- Emmanuel Boulineau - POINT.P
J'ai peur de ne pas être à la hauteur de ce que l'on promet à nos collaborateurs.
- Intro/Outro
Bouh ! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs DRH et des recruteurs. Cette saison, nous partons à la rencontre de DRH, dirigeants, dirigeantes et autres CEO, pour voir si en haut de l'échelle, ça flippe tout pareil. Nous recevons aujourd'hui Emmanuel Boulineau. Une carrière toute tracée comme Responsable des Ressources Humaines puis DRH dans le groupe Saint-Gobain. Aujourd'hui DRH, Directeur des carrières et du développement RH de POINT.P et pourtant, flippé...
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Bonjour Emmanuel.
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Bonjour.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre peur ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
En fait, j'ai peur de ne pas être à la hauteur ou que l'on ne soit pas à la hauteur de ce que l'on promet à nos collaborateurs parce que leurs attentes changent. Les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail ne sont pas motivées par les mêmes éléments que les anciennes ou celles qui sont déjà présentes, dont je fais partie. Et donc, effectivement, j'ai peur que notre contrat individuel ou contrat social que l'on promet ou que l'on propose ne soit pas à la hauteur des attentes et fasse qu'effectivement nous soyons moins séduisants en termes d'employeur.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Est-ce qu'on est en capacité d'être toujours à la hauteur des attentes ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
On essaye. Non, honnêtement non. Je ne pense pas qu'il y ait une société au monde qui soit à la hauteur partout, tout le temps, pour chaque individu. Mais c'est important d'avoir, pour moi, pour nous, d'abord et avant tout, un objectif commun, ce qu'on appelle un projet commun. Ça, c'est le projet de la société aussi simplement que ça. Et puis, un projet individuel. Et l'idée, c'est d'avoir les deux et que ce projet individuel, on puisse le tenir. Et ça, ce n'est pas si simple que ça parce que les attentes ne sont pas les mêmes en fonction des personnes.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et vous ressentez en tout cas une évolution forte de ces attentes et de transformation de ces attentes ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Oui. Alors, est-ce que c'est un effet générationnel de ma part, mais on voit toujours les plus jeunes générations arriver qui sont peut-être plus impatientes finalement, plus complètes aussi dans leurs attentes. Ça c'est une réalité, c'est une génération qui veut tout. Tout dans le sens une réussite professionnelle, une réussite personnelle. Il faut que les deux se parlent et les deux soient correctement balancés. Ce qui n'était peut-être pas le cas avant où chacun voyait peut-être un sacrifice personnel dans la carrière professionnelle. Aujourd'hui, on a effectivement des attentes plus complètes et plus compliquées aussi à atteindre.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et au-delà de ces attentes, est-ce que vous ressentez en tout cas une évolution de la perception que peut avoir cette nouvelle génération, à la fois de l'entreprise mais de la fonction RH ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Alors, de la fonction RH, de l'entreprise, je ne pense pas. Je pense que la réalité aussi du monde du travail vous rattrape, donc ça je ne pense pas. Par contre, DRH, oui, parfois on nous regarde un peu comme une commodité, sans savoir que l'on peut aider, que l'on peut accompagner, que l'on peut conseiller, et c'est ça finalement notre vraie valeur ajoutée, plus que le métier plus basique, j'allais dire, de la gestion du personnel, mais qui est nécessaire aussi, soit dit en passant. Mais effectivement, parfois, on ne nous entretient pas assez pour la valeur ajoutée qu'on peut donner.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et pour vous, comment le rôle de RH doit évoluer justement par rapport à cette perception ? Qu'est-ce qui est du ressort de la fonction RH à transformer, à faire évoluer ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Pour moi, accompagner. Accompagner, se rendre disponible. S'il y a bien une chose qui est terrible dans le monde de l'entreprise, c'est le manque de temps. C'est la denrée qui nous manque à tous. Savoir prendre le temps. Pour moi, la fonction RH ne doit pas être submergée par ses propres objectifs, ou cette capacité à se trouver elle-même du boulot pour faire beau, mais plutôt savoir se donner du temps et donner du temps aux autres, accorder du temps, d'écoute, c'est très important, et puis individualiser le conseil. Ça c'est très important aussi. On a tendance à vouloir faire des généralités, parce que c'est beaucoup plus pratique pour nous au quotidien, mais il faut savoir individualiser un maximum le conseil.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Est-ce qu'une des raisons de cette dimension d'accompagnement, de manque de temps parfois, est liée au fait que dans la fonction RH, on a beaucoup travaillé aussi sur le développement des managers, et que parfois on a transféré une dimension d'accompagnement chez le manager en disant que c'est son rôle d'être ce premier contact, et finalement en délaissant un peu une part de notre rôle RH ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Alors chez Point.P on a des petites unités avec beaucoup de managers, à peu près 1000 sur l'opérationnel. Je ne me substitue jamais à leur autorité. D'abord c'est eux, les patrons. Je suis patron de mon équipe et je n'aime pas qu'on vienne interférer dans mon univers et dans mon équipe. Donc je n'interfère pas chez eux. Ils sont patrons, il faut savoir respecter ça quand on est RH. Je crois plus à une RH d'influence, c'est plus compliqué, plus long, plus casse-gueule pour être tout à fait sincère, excusez-moi le propos mais c'est ça la réalité, mais tout au moins plus efficace dans le temps, d'avoir des patrons qui augmentent leur capacité managériale, sachent traiter par eux-mêmes entre guillemets beaucoup de situations complexes, aient les bons réflexes, et notre rôle est plutôt de les accompagner, plus que de se substituer à eux.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et par rapport aux attentes de ces nouvelles générations ? Quels sont pour vous, justement, dans la fonction managériale aussi, les points importants à faire évoluer ou à transformer ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Leur faire comprendre que l'attente n'est pas la même que celle qu'ils avaient. Des fois, ils oublient aussi qu'eux aussi, quand ils étaient jeunes, avaient la même attente, soit dit en passant. Mais ce qu'on essaye de leur expliquer, c'est que, oui, il faut savoir s'adapter. Oui, il faut savoir comprendre pourquoi l'attente d'une personne de 22 ans ou 23 ans n'est pas la même que la leur, qui est plus ancienne, entre guillemets, et qu'ils ont parfois oubliée. Quand ils ont des enfants on leur dit écoute, et tes enfants, comment réagissent-ils ? Ils se disent, bah oui, mes enfants sont pareils. Donc voilà, c'est leur faire comprendre que oui, les jeunes ont d'autres attentes, qu'eux doivent s'adapter, mais qu'eux aussi doivent transmettre quelque chose, cette notion de temps, cette notion d'apprentissage à ces nouvelles générations. J'ai toujours très peur du réflexe managérial de "j'ai souffert, donc il faut que les gens souffrent". Une reproduction du schéma éducatif que l'on a à peu près tous, pensant que ça forge les gens. C'est faux. Et ça, on essaie de les accompagner, on rabâche ça aux managers, qui sont plutôt ouverts sur le sujet. Il faut juste servir de mettre de l'huile un peu partout dans les rouages pour que ça fonctionne mieux.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Ce que vous dites ça me fait penser à souvent la remarque qu'on entend parfois justement en disant « Oui, mais c'est une nouvelle génération, elle veut tout, tout de suite. » Alors qu'en fait, il faut de l'effort, il faut de la dureté. On n'a pas une promotion, une évolution aussi rapidement. Il faut attendre, il faut savoir être résilient. Avec justement ce côté de reproduire ce que moi j'ai un peu vécu. Moi j'ai galéré potentiellement à obtenir ce poste, pourquoi lui il l'aurait de manière plus rapide et plus facile ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Il y a un peu de ça. L'avantage c'est que quand j'ai commencé il y a très longtemps, on disait exactement la même chose. Donc c'est rassurant. Je pense que dans 25 ans, on dira encore à peu près la même chose. Ce qui change beaucoup, c'est la communication, la rapidité d'information que nous n'avions pas et que cette génération peut avoir, donc d'informations aussi de « ailleurs c'est mieux » , ce genre de choses. Donc il faut à chaque fois re-répéter, remettre de la distance par rapport à cette information ultra rapide qu'il peut y avoir, rappeler au manager qu'ils étaient à peu près pareil au même âge. Donc voilà, il faut savoir le comprendre, l'admettre. Et puis, moi ce que j'essaie d'expliquer à ces gens qui sont pressés, C'est qu'il y a quand même des cycles manageriaux et des cycles par lesquels on grandit. J'aime bien cette notion, un jour quelqu'un m'a dit, "il faut savoir payer ses propres factures". Sous-entendu, se confronter à ses propres erreurs et au résultat de ses propres erreurs est beaucoup plus formateur que finalement arriver dans un poste et dire, "c'est pas de ma faute puisque c'était l'ancien ou l'ancienne qui a fait cette erreur, donc finalement elle ne m'appartient pas". On apprend plus quand on prend une décision, qu'on voit que cette décision n'a pas porté ses fruits et qu'on en est le propriétaire. Et ça, il faut des cycles, il faut un peu de temps. Cette notion de temps est hyper importante.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Oui, sur le fait de se dire quel est le temps nécessaire pour pouvoir réellement évaluer les résultats de ce que j'ai fait et donc évaluer réellement ma montée en compétence ou ma maîtrise du sujet.
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Et des fois, on réussit, on ne sait pas pourquoi, mais on a l'impression d'avoir tout réussi et d'être des génies, alors que des fois, on échoue. Et quand on échoue, quand on se confronte à ses propres échecs, notamment managériaux, c'est extrêmement formateur. D'abord, ça ne fait jamais très plaisir, ça fait parfois un peu mal, mais à tout du moins, on ne reproduit pas ce type de décision, ou on fait beaucoup plus attention après. Mais ça, il faut du temps. Et c'est cette notion-là qu'on essaie d'apprendre et d'inculquer à nos managers en disant, quand vous prenez un poste de management à 28, 29 ans, même parfois beaucoup plus jeune, laissez-vous le temps d'apprendre. Et la carrière est relativement longue, c'est un marathon, ce n'est pas une succession de sprints.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et comment justement vous accompagnez les managers ? On parle beaucoup des programmes de formation, parfois managériaux, avec parfois cette tendance à dire on envoie les managers faire deux jours de formation et puis derrière, la mise en pratique, qu'est-ce qui va se passer ? Comment avez-vous construit votre accompagnement ? Et qu'est-ce que vous faites pour accompagner vos managers ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Pas mal de choses. La formation est importante, mais je doute qu'en 48 heures de formation, on devienne des génies. Ou alors, dans ces cas-là, c'est une formation extraordinaire, mais je ne crois pas qu'elle existe. En fait, ce n'est pas forcément un seul dispositif, c'est de multiples dispositifs. Je crois beaucoup dans le fait d'avoir de bons patrons. Moi, j'ai appris avec de très bons managers qui étaient excessivement exigeants et excessivement bienveillants, mais excessivement exigeants d'abord. Ça, ça m'a fait grandir. Ensuite, il y a effectivement ces formations managériales. Alors, on en a plusieurs. On en a une qui est le socle. Et puis ensuite, on a des dimensions, et j'y reviendrai après. On a des programmes de mentoring. Ça, c'est très intéressant. C'est assez nouveau d'ailleurs dans le monde de l'entreprise. Le coach est une chose, mais le programme de mentoring amène autre chose, un autre type de discours. Parfois, la RH ne peut pas tenir certains discours, alors que le mentor peut le faire. Donc ça, c'est plutôt intéressant pour nous. Et puis, il y a quelque chose que l'on a travaillé depuis maintenant deux ans, qui sont les six dimensions managériales. On a travaillé six dimensions comme la bienveillance, l'exigence, l'assertivité managériale par exemple, qui est la chose somme toute la moins bien répandue dans le monde. Et on a mis un petit guide à disposition de managers, non pas en disant voilà ce que c'est, mais en prenant des exemples du quotidien de leurs équipes et en disant voilà ce que l'on attend de vous. Donc on se raccroche au réel, on évite de rester trop loin ou trop... éthéré entre guillemets. Et tous ces dispositifs là permettent à un manager de se situer entre ce que l'on attend et ce qu'il réalise au quotidien. Et puis on a une corde de rappel qui est absolument géniale, c'est qu'une fois par an il y a une enquête globale pour le groupe Saint-Gobain dont on fait partie et qui permet d'avoir tout un tas de curseurs d'évaluation de la satisfaction des collaborateurs sur leurs métiers, sur la boîte, sur plein de choses mais aussi sur le management et donc avoir un mauvais NPS quand on est manager vous oblige parfois à vous remettre en question et c'est pas si mal que ça.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Ça fait du bien d'avoir quelques signaux et quelques retours ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Ça n'est pas le curseur universel, mais ça fait du bien quand les équipes prennent le temps de répondre et quand elles vous adressent un message, que ce soit positif ou négatif, ça permet de se dire qu'il y a quelque chose qui dysfonctionne. La réussite ne passe que par la qualité de l'équipe. Donc d'abord et avant tout les équipes, les équipes heureuses rendront les clients heureux, pas l'inverse.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et la dimension de mentorat que vous évoquez, c'est que finalement en effet on en entend parler, mais on le voit encore peu dans les entreprises, donc c'est assez novateur. J'ai le sentiment d'extérieur que vous êtes assez attaché à ces logiques de partage entre pairs. Vous avez des ambassadeurs pour les candidats qui peuvent être disponibles, de collaborateurs, vous avez le mentorat. Ça s'appuie sur un axe fort de votre politique, d'un enjeu. Qu'est-ce qui fait que c'est des dispositifs que vous avez souhaité étendre en tout cas, c'est quoi la genèse de tout ça ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Je vous donne mon exemple. Dans ma mission, j'ai le développement RH et puis l'accompagnement des cadres pour le groupe. Je pense qu'honnêtement, mon principal rôle dans ce cadre-là, c'est écouter et mettre en relation. Quand on me demande est-ce que je peux devenir chef de projet de transformation business, je dis "oui, je vais te mettre en lien avec quelqu'un qui le fait déjà, il va te parler de son métier". Je peux parler des métiers, mais il y a des choses que je ne peux pas dire. Par contre, ceux qui sont en poste actuellement, eux peuvent le dire, eux peuvent parler aussi d'autres, des éléments plus quotidiens de leur travail, casser quelques fantasmes, dire que parfois des titres ronflants ne sont pas si extraordinaires que ça, et à l'inverse, des métiers qu'on trouve très basiques sont assez extraordinaires au quotidien. Donc ça, il n'y a que ceux qui les occupent qui sont les meilleurs porte-paroles de leur métier. Et puis, on a du coup essayé d'industrialiser cette mise en relation en travaillant avec MyJobGlasses pour un outil qui s'appelle Trajectoire qui permet aux gens de solliciter, sans passer par les RH, directement un chef d'agence, un chef de produit en marketing, ce genre de poste, pour leur demander "mais au fait, ton métier, c'est quoi ?" Et provoquer une heure de rendez-vous téléphonique, ou par Teams, ou même physique, en se disant, raconte-moi ton métier. Est-ce que ça, finalement, ça m'intéresse ? Et là, il y a beaucoup de choses qui se passent. Presque plus, j'allais dire, que quand un DRH ou un RH vous reçoit et vous parle du métier.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Dans les nouvelles générations, en tout cas, même si je pense que ça concerne toutes les générations, il y a des attentes assez fortes sur les enjeux de transparence qu'on évoque. Est-ce que ces logiques-là que vous évoquez s'inscrivent justement dans ces logiques de politique et de transparence et de mise en contact direct ? Est-ce qu'il y a d'autres actions que vous menez dans ces enjeux de transparence ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Dans la transparence, on a institué maintenant des grilles de salaire pour tous les postes qui sont visibles sur l'intranet. Donc tout le monde voit les grilles de salaire de tous les postes et puis les quatre niveaux d'atteinte du poste pour pouvoir effectivement se positionner. Donc il y a une transparence de ce point de vue-là sur qu'est-ce que l'on attend et combien on paye. Ça c'est plutôt intéressant. Pour info, c'était une des peurs des DRH d'ailleurs, de se dire "mais finalement qu'est-ce qui va se passer quand tout le monde va avoir les salaires ?" Bon, il ne s'est rien passé, honnêtement. Et la seule chose qui s'est passée, c'est qu'elle a été plutôt bénéfique, c'est que les gens ont dit merci, merci d'être transparent. Transparent dans la qualité de la mission, et ça c'est le pair à pair finalement que l'on a le meilleur partage, et le meilleur discours, et le plus honnête, on va dire ça comme ça. Autant sur les choses positives que sur les choses négatives du métier ou sur les éléments à prendre en compte en termes d'investissement, en termes de qualité de la relation ou de problématiques que l'on rencontre. Donc ça, c'est assez intéressant. Je pense que la parole des collaborateurs a une vraie valeur. Et on a travaillé notre site Internet sur ce sujet-là en laissant beaucoup plus de place à la parole des collaborateurs.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Justement, votre nouveau site recrutement, qui je pense sera sorti au moment de la diffusion de notre podcast, comment vous avez intégré ces logiques de transparence, d'écoute des attentes des candidats, des collaborateurs ? Comment ça nourrit votre projet ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Alors on a d'abord travaillé avec les ambassadeurs et ce depuis un petit bout de temps. On a fait plusieurs éléments de communication auprès des candidats avec nos collaborateurs. C'est-à-dire qu'on est sortis du sacro-saint agences de com et autres. Et on a internalisé "ma vie ma distri" par exemple qui était une intervention d'un de nos collaborateurs qui allait visiter différentes agences et expliquer différents métiers avec d'autres collaborateurs. Donc là, on était vraiment entre collaborateurs. On avait eu un jeu à DistriQuiz de toutes nos enseignes qui jouait une sorte de jeu où chacun expliquait finalement quelle était sa boîte. Les deux, d'ailleurs, vivent très bien sur les réseaux. Là, on a DistriStories qui devrait être aussi une manière de mettre en ligne et en lumière nos collaborateurs dans leur quotidien, donc ils vont se filmer et ça va passer sur les réseaux. Donc l'ambassadorat, entre guillemets, est quelque chose que l'on travaille depuis maintenant 3-4 ans, avec finalement des gens qui sont très heureux d'y participer, très fiers, entre guillemets, aussi de leur boîte et de leur appartenance, et qui montrent des choses que nous n'aurions pas eu l'idée de montrer, mais qui finalement ont de l'importance pour nous dans leur métier, et ça c'est très bien. Et du coup, ça nous permet d'avoir de la matière et de la mettre effectivement sur notre site internet et de faire en sorte que ça parle autant à l'externe, mais aussi à l'interne.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Quel conseil ou quel remarque vous donneriez aux gens qui nous écoutent, qui hésitent justement aujourd'hui à développer ce système d'ambassadorat par des craintes, des peurs, en disant, en donnant la parole à tout le monde, on a un risque que peut-être le salarié mécontent soit plus visible, prenne plus la parole, ces fameuses craintes historiques qui peuvent exister. Quelle remarque vous leur donnez aux gens qui hésitent à se lancer dans ce type de programme ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Aucun problème. Les salariés mécontents, je doute qu'ils prennent le temps de prendre un micro, une caméra, de se filmer, de le dire. Ou alors ils le disent, mais fondamentalement sur des sites ou sur des réseaux qui ont peu de portée. Par contre, les collaborateurs heureux, les collaborateurs fiers de ce qu'ils font, de leur entreprise, qui sont heureux dans leur équipe, et il y en a beaucoup, leur laisser la capacité à s'ouvrir, à se filmer, à se montrer, à dire ce qu'ils ont à dire, et transmettre, finalement avec beaucoup de générosité, leur bonheur au travail, ça c'est super. Honnêtement il n'y a pas de crainte à avoir. Honnêtement il n'y a pas de crainte et je pense qu'en plus on est surpris soi- même que le discours très léché que l'on peut avoir entre RH et agences de com est un peu transgressé par des gens qui vous disent "non, ce qui est important c'est ce que je vis au quotidien et ce que je vis au quotidien c'est la qualité de ma voiture, c'est la qualité de mon chef, c'est la qualité de mes copains ou de mes copines au travail, de mes collègues". Voilà, c'est la vérité en fait qui s'exprime sur les réseaux, il ne faut pas en avoir peur.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Dans ces attentes des nouvelles générations, la notion de trajectoire, de parcours professionnel, qui concerne toutes les générations, est assez forte. Comment vous travaillez et vous répondez à ces attentes sur des parcours parfois plus personnalisés, plus individualisés ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
On a tout un cycle d'entretien nécessaire. Il n'y a pas longtemps, les RH disaient que l'entretien annuel est mort. Je n'y crois pas du tout. J'y crois vraiment pas. Honnêtement, il n'y a pas beaucoup de moments généralement où un patron prend le temps pour chacun de s'asseoir, de parler de soi et de ce que l'on veut être. Donc nous, on demande effectivement à ce que chacun puisse s'exprimer. Tout le monde n'a pas potentiellement envie de bouger. Tout le monde n'a pas envie de devenir maître du monde ou ce genre de choses. Mais celui qui en a envie ou celle qui en a envie, il faut qu'elle s'exprime. Il faut que ça soit vu, lu et compris. Et puis, il y a une chose qui est terrible dans les entreprises et qu'on a cassée nous il ya maintenant cinq ans, c'est que généralement il n'y avait pas de réponse? C'est à dire que chacun émettait un souhait, puis le souhait part dans une grosse boîte noire avec marqué "RH" dessus, les RH parlent entre eux et puis basta. Et en fait le principe c'est quand même de devoir redonner une réponse à la personne en expliquant pourquoi le projet est possible, pourquoi le projet difficile, ou pourquoi le projet est impossible en l'état. Ca veut pas dire qu'il est impossible à jamais, mais impossible en l'état, et donc qu'est-ce qu'il faut faire en termes de formation d'accompagnement de prise de poste ou autre et ça c'est important, c'est plus que le projet exprimé. Ce qui est facile à faire, fondamentalement, c'est la boucle retour qui est le plus important. Et ça, ça demande de prendre le temps de les lire, d'échanger et de les juger, entre guillemets, possible ou impossible, et puis au manager de faire un retour. Donc ça oblige du courage managériel et on revient sur la boucle d'un manager présent et authentique auprès de ses équipes. L'authenticité est hyper importante, authentique en disant "oui c'est possible, je t'accompagne" ou "non en l'état ça n'est pas possible", et que fait-on pour que ça le devienne ? C'est ça le plus important.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et comment on fait ? Parce que là vous avez un discours assez fort sur ces enjeux d'authenticité, de transparence, quand on a plus de 1 000 sites on a des risques de disparité, comment on arrive justement à garantir cet équilibre entre ce qu'on promet et la réalité, qui est tellement variable (1 000 managers, 1 000 organisations, 1 000 collègues, 1 000 sites, 1 000 équipes) ? Comment on arrive à garantir ça ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
C'est super compliqué. Presque impossible finalement sur 1 000 sites et 11 000 collaborateurs. C'est très complexe. On se focus beaucoup sur la qualité des managers. C'est eux finalement la cheville ouvrière. Je vous ai dit, l'enquête nous permet d'avoir une boucle retour. Donc on voit aussi parfois dans des endroits où ça ne se passe pas très bien, où il faut intervenir, où il faut accompagner le manager, où il faut savoir décider parfois de se séparer des managers toxiques. Ça arrive et ça nous arrivera, je pense, toute notre vie, entre guillemets, de RH. Donc ça, il faut savoir l'écouter et décider, ce qui n'est pas si facile que ça. Ce qu'il faut toujours rappeler, c'est ce triptyque. Les meilleures équipes donnent la meilleure satisfaction au client, qui donne la meilleure satisfaction à votre actionnaire, qui vous redonne de l'argent pour récompenser les meilleures équipes. Ça part des meilleures équipes. Il y a une terrible corrélation qui est faite entre le NPS des collaborateurs et le NPS des clients. Elle est mathématique, donc on l'a fait et ça fait plusieurs années qu'on le fait et plusieurs années que ça se révèle la réalité. Donc ce qu'on explique aux managers c'est que s'ils veulent avoir de bons résultats économiques, ça passe d'abord et avant tout par les équipes.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Dans ces évolutions de ces attentes et ce risque parfois d'être un peu dépassé par ces attentes, Comment vous, en tant que DRH, vous restez à l'affût, en veille en tout cas, pour pouvoir aussi intégrer en tout cas et évoluer dans vos pratiques par rapport à ces évolutions sociétales qui peuvent impacter la fonction ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Restez ouvert. Moi, j'écoute beaucoup mes enfants qui rentrent dans le marché du travail. Et donc, je vois qu'effectivement, comment ils réagissent n'est pas forcément de la même manière que moi. Donc, c'est toujours intéressant. J'ai la chance de ne pas avoir de bureau et d'être au milieu de mes équipes. qui sont pour partie relativement jeunes et j'écoute toutes les discussions informelles et j'en apprends plus parfois dans les discussions informelles que dans les discussions un peu imposées de réunion. Donc ça aussi, ça vous permet d'honorer. Savoir rester ouvert simplement à la contradiction. J'ai des convictions fortes, mais parfois on m'explique gentiment que mes convictions ne sont pas forcément les bonnes. Savoir se remettre en question n'est pas si facile que ça et ça je les écoute. J'ai la chance d'avoir des collaboratrices en majorité et des collaborateurs qui sont extrêmement intransigeantes avec moi. On peut dire parfois un peu rudes parce qu'elles ont leur avis et qu'elles sont capables et peuvent le dire. Et je sais écouter ça. Et c'est le plus important, en fait. C'est de ne pas rester assis sur une espèce de certitude de, je reviens sur ce qu'on s'est dit au début, "ça m'a forgé donc forcément, la reproduction du schéma dans lequel j'ai vécu est forcément la bonne". C'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. C'est parfois étonnant, mais il faut savoir écouter.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Est-ce qu'on manque parfois dans les organisations de gens qui portent des convictions, comme le font vos collaboratrices, qui savent être parfois peut-être un peu rebelles aussi ? Est-ce que pour vous, on a assez de rebelles dans les entreprises ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Ça dépend lesquels. Moi, j'aime bien en avoir quand même, parce que ça pique. J'entendais à un moment donné quelqu'un dire "Un bon manager c'est quelqu'un qui sait embaucher quelqu'un de plus fort que lui sur certains domaines parce que ça vous oblige à rester humble". On n'est pas omniscient, omnipotent. Je suis loin d'être le cas. Donc oui ça fait du bien, il faut avoir de l'humilité par rapport à la tâche et puis savoir protéger les rebelles. Protéger les rebelles parce que parfois c'est gênant, parfois les organisations n'aiment pas tellement les rebelles. Mais savoir les protéger, c'est aussi protéger cette petite musique dissonante qui vous fait réfléchir un peu en dehors de la boîte.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et pour vous, s'il y avait un point dans la fonction RH qui fera vraiment la différence demain, où la fonction RH dans sa globalité doit se transformer, doit évoluer, parce que c'est un des enjeux clés pour réussir demain, ce serait quel élément ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Le temps, le temps qu'elle accorde. Moi, je suis toujours très surpris quand je rencontre beaucoup de gens. J'essaie de m'accorder beaucoup de temps pour ces rencontres individuelles et je suis toujours surpris que les gens me disent merci à la fin. C'est notre job. Je leur dis qu'il n'y a pas de merci, c'est mon travail en fait. Mon travail c'est de prendre soin individu par individu. C'est infaisable à 11 000, mais prendre le temps, quel que soit le niveau hiérarchique, quel que soit le poste, c'est important. Et prendre ce temps, c'est-à-dire ne pas passer 20 minutes à parler, c'est passer une heure avec une personne et trois quarts d'heure à l'écouter et un quart d'heure à parler. Et savoir dire les choses, savoir dire les choses sans agressivité, mais avec assertivité, c'est-à-dire la vérité. C'est parfois pas facile, moi je suis toujours très surpris quand les gens remercient, et du temps, et simplement d'avoir dit la vérité. Et ça, c'est mon avis l'enjeu maximal, on aura beau mettre toute la digitalisation que l'on veut, y aura quand même besoin de ce rapport humain, il y aura quand même besoin de cette écoute-là. Je suis surpris que parfois, on écoute peu.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Et justement, quel conseil vous donnez aux RH qui nous écoutent et qui réagissent en disant "oui, c'est bien gentil, mais je n'ai pas le temps, j'ai plein de projets, j'ai mes contrats réglementaires, juridiques, j'ai mes recrutements, j'ai mes managers, j'ai mes demandes opérationnelles", qui se réfugient finalement peut-être aussi derrière ces excuses, qui sont à la fois valables, mais quel conseil vous leur donnez ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
J'ai eu la chance d'avoir un patron il y a très longtemps, qui était d'abord un coach et un formateur plus qu'un patron soit dit en passant, ce n'était pas un RH de nature, d'ailleurs il ne savait même rien faire en RH, mais il avait un côté un peu génial, c'est mon Yoda à moi. Et un jour que j'étais comme ça, j'étais pris par le temps de mes obligations concernant les IRP, d'avoir des sorties à faire, enfin bref. Et j'arrivais toujours en lui disant "ça m'a pris du temps". Et un jour il m'a assis, il m'a dit "combien de temps tu passes avec les meilleurs ? combien de temps tu passes avec les moins bons ? Et comment veux-tu faire évoluer ta boîte si tu passes du temps avec les moins bons ?" Ça m'a marqué et c'est resté pour moi un mantra, c'est combien de temps je passe avec les meilleurs ? Combien de temps je donne aux gens qui font évoluer la boîte, qui font fonctionner cette société ou qui la font progresser ? Si je passe mon temps avec les personnes qui la font régresser ou qui la tirent vers le bas, à ce moment-là, je ne fais pas mon métier. Donc le seul conseil que je leur donne, c'est posez-vous la question de combien de temps vous passez avec les meilleurs, à les accompagner.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Est-ce qu'on a parfois tendance justement dans les organisations à donner trop d'écho aux 2-3% de râleurs ?
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Tout vous attire pour ça. Tous les systèmes vous obligent à prendre en compte et à passer du temps. Or le temps, c'est votre denrée la plus chère, la plus essentielle. Donc forcément, c'est quelle est la personne qui va faire progresser la boîte sur tel sujet ? Quel est le manager qui fait progresser le plus de personnes ? Et donc comment je le protège ? Comment je lui donne ? de mon temps pour qu'il s'améliore et il donnera lui tout son jus entre guillemets pour les équipes et pour les faire progresser. Donc oui, il faut faire très très attention à son propre temps.
- Etienne Ageneau - l'étincelle RH
Merci Emmanuel.
- Emmanuel Boulineau - POINT.P
Merci.
- Intro/Outro
Merci d'avoir écouté Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par L'Étincelle RH en partenariat avec I2O. Envie de partager vos peurs ? Vous pouvez nous contacter sur LinkedIn. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la bande de flippés. Bouh !