- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que.
- Speaker #1
Pour ce nouvel épisode, je suis toujours avec Sandrina Bourgeois. Bonjour Sandrina. Bonjour François. Voilà, je m'appelle bien François, puisque pour ceux qui nous ont écoutés sur le dernier épisode, l'épisode s'est très très bien déroulé, mais Sandrina, juste à la fin, elle s'est trompée, elle m'a dit merci Bernard. Donc j'ai décidé de le laisser, mais effectivement, mon prénom est bien François.
- Speaker #2
Je suis désolée, j'ai brillé.
- Speaker #1
Une fois sur deux, ça arrive.
- Speaker #2
J'ai glissé,
- Speaker #1
je l'ai fait. Alors Sandrina, pour cet épisode, tu voulais qu'on réévoque la question du risque et de la peur. Du coup, peut-être de reparler de tout ça, puisque c'est un vrai sujet qu'on voit dans les formations. Moi, je le vois aussi quand j'interviens en formation. La question du risque, elle est souvent abordée. Mais toi, tu voulais parler également de la peur et du distinguo avec l'anxiété.
- Speaker #2
Oui. Parce que dans la thématique de l'autodétermination, évidemment, quand on prend des initiatives, quand on va de l'avant, quand on fait des expérimentations, on parle assez souvent qu'il y a un risque. C'est souvent qu'il y a un risque. De toute façon, il n'y a pas de risque zéro. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas. Quel est ce risque ? Donc, on sait aussi, dans la théorie, qu'il y a un risque qu'on perçoit. Rien que celui-là, le risque qu'on perçoit, il est basé sur quoi ? Donc, faire le distinguo entre la peur et l'anxiété. La peur, c'est une émotion qui arrive ici et maintenant face à un danger. La semaine dernière, j'ai eu très peur d'un chien. Il y a un chien qui m'a foncé dessus et j'ai été paralysée parce que j'ai peur des chiens un peu. Mais là, il m'a vraiment... J'ai bien senti la montée d'adrénaline et là, je n'ai rien senti que j'avais peur. Mais quand je me dis que Mathias à l'appartement, il est seul aujourd'hui parce que ça y est, c'est fait. Ce n'est pas de la peur, en fait, c'est de l'anxiété. C'est une peur psychologique. C'est quelque chose que je projette. Il n'y a pas de danger imminent ni réel. Voilà quoi. Or, ces peurs-là ou cette anxiété, quand on dit anxiété déjà, c'est quelque chose qui est un petit peu péjoratif. Quand on dit je ressens de l'anxiété, tout de suite, comme si on devait être rassuré, comme si on devait prendre des médicaments, comme si on devait prendre des infusions.
- Speaker #1
Limite une maladie mentale.
- Speaker #2
C'est ça, voilà. Alors que pas du tout, ça fait partie de l'état de tous, plusieurs fois par jour. Voilà, j'ai peur d'arriver en retard, c'est pas un danger. Néanmoins, c'est quand même quelque chose qui peut peser, qui peut ronger, qui peut... J'ai peur de ne pas être à la hauteur, j'ai peur de ne pas y arriver. Et ça, je l'ai beaucoup entendu dans la bouche de Mathias, qui lui est très très cash par rapport à ses émotions. qui ne connaît pas le mot anxiété et qui, en dernier moment, ne voulait plus aller à l'appartement. Avant d'y aller pour de vrai, il me disait Non, non, non, j'ai très, très peur, ma mère, appartement, je ne veux pas appartement. Et je lui disais Je comprends que tu aies peur parce que moi aussi j'ai peur, appartement. Parce qu'on ne connaît pas l'appartement, on ne sait pas comment ça va être. Et donc, on va y aller ensemble, toi et moi, on va y aller ensemble et puis on va construire ça. Et puis on verra bien, mais tu n'es pas tout seul et moi, je ne suis pas toute seule non plus. Et ça a bien avancé. Mais ce n'est pas facile de pouvoir nommer ces peurs de manière objective, sans en faire tout un tralala non plus. Mais c'est très, très important parce qu'il y a beaucoup de peur chez les personnes concernées. En gériatrie, on appelle ça des réactions de catastrophe, donc des réactions violentes ou des réactions, des comportements de défi qui sont liés à la peur. Une émotion qui est tronquée, comme on appelle. Et les familles ressentent. aussi beaucoup d'anxiété face à l'avenir, d'anxiété face à ce qui se passe dans l'institution. Moi, je vieillis, je l'entends beaucoup. Je côtoie beaucoup de familles, donc je l'entends beaucoup. On vieillit, qu'est-ce qui va se passer ? Il y a de moins en moins de foyers de vie. On nous parle d'appartement, mais nous, notre fils, il n'est pas prêt. On ne l'a jamais préparé. Puis on ne le préparera pas parce qu'on n'est pas prêt non plus. Voilà quoi. Donc, c'est quelque chose qui mérite d'être aussi parlé quand on fait des réunions de projet, par exemple, avec les personnes concernées et les familles, de dire qu'est-ce qui les motive, qu'est-ce qu'ils attendent. de l'équipe éducative. Je ne sais pas si beaucoup d'équipes éducatives posent ces questions-là. Qu'est-ce que vous attendez de nous ? Et de savoir est-ce qu'on va pouvoir y répondre ou pas, mais que le contrat soit clair tout de suite. Et quelles sont vos peurs ? Parce que comme je donne des formations aussi bien traitantes, mais aussi sur vie intime, affective et sexuelle, il y a aussi beaucoup de tabous et beaucoup de peurs à cet endroit-là. Et c'est bien d'être au clair au moins les uns avec les autres sur... Il peut y avoir des peurs communes. Moi j'ai vu des éducateurs beaucoup plus apeuré que certaines familles. Un tel demande à partir à la salle de sport à pied, il ne manquerait plus que ça, il va se faire écraser. Belle prédiction. Ou de dire non, non, non, il ne faut pas que ça se fasse comme ça, ne te rends pas compte, mais tu as peur de quoi ? Je n'ai peur de rien, je dis ça comme ça, mais non, en fait, il y a des peurs. C'est encore une fois le paradoxe entre le devoir de protection qu'on doit aux personnes qu'on accompagne et la liberté. d'être soi, d'aller et venir. Voilà, c'est encore un paradoxe.
- Speaker #1
Il y a assez récemment, j'ai pu assister à un colloque sur ce sujet-là. Et dans la salle, il y avait Mélanie Gauthier, que tu connais peut-être, qui est formatrice aussi à l'autodétermination et qui est québécoise d'origine, mais qui vit en France depuis très longtemps. Et elle dit, mais est-ce qu'on pourrait, à la rigueur, ne plus prendre cette question-là du risque ? par le risque, parce que c'est un côté quand même effectivement négatif, où on voit tout de suite ce qui pourrait ne pas fonctionner, mais est-ce qu'on pourrait plutôt parler de la chance ? Quelle chance on donne finalement quand on veut travailler tel ou tel sujet ? Donner la chance à la personne d'essayer de faire quelque chose, et que plutôt que de le prendre du côté du risque, est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt le prendre du côté de la chance ? Comment ça te parle ça ? Si à un moment donné, on essayait aussi de renverser un petit peu cette vision-là des choses du risque et de dire mais quelle chance on donne à la personne finalement de réaliser ce qu'elle demande ou d'essayer ou de tenter des choses. Parce que souvent, elle disait en formation, quand je le prends comme ça en fait... peut-être que quand on le prend par la chance, elle peut arriver à faire ça, ça va lui apporter ceci, cela, elle va développer telle compétence. Et donc du coup, ça renverse aussi un petit peu les peurs.
- Speaker #2
Ça les renverse ou ça les fait taire. Je pense que les peurs, elles sont là de toute façon. Je suis pour, évidemment, dès l'instant où on met, où on va dire qu'on fait les choses avec plaisir, avec motivation. Qu'est-ce qu'on va y gagner ? C'est vraiment un discours qui est très positif, qui encourage et qui motive. La question du risque, moi j'aime bien qu'elle reste quand même. Parce que quand on parle du risque dans l'accompagnement, Mathias est à la ferme de Kierry Lamotte, on a déjà évoqué certains risques. Ça me rassure, moi, de voir que les professionnels savent envisager le risque. Les familles n'envisagent pas tous les risques. Quand on fait dormir quelqu'un quelque part, il doit y avoir des protections incendies, il doit y avoir des extincteurs qui doivent être mis aux normes, il doit y avoir des exercices qui sont faits. C'est pas pour affoler, ça veut pas dire qu'il y aura le feu, mais néanmoins, ça veut dire qu'on donne toutes les chances, s'il y a le feu un jour, de pouvoir savoir quoi faire à ce moment-là. L'un et l'autre... peuvent cohabiter, je pense que ça peut cohabiter. On n'est pas obligé d'occulter toujours ce qui peut faire peur non plus. ANPE est devenu Pôle emploi, est devenu France Travail. Il y a un discours aussi qui dit qu'à chaque fois qu'on enlève un mot négatif, il finit par disparaître. Il y a quelque chose de la négation de ce qui peut faire peur, la négation de ce qui peut ne pas être bien, la négation de... Non, il y a des combats qui restent à mener. On ne peut pas toujours camoufler avec des mots positifs. Le livre 1984 parle aussi beaucoup d'un langage où c'est le ministère de la paix. En fait, c'est pour faire la guerre. Il ne faut pas camoufler non plus. Il y a des mots qui servent. Il faut s'en servir.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qu'on pourrait dire aux familles qui auraient peur d'aborder ce sujet-là de l'autodétermination dans un service ou un établissement où c'est finalement peu abordé ? Est-ce que ça, ça arrive aussi ? Moi, j'ai pu rencontrer des familles aussi qui m'ont dit, mais j'aime beaucoup le concept, j'aime beaucoup ce que vous me dites, mais concrètement, comment je peux faire passer ce message-là dans l'établissement où est mon fils ? Qu'est-ce qu'on pourrait leur donner comme conseil ?
- Speaker #2
Alors si ce sont des familles qui ont un rôle de famille, déjà pour faire porter sa voix, il y a des instances. Donc on peut se présenter au CVS pour être élu au CVS. On peut, s'il y a un conseil d'administration, demander à en faire partie et puis d'amener sa pierre à l'édifice. Et si on veut rester parent, seulement parent, ce qui est légitime aussi, c'est d'interroger les équipes éducatives à son petit niveau, de pouvoir dire... Comment vous favorisez la communication avec mon fils ? Quels outils vous avez déployés ? Comment vous arrivez à recueillir ses choix ? Parce que nous on le connaît à la maison, on sait comment faire, mais vous, est-ce que vous savez comment faire ? En posant des questions comme ça, sans mettre forcément le concept autodétermination au cœur de la table, parce qu'il va finir par se galvauder, mais les questions qu'on peut poser peuvent venir éclairer quand même la situation particulière d'un fils ou d'une fille.
- Speaker #1
Merci beaucoup Sandrina.
- Speaker #2
Merci François.
- Speaker #1
Bravo. Au plaisir.
- Speaker #0
Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.