- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap,
- Speaker #1
mais pas que. Pour ce nouvel épisode, j'ai le plaisir de retrouver Sandrina Bourgeois. Bonjour Sandrina.
- Speaker #2
Bonjour François.
- Speaker #1
Alors Sandrina, on avait échangé ensemble lors de la quatrième saison et puis pour cette cinquième saison, je t'ai ressolicité parce que je sais que tu as encore beaucoup de choses à nous partager. Donc juste peut-être que tu redises quelques mots sur qui tu es et puis après, on va démarrer avec mes premières questions.
- Speaker #2
D'accord. Donc je m'appelle Sandrina Bourgeois, j'ai 57 ans, je suis retraitée du médico-social, de la fonction publique hospitalière, je suis formatrice. Auto-entrepreneur et pour divers organismes et je suis l'aidante familiale de Mathias.
- Speaker #1
Voilà donc Mathias que tu accompagnes et dont tu mets en place la question de l'autodétermination et donc tu as beaucoup de choses à nous raconter. Et alors là tu voulais justement évoquer la question de la liberté d'être soi et notamment sur la question de la place dans la famille, de parents, de professionnels, sur la question de posture. Je te laisse un petit peu démarrer par ça et puis on va détricoter ensemble sur cet épisode.
- Speaker #2
D'accord. Alors il y a plusieurs réflexions qui me sont venues au fur et à mesure, des rencontres, des formations, des temps de travail, et de la place de chacun et de la posture d'autodétermination justement, ce fameux concept, comme disait Martin, très à la mode et qui pourtant est très vieux, qui a quand même à peu près 40 ans, et de se dire à quel moment est-ce qu'on peut s'autodéterminer au final ? Moi j'ai été éducatrice et je suis aidante. Et je suis aussi une femme libre. Et la différence entre les trois, c'est que quand on est éducateur, on a une mission. On peut être un être autodéterminé avec une liberté intérieure. Néanmoins, quand on est éducateur, AMP, peu importe. En tout cas, quand on a une mission d'accompagnant, on est dévoué à sa mission et à la personne qu'on accompagne à la base. C'est-à-dire que l'exemple que je donne, c'est que si on accompagne des personnes... concerné des personnes en situation de handicap au cinéma, ce n'est pas l'éducateur qui doit choisir le film. L'éducateur propose tous les films à l'affiche, donne tous les moyens aux personnes de comprendre, fait un teaser sur l'histoire, retrace le synopsis, mais en aucun cas, son avis n'est requis dans le choix du film.
- Speaker #1
J'aurais même envie de te dire, ce n'est même pas lui qui choisit d'aller au cinéma à la base.
- Speaker #2
Absolument. Il peut le proposer, parce que les résidents n'ont pas toujours... l'idée de quelles activités sont possibles. Donc il y a déjà un choix, un panel d'activités, mais quand on est au cinéma, en tout cas, on ne choisit pas le film. La différence, c'est que moi, quand j'accompagne Mathias au cinéma, on peut savoir d'avance quels films on va aller voir, mais si je n'ai pas envie d'aller voir les Pokémon, moi je ne suis pas payée pour aller voir les Pokémon. Je n'ai pas envie d'aller voir ce film qui ne m'intéresse absolument pas.
- Speaker #1
Toi en tant que maman.
- Speaker #2
Moi en tant que maman, voilà.
- Speaker #1
Ce qui est différent quand on éduquait.
- Speaker #2
Absolument. absolument, on n'est pas du tout sur le même postulat de départ et dans ce cas là en tant qu'aidante mon but, mon rôle ça va être de lui dire avec qui penses-tu pouvoir aller voir ce film à qui est-ce que tu vas solliciter pour aller le voir pour quand même qu'il ne soit pas empêché d'aller voir le film qui le botte en ce moment totalement et il y a cette distinction là qui est pas facilement perçue je trouve, ni par les équipes éducatives ni par les familles qui ne savent plus très bien à quel moment elles ont le droit d'être soi, le droit de faire des choix, le renoncement de soi, l'abnégation quand on est aidant, c'est une qualité je veux dire, mais pas tout le temps parce que ça mène à l'épuisement personnel, ça mène à l'épuisement familial, je sais de quoi je parle, je me suis séparée du papa de Mathias pour ce genre de raison-là, de ne pas pouvoir sortir la tête de l'eau. Et ce n'est pas pareil quand on est dans une équipe éducative. On a une mission 8 heures par jour qui est d'accompagner. L'éducateur peut s'autodéterminer, peut rester un être autodéterminé et faire valoir ses droits, sa motivation, ses choix par rapport à ses pairs, donc par rapport à ses collègues, par rapport à sa direction, dans un cadre de travail bien délimité. Ça, il n'y a aucun problème, mais pas par rapport aux personnes concernées. Et quand j'ai rencontré... J'ai un témoignage, j'ai eu un bouleversement de mon cerveau un jour, c'est quand j'ai rencontré Noémie. Noémie est une femme formidable en situation de handicap, très contrainte dans son corps en fait, et qui a besoin d'avoir une auxiliaire, une AVS, en tout cas un assistant, de manière permanente. Et je discutais avec Noémie, je la regardais, et inévitablement mon regard allait aussi vers son assistant pour le mêler, faire une discussion à trois, et chaque fois que je regardais son assistant, ou son assistante, elle baissait les yeux tout de suite, elle regardait par terre. Ça m'a fait bizarre, je me suis sentie rejetée en fait. Je me suis dit Ah merde, ça ne l'intéresse pas ce que je dis Et je recommence et en fait, je voyais qu'elle regardait un peu partout, mais dès qu'elle captait mon regard, elle regardait par terre. Et j'ai compris en fait que là où était Noémie en fait, dans son autodétermination, dans le contrat qui était mis en place avec son assistante, c'est l'assistante est là pour répondre aux besoins. de Noémie, aux besoins physiologiques, au moindre appel, au moindre clignement d'œil, son s'attache ici et maintenant, c'est d'observer uniquement Noémie pour pallier, pour amener ce qu'elle-même ne peut pas amener. Et j'ai trouvé, alors au début ça m'a un peu gênée, je me dis, ça fait un peu gouvernant, esclavage, ça fait un peu la personne n'a plus de statut en fait. Et en y réfléchissant bien, c'est tout à fait l'inverse quoi. La personne, elle est bien campée dans sa mission. Si le contrat de départ était clair, si le contrat de départ est clair...
- Speaker #1
C'est le cadre, la question du cadre. C'est le cadre,
- Speaker #2
toujours. Toujours la question du cadre. C'est de se dire que ma mission, c'est de subvenir, de répondre aux besoins que la personne concernée ne peut pas manifester elle-même et de ne pas m'intéresser à ce qui se passe dans l'environnement. Elle n'a pas participé au colloque, elle n'a pas pris la parole, elle était assise de profil même pour ne pas être confondue. pour ne pas être interpellé, pour ne pas capter les regards. Et j'ai fini par trouver ça admirable. C'est là qu'on doit aller, en fait. Quand on parle d'autodétermination et qu'on accompagne des personnes en situation de handicap, c'est comme ça que ça doit être. Mais c'est très paradoxal. Parce que quand on est dans une équipe éducative... Quand on est éducateur, AMP, moniteur éducateur, ou quand on intervient de toute façon professionnellement dans la vie d'une personne en situation de handicap, on ne gagne pas des masses. Ce n'est pas un métier où on s'enrichit, c'est sûr. Donc on attend autre chose. On attend de la reconnaissance. À minima, on attend de la reconnaissance. En tout cas, c'est ce que j'entends des professionnels quand je donne des formations. Et si on ne peut plus avoir cette reconnaissance, si elle n'est pas légitime à ce moment-là, cette reconnaissance, les professionnels vont avoir beaucoup de mal à lâcher l'affaire et à mettre à faire un pas de côté pour se rendre invisible au profit de la personne en situation de handicap.
- Speaker #1
Donc c'est vraiment d'éviter ce statut de créer un système de dépendance finalement dans l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Oui, bizarre. Entre l'éducateur et la personne accompagnée.
- Speaker #2
C'est ça, mais c'est un statut qui existe en fait. qui existe depuis, moi j'ai 35 ans d'expérience dans le métier, j'ai toujours connu ça, reconnu ça, et même dans les structures ou les associations les plus ouvertes, il reste quand même quelque chose de la suprématie de l'équipe éducative, de la parole par l'équipe éducative qui prévaut toujours sur celle de la personne et sur celle de la famille.
- Speaker #1
C'est toujours cette problématique des relations asymétriques. qui ne sont pas d'égal à égal entre une personne accompagnée et un encadrant. Donc, comment on peut essayer de travailler sur ces sujets-là avec les professionnels qui, en plus, sont de bonne volonté et ont envie de soutenir les personnes ? Comment on peut les amener justement à adopter ce changement de posture ?
- Speaker #2
Déjà en interrogeant davantage peut-être les motivations. Pourquoi on veut faire ce métier ? Si c'est uniquement pour avoir le devant de la scène ou de la reconnaissance, ça s'entend. Je veux dire, on a tous envie, ça fait partie de l'autodésertification quand même, évidemment.
- Speaker #1
C'est plutôt réalisation.
- Speaker #2
Bien sûr, absolument. Mais jusqu'où on est capable de renoncer à ce moment-là à soi pour être dans une mission totalement investie dans sa mission vers l'autre ? J'ai des souvenirs, moi, de quand j'étais cadre, quand j'étais adjointe de direction. Quand j'arrivais, j'endossais ma veste. mental, on va dire, psychologique de cadre et d'adjointe de direction. Et alors, évidemment, on ne laisse pas les problèmes à la porte, ça c'est totalement faux. On les amène partout, bien dans le sac.
- Speaker #1
Les grains de sable sont dans les chaussures.
- Speaker #2
C'est ça, absolument, puis on les sent un petit peu. Néanmoins, j'ai envie de dire, je pense que j'arrivais à mettre mon égo de côté pour être totalement disponible aux collaborateurs, aux personnes avec qui je travaillais, pour qui je travaillais, à organiser des plannings, à faire des crudements. à valider et à légitimer l'organisation, parce qu'elle n'est pas plus intelligente que la maîtresse de maison ou l'homme d'entretien. C'est juste qu'on a des métiers différents, des formations différentes. Il y a une mission d'égalité et de se dire que dans la posture d'ego, il faut la laisser tomber un petit peu. Où est-ce qu'on peut travailler ça ? Dans formation. Sauf que, on est d'accord de savoir que les contenus de formation se réduisent. On réduit toujours les formations de deux ans à un an. Et qu'est-ce qu'on perd comme contenu ? Qu'est-ce qu'on perd comme temps à ancrer justement ces postures-là, à interroger les personnes pour qu'elles s'interrogent elles-mêmes en fait ? Moi je ne suis pas experte en psychologie ou en sociologie, ma seule expertise c'est que je suis experte de moi. En tout cas je suis encore en cours de chantier de me connaître et de savoir qu'est-ce qui me plaît, qu'est-ce qui ne me plaît pas et d'être vraiment... avec ça, d'être en phase avec ça. Et c'est ça qu'il faut amener aussi chez les professionnels. Qu'ils éclairent eux-mêmes leur propre motivation. Il y a du chantier. Je me rends compte quand je donne des formations et je pose quelques questions, il y a du chantier. Il y a encore beaucoup de choses à construire. Et puis clairement, le troisième axe aussi que je remarque dans donner cette possibilité-là par quoi on commence, c'est avoir des outils institutionnels qui valent le coup. qui ne sont pas écrits pour cocher la case, qui servent aux professionnels. Chaque fois que j'ai une formation, je demande aux professionnels, est-ce que vous pouvez me dire les grandes lignes du projet d'établissement ? Que contient votre règlement de fonctionnement ? Et il y a un blanc. En fait, les professionnels ne se servent pas de ces outils. Il peut y avoir des outils qui disent à quelle heure on ouvre les portes, les grandes valeurs, les grands objectifs, mais il n'y a pas une stratégie... facile à comprendre, qui peut être établi et qui va être consensuel.
- Speaker #1
Donc la nécessité de travailler aussi à l'accessibilité de ces contenus-là et à l'appropriation aussi des documents qui peuvent exister. Merci beaucoup Sandrina.
- Speaker #2
De rien Bernard, merci.
- Speaker #0
Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.