la vie, mais de la toute petite enfance, 0-5 ans. Alors qu'est-ce que tu pourrais nous dire notamment sur la question de l'autodétermination ? pour les enfants.
- Speaker #0
Absolument, le 0-5 ans, quelle belle étape de la vie, quelle belle étape de développement, en fait, où on observe son enfant, en fait, qui va évoluer. Avant de regarder de façon plus particulière les spécificités pour les enfants de 0-5 ans sur le plan de l'autodétermination quand ils sont en situation de handicap, quand on regarde le développement typique, le 0-5 ans, c'est une phase où l'enfant va explorer et l'enfant va se... développer aussi sur différents plans, sur le plan moteur, sur le plan affectif. Il y a beaucoup de choses qui se passent. Et déjà, quand on pense au tout petit qui a quelques mois de vie, imaginez, rappelez-vous le tout petit qui a par exemple 3 mois, 4 mois, qui pleure la nuit parce qu'il a faim, qu'il a soif, qu'il faut le changer, qu'il est effrayé. Déjà, c'est une belle manifestation d'autodétermination parce que il est déjà en train de manifester ses besoins. par le pleur, par exemple, ils cherchent à trouver une réponse à ce besoin-là. D'ailleurs, un tout petit qui ne pleure pas, qui est très, très calme, parfois, ça va même nous inquiéter. Donc, même intuitivement, on est conscient que le tout petit, en fait, va essayer, même par le pleur, par exemple, d'entrer en contact avec nous. Et quand on continue, rappelez-vous cette belle phase autour de deux ans où l'enfant apprend à dire non et parfois va tenter de s'imposer. Parfois, il y a toutes sortes de termes qu'on utilise pour désigner cette phase du non-là qui va apparaître. Mais encore une fois, quand on le regarde sur le plan de l'autodétermination, c'est intéressant parce que c'est un peu comme si l'enfant venait de découvrir la force de ce mot-là, ce mot magique qui est le mot non. Alors, je dis non, il y a des choses qui s'arrêtent. Donc là, quand il y a quelque chose qui me... déplais, je vais m'imposer par le non. Encore une fois, c'est pas toujours habile. Il y a peut-être des moments où on aimerait mieux que notre enfant de deux ans nous dise oui, puis il nous dit non. Mais c'est une découverte, c'est un apprentissage. Encore une fois, c'est une belle manifestation d'autodétermination. Évidemment, belle quand on en parle à distance, quand on n'est pas en train de la vivre. Même chose aussi, on peut penser à ces enfants-là qui, vers l'âge de 4-5 ans, ont des questions, surtout la phase du pourquoi. Pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Pourquoi le ciel est bleu ? Qu'est-ce qu'il y a de plus loin que le ciel et tout ça ? C'est encore toute la curiosité de l'enfant qui s'éveille, mais qui est une façon aussi de comprendre l'environnement dans lequel il vit et essayer à travers cette compréhension-là de, oui, contrôler des choses, d'être capable de ne pas se sentir à la merci de son environnement, mais de comprendre pourquoi les choses se passent comme elles se passent. Donc, dans le développement du 0-5 ans, déjà, il y a plusieurs choses qu'on voit qui sont intéressantes. des belles manifestations d'autodétermination.
- Speaker #1
Il y a aussi, dans cette parole-là, l'annonce du handicap.
- Speaker #0
Pour des enfants, en fait, qui composent avec le handicap, il y a justement l'annonce du handicap. Donc, des fois, pour la famille, les familles vont en fait traverser différentes étapes quand ils découvrent, quand ils apprennent, quand le diagnostic est posé dans cette période-là de la vie. Et le handicap ou la façon dont il va se manifester va parfois venir expliquer où nous nous permettent de comprendre un certain nombre de comportements de l'enfant ou nous permettent de comprendre pourquoi peut-être il a un fonctionnement qui est atypique. Maintenant, dans cette phase-là, et c'est pour ça que tout le travail qu'on va faire avec les familles pour être capable de repérer dans cette période de la vie, les capacités, les compétences, puis de développer une image positive de leur enfant, mais une image également de leur enfant comme un enfant qui sera capable de s'autodéterminer également. tout au cours de la vie. Un enfant qui aura ses particularités, sa personnalité, et non pas une personnalité qui est réduite au handicap elle-même. Donc ça, ça devient essentiel pour qu'on puisse véritablement accompagner les parents, parce que ça va devenir un enjeu important, et déjà dans la phase de 0-5 ans, on peut y travailler. Comment est-ce qu'on va soutenir et encourager cet enfant-là à prendre des initiatives ? Donc évidemment, dans la période du 0-5 ans, on va parler de toutes des initiatives qui sont toutes simples. Par exemple, à travers le jeu, est-ce que mon enfant, par exemple, il va s'intéresser à des jouets autour de lui ? Comment est-ce que je peux l'intéresser à ces jouets-là ? Comment est-ce que même à travers le jeu, par exemple, si on se rappelle dans la première saison, on a parlé de nos différentes composantes de l'autodétermination. Mais comment, par exemple, est-ce que j'apprends à résoudre de petits problèmes à travers le jeu ? On joue avec un camion de pompier, il y a une voiture en feu, qui est-ce qu'on appelle ? On va chercher le camion de pompier pour éteindre le feu. Déjà à travers tout l'aspect ludique qu'on peut mettre en place avec l'enfant. Il y a déjà des habiletés de base, faire des choix, résoudre des problèmes, exprimer des préférences qui peuvent déjà commencer à se travailler dans 0-5 ans. Et c'est pour ça que notre enfant qui est tout petit, qui est en situation de handicap, quand on est capable déjà de reconnaître ses particularités, ses préférences. Donc oui, mon enfant est peut-être en situation de handicap, mais peut-être qu'il aime beaucoup jouer avec les blocs. Peut-être qu'il est très affectueux. Peut-être qu'il a... une réaction particulière quand on écoute de la musique. Peut-être qu'il y a un talent artistique que je vois déjà apparaître dans cette période-là de la vie. Donc, de voir son enfant dans le 0 à 5 ans, bien au-delà du handicap, pour ne pas le limiter, en fait, le handicap, pas limiter l'enfant à son handicap.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des environnements aussi qui facilitent la question de l'autodétermination de la toute petite enfance ?
- Speaker #0
En fait, dans le volet 0-5 ans, c'est sûr que de travailler cet aspect-là de l'autodétermination dans les services de garde au Québec ou encore dans les jardins de la petite enfance, les jardins d'enfants du côté de la France.
- Speaker #1
Ou les crèches.
- Speaker #0
Les crèches,
- Speaker #1
voilà. L'école maternelle même.
- Speaker #0
Exactement. Donc, dans ces milieux-là, finalement, où l'enfant peut se retrouver dans un milieu qui est inclusif, c'est-à-dire que déjà d'interagir avec d'autres enfants qui ne sont pas nécessairement en situation de handicap. c'est aussi un levier important pour stimuler son développement. Donc, c'est important de travailler avec des environnements, des services de garde qui vont être inclusifs et qui vont permettre à l'enfant d'interagir avec d'autres enfants sur le plan de la stimulation de son développement. C'est un aspect qui est essentiel.
- Speaker #1
On parlait aussi dans la première saison de l'expertise des parents. Je crois qu'encore plus, il faut s'appuyer aussi sur la connaissance des parents sur les compétences de leur enfant.
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Puis pour les professionnels, en fait, de venir reconnaître l'expertise puis la compétence et de valoriser également la compétence de leur enfant. C'est essentiel aussi de ne pas donner l'impression que comme professionnel, je connais tellement mieux que vous, votre enfant, je sais mieux faire que vous. Il faut véritablement qu'il y ait quelque chose qui est co-construit avec l'expertise parentale, l'expertise professionnelle. puis qu'on soit dans un accompagnement où on travaille véritablement main dans la main. Donc, dans le 0-5 ans, on va le découvrir, cet enfant-là, on va l'observer, on va le découvrir au-delà du handicap, dans ses intérêts, ses préférences, ce qui peut le motiver, et ça, c'est un élément clé pour toutes les étapes de la vie qui vont suivre après.
- Speaker #1
Est-ce que ça demande aussi, est-ce que, par exemple, les enseignants qui travaillent en école maternelle puissent être formés à l'autodétermination ?
- Speaker #0
Oui, c'est essentiel en fait que... d'avoir cette compréhension-là, parce que les enseignants, de par leur rôle, c'est un des premiers adultes significatifs pour l'enfant hors du milieu familial. C'est-à-dire qu'il y a souvent les parents, les grands-parents, les oncles, les tantes, mais les enseignants, les responsables de services de garde ou dans les crèches et tout ça, ce sont des premiers adultes, en fait, hors du milieu familial. Donc, ils ont un rôle clé, ils ont un rôle extrêmement important et c'est parfois eux qui vont remarquer certains comportements, parfois ils vont contribuer même aussi au dépistage par rapport au diagnostic qui peut être posé par rapport à l'enfant. Donc, s'ils sont formés à l'autodétermination, ils vont aussi stimuler très tôt, puis avoir ce regard-là, être très vigilant dans le développement des occasions d'autodétermination qu'ils peuvent mettre en place dans les milieux dont ils sont responsables.
- Speaker #1
Est-ce que tu as un exemple concret d'un enfant qui s'est autodéterminé entre 0 et 5 ans ?
- Speaker #0
Moi, j'adore, en fait, Merci. tous les exemples qui viennent par exemple à travers le jeu. Je pense entre autres avec des tout-petits avec qui j'ai eu la chance d'interagir, qui avaient 4 ans, qui avaient 5 ans, et une enseignante formidable que j'ai vue dans ce contexte-là, structurer l'environnement de sa classe de façon à ce que les enfants puissent avoir l'opportunité de choisir par exemple le bac de jeu avec lequel je vais jouer à un certain moment. Donc, d'avoir l'opportunité de prendre l'initiative d'aller vers un bac d'avoir des temps également où là, c'est un temps où on explore du nouveau matériel, un nouveau jouet, un nouveau jeu. Et ensuite, je suis capable de… L'enseignante, en fait, qui va stimuler, est-ce que j'ai aimé un peu, moyen, beaucoup ce jouet-là, par exemple, pour ensuite pouvoir choisir d'y revenir si j'en ai envie. Donc, tout ce qui est de la structuration de l'environnement de classe, c'est extrêmement intéressant. Un autre exemple peut-être rapidement que je veux donner aussi, parfois vers 4 ans, 5 ans, les enfants, notamment ceux qui sont en situation de handicap, vont parfois prendre des initiatives. Je pense entre autres à des enseignantes qui laissent place à ces initiatives-là. Donc l'enfant, par exemple, qui prend la main de l'enseignante pour l'amener... vers un objet ou vers un autre lieu. Je pense à cette enseignante-là qui me disait, un jour, j'ai un tout petit 4 ans qui me tire par la main, qui veut m'amener à l'extérieur de la classe et qui va aller me montrer ce qui se passe dans une autre classe. Et là, je comprends à quel point ce qui se passe dans cette classe-là suscite son intérêt. Donc, d'être à l'écoute puis de choisir d'accompagner, ça veut dire parfois vraiment d'être à côté de l'enfant pour explorer avec lui son environnement. c'est des stratégies simples mais qui sont gagnantes pour valoriser son autodétermination.
- Speaker #1
Après, il y a aussi des enfants qui ont besoin de structuration très importante. Je pense aux enfants autistes qui ont besoin d'un environnement aussi cadrant. Là, pour le coup, comment on met en place aussi l'autodétermination pour ce jeune public ?
- Speaker #0
C'est important d'avoir un cadre. Si on pense par exemple aux plus jeunes autistes, c'est important d'avoir un cadre. Effectivement, ça les structure, ça les aide à s'organiser, ça les aide à avoir une représentation de leur environnement, de leur routine, de leur horaire de journée, mais même dans un environnement. comme celui-là, par exemple, on peut intégrer ce qu'on appelle des fourchettes de choix. Par exemple, l'activité 1, l'activité 2, elle est déjà déterminée, mais quand on arrive à l'activité 3, il y a deux choix. Donc, on le voit vraiment comme une fourchette, un peu comme un arbre décisionnel où l'enfant peut choisir, par exemple, le picto de gauche ou le picto de droit pour décider de l'activité qu'il va faire, pour communiquer sur l'activité qu'il choisit à ce moment-là. Donc, encore une fois, c'est une stratégie simple et quand on intègre ça dans le... dans le mode de fonctionnement, dans l'accompagnement de cet enfant-là, bien des fois, c'est une stratégie qui va être gagnante aussi pour développer chez lui la souplesse, la flexibilité, parce que même s'il a besoin d'un encadrement plus important, on ne cherche pas à faire en sorte que l'enfant autiste devienne un enfant très rigide. Ce n'est pas ça l'intérêt. C'est de lui donner des repères qui viennent l'encadrer, mais on n'est pas là non plus pour faire en sorte qu'il devienne encore plus rigide dans l'organisation de son quotidien.
- Speaker #1
Merci Martin.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Si vous voulez en savoir plus du côté de la France, contactez Campus Formation à l'adresse mail suivante contacte.campusformation.org. Toute l'équipe se fera un plaisir de vous monter un programme de formation, d'accompagnement ou de conseils sur mesure.
- Speaker #0
Pour le Québec qui a découvert les travaux de recherche en cours de la Chaire Autodétermination et Handicap, au www.uqtr.ca.cah.
- Speaker #1
Au plaisir, Martin.
- Speaker #0
Au plaisir, François.