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Bande de flippés

Agathe - J'ai peur d'être remplacée par l'IA

Agathe - J'ai peur d'être remplacée par l'IA

23min |22/04/2025
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Agathe - J'ai peur d'être remplacée par l'IA

Agathe - J'ai peur d'être remplacée par l'IA

23min |22/04/2025
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Description

Dans cet épisode nous recevons Agathe Collinet.


Diplômée en droit et en RH, elle a commencé sa carrière en recrutement à Londres en cabinet il y a 8 ans. Aujourd’hui elle met en relations talents IT et entreprises grâce à son propre cabinet, My Talent Expert, et pourtant… flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Intro/Outro

    Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs DRH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autre CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil... Dans cet épisode, nous recevons Agathe Collinet. Formée au droit et sportive de haut niveau, elle se tourne rapidement vers le recrutement d'abord chez Nigel Frank International puis à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. Aujourd'hui dirigeante de My Talent Expert et pourtant... flippée.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Bonjour Agathe.

  • Agathe Collinet

    Bonjour Bernard.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Quelle est ta peur ?

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Et d'où te vient cette peur ?

  • Agathe Collinet

    Cette peur me vient quand même des derniers mois, vu qu'il se passe énormément de choses dans l'intelligence artificielle, et que parfois d'une semaine à l'autre on est dans des... Les avancements sont dans des progressions très importantes. C'est dur de rester un petit peu au courant. Impossible de prédire l'avenir. Du coup, cette peur est née.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Finalement, l'avenir n'a jamais été souvent prédictible. Donc, qu'est-ce qui, selon toi, change avec, comme tu l'évoquais, toutes ces avancées liées à l'IA ?

  • Agathe Collinet

    Parce qu'en tant qu'être humain, on aime bien se rassurer avec une certaine conception du monde, des schémas, des façons de fonctionner. Et par exemple, on estime qu'il y aurait 18% des postes qui pourraient être amenés à disparaître. Mais on ne sait pas encore vraiment comment ça serait remplacé aussi, parce que pour l'instant on voit l'IA comme un outil à côté, et pas forcément comme un paradigme qui va venir vraiment tout changer. Donc je pense que c'est la peur de l'incertitude, comme on peut avoir en tant qu'être humain sur d'autres choses aussi, qui crée à la fois une excitation, mais aussi une angoisse parce qu'on perd un peu le contrôle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La quintessence même du recruteur, c'est le contact humain. A priori, imaginons que demain on passe un entretien avec une IA, il y a peut-être des choses qui vont échapper à cette IA. Donc finalement, le métier de recruteur n'est peut-être pas tant en danger que ça ?

  • Agathe Collinet

    Alors j'aimerais dire oui, pour me rassurer. Et je pense qu'aujourd'hui, oui. Sauf qu'en fait, avec l'intelligence artificielle, dans 72 heures, on ne sait pas aussi ce qui va sortir. Il y a quelques jours, il y a un nouvel avatar IA qui est sorti aussi, qui est très ressemblant. Il y a des gens qui tombent amoureux d'avatars et d'IA en ce moment également. Donc il y aura des changements de la machine, mais des changements aussi de l'humain par rapport à son rapport à la machine, qui est quand même assez rapide. Et l'IA finalement peut être humain, et entre un recruteur pas très humain et une IA très humaine, finalement, qui sera le plus humain demain ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ça oblige sûrement les recruteurs à se remettre en question. Surtout à remettre effectivement sur l'établi le travail précis du recruteur qui consiste à évaluer non pas seulement ce que sait faire une personne à l'instant T, mais ses capacités d'apprentissage. D'où la question : est-ce que l'IA, selon toi, serait vraiment en mesure d'aller jusque là ?

  • Agathe Collinet

    Oui, je pense même que l'IA pourra aller bien plus loin que ce que peut faire un humain sur un 35 heures avec beaucoup de missions, beaucoup de responsabilités différentes, sur le fait qu'aussi on peut être faillible en fonction de sa fatigue, en fonction de ses biais, l'IA telle qu'elle peut être demain. Aujourd'hui on est sur une IA un peu outil, qui est parfois auto-nourri aussi, où il n'y a pas des données neuves ou de qualités qui l'alimentent. Mais si on part d'un principe où l'IA accélère tellement vite, qu'elle va quand même aussi d'une certaine façon pouvoir devenir perfectible, j'y vois moins de risques peut-être d'erreurs d'évaluation ou d'analyse.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors peut-être que le biais que l'on a, c'est justement ces biais cognitifs qui sont propres au métier de recruteur, c'est d'évaluer un autre être humain. Le leurre aujourd'hui autour du discours du l'IA, ce serait de dire que parce que c'est une IA, il n'y a plus de biais. Alors que finalement on sait très bien que les biais sont induits par le jeu de données sur lesquelles l'IA est entraînée. Donc c'est peut-être un équilibrage à faire entre ce que sait le recruteur par rapport à ses propres biais et ce qu'une IA va déduire d'un jeu de données dont on sait qu'il est toujours perfectible.

  • Agathe Collinet

    Et il faudra bien quelqu'un de toute façon qui l'utilise aussi. Après, aujourd'hui, on le voit beaucoup comme un rapport de base de données. Demain, ça peut être aussi finalement une sorte de recruteur internalisé qui va échanger avec les managers, avec les RH, qui obtient des informations bien plus complètes, bien plus approfondies, qui par l'analyse en plus de la data, de l'analytics qui est poussé et qui sera mixé à son analyse, peut être aussi amené à détecter des choses d'un point de vue RH, indépendamment que du recrutement, sur lequel même le CEO n'aurait pas autant d'informations ou de vision.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors quand on dit recruteur, posons-nous déjà la question, sur quel pan de métier tu vois l'IA augmenter le recruteur ou le remplacer complètement ?

  • Agathe Collinet

    Alors aujourd'hui déjà sur le sourcing, l'IA vient quand même changer la donne énormément et je pense qu'il n'y aura plus de sourcing classique, à moins de... enfin non, ça sera quand même très compliqué de rivaliser avec les personnes qui l'auront mis aussi en place. D'ailleurs, des petits acteurs viennent totalement challenger aussi des gros acteurs du recrutement ou des gros cabinets par cette approche aussi un peu plus innovante et cette adoption aussi de l'intelligence artificielle. Mais le sourcing déjà, on peut dire que tel qu'on l'a connu il y a encore quelques mois, est déjà obsolète. Sur cette partie-la, qui est une partie très technique, qui demande beaucoup de rigueur, du multisource, être capable de gérer de l'inbound, de l'outbound, de faire des retours à toutes les candidatures, d'être structuré, c'est une complexité quand même assez importante. Aujourd'hui, on a la solution aussi au niveau de l'IA. Après, tout ce qui est accompagnement, c'est-à-dire distanciel, envoi des emails, feedback dématérialisé, etc., pour ce qui est levier émotionnel, dans un poste aussi, parce que les êtres humains sont plus émotionnels que rationnels et en général, leurs décisions sont prises comme ça, on se demande s'il ne faudra toujours pas un humain quand même pour aussi finalement influencer la personne, lui donner envie de rejoindre un projet plutôt qu'un autre. Mais encore une fois, je pense que c'est en pensant à l'IA telle qu'elle est aujourd'hui, et ça se trouve dans cinq semaines, il y a quelque chose, un outil révolutionnaire qui sort, qu'on n'a pas pu prédire ou penser, et qui vient peut-être se substituer à un humain sur cette partie-là.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Donc sur la partie sourcing, ok. Sur la partie évaluation, tu dis qu'en fait il est possible qu'une IA soit, on va dire, compétitive avec un humain aujourd'hui. Sur le métier de recruteur, il consiste aussi à accompagner la personne qui va intégrer un nouveau poste. Sur cette partie accompagnement, est-ce que tu penses qu'une IA pourrait faire aussi le travail ?

  • Agathe Collinet

    Alors l'IA viendra déjà augmenter en fonction de comment l'adopte le RH sur ces fonctions-là, parce qu'en fait il y a plein de choses sur lesquelles on peut passer à côté dans une intégration par exemple. Mais en fait l'analyse, la donnée, permet aussi au-delà de l'affectif peut-être ou de la relation constuite avec la personne, voir aussi le factuel, le succès de ses missions, etc. Et après, sur le coaching, peut-être aussi c'est ça, l'évolution de carrière, l'accompagnement ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Oui, exactement.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est sûr qu'en fait, souvent, c'est un sujet aussi de confiance. En fait, on a besoin de quelqu'un qui nous mette en confiance, qui nous aide à nous poser les bonnes questions. Et c'est ça qui nous permet aussi de nous orienter individuellement en fonction de ce qu'on a vraiment dans le cœur et pas juste des fiches de poste et une trajectoire, on va dire linéaire. Mais encore une fois, je pense que quand on a une machine en face de nous qui a connaissance de toutes les passerelles d'évolution possibles, qui peut recenser un peu toutes les personnes qui ont atteint ce type de poste, quel a été finalement leur parcours. Produire aussi des analyses très poussées au niveau de ça, ça aide aussi dans le conseil et dans le pilotage de sa carrière. Mais je pense que les gens aujourd'hui ont besoin de ce côté relationnel. On voit que la solitude digitale augmente énormément. Il y a des gens qui tombent amoureux d'une IA, donc un coach IA qui apporte des solutions à mon problème, est-ce que finalement si en plus c'est plus agile et moins cher, je n'aurais pas intérêt à faire appel à lui plutôt qu'à un humain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La question du coût se posera très probablement, parce qu'aujourd'hui, toutes les big tech nous disent qu'ils perdent de l'argent, même s'ils continuent à investir des milliards. Il y aura probablement un rééquilibrage à un moment donné. En revanche, ce que tu évoques sur le côté humain, paradoxal, mais d'accompagnement, etc., on le voit aujourd'hui. Tu as raison, il y a un certain nombre de gens qui utilisent un chat GPT, un Claude, etc., comme soutien psychologique. Néanmoins, ne crois-tu pas que le métier du recruteur, il est justement de mettre à disposition des candidats, des collaborateurs qui l'accompagnent, son empathie vis-à-vis d'un collaborateur qui, à un moment donné, se trouve un peu perdu dans son parcours professionnel ?

  • Agathe Collinet

    Après, il y a toujours des relais humains dans l'organisation, mais l'empathie aujourd'hui on ne peut pas la recevoir avec ChatGPT vraiment. D'ailleurs, quand tu poses des questions, j'ai déjà fait des tests un peu à ChatGPT pour voir un peu, dans une situation désespérée, qu'est-ce qu'il allait conseiller à quelqu'un. Parce que si pragmatiquement, effectivement, pour mettre fin à tes souffrances, par exemple, on te conseille de mettre fin à tes jours...

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est arrivé. Avec ChatGPT, c'est arrivé.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est pragmatique, mais effectivement, ce n'est pas forcément la solution. J'ai fait pas mal de petits tests comme ça pour voir aussi si ça pouvait être un bon conseiller et si les psys avaient aussi du souci à se faire. Enfin, regarder un peu sur ces choses qui sont très liées à l'intime aussi, et puis c'est toujours différent quand on est sur de la science dure et des sciences sociales aussi, des neurosciences. Mais si demain on a des modèles très performants et qui arrivent à lire, sonder, parce que finalement quand on ressent l'émotion, on la ressent comment ? C'est des signes qu'on voit des gens, ce qu'ils nous disent, ce qu'on interprète. C'est pas divin l'empathie. C'est finalement un ressenti que quelqu'un nous fait, nous transmet, mais par des signaux extérieurs. Donc pourquoi une machine ne pourrait pas être à la hauteur ? Encore une fois, c'est parce qu'il y a des carences côté humain. On voit que côté RH, aujourd'hui, peu de collaborateurs sont beaucoup suivis. Parfois, il y a un manque d'écoute aussi, parce qu'il y a un manque de temps et de disponibilité. Donc finalement, si la solution pour plus d'accompagnement, de proximité avec les collaborateurs, de rationalisation et de professionnalisation de la fonction RH, ce qu'on essaye de faire depuis dix ans, peut-être que la solution c'est l'intelligence artificielle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que l'intelligence artificielle est peut-être en mesure de tenir la promesse que la numérisation nous avait promis il y a déjà plus de dix ans, c'est-à-dire la personnalisation du parcours collaborateur. Grâce à cette capacité de traitement de données, on va peut-être pouvoir enfin avoir des vraies formations personnalisées, avoir des vrais parcours personnalisés, mais là-dedans, ça reste quand même... Même si statistiquement, telle ou telle personne est susceptible d'accepter ce type de formation pour accéder à tel type de poste, le facteur humain, lui, il est toujours là, aussi bien côté collaborateur que côté recruteur.

  • Agathe Collinet

    Oui bien sûr, parce qu'aujourd'hui l'IA est un outil à côté. Mais demain, si on est sur un nouveau paradigme du futur du travail, moi je ne peux même pas te répondre, mais j'aimerais bien. Mais probablement qu'on ne sera peut-être pas aussi utile que ça, parce qu'en fait, c'est aussi dur d'avoir des personnes qui sont excellentes de A à Z dans des jobs qui sont aussi exigeants humainement, également.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors, est-ce que l'intelligence artificielle pourrait justement permettre à des recruteurs ou à tout type de travail qui sont aujourd'hui moyennement performants, de devenir sur-performants ? On parle de l'humain augmenté grâce à l'IA en quelque sorte.

  • Agathe Collinet

    Et qu'est-ce que tu entendrais par "performant" ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Dans leur métier, dans le cadre des missions qu'ils ont à accomplir. Prenons un recruteur qui a 50-80 recrutements à faire sur une année, qui y arrive péniblement et qui demain grâce à l'IA y arrive haut la main.

  • Agathe Collinet

    Oui, oui. Alors ça c'est un plus. Ma peur aussi par rapport à ça, il y a une peur aussi qui est annexe, c'est quel sera notre rapport au travail, quel sens on trouvera dans un travail qui est facile, qui est automatisé ? Aujourd'hui, quand on recrute, on est fiers de nous, parce qu'on sait qu'il y a une certaine complexité, une certaine compétitivité, que tout n'est pas assez rationalisé aussi. Demain, si on recrute en un claquement de doigts est-ce qu'on sera vraiment fiers, par exemple, d'avoir fait son recrutement sur une année ? Ça, ça ouvre aussi notre crainte sur comment les personnes vont construire leur rapport aussi au travail par rapport à ça. Et pour répondre à ta question, c'est pareil pour toute brique technologique. Finalement, un recruteur qui va recruter son profil avec un Excel ou un recruteur qui va recruter avec le meilleur ATS, de l'automatisation, même sans l'IA aujourd'hui, il y a déjà une différence qui est énorme. Mais effectivement, ça dépendra aussi de la maturité de l'entreprise. Moi j'étais assez étonnée, je ne pensais pas que les grands groupes étaient aussi engagés, aussi conscients de la révolution qui se passait. J'étais invitée par la DRH de la BNP à un petit déjeuner avec d'autres experts RH et recrutement où ils nous expliquaient qu'ils sont dans un grand mouvement d'acculturation de tous leurs métiers à l'intelligence artificielle. Et voilà, ça va dans le sens des questions qu'on se pose où tout ça va nous mener demain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai qu'il y a un engouement, il y a... Ça va très très vite en fait, c'est là où c'est effectivement difficile de se positionner. Tu l'évoquais, toutes les semaines ou presque il y a des annonces d'avancées technologiques toutes plus formidables les unes que les autres. Ça reste pour l'instant essentiellement des effets d'annonce. On ne voit rien concrètement dans les métiers RH. En tout cas, ça peine à poindre. Donc la question, c'est plutôt... Tu l'évoquais juste avant, mais le risque est peut-être plus celui d'une rupture technologique entre les entreprises qui pourront s'offrir ou se payer les IA les plus abouties et celles qui n'auront pas la capacité d'investir dedans.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est certain. Et puis, des cultures et des métiers aussi pour lesquels la prise en main de l'IA est plus facile. Et là, quand on parle de la population RH et recrutement aussi, ce n'est pas des personnes qui sont forcément très technophiles par rapport à des personnes dans la finance qui ont toujours eu les mains dans des outils de reporting, des personnes dans le marketing. Donc, c'est ça aussi qui fait que peut-être aujourd'hui, nous, autour de nous, on n'en voit pas tant que ça, alors que dans certains métiers, dans certains secteurs, c'est déjà omniprésent, la conception vidéo, l'image, etc. Et du coup pour les RH, aujourd'hui certes, sauf qu'en fait, là à chaque nouvel effet d'annonce, ce qu'il y a derrière en réalité, c'est aussi des barrières technologiques qui tombent. C'est-à-dire qu'avant, pour développer un SaaS hyper performant, il fallait lever des millions, recruter des dizaines et des dizaines de développeurs. Après, il y a eu le no-code qui est arrivé. Aujourd'hui, il y a des choses que j'arrive à faire alors que franchement, je pars de très loin. Et en fait, les barrières tombent. Plus le niveau technologique et l'accessibilité sera bas, plus les métiers aussi, qui ne sont pas des métiers forcément avec une forte appétence technique, ou aussi au niveau des générations, il y a différentes générations et plus ou moins proches de la machine, plus on ira vers une propagation globale aussi de l'intelligence artificielle. Et toi, ça ne te fait pas peur ? Tu penses que finalement c'est plus des effets d'annonce, un peu une mode d'intelligence artificielle ? Ou tu le vois vraiment comme une révolution qui peut changer tout ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors je suis partagé et certain que c'est une évolution technologique de rupture qui va profondément modifier le monde de manière générale, parce qu'on voit bien que quand on parle d'intelligence artificielle, en fait ça touche à la fois à l'économie, à la sociologie, à l'individu même. Donc ça touche absolument tous les pans de la société et la société avec un grand S. En revanche je suis effectivement plutôt dubitatif face aux effets d'annonce. On est face à une sorte d'inondation d'informations sur ce sujet de propagation de tous ces événements les uns derrière les autres qui sont orchestrés par toute la big tech américaine et on s'y met aussi en France, on suit le mouvement tranquillement. Il y a, on le voit avec la Chine, des conséquences géopolitiques et des guerres géopolitiques dont on est simplement les témoins. Donc je suis partagé, je suis technosolutionniste et technophobe en même temps. C'est-à-dire que je m'en sers beaucoup, mais en même temps je pense qu'il faut qu'on ait en tête qu'il va falloir impérativement cultiver notre esprit critique vis-à-vis de tous ces effets d'annonce, vis-à-vis de tous ces outils. Sans compter que si on y fait un petit peu attention, l'impact climatique est absolument désastreux. Donc un usage modéré de tous ces outils me paraît le plus approprié.

  • Agathe Collinet

    Tu me rassures.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que le discours ambiant c'est qu'on ne peut pas arrêter le train qui est en marche parce qu'il va trop vite et il est déjà parti trop loin. C'est probablement le cas. En revanche, je pense que dans tous les métiers qui seront transformés, y compris ceux qui disparaîtront, tu as raison. Il y a ceux qui vont résister. Ce n'est pas la bonne méthode. Il faut surtout s'adapter et adopter les IA dans le cadre de son métier. C'est là où ça va être le plus difficile, parce que si on compare avec la révolution industrielle, ça a mis 30 ans pour s'installer. Les cols bleus en ont souffert, mais ça a mis 30 ans. Et quand on regarde l'Allemagne, notre voisin, qui jusqu'à il y a... pas si longtemps que ça, n'a pas désindustrialisé son parc économique, eh bien il y a plus de salariés dans l'industrie aujourd'hui qu'il y en avait il y a 30 ans. En France, il y a beaucoup moins d'industries, mais parce qu'on a délocalisé. Donc ce n'est pas le même problème. Donc l'idée est peut-être de voir si, avec l'intelligence artificielle, on n'aura finalement pas plus de salariés dans certains secteurs d'activité qu'il y en a aujourd'hui, grâce ou à cause de l'intelligence artificielle. Et là où le métier de recruteur peut, à mon sens, prendre tout son sens et reprendre de sa valeur, c'est justement sur l'évaluation humaine des compétences, même si, on parlait d'empathie tout à l'heure, il y aura sûrement des intelligences artificielles qui seront développées pour être extrêmement empathiques, mais elles le seront sur des biais, par exemple, occidentaux. Et l'empathie, en fonction des cultures et des régions du monde, ne se traduit pas de la même façon.

  • Agathe Collinet

    Ce rôle de coach, en fait, finalement.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    De coach individuel, individualisé, que jusqu'à un certain point l'intelligence artificielle pourra mettre en place, mais il faudra forcément un relais. Un relais humain, parce qu'on peut faire des enquêtes de satisfaction en interne auprès des salariés pour savoir s'ils sont bien dans leur peau, si tout va bien dans leur travail, mais une vraie discussion autour d'un café avec un manager ou avec un RH, ça a une autre valeur.

  • Agathe Collinet

    Créer des vrais moments aussi d'humanité et de contact avec ce qu'on soulignait : l'isolement forcé, le télétravail, le besoin aussi qu'on se connecte d'autant plus avec cette machination autour de nous pour créer des vrais moments aussi de partage, d'émotion, indépendamment juste de la performance et en fait de notre production.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Voilà, il faut se méfier de l'illusion technologique. On le voit bien dans les entreprises, quand on met un nouveau système, que ce soit un nouvel ATS, une nouvelle messagerie interne, le taux d'utilisation en général, il n'est pas fou. Quand on est à 50%, on saute sur la table tellement c'est bien. Donc il faut se méfier de cette fusion technologique avec l'IA aussi, parce que, encore une fois, il y en a qui sont forcément réfractaires par principe, d'autres qui le seront parce qu'ils n'auront pas la capacité d'appréhender toutes ces nouvelles technologies, et c'est là où les RH, justement, auront leur rôle d'accompagnement de toutes les populations d'entreprises à cette transformation.

  • Agathe Collinet

    Bon, j'ai moins peur maintenant.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ah, ça me rassure ! Moi aussi. Par rapport à tout ce qu'on vient d'évoquer et la difficulté d'appréhender le futur, de faire de la "futurologie", est-ce qu'à l'instant T, toi, tu as un ou plusieurs conseils à donner aux RH qui nous écoutent ?

  • Agathe Collinet

    Un conseil : si on a peur de l'IA, c'est d'affronter sa peur, de le confronter le feu par le feu et d'essayer de se tenir un petit peu au courant. Et plutôt que de voir peut-être les risques, d'essayer de détecter aujourd'hui quelles sont mes opportunités avec l'IA. Je suis RH, dans mes tâches en quoi l'IA aujourd'hui peut-être peut me faciliter la vie et me permettre d'allouer mon temps sur des missions qui me plaisent davantage ou sur lesquelles j'ai davantage de valeur ajoutée. Donc c'est se former, s'informer, essayer de détecter de l'opportunité dans ces changements pour soi et de rester optimiste, de ne pas faire l'autruche ou de ne pas le rejeter totalement parce que le risque c'est que ça se retourne contre vous par la suite. Et toi ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Je ne vais pas être original, mais je vais faire comme toi, en rajoutant d'avoir toujours à l'esprit qu'il faut avoir un regard particulièrement critique sur tout ce qui nous est dit, sans faire de paranoïa, simplement avoir conscience qu'il y a des sommes absolument colossales qui sont en jeu et que les apôtres de l'intelligence artificielle travaillent pour eux d'abord. Et quand on nous dit qu'on va mettre en place le revenu universel, par exemple, parce qu'on n'aura plus besoin de travailler, soyons très clairs : le revenu universel, c'est pour vous et pour moi, mais ce n'est pas pour les patrons de ces boîtes-là.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par L'Étincelle RH, en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

Description

Dans cet épisode nous recevons Agathe Collinet.


Diplômée en droit et en RH, elle a commencé sa carrière en recrutement à Londres en cabinet il y a 8 ans. Aujourd’hui elle met en relations talents IT et entreprises grâce à son propre cabinet, My Talent Expert, et pourtant… flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Intro/Outro

    Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs DRH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autre CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil... Dans cet épisode, nous recevons Agathe Collinet. Formée au droit et sportive de haut niveau, elle se tourne rapidement vers le recrutement d'abord chez Nigel Frank International puis à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. Aujourd'hui dirigeante de My Talent Expert et pourtant... flippée.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Bonjour Agathe.

  • Agathe Collinet

    Bonjour Bernard.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Quelle est ta peur ?

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Et d'où te vient cette peur ?

  • Agathe Collinet

    Cette peur me vient quand même des derniers mois, vu qu'il se passe énormément de choses dans l'intelligence artificielle, et que parfois d'une semaine à l'autre on est dans des... Les avancements sont dans des progressions très importantes. C'est dur de rester un petit peu au courant. Impossible de prédire l'avenir. Du coup, cette peur est née.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Finalement, l'avenir n'a jamais été souvent prédictible. Donc, qu'est-ce qui, selon toi, change avec, comme tu l'évoquais, toutes ces avancées liées à l'IA ?

  • Agathe Collinet

    Parce qu'en tant qu'être humain, on aime bien se rassurer avec une certaine conception du monde, des schémas, des façons de fonctionner. Et par exemple, on estime qu'il y aurait 18% des postes qui pourraient être amenés à disparaître. Mais on ne sait pas encore vraiment comment ça serait remplacé aussi, parce que pour l'instant on voit l'IA comme un outil à côté, et pas forcément comme un paradigme qui va venir vraiment tout changer. Donc je pense que c'est la peur de l'incertitude, comme on peut avoir en tant qu'être humain sur d'autres choses aussi, qui crée à la fois une excitation, mais aussi une angoisse parce qu'on perd un peu le contrôle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La quintessence même du recruteur, c'est le contact humain. A priori, imaginons que demain on passe un entretien avec une IA, il y a peut-être des choses qui vont échapper à cette IA. Donc finalement, le métier de recruteur n'est peut-être pas tant en danger que ça ?

  • Agathe Collinet

    Alors j'aimerais dire oui, pour me rassurer. Et je pense qu'aujourd'hui, oui. Sauf qu'en fait, avec l'intelligence artificielle, dans 72 heures, on ne sait pas aussi ce qui va sortir. Il y a quelques jours, il y a un nouvel avatar IA qui est sorti aussi, qui est très ressemblant. Il y a des gens qui tombent amoureux d'avatars et d'IA en ce moment également. Donc il y aura des changements de la machine, mais des changements aussi de l'humain par rapport à son rapport à la machine, qui est quand même assez rapide. Et l'IA finalement peut être humain, et entre un recruteur pas très humain et une IA très humaine, finalement, qui sera le plus humain demain ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ça oblige sûrement les recruteurs à se remettre en question. Surtout à remettre effectivement sur l'établi le travail précis du recruteur qui consiste à évaluer non pas seulement ce que sait faire une personne à l'instant T, mais ses capacités d'apprentissage. D'où la question : est-ce que l'IA, selon toi, serait vraiment en mesure d'aller jusque là ?

  • Agathe Collinet

    Oui, je pense même que l'IA pourra aller bien plus loin que ce que peut faire un humain sur un 35 heures avec beaucoup de missions, beaucoup de responsabilités différentes, sur le fait qu'aussi on peut être faillible en fonction de sa fatigue, en fonction de ses biais, l'IA telle qu'elle peut être demain. Aujourd'hui on est sur une IA un peu outil, qui est parfois auto-nourri aussi, où il n'y a pas des données neuves ou de qualités qui l'alimentent. Mais si on part d'un principe où l'IA accélère tellement vite, qu'elle va quand même aussi d'une certaine façon pouvoir devenir perfectible, j'y vois moins de risques peut-être d'erreurs d'évaluation ou d'analyse.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors peut-être que le biais que l'on a, c'est justement ces biais cognitifs qui sont propres au métier de recruteur, c'est d'évaluer un autre être humain. Le leurre aujourd'hui autour du discours du l'IA, ce serait de dire que parce que c'est une IA, il n'y a plus de biais. Alors que finalement on sait très bien que les biais sont induits par le jeu de données sur lesquelles l'IA est entraînée. Donc c'est peut-être un équilibrage à faire entre ce que sait le recruteur par rapport à ses propres biais et ce qu'une IA va déduire d'un jeu de données dont on sait qu'il est toujours perfectible.

  • Agathe Collinet

    Et il faudra bien quelqu'un de toute façon qui l'utilise aussi. Après, aujourd'hui, on le voit beaucoup comme un rapport de base de données. Demain, ça peut être aussi finalement une sorte de recruteur internalisé qui va échanger avec les managers, avec les RH, qui obtient des informations bien plus complètes, bien plus approfondies, qui par l'analyse en plus de la data, de l'analytics qui est poussé et qui sera mixé à son analyse, peut être aussi amené à détecter des choses d'un point de vue RH, indépendamment que du recrutement, sur lequel même le CEO n'aurait pas autant d'informations ou de vision.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors quand on dit recruteur, posons-nous déjà la question, sur quel pan de métier tu vois l'IA augmenter le recruteur ou le remplacer complètement ?

  • Agathe Collinet

    Alors aujourd'hui déjà sur le sourcing, l'IA vient quand même changer la donne énormément et je pense qu'il n'y aura plus de sourcing classique, à moins de... enfin non, ça sera quand même très compliqué de rivaliser avec les personnes qui l'auront mis aussi en place. D'ailleurs, des petits acteurs viennent totalement challenger aussi des gros acteurs du recrutement ou des gros cabinets par cette approche aussi un peu plus innovante et cette adoption aussi de l'intelligence artificielle. Mais le sourcing déjà, on peut dire que tel qu'on l'a connu il y a encore quelques mois, est déjà obsolète. Sur cette partie-la, qui est une partie très technique, qui demande beaucoup de rigueur, du multisource, être capable de gérer de l'inbound, de l'outbound, de faire des retours à toutes les candidatures, d'être structuré, c'est une complexité quand même assez importante. Aujourd'hui, on a la solution aussi au niveau de l'IA. Après, tout ce qui est accompagnement, c'est-à-dire distanciel, envoi des emails, feedback dématérialisé, etc., pour ce qui est levier émotionnel, dans un poste aussi, parce que les êtres humains sont plus émotionnels que rationnels et en général, leurs décisions sont prises comme ça, on se demande s'il ne faudra toujours pas un humain quand même pour aussi finalement influencer la personne, lui donner envie de rejoindre un projet plutôt qu'un autre. Mais encore une fois, je pense que c'est en pensant à l'IA telle qu'elle est aujourd'hui, et ça se trouve dans cinq semaines, il y a quelque chose, un outil révolutionnaire qui sort, qu'on n'a pas pu prédire ou penser, et qui vient peut-être se substituer à un humain sur cette partie-là.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Donc sur la partie sourcing, ok. Sur la partie évaluation, tu dis qu'en fait il est possible qu'une IA soit, on va dire, compétitive avec un humain aujourd'hui. Sur le métier de recruteur, il consiste aussi à accompagner la personne qui va intégrer un nouveau poste. Sur cette partie accompagnement, est-ce que tu penses qu'une IA pourrait faire aussi le travail ?

  • Agathe Collinet

    Alors l'IA viendra déjà augmenter en fonction de comment l'adopte le RH sur ces fonctions-là, parce qu'en fait il y a plein de choses sur lesquelles on peut passer à côté dans une intégration par exemple. Mais en fait l'analyse, la donnée, permet aussi au-delà de l'affectif peut-être ou de la relation constuite avec la personne, voir aussi le factuel, le succès de ses missions, etc. Et après, sur le coaching, peut-être aussi c'est ça, l'évolution de carrière, l'accompagnement ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Oui, exactement.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est sûr qu'en fait, souvent, c'est un sujet aussi de confiance. En fait, on a besoin de quelqu'un qui nous mette en confiance, qui nous aide à nous poser les bonnes questions. Et c'est ça qui nous permet aussi de nous orienter individuellement en fonction de ce qu'on a vraiment dans le cœur et pas juste des fiches de poste et une trajectoire, on va dire linéaire. Mais encore une fois, je pense que quand on a une machine en face de nous qui a connaissance de toutes les passerelles d'évolution possibles, qui peut recenser un peu toutes les personnes qui ont atteint ce type de poste, quel a été finalement leur parcours. Produire aussi des analyses très poussées au niveau de ça, ça aide aussi dans le conseil et dans le pilotage de sa carrière. Mais je pense que les gens aujourd'hui ont besoin de ce côté relationnel. On voit que la solitude digitale augmente énormément. Il y a des gens qui tombent amoureux d'une IA, donc un coach IA qui apporte des solutions à mon problème, est-ce que finalement si en plus c'est plus agile et moins cher, je n'aurais pas intérêt à faire appel à lui plutôt qu'à un humain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La question du coût se posera très probablement, parce qu'aujourd'hui, toutes les big tech nous disent qu'ils perdent de l'argent, même s'ils continuent à investir des milliards. Il y aura probablement un rééquilibrage à un moment donné. En revanche, ce que tu évoques sur le côté humain, paradoxal, mais d'accompagnement, etc., on le voit aujourd'hui. Tu as raison, il y a un certain nombre de gens qui utilisent un chat GPT, un Claude, etc., comme soutien psychologique. Néanmoins, ne crois-tu pas que le métier du recruteur, il est justement de mettre à disposition des candidats, des collaborateurs qui l'accompagnent, son empathie vis-à-vis d'un collaborateur qui, à un moment donné, se trouve un peu perdu dans son parcours professionnel ?

  • Agathe Collinet

    Après, il y a toujours des relais humains dans l'organisation, mais l'empathie aujourd'hui on ne peut pas la recevoir avec ChatGPT vraiment. D'ailleurs, quand tu poses des questions, j'ai déjà fait des tests un peu à ChatGPT pour voir un peu, dans une situation désespérée, qu'est-ce qu'il allait conseiller à quelqu'un. Parce que si pragmatiquement, effectivement, pour mettre fin à tes souffrances, par exemple, on te conseille de mettre fin à tes jours...

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est arrivé. Avec ChatGPT, c'est arrivé.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est pragmatique, mais effectivement, ce n'est pas forcément la solution. J'ai fait pas mal de petits tests comme ça pour voir aussi si ça pouvait être un bon conseiller et si les psys avaient aussi du souci à se faire. Enfin, regarder un peu sur ces choses qui sont très liées à l'intime aussi, et puis c'est toujours différent quand on est sur de la science dure et des sciences sociales aussi, des neurosciences. Mais si demain on a des modèles très performants et qui arrivent à lire, sonder, parce que finalement quand on ressent l'émotion, on la ressent comment ? C'est des signes qu'on voit des gens, ce qu'ils nous disent, ce qu'on interprète. C'est pas divin l'empathie. C'est finalement un ressenti que quelqu'un nous fait, nous transmet, mais par des signaux extérieurs. Donc pourquoi une machine ne pourrait pas être à la hauteur ? Encore une fois, c'est parce qu'il y a des carences côté humain. On voit que côté RH, aujourd'hui, peu de collaborateurs sont beaucoup suivis. Parfois, il y a un manque d'écoute aussi, parce qu'il y a un manque de temps et de disponibilité. Donc finalement, si la solution pour plus d'accompagnement, de proximité avec les collaborateurs, de rationalisation et de professionnalisation de la fonction RH, ce qu'on essaye de faire depuis dix ans, peut-être que la solution c'est l'intelligence artificielle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que l'intelligence artificielle est peut-être en mesure de tenir la promesse que la numérisation nous avait promis il y a déjà plus de dix ans, c'est-à-dire la personnalisation du parcours collaborateur. Grâce à cette capacité de traitement de données, on va peut-être pouvoir enfin avoir des vraies formations personnalisées, avoir des vrais parcours personnalisés, mais là-dedans, ça reste quand même... Même si statistiquement, telle ou telle personne est susceptible d'accepter ce type de formation pour accéder à tel type de poste, le facteur humain, lui, il est toujours là, aussi bien côté collaborateur que côté recruteur.

  • Agathe Collinet

    Oui bien sûr, parce qu'aujourd'hui l'IA est un outil à côté. Mais demain, si on est sur un nouveau paradigme du futur du travail, moi je ne peux même pas te répondre, mais j'aimerais bien. Mais probablement qu'on ne sera peut-être pas aussi utile que ça, parce qu'en fait, c'est aussi dur d'avoir des personnes qui sont excellentes de A à Z dans des jobs qui sont aussi exigeants humainement, également.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors, est-ce que l'intelligence artificielle pourrait justement permettre à des recruteurs ou à tout type de travail qui sont aujourd'hui moyennement performants, de devenir sur-performants ? On parle de l'humain augmenté grâce à l'IA en quelque sorte.

  • Agathe Collinet

    Et qu'est-ce que tu entendrais par "performant" ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Dans leur métier, dans le cadre des missions qu'ils ont à accomplir. Prenons un recruteur qui a 50-80 recrutements à faire sur une année, qui y arrive péniblement et qui demain grâce à l'IA y arrive haut la main.

  • Agathe Collinet

    Oui, oui. Alors ça c'est un plus. Ma peur aussi par rapport à ça, il y a une peur aussi qui est annexe, c'est quel sera notre rapport au travail, quel sens on trouvera dans un travail qui est facile, qui est automatisé ? Aujourd'hui, quand on recrute, on est fiers de nous, parce qu'on sait qu'il y a une certaine complexité, une certaine compétitivité, que tout n'est pas assez rationalisé aussi. Demain, si on recrute en un claquement de doigts est-ce qu'on sera vraiment fiers, par exemple, d'avoir fait son recrutement sur une année ? Ça, ça ouvre aussi notre crainte sur comment les personnes vont construire leur rapport aussi au travail par rapport à ça. Et pour répondre à ta question, c'est pareil pour toute brique technologique. Finalement, un recruteur qui va recruter son profil avec un Excel ou un recruteur qui va recruter avec le meilleur ATS, de l'automatisation, même sans l'IA aujourd'hui, il y a déjà une différence qui est énorme. Mais effectivement, ça dépendra aussi de la maturité de l'entreprise. Moi j'étais assez étonnée, je ne pensais pas que les grands groupes étaient aussi engagés, aussi conscients de la révolution qui se passait. J'étais invitée par la DRH de la BNP à un petit déjeuner avec d'autres experts RH et recrutement où ils nous expliquaient qu'ils sont dans un grand mouvement d'acculturation de tous leurs métiers à l'intelligence artificielle. Et voilà, ça va dans le sens des questions qu'on se pose où tout ça va nous mener demain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai qu'il y a un engouement, il y a... Ça va très très vite en fait, c'est là où c'est effectivement difficile de se positionner. Tu l'évoquais, toutes les semaines ou presque il y a des annonces d'avancées technologiques toutes plus formidables les unes que les autres. Ça reste pour l'instant essentiellement des effets d'annonce. On ne voit rien concrètement dans les métiers RH. En tout cas, ça peine à poindre. Donc la question, c'est plutôt... Tu l'évoquais juste avant, mais le risque est peut-être plus celui d'une rupture technologique entre les entreprises qui pourront s'offrir ou se payer les IA les plus abouties et celles qui n'auront pas la capacité d'investir dedans.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est certain. Et puis, des cultures et des métiers aussi pour lesquels la prise en main de l'IA est plus facile. Et là, quand on parle de la population RH et recrutement aussi, ce n'est pas des personnes qui sont forcément très technophiles par rapport à des personnes dans la finance qui ont toujours eu les mains dans des outils de reporting, des personnes dans le marketing. Donc, c'est ça aussi qui fait que peut-être aujourd'hui, nous, autour de nous, on n'en voit pas tant que ça, alors que dans certains métiers, dans certains secteurs, c'est déjà omniprésent, la conception vidéo, l'image, etc. Et du coup pour les RH, aujourd'hui certes, sauf qu'en fait, là à chaque nouvel effet d'annonce, ce qu'il y a derrière en réalité, c'est aussi des barrières technologiques qui tombent. C'est-à-dire qu'avant, pour développer un SaaS hyper performant, il fallait lever des millions, recruter des dizaines et des dizaines de développeurs. Après, il y a eu le no-code qui est arrivé. Aujourd'hui, il y a des choses que j'arrive à faire alors que franchement, je pars de très loin. Et en fait, les barrières tombent. Plus le niveau technologique et l'accessibilité sera bas, plus les métiers aussi, qui ne sont pas des métiers forcément avec une forte appétence technique, ou aussi au niveau des générations, il y a différentes générations et plus ou moins proches de la machine, plus on ira vers une propagation globale aussi de l'intelligence artificielle. Et toi, ça ne te fait pas peur ? Tu penses que finalement c'est plus des effets d'annonce, un peu une mode d'intelligence artificielle ? Ou tu le vois vraiment comme une révolution qui peut changer tout ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors je suis partagé et certain que c'est une évolution technologique de rupture qui va profondément modifier le monde de manière générale, parce qu'on voit bien que quand on parle d'intelligence artificielle, en fait ça touche à la fois à l'économie, à la sociologie, à l'individu même. Donc ça touche absolument tous les pans de la société et la société avec un grand S. En revanche je suis effectivement plutôt dubitatif face aux effets d'annonce. On est face à une sorte d'inondation d'informations sur ce sujet de propagation de tous ces événements les uns derrière les autres qui sont orchestrés par toute la big tech américaine et on s'y met aussi en France, on suit le mouvement tranquillement. Il y a, on le voit avec la Chine, des conséquences géopolitiques et des guerres géopolitiques dont on est simplement les témoins. Donc je suis partagé, je suis technosolutionniste et technophobe en même temps. C'est-à-dire que je m'en sers beaucoup, mais en même temps je pense qu'il faut qu'on ait en tête qu'il va falloir impérativement cultiver notre esprit critique vis-à-vis de tous ces effets d'annonce, vis-à-vis de tous ces outils. Sans compter que si on y fait un petit peu attention, l'impact climatique est absolument désastreux. Donc un usage modéré de tous ces outils me paraît le plus approprié.

  • Agathe Collinet

    Tu me rassures.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que le discours ambiant c'est qu'on ne peut pas arrêter le train qui est en marche parce qu'il va trop vite et il est déjà parti trop loin. C'est probablement le cas. En revanche, je pense que dans tous les métiers qui seront transformés, y compris ceux qui disparaîtront, tu as raison. Il y a ceux qui vont résister. Ce n'est pas la bonne méthode. Il faut surtout s'adapter et adopter les IA dans le cadre de son métier. C'est là où ça va être le plus difficile, parce que si on compare avec la révolution industrielle, ça a mis 30 ans pour s'installer. Les cols bleus en ont souffert, mais ça a mis 30 ans. Et quand on regarde l'Allemagne, notre voisin, qui jusqu'à il y a... pas si longtemps que ça, n'a pas désindustrialisé son parc économique, eh bien il y a plus de salariés dans l'industrie aujourd'hui qu'il y en avait il y a 30 ans. En France, il y a beaucoup moins d'industries, mais parce qu'on a délocalisé. Donc ce n'est pas le même problème. Donc l'idée est peut-être de voir si, avec l'intelligence artificielle, on n'aura finalement pas plus de salariés dans certains secteurs d'activité qu'il y en a aujourd'hui, grâce ou à cause de l'intelligence artificielle. Et là où le métier de recruteur peut, à mon sens, prendre tout son sens et reprendre de sa valeur, c'est justement sur l'évaluation humaine des compétences, même si, on parlait d'empathie tout à l'heure, il y aura sûrement des intelligences artificielles qui seront développées pour être extrêmement empathiques, mais elles le seront sur des biais, par exemple, occidentaux. Et l'empathie, en fonction des cultures et des régions du monde, ne se traduit pas de la même façon.

  • Agathe Collinet

    Ce rôle de coach, en fait, finalement.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    De coach individuel, individualisé, que jusqu'à un certain point l'intelligence artificielle pourra mettre en place, mais il faudra forcément un relais. Un relais humain, parce qu'on peut faire des enquêtes de satisfaction en interne auprès des salariés pour savoir s'ils sont bien dans leur peau, si tout va bien dans leur travail, mais une vraie discussion autour d'un café avec un manager ou avec un RH, ça a une autre valeur.

  • Agathe Collinet

    Créer des vrais moments aussi d'humanité et de contact avec ce qu'on soulignait : l'isolement forcé, le télétravail, le besoin aussi qu'on se connecte d'autant plus avec cette machination autour de nous pour créer des vrais moments aussi de partage, d'émotion, indépendamment juste de la performance et en fait de notre production.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Voilà, il faut se méfier de l'illusion technologique. On le voit bien dans les entreprises, quand on met un nouveau système, que ce soit un nouvel ATS, une nouvelle messagerie interne, le taux d'utilisation en général, il n'est pas fou. Quand on est à 50%, on saute sur la table tellement c'est bien. Donc il faut se méfier de cette fusion technologique avec l'IA aussi, parce que, encore une fois, il y en a qui sont forcément réfractaires par principe, d'autres qui le seront parce qu'ils n'auront pas la capacité d'appréhender toutes ces nouvelles technologies, et c'est là où les RH, justement, auront leur rôle d'accompagnement de toutes les populations d'entreprises à cette transformation.

  • Agathe Collinet

    Bon, j'ai moins peur maintenant.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ah, ça me rassure ! Moi aussi. Par rapport à tout ce qu'on vient d'évoquer et la difficulté d'appréhender le futur, de faire de la "futurologie", est-ce qu'à l'instant T, toi, tu as un ou plusieurs conseils à donner aux RH qui nous écoutent ?

  • Agathe Collinet

    Un conseil : si on a peur de l'IA, c'est d'affronter sa peur, de le confronter le feu par le feu et d'essayer de se tenir un petit peu au courant. Et plutôt que de voir peut-être les risques, d'essayer de détecter aujourd'hui quelles sont mes opportunités avec l'IA. Je suis RH, dans mes tâches en quoi l'IA aujourd'hui peut-être peut me faciliter la vie et me permettre d'allouer mon temps sur des missions qui me plaisent davantage ou sur lesquelles j'ai davantage de valeur ajoutée. Donc c'est se former, s'informer, essayer de détecter de l'opportunité dans ces changements pour soi et de rester optimiste, de ne pas faire l'autruche ou de ne pas le rejeter totalement parce que le risque c'est que ça se retourne contre vous par la suite. Et toi ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Je ne vais pas être original, mais je vais faire comme toi, en rajoutant d'avoir toujours à l'esprit qu'il faut avoir un regard particulièrement critique sur tout ce qui nous est dit, sans faire de paranoïa, simplement avoir conscience qu'il y a des sommes absolument colossales qui sont en jeu et que les apôtres de l'intelligence artificielle travaillent pour eux d'abord. Et quand on nous dit qu'on va mettre en place le revenu universel, par exemple, parce qu'on n'aura plus besoin de travailler, soyons très clairs : le revenu universel, c'est pour vous et pour moi, mais ce n'est pas pour les patrons de ces boîtes-là.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par L'Étincelle RH, en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

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Description

Dans cet épisode nous recevons Agathe Collinet.


Diplômée en droit et en RH, elle a commencé sa carrière en recrutement à Londres en cabinet il y a 8 ans. Aujourd’hui elle met en relations talents IT et entreprises grâce à son propre cabinet, My Talent Expert, et pourtant… flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Intro/Outro

    Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs DRH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autre CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil... Dans cet épisode, nous recevons Agathe Collinet. Formée au droit et sportive de haut niveau, elle se tourne rapidement vers le recrutement d'abord chez Nigel Frank International puis à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. Aujourd'hui dirigeante de My Talent Expert et pourtant... flippée.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Bonjour Agathe.

  • Agathe Collinet

    Bonjour Bernard.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Quelle est ta peur ?

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Et d'où te vient cette peur ?

  • Agathe Collinet

    Cette peur me vient quand même des derniers mois, vu qu'il se passe énormément de choses dans l'intelligence artificielle, et que parfois d'une semaine à l'autre on est dans des... Les avancements sont dans des progressions très importantes. C'est dur de rester un petit peu au courant. Impossible de prédire l'avenir. Du coup, cette peur est née.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Finalement, l'avenir n'a jamais été souvent prédictible. Donc, qu'est-ce qui, selon toi, change avec, comme tu l'évoquais, toutes ces avancées liées à l'IA ?

  • Agathe Collinet

    Parce qu'en tant qu'être humain, on aime bien se rassurer avec une certaine conception du monde, des schémas, des façons de fonctionner. Et par exemple, on estime qu'il y aurait 18% des postes qui pourraient être amenés à disparaître. Mais on ne sait pas encore vraiment comment ça serait remplacé aussi, parce que pour l'instant on voit l'IA comme un outil à côté, et pas forcément comme un paradigme qui va venir vraiment tout changer. Donc je pense que c'est la peur de l'incertitude, comme on peut avoir en tant qu'être humain sur d'autres choses aussi, qui crée à la fois une excitation, mais aussi une angoisse parce qu'on perd un peu le contrôle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La quintessence même du recruteur, c'est le contact humain. A priori, imaginons que demain on passe un entretien avec une IA, il y a peut-être des choses qui vont échapper à cette IA. Donc finalement, le métier de recruteur n'est peut-être pas tant en danger que ça ?

  • Agathe Collinet

    Alors j'aimerais dire oui, pour me rassurer. Et je pense qu'aujourd'hui, oui. Sauf qu'en fait, avec l'intelligence artificielle, dans 72 heures, on ne sait pas aussi ce qui va sortir. Il y a quelques jours, il y a un nouvel avatar IA qui est sorti aussi, qui est très ressemblant. Il y a des gens qui tombent amoureux d'avatars et d'IA en ce moment également. Donc il y aura des changements de la machine, mais des changements aussi de l'humain par rapport à son rapport à la machine, qui est quand même assez rapide. Et l'IA finalement peut être humain, et entre un recruteur pas très humain et une IA très humaine, finalement, qui sera le plus humain demain ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ça oblige sûrement les recruteurs à se remettre en question. Surtout à remettre effectivement sur l'établi le travail précis du recruteur qui consiste à évaluer non pas seulement ce que sait faire une personne à l'instant T, mais ses capacités d'apprentissage. D'où la question : est-ce que l'IA, selon toi, serait vraiment en mesure d'aller jusque là ?

  • Agathe Collinet

    Oui, je pense même que l'IA pourra aller bien plus loin que ce que peut faire un humain sur un 35 heures avec beaucoup de missions, beaucoup de responsabilités différentes, sur le fait qu'aussi on peut être faillible en fonction de sa fatigue, en fonction de ses biais, l'IA telle qu'elle peut être demain. Aujourd'hui on est sur une IA un peu outil, qui est parfois auto-nourri aussi, où il n'y a pas des données neuves ou de qualités qui l'alimentent. Mais si on part d'un principe où l'IA accélère tellement vite, qu'elle va quand même aussi d'une certaine façon pouvoir devenir perfectible, j'y vois moins de risques peut-être d'erreurs d'évaluation ou d'analyse.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors peut-être que le biais que l'on a, c'est justement ces biais cognitifs qui sont propres au métier de recruteur, c'est d'évaluer un autre être humain. Le leurre aujourd'hui autour du discours du l'IA, ce serait de dire que parce que c'est une IA, il n'y a plus de biais. Alors que finalement on sait très bien que les biais sont induits par le jeu de données sur lesquelles l'IA est entraînée. Donc c'est peut-être un équilibrage à faire entre ce que sait le recruteur par rapport à ses propres biais et ce qu'une IA va déduire d'un jeu de données dont on sait qu'il est toujours perfectible.

  • Agathe Collinet

    Et il faudra bien quelqu'un de toute façon qui l'utilise aussi. Après, aujourd'hui, on le voit beaucoup comme un rapport de base de données. Demain, ça peut être aussi finalement une sorte de recruteur internalisé qui va échanger avec les managers, avec les RH, qui obtient des informations bien plus complètes, bien plus approfondies, qui par l'analyse en plus de la data, de l'analytics qui est poussé et qui sera mixé à son analyse, peut être aussi amené à détecter des choses d'un point de vue RH, indépendamment que du recrutement, sur lequel même le CEO n'aurait pas autant d'informations ou de vision.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors quand on dit recruteur, posons-nous déjà la question, sur quel pan de métier tu vois l'IA augmenter le recruteur ou le remplacer complètement ?

  • Agathe Collinet

    Alors aujourd'hui déjà sur le sourcing, l'IA vient quand même changer la donne énormément et je pense qu'il n'y aura plus de sourcing classique, à moins de... enfin non, ça sera quand même très compliqué de rivaliser avec les personnes qui l'auront mis aussi en place. D'ailleurs, des petits acteurs viennent totalement challenger aussi des gros acteurs du recrutement ou des gros cabinets par cette approche aussi un peu plus innovante et cette adoption aussi de l'intelligence artificielle. Mais le sourcing déjà, on peut dire que tel qu'on l'a connu il y a encore quelques mois, est déjà obsolète. Sur cette partie-la, qui est une partie très technique, qui demande beaucoup de rigueur, du multisource, être capable de gérer de l'inbound, de l'outbound, de faire des retours à toutes les candidatures, d'être structuré, c'est une complexité quand même assez importante. Aujourd'hui, on a la solution aussi au niveau de l'IA. Après, tout ce qui est accompagnement, c'est-à-dire distanciel, envoi des emails, feedback dématérialisé, etc., pour ce qui est levier émotionnel, dans un poste aussi, parce que les êtres humains sont plus émotionnels que rationnels et en général, leurs décisions sont prises comme ça, on se demande s'il ne faudra toujours pas un humain quand même pour aussi finalement influencer la personne, lui donner envie de rejoindre un projet plutôt qu'un autre. Mais encore une fois, je pense que c'est en pensant à l'IA telle qu'elle est aujourd'hui, et ça se trouve dans cinq semaines, il y a quelque chose, un outil révolutionnaire qui sort, qu'on n'a pas pu prédire ou penser, et qui vient peut-être se substituer à un humain sur cette partie-là.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Donc sur la partie sourcing, ok. Sur la partie évaluation, tu dis qu'en fait il est possible qu'une IA soit, on va dire, compétitive avec un humain aujourd'hui. Sur le métier de recruteur, il consiste aussi à accompagner la personne qui va intégrer un nouveau poste. Sur cette partie accompagnement, est-ce que tu penses qu'une IA pourrait faire aussi le travail ?

  • Agathe Collinet

    Alors l'IA viendra déjà augmenter en fonction de comment l'adopte le RH sur ces fonctions-là, parce qu'en fait il y a plein de choses sur lesquelles on peut passer à côté dans une intégration par exemple. Mais en fait l'analyse, la donnée, permet aussi au-delà de l'affectif peut-être ou de la relation constuite avec la personne, voir aussi le factuel, le succès de ses missions, etc. Et après, sur le coaching, peut-être aussi c'est ça, l'évolution de carrière, l'accompagnement ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Oui, exactement.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est sûr qu'en fait, souvent, c'est un sujet aussi de confiance. En fait, on a besoin de quelqu'un qui nous mette en confiance, qui nous aide à nous poser les bonnes questions. Et c'est ça qui nous permet aussi de nous orienter individuellement en fonction de ce qu'on a vraiment dans le cœur et pas juste des fiches de poste et une trajectoire, on va dire linéaire. Mais encore une fois, je pense que quand on a une machine en face de nous qui a connaissance de toutes les passerelles d'évolution possibles, qui peut recenser un peu toutes les personnes qui ont atteint ce type de poste, quel a été finalement leur parcours. Produire aussi des analyses très poussées au niveau de ça, ça aide aussi dans le conseil et dans le pilotage de sa carrière. Mais je pense que les gens aujourd'hui ont besoin de ce côté relationnel. On voit que la solitude digitale augmente énormément. Il y a des gens qui tombent amoureux d'une IA, donc un coach IA qui apporte des solutions à mon problème, est-ce que finalement si en plus c'est plus agile et moins cher, je n'aurais pas intérêt à faire appel à lui plutôt qu'à un humain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La question du coût se posera très probablement, parce qu'aujourd'hui, toutes les big tech nous disent qu'ils perdent de l'argent, même s'ils continuent à investir des milliards. Il y aura probablement un rééquilibrage à un moment donné. En revanche, ce que tu évoques sur le côté humain, paradoxal, mais d'accompagnement, etc., on le voit aujourd'hui. Tu as raison, il y a un certain nombre de gens qui utilisent un chat GPT, un Claude, etc., comme soutien psychologique. Néanmoins, ne crois-tu pas que le métier du recruteur, il est justement de mettre à disposition des candidats, des collaborateurs qui l'accompagnent, son empathie vis-à-vis d'un collaborateur qui, à un moment donné, se trouve un peu perdu dans son parcours professionnel ?

  • Agathe Collinet

    Après, il y a toujours des relais humains dans l'organisation, mais l'empathie aujourd'hui on ne peut pas la recevoir avec ChatGPT vraiment. D'ailleurs, quand tu poses des questions, j'ai déjà fait des tests un peu à ChatGPT pour voir un peu, dans une situation désespérée, qu'est-ce qu'il allait conseiller à quelqu'un. Parce que si pragmatiquement, effectivement, pour mettre fin à tes souffrances, par exemple, on te conseille de mettre fin à tes jours...

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est arrivé. Avec ChatGPT, c'est arrivé.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est pragmatique, mais effectivement, ce n'est pas forcément la solution. J'ai fait pas mal de petits tests comme ça pour voir aussi si ça pouvait être un bon conseiller et si les psys avaient aussi du souci à se faire. Enfin, regarder un peu sur ces choses qui sont très liées à l'intime aussi, et puis c'est toujours différent quand on est sur de la science dure et des sciences sociales aussi, des neurosciences. Mais si demain on a des modèles très performants et qui arrivent à lire, sonder, parce que finalement quand on ressent l'émotion, on la ressent comment ? C'est des signes qu'on voit des gens, ce qu'ils nous disent, ce qu'on interprète. C'est pas divin l'empathie. C'est finalement un ressenti que quelqu'un nous fait, nous transmet, mais par des signaux extérieurs. Donc pourquoi une machine ne pourrait pas être à la hauteur ? Encore une fois, c'est parce qu'il y a des carences côté humain. On voit que côté RH, aujourd'hui, peu de collaborateurs sont beaucoup suivis. Parfois, il y a un manque d'écoute aussi, parce qu'il y a un manque de temps et de disponibilité. Donc finalement, si la solution pour plus d'accompagnement, de proximité avec les collaborateurs, de rationalisation et de professionnalisation de la fonction RH, ce qu'on essaye de faire depuis dix ans, peut-être que la solution c'est l'intelligence artificielle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que l'intelligence artificielle est peut-être en mesure de tenir la promesse que la numérisation nous avait promis il y a déjà plus de dix ans, c'est-à-dire la personnalisation du parcours collaborateur. Grâce à cette capacité de traitement de données, on va peut-être pouvoir enfin avoir des vraies formations personnalisées, avoir des vrais parcours personnalisés, mais là-dedans, ça reste quand même... Même si statistiquement, telle ou telle personne est susceptible d'accepter ce type de formation pour accéder à tel type de poste, le facteur humain, lui, il est toujours là, aussi bien côté collaborateur que côté recruteur.

  • Agathe Collinet

    Oui bien sûr, parce qu'aujourd'hui l'IA est un outil à côté. Mais demain, si on est sur un nouveau paradigme du futur du travail, moi je ne peux même pas te répondre, mais j'aimerais bien. Mais probablement qu'on ne sera peut-être pas aussi utile que ça, parce qu'en fait, c'est aussi dur d'avoir des personnes qui sont excellentes de A à Z dans des jobs qui sont aussi exigeants humainement, également.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors, est-ce que l'intelligence artificielle pourrait justement permettre à des recruteurs ou à tout type de travail qui sont aujourd'hui moyennement performants, de devenir sur-performants ? On parle de l'humain augmenté grâce à l'IA en quelque sorte.

  • Agathe Collinet

    Et qu'est-ce que tu entendrais par "performant" ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Dans leur métier, dans le cadre des missions qu'ils ont à accomplir. Prenons un recruteur qui a 50-80 recrutements à faire sur une année, qui y arrive péniblement et qui demain grâce à l'IA y arrive haut la main.

  • Agathe Collinet

    Oui, oui. Alors ça c'est un plus. Ma peur aussi par rapport à ça, il y a une peur aussi qui est annexe, c'est quel sera notre rapport au travail, quel sens on trouvera dans un travail qui est facile, qui est automatisé ? Aujourd'hui, quand on recrute, on est fiers de nous, parce qu'on sait qu'il y a une certaine complexité, une certaine compétitivité, que tout n'est pas assez rationalisé aussi. Demain, si on recrute en un claquement de doigts est-ce qu'on sera vraiment fiers, par exemple, d'avoir fait son recrutement sur une année ? Ça, ça ouvre aussi notre crainte sur comment les personnes vont construire leur rapport aussi au travail par rapport à ça. Et pour répondre à ta question, c'est pareil pour toute brique technologique. Finalement, un recruteur qui va recruter son profil avec un Excel ou un recruteur qui va recruter avec le meilleur ATS, de l'automatisation, même sans l'IA aujourd'hui, il y a déjà une différence qui est énorme. Mais effectivement, ça dépendra aussi de la maturité de l'entreprise. Moi j'étais assez étonnée, je ne pensais pas que les grands groupes étaient aussi engagés, aussi conscients de la révolution qui se passait. J'étais invitée par la DRH de la BNP à un petit déjeuner avec d'autres experts RH et recrutement où ils nous expliquaient qu'ils sont dans un grand mouvement d'acculturation de tous leurs métiers à l'intelligence artificielle. Et voilà, ça va dans le sens des questions qu'on se pose où tout ça va nous mener demain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai qu'il y a un engouement, il y a... Ça va très très vite en fait, c'est là où c'est effectivement difficile de se positionner. Tu l'évoquais, toutes les semaines ou presque il y a des annonces d'avancées technologiques toutes plus formidables les unes que les autres. Ça reste pour l'instant essentiellement des effets d'annonce. On ne voit rien concrètement dans les métiers RH. En tout cas, ça peine à poindre. Donc la question, c'est plutôt... Tu l'évoquais juste avant, mais le risque est peut-être plus celui d'une rupture technologique entre les entreprises qui pourront s'offrir ou se payer les IA les plus abouties et celles qui n'auront pas la capacité d'investir dedans.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est certain. Et puis, des cultures et des métiers aussi pour lesquels la prise en main de l'IA est plus facile. Et là, quand on parle de la population RH et recrutement aussi, ce n'est pas des personnes qui sont forcément très technophiles par rapport à des personnes dans la finance qui ont toujours eu les mains dans des outils de reporting, des personnes dans le marketing. Donc, c'est ça aussi qui fait que peut-être aujourd'hui, nous, autour de nous, on n'en voit pas tant que ça, alors que dans certains métiers, dans certains secteurs, c'est déjà omniprésent, la conception vidéo, l'image, etc. Et du coup pour les RH, aujourd'hui certes, sauf qu'en fait, là à chaque nouvel effet d'annonce, ce qu'il y a derrière en réalité, c'est aussi des barrières technologiques qui tombent. C'est-à-dire qu'avant, pour développer un SaaS hyper performant, il fallait lever des millions, recruter des dizaines et des dizaines de développeurs. Après, il y a eu le no-code qui est arrivé. Aujourd'hui, il y a des choses que j'arrive à faire alors que franchement, je pars de très loin. Et en fait, les barrières tombent. Plus le niveau technologique et l'accessibilité sera bas, plus les métiers aussi, qui ne sont pas des métiers forcément avec une forte appétence technique, ou aussi au niveau des générations, il y a différentes générations et plus ou moins proches de la machine, plus on ira vers une propagation globale aussi de l'intelligence artificielle. Et toi, ça ne te fait pas peur ? Tu penses que finalement c'est plus des effets d'annonce, un peu une mode d'intelligence artificielle ? Ou tu le vois vraiment comme une révolution qui peut changer tout ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors je suis partagé et certain que c'est une évolution technologique de rupture qui va profondément modifier le monde de manière générale, parce qu'on voit bien que quand on parle d'intelligence artificielle, en fait ça touche à la fois à l'économie, à la sociologie, à l'individu même. Donc ça touche absolument tous les pans de la société et la société avec un grand S. En revanche je suis effectivement plutôt dubitatif face aux effets d'annonce. On est face à une sorte d'inondation d'informations sur ce sujet de propagation de tous ces événements les uns derrière les autres qui sont orchestrés par toute la big tech américaine et on s'y met aussi en France, on suit le mouvement tranquillement. Il y a, on le voit avec la Chine, des conséquences géopolitiques et des guerres géopolitiques dont on est simplement les témoins. Donc je suis partagé, je suis technosolutionniste et technophobe en même temps. C'est-à-dire que je m'en sers beaucoup, mais en même temps je pense qu'il faut qu'on ait en tête qu'il va falloir impérativement cultiver notre esprit critique vis-à-vis de tous ces effets d'annonce, vis-à-vis de tous ces outils. Sans compter que si on y fait un petit peu attention, l'impact climatique est absolument désastreux. Donc un usage modéré de tous ces outils me paraît le plus approprié.

  • Agathe Collinet

    Tu me rassures.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que le discours ambiant c'est qu'on ne peut pas arrêter le train qui est en marche parce qu'il va trop vite et il est déjà parti trop loin. C'est probablement le cas. En revanche, je pense que dans tous les métiers qui seront transformés, y compris ceux qui disparaîtront, tu as raison. Il y a ceux qui vont résister. Ce n'est pas la bonne méthode. Il faut surtout s'adapter et adopter les IA dans le cadre de son métier. C'est là où ça va être le plus difficile, parce que si on compare avec la révolution industrielle, ça a mis 30 ans pour s'installer. Les cols bleus en ont souffert, mais ça a mis 30 ans. Et quand on regarde l'Allemagne, notre voisin, qui jusqu'à il y a... pas si longtemps que ça, n'a pas désindustrialisé son parc économique, eh bien il y a plus de salariés dans l'industrie aujourd'hui qu'il y en avait il y a 30 ans. En France, il y a beaucoup moins d'industries, mais parce qu'on a délocalisé. Donc ce n'est pas le même problème. Donc l'idée est peut-être de voir si, avec l'intelligence artificielle, on n'aura finalement pas plus de salariés dans certains secteurs d'activité qu'il y en a aujourd'hui, grâce ou à cause de l'intelligence artificielle. Et là où le métier de recruteur peut, à mon sens, prendre tout son sens et reprendre de sa valeur, c'est justement sur l'évaluation humaine des compétences, même si, on parlait d'empathie tout à l'heure, il y aura sûrement des intelligences artificielles qui seront développées pour être extrêmement empathiques, mais elles le seront sur des biais, par exemple, occidentaux. Et l'empathie, en fonction des cultures et des régions du monde, ne se traduit pas de la même façon.

  • Agathe Collinet

    Ce rôle de coach, en fait, finalement.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    De coach individuel, individualisé, que jusqu'à un certain point l'intelligence artificielle pourra mettre en place, mais il faudra forcément un relais. Un relais humain, parce qu'on peut faire des enquêtes de satisfaction en interne auprès des salariés pour savoir s'ils sont bien dans leur peau, si tout va bien dans leur travail, mais une vraie discussion autour d'un café avec un manager ou avec un RH, ça a une autre valeur.

  • Agathe Collinet

    Créer des vrais moments aussi d'humanité et de contact avec ce qu'on soulignait : l'isolement forcé, le télétravail, le besoin aussi qu'on se connecte d'autant plus avec cette machination autour de nous pour créer des vrais moments aussi de partage, d'émotion, indépendamment juste de la performance et en fait de notre production.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Voilà, il faut se méfier de l'illusion technologique. On le voit bien dans les entreprises, quand on met un nouveau système, que ce soit un nouvel ATS, une nouvelle messagerie interne, le taux d'utilisation en général, il n'est pas fou. Quand on est à 50%, on saute sur la table tellement c'est bien. Donc il faut se méfier de cette fusion technologique avec l'IA aussi, parce que, encore une fois, il y en a qui sont forcément réfractaires par principe, d'autres qui le seront parce qu'ils n'auront pas la capacité d'appréhender toutes ces nouvelles technologies, et c'est là où les RH, justement, auront leur rôle d'accompagnement de toutes les populations d'entreprises à cette transformation.

  • Agathe Collinet

    Bon, j'ai moins peur maintenant.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ah, ça me rassure ! Moi aussi. Par rapport à tout ce qu'on vient d'évoquer et la difficulté d'appréhender le futur, de faire de la "futurologie", est-ce qu'à l'instant T, toi, tu as un ou plusieurs conseils à donner aux RH qui nous écoutent ?

  • Agathe Collinet

    Un conseil : si on a peur de l'IA, c'est d'affronter sa peur, de le confronter le feu par le feu et d'essayer de se tenir un petit peu au courant. Et plutôt que de voir peut-être les risques, d'essayer de détecter aujourd'hui quelles sont mes opportunités avec l'IA. Je suis RH, dans mes tâches en quoi l'IA aujourd'hui peut-être peut me faciliter la vie et me permettre d'allouer mon temps sur des missions qui me plaisent davantage ou sur lesquelles j'ai davantage de valeur ajoutée. Donc c'est se former, s'informer, essayer de détecter de l'opportunité dans ces changements pour soi et de rester optimiste, de ne pas faire l'autruche ou de ne pas le rejeter totalement parce que le risque c'est que ça se retourne contre vous par la suite. Et toi ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Je ne vais pas être original, mais je vais faire comme toi, en rajoutant d'avoir toujours à l'esprit qu'il faut avoir un regard particulièrement critique sur tout ce qui nous est dit, sans faire de paranoïa, simplement avoir conscience qu'il y a des sommes absolument colossales qui sont en jeu et que les apôtres de l'intelligence artificielle travaillent pour eux d'abord. Et quand on nous dit qu'on va mettre en place le revenu universel, par exemple, parce qu'on n'aura plus besoin de travailler, soyons très clairs : le revenu universel, c'est pour vous et pour moi, mais ce n'est pas pour les patrons de ces boîtes-là.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par L'Étincelle RH, en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

Description

Dans cet épisode nous recevons Agathe Collinet.


Diplômée en droit et en RH, elle a commencé sa carrière en recrutement à Londres en cabinet il y a 8 ans. Aujourd’hui elle met en relations talents IT et entreprises grâce à son propre cabinet, My Talent Expert, et pourtant… flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Intro/Outro

    Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs DRH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autre CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil... Dans cet épisode, nous recevons Agathe Collinet. Formée au droit et sportive de haut niveau, elle se tourne rapidement vers le recrutement d'abord chez Nigel Frank International puis à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. Aujourd'hui dirigeante de My Talent Expert et pourtant... flippée.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Bonjour Agathe.

  • Agathe Collinet

    Bonjour Bernard.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Quelle est ta peur ?

  • Agathe Collinet

    Ma peur est d'être remplacée par l'IA en tant que recruteur.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Et d'où te vient cette peur ?

  • Agathe Collinet

    Cette peur me vient quand même des derniers mois, vu qu'il se passe énormément de choses dans l'intelligence artificielle, et que parfois d'une semaine à l'autre on est dans des... Les avancements sont dans des progressions très importantes. C'est dur de rester un petit peu au courant. Impossible de prédire l'avenir. Du coup, cette peur est née.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Finalement, l'avenir n'a jamais été souvent prédictible. Donc, qu'est-ce qui, selon toi, change avec, comme tu l'évoquais, toutes ces avancées liées à l'IA ?

  • Agathe Collinet

    Parce qu'en tant qu'être humain, on aime bien se rassurer avec une certaine conception du monde, des schémas, des façons de fonctionner. Et par exemple, on estime qu'il y aurait 18% des postes qui pourraient être amenés à disparaître. Mais on ne sait pas encore vraiment comment ça serait remplacé aussi, parce que pour l'instant on voit l'IA comme un outil à côté, et pas forcément comme un paradigme qui va venir vraiment tout changer. Donc je pense que c'est la peur de l'incertitude, comme on peut avoir en tant qu'être humain sur d'autres choses aussi, qui crée à la fois une excitation, mais aussi une angoisse parce qu'on perd un peu le contrôle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La quintessence même du recruteur, c'est le contact humain. A priori, imaginons que demain on passe un entretien avec une IA, il y a peut-être des choses qui vont échapper à cette IA. Donc finalement, le métier de recruteur n'est peut-être pas tant en danger que ça ?

  • Agathe Collinet

    Alors j'aimerais dire oui, pour me rassurer. Et je pense qu'aujourd'hui, oui. Sauf qu'en fait, avec l'intelligence artificielle, dans 72 heures, on ne sait pas aussi ce qui va sortir. Il y a quelques jours, il y a un nouvel avatar IA qui est sorti aussi, qui est très ressemblant. Il y a des gens qui tombent amoureux d'avatars et d'IA en ce moment également. Donc il y aura des changements de la machine, mais des changements aussi de l'humain par rapport à son rapport à la machine, qui est quand même assez rapide. Et l'IA finalement peut être humain, et entre un recruteur pas très humain et une IA très humaine, finalement, qui sera le plus humain demain ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ça oblige sûrement les recruteurs à se remettre en question. Surtout à remettre effectivement sur l'établi le travail précis du recruteur qui consiste à évaluer non pas seulement ce que sait faire une personne à l'instant T, mais ses capacités d'apprentissage. D'où la question : est-ce que l'IA, selon toi, serait vraiment en mesure d'aller jusque là ?

  • Agathe Collinet

    Oui, je pense même que l'IA pourra aller bien plus loin que ce que peut faire un humain sur un 35 heures avec beaucoup de missions, beaucoup de responsabilités différentes, sur le fait qu'aussi on peut être faillible en fonction de sa fatigue, en fonction de ses biais, l'IA telle qu'elle peut être demain. Aujourd'hui on est sur une IA un peu outil, qui est parfois auto-nourri aussi, où il n'y a pas des données neuves ou de qualités qui l'alimentent. Mais si on part d'un principe où l'IA accélère tellement vite, qu'elle va quand même aussi d'une certaine façon pouvoir devenir perfectible, j'y vois moins de risques peut-être d'erreurs d'évaluation ou d'analyse.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors peut-être que le biais que l'on a, c'est justement ces biais cognitifs qui sont propres au métier de recruteur, c'est d'évaluer un autre être humain. Le leurre aujourd'hui autour du discours du l'IA, ce serait de dire que parce que c'est une IA, il n'y a plus de biais. Alors que finalement on sait très bien que les biais sont induits par le jeu de données sur lesquelles l'IA est entraînée. Donc c'est peut-être un équilibrage à faire entre ce que sait le recruteur par rapport à ses propres biais et ce qu'une IA va déduire d'un jeu de données dont on sait qu'il est toujours perfectible.

  • Agathe Collinet

    Et il faudra bien quelqu'un de toute façon qui l'utilise aussi. Après, aujourd'hui, on le voit beaucoup comme un rapport de base de données. Demain, ça peut être aussi finalement une sorte de recruteur internalisé qui va échanger avec les managers, avec les RH, qui obtient des informations bien plus complètes, bien plus approfondies, qui par l'analyse en plus de la data, de l'analytics qui est poussé et qui sera mixé à son analyse, peut être aussi amené à détecter des choses d'un point de vue RH, indépendamment que du recrutement, sur lequel même le CEO n'aurait pas autant d'informations ou de vision.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors quand on dit recruteur, posons-nous déjà la question, sur quel pan de métier tu vois l'IA augmenter le recruteur ou le remplacer complètement ?

  • Agathe Collinet

    Alors aujourd'hui déjà sur le sourcing, l'IA vient quand même changer la donne énormément et je pense qu'il n'y aura plus de sourcing classique, à moins de... enfin non, ça sera quand même très compliqué de rivaliser avec les personnes qui l'auront mis aussi en place. D'ailleurs, des petits acteurs viennent totalement challenger aussi des gros acteurs du recrutement ou des gros cabinets par cette approche aussi un peu plus innovante et cette adoption aussi de l'intelligence artificielle. Mais le sourcing déjà, on peut dire que tel qu'on l'a connu il y a encore quelques mois, est déjà obsolète. Sur cette partie-la, qui est une partie très technique, qui demande beaucoup de rigueur, du multisource, être capable de gérer de l'inbound, de l'outbound, de faire des retours à toutes les candidatures, d'être structuré, c'est une complexité quand même assez importante. Aujourd'hui, on a la solution aussi au niveau de l'IA. Après, tout ce qui est accompagnement, c'est-à-dire distanciel, envoi des emails, feedback dématérialisé, etc., pour ce qui est levier émotionnel, dans un poste aussi, parce que les êtres humains sont plus émotionnels que rationnels et en général, leurs décisions sont prises comme ça, on se demande s'il ne faudra toujours pas un humain quand même pour aussi finalement influencer la personne, lui donner envie de rejoindre un projet plutôt qu'un autre. Mais encore une fois, je pense que c'est en pensant à l'IA telle qu'elle est aujourd'hui, et ça se trouve dans cinq semaines, il y a quelque chose, un outil révolutionnaire qui sort, qu'on n'a pas pu prédire ou penser, et qui vient peut-être se substituer à un humain sur cette partie-là.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Donc sur la partie sourcing, ok. Sur la partie évaluation, tu dis qu'en fait il est possible qu'une IA soit, on va dire, compétitive avec un humain aujourd'hui. Sur le métier de recruteur, il consiste aussi à accompagner la personne qui va intégrer un nouveau poste. Sur cette partie accompagnement, est-ce que tu penses qu'une IA pourrait faire aussi le travail ?

  • Agathe Collinet

    Alors l'IA viendra déjà augmenter en fonction de comment l'adopte le RH sur ces fonctions-là, parce qu'en fait il y a plein de choses sur lesquelles on peut passer à côté dans une intégration par exemple. Mais en fait l'analyse, la donnée, permet aussi au-delà de l'affectif peut-être ou de la relation constuite avec la personne, voir aussi le factuel, le succès de ses missions, etc. Et après, sur le coaching, peut-être aussi c'est ça, l'évolution de carrière, l'accompagnement ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Oui, exactement.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est sûr qu'en fait, souvent, c'est un sujet aussi de confiance. En fait, on a besoin de quelqu'un qui nous mette en confiance, qui nous aide à nous poser les bonnes questions. Et c'est ça qui nous permet aussi de nous orienter individuellement en fonction de ce qu'on a vraiment dans le cœur et pas juste des fiches de poste et une trajectoire, on va dire linéaire. Mais encore une fois, je pense que quand on a une machine en face de nous qui a connaissance de toutes les passerelles d'évolution possibles, qui peut recenser un peu toutes les personnes qui ont atteint ce type de poste, quel a été finalement leur parcours. Produire aussi des analyses très poussées au niveau de ça, ça aide aussi dans le conseil et dans le pilotage de sa carrière. Mais je pense que les gens aujourd'hui ont besoin de ce côté relationnel. On voit que la solitude digitale augmente énormément. Il y a des gens qui tombent amoureux d'une IA, donc un coach IA qui apporte des solutions à mon problème, est-ce que finalement si en plus c'est plus agile et moins cher, je n'aurais pas intérêt à faire appel à lui plutôt qu'à un humain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    La question du coût se posera très probablement, parce qu'aujourd'hui, toutes les big tech nous disent qu'ils perdent de l'argent, même s'ils continuent à investir des milliards. Il y aura probablement un rééquilibrage à un moment donné. En revanche, ce que tu évoques sur le côté humain, paradoxal, mais d'accompagnement, etc., on le voit aujourd'hui. Tu as raison, il y a un certain nombre de gens qui utilisent un chat GPT, un Claude, etc., comme soutien psychologique. Néanmoins, ne crois-tu pas que le métier du recruteur, il est justement de mettre à disposition des candidats, des collaborateurs qui l'accompagnent, son empathie vis-à-vis d'un collaborateur qui, à un moment donné, se trouve un peu perdu dans son parcours professionnel ?

  • Agathe Collinet

    Après, il y a toujours des relais humains dans l'organisation, mais l'empathie aujourd'hui on ne peut pas la recevoir avec ChatGPT vraiment. D'ailleurs, quand tu poses des questions, j'ai déjà fait des tests un peu à ChatGPT pour voir un peu, dans une situation désespérée, qu'est-ce qu'il allait conseiller à quelqu'un. Parce que si pragmatiquement, effectivement, pour mettre fin à tes souffrances, par exemple, on te conseille de mettre fin à tes jours...

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est arrivé. Avec ChatGPT, c'est arrivé.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est pragmatique, mais effectivement, ce n'est pas forcément la solution. J'ai fait pas mal de petits tests comme ça pour voir aussi si ça pouvait être un bon conseiller et si les psys avaient aussi du souci à se faire. Enfin, regarder un peu sur ces choses qui sont très liées à l'intime aussi, et puis c'est toujours différent quand on est sur de la science dure et des sciences sociales aussi, des neurosciences. Mais si demain on a des modèles très performants et qui arrivent à lire, sonder, parce que finalement quand on ressent l'émotion, on la ressent comment ? C'est des signes qu'on voit des gens, ce qu'ils nous disent, ce qu'on interprète. C'est pas divin l'empathie. C'est finalement un ressenti que quelqu'un nous fait, nous transmet, mais par des signaux extérieurs. Donc pourquoi une machine ne pourrait pas être à la hauteur ? Encore une fois, c'est parce qu'il y a des carences côté humain. On voit que côté RH, aujourd'hui, peu de collaborateurs sont beaucoup suivis. Parfois, il y a un manque d'écoute aussi, parce qu'il y a un manque de temps et de disponibilité. Donc finalement, si la solution pour plus d'accompagnement, de proximité avec les collaborateurs, de rationalisation et de professionnalisation de la fonction RH, ce qu'on essaye de faire depuis dix ans, peut-être que la solution c'est l'intelligence artificielle.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que l'intelligence artificielle est peut-être en mesure de tenir la promesse que la numérisation nous avait promis il y a déjà plus de dix ans, c'est-à-dire la personnalisation du parcours collaborateur. Grâce à cette capacité de traitement de données, on va peut-être pouvoir enfin avoir des vraies formations personnalisées, avoir des vrais parcours personnalisés, mais là-dedans, ça reste quand même... Même si statistiquement, telle ou telle personne est susceptible d'accepter ce type de formation pour accéder à tel type de poste, le facteur humain, lui, il est toujours là, aussi bien côté collaborateur que côté recruteur.

  • Agathe Collinet

    Oui bien sûr, parce qu'aujourd'hui l'IA est un outil à côté. Mais demain, si on est sur un nouveau paradigme du futur du travail, moi je ne peux même pas te répondre, mais j'aimerais bien. Mais probablement qu'on ne sera peut-être pas aussi utile que ça, parce qu'en fait, c'est aussi dur d'avoir des personnes qui sont excellentes de A à Z dans des jobs qui sont aussi exigeants humainement, également.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors, est-ce que l'intelligence artificielle pourrait justement permettre à des recruteurs ou à tout type de travail qui sont aujourd'hui moyennement performants, de devenir sur-performants ? On parle de l'humain augmenté grâce à l'IA en quelque sorte.

  • Agathe Collinet

    Et qu'est-ce que tu entendrais par "performant" ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Dans leur métier, dans le cadre des missions qu'ils ont à accomplir. Prenons un recruteur qui a 50-80 recrutements à faire sur une année, qui y arrive péniblement et qui demain grâce à l'IA y arrive haut la main.

  • Agathe Collinet

    Oui, oui. Alors ça c'est un plus. Ma peur aussi par rapport à ça, il y a une peur aussi qui est annexe, c'est quel sera notre rapport au travail, quel sens on trouvera dans un travail qui est facile, qui est automatisé ? Aujourd'hui, quand on recrute, on est fiers de nous, parce qu'on sait qu'il y a une certaine complexité, une certaine compétitivité, que tout n'est pas assez rationalisé aussi. Demain, si on recrute en un claquement de doigts est-ce qu'on sera vraiment fiers, par exemple, d'avoir fait son recrutement sur une année ? Ça, ça ouvre aussi notre crainte sur comment les personnes vont construire leur rapport aussi au travail par rapport à ça. Et pour répondre à ta question, c'est pareil pour toute brique technologique. Finalement, un recruteur qui va recruter son profil avec un Excel ou un recruteur qui va recruter avec le meilleur ATS, de l'automatisation, même sans l'IA aujourd'hui, il y a déjà une différence qui est énorme. Mais effectivement, ça dépendra aussi de la maturité de l'entreprise. Moi j'étais assez étonnée, je ne pensais pas que les grands groupes étaient aussi engagés, aussi conscients de la révolution qui se passait. J'étais invitée par la DRH de la BNP à un petit déjeuner avec d'autres experts RH et recrutement où ils nous expliquaient qu'ils sont dans un grand mouvement d'acculturation de tous leurs métiers à l'intelligence artificielle. Et voilà, ça va dans le sens des questions qu'on se pose où tout ça va nous mener demain.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai qu'il y a un engouement, il y a... Ça va très très vite en fait, c'est là où c'est effectivement difficile de se positionner. Tu l'évoquais, toutes les semaines ou presque il y a des annonces d'avancées technologiques toutes plus formidables les unes que les autres. Ça reste pour l'instant essentiellement des effets d'annonce. On ne voit rien concrètement dans les métiers RH. En tout cas, ça peine à poindre. Donc la question, c'est plutôt... Tu l'évoquais juste avant, mais le risque est peut-être plus celui d'une rupture technologique entre les entreprises qui pourront s'offrir ou se payer les IA les plus abouties et celles qui n'auront pas la capacité d'investir dedans.

  • Agathe Collinet

    Oui, c'est certain. Et puis, des cultures et des métiers aussi pour lesquels la prise en main de l'IA est plus facile. Et là, quand on parle de la population RH et recrutement aussi, ce n'est pas des personnes qui sont forcément très technophiles par rapport à des personnes dans la finance qui ont toujours eu les mains dans des outils de reporting, des personnes dans le marketing. Donc, c'est ça aussi qui fait que peut-être aujourd'hui, nous, autour de nous, on n'en voit pas tant que ça, alors que dans certains métiers, dans certains secteurs, c'est déjà omniprésent, la conception vidéo, l'image, etc. Et du coup pour les RH, aujourd'hui certes, sauf qu'en fait, là à chaque nouvel effet d'annonce, ce qu'il y a derrière en réalité, c'est aussi des barrières technologiques qui tombent. C'est-à-dire qu'avant, pour développer un SaaS hyper performant, il fallait lever des millions, recruter des dizaines et des dizaines de développeurs. Après, il y a eu le no-code qui est arrivé. Aujourd'hui, il y a des choses que j'arrive à faire alors que franchement, je pars de très loin. Et en fait, les barrières tombent. Plus le niveau technologique et l'accessibilité sera bas, plus les métiers aussi, qui ne sont pas des métiers forcément avec une forte appétence technique, ou aussi au niveau des générations, il y a différentes générations et plus ou moins proches de la machine, plus on ira vers une propagation globale aussi de l'intelligence artificielle. Et toi, ça ne te fait pas peur ? Tu penses que finalement c'est plus des effets d'annonce, un peu une mode d'intelligence artificielle ? Ou tu le vois vraiment comme une révolution qui peut changer tout ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Alors je suis partagé et certain que c'est une évolution technologique de rupture qui va profondément modifier le monde de manière générale, parce qu'on voit bien que quand on parle d'intelligence artificielle, en fait ça touche à la fois à l'économie, à la sociologie, à l'individu même. Donc ça touche absolument tous les pans de la société et la société avec un grand S. En revanche je suis effectivement plutôt dubitatif face aux effets d'annonce. On est face à une sorte d'inondation d'informations sur ce sujet de propagation de tous ces événements les uns derrière les autres qui sont orchestrés par toute la big tech américaine et on s'y met aussi en France, on suit le mouvement tranquillement. Il y a, on le voit avec la Chine, des conséquences géopolitiques et des guerres géopolitiques dont on est simplement les témoins. Donc je suis partagé, je suis technosolutionniste et technophobe en même temps. C'est-à-dire que je m'en sers beaucoup, mais en même temps je pense qu'il faut qu'on ait en tête qu'il va falloir impérativement cultiver notre esprit critique vis-à-vis de tous ces effets d'annonce, vis-à-vis de tous ces outils. Sans compter que si on y fait un petit peu attention, l'impact climatique est absolument désastreux. Donc un usage modéré de tous ces outils me paraît le plus approprié.

  • Agathe Collinet

    Tu me rassures.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    C'est vrai que le discours ambiant c'est qu'on ne peut pas arrêter le train qui est en marche parce qu'il va trop vite et il est déjà parti trop loin. C'est probablement le cas. En revanche, je pense que dans tous les métiers qui seront transformés, y compris ceux qui disparaîtront, tu as raison. Il y a ceux qui vont résister. Ce n'est pas la bonne méthode. Il faut surtout s'adapter et adopter les IA dans le cadre de son métier. C'est là où ça va être le plus difficile, parce que si on compare avec la révolution industrielle, ça a mis 30 ans pour s'installer. Les cols bleus en ont souffert, mais ça a mis 30 ans. Et quand on regarde l'Allemagne, notre voisin, qui jusqu'à il y a... pas si longtemps que ça, n'a pas désindustrialisé son parc économique, eh bien il y a plus de salariés dans l'industrie aujourd'hui qu'il y en avait il y a 30 ans. En France, il y a beaucoup moins d'industries, mais parce qu'on a délocalisé. Donc ce n'est pas le même problème. Donc l'idée est peut-être de voir si, avec l'intelligence artificielle, on n'aura finalement pas plus de salariés dans certains secteurs d'activité qu'il y en a aujourd'hui, grâce ou à cause de l'intelligence artificielle. Et là où le métier de recruteur peut, à mon sens, prendre tout son sens et reprendre de sa valeur, c'est justement sur l'évaluation humaine des compétences, même si, on parlait d'empathie tout à l'heure, il y aura sûrement des intelligences artificielles qui seront développées pour être extrêmement empathiques, mais elles le seront sur des biais, par exemple, occidentaux. Et l'empathie, en fonction des cultures et des régions du monde, ne se traduit pas de la même façon.

  • Agathe Collinet

    Ce rôle de coach, en fait, finalement.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    De coach individuel, individualisé, que jusqu'à un certain point l'intelligence artificielle pourra mettre en place, mais il faudra forcément un relais. Un relais humain, parce qu'on peut faire des enquêtes de satisfaction en interne auprès des salariés pour savoir s'ils sont bien dans leur peau, si tout va bien dans leur travail, mais une vraie discussion autour d'un café avec un manager ou avec un RH, ça a une autre valeur.

  • Agathe Collinet

    Créer des vrais moments aussi d'humanité et de contact avec ce qu'on soulignait : l'isolement forcé, le télétravail, le besoin aussi qu'on se connecte d'autant plus avec cette machination autour de nous pour créer des vrais moments aussi de partage, d'émotion, indépendamment juste de la performance et en fait de notre production.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Voilà, il faut se méfier de l'illusion technologique. On le voit bien dans les entreprises, quand on met un nouveau système, que ce soit un nouvel ATS, une nouvelle messagerie interne, le taux d'utilisation en général, il n'est pas fou. Quand on est à 50%, on saute sur la table tellement c'est bien. Donc il faut se méfier de cette fusion technologique avec l'IA aussi, parce que, encore une fois, il y en a qui sont forcément réfractaires par principe, d'autres qui le seront parce qu'ils n'auront pas la capacité d'appréhender toutes ces nouvelles technologies, et c'est là où les RH, justement, auront leur rôle d'accompagnement de toutes les populations d'entreprises à cette transformation.

  • Agathe Collinet

    Bon, j'ai moins peur maintenant.

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Ah, ça me rassure ! Moi aussi. Par rapport à tout ce qu'on vient d'évoquer et la difficulté d'appréhender le futur, de faire de la "futurologie", est-ce qu'à l'instant T, toi, tu as un ou plusieurs conseils à donner aux RH qui nous écoutent ?

  • Agathe Collinet

    Un conseil : si on a peur de l'IA, c'est d'affronter sa peur, de le confronter le feu par le feu et d'essayer de se tenir un petit peu au courant. Et plutôt que de voir peut-être les risques, d'essayer de détecter aujourd'hui quelles sont mes opportunités avec l'IA. Je suis RH, dans mes tâches en quoi l'IA aujourd'hui peut-être peut me faciliter la vie et me permettre d'allouer mon temps sur des missions qui me plaisent davantage ou sur lesquelles j'ai davantage de valeur ajoutée. Donc c'est se former, s'informer, essayer de détecter de l'opportunité dans ces changements pour soi et de rester optimiste, de ne pas faire l'autruche ou de ne pas le rejeter totalement parce que le risque c'est que ça se retourne contre vous par la suite. Et toi ?

  • Bernard Blottin - Ideuzo

    Je ne vais pas être original, mais je vais faire comme toi, en rajoutant d'avoir toujours à l'esprit qu'il faut avoir un regard particulièrement critique sur tout ce qui nous est dit, sans faire de paranoïa, simplement avoir conscience qu'il y a des sommes absolument colossales qui sont en jeu et que les apôtres de l'intelligence artificielle travaillent pour eux d'abord. Et quand on nous dit qu'on va mettre en place le revenu universel, par exemple, parce qu'on n'aura plus besoin de travailler, soyons très clairs : le revenu universel, c'est pour vous et pour moi, mais ce n'est pas pour les patrons de ces boîtes-là.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par L'Étincelle RH, en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

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