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Bande de flippés

Mathilde - J’ai peur de paraître utopiste en promouvant le management par le coeur

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31min |27/05/2025
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Description

Dans cet épisode nous recevons Mathilde Le Coz.


Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de Directrice recrutement et Développement Talents et Innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Mathilde Le Coz

    J'ai peur de paraître utopiste en faisant la promotion du management par le cœur. Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des RH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autres CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil. Dans cet épisode, nous recevons Mathilde Le Coz. Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de directrice recrutement, développement des talents et innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.

  • Etienne Ageneau

    Bonjour Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Bonjour.

  • Etienne Ageneau

    Est-ce que tu peux nous expliquer ta peur ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors j'ai peur de passer pour une utopiste quand je fais la promotion du management par le cœur.

  • Etienne Ageneau

    Et comment justement, comment tu définis ce que tu appelles le management par le cœur ?

  • Mathilde Le Coz

    Le management par le cœur, pour moi, c'est un management beaucoup plus sensible. On pourrait dire "humain". Je n'aime pas dire "féminin". Souvent, on a caricaturé et opposé le leadership féminin au leadership masculin. Je pense que la sensibilité et le cœur n'ont pas de genre. Donc, hommes et femmes, on peut se retrouver dans ce management-là, mais c'est un management qui est beaucoup plus à l'écoute des équipes qu'on manage et qui, justement, par le fait de créer de la performance sociale va du coup contribuer à de la performance économique. Donc sensibilité, empathie, bienveillance. Bienveillance, j'y crois énormément, même si tout le monde l'utilise peut-être à tort. Ce n'est pas la complaisance, mais la vraie bienveillance. C'est-à-dire qu'on considère, on respecte les individus pour ce qu'ils sont et on essaye de les amener à plus de performance au quotidien. Et donc oui, un management plus humaniste en fait, quelque part. Je crois à la gentillesse, je crois à l'amour en entreprise, même si c'est des mots souvent qui choquent. Alors attention, je ne parle pas des relations amoureuses, mais le fait que pour être un bon manager, il faut aimer les gens, tout simplement. Et donc voilà, un management qui est vraiment au service des autres.

  • Etienne Ageneau

    Et selon toi, qu'est-ce qui peut donner un côté utopiste à ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Bah utopiste, parce qu'en plus je suis une nana, alors certainement on y voit "oh là là tous les bons sentiments". De la naïveté je me souviens, "mais ça c'est pas possible, ça n'existe pas". Moi je crois et j'ai pu le démontrer, je suis convaincue que la performance sociale fait de la performance économique, et donc il ne faut pas opposer justement ces enjeux-là, mais souvent il y a une notion de naïveté, d'utopisme en mode "mais est-ce que c'est vraiment possible ? ça c'est des grands discours ; mais dans les faits, c'est la performance économique qui prime". Justement, ne les opposons pas. Et puis, oui, souvent, trop de sensibilité, l'empathie, la sensibilité, ça peut même être la vulnérabilité qui en fait aussi partie, sont malheureusement parfois vues comme des fragilités, en opposition à l'autorité, le leadership, la capacité à donner le lead, à cadrer. Et donc, voilà, c'est vrai que c'est un management beaucoup plus doux, pour autant qui prône l'excellence, l'exigence dans les résultats. Moi, je suis une fervente défenseuse des cultures de la mesure de la performance, je crois. C'est très, très important de parler de performance et de résultats. Mais pour autant, la manière de parvenir aux résultats est tout aussi importante que les résultats en eux-mêmes. Et donc, voilà, cette peur, elle vient de souvent je me dis "oh là là, c'est dur, il faut savoir tenir ses positions, il ne faut pas savoir se faire marcher dessus". Et donc, souvent, la sensibilité, on l'oppose à tous ces traits de caractère, alors que pour moi, c'est tout à fait compatible.

  • Etienne Ageneau

    Et qu'est-ce que tu réponds justement à ces gens qui vont dire, "non mais on s'écoute trop, on est trop attentifs, finalement, on est dans des entreprises, maintenant, on ne peut plus rien faire et plus agir, parce qu'on est dans l'écoute de tout ce qui se passe et de toutes les remarques, les commentaires des gens", et que ça va à l'inverse nuire à la performance. C'est quoi les exemples que tu leur donnes pour leur démontrer que justement, ça améliore la performance ?

  • Mathilde Le Coz

    Parce que là, ce que tu viens de dire, pour moi, ce n'est pas forcément ça non plus le management par le cœur. Trop s'écouter, trop écouter les besoins. J'ai pu expérimenter moi-même un certain nombre de choses. J'ai la chance de... J'aime beaucoup manager et de manager une belle équipe et donc j'apprends aussi tous les jours. Et j'aime bien tester les préceptes que j'essaye de partager pour voir si ça marche, si c'est vraiment lucide, pertinent. Donc moi, j'ai déjà mon expérience à moi où je crois pouvoir dire que ça fonctionne. Donc voilà, mais c'est vrai que c'est parce que souvent, on oppose le management par le cœur à la performance. Et donc, c'est pas trop s'écouter. C'est sûr que si on passe des heures tout le temps à écouter les uns, les autres, alors on va faire les besoins émotionnels... Et en fait, il y a un moment, le management ne peut pas être que ça, ç a doit servir la performance. Et ça, il ne faut pas l'oublier. Et donc, souvent, les gens qui justement opposent les choses et sont dans le management par le cœur ou la sensibilité, sans parler de performance, d'excellence, de résultat à atteindre, se perdent un peu dans ces méandres, je dirais. Et on se dit, au bout du compte, est-ce que c'est ça manager ? Et puis j'arrête. Et puis parfois, ça peut conduire à des mauvais résultats. Moi, je trouve que justement, c'est un bon équilibre des deux. Le management par le cœur ne s'oppose pas à l'excellence. Je cultive, je pense, une culture de l'excellence et de l'exigence, j'aime les choses de qualité, j'aime que ce soit très bon, très beau, j'aime que mes équipes grandissent. Déjà je n'aime pas dire "mes équipes", mais les équipes qui travaillent à mes côtés grandissent. Mais le management par le cœur, c'est les manières d'aider et de conduire l'équipe sans dégrader justement cette culture de l'excellence et de l'exigence. On peut dire les choses très doucement, de manière très bienveillante et humaine, même des choses difficiles. C'est souvent d'ailleurs bien mieux entendu. Et ça, je ne le perds pas de vue. Et quand on arrive à... faire équilibrer les deux pans, bien sûr que les résultats sont là. L'engagement est décuplé, ça c'est ce que j'arrive à mesurer, et que quand on manage par le cœur, les équipes elles-mêmes se sentent, sont parfois même déçues de ne pas être au résultat, et donc d'elles-mêmes vont dire « Attends, mais la prochaine fois, je ne vais pas décevoir, je vais faire ça, je vais faire ça. » Donc il y a quelque chose qui justement facilite cette atteinte collective des résultats. Et puis après, aujourd'hui, on a aussi des outils, on connaît des indicateurs de mesure, la productivité, l'engagement, la rétention, le bien-être. Tous ces indicateurs sont justement à mêler. On arrive aujourd'hui, je ne dis pas que ça a été de tout temps, mais aujourd'hui, on sait lier un taux d'engagement à un taux de productivité, un taux de satisfaction collaborateur à un taux de satisfaction client. On a ces outils-là, on a ces indicateurs, donc on peut très facilement le démontrer en plus.

  • Etienne Ageneau

    Et pour toi, quelles sont les compétences clés nécessaires pour développer, renforcer ce management par le cœur ? Quelles compétences tu as à cœur de développer dans la ligne managériale de Mazars ?

  • Mathilde Le Coz

    La conscience de soi. Je pense que pour pouvoir manager par le cœur, il faut être capable aussi d'avoir l'honnêteté de se voir comme on est, avec ses forces, ses faiblesses, ses vulnérabilités, et d'être à l'aise avec ça. Donc ça nécessite une vraie conscience de soi. Est-ce que ce que je dis, je suis alignée ? Est-ce que je suis crédible entre mes paroles et mes actes ? Est-ce que j'aimerais qu'on me dise ça ? Est-ce que là, ce n'est pas mon égo qui parle ? Est-ce que ce n'est pas moi qui me sens fâchée parce que je me déçois moi-même et je reprojette sur les autres ? Il y a cette capacité à être en introspection avec soi-même aussi pour pouvoir, je pense, mieux aider les autres. Un management par le cœur, il est beaucoup plus inclusif, un manager peut se remettre beaucoup plus en question, s'appuyer justement sur les forces des autres. Alors c'est sûr que ça nécessite aussi une confiance en soi, mais j'appelle ça la bonne confiance, pas la surconfiance, mais la bonne confiance qui fait que quand on ne sait pas, on ne se sent pas illégitime. Quand on partage une vulnérabilité, on ne se dit pas "Ouh là là, mince, quelqu'un d'autre va prendre ma place parce que". C'est être ce que j'appelle "bien dans ses baskets" avec qui on est. Et je pense que ça nécessite cette conscience de soi-même déjà, de pouvoir identifier son environnement, mieux se comprendre soi-même, c'est mieux comprendre les autres. Ça, c'est compliqué. Et ça vient aussi beaucoup questionner quelque chose qui m'est cher, c'est la responsabilité individuelle. On a toujours des choix à faire, on peut toujours faire le choix d'agir bien ou d'agir mal. Justement de ne pas agir par ego, par jalousie. Mais ça encore faut-il encore une fois être capable de se lire et de voir ce qui est en train de se jouer. Donc ça c'est quelque chose qui est difficile à développer fondamentalement en entreprise, mais déjà on peut en parler et avoir des modèles de leadership qui en parlent librement aussi, ça permet aux autres de se poser des questions. Après ce sur quoi on travaille beaucoup et en tout cas qu'on développe aussi dans la culture managériale, c'est l'intelligence émotionnelle. Alors, l'intelligence émotionnelle, on part du principe qu'on l'a ou qu'on l'a pas. Donc, on fait ça avec empathie. D'ailleurs, ce n'est pas exactement la même chose. Mais c'est sûr que pour bien manager par le cœur, il faut être à l'aise avec les émotions. Ça ne veut pas dire qu'on a le droit à toutes les émotions, je ne crois pas qu'il faille crier, pleurer, mais en tous les cas, ça arrive. Qu'on le veuille ou non, les émotions, elles existent. On est fait ainsi, les hommes et les femmes. Et donc, être à l'aise avec les émotions, c'est savoir accueillir ces émotions, les décrypter, accueillir celles des autres, essayer de voir ce qui s'y joue. Et notamment, moi, quand j'ai été formée à l'intelligence émotionnelle, j'ai découvert le sujet des émotions-refuge, donc les émotions que, socialement, il est plus admis de montrer quand on est un homme ou quand on est une femme. C'est très intéressant. On voit aussi les codes, les biais sociaux et éducatifs. Et donc, on comprend beaucoup mieux ce qui se joue en fait en entreprise. Et du coup, on change de posture. On trouve mieux les ressorts pour aider les gens. Quelqu'un qui manifeste de la colère, ce n'est pas quelqu'un forcément qui est en colère. Quelqu'un qui a peur peut montrer de la colère. Et donc, il ne faut pas réagir exactement de la même manière. Donc... Pour moi, ça, c'est une des premières compétences qu'il faut avoir. L'empathie, c'est être capable d'écouter les besoins des autres, mais ce n'est pas toujours se mettre à la place de l'autre, mais avoir conscience que son propre ressenti, sa propre projection, ce n'est pas forcément celle non plus des autres. Donc être capable, justement, de regarder une situation, un comportement sous tous les angles, sans avoir un jugement. Souvent, on projette par rapport à son propre socle de croyance « Ah ben, il agit ainsi, ça veut dire ça. » Parce que si moi, j'agis ainsi, ça veut dire ça. Mais alors que bien souvent, ce n'est pas du tout le cas. Donc ça, c'est un élément important. Et puis, une autre qualité pour moi bien sûr, c'est l'assertivité, la communication non-violente. On en parle souvent, mais je constate que ce n'est pas quelque chose que culturellement on sait faire. D'ailleurs, souvent, les problèmes viennent du fait qu'on ne sait pas "bien dire" les choses, donc on ne les dit pas. On a peur de faire de la peine, de vexer, mais à la fin, on enterre bien les sujets jusqu'à ce que ça remonte et ça explose. Et donc, je trouve avoir cette authenticité, cette simplicité de dire les choses calmement, avec les bons mots pour ne pas être jugeant, partager un feedback à partir de son ressenti, ça, c'est des techniques qu'on apprend, il faut s'entraîner. Je pense que l'assertivité, c'est une grande force parce qu'on peut tout dire et on va le dire d'une manière où on continue quand même à embarquer les gens. L'assertivité, c'est important, encore une fois, pour atteindre la performance, parce que l'enjeu c'est quand même d'aider les équipes à se développer, à faire tendre vers mieux, à apprendre, à co-créer, à créer de la performance. C'est vraiment un outil du quotidien. Et après on peut parler, il y a toutes les techniques d'animation, facilitation, médiation, c'est-à-dire comment on apprend à ne pas être en posture haute, mais en posture basse, aux côtés de ses équipes. Moi, je crois beaucoup au co-développement, bien sûr à la posture coach, mais ça ne veut pas dire qu'on l'est tous les jours. En tant que manager, on a plusieurs casquettes. Parfois, on doit arbitrer. Parfois, on doit donner un cap. Et puis parfois, on est là pour faire grandir ou pour donner envie. Et donc là, on n'est plus sur des notions de leadership. Et c'est être à l'aise avec toutes ces casquettes en fonction de la situation. Je vais pouvoir aussi adapter mon style parce que les situations ne sont pas les mêmes, l'urgence n'est pas la même. Et je dirais pour finir, on en a parlé, c'est la vulnérabilité, que je pense on peut aussi relier à l'authenticité. Je crois qu'aujourd'hui, le management par le cœur c'est d'abord respecter les individus pour qui ils sont en tant que personnes. On vit tous des situations, parfois pas faciles. Et moi, je ne crois pas qu'on peut attendre des gens des choses sans prendre en compte leur situation de vie, comprendre quelles sont leurs histoires, leur vie, leur entourage, et donc, voilà, leur écosystème personnel. L'enjeu ce n'est pas d'être intrusif dans la vie, mais encore une fois, les gens, quand ils sont écoutés, au sens respectés, bien sûr qu'ils ont envie, ils s'engagent parce qu'ils se sentent utiles, en fait. C'est ça. Tout ça est venu d'une étude aussi que j'ai lue et sur laquelle j'ai beaucoup travaillé chez Mazars, c'est l'engagement par l'estime de soi, le modèle OBSE, où en fait quand on développe l'estime de soi des gens, naturellement ils ont envie de rester plus longtemps dans cet environnement, c'est humain. On a tous envie d'avoir un bel estime, c'est pas une surconfiance, mais de se dire qu'on sert à quelque chose, qu'on est utile, et ça c'est dans le regard des autres avant tout.

  • Etienne Ageneau

    Il y a sûrement des gens qui nous écoutent, des RH, qui partagent ta vision, mais qui disent aujourd'hui qu'ils sont confrontés à des managers, une organisation, où ce sujet est vu de manière un peu lointaine, parce qu'ancré dans des vieux schémas, je ne sais pas si le terme est bon, mais en tout cas dans des schémas mentaux, culturels, dans ce sentiment de se dire que si on est vulnérable, en fait, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon signe. Comment on arrive à accompagner un changement culturel sur ce sujet ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors moi, c'est vrai que je travaille au sein d'une organisation où, rappelons-le, la moyenne d'âge est très jeune. Je le dis parce qu'en fait, ça, c'est un management promu par les jeunes générations beaucoup plus fortement, dans lequel on le constate tous les jours, ils veulent se sentir beaucoup plus engagés. Et donc, nous, on est dans une industrie où il y avait des codes statutaires, managériaux bien marqués et qui ne marchaient plus. De toute façon, on le voyait bien, ceux qui manageaient disaient « mais je ne comprends plus, je n'ai plus du tout la prise sur les gens". Mais parce qu'en fait, tu n'utilises pas du tout la même méthode. Donc, de toute façon, on a été, nous, confrontés à la situation de fait. Et on a dû apprendre à faire autrement. Et donc, on a dit, "essayez d'autres méthodes". Et on a pu constater les résultats de ces méthodes-là. Ça ne parle pas qu'aux jeunes. Moi, je me y retrouve totalement. Et je crois que, malheureusement, je ne suis plus si jeune que ça. Mais je pense qu'aussi, c'est un management dans lequel les talents féminins aussi se retrouvent beaucoup, même si attention je n'oppose pas les genres, je connais plein d'hommes avec qui je travaille au quotidien qui en sont convaincus, c'est même souvent plus compliqué pour un homme. Alors c'est marrant parce que moi je dis j'ai peur et je suis nana parce qu'en fait je suis nana donc dans la caricature "ah bah oui mais toi t'es trop sensible et tout", mais un homme qui promeut ces modèles de management c'est encore plus dur ! Alors lui il est vu en mode... voire il n'ose pas en parler parce qu'il se dit vis-à-vis de ses pairs, il ne va pas du tout être crédible là où on est, pardon, mais parfois un peu dans la "masculinité". Alors, ça fait très débat en ce moment, mais c'est pour ça que ce n'est pas un sujet d'opposition des genres, mais de il faut changer de relations humaines, en fait, dans les organisations. Et donc, voilà, moi, c'est vrai que ça a été peut-être un environnement où l'aspect générationnel ayant tellement provoqué ce changement qu'on l'a expérimenté de fait. Maintenant, j'ai bien conscience que dans plein d'organisations, on dit non. Alors, il y a un sujet de croyance, de conviction et de courage. Moi, j'y crois. Je ne dis pas que parfois, je n'ai pas eu des doutes. Je me dis mais en fait, la politique, le désalignement, mais en fait, est-ce que ça peut vraiment exister ? Et en fait, plus j'ai des doutes, plus je suis repoussée dans mes retranchements, plus je me dis "non, mais j'y crois vraiment". Et je suis sûre qu'à tout niveau de l'organisation, ça peut être un levier, et je pense que c'est même le levier le plus incroyable de performance. Je suis convaincue que l'organisation qui aura les meilleurs managers seront les organisations les plus performantes. Mais c'est vrai qu'il faut se battre. Oui, quand on me dit « Oh là là, c'est une naïve » , je ne lâche rien. Je ne vais pas m'excuser de penser ça. Je démontre par des chiffres. Ça, c'est très important. Donc, très rapidement, j'ai outillé, j'ai monté des indicateurs pour pouvoir démontrer les choses. Et puis là, d'ailleurs, une dernière expérimentation, c'est qu'on lance les managers de métier, c'est-à-dire des gens qui sont dédiés au management. Nous, dans notre industrie, ça n'existe pas, mais ça n'existe pas tant que ça dans les organisations, parce que souvent un manager il doit produire lui-même. C'est ce qui rend le management si difficile, c'est que les gens disent, "mais ça prend un temps fou de faire du social". J'adore qu'on me dise ça, je dis, "ah, tu veux dire du management, en fait ?" Ben oui, ça prend du temps, parce que c'est un vrai métier. Et donc là, par exemple, on crée les managers de métier, des gens qui seront dédiés au management, qui n'auront pas de contribution opérationnelle, mais qui auront des indicateurs de succès aussi à suivre, parce que la performance sociale, elle se mesure différemment. Le taux de rétention, le taux d'engagement et de bien-être, ce que j'appelle le taux d'incident, c'est-à-dire un management par le cœur, qui est bien, qui est responsable, il y a beaucoup moins d'incidents, en tout cas provoqués par l'organisation. Quand je dis incidents, c'est en termes d'éthique, en termes d'inclusion, pas de discrimination, pas de harcèlement, pas de management toxique qui, aujourd'hui, on ne mesure pas ça, mais ça coûte de l'argent aux entreprises. Donc, on dit, on ne veut pas investir dans le management, mais par ailleurs, on peut savoir qu'un mauvais management, ça coûte à l'entreprise.

  • Etienne Ageneau

    Et c'est l'argument, justement, cet argument-là que tu évoques, qui t'a permis d'amener l'organisation à évoluer ? Parce que j'imagine que forcément, créer ce type de poste, il y a des questionnements économiques dans les modèles du secteur. C'est quoi l'argument qui a fait dire, en tout cas aux associés, de se dire "oui, il faut qu'on y aille et il faut qu'on ait des gens dédiés à ça" ?

  • Mathilde Le Coz

    Là, c'est sur une population dédiée. Je vais vous démontrer que la productivité de cette équipe-là va augmenter. De même que l'engagement et aussi l'alignement entre le projet de l'organisation et des individus. On le voit dans nos baromètres d'engagement que plus les équipes sont grandes, moins il y a de management de proximité, moins les équipes sont engagées. Surtout avec les jeunes générations. Les jeunes générations, elles ont besoin de se reconnaître dans un management qui leur donne envie. Ils ont besoin de se projeter dans des gens qui partagent les valeurs, les comportements. et donc en fait j'ai dit je vais lister les indicateurs et en fait je vais pouvoir vous démontrer que ce sera financièrement recouvert puisque je vais pouvoir financer ces postes-là par la hausse de la productivité de l'équipe avec un taux d'engagement qui augmentera également.

  • Etienne Ageneau

    Quand je t'entends je ressens aussi beaucoup de conviction et de prise de position, moi j'associe souvent le management par le coeur avec deux autres notions qui est le management par l'attention et le management par le courage. Quel regard tu portes sur le sujet ? Est-ce que pour toi, le management du cœur et le management par le courage sont deux notions qui sont importantes ensemble, que tu dissocies dans ta vision ? Quel regard ?

  • Mathilde Le Coz

    Je te rejoins. Alors, on peut être très courageux et pas nécessairement intégralement humain, bien sûr. Mais par contre, il faut du courage pour promouvoir le management par le cœur parce que ce n'est pas être gentil. L'enjeu, ce n'est pas d'être gentil et d'être aimé de ses équipes. Mais si on fait les choses de manière responsable, courageuse, transparente, en règle générale, on va créer, alors pas de l'amour mais en tout cas un taux d'engagement et de légitimité. On arrive beaucoup plus d'ailleurs sur un management légitime que statutaire, parce qu'on a envie de travailler avec des gens qui nous respectent et qui nous considèrent, mais ça veut dire le courage. On parlait de l'assertivité, c'est l'art de savoir dire les choses, qu'elles plaisent ou qu'elles déplaisent, de la bonne manière. Et le sujet, il est bien là. Souvent les gens, ce n'est pas qu'ils veulent mal manager, c'est que ça manque de courage. Et je pense qu'on est en plus dans une époque où on veut être aimé systématiquement. Et manager, ce n'est pas être aimé. Bien sûr, j'ai envie d'être apprécié de mes équipes, mais ce n'est pas mon driver. Ça n'est que la conséquence du management par le cœur. Effectivement, si on mène bien ce management, je pense qu'il y a des grandes chances qu'on soit apprécié de ses équipes. Et que d'ailleurs, le jour où on part, les équipes qui disent « Ah mais nous on veut partir avec toi ». Voilà, on le voit aussi, mais ce n'est pas le but en soi d'être aimé. Et du coup, oui, souvent, ça manque de courage. Moi, j'ai toujours pensé que plus on respecte les gens, plus on leur doit la vérité. Je serais tellement touchée, blessée que les gens qui se disent très proches de moi ne me disent pas la vérité, apprennent des choses et n'osent pas me le dire. Je m'attends à ce que les gens qui, justement, sont proches de moi puissent m'aider en sachant la vérité. On n'aide pas les gens en ne leur disant rien, en leur racontant une histoire, en les trompant en fait. Moi, je le vois vraiment comme un manque de respect et de considération, le manque de courage. Et c'est difficile. Combien de fois, malheureusement, j'ai dû dire des choses difficiles à des gens que j'appréciais énormément, j'ose le dire. Et je me suis dit, il y a peut-être quelque chose qui va se casser. Mais si je ne le fais pas, je ne serais pas alignée avec moi-même. Et pour moi le cadeau que je leur fais, c'est cette authenticité. Et pour moi, il n'y a pas de management par le cœur sans courage. Je le lis énormément et c'est peut-être ce qui fait peut-être le plus défaut en effet aujourd'hui je trouve, le courage de porter ses convictions, le courage de dire les choses, le courage de se battre et de prendre les bonnes décisions quitte à être en inconfort, parce que manager, ce n'est pas s'écouter soi, c'est écouter d'abord aussi les autres. Alors, il ne faut pas se perdre, c'est un peu la limite. Parfois, si justement on est trop empathique, parfois moi c'est plutôt l'inverse, il faut que je remette un peu mes besoins dans le jeu, parce qu'on peut se noyer dans les besoins des autres. Mais voilà, je pense que ce courage, encore une fois, il est essentiel. Je ne vois pas le management par le cœur sans courage.

  • Etienne Ageneau

    Et aujourd'hui, pour toi, est-ce que la fonction RH manque de courage parfois ?

  • Mathilde Le Coz

    Je me questionne pour qui on travaille. Pour qui on travaille en tant que DRH ? Je travaille pour l'organisation pour laquelle j'ai souhaité m'engager. Je choisis un CEO qui, à mon sens, incarne ce projet, parce que moi j'ai besoin de travailler pour un manager avec qui je suis en confiance, qui partage mes valeurs, sinon je me dis qu'il y a un désalignement entre la manière dont je vois le projet d'entreprise et le sien. Mais fondamentalement, moi je m'engage pour l'organisation, et donc si mes convictions sont désalignées, ou si je dis les choses et que ça ne plaît pas, oui, ça peut me questionner sur est-ce que j'ai encore ma place dans ce projet. Je pense que la peur, elle vient souvent de là, de se dire on va perdre sa place, on va mettre quelqu'un d'autre. Moi je suis... alors c'est peut-être parce que ça n'a jamais été une fin en soi, je ne m'attendais pas, enfin je pense que je n'aurais jamais imaginé être DRH. J'y suis arrivée en découvrant ce métier un peu plus tard, je ne viens pas du tout du métier RH, je pense avoir trouvé ma voie. Je le vois comme une... pardon parce que ça peut être vu comme un manque d'humilité, moi je le vois... Je pense qu'il faut être ambitieux, ambitieux au sens c'est bien de rêver grand et de vouloir un impact. Moi, je le vois comme une mission et je l'oeuvre aussi aujourd'hui au sein d'une organisation. Si cette organisation n'y croit pas, je trouverais une autre organisation dans laquelle je serais ravie de mener cette mission. J'y crois et je n'ai pas du tout envie de lâcher là-dessus. Et je pense que parfois, peut-être que certains DRH sont plus à côté, accrochés à leur place, à l'impact qu'ils peuvent avoir. Moi, ce statut-là, je n'ai jamais recherché ce titre, ce statut, cette place. Je l'ai toujours vu comme mission, en fait. Et le jour où on ne voudra plus que je mène cette mission, j'irai la mener ailleurs.

  • Etienne Ageneau

    On va bientôt arriver à la fin du podcast, aux RH qui nous écoutent et qui croient, qui portent la même conviction que toi sur le management du cœur, mais qui, pour l'instant, sont en désorganisation, ils n'ont pas osé franchir le cap. Quel conseil tu leur donnes sur les premières étapes, peut-être, à enclencher pour aller vers ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors c'est vrai que moi j'y suis arrivée, et je promeus, je communique beaucoup aussi au nom de l'organisation. C'est un chemin. C'est-à-dire que je pense que ça fait plusieurs années qu'on travaille sur la culture du feedback, la bienveillance fait partie de notre ADN, sur l'intelligence émotionnelle. C'est-à-dire que c'est un travail, on avait déjà mis des graines, qui fait qu'après, au bout d'un moment, on peut sortir le grand mot, le grand jeu, le grand mot : "En fait on fait du management par le cœur" ! Si j'avais sorti ça dès le début, je pense que j'aurais fait peur à tout le monde. Donc, il faut laisser le temps à l'organisation d'apprécier, de comprendre. Il y a un peu d'enjeu de pédagogie et d'évangélisation, en fait. Imaginons, je change d'organisation, peut-être que je m'y prendrais par étapes intermédiaires, le temps d'arriver en fonction de l'environnement et de la maturité sur le sujet, parce que ça peut faire peur. Je pense qu'il y a des étapes. Encore une fois, le sujet de manager, déjà ça questionne qu'est-ce qu'on attend des managers. Est-ce qu'on est bien d'accord avec son organisation, sa direction, sur les enjeux de performance sociale, si on ne veut pas faire de performance sociale, c'est difficile de promouvoir le management par le cœur. Donc il faut déjà s'assurer de l'alignement, on n'est pas obligé de l'adresser tout de suite comme ça, il y a d'autres manières de s'assurer qu'on est en tout cas bien aligné avec les enjeux de l'organisation et après il y a des étapes, effectivement le feedback, la posture coach, le fait d'introduire quelques indicateurs de réussite comment tu vas mesurer ça, le 360 managérial. Basique, ça me semble évident, mais dans plein d'organisations, ça reste encore tabou. Donc, c'est difficile de prendre le management par le cœur quand, en tant que manager, on ne veut même pas savoir et s'intéresser à ce que pensent les autres. Donc, je pense qu'il y a des étapes intermédiaires avant de pouvoir peut-être promouvoir une idéologie, quelque part, et aller jusqu'au bout. Juste des étapes, les étapes que j'ai citées, je pense, sont des bonnes manières de commencer à évangéliser et planter des graines au sein de l'organisation.

  • Etienne Ageneau

    Et pour terminer, est-ce que prendre la parole à l'extérieur, comme tu le fais là aujourd'hui sur ce type de sujet, c'est un moyen indirect de jouer aussi sur ce sujet en interne parce que forcément on le porte, donc on engage l'organisation à bouger aussi sur cette idée ?

  • Mathilde Le Coz

    Oui, alors oui. C'est rigolo que tu demandes ça parce qu'à l'origine, c'est vrai que j'aime bien prendre la parole, j'aime surtout échanger, rencontrer des gens. Mais je me suis vite rendue compte que c'était une tactique d'évangélisation interne. Parce que parfois, on fait passer des messages en interne, on n'est pas entendu. D'ailleurs, combien de fois on dit, il faut faire venir quelqu'un de l'extérieur qui va dire la même chose, mais ce sera mieux entendu. C'est toujours comme ça. Donc moi, ça m'arrive d'ailleurs de faire intervenir des gens qui disent exactement la même chose, mais avec cette caution, ils sont professeurs, experts. Donc vous voyez, il n'y a pas que moi qui le dis, etc. Mais surtout, ce qui est intéressant, c'est de voir comment réagissent les auditeurs ou comment une prise de parole externe est perçue par le marché ou par d'autres entreprises, et bien souvent c'est « dis donc j'ai vu, t'as dit ça et oulala, il y a plein de gens qui ont réagi, tiens mon client m'en a parlé". Et là ils disent « ah bah je vais peut-être bouger, je vais peut-être écouter » donc oui, en fait moi c'est beaucoup souvent de contenu externe que je repousse déjà en interne, ça permet aussi de créer du contenu un peu plus naturel, spontané pour faire comprendre aussi ... On n'a pas toujours l'occasion en tant que DRH de prendre le temps de passer ce temps-là pour expliquer toutes nos stratégies, ce en quoi on croit, nos croyances, nos combats. Donc ça me permet aussi de le partager avec les équipes Forvis-Mazars, mais surtout ça attire l'attention et c'est entendu. Je donne un exemple où le management par le cœur... C'est quelque chose que j'ai évoqué dernièrement. J'ai eu la chance de travailler avec des talents féminins au Women's Forum. On m'a dit, écris une chronique. J'écris une tribune pour Forvis-Mazars, je dis "c'est un parti pris, attention". "Ah non, mais c'est super, on va le mettre dans Les échos". Je dis, "ah ouais". Donc là, j'avais le support de l'organisation. Et en fait, "ah là là, j'ai vu dans un grand journal, c'est sorti". Donc, c'est un sujet qui plaît. Donc oui, ça sert énormément à la cause pour évangéliser et faire passer des messages.

  • Etienne Ageneau

    Merci Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Merci.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par l'Étincelle RH en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

Description

Dans cet épisode nous recevons Mathilde Le Coz.


Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de Directrice recrutement et Développement Talents et Innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Mathilde Le Coz

    J'ai peur de paraître utopiste en faisant la promotion du management par le cœur. Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des RH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autres CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil. Dans cet épisode, nous recevons Mathilde Le Coz. Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de directrice recrutement, développement des talents et innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.

  • Etienne Ageneau

    Bonjour Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Bonjour.

  • Etienne Ageneau

    Est-ce que tu peux nous expliquer ta peur ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors j'ai peur de passer pour une utopiste quand je fais la promotion du management par le cœur.

  • Etienne Ageneau

    Et comment justement, comment tu définis ce que tu appelles le management par le cœur ?

  • Mathilde Le Coz

    Le management par le cœur, pour moi, c'est un management beaucoup plus sensible. On pourrait dire "humain". Je n'aime pas dire "féminin". Souvent, on a caricaturé et opposé le leadership féminin au leadership masculin. Je pense que la sensibilité et le cœur n'ont pas de genre. Donc, hommes et femmes, on peut se retrouver dans ce management-là, mais c'est un management qui est beaucoup plus à l'écoute des équipes qu'on manage et qui, justement, par le fait de créer de la performance sociale va du coup contribuer à de la performance économique. Donc sensibilité, empathie, bienveillance. Bienveillance, j'y crois énormément, même si tout le monde l'utilise peut-être à tort. Ce n'est pas la complaisance, mais la vraie bienveillance. C'est-à-dire qu'on considère, on respecte les individus pour ce qu'ils sont et on essaye de les amener à plus de performance au quotidien. Et donc oui, un management plus humaniste en fait, quelque part. Je crois à la gentillesse, je crois à l'amour en entreprise, même si c'est des mots souvent qui choquent. Alors attention, je ne parle pas des relations amoureuses, mais le fait que pour être un bon manager, il faut aimer les gens, tout simplement. Et donc voilà, un management qui est vraiment au service des autres.

  • Etienne Ageneau

    Et selon toi, qu'est-ce qui peut donner un côté utopiste à ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Bah utopiste, parce qu'en plus je suis une nana, alors certainement on y voit "oh là là tous les bons sentiments". De la naïveté je me souviens, "mais ça c'est pas possible, ça n'existe pas". Moi je crois et j'ai pu le démontrer, je suis convaincue que la performance sociale fait de la performance économique, et donc il ne faut pas opposer justement ces enjeux-là, mais souvent il y a une notion de naïveté, d'utopisme en mode "mais est-ce que c'est vraiment possible ? ça c'est des grands discours ; mais dans les faits, c'est la performance économique qui prime". Justement, ne les opposons pas. Et puis, oui, souvent, trop de sensibilité, l'empathie, la sensibilité, ça peut même être la vulnérabilité qui en fait aussi partie, sont malheureusement parfois vues comme des fragilités, en opposition à l'autorité, le leadership, la capacité à donner le lead, à cadrer. Et donc, voilà, c'est vrai que c'est un management beaucoup plus doux, pour autant qui prône l'excellence, l'exigence dans les résultats. Moi, je suis une fervente défenseuse des cultures de la mesure de la performance, je crois. C'est très, très important de parler de performance et de résultats. Mais pour autant, la manière de parvenir aux résultats est tout aussi importante que les résultats en eux-mêmes. Et donc, voilà, cette peur, elle vient de souvent je me dis "oh là là, c'est dur, il faut savoir tenir ses positions, il ne faut pas savoir se faire marcher dessus". Et donc, souvent, la sensibilité, on l'oppose à tous ces traits de caractère, alors que pour moi, c'est tout à fait compatible.

  • Etienne Ageneau

    Et qu'est-ce que tu réponds justement à ces gens qui vont dire, "non mais on s'écoute trop, on est trop attentifs, finalement, on est dans des entreprises, maintenant, on ne peut plus rien faire et plus agir, parce qu'on est dans l'écoute de tout ce qui se passe et de toutes les remarques, les commentaires des gens", et que ça va à l'inverse nuire à la performance. C'est quoi les exemples que tu leur donnes pour leur démontrer que justement, ça améliore la performance ?

  • Mathilde Le Coz

    Parce que là, ce que tu viens de dire, pour moi, ce n'est pas forcément ça non plus le management par le cœur. Trop s'écouter, trop écouter les besoins. J'ai pu expérimenter moi-même un certain nombre de choses. J'ai la chance de... J'aime beaucoup manager et de manager une belle équipe et donc j'apprends aussi tous les jours. Et j'aime bien tester les préceptes que j'essaye de partager pour voir si ça marche, si c'est vraiment lucide, pertinent. Donc moi, j'ai déjà mon expérience à moi où je crois pouvoir dire que ça fonctionne. Donc voilà, mais c'est vrai que c'est parce que souvent, on oppose le management par le cœur à la performance. Et donc, c'est pas trop s'écouter. C'est sûr que si on passe des heures tout le temps à écouter les uns, les autres, alors on va faire les besoins émotionnels... Et en fait, il y a un moment, le management ne peut pas être que ça, ç a doit servir la performance. Et ça, il ne faut pas l'oublier. Et donc, souvent, les gens qui justement opposent les choses et sont dans le management par le cœur ou la sensibilité, sans parler de performance, d'excellence, de résultat à atteindre, se perdent un peu dans ces méandres, je dirais. Et on se dit, au bout du compte, est-ce que c'est ça manager ? Et puis j'arrête. Et puis parfois, ça peut conduire à des mauvais résultats. Moi, je trouve que justement, c'est un bon équilibre des deux. Le management par le cœur ne s'oppose pas à l'excellence. Je cultive, je pense, une culture de l'excellence et de l'exigence, j'aime les choses de qualité, j'aime que ce soit très bon, très beau, j'aime que mes équipes grandissent. Déjà je n'aime pas dire "mes équipes", mais les équipes qui travaillent à mes côtés grandissent. Mais le management par le cœur, c'est les manières d'aider et de conduire l'équipe sans dégrader justement cette culture de l'excellence et de l'exigence. On peut dire les choses très doucement, de manière très bienveillante et humaine, même des choses difficiles. C'est souvent d'ailleurs bien mieux entendu. Et ça, je ne le perds pas de vue. Et quand on arrive à... faire équilibrer les deux pans, bien sûr que les résultats sont là. L'engagement est décuplé, ça c'est ce que j'arrive à mesurer, et que quand on manage par le cœur, les équipes elles-mêmes se sentent, sont parfois même déçues de ne pas être au résultat, et donc d'elles-mêmes vont dire « Attends, mais la prochaine fois, je ne vais pas décevoir, je vais faire ça, je vais faire ça. » Donc il y a quelque chose qui justement facilite cette atteinte collective des résultats. Et puis après, aujourd'hui, on a aussi des outils, on connaît des indicateurs de mesure, la productivité, l'engagement, la rétention, le bien-être. Tous ces indicateurs sont justement à mêler. On arrive aujourd'hui, je ne dis pas que ça a été de tout temps, mais aujourd'hui, on sait lier un taux d'engagement à un taux de productivité, un taux de satisfaction collaborateur à un taux de satisfaction client. On a ces outils-là, on a ces indicateurs, donc on peut très facilement le démontrer en plus.

  • Etienne Ageneau

    Et pour toi, quelles sont les compétences clés nécessaires pour développer, renforcer ce management par le cœur ? Quelles compétences tu as à cœur de développer dans la ligne managériale de Mazars ?

  • Mathilde Le Coz

    La conscience de soi. Je pense que pour pouvoir manager par le cœur, il faut être capable aussi d'avoir l'honnêteté de se voir comme on est, avec ses forces, ses faiblesses, ses vulnérabilités, et d'être à l'aise avec ça. Donc ça nécessite une vraie conscience de soi. Est-ce que ce que je dis, je suis alignée ? Est-ce que je suis crédible entre mes paroles et mes actes ? Est-ce que j'aimerais qu'on me dise ça ? Est-ce que là, ce n'est pas mon égo qui parle ? Est-ce que ce n'est pas moi qui me sens fâchée parce que je me déçois moi-même et je reprojette sur les autres ? Il y a cette capacité à être en introspection avec soi-même aussi pour pouvoir, je pense, mieux aider les autres. Un management par le cœur, il est beaucoup plus inclusif, un manager peut se remettre beaucoup plus en question, s'appuyer justement sur les forces des autres. Alors c'est sûr que ça nécessite aussi une confiance en soi, mais j'appelle ça la bonne confiance, pas la surconfiance, mais la bonne confiance qui fait que quand on ne sait pas, on ne se sent pas illégitime. Quand on partage une vulnérabilité, on ne se dit pas "Ouh là là, mince, quelqu'un d'autre va prendre ma place parce que". C'est être ce que j'appelle "bien dans ses baskets" avec qui on est. Et je pense que ça nécessite cette conscience de soi-même déjà, de pouvoir identifier son environnement, mieux se comprendre soi-même, c'est mieux comprendre les autres. Ça, c'est compliqué. Et ça vient aussi beaucoup questionner quelque chose qui m'est cher, c'est la responsabilité individuelle. On a toujours des choix à faire, on peut toujours faire le choix d'agir bien ou d'agir mal. Justement de ne pas agir par ego, par jalousie. Mais ça encore faut-il encore une fois être capable de se lire et de voir ce qui est en train de se jouer. Donc ça c'est quelque chose qui est difficile à développer fondamentalement en entreprise, mais déjà on peut en parler et avoir des modèles de leadership qui en parlent librement aussi, ça permet aux autres de se poser des questions. Après ce sur quoi on travaille beaucoup et en tout cas qu'on développe aussi dans la culture managériale, c'est l'intelligence émotionnelle. Alors, l'intelligence émotionnelle, on part du principe qu'on l'a ou qu'on l'a pas. Donc, on fait ça avec empathie. D'ailleurs, ce n'est pas exactement la même chose. Mais c'est sûr que pour bien manager par le cœur, il faut être à l'aise avec les émotions. Ça ne veut pas dire qu'on a le droit à toutes les émotions, je ne crois pas qu'il faille crier, pleurer, mais en tous les cas, ça arrive. Qu'on le veuille ou non, les émotions, elles existent. On est fait ainsi, les hommes et les femmes. Et donc, être à l'aise avec les émotions, c'est savoir accueillir ces émotions, les décrypter, accueillir celles des autres, essayer de voir ce qui s'y joue. Et notamment, moi, quand j'ai été formée à l'intelligence émotionnelle, j'ai découvert le sujet des émotions-refuge, donc les émotions que, socialement, il est plus admis de montrer quand on est un homme ou quand on est une femme. C'est très intéressant. On voit aussi les codes, les biais sociaux et éducatifs. Et donc, on comprend beaucoup mieux ce qui se joue en fait en entreprise. Et du coup, on change de posture. On trouve mieux les ressorts pour aider les gens. Quelqu'un qui manifeste de la colère, ce n'est pas quelqu'un forcément qui est en colère. Quelqu'un qui a peur peut montrer de la colère. Et donc, il ne faut pas réagir exactement de la même manière. Donc... Pour moi, ça, c'est une des premières compétences qu'il faut avoir. L'empathie, c'est être capable d'écouter les besoins des autres, mais ce n'est pas toujours se mettre à la place de l'autre, mais avoir conscience que son propre ressenti, sa propre projection, ce n'est pas forcément celle non plus des autres. Donc être capable, justement, de regarder une situation, un comportement sous tous les angles, sans avoir un jugement. Souvent, on projette par rapport à son propre socle de croyance « Ah ben, il agit ainsi, ça veut dire ça. » Parce que si moi, j'agis ainsi, ça veut dire ça. Mais alors que bien souvent, ce n'est pas du tout le cas. Donc ça, c'est un élément important. Et puis, une autre qualité pour moi bien sûr, c'est l'assertivité, la communication non-violente. On en parle souvent, mais je constate que ce n'est pas quelque chose que culturellement on sait faire. D'ailleurs, souvent, les problèmes viennent du fait qu'on ne sait pas "bien dire" les choses, donc on ne les dit pas. On a peur de faire de la peine, de vexer, mais à la fin, on enterre bien les sujets jusqu'à ce que ça remonte et ça explose. Et donc, je trouve avoir cette authenticité, cette simplicité de dire les choses calmement, avec les bons mots pour ne pas être jugeant, partager un feedback à partir de son ressenti, ça, c'est des techniques qu'on apprend, il faut s'entraîner. Je pense que l'assertivité, c'est une grande force parce qu'on peut tout dire et on va le dire d'une manière où on continue quand même à embarquer les gens. L'assertivité, c'est important, encore une fois, pour atteindre la performance, parce que l'enjeu c'est quand même d'aider les équipes à se développer, à faire tendre vers mieux, à apprendre, à co-créer, à créer de la performance. C'est vraiment un outil du quotidien. Et après on peut parler, il y a toutes les techniques d'animation, facilitation, médiation, c'est-à-dire comment on apprend à ne pas être en posture haute, mais en posture basse, aux côtés de ses équipes. Moi, je crois beaucoup au co-développement, bien sûr à la posture coach, mais ça ne veut pas dire qu'on l'est tous les jours. En tant que manager, on a plusieurs casquettes. Parfois, on doit arbitrer. Parfois, on doit donner un cap. Et puis parfois, on est là pour faire grandir ou pour donner envie. Et donc là, on n'est plus sur des notions de leadership. Et c'est être à l'aise avec toutes ces casquettes en fonction de la situation. Je vais pouvoir aussi adapter mon style parce que les situations ne sont pas les mêmes, l'urgence n'est pas la même. Et je dirais pour finir, on en a parlé, c'est la vulnérabilité, que je pense on peut aussi relier à l'authenticité. Je crois qu'aujourd'hui, le management par le cœur c'est d'abord respecter les individus pour qui ils sont en tant que personnes. On vit tous des situations, parfois pas faciles. Et moi, je ne crois pas qu'on peut attendre des gens des choses sans prendre en compte leur situation de vie, comprendre quelles sont leurs histoires, leur vie, leur entourage, et donc, voilà, leur écosystème personnel. L'enjeu ce n'est pas d'être intrusif dans la vie, mais encore une fois, les gens, quand ils sont écoutés, au sens respectés, bien sûr qu'ils ont envie, ils s'engagent parce qu'ils se sentent utiles, en fait. C'est ça. Tout ça est venu d'une étude aussi que j'ai lue et sur laquelle j'ai beaucoup travaillé chez Mazars, c'est l'engagement par l'estime de soi, le modèle OBSE, où en fait quand on développe l'estime de soi des gens, naturellement ils ont envie de rester plus longtemps dans cet environnement, c'est humain. On a tous envie d'avoir un bel estime, c'est pas une surconfiance, mais de se dire qu'on sert à quelque chose, qu'on est utile, et ça c'est dans le regard des autres avant tout.

  • Etienne Ageneau

    Il y a sûrement des gens qui nous écoutent, des RH, qui partagent ta vision, mais qui disent aujourd'hui qu'ils sont confrontés à des managers, une organisation, où ce sujet est vu de manière un peu lointaine, parce qu'ancré dans des vieux schémas, je ne sais pas si le terme est bon, mais en tout cas dans des schémas mentaux, culturels, dans ce sentiment de se dire que si on est vulnérable, en fait, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon signe. Comment on arrive à accompagner un changement culturel sur ce sujet ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors moi, c'est vrai que je travaille au sein d'une organisation où, rappelons-le, la moyenne d'âge est très jeune. Je le dis parce qu'en fait, ça, c'est un management promu par les jeunes générations beaucoup plus fortement, dans lequel on le constate tous les jours, ils veulent se sentir beaucoup plus engagés. Et donc, nous, on est dans une industrie où il y avait des codes statutaires, managériaux bien marqués et qui ne marchaient plus. De toute façon, on le voyait bien, ceux qui manageaient disaient « mais je ne comprends plus, je n'ai plus du tout la prise sur les gens". Mais parce qu'en fait, tu n'utilises pas du tout la même méthode. Donc, de toute façon, on a été, nous, confrontés à la situation de fait. Et on a dû apprendre à faire autrement. Et donc, on a dit, "essayez d'autres méthodes". Et on a pu constater les résultats de ces méthodes-là. Ça ne parle pas qu'aux jeunes. Moi, je me y retrouve totalement. Et je crois que, malheureusement, je ne suis plus si jeune que ça. Mais je pense qu'aussi, c'est un management dans lequel les talents féminins aussi se retrouvent beaucoup, même si attention je n'oppose pas les genres, je connais plein d'hommes avec qui je travaille au quotidien qui en sont convaincus, c'est même souvent plus compliqué pour un homme. Alors c'est marrant parce que moi je dis j'ai peur et je suis nana parce qu'en fait je suis nana donc dans la caricature "ah bah oui mais toi t'es trop sensible et tout", mais un homme qui promeut ces modèles de management c'est encore plus dur ! Alors lui il est vu en mode... voire il n'ose pas en parler parce qu'il se dit vis-à-vis de ses pairs, il ne va pas du tout être crédible là où on est, pardon, mais parfois un peu dans la "masculinité". Alors, ça fait très débat en ce moment, mais c'est pour ça que ce n'est pas un sujet d'opposition des genres, mais de il faut changer de relations humaines, en fait, dans les organisations. Et donc, voilà, moi, c'est vrai que ça a été peut-être un environnement où l'aspect générationnel ayant tellement provoqué ce changement qu'on l'a expérimenté de fait. Maintenant, j'ai bien conscience que dans plein d'organisations, on dit non. Alors, il y a un sujet de croyance, de conviction et de courage. Moi, j'y crois. Je ne dis pas que parfois, je n'ai pas eu des doutes. Je me dis mais en fait, la politique, le désalignement, mais en fait, est-ce que ça peut vraiment exister ? Et en fait, plus j'ai des doutes, plus je suis repoussée dans mes retranchements, plus je me dis "non, mais j'y crois vraiment". Et je suis sûre qu'à tout niveau de l'organisation, ça peut être un levier, et je pense que c'est même le levier le plus incroyable de performance. Je suis convaincue que l'organisation qui aura les meilleurs managers seront les organisations les plus performantes. Mais c'est vrai qu'il faut se battre. Oui, quand on me dit « Oh là là, c'est une naïve » , je ne lâche rien. Je ne vais pas m'excuser de penser ça. Je démontre par des chiffres. Ça, c'est très important. Donc, très rapidement, j'ai outillé, j'ai monté des indicateurs pour pouvoir démontrer les choses. Et puis là, d'ailleurs, une dernière expérimentation, c'est qu'on lance les managers de métier, c'est-à-dire des gens qui sont dédiés au management. Nous, dans notre industrie, ça n'existe pas, mais ça n'existe pas tant que ça dans les organisations, parce que souvent un manager il doit produire lui-même. C'est ce qui rend le management si difficile, c'est que les gens disent, "mais ça prend un temps fou de faire du social". J'adore qu'on me dise ça, je dis, "ah, tu veux dire du management, en fait ?" Ben oui, ça prend du temps, parce que c'est un vrai métier. Et donc là, par exemple, on crée les managers de métier, des gens qui seront dédiés au management, qui n'auront pas de contribution opérationnelle, mais qui auront des indicateurs de succès aussi à suivre, parce que la performance sociale, elle se mesure différemment. Le taux de rétention, le taux d'engagement et de bien-être, ce que j'appelle le taux d'incident, c'est-à-dire un management par le cœur, qui est bien, qui est responsable, il y a beaucoup moins d'incidents, en tout cas provoqués par l'organisation. Quand je dis incidents, c'est en termes d'éthique, en termes d'inclusion, pas de discrimination, pas de harcèlement, pas de management toxique qui, aujourd'hui, on ne mesure pas ça, mais ça coûte de l'argent aux entreprises. Donc, on dit, on ne veut pas investir dans le management, mais par ailleurs, on peut savoir qu'un mauvais management, ça coûte à l'entreprise.

  • Etienne Ageneau

    Et c'est l'argument, justement, cet argument-là que tu évoques, qui t'a permis d'amener l'organisation à évoluer ? Parce que j'imagine que forcément, créer ce type de poste, il y a des questionnements économiques dans les modèles du secteur. C'est quoi l'argument qui a fait dire, en tout cas aux associés, de se dire "oui, il faut qu'on y aille et il faut qu'on ait des gens dédiés à ça" ?

  • Mathilde Le Coz

    Là, c'est sur une population dédiée. Je vais vous démontrer que la productivité de cette équipe-là va augmenter. De même que l'engagement et aussi l'alignement entre le projet de l'organisation et des individus. On le voit dans nos baromètres d'engagement que plus les équipes sont grandes, moins il y a de management de proximité, moins les équipes sont engagées. Surtout avec les jeunes générations. Les jeunes générations, elles ont besoin de se reconnaître dans un management qui leur donne envie. Ils ont besoin de se projeter dans des gens qui partagent les valeurs, les comportements. et donc en fait j'ai dit je vais lister les indicateurs et en fait je vais pouvoir vous démontrer que ce sera financièrement recouvert puisque je vais pouvoir financer ces postes-là par la hausse de la productivité de l'équipe avec un taux d'engagement qui augmentera également.

  • Etienne Ageneau

    Quand je t'entends je ressens aussi beaucoup de conviction et de prise de position, moi j'associe souvent le management par le coeur avec deux autres notions qui est le management par l'attention et le management par le courage. Quel regard tu portes sur le sujet ? Est-ce que pour toi, le management du cœur et le management par le courage sont deux notions qui sont importantes ensemble, que tu dissocies dans ta vision ? Quel regard ?

  • Mathilde Le Coz

    Je te rejoins. Alors, on peut être très courageux et pas nécessairement intégralement humain, bien sûr. Mais par contre, il faut du courage pour promouvoir le management par le cœur parce que ce n'est pas être gentil. L'enjeu, ce n'est pas d'être gentil et d'être aimé de ses équipes. Mais si on fait les choses de manière responsable, courageuse, transparente, en règle générale, on va créer, alors pas de l'amour mais en tout cas un taux d'engagement et de légitimité. On arrive beaucoup plus d'ailleurs sur un management légitime que statutaire, parce qu'on a envie de travailler avec des gens qui nous respectent et qui nous considèrent, mais ça veut dire le courage. On parlait de l'assertivité, c'est l'art de savoir dire les choses, qu'elles plaisent ou qu'elles déplaisent, de la bonne manière. Et le sujet, il est bien là. Souvent les gens, ce n'est pas qu'ils veulent mal manager, c'est que ça manque de courage. Et je pense qu'on est en plus dans une époque où on veut être aimé systématiquement. Et manager, ce n'est pas être aimé. Bien sûr, j'ai envie d'être apprécié de mes équipes, mais ce n'est pas mon driver. Ça n'est que la conséquence du management par le cœur. Effectivement, si on mène bien ce management, je pense qu'il y a des grandes chances qu'on soit apprécié de ses équipes. Et que d'ailleurs, le jour où on part, les équipes qui disent « Ah mais nous on veut partir avec toi ». Voilà, on le voit aussi, mais ce n'est pas le but en soi d'être aimé. Et du coup, oui, souvent, ça manque de courage. Moi, j'ai toujours pensé que plus on respecte les gens, plus on leur doit la vérité. Je serais tellement touchée, blessée que les gens qui se disent très proches de moi ne me disent pas la vérité, apprennent des choses et n'osent pas me le dire. Je m'attends à ce que les gens qui, justement, sont proches de moi puissent m'aider en sachant la vérité. On n'aide pas les gens en ne leur disant rien, en leur racontant une histoire, en les trompant en fait. Moi, je le vois vraiment comme un manque de respect et de considération, le manque de courage. Et c'est difficile. Combien de fois, malheureusement, j'ai dû dire des choses difficiles à des gens que j'appréciais énormément, j'ose le dire. Et je me suis dit, il y a peut-être quelque chose qui va se casser. Mais si je ne le fais pas, je ne serais pas alignée avec moi-même. Et pour moi le cadeau que je leur fais, c'est cette authenticité. Et pour moi, il n'y a pas de management par le cœur sans courage. Je le lis énormément et c'est peut-être ce qui fait peut-être le plus défaut en effet aujourd'hui je trouve, le courage de porter ses convictions, le courage de dire les choses, le courage de se battre et de prendre les bonnes décisions quitte à être en inconfort, parce que manager, ce n'est pas s'écouter soi, c'est écouter d'abord aussi les autres. Alors, il ne faut pas se perdre, c'est un peu la limite. Parfois, si justement on est trop empathique, parfois moi c'est plutôt l'inverse, il faut que je remette un peu mes besoins dans le jeu, parce qu'on peut se noyer dans les besoins des autres. Mais voilà, je pense que ce courage, encore une fois, il est essentiel. Je ne vois pas le management par le cœur sans courage.

  • Etienne Ageneau

    Et aujourd'hui, pour toi, est-ce que la fonction RH manque de courage parfois ?

  • Mathilde Le Coz

    Je me questionne pour qui on travaille. Pour qui on travaille en tant que DRH ? Je travaille pour l'organisation pour laquelle j'ai souhaité m'engager. Je choisis un CEO qui, à mon sens, incarne ce projet, parce que moi j'ai besoin de travailler pour un manager avec qui je suis en confiance, qui partage mes valeurs, sinon je me dis qu'il y a un désalignement entre la manière dont je vois le projet d'entreprise et le sien. Mais fondamentalement, moi je m'engage pour l'organisation, et donc si mes convictions sont désalignées, ou si je dis les choses et que ça ne plaît pas, oui, ça peut me questionner sur est-ce que j'ai encore ma place dans ce projet. Je pense que la peur, elle vient souvent de là, de se dire on va perdre sa place, on va mettre quelqu'un d'autre. Moi je suis... alors c'est peut-être parce que ça n'a jamais été une fin en soi, je ne m'attendais pas, enfin je pense que je n'aurais jamais imaginé être DRH. J'y suis arrivée en découvrant ce métier un peu plus tard, je ne viens pas du tout du métier RH, je pense avoir trouvé ma voie. Je le vois comme une... pardon parce que ça peut être vu comme un manque d'humilité, moi je le vois... Je pense qu'il faut être ambitieux, ambitieux au sens c'est bien de rêver grand et de vouloir un impact. Moi, je le vois comme une mission et je l'oeuvre aussi aujourd'hui au sein d'une organisation. Si cette organisation n'y croit pas, je trouverais une autre organisation dans laquelle je serais ravie de mener cette mission. J'y crois et je n'ai pas du tout envie de lâcher là-dessus. Et je pense que parfois, peut-être que certains DRH sont plus à côté, accrochés à leur place, à l'impact qu'ils peuvent avoir. Moi, ce statut-là, je n'ai jamais recherché ce titre, ce statut, cette place. Je l'ai toujours vu comme mission, en fait. Et le jour où on ne voudra plus que je mène cette mission, j'irai la mener ailleurs.

  • Etienne Ageneau

    On va bientôt arriver à la fin du podcast, aux RH qui nous écoutent et qui croient, qui portent la même conviction que toi sur le management du cœur, mais qui, pour l'instant, sont en désorganisation, ils n'ont pas osé franchir le cap. Quel conseil tu leur donnes sur les premières étapes, peut-être, à enclencher pour aller vers ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors c'est vrai que moi j'y suis arrivée, et je promeus, je communique beaucoup aussi au nom de l'organisation. C'est un chemin. C'est-à-dire que je pense que ça fait plusieurs années qu'on travaille sur la culture du feedback, la bienveillance fait partie de notre ADN, sur l'intelligence émotionnelle. C'est-à-dire que c'est un travail, on avait déjà mis des graines, qui fait qu'après, au bout d'un moment, on peut sortir le grand mot, le grand jeu, le grand mot : "En fait on fait du management par le cœur" ! Si j'avais sorti ça dès le début, je pense que j'aurais fait peur à tout le monde. Donc, il faut laisser le temps à l'organisation d'apprécier, de comprendre. Il y a un peu d'enjeu de pédagogie et d'évangélisation, en fait. Imaginons, je change d'organisation, peut-être que je m'y prendrais par étapes intermédiaires, le temps d'arriver en fonction de l'environnement et de la maturité sur le sujet, parce que ça peut faire peur. Je pense qu'il y a des étapes. Encore une fois, le sujet de manager, déjà ça questionne qu'est-ce qu'on attend des managers. Est-ce qu'on est bien d'accord avec son organisation, sa direction, sur les enjeux de performance sociale, si on ne veut pas faire de performance sociale, c'est difficile de promouvoir le management par le cœur. Donc il faut déjà s'assurer de l'alignement, on n'est pas obligé de l'adresser tout de suite comme ça, il y a d'autres manières de s'assurer qu'on est en tout cas bien aligné avec les enjeux de l'organisation et après il y a des étapes, effectivement le feedback, la posture coach, le fait d'introduire quelques indicateurs de réussite comment tu vas mesurer ça, le 360 managérial. Basique, ça me semble évident, mais dans plein d'organisations, ça reste encore tabou. Donc, c'est difficile de prendre le management par le cœur quand, en tant que manager, on ne veut même pas savoir et s'intéresser à ce que pensent les autres. Donc, je pense qu'il y a des étapes intermédiaires avant de pouvoir peut-être promouvoir une idéologie, quelque part, et aller jusqu'au bout. Juste des étapes, les étapes que j'ai citées, je pense, sont des bonnes manières de commencer à évangéliser et planter des graines au sein de l'organisation.

  • Etienne Ageneau

    Et pour terminer, est-ce que prendre la parole à l'extérieur, comme tu le fais là aujourd'hui sur ce type de sujet, c'est un moyen indirect de jouer aussi sur ce sujet en interne parce que forcément on le porte, donc on engage l'organisation à bouger aussi sur cette idée ?

  • Mathilde Le Coz

    Oui, alors oui. C'est rigolo que tu demandes ça parce qu'à l'origine, c'est vrai que j'aime bien prendre la parole, j'aime surtout échanger, rencontrer des gens. Mais je me suis vite rendue compte que c'était une tactique d'évangélisation interne. Parce que parfois, on fait passer des messages en interne, on n'est pas entendu. D'ailleurs, combien de fois on dit, il faut faire venir quelqu'un de l'extérieur qui va dire la même chose, mais ce sera mieux entendu. C'est toujours comme ça. Donc moi, ça m'arrive d'ailleurs de faire intervenir des gens qui disent exactement la même chose, mais avec cette caution, ils sont professeurs, experts. Donc vous voyez, il n'y a pas que moi qui le dis, etc. Mais surtout, ce qui est intéressant, c'est de voir comment réagissent les auditeurs ou comment une prise de parole externe est perçue par le marché ou par d'autres entreprises, et bien souvent c'est « dis donc j'ai vu, t'as dit ça et oulala, il y a plein de gens qui ont réagi, tiens mon client m'en a parlé". Et là ils disent « ah bah je vais peut-être bouger, je vais peut-être écouter » donc oui, en fait moi c'est beaucoup souvent de contenu externe que je repousse déjà en interne, ça permet aussi de créer du contenu un peu plus naturel, spontané pour faire comprendre aussi ... On n'a pas toujours l'occasion en tant que DRH de prendre le temps de passer ce temps-là pour expliquer toutes nos stratégies, ce en quoi on croit, nos croyances, nos combats. Donc ça me permet aussi de le partager avec les équipes Forvis-Mazars, mais surtout ça attire l'attention et c'est entendu. Je donne un exemple où le management par le cœur... C'est quelque chose que j'ai évoqué dernièrement. J'ai eu la chance de travailler avec des talents féminins au Women's Forum. On m'a dit, écris une chronique. J'écris une tribune pour Forvis-Mazars, je dis "c'est un parti pris, attention". "Ah non, mais c'est super, on va le mettre dans Les échos". Je dis, "ah ouais". Donc là, j'avais le support de l'organisation. Et en fait, "ah là là, j'ai vu dans un grand journal, c'est sorti". Donc, c'est un sujet qui plaît. Donc oui, ça sert énormément à la cause pour évangéliser et faire passer des messages.

  • Etienne Ageneau

    Merci Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Merci.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par l'Étincelle RH en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

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Description

Dans cet épisode nous recevons Mathilde Le Coz.


Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de Directrice recrutement et Développement Talents et Innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Mathilde Le Coz

    J'ai peur de paraître utopiste en faisant la promotion du management par le cœur. Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des RH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autres CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil. Dans cet épisode, nous recevons Mathilde Le Coz. Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de directrice recrutement, développement des talents et innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.

  • Etienne Ageneau

    Bonjour Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Bonjour.

  • Etienne Ageneau

    Est-ce que tu peux nous expliquer ta peur ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors j'ai peur de passer pour une utopiste quand je fais la promotion du management par le cœur.

  • Etienne Ageneau

    Et comment justement, comment tu définis ce que tu appelles le management par le cœur ?

  • Mathilde Le Coz

    Le management par le cœur, pour moi, c'est un management beaucoup plus sensible. On pourrait dire "humain". Je n'aime pas dire "féminin". Souvent, on a caricaturé et opposé le leadership féminin au leadership masculin. Je pense que la sensibilité et le cœur n'ont pas de genre. Donc, hommes et femmes, on peut se retrouver dans ce management-là, mais c'est un management qui est beaucoup plus à l'écoute des équipes qu'on manage et qui, justement, par le fait de créer de la performance sociale va du coup contribuer à de la performance économique. Donc sensibilité, empathie, bienveillance. Bienveillance, j'y crois énormément, même si tout le monde l'utilise peut-être à tort. Ce n'est pas la complaisance, mais la vraie bienveillance. C'est-à-dire qu'on considère, on respecte les individus pour ce qu'ils sont et on essaye de les amener à plus de performance au quotidien. Et donc oui, un management plus humaniste en fait, quelque part. Je crois à la gentillesse, je crois à l'amour en entreprise, même si c'est des mots souvent qui choquent. Alors attention, je ne parle pas des relations amoureuses, mais le fait que pour être un bon manager, il faut aimer les gens, tout simplement. Et donc voilà, un management qui est vraiment au service des autres.

  • Etienne Ageneau

    Et selon toi, qu'est-ce qui peut donner un côté utopiste à ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Bah utopiste, parce qu'en plus je suis une nana, alors certainement on y voit "oh là là tous les bons sentiments". De la naïveté je me souviens, "mais ça c'est pas possible, ça n'existe pas". Moi je crois et j'ai pu le démontrer, je suis convaincue que la performance sociale fait de la performance économique, et donc il ne faut pas opposer justement ces enjeux-là, mais souvent il y a une notion de naïveté, d'utopisme en mode "mais est-ce que c'est vraiment possible ? ça c'est des grands discours ; mais dans les faits, c'est la performance économique qui prime". Justement, ne les opposons pas. Et puis, oui, souvent, trop de sensibilité, l'empathie, la sensibilité, ça peut même être la vulnérabilité qui en fait aussi partie, sont malheureusement parfois vues comme des fragilités, en opposition à l'autorité, le leadership, la capacité à donner le lead, à cadrer. Et donc, voilà, c'est vrai que c'est un management beaucoup plus doux, pour autant qui prône l'excellence, l'exigence dans les résultats. Moi, je suis une fervente défenseuse des cultures de la mesure de la performance, je crois. C'est très, très important de parler de performance et de résultats. Mais pour autant, la manière de parvenir aux résultats est tout aussi importante que les résultats en eux-mêmes. Et donc, voilà, cette peur, elle vient de souvent je me dis "oh là là, c'est dur, il faut savoir tenir ses positions, il ne faut pas savoir se faire marcher dessus". Et donc, souvent, la sensibilité, on l'oppose à tous ces traits de caractère, alors que pour moi, c'est tout à fait compatible.

  • Etienne Ageneau

    Et qu'est-ce que tu réponds justement à ces gens qui vont dire, "non mais on s'écoute trop, on est trop attentifs, finalement, on est dans des entreprises, maintenant, on ne peut plus rien faire et plus agir, parce qu'on est dans l'écoute de tout ce qui se passe et de toutes les remarques, les commentaires des gens", et que ça va à l'inverse nuire à la performance. C'est quoi les exemples que tu leur donnes pour leur démontrer que justement, ça améliore la performance ?

  • Mathilde Le Coz

    Parce que là, ce que tu viens de dire, pour moi, ce n'est pas forcément ça non plus le management par le cœur. Trop s'écouter, trop écouter les besoins. J'ai pu expérimenter moi-même un certain nombre de choses. J'ai la chance de... J'aime beaucoup manager et de manager une belle équipe et donc j'apprends aussi tous les jours. Et j'aime bien tester les préceptes que j'essaye de partager pour voir si ça marche, si c'est vraiment lucide, pertinent. Donc moi, j'ai déjà mon expérience à moi où je crois pouvoir dire que ça fonctionne. Donc voilà, mais c'est vrai que c'est parce que souvent, on oppose le management par le cœur à la performance. Et donc, c'est pas trop s'écouter. C'est sûr que si on passe des heures tout le temps à écouter les uns, les autres, alors on va faire les besoins émotionnels... Et en fait, il y a un moment, le management ne peut pas être que ça, ç a doit servir la performance. Et ça, il ne faut pas l'oublier. Et donc, souvent, les gens qui justement opposent les choses et sont dans le management par le cœur ou la sensibilité, sans parler de performance, d'excellence, de résultat à atteindre, se perdent un peu dans ces méandres, je dirais. Et on se dit, au bout du compte, est-ce que c'est ça manager ? Et puis j'arrête. Et puis parfois, ça peut conduire à des mauvais résultats. Moi, je trouve que justement, c'est un bon équilibre des deux. Le management par le cœur ne s'oppose pas à l'excellence. Je cultive, je pense, une culture de l'excellence et de l'exigence, j'aime les choses de qualité, j'aime que ce soit très bon, très beau, j'aime que mes équipes grandissent. Déjà je n'aime pas dire "mes équipes", mais les équipes qui travaillent à mes côtés grandissent. Mais le management par le cœur, c'est les manières d'aider et de conduire l'équipe sans dégrader justement cette culture de l'excellence et de l'exigence. On peut dire les choses très doucement, de manière très bienveillante et humaine, même des choses difficiles. C'est souvent d'ailleurs bien mieux entendu. Et ça, je ne le perds pas de vue. Et quand on arrive à... faire équilibrer les deux pans, bien sûr que les résultats sont là. L'engagement est décuplé, ça c'est ce que j'arrive à mesurer, et que quand on manage par le cœur, les équipes elles-mêmes se sentent, sont parfois même déçues de ne pas être au résultat, et donc d'elles-mêmes vont dire « Attends, mais la prochaine fois, je ne vais pas décevoir, je vais faire ça, je vais faire ça. » Donc il y a quelque chose qui justement facilite cette atteinte collective des résultats. Et puis après, aujourd'hui, on a aussi des outils, on connaît des indicateurs de mesure, la productivité, l'engagement, la rétention, le bien-être. Tous ces indicateurs sont justement à mêler. On arrive aujourd'hui, je ne dis pas que ça a été de tout temps, mais aujourd'hui, on sait lier un taux d'engagement à un taux de productivité, un taux de satisfaction collaborateur à un taux de satisfaction client. On a ces outils-là, on a ces indicateurs, donc on peut très facilement le démontrer en plus.

  • Etienne Ageneau

    Et pour toi, quelles sont les compétences clés nécessaires pour développer, renforcer ce management par le cœur ? Quelles compétences tu as à cœur de développer dans la ligne managériale de Mazars ?

  • Mathilde Le Coz

    La conscience de soi. Je pense que pour pouvoir manager par le cœur, il faut être capable aussi d'avoir l'honnêteté de se voir comme on est, avec ses forces, ses faiblesses, ses vulnérabilités, et d'être à l'aise avec ça. Donc ça nécessite une vraie conscience de soi. Est-ce que ce que je dis, je suis alignée ? Est-ce que je suis crédible entre mes paroles et mes actes ? Est-ce que j'aimerais qu'on me dise ça ? Est-ce que là, ce n'est pas mon égo qui parle ? Est-ce que ce n'est pas moi qui me sens fâchée parce que je me déçois moi-même et je reprojette sur les autres ? Il y a cette capacité à être en introspection avec soi-même aussi pour pouvoir, je pense, mieux aider les autres. Un management par le cœur, il est beaucoup plus inclusif, un manager peut se remettre beaucoup plus en question, s'appuyer justement sur les forces des autres. Alors c'est sûr que ça nécessite aussi une confiance en soi, mais j'appelle ça la bonne confiance, pas la surconfiance, mais la bonne confiance qui fait que quand on ne sait pas, on ne se sent pas illégitime. Quand on partage une vulnérabilité, on ne se dit pas "Ouh là là, mince, quelqu'un d'autre va prendre ma place parce que". C'est être ce que j'appelle "bien dans ses baskets" avec qui on est. Et je pense que ça nécessite cette conscience de soi-même déjà, de pouvoir identifier son environnement, mieux se comprendre soi-même, c'est mieux comprendre les autres. Ça, c'est compliqué. Et ça vient aussi beaucoup questionner quelque chose qui m'est cher, c'est la responsabilité individuelle. On a toujours des choix à faire, on peut toujours faire le choix d'agir bien ou d'agir mal. Justement de ne pas agir par ego, par jalousie. Mais ça encore faut-il encore une fois être capable de se lire et de voir ce qui est en train de se jouer. Donc ça c'est quelque chose qui est difficile à développer fondamentalement en entreprise, mais déjà on peut en parler et avoir des modèles de leadership qui en parlent librement aussi, ça permet aux autres de se poser des questions. Après ce sur quoi on travaille beaucoup et en tout cas qu'on développe aussi dans la culture managériale, c'est l'intelligence émotionnelle. Alors, l'intelligence émotionnelle, on part du principe qu'on l'a ou qu'on l'a pas. Donc, on fait ça avec empathie. D'ailleurs, ce n'est pas exactement la même chose. Mais c'est sûr que pour bien manager par le cœur, il faut être à l'aise avec les émotions. Ça ne veut pas dire qu'on a le droit à toutes les émotions, je ne crois pas qu'il faille crier, pleurer, mais en tous les cas, ça arrive. Qu'on le veuille ou non, les émotions, elles existent. On est fait ainsi, les hommes et les femmes. Et donc, être à l'aise avec les émotions, c'est savoir accueillir ces émotions, les décrypter, accueillir celles des autres, essayer de voir ce qui s'y joue. Et notamment, moi, quand j'ai été formée à l'intelligence émotionnelle, j'ai découvert le sujet des émotions-refuge, donc les émotions que, socialement, il est plus admis de montrer quand on est un homme ou quand on est une femme. C'est très intéressant. On voit aussi les codes, les biais sociaux et éducatifs. Et donc, on comprend beaucoup mieux ce qui se joue en fait en entreprise. Et du coup, on change de posture. On trouve mieux les ressorts pour aider les gens. Quelqu'un qui manifeste de la colère, ce n'est pas quelqu'un forcément qui est en colère. Quelqu'un qui a peur peut montrer de la colère. Et donc, il ne faut pas réagir exactement de la même manière. Donc... Pour moi, ça, c'est une des premières compétences qu'il faut avoir. L'empathie, c'est être capable d'écouter les besoins des autres, mais ce n'est pas toujours se mettre à la place de l'autre, mais avoir conscience que son propre ressenti, sa propre projection, ce n'est pas forcément celle non plus des autres. Donc être capable, justement, de regarder une situation, un comportement sous tous les angles, sans avoir un jugement. Souvent, on projette par rapport à son propre socle de croyance « Ah ben, il agit ainsi, ça veut dire ça. » Parce que si moi, j'agis ainsi, ça veut dire ça. Mais alors que bien souvent, ce n'est pas du tout le cas. Donc ça, c'est un élément important. Et puis, une autre qualité pour moi bien sûr, c'est l'assertivité, la communication non-violente. On en parle souvent, mais je constate que ce n'est pas quelque chose que culturellement on sait faire. D'ailleurs, souvent, les problèmes viennent du fait qu'on ne sait pas "bien dire" les choses, donc on ne les dit pas. On a peur de faire de la peine, de vexer, mais à la fin, on enterre bien les sujets jusqu'à ce que ça remonte et ça explose. Et donc, je trouve avoir cette authenticité, cette simplicité de dire les choses calmement, avec les bons mots pour ne pas être jugeant, partager un feedback à partir de son ressenti, ça, c'est des techniques qu'on apprend, il faut s'entraîner. Je pense que l'assertivité, c'est une grande force parce qu'on peut tout dire et on va le dire d'une manière où on continue quand même à embarquer les gens. L'assertivité, c'est important, encore une fois, pour atteindre la performance, parce que l'enjeu c'est quand même d'aider les équipes à se développer, à faire tendre vers mieux, à apprendre, à co-créer, à créer de la performance. C'est vraiment un outil du quotidien. Et après on peut parler, il y a toutes les techniques d'animation, facilitation, médiation, c'est-à-dire comment on apprend à ne pas être en posture haute, mais en posture basse, aux côtés de ses équipes. Moi, je crois beaucoup au co-développement, bien sûr à la posture coach, mais ça ne veut pas dire qu'on l'est tous les jours. En tant que manager, on a plusieurs casquettes. Parfois, on doit arbitrer. Parfois, on doit donner un cap. Et puis parfois, on est là pour faire grandir ou pour donner envie. Et donc là, on n'est plus sur des notions de leadership. Et c'est être à l'aise avec toutes ces casquettes en fonction de la situation. Je vais pouvoir aussi adapter mon style parce que les situations ne sont pas les mêmes, l'urgence n'est pas la même. Et je dirais pour finir, on en a parlé, c'est la vulnérabilité, que je pense on peut aussi relier à l'authenticité. Je crois qu'aujourd'hui, le management par le cœur c'est d'abord respecter les individus pour qui ils sont en tant que personnes. On vit tous des situations, parfois pas faciles. Et moi, je ne crois pas qu'on peut attendre des gens des choses sans prendre en compte leur situation de vie, comprendre quelles sont leurs histoires, leur vie, leur entourage, et donc, voilà, leur écosystème personnel. L'enjeu ce n'est pas d'être intrusif dans la vie, mais encore une fois, les gens, quand ils sont écoutés, au sens respectés, bien sûr qu'ils ont envie, ils s'engagent parce qu'ils se sentent utiles, en fait. C'est ça. Tout ça est venu d'une étude aussi que j'ai lue et sur laquelle j'ai beaucoup travaillé chez Mazars, c'est l'engagement par l'estime de soi, le modèle OBSE, où en fait quand on développe l'estime de soi des gens, naturellement ils ont envie de rester plus longtemps dans cet environnement, c'est humain. On a tous envie d'avoir un bel estime, c'est pas une surconfiance, mais de se dire qu'on sert à quelque chose, qu'on est utile, et ça c'est dans le regard des autres avant tout.

  • Etienne Ageneau

    Il y a sûrement des gens qui nous écoutent, des RH, qui partagent ta vision, mais qui disent aujourd'hui qu'ils sont confrontés à des managers, une organisation, où ce sujet est vu de manière un peu lointaine, parce qu'ancré dans des vieux schémas, je ne sais pas si le terme est bon, mais en tout cas dans des schémas mentaux, culturels, dans ce sentiment de se dire que si on est vulnérable, en fait, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon signe. Comment on arrive à accompagner un changement culturel sur ce sujet ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors moi, c'est vrai que je travaille au sein d'une organisation où, rappelons-le, la moyenne d'âge est très jeune. Je le dis parce qu'en fait, ça, c'est un management promu par les jeunes générations beaucoup plus fortement, dans lequel on le constate tous les jours, ils veulent se sentir beaucoup plus engagés. Et donc, nous, on est dans une industrie où il y avait des codes statutaires, managériaux bien marqués et qui ne marchaient plus. De toute façon, on le voyait bien, ceux qui manageaient disaient « mais je ne comprends plus, je n'ai plus du tout la prise sur les gens". Mais parce qu'en fait, tu n'utilises pas du tout la même méthode. Donc, de toute façon, on a été, nous, confrontés à la situation de fait. Et on a dû apprendre à faire autrement. Et donc, on a dit, "essayez d'autres méthodes". Et on a pu constater les résultats de ces méthodes-là. Ça ne parle pas qu'aux jeunes. Moi, je me y retrouve totalement. Et je crois que, malheureusement, je ne suis plus si jeune que ça. Mais je pense qu'aussi, c'est un management dans lequel les talents féminins aussi se retrouvent beaucoup, même si attention je n'oppose pas les genres, je connais plein d'hommes avec qui je travaille au quotidien qui en sont convaincus, c'est même souvent plus compliqué pour un homme. Alors c'est marrant parce que moi je dis j'ai peur et je suis nana parce qu'en fait je suis nana donc dans la caricature "ah bah oui mais toi t'es trop sensible et tout", mais un homme qui promeut ces modèles de management c'est encore plus dur ! Alors lui il est vu en mode... voire il n'ose pas en parler parce qu'il se dit vis-à-vis de ses pairs, il ne va pas du tout être crédible là où on est, pardon, mais parfois un peu dans la "masculinité". Alors, ça fait très débat en ce moment, mais c'est pour ça que ce n'est pas un sujet d'opposition des genres, mais de il faut changer de relations humaines, en fait, dans les organisations. Et donc, voilà, moi, c'est vrai que ça a été peut-être un environnement où l'aspect générationnel ayant tellement provoqué ce changement qu'on l'a expérimenté de fait. Maintenant, j'ai bien conscience que dans plein d'organisations, on dit non. Alors, il y a un sujet de croyance, de conviction et de courage. Moi, j'y crois. Je ne dis pas que parfois, je n'ai pas eu des doutes. Je me dis mais en fait, la politique, le désalignement, mais en fait, est-ce que ça peut vraiment exister ? Et en fait, plus j'ai des doutes, plus je suis repoussée dans mes retranchements, plus je me dis "non, mais j'y crois vraiment". Et je suis sûre qu'à tout niveau de l'organisation, ça peut être un levier, et je pense que c'est même le levier le plus incroyable de performance. Je suis convaincue que l'organisation qui aura les meilleurs managers seront les organisations les plus performantes. Mais c'est vrai qu'il faut se battre. Oui, quand on me dit « Oh là là, c'est une naïve » , je ne lâche rien. Je ne vais pas m'excuser de penser ça. Je démontre par des chiffres. Ça, c'est très important. Donc, très rapidement, j'ai outillé, j'ai monté des indicateurs pour pouvoir démontrer les choses. Et puis là, d'ailleurs, une dernière expérimentation, c'est qu'on lance les managers de métier, c'est-à-dire des gens qui sont dédiés au management. Nous, dans notre industrie, ça n'existe pas, mais ça n'existe pas tant que ça dans les organisations, parce que souvent un manager il doit produire lui-même. C'est ce qui rend le management si difficile, c'est que les gens disent, "mais ça prend un temps fou de faire du social". J'adore qu'on me dise ça, je dis, "ah, tu veux dire du management, en fait ?" Ben oui, ça prend du temps, parce que c'est un vrai métier. Et donc là, par exemple, on crée les managers de métier, des gens qui seront dédiés au management, qui n'auront pas de contribution opérationnelle, mais qui auront des indicateurs de succès aussi à suivre, parce que la performance sociale, elle se mesure différemment. Le taux de rétention, le taux d'engagement et de bien-être, ce que j'appelle le taux d'incident, c'est-à-dire un management par le cœur, qui est bien, qui est responsable, il y a beaucoup moins d'incidents, en tout cas provoqués par l'organisation. Quand je dis incidents, c'est en termes d'éthique, en termes d'inclusion, pas de discrimination, pas de harcèlement, pas de management toxique qui, aujourd'hui, on ne mesure pas ça, mais ça coûte de l'argent aux entreprises. Donc, on dit, on ne veut pas investir dans le management, mais par ailleurs, on peut savoir qu'un mauvais management, ça coûte à l'entreprise.

  • Etienne Ageneau

    Et c'est l'argument, justement, cet argument-là que tu évoques, qui t'a permis d'amener l'organisation à évoluer ? Parce que j'imagine que forcément, créer ce type de poste, il y a des questionnements économiques dans les modèles du secteur. C'est quoi l'argument qui a fait dire, en tout cas aux associés, de se dire "oui, il faut qu'on y aille et il faut qu'on ait des gens dédiés à ça" ?

  • Mathilde Le Coz

    Là, c'est sur une population dédiée. Je vais vous démontrer que la productivité de cette équipe-là va augmenter. De même que l'engagement et aussi l'alignement entre le projet de l'organisation et des individus. On le voit dans nos baromètres d'engagement que plus les équipes sont grandes, moins il y a de management de proximité, moins les équipes sont engagées. Surtout avec les jeunes générations. Les jeunes générations, elles ont besoin de se reconnaître dans un management qui leur donne envie. Ils ont besoin de se projeter dans des gens qui partagent les valeurs, les comportements. et donc en fait j'ai dit je vais lister les indicateurs et en fait je vais pouvoir vous démontrer que ce sera financièrement recouvert puisque je vais pouvoir financer ces postes-là par la hausse de la productivité de l'équipe avec un taux d'engagement qui augmentera également.

  • Etienne Ageneau

    Quand je t'entends je ressens aussi beaucoup de conviction et de prise de position, moi j'associe souvent le management par le coeur avec deux autres notions qui est le management par l'attention et le management par le courage. Quel regard tu portes sur le sujet ? Est-ce que pour toi, le management du cœur et le management par le courage sont deux notions qui sont importantes ensemble, que tu dissocies dans ta vision ? Quel regard ?

  • Mathilde Le Coz

    Je te rejoins. Alors, on peut être très courageux et pas nécessairement intégralement humain, bien sûr. Mais par contre, il faut du courage pour promouvoir le management par le cœur parce que ce n'est pas être gentil. L'enjeu, ce n'est pas d'être gentil et d'être aimé de ses équipes. Mais si on fait les choses de manière responsable, courageuse, transparente, en règle générale, on va créer, alors pas de l'amour mais en tout cas un taux d'engagement et de légitimité. On arrive beaucoup plus d'ailleurs sur un management légitime que statutaire, parce qu'on a envie de travailler avec des gens qui nous respectent et qui nous considèrent, mais ça veut dire le courage. On parlait de l'assertivité, c'est l'art de savoir dire les choses, qu'elles plaisent ou qu'elles déplaisent, de la bonne manière. Et le sujet, il est bien là. Souvent les gens, ce n'est pas qu'ils veulent mal manager, c'est que ça manque de courage. Et je pense qu'on est en plus dans une époque où on veut être aimé systématiquement. Et manager, ce n'est pas être aimé. Bien sûr, j'ai envie d'être apprécié de mes équipes, mais ce n'est pas mon driver. Ça n'est que la conséquence du management par le cœur. Effectivement, si on mène bien ce management, je pense qu'il y a des grandes chances qu'on soit apprécié de ses équipes. Et que d'ailleurs, le jour où on part, les équipes qui disent « Ah mais nous on veut partir avec toi ». Voilà, on le voit aussi, mais ce n'est pas le but en soi d'être aimé. Et du coup, oui, souvent, ça manque de courage. Moi, j'ai toujours pensé que plus on respecte les gens, plus on leur doit la vérité. Je serais tellement touchée, blessée que les gens qui se disent très proches de moi ne me disent pas la vérité, apprennent des choses et n'osent pas me le dire. Je m'attends à ce que les gens qui, justement, sont proches de moi puissent m'aider en sachant la vérité. On n'aide pas les gens en ne leur disant rien, en leur racontant une histoire, en les trompant en fait. Moi, je le vois vraiment comme un manque de respect et de considération, le manque de courage. Et c'est difficile. Combien de fois, malheureusement, j'ai dû dire des choses difficiles à des gens que j'appréciais énormément, j'ose le dire. Et je me suis dit, il y a peut-être quelque chose qui va se casser. Mais si je ne le fais pas, je ne serais pas alignée avec moi-même. Et pour moi le cadeau que je leur fais, c'est cette authenticité. Et pour moi, il n'y a pas de management par le cœur sans courage. Je le lis énormément et c'est peut-être ce qui fait peut-être le plus défaut en effet aujourd'hui je trouve, le courage de porter ses convictions, le courage de dire les choses, le courage de se battre et de prendre les bonnes décisions quitte à être en inconfort, parce que manager, ce n'est pas s'écouter soi, c'est écouter d'abord aussi les autres. Alors, il ne faut pas se perdre, c'est un peu la limite. Parfois, si justement on est trop empathique, parfois moi c'est plutôt l'inverse, il faut que je remette un peu mes besoins dans le jeu, parce qu'on peut se noyer dans les besoins des autres. Mais voilà, je pense que ce courage, encore une fois, il est essentiel. Je ne vois pas le management par le cœur sans courage.

  • Etienne Ageneau

    Et aujourd'hui, pour toi, est-ce que la fonction RH manque de courage parfois ?

  • Mathilde Le Coz

    Je me questionne pour qui on travaille. Pour qui on travaille en tant que DRH ? Je travaille pour l'organisation pour laquelle j'ai souhaité m'engager. Je choisis un CEO qui, à mon sens, incarne ce projet, parce que moi j'ai besoin de travailler pour un manager avec qui je suis en confiance, qui partage mes valeurs, sinon je me dis qu'il y a un désalignement entre la manière dont je vois le projet d'entreprise et le sien. Mais fondamentalement, moi je m'engage pour l'organisation, et donc si mes convictions sont désalignées, ou si je dis les choses et que ça ne plaît pas, oui, ça peut me questionner sur est-ce que j'ai encore ma place dans ce projet. Je pense que la peur, elle vient souvent de là, de se dire on va perdre sa place, on va mettre quelqu'un d'autre. Moi je suis... alors c'est peut-être parce que ça n'a jamais été une fin en soi, je ne m'attendais pas, enfin je pense que je n'aurais jamais imaginé être DRH. J'y suis arrivée en découvrant ce métier un peu plus tard, je ne viens pas du tout du métier RH, je pense avoir trouvé ma voie. Je le vois comme une... pardon parce que ça peut être vu comme un manque d'humilité, moi je le vois... Je pense qu'il faut être ambitieux, ambitieux au sens c'est bien de rêver grand et de vouloir un impact. Moi, je le vois comme une mission et je l'oeuvre aussi aujourd'hui au sein d'une organisation. Si cette organisation n'y croit pas, je trouverais une autre organisation dans laquelle je serais ravie de mener cette mission. J'y crois et je n'ai pas du tout envie de lâcher là-dessus. Et je pense que parfois, peut-être que certains DRH sont plus à côté, accrochés à leur place, à l'impact qu'ils peuvent avoir. Moi, ce statut-là, je n'ai jamais recherché ce titre, ce statut, cette place. Je l'ai toujours vu comme mission, en fait. Et le jour où on ne voudra plus que je mène cette mission, j'irai la mener ailleurs.

  • Etienne Ageneau

    On va bientôt arriver à la fin du podcast, aux RH qui nous écoutent et qui croient, qui portent la même conviction que toi sur le management du cœur, mais qui, pour l'instant, sont en désorganisation, ils n'ont pas osé franchir le cap. Quel conseil tu leur donnes sur les premières étapes, peut-être, à enclencher pour aller vers ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors c'est vrai que moi j'y suis arrivée, et je promeus, je communique beaucoup aussi au nom de l'organisation. C'est un chemin. C'est-à-dire que je pense que ça fait plusieurs années qu'on travaille sur la culture du feedback, la bienveillance fait partie de notre ADN, sur l'intelligence émotionnelle. C'est-à-dire que c'est un travail, on avait déjà mis des graines, qui fait qu'après, au bout d'un moment, on peut sortir le grand mot, le grand jeu, le grand mot : "En fait on fait du management par le cœur" ! Si j'avais sorti ça dès le début, je pense que j'aurais fait peur à tout le monde. Donc, il faut laisser le temps à l'organisation d'apprécier, de comprendre. Il y a un peu d'enjeu de pédagogie et d'évangélisation, en fait. Imaginons, je change d'organisation, peut-être que je m'y prendrais par étapes intermédiaires, le temps d'arriver en fonction de l'environnement et de la maturité sur le sujet, parce que ça peut faire peur. Je pense qu'il y a des étapes. Encore une fois, le sujet de manager, déjà ça questionne qu'est-ce qu'on attend des managers. Est-ce qu'on est bien d'accord avec son organisation, sa direction, sur les enjeux de performance sociale, si on ne veut pas faire de performance sociale, c'est difficile de promouvoir le management par le cœur. Donc il faut déjà s'assurer de l'alignement, on n'est pas obligé de l'adresser tout de suite comme ça, il y a d'autres manières de s'assurer qu'on est en tout cas bien aligné avec les enjeux de l'organisation et après il y a des étapes, effectivement le feedback, la posture coach, le fait d'introduire quelques indicateurs de réussite comment tu vas mesurer ça, le 360 managérial. Basique, ça me semble évident, mais dans plein d'organisations, ça reste encore tabou. Donc, c'est difficile de prendre le management par le cœur quand, en tant que manager, on ne veut même pas savoir et s'intéresser à ce que pensent les autres. Donc, je pense qu'il y a des étapes intermédiaires avant de pouvoir peut-être promouvoir une idéologie, quelque part, et aller jusqu'au bout. Juste des étapes, les étapes que j'ai citées, je pense, sont des bonnes manières de commencer à évangéliser et planter des graines au sein de l'organisation.

  • Etienne Ageneau

    Et pour terminer, est-ce que prendre la parole à l'extérieur, comme tu le fais là aujourd'hui sur ce type de sujet, c'est un moyen indirect de jouer aussi sur ce sujet en interne parce que forcément on le porte, donc on engage l'organisation à bouger aussi sur cette idée ?

  • Mathilde Le Coz

    Oui, alors oui. C'est rigolo que tu demandes ça parce qu'à l'origine, c'est vrai que j'aime bien prendre la parole, j'aime surtout échanger, rencontrer des gens. Mais je me suis vite rendue compte que c'était une tactique d'évangélisation interne. Parce que parfois, on fait passer des messages en interne, on n'est pas entendu. D'ailleurs, combien de fois on dit, il faut faire venir quelqu'un de l'extérieur qui va dire la même chose, mais ce sera mieux entendu. C'est toujours comme ça. Donc moi, ça m'arrive d'ailleurs de faire intervenir des gens qui disent exactement la même chose, mais avec cette caution, ils sont professeurs, experts. Donc vous voyez, il n'y a pas que moi qui le dis, etc. Mais surtout, ce qui est intéressant, c'est de voir comment réagissent les auditeurs ou comment une prise de parole externe est perçue par le marché ou par d'autres entreprises, et bien souvent c'est « dis donc j'ai vu, t'as dit ça et oulala, il y a plein de gens qui ont réagi, tiens mon client m'en a parlé". Et là ils disent « ah bah je vais peut-être bouger, je vais peut-être écouter » donc oui, en fait moi c'est beaucoup souvent de contenu externe que je repousse déjà en interne, ça permet aussi de créer du contenu un peu plus naturel, spontané pour faire comprendre aussi ... On n'a pas toujours l'occasion en tant que DRH de prendre le temps de passer ce temps-là pour expliquer toutes nos stratégies, ce en quoi on croit, nos croyances, nos combats. Donc ça me permet aussi de le partager avec les équipes Forvis-Mazars, mais surtout ça attire l'attention et c'est entendu. Je donne un exemple où le management par le cœur... C'est quelque chose que j'ai évoqué dernièrement. J'ai eu la chance de travailler avec des talents féminins au Women's Forum. On m'a dit, écris une chronique. J'écris une tribune pour Forvis-Mazars, je dis "c'est un parti pris, attention". "Ah non, mais c'est super, on va le mettre dans Les échos". Je dis, "ah ouais". Donc là, j'avais le support de l'organisation. Et en fait, "ah là là, j'ai vu dans un grand journal, c'est sorti". Donc, c'est un sujet qui plaît. Donc oui, ça sert énormément à la cause pour évangéliser et faire passer des messages.

  • Etienne Ageneau

    Merci Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Merci.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par l'Étincelle RH en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

Description

Dans cet épisode nous recevons Mathilde Le Coz.


Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de Directrice recrutement et Développement Talents et Innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Mathilde Le Coz

    J'ai peur de paraître utopiste en faisant la promotion du management par le cœur. Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des RH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autres CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil. Dans cet épisode, nous recevons Mathilde Le Coz. Entrée chez Mazars comme auditrice financière jusqu'au poste de directrice recrutement, développement des talents et innovation RH, aujourd'hui DRH France de Forvis Mazars et pourtant... flippée.

  • Etienne Ageneau

    Bonjour Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Bonjour.

  • Etienne Ageneau

    Est-ce que tu peux nous expliquer ta peur ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors j'ai peur de passer pour une utopiste quand je fais la promotion du management par le cœur.

  • Etienne Ageneau

    Et comment justement, comment tu définis ce que tu appelles le management par le cœur ?

  • Mathilde Le Coz

    Le management par le cœur, pour moi, c'est un management beaucoup plus sensible. On pourrait dire "humain". Je n'aime pas dire "féminin". Souvent, on a caricaturé et opposé le leadership féminin au leadership masculin. Je pense que la sensibilité et le cœur n'ont pas de genre. Donc, hommes et femmes, on peut se retrouver dans ce management-là, mais c'est un management qui est beaucoup plus à l'écoute des équipes qu'on manage et qui, justement, par le fait de créer de la performance sociale va du coup contribuer à de la performance économique. Donc sensibilité, empathie, bienveillance. Bienveillance, j'y crois énormément, même si tout le monde l'utilise peut-être à tort. Ce n'est pas la complaisance, mais la vraie bienveillance. C'est-à-dire qu'on considère, on respecte les individus pour ce qu'ils sont et on essaye de les amener à plus de performance au quotidien. Et donc oui, un management plus humaniste en fait, quelque part. Je crois à la gentillesse, je crois à l'amour en entreprise, même si c'est des mots souvent qui choquent. Alors attention, je ne parle pas des relations amoureuses, mais le fait que pour être un bon manager, il faut aimer les gens, tout simplement. Et donc voilà, un management qui est vraiment au service des autres.

  • Etienne Ageneau

    Et selon toi, qu'est-ce qui peut donner un côté utopiste à ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Bah utopiste, parce qu'en plus je suis une nana, alors certainement on y voit "oh là là tous les bons sentiments". De la naïveté je me souviens, "mais ça c'est pas possible, ça n'existe pas". Moi je crois et j'ai pu le démontrer, je suis convaincue que la performance sociale fait de la performance économique, et donc il ne faut pas opposer justement ces enjeux-là, mais souvent il y a une notion de naïveté, d'utopisme en mode "mais est-ce que c'est vraiment possible ? ça c'est des grands discours ; mais dans les faits, c'est la performance économique qui prime". Justement, ne les opposons pas. Et puis, oui, souvent, trop de sensibilité, l'empathie, la sensibilité, ça peut même être la vulnérabilité qui en fait aussi partie, sont malheureusement parfois vues comme des fragilités, en opposition à l'autorité, le leadership, la capacité à donner le lead, à cadrer. Et donc, voilà, c'est vrai que c'est un management beaucoup plus doux, pour autant qui prône l'excellence, l'exigence dans les résultats. Moi, je suis une fervente défenseuse des cultures de la mesure de la performance, je crois. C'est très, très important de parler de performance et de résultats. Mais pour autant, la manière de parvenir aux résultats est tout aussi importante que les résultats en eux-mêmes. Et donc, voilà, cette peur, elle vient de souvent je me dis "oh là là, c'est dur, il faut savoir tenir ses positions, il ne faut pas savoir se faire marcher dessus". Et donc, souvent, la sensibilité, on l'oppose à tous ces traits de caractère, alors que pour moi, c'est tout à fait compatible.

  • Etienne Ageneau

    Et qu'est-ce que tu réponds justement à ces gens qui vont dire, "non mais on s'écoute trop, on est trop attentifs, finalement, on est dans des entreprises, maintenant, on ne peut plus rien faire et plus agir, parce qu'on est dans l'écoute de tout ce qui se passe et de toutes les remarques, les commentaires des gens", et que ça va à l'inverse nuire à la performance. C'est quoi les exemples que tu leur donnes pour leur démontrer que justement, ça améliore la performance ?

  • Mathilde Le Coz

    Parce que là, ce que tu viens de dire, pour moi, ce n'est pas forcément ça non plus le management par le cœur. Trop s'écouter, trop écouter les besoins. J'ai pu expérimenter moi-même un certain nombre de choses. J'ai la chance de... J'aime beaucoup manager et de manager une belle équipe et donc j'apprends aussi tous les jours. Et j'aime bien tester les préceptes que j'essaye de partager pour voir si ça marche, si c'est vraiment lucide, pertinent. Donc moi, j'ai déjà mon expérience à moi où je crois pouvoir dire que ça fonctionne. Donc voilà, mais c'est vrai que c'est parce que souvent, on oppose le management par le cœur à la performance. Et donc, c'est pas trop s'écouter. C'est sûr que si on passe des heures tout le temps à écouter les uns, les autres, alors on va faire les besoins émotionnels... Et en fait, il y a un moment, le management ne peut pas être que ça, ç a doit servir la performance. Et ça, il ne faut pas l'oublier. Et donc, souvent, les gens qui justement opposent les choses et sont dans le management par le cœur ou la sensibilité, sans parler de performance, d'excellence, de résultat à atteindre, se perdent un peu dans ces méandres, je dirais. Et on se dit, au bout du compte, est-ce que c'est ça manager ? Et puis j'arrête. Et puis parfois, ça peut conduire à des mauvais résultats. Moi, je trouve que justement, c'est un bon équilibre des deux. Le management par le cœur ne s'oppose pas à l'excellence. Je cultive, je pense, une culture de l'excellence et de l'exigence, j'aime les choses de qualité, j'aime que ce soit très bon, très beau, j'aime que mes équipes grandissent. Déjà je n'aime pas dire "mes équipes", mais les équipes qui travaillent à mes côtés grandissent. Mais le management par le cœur, c'est les manières d'aider et de conduire l'équipe sans dégrader justement cette culture de l'excellence et de l'exigence. On peut dire les choses très doucement, de manière très bienveillante et humaine, même des choses difficiles. C'est souvent d'ailleurs bien mieux entendu. Et ça, je ne le perds pas de vue. Et quand on arrive à... faire équilibrer les deux pans, bien sûr que les résultats sont là. L'engagement est décuplé, ça c'est ce que j'arrive à mesurer, et que quand on manage par le cœur, les équipes elles-mêmes se sentent, sont parfois même déçues de ne pas être au résultat, et donc d'elles-mêmes vont dire « Attends, mais la prochaine fois, je ne vais pas décevoir, je vais faire ça, je vais faire ça. » Donc il y a quelque chose qui justement facilite cette atteinte collective des résultats. Et puis après, aujourd'hui, on a aussi des outils, on connaît des indicateurs de mesure, la productivité, l'engagement, la rétention, le bien-être. Tous ces indicateurs sont justement à mêler. On arrive aujourd'hui, je ne dis pas que ça a été de tout temps, mais aujourd'hui, on sait lier un taux d'engagement à un taux de productivité, un taux de satisfaction collaborateur à un taux de satisfaction client. On a ces outils-là, on a ces indicateurs, donc on peut très facilement le démontrer en plus.

  • Etienne Ageneau

    Et pour toi, quelles sont les compétences clés nécessaires pour développer, renforcer ce management par le cœur ? Quelles compétences tu as à cœur de développer dans la ligne managériale de Mazars ?

  • Mathilde Le Coz

    La conscience de soi. Je pense que pour pouvoir manager par le cœur, il faut être capable aussi d'avoir l'honnêteté de se voir comme on est, avec ses forces, ses faiblesses, ses vulnérabilités, et d'être à l'aise avec ça. Donc ça nécessite une vraie conscience de soi. Est-ce que ce que je dis, je suis alignée ? Est-ce que je suis crédible entre mes paroles et mes actes ? Est-ce que j'aimerais qu'on me dise ça ? Est-ce que là, ce n'est pas mon égo qui parle ? Est-ce que ce n'est pas moi qui me sens fâchée parce que je me déçois moi-même et je reprojette sur les autres ? Il y a cette capacité à être en introspection avec soi-même aussi pour pouvoir, je pense, mieux aider les autres. Un management par le cœur, il est beaucoup plus inclusif, un manager peut se remettre beaucoup plus en question, s'appuyer justement sur les forces des autres. Alors c'est sûr que ça nécessite aussi une confiance en soi, mais j'appelle ça la bonne confiance, pas la surconfiance, mais la bonne confiance qui fait que quand on ne sait pas, on ne se sent pas illégitime. Quand on partage une vulnérabilité, on ne se dit pas "Ouh là là, mince, quelqu'un d'autre va prendre ma place parce que". C'est être ce que j'appelle "bien dans ses baskets" avec qui on est. Et je pense que ça nécessite cette conscience de soi-même déjà, de pouvoir identifier son environnement, mieux se comprendre soi-même, c'est mieux comprendre les autres. Ça, c'est compliqué. Et ça vient aussi beaucoup questionner quelque chose qui m'est cher, c'est la responsabilité individuelle. On a toujours des choix à faire, on peut toujours faire le choix d'agir bien ou d'agir mal. Justement de ne pas agir par ego, par jalousie. Mais ça encore faut-il encore une fois être capable de se lire et de voir ce qui est en train de se jouer. Donc ça c'est quelque chose qui est difficile à développer fondamentalement en entreprise, mais déjà on peut en parler et avoir des modèles de leadership qui en parlent librement aussi, ça permet aux autres de se poser des questions. Après ce sur quoi on travaille beaucoup et en tout cas qu'on développe aussi dans la culture managériale, c'est l'intelligence émotionnelle. Alors, l'intelligence émotionnelle, on part du principe qu'on l'a ou qu'on l'a pas. Donc, on fait ça avec empathie. D'ailleurs, ce n'est pas exactement la même chose. Mais c'est sûr que pour bien manager par le cœur, il faut être à l'aise avec les émotions. Ça ne veut pas dire qu'on a le droit à toutes les émotions, je ne crois pas qu'il faille crier, pleurer, mais en tous les cas, ça arrive. Qu'on le veuille ou non, les émotions, elles existent. On est fait ainsi, les hommes et les femmes. Et donc, être à l'aise avec les émotions, c'est savoir accueillir ces émotions, les décrypter, accueillir celles des autres, essayer de voir ce qui s'y joue. Et notamment, moi, quand j'ai été formée à l'intelligence émotionnelle, j'ai découvert le sujet des émotions-refuge, donc les émotions que, socialement, il est plus admis de montrer quand on est un homme ou quand on est une femme. C'est très intéressant. On voit aussi les codes, les biais sociaux et éducatifs. Et donc, on comprend beaucoup mieux ce qui se joue en fait en entreprise. Et du coup, on change de posture. On trouve mieux les ressorts pour aider les gens. Quelqu'un qui manifeste de la colère, ce n'est pas quelqu'un forcément qui est en colère. Quelqu'un qui a peur peut montrer de la colère. Et donc, il ne faut pas réagir exactement de la même manière. Donc... Pour moi, ça, c'est une des premières compétences qu'il faut avoir. L'empathie, c'est être capable d'écouter les besoins des autres, mais ce n'est pas toujours se mettre à la place de l'autre, mais avoir conscience que son propre ressenti, sa propre projection, ce n'est pas forcément celle non plus des autres. Donc être capable, justement, de regarder une situation, un comportement sous tous les angles, sans avoir un jugement. Souvent, on projette par rapport à son propre socle de croyance « Ah ben, il agit ainsi, ça veut dire ça. » Parce que si moi, j'agis ainsi, ça veut dire ça. Mais alors que bien souvent, ce n'est pas du tout le cas. Donc ça, c'est un élément important. Et puis, une autre qualité pour moi bien sûr, c'est l'assertivité, la communication non-violente. On en parle souvent, mais je constate que ce n'est pas quelque chose que culturellement on sait faire. D'ailleurs, souvent, les problèmes viennent du fait qu'on ne sait pas "bien dire" les choses, donc on ne les dit pas. On a peur de faire de la peine, de vexer, mais à la fin, on enterre bien les sujets jusqu'à ce que ça remonte et ça explose. Et donc, je trouve avoir cette authenticité, cette simplicité de dire les choses calmement, avec les bons mots pour ne pas être jugeant, partager un feedback à partir de son ressenti, ça, c'est des techniques qu'on apprend, il faut s'entraîner. Je pense que l'assertivité, c'est une grande force parce qu'on peut tout dire et on va le dire d'une manière où on continue quand même à embarquer les gens. L'assertivité, c'est important, encore une fois, pour atteindre la performance, parce que l'enjeu c'est quand même d'aider les équipes à se développer, à faire tendre vers mieux, à apprendre, à co-créer, à créer de la performance. C'est vraiment un outil du quotidien. Et après on peut parler, il y a toutes les techniques d'animation, facilitation, médiation, c'est-à-dire comment on apprend à ne pas être en posture haute, mais en posture basse, aux côtés de ses équipes. Moi, je crois beaucoup au co-développement, bien sûr à la posture coach, mais ça ne veut pas dire qu'on l'est tous les jours. En tant que manager, on a plusieurs casquettes. Parfois, on doit arbitrer. Parfois, on doit donner un cap. Et puis parfois, on est là pour faire grandir ou pour donner envie. Et donc là, on n'est plus sur des notions de leadership. Et c'est être à l'aise avec toutes ces casquettes en fonction de la situation. Je vais pouvoir aussi adapter mon style parce que les situations ne sont pas les mêmes, l'urgence n'est pas la même. Et je dirais pour finir, on en a parlé, c'est la vulnérabilité, que je pense on peut aussi relier à l'authenticité. Je crois qu'aujourd'hui, le management par le cœur c'est d'abord respecter les individus pour qui ils sont en tant que personnes. On vit tous des situations, parfois pas faciles. Et moi, je ne crois pas qu'on peut attendre des gens des choses sans prendre en compte leur situation de vie, comprendre quelles sont leurs histoires, leur vie, leur entourage, et donc, voilà, leur écosystème personnel. L'enjeu ce n'est pas d'être intrusif dans la vie, mais encore une fois, les gens, quand ils sont écoutés, au sens respectés, bien sûr qu'ils ont envie, ils s'engagent parce qu'ils se sentent utiles, en fait. C'est ça. Tout ça est venu d'une étude aussi que j'ai lue et sur laquelle j'ai beaucoup travaillé chez Mazars, c'est l'engagement par l'estime de soi, le modèle OBSE, où en fait quand on développe l'estime de soi des gens, naturellement ils ont envie de rester plus longtemps dans cet environnement, c'est humain. On a tous envie d'avoir un bel estime, c'est pas une surconfiance, mais de se dire qu'on sert à quelque chose, qu'on est utile, et ça c'est dans le regard des autres avant tout.

  • Etienne Ageneau

    Il y a sûrement des gens qui nous écoutent, des RH, qui partagent ta vision, mais qui disent aujourd'hui qu'ils sont confrontés à des managers, une organisation, où ce sujet est vu de manière un peu lointaine, parce qu'ancré dans des vieux schémas, je ne sais pas si le terme est bon, mais en tout cas dans des schémas mentaux, culturels, dans ce sentiment de se dire que si on est vulnérable, en fait, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon signe. Comment on arrive à accompagner un changement culturel sur ce sujet ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors moi, c'est vrai que je travaille au sein d'une organisation où, rappelons-le, la moyenne d'âge est très jeune. Je le dis parce qu'en fait, ça, c'est un management promu par les jeunes générations beaucoup plus fortement, dans lequel on le constate tous les jours, ils veulent se sentir beaucoup plus engagés. Et donc, nous, on est dans une industrie où il y avait des codes statutaires, managériaux bien marqués et qui ne marchaient plus. De toute façon, on le voyait bien, ceux qui manageaient disaient « mais je ne comprends plus, je n'ai plus du tout la prise sur les gens". Mais parce qu'en fait, tu n'utilises pas du tout la même méthode. Donc, de toute façon, on a été, nous, confrontés à la situation de fait. Et on a dû apprendre à faire autrement. Et donc, on a dit, "essayez d'autres méthodes". Et on a pu constater les résultats de ces méthodes-là. Ça ne parle pas qu'aux jeunes. Moi, je me y retrouve totalement. Et je crois que, malheureusement, je ne suis plus si jeune que ça. Mais je pense qu'aussi, c'est un management dans lequel les talents féminins aussi se retrouvent beaucoup, même si attention je n'oppose pas les genres, je connais plein d'hommes avec qui je travaille au quotidien qui en sont convaincus, c'est même souvent plus compliqué pour un homme. Alors c'est marrant parce que moi je dis j'ai peur et je suis nana parce qu'en fait je suis nana donc dans la caricature "ah bah oui mais toi t'es trop sensible et tout", mais un homme qui promeut ces modèles de management c'est encore plus dur ! Alors lui il est vu en mode... voire il n'ose pas en parler parce qu'il se dit vis-à-vis de ses pairs, il ne va pas du tout être crédible là où on est, pardon, mais parfois un peu dans la "masculinité". Alors, ça fait très débat en ce moment, mais c'est pour ça que ce n'est pas un sujet d'opposition des genres, mais de il faut changer de relations humaines, en fait, dans les organisations. Et donc, voilà, moi, c'est vrai que ça a été peut-être un environnement où l'aspect générationnel ayant tellement provoqué ce changement qu'on l'a expérimenté de fait. Maintenant, j'ai bien conscience que dans plein d'organisations, on dit non. Alors, il y a un sujet de croyance, de conviction et de courage. Moi, j'y crois. Je ne dis pas que parfois, je n'ai pas eu des doutes. Je me dis mais en fait, la politique, le désalignement, mais en fait, est-ce que ça peut vraiment exister ? Et en fait, plus j'ai des doutes, plus je suis repoussée dans mes retranchements, plus je me dis "non, mais j'y crois vraiment". Et je suis sûre qu'à tout niveau de l'organisation, ça peut être un levier, et je pense que c'est même le levier le plus incroyable de performance. Je suis convaincue que l'organisation qui aura les meilleurs managers seront les organisations les plus performantes. Mais c'est vrai qu'il faut se battre. Oui, quand on me dit « Oh là là, c'est une naïve » , je ne lâche rien. Je ne vais pas m'excuser de penser ça. Je démontre par des chiffres. Ça, c'est très important. Donc, très rapidement, j'ai outillé, j'ai monté des indicateurs pour pouvoir démontrer les choses. Et puis là, d'ailleurs, une dernière expérimentation, c'est qu'on lance les managers de métier, c'est-à-dire des gens qui sont dédiés au management. Nous, dans notre industrie, ça n'existe pas, mais ça n'existe pas tant que ça dans les organisations, parce que souvent un manager il doit produire lui-même. C'est ce qui rend le management si difficile, c'est que les gens disent, "mais ça prend un temps fou de faire du social". J'adore qu'on me dise ça, je dis, "ah, tu veux dire du management, en fait ?" Ben oui, ça prend du temps, parce que c'est un vrai métier. Et donc là, par exemple, on crée les managers de métier, des gens qui seront dédiés au management, qui n'auront pas de contribution opérationnelle, mais qui auront des indicateurs de succès aussi à suivre, parce que la performance sociale, elle se mesure différemment. Le taux de rétention, le taux d'engagement et de bien-être, ce que j'appelle le taux d'incident, c'est-à-dire un management par le cœur, qui est bien, qui est responsable, il y a beaucoup moins d'incidents, en tout cas provoqués par l'organisation. Quand je dis incidents, c'est en termes d'éthique, en termes d'inclusion, pas de discrimination, pas de harcèlement, pas de management toxique qui, aujourd'hui, on ne mesure pas ça, mais ça coûte de l'argent aux entreprises. Donc, on dit, on ne veut pas investir dans le management, mais par ailleurs, on peut savoir qu'un mauvais management, ça coûte à l'entreprise.

  • Etienne Ageneau

    Et c'est l'argument, justement, cet argument-là que tu évoques, qui t'a permis d'amener l'organisation à évoluer ? Parce que j'imagine que forcément, créer ce type de poste, il y a des questionnements économiques dans les modèles du secteur. C'est quoi l'argument qui a fait dire, en tout cas aux associés, de se dire "oui, il faut qu'on y aille et il faut qu'on ait des gens dédiés à ça" ?

  • Mathilde Le Coz

    Là, c'est sur une population dédiée. Je vais vous démontrer que la productivité de cette équipe-là va augmenter. De même que l'engagement et aussi l'alignement entre le projet de l'organisation et des individus. On le voit dans nos baromètres d'engagement que plus les équipes sont grandes, moins il y a de management de proximité, moins les équipes sont engagées. Surtout avec les jeunes générations. Les jeunes générations, elles ont besoin de se reconnaître dans un management qui leur donne envie. Ils ont besoin de se projeter dans des gens qui partagent les valeurs, les comportements. et donc en fait j'ai dit je vais lister les indicateurs et en fait je vais pouvoir vous démontrer que ce sera financièrement recouvert puisque je vais pouvoir financer ces postes-là par la hausse de la productivité de l'équipe avec un taux d'engagement qui augmentera également.

  • Etienne Ageneau

    Quand je t'entends je ressens aussi beaucoup de conviction et de prise de position, moi j'associe souvent le management par le coeur avec deux autres notions qui est le management par l'attention et le management par le courage. Quel regard tu portes sur le sujet ? Est-ce que pour toi, le management du cœur et le management par le courage sont deux notions qui sont importantes ensemble, que tu dissocies dans ta vision ? Quel regard ?

  • Mathilde Le Coz

    Je te rejoins. Alors, on peut être très courageux et pas nécessairement intégralement humain, bien sûr. Mais par contre, il faut du courage pour promouvoir le management par le cœur parce que ce n'est pas être gentil. L'enjeu, ce n'est pas d'être gentil et d'être aimé de ses équipes. Mais si on fait les choses de manière responsable, courageuse, transparente, en règle générale, on va créer, alors pas de l'amour mais en tout cas un taux d'engagement et de légitimité. On arrive beaucoup plus d'ailleurs sur un management légitime que statutaire, parce qu'on a envie de travailler avec des gens qui nous respectent et qui nous considèrent, mais ça veut dire le courage. On parlait de l'assertivité, c'est l'art de savoir dire les choses, qu'elles plaisent ou qu'elles déplaisent, de la bonne manière. Et le sujet, il est bien là. Souvent les gens, ce n'est pas qu'ils veulent mal manager, c'est que ça manque de courage. Et je pense qu'on est en plus dans une époque où on veut être aimé systématiquement. Et manager, ce n'est pas être aimé. Bien sûr, j'ai envie d'être apprécié de mes équipes, mais ce n'est pas mon driver. Ça n'est que la conséquence du management par le cœur. Effectivement, si on mène bien ce management, je pense qu'il y a des grandes chances qu'on soit apprécié de ses équipes. Et que d'ailleurs, le jour où on part, les équipes qui disent « Ah mais nous on veut partir avec toi ». Voilà, on le voit aussi, mais ce n'est pas le but en soi d'être aimé. Et du coup, oui, souvent, ça manque de courage. Moi, j'ai toujours pensé que plus on respecte les gens, plus on leur doit la vérité. Je serais tellement touchée, blessée que les gens qui se disent très proches de moi ne me disent pas la vérité, apprennent des choses et n'osent pas me le dire. Je m'attends à ce que les gens qui, justement, sont proches de moi puissent m'aider en sachant la vérité. On n'aide pas les gens en ne leur disant rien, en leur racontant une histoire, en les trompant en fait. Moi, je le vois vraiment comme un manque de respect et de considération, le manque de courage. Et c'est difficile. Combien de fois, malheureusement, j'ai dû dire des choses difficiles à des gens que j'appréciais énormément, j'ose le dire. Et je me suis dit, il y a peut-être quelque chose qui va se casser. Mais si je ne le fais pas, je ne serais pas alignée avec moi-même. Et pour moi le cadeau que je leur fais, c'est cette authenticité. Et pour moi, il n'y a pas de management par le cœur sans courage. Je le lis énormément et c'est peut-être ce qui fait peut-être le plus défaut en effet aujourd'hui je trouve, le courage de porter ses convictions, le courage de dire les choses, le courage de se battre et de prendre les bonnes décisions quitte à être en inconfort, parce que manager, ce n'est pas s'écouter soi, c'est écouter d'abord aussi les autres. Alors, il ne faut pas se perdre, c'est un peu la limite. Parfois, si justement on est trop empathique, parfois moi c'est plutôt l'inverse, il faut que je remette un peu mes besoins dans le jeu, parce qu'on peut se noyer dans les besoins des autres. Mais voilà, je pense que ce courage, encore une fois, il est essentiel. Je ne vois pas le management par le cœur sans courage.

  • Etienne Ageneau

    Et aujourd'hui, pour toi, est-ce que la fonction RH manque de courage parfois ?

  • Mathilde Le Coz

    Je me questionne pour qui on travaille. Pour qui on travaille en tant que DRH ? Je travaille pour l'organisation pour laquelle j'ai souhaité m'engager. Je choisis un CEO qui, à mon sens, incarne ce projet, parce que moi j'ai besoin de travailler pour un manager avec qui je suis en confiance, qui partage mes valeurs, sinon je me dis qu'il y a un désalignement entre la manière dont je vois le projet d'entreprise et le sien. Mais fondamentalement, moi je m'engage pour l'organisation, et donc si mes convictions sont désalignées, ou si je dis les choses et que ça ne plaît pas, oui, ça peut me questionner sur est-ce que j'ai encore ma place dans ce projet. Je pense que la peur, elle vient souvent de là, de se dire on va perdre sa place, on va mettre quelqu'un d'autre. Moi je suis... alors c'est peut-être parce que ça n'a jamais été une fin en soi, je ne m'attendais pas, enfin je pense que je n'aurais jamais imaginé être DRH. J'y suis arrivée en découvrant ce métier un peu plus tard, je ne viens pas du tout du métier RH, je pense avoir trouvé ma voie. Je le vois comme une... pardon parce que ça peut être vu comme un manque d'humilité, moi je le vois... Je pense qu'il faut être ambitieux, ambitieux au sens c'est bien de rêver grand et de vouloir un impact. Moi, je le vois comme une mission et je l'oeuvre aussi aujourd'hui au sein d'une organisation. Si cette organisation n'y croit pas, je trouverais une autre organisation dans laquelle je serais ravie de mener cette mission. J'y crois et je n'ai pas du tout envie de lâcher là-dessus. Et je pense que parfois, peut-être que certains DRH sont plus à côté, accrochés à leur place, à l'impact qu'ils peuvent avoir. Moi, ce statut-là, je n'ai jamais recherché ce titre, ce statut, cette place. Je l'ai toujours vu comme mission, en fait. Et le jour où on ne voudra plus que je mène cette mission, j'irai la mener ailleurs.

  • Etienne Ageneau

    On va bientôt arriver à la fin du podcast, aux RH qui nous écoutent et qui croient, qui portent la même conviction que toi sur le management du cœur, mais qui, pour l'instant, sont en désorganisation, ils n'ont pas osé franchir le cap. Quel conseil tu leur donnes sur les premières étapes, peut-être, à enclencher pour aller vers ça ?

  • Mathilde Le Coz

    Alors c'est vrai que moi j'y suis arrivée, et je promeus, je communique beaucoup aussi au nom de l'organisation. C'est un chemin. C'est-à-dire que je pense que ça fait plusieurs années qu'on travaille sur la culture du feedback, la bienveillance fait partie de notre ADN, sur l'intelligence émotionnelle. C'est-à-dire que c'est un travail, on avait déjà mis des graines, qui fait qu'après, au bout d'un moment, on peut sortir le grand mot, le grand jeu, le grand mot : "En fait on fait du management par le cœur" ! Si j'avais sorti ça dès le début, je pense que j'aurais fait peur à tout le monde. Donc, il faut laisser le temps à l'organisation d'apprécier, de comprendre. Il y a un peu d'enjeu de pédagogie et d'évangélisation, en fait. Imaginons, je change d'organisation, peut-être que je m'y prendrais par étapes intermédiaires, le temps d'arriver en fonction de l'environnement et de la maturité sur le sujet, parce que ça peut faire peur. Je pense qu'il y a des étapes. Encore une fois, le sujet de manager, déjà ça questionne qu'est-ce qu'on attend des managers. Est-ce qu'on est bien d'accord avec son organisation, sa direction, sur les enjeux de performance sociale, si on ne veut pas faire de performance sociale, c'est difficile de promouvoir le management par le cœur. Donc il faut déjà s'assurer de l'alignement, on n'est pas obligé de l'adresser tout de suite comme ça, il y a d'autres manières de s'assurer qu'on est en tout cas bien aligné avec les enjeux de l'organisation et après il y a des étapes, effectivement le feedback, la posture coach, le fait d'introduire quelques indicateurs de réussite comment tu vas mesurer ça, le 360 managérial. Basique, ça me semble évident, mais dans plein d'organisations, ça reste encore tabou. Donc, c'est difficile de prendre le management par le cœur quand, en tant que manager, on ne veut même pas savoir et s'intéresser à ce que pensent les autres. Donc, je pense qu'il y a des étapes intermédiaires avant de pouvoir peut-être promouvoir une idéologie, quelque part, et aller jusqu'au bout. Juste des étapes, les étapes que j'ai citées, je pense, sont des bonnes manières de commencer à évangéliser et planter des graines au sein de l'organisation.

  • Etienne Ageneau

    Et pour terminer, est-ce que prendre la parole à l'extérieur, comme tu le fais là aujourd'hui sur ce type de sujet, c'est un moyen indirect de jouer aussi sur ce sujet en interne parce que forcément on le porte, donc on engage l'organisation à bouger aussi sur cette idée ?

  • Mathilde Le Coz

    Oui, alors oui. C'est rigolo que tu demandes ça parce qu'à l'origine, c'est vrai que j'aime bien prendre la parole, j'aime surtout échanger, rencontrer des gens. Mais je me suis vite rendue compte que c'était une tactique d'évangélisation interne. Parce que parfois, on fait passer des messages en interne, on n'est pas entendu. D'ailleurs, combien de fois on dit, il faut faire venir quelqu'un de l'extérieur qui va dire la même chose, mais ce sera mieux entendu. C'est toujours comme ça. Donc moi, ça m'arrive d'ailleurs de faire intervenir des gens qui disent exactement la même chose, mais avec cette caution, ils sont professeurs, experts. Donc vous voyez, il n'y a pas que moi qui le dis, etc. Mais surtout, ce qui est intéressant, c'est de voir comment réagissent les auditeurs ou comment une prise de parole externe est perçue par le marché ou par d'autres entreprises, et bien souvent c'est « dis donc j'ai vu, t'as dit ça et oulala, il y a plein de gens qui ont réagi, tiens mon client m'en a parlé". Et là ils disent « ah bah je vais peut-être bouger, je vais peut-être écouter » donc oui, en fait moi c'est beaucoup souvent de contenu externe que je repousse déjà en interne, ça permet aussi de créer du contenu un peu plus naturel, spontané pour faire comprendre aussi ... On n'a pas toujours l'occasion en tant que DRH de prendre le temps de passer ce temps-là pour expliquer toutes nos stratégies, ce en quoi on croit, nos croyances, nos combats. Donc ça me permet aussi de le partager avec les équipes Forvis-Mazars, mais surtout ça attire l'attention et c'est entendu. Je donne un exemple où le management par le cœur... C'est quelque chose que j'ai évoqué dernièrement. J'ai eu la chance de travailler avec des talents féminins au Women's Forum. On m'a dit, écris une chronique. J'écris une tribune pour Forvis-Mazars, je dis "c'est un parti pris, attention". "Ah non, mais c'est super, on va le mettre dans Les échos". Je dis, "ah ouais". Donc là, j'avais le support de l'organisation. Et en fait, "ah là là, j'ai vu dans un grand journal, c'est sorti". Donc, c'est un sujet qui plaît. Donc oui, ça sert énormément à la cause pour évangéliser et faire passer des messages.

  • Etienne Ageneau

    Merci Mathilde.

  • Mathilde Le Coz

    Merci.

  • Intro/Outro

    Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par l'Étincelle RH en partenariat avec Ideuzo. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh !

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