- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans BeLiveTalk, le podcast qui met la santé des femmes en action. Je suis Perrine Raz et je suis ravie de partager une fois de plus ce moment avec vous. Alors aujourd'hui, nous allons parler du stress sous un angle totalement différent du précédent épisode. Plutôt que de chercher à en faire un allié, nous allons nous intéresser à la manière dont il se manifeste en nous. à ce qu'il révèle de notre façon de penser, de ressentir et de traverser les situations du quotidien. Alors pour explorer cette dimension plus intérieure et plus psychique du stress, j'accueille Daniel French, psychiatre. Son regard clinique et son expérience de terrain nous aideront à mieux comprendre ce qui se joue dans nos réactions sans tomber dans les raccourcis ni les solutions toutes faites. A mes côtés également Alexandre Alhambraix, journaliste qui ponctuera la discussion d'éclairage utile. Et comme toujours, nous retrouvons Laurence Lins, directrice scientifique chez BeLive, pour sa chronique « Phyto et Nutri » . Daniel, bonjour et bienvenue dans ce podcast.
- Speaker #1
Bonjour, merci de m'accueillir.
- Speaker #0
Alors pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore, pourriez-vous vous présenter, nous parler de votre métier, de vos domaines d'intérêt et surtout de votre façon de travailler ?
- Speaker #1
Je suis Daniel French, je suis médecin psychiatre spécialisé en psychiatrie de liaison. Je travaille comme psychiatre dans un hôpital général et je donne des avis. psychiatrique dans d'autres services médicaux, cardiologie, chirurgie, maternité, soins intensifs. C'est ce qu'on appelle la psychiatrie de liaison. Par ailleurs, j'ai un tropisme pour les troubles de l'humeur en général, dépression unipolaire, bipolaire, souffrance existentielle.
- Speaker #0
Alors vous le disiez, vous êtes psychiatre, mais vous êtes aussi formé à la thérapie ACT, donc ACT pour Acceptance and Commitment Therapy. Est-ce que ces différentes approches ont façonné votre façon d'aborder le stress ?
- Speaker #1
Oui, beaucoup. D'abord, de les problématiques en général, mais le stress notamment. Au niveau individuel, les thérapies d'acceptation et d'engagement, ça sensibilise, je trouve, à ce qui est important pour les personnes et quels comportements ces personnes adoptent pour se rapprocher de ce qui est important pour elles, versus quels comportements d'évitement ou de fuite les en aient éloignés. Ça permet d'orienter, que ce soit en consultation, aux urgences ou en salle. de toujours se demander qu'est-ce qui est important pour la personne qui est en face de moi et comment est-ce qu'on peut l'aider à se rapprocher de ce qui compte.
- Speaker #0
Donc c'est un outil au quotidien dans votre pratique ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Alors quand on regarde le stress vraiment d'un point de vue psychiatrique, qu'est-ce qu'on voit que l'on ne voit pas forcément dans les discours plutôt grand public ?
- Speaker #1
Je trouve que dans la pratique psychiatrique, on est peut-être plus habitué à... à considérer les situations de façon multifactorielle. Donc avec un individu qui se présente avec une ou des problématiques comme psychiatre, je pense qu'on a plusieurs lunettes de lecture d'entrée de jeu et qu'on explore petit à petit. Alors que dans la vie de tous les jours, je pense chez des personnes non formées, on voit des symptômes les plus criants et on ne réfléchit pas forcément à tous les types de causes qui pourraient mener à ce résultat-là.
- Speaker #0
Avant d'entrer dans le vif du sujet, est-ce que le stress est un thème qui revient souvent dans votre pratique ? Et qu'est-ce qui vous frappe le plus dans la manière dont les personnes en parlent aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous entendez souvent ?
- Speaker #1
Ce qui me frappe, ça revient souvent, mais c'est rarement amené par les patients et les patientes. Et en fait, ce qui me frappe, c'est que souvent, les personnes ne m'en parlent pas. Et c'est presque moi qui... leur fait mettre le doigt sur le fait qu'ils ou elles sont stressés. Et donc ils viennent parfois avec des demandes autres, et puis on se rattache au stress secondairement. Mais c'est rare que le stress soit un motif de consultation.
- Speaker #0
Donc la personne ne met pas spécifiquement le doigt dessus, toute seule finalement ?
- Speaker #1
Parfois, mais c'est rare.
- Speaker #0
Alors je vous propose d'aborder sans plus tarder le vif du sujet de notre premier axe. ce qui se passe vraiment en nous quand le stress s'invitent. Alors Daniel, si on revient aux fondamentaux, qu'est-ce qui se passe concrètement dans le cerveau lorsqu'on vit vraiment cette montée de stress ?
- Speaker #1
Alors il y a plusieurs choses. Un stress, c'est un événement qui tend à nous demander de nous adapter. Ça peut éventuellement être une menace, mais on peut avoir des stress pour des événements positifs, mariage, naissance, déménagement. Ça peut occasionner un stress parce que ça va demander une énergie d'adaptation. Ce qui se passe concrètement dans le cerveau, il y a deux mécanismes. Un très rapide qui va impliquer une sécrétion d'adrénaline et de noradrénaline, donc des hormones qui... permettent de mettre en état de réactivité, de survie.
- Speaker #0
C'est ce qui permet de fuir le lion.
- Speaker #1
Par exemple, ou de le combattre.
- Speaker #0
Ou de le combattre.
- Speaker #1
Et donc ça c'est un mécanisme immédiat, en quelques secondes, il y a des réactions, sécrétions, réactions, le corps est prêt avec augmentation de la fréquence cardiaque, de la fréquence respiratoire, de la tension artérielle. Et en parallèle, en quelques minutes et quelques heures, il y a un autre mécanisme, un petit peu plus lent, qui l'a impliqué. une autre substance, notamment le cortisol. Et donc, dans le cerveau, il y a l'amidale qui évalue à quel point le stimulus, l'événement est une menace. Il y a d'autres structures comme l'hippocampe qui remet un peu de contexte. Est-ce que j'ai déjà vécu ça dans le passé ou pas ? Est-ce que je dois mettre rapidement en œuvre des mécanismes ou pas ? Et le cerveau interagit avec d'autres parties du corps et notamment les glandes surrénaliennes qui sécrètent adrénaline et cortisol. dans des parties différentes de ces grandes.
- Speaker #0
Alors, vous venez de l'évoquer, on va revenir sur ce cortisol dont on entend très souvent parler. Quel est son rôle réel et pourquoi est-ce que finalement c'est normal qu'il augmente ? Ce n'est pas une mauvaise chose d'avoir des pics de cortisol ?
- Speaker #1
Alors, il y en a même des pics de cortisol, il y en a de façon quotidienne, sans nécessairement avoir de stress. Donc, il y a un pic de cortisol le matin, parce que le matin au réveil, on est censé être... Plus on a l'air. Et puis avec une chute de ce pic en fin de journée. De façon normale, il y a des pics, des hauts et des bas. Ensuite, il peut y avoir des pics face à des stimuli stressants. Et en fait, ce cortisol est sécrété par les glandes surrénales, dans la partie périphérique de ces glandes. Et ce cortisol permet de mobiliser toutes les ressources de l'organisme. donc ça va augmenter le le taux de sucre dans le sang pour pouvoir apporter plus de sucre aux cellules et pouvoir utiliser toute l'énergie du corps. Ça va jouer aussi sur le métabolisme des graisses et des protéines. Ça va mettre la digestion en pause. Ça va mettre toutes les fonctions qui ne servent pas à la survie immédiate un peu en pause. Donc digestion, quand on doit combattre ou s'enfuir d'un lion, on n'a pas besoin de digérer, on n'a pas besoin de se reproduire non plus et on n'a pas besoin de dormir. Le cortisol va permettre de mettre l'organisme en mode survie et d'utiliser au mieux toutes les ressources qui lui apportent de l'énergie.
- Speaker #0
Quand je vous écoute, une question me vient. Est-ce qu'on peut faire le raccourci ou pas de se dire, si finalement ça ralentit la digestion et les fonctions reproductrices, est-ce que les personnes stressées chroniquement ont plus de difficultés à digérer ou avec la fertilité ? Ou c'est un raccourci qu'il ne faut pas faire ?
- Speaker #1
Il y a des hypothèses qui le mentionnent. On voit qu'en tout cas, chez des personnes chroniquement stressées, par exemple, il y a une baisse de la libido, donc du désir sexuel. Et il y a des troubles du sommeil qui peuvent s'installer, une grande fatigue, une grande fatigualité.
- Speaker #0
Ici, on parle de cette chimie du cerveau et du corps plus généralement, mais le stress n'est pas toujours un réflexe biologique, c'est aussi une histoire qu'on se raconte. Qu'est-ce qui, dans nos pensées ou peut-être nos anticipations, peut amplifier les réactions qu'on va avoir face à une situation ou un stress ?
- Speaker #1
Il y a beaucoup d'effets de conditionnement qui peuvent interagir. Il y a un dicton en science qui dit que la perception est souvent guidée par l'attente qu'on a d'un événement. Et donc on peut... Se lever du mauvais pied, par exemple, si on se lève en étant convaincu ou en se convainquant qu'on va passer une mauvaise journée, qu'il va nous arriver des bricoles, on va se conditionner à être beaucoup plus sensible à chaque élément de la journée qui viendrait confirmer cette hypothèse. Donc on peut vraiment se lever avec une posture psychique négative, ça va risquer d'amplifier les mauvais moments de la journée. Si on a des expériences répétées... de mauvaises interactions avec l'autorité ou avec des personnes de la vie de tous les jours, un secrétariat, des forces de police. On peut se conditionner à passer un moment désagréable face à ces personnes, face à ces services, dans ces différentes situations. Et donc, si on a effectivement des antécédents de mauvaises expériences ou si on a la conviction que ça va mal se passer, on peut effectivement aggraver la perception de ces épreuves.
- Speaker #0
Et pourquoi est-ce que le stress touche aussi autant à notre identité, vraiment la façon qu'on a de se percevoir, d'interpréter le monde, voire même de se juger soi-même ?
- Speaker #1
Il y a à la fois cause et conséquence de nos perceptions et de nos comportements. Et c'est vrai que la façon dont chacun aura de gérer le stress va dire beaucoup de choses sur sa personnalité. On donne beaucoup d'informations sur nous quand on est observé en train de gérer des situations stressantes. C'est un premier élément de réponse. C'est souvent rattaché à des sensations de succès ou d'échec. Et parfois le stress paralyse. Et alors on échoue une tâche et on pourrait s'auto-juger sans vouloir. Mais c'est aussi une façon de se montrer aux autres, c'est tiens, est-ce qu'on est plutôt relax ? Est-ce qu'on gère ? Est-ce qu'on performe malgré le stress ? Ou est-ce qu'on se décompose, on se paralyse ? On peut avoir peur de ce que les autres vont penser de nous dans ça. Ça dit beaucoup de choses de notre histoire aussi, parce que si on est multi-traumatisé, de différentes façons, on pourrait réagir différemment dans différentes situations. Et ça donne beaucoup d'informations à autrui.
- Speaker #0
Alors on va revenir sur les différents profils, sur nos histoires, sur les différentes caractéristiques. Mais je crois qu'Alexandra, je me tourne vers toi, je te propose de nous partager une petite actu en lien avec ce qui s'est dit. Selon une enquête réalisée en 2023 par Solidaris, Un francophone sur deux souffre de stress en Belgique. Une réaction ? Vous n'êtes pas étonné, j'imagine ?
- Speaker #1
Non, pas spécialement. Il y a toujours la question de qu'est-ce qu'on définit comme stress dans les mesures des études.
- Speaker #0
Merci Daniel, merci Alexandra. Alors je vous propose d'aborder maintenant l'axe 2 de notre podcast. Daniel, pourquoi est-ce que deux personnes exposées à la même situation ne vivent-elles pas du tout la même intensité de ce stress ?
- Speaker #1
Chacun est unique, comme tout le monde. Il y a des prédispositions génétiques parfois. Les zones du cerveau dont je parlais, amygdale, hippocampe, et il y en a d'autres, mais ne se sont pas nécessairement développées de la même façon chez tout le monde, parfois pour des raisons génétiques, parfois pour des raisons neurodéveloppementales, avec une influence de l'environnement. Est-ce que la mer qui nous a porté a été particulièrement stressée ?
- Speaker #0
Ça peut avoir un impact ?
- Speaker #1
Ça peut avoir un impact. Il y a Boris Cyrulnik qui est célèbre pour sa notion des mille premiers jours. Et donc il y a des études qui montrent que les taux de cortisol circulant chez une mère qui porte un enfant peut avoir une influence sur l'enfant qu'elle porte. Donc très tôt, et la génétique c'est déjà encore plus tôt que ça, donc génétiquement il y a des impacts, dans le neurodéveloppement il y a des impacts, dans l'histoire psychologique on est tous différents, même des jumeaux parfaits ne vivent pas forcément de la même façon les épisodes de vie qu'ils rencontrent. Et donc, ça fait qu'on est toutes et tous différents, différemment armés. On a tous et toutes une histoire et un matériel biologique et psychique différent.
- Speaker #0
Et justement, pour revenir sur cette histoire et peut-être des modèles familiaux, pourquoi pas notre rapport à l'autorité, à la performance, à l'erreur, quel va être l'impact de ces différents éléments sur la manière dont on va gérer le stress ? On l'a compris, il y a une partie de dîner via les gènes. Et puis, il y a aussi tout le reste.
- Speaker #1
Oui, il y a toujours un peu d'inné et d'acquis dans toute situation. On distingue de moins en moins ces deux éléments-là. On voit que souvent, pour beaucoup de cas, il y a de l'inné et de l'acquis dans tout ce qu'on étudie. C'est vrai pour le rapport à l'autorité, que ce soit l'autorité parentale. Est-ce qu'on a eu des parents extrêmement sévères, exigeants, parfois violents ou négligents ? La négligence est une forme de maltraitance aussi. Et puis, il y a le rapport à l'autorité dès la crèche, dès l'école. Qu'est-ce qu'on a eu comme tuteur de développement, de résilience ? Est-ce qu'on nous a humiliés derrière le tableau parce qu'on s'est mal comportés, parce qu'on était peut-être un peu agités ? Et peut-être qu'on était un peu agités parce qu'en fait, il y avait des problèmes à la maison. Ça peut aller dans toutes les directions. Et donc, clairement, les expériences de vie, et notamment vis-à-vis de l'apprentissage et de nos maîtres et maîtresses. peut conditionner dès l'enfance et l'adolescence le rapport qu'on aura en société, dans les équipes de travail vis-à-vis d'un chef plus tard.
- Speaker #0
Alors dans votre pratique, je l'imagine, vous voyez différents profils qui peuvent se mettre davantage de pression par rapport aux autres, sans en avoir conscience. Est-ce que vous identifiez des types de personnes ? qui viennent vous voir avec des profils bien spécifiques ou pas forcément ?
- Speaker #1
Oui, disons qu'il y a des profils de personnalité qui sont plus à risque de s'épuiser dans le stress. On parle souvent des personnes à tendance perfectionniste. Je ne pense pas qu'il faille diaboliser le perfectionnisme, c'est quand même une qualité appréciable de s'appliquer. Après, c'est toujours la question de... qu'est-ce qui est un trait et à quel moment le trait va devenir un trouble. Donc je pense que dans une certaine mesure, c'est une qualité d'être un peu, on dit obsessionnel, un peu poigné. Jusqu'au boutiste. Jusqu'au boutiste, c'est une qualité jusqu'à ce que ça devienne un trouble. Seule la dose fait le poison. C'est vrai aussi pour les traits de personnalité. Donc des personnes qui cherchent toujours à bien faire, qui peut-être dans l'enfance ont été récompensées par leurs parents quand ils faisaient bien. quand ils rangeaient bien, quand ils s'appliquaient, quand ça ne dépassait pas. Si dans l'enfance, ils ont été renforcés dans ce comportement avec des mécanismes de récompense, il y a des théories sur le conditionnement qui montrent que des personnes qui, dans l'enfance, ont été renforcées comme ça, vont peut-être se comporter comme ça au travail et avoir du mal à lâcher prise, vont avoir du mal à échouer, vont avoir du mal à se tromper, vont avoir du mal à ne pas finir dans les délais impartis les choses. Et les personnes qui ont le moins de tolérance face à leur propre échec ou ce qu'ils considèrent comme étant un échec, ils vont se mettre plus de pression et peut-être souffrir.
- Speaker #0
Daniel, comment ces schémas se rejouent-ils dans notre vie d'adulte, que ce soit au travail, en couple ou dans les relations sociales de manière plus générale ?
- Speaker #1
À bien des reprises, je pense qu'il y a beaucoup d'interactions qui se sont imprimées en nous pendant l'enfance, qui entrent en résonance avec des situations qu'on peut... retrouvé dans sa vie d'adulte, soit en couple ou au travail. Typiquement au travail, symboliquement, il y a souvent une hiérarchie et symboliquement la hiérarchie est souvent paternelle ou maternelle. Et je crois que dans nos souffrances psychiques d'adultes, c'est toujours intéressant de se demander à quel point c'est pas notre enfant intérieur, l'enfant qu'on a été, symboliquement, qui peut-être souffre. Donc parfois on peut avoir un sentiment de honte si on a bafouillé en réunion ou si on s'est senti... pas très performants. Il peut y avoir par exemple un sentiment de honte qui en fait n'est pas celui de l'adulte, mais celui de l'enfant qu'on a été. Donc il y a des phénomènes de résonance comme ça et c'est l'intérêt, je trouve, par exemple des psychothérapies. Moi, je voudrais que tout le monde aille en psychothérapie pour prendre conscience de ça et être un petit peu plus...
- Speaker #0
Ne pas le subir, en fait.
- Speaker #1
Dans la compassion avec soi et en tout cas en être conscient et comme adulte, prendre soin de l'enfant qu'on a été et qui peut-être vibre encore en nous parfois.
- Speaker #0
C'est beau ce que vous dites.
- Speaker #1
Je vous remercie.
- Speaker #0
Alexandra, je me tourne vers toi pour quelques données chiffrées encore. Oui, Siennes,
- Speaker #2
un organisme de santé publique belge, a publié un rapport sur la santé des femmes l'année dernière. Et selon ce rapport, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à ressentir du stress. Cela se manifeste notamment par des problèmes de santé mentale. Par exemple, 29% des femmes ont déclaré ressentir de l'anxiété au travail durant l'année écoulée, contre 22% pour les hommes.
- Speaker #0
Daniel, est-ce que les femmes sont des cibles privilégiées pour le stress ?
- Speaker #1
D'après certaines études qui viennent d'être citées, n'étant pas sociologue, je ne m'aventurerai pas.
- Speaker #0
Vous l'observez ? Est-ce que vous avez beaucoup de femmes qui viennent en consultation ?
- Speaker #1
J'ai une majorité de patients de sexe féminin. La majorité de ma patientèle est féminine.
- Speaker #0
C'est une partie de la réelle. C'est peut-être une indication. Parlons maintenant des nouveaux carburants du stress qui constituent l'axe 3 de cet épisode. Alors à votre niveau, Daniel, est-ce que vous voyez une évolution dans la manière dont les gens vivent le stress aujourd'hui ? J'imagine que le stress de nos grands-parents n'est pas le même que le stress que nous pouvons vivre aujourd'hui.
- Speaker #1
Alors c'est compliqué parce qu'étant un jeune psychiatre, ça fait 12 ans que je travaille et donc je ne sais pas si j'ai le... L'expérience nécessaire à pouvoir conclure sur une évolution que j'aurais vue. Donc j'entends des retours, j'entends des personnes plus âgées qui parlent de comment c'était avant. Je ne vois pas d'énormes différences. Il y a beaucoup de différences dans les outils. On a toute la technologie actuelle, il y a le contexte géopolitique actuel. Il y a eu des crises de tout temps. Et je ne suis pas sûr que je puisse dire que les personnes... vivent leur stress très différemment aujourd'hui qu'il y a 50 ans. À nouveau, il faudrait interroger des sociologues. À mon échelle et dans ma vie professionnelle, j'ai vécu la pandémie du Covid et j'ai été frappé de voir à quel point des personnes avec des troubles anxieux, connues pour des troubles anxieux, étaient apaisées pendant le confinement et ont décompensé leur anxiété sous forme d'angoisse quand on a déconfiné. Parce qu'alors, tout à coup, ils devaient réhonorer leur rendez-vous. réhonorer les tâches administratives, se reconfronter au travail. Il y a énormément de personnes qui m'ont dit qu'en fait, chez les personnes avec un trouble anxieux, le confinement... Finalement, c'était tranquille, c'était cool. C'est un discours auquel on ne s'attendrait pas nécessairement. Et vraiment, quand on a déconfiné la première fois, c'était très difficile pour beaucoup d'entre eux.
- Speaker #0
Et on parlait justement de cette évolution, mais la société, effectivement, elle a évolué. Et on est maintenant saturé d'informations, parfois de fausses informations, des notifications. Quels sont les éléments qui activent notre système d'alerte ? parce qu'effectivement, je reviens à nos grands-parents, ils n'avaient pas leur WhatsApp qui pingait toutes les cinq minutes.
- Speaker #1
Oui, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, ça demande d'autant plus de rigueur personnelle de ne pas entrer dans une boucle infernale où nos appareils nous consultent, alors que ça devrait être le contraire. C'est à nous de consulter nos appareils quand on le souhaite. Et j'ai régulièrement des patients à ma consulte dont le téléphone vibre, sonne, parfois il y a des flashs lumineux. Et c'est terrible. Et donc, moi, je suis peut-être un mauvais ami parce qu'en fait, mon téléphone est en permanence en silencieux, sans vibrations ni rien. Et donc, je consulte mon téléphone quand je veux. Et il y a cette espèce d'hyper disponibilité avec en plus des accusés de réception sur la plupart des messageries alors qu'on peut désactiver. Et donc, on est entouré de personnes qui nous contactent, qui parfois sont informés qu'on a ouvert leur message, qu'on s'est connecté et qu'on ne leur a pas répondu. J'ai l'impression qu'il y a énormément de... tension sociale, que ce soit professionnelle ou personnelle, à cause de ce genre d'outils dont parfois on devient esclave ou victime.
- Speaker #0
Et vous l'observez en consultation ? Est-ce que vous avez des personnes qui viennent vous voir parce qu'elles sont saturées par toute cette pression sociale ?
- Speaker #1
À nouveau, elles viennent rarement avec ce motif. Mais je mets le doigt dessus en consulte, en disant « Tiens, est-ce que ça ne vous rend pas la vie impossible ce téléphone qui vibre tout le temps ? » Souvent en consulte, en plus, ces personnes disent « Ah, je suis désolé, ah, je suis désolé, ah, je suis désolé. » Je leur en veux jamais, mais ça me fait sourire, j'espère avec bienveillance, et je leur dis qu'en tout cas, ça doit être difficile de vivre au quotidien avec ces alertes permanentes.
- Speaker #0
Alors, on vient d'aborder l'hyperdisponibilité. Il y a aussi la comparaison, qui peut être un poison, la comparaison sociale, notamment via les réseaux. Est-ce qu'elle joue aussi un rôle dans l'intensification du stress ?
- Speaker #1
À mon sens, oui. Il faudrait des études sérieuses, chiffrées, pour le dire. mais à mon niveau J'ai rencontré notamment pas mal de patients jeunes adultes, 18-19 ans, dans la phase de transition jusqu'à 24, vraiment en détresse et parfois aux urgences, avec, dans leur discours de souffrance, « j'ai pas envie de devenir adulte, j'ai pas envie de faire des efforts pour étudier, j'ai entendu tout ça pour avoir un salaire misérable de 2500 euros, que je ne trouve pas misérable. » Et en fait, il y en a un qui a poussé le propos en disant « moi je veux la vie que je vois sur Instagram » .
- Speaker #0
À Dubaï.
- Speaker #1
Ou d'autres réseaux, on peut dire TikTok, on peut dire... Ils veulent la vie de palace. Ils me l'ont dit littéralement, plusieurs d'entre eux et elles parfois, qu'ils veulent la vie de palace, l'argent facile. Et pour eux, 2500 euros par mois, c'est misérable. Et ma lecture de ça, c'est que c'est une contamination du réseau social où on voit la vie affichée sur Instagram, qui correspond en plus, je pense, rarement à la vie réelle des personnes. Et je pense que ça peut occasionner beaucoup de... beaucoup de comparaisons et donc de souffrances.
- Speaker #0
Une autre souffrance aussi, c'est celle du culte de la performance. Elle influence, elle aussi, le rapport au repos, à l'imperfection. Est-ce que vous observez aussi des personnes qui viennent vous voir avec cette... Encore une fois, vous mettez peut-être le doigt dessus, elles ne viennent pas avec la plainte, mais c'est vraiment cette question de la performance attendue. Est-ce que c'est un phénomène de société qu'on ne retrouvait pas avant ?
- Speaker #1
J'ignore si on ne le retrouvait pas avant, mais c'est en tout cas aujourd'hui très fort, avec une série de crises économiques en plus qu'on a effuyées et qui fait, en tout cas dans les institutions dans lesquelles je travaille, ou les institutions dans lesquelles mes patients et patientes travaillent, il y a ce discours qui revient de « il n'y a pas de moyens financiers pour engager des collègues et donc il va falloir faire avec ceux qu'on a » . Et énormément de patients et de patientes me disent « je fais le travail de deux personnes » . Il y a mon ou ma collègue qui est en burn-out, c'est à moi qu'on redonne les tâches. On me dit qu'on cherche à recruter, mais ça n'avance pas. Donc ça, je l'entends souvent. Et pour ce qui est de la performance, le temps, c'est de l'argent. Il y a cette espèce de techno-capitalisme où on est dispo tout le temps. Il y a ces groupes WhatsApp professionnels maintenant où on est tenu d'y répondre même à 22h, alors que 22h, normalement, on n'est plus au travail. Et il y a de moins en moins de scissions, ou alors ça demande une rigueur personnelle, entre le téléphone du travail et le téléphone personnel. Et je pense que mal géré, ça peut devenir toxique en termes de stress psychique.
- Speaker #0
Alexandra, je me tourne vers toi, je pense que tu as des infos à nous partager sur ce sujet.
- Speaker #2
Oui, il s'agit d'un rapport de 2024-2025. Parmi les personnes qui passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, les femmes sont plus souvent concernées par le burn-out que les hommes. 65% des femmes contre 54% des hommes dans ce groupe.
- Speaker #0
Merci Alexandra. Je vous propose de passer à l'axe 4 de notre podcast, reprendre contact avec soi quand le stress fait du bruit. Daniel, comment en consultation commencez-vous à démêler finalement les différentes composantes du stress, ce qui appartient au corps, aux pensées, au contexte ? Comment vous vous y prenez ?
- Speaker #1
Alors, je n'ai pas de méthode toute faite. J'essaie de m'adapter à la personne en face de moi. Je reçois quand même des personnes très différentes, mais globalement, si je devais essayer de résumer, j'essaie avant tout d'être dans l'écoute. Il y a énormément de médecins et j'essaie de... d'être vigilant à ça, qui coupent la parole de leur patient ou de leur patiente après 10 secondes. Je pense qu'il faut prendre le temps d'écouter ce avec quoi ces personnes viennent et au moment où on a la parole, essayer de poser des questions le plus ouvert possible. En ce qui concerne le stress, j'essaye souvent de demander pour quelles raisons ces personnes viennent me consulter. J'essaye souvent de leur demander dans ce moment-là, comment vous vous êtes senti ? Et comment ça s'est senti dans le corps ? Parce que les personnes viennent souvent avec des mots très vagues. Ça ne va pas. Je vais mal. Qu'est-ce qui va mal ? Il n'y a rien qui va. Et on est tenu, je trouve, de leur faire mettre des mots, les mots pour le dire. Parfois, je les aide avec des cartes des émotions. Vous vous êtes senti comment ? Alors, il y a des cartes avec plein de synonymes. Est-ce que vous êtes irrité, agacé, insupporté ? Et ça aide beaucoup de personnes de pointer du doigt sur cette carte les émotions qu'ils ressentent. Et je leur demande toujours de demander. de dire comment ça se ressent dans votre corps, à quel endroit, de quelle façon, ça ressemble à quoi, une épine, un ballon, une explosion. Et en fait, il y a quelque chose de presque magique qui se passe au niveau de leurs tensions, même corporelles, en face de moi. Quand ces personnes arrivent à mettre les mots pour le dire et à décrire dans leur corps ce que ça fait, il y a déjà un relâchement.
- Speaker #0
Est-ce que finalement, en parler, c'est déjà une partie de la solution ? Alors, évidemment, on peut en parler à son psychiatre, mais aussi à une personne bienveillante de son entourage, à des amis. Est-ce que ne pas s'isoler, c'est déjà une partie de la solution ?
- Speaker #1
Je le crois, en tout cas. Je crois que c'est nécessaire. Pas toujours suffisant, mais en tout cas nécessaire.
- Speaker #0
Alors, quelles sont les premières questions que vous allez poser pour évaluer finalement l'intensité et la nature du stress chez une personne ?
- Speaker #1
Si on est déjà dans le sujet du stress... dans la consultation. J'essaye de leur faire dire un petit peu quelle est la temporalité, quand est-ce que c'est apparu, à quelle vitesse c'est apparu, essayer de distinguer un peu le stress, de l'anxiété, de l'angoisse, leur demander à quel moment de la journée ça arrive, dans quelles circonstances, et surtout si ça diminue rapidement ou pas. Est-ce qu'il y a des moments de récupération ou pas, que ce soit dans des pauses entre deux activités, que ce soit le soir en rentrant à la maison, que ce soit le week-end ou pendant des vacances. J'essaie d'interroger un peu cette cinétique, à quelle vitesse ça s'installe, à quelle intensité, est-ce que c'est avec des hauts et des bas, est-ce que c'est constant, et est-ce qu'il y a des moments de ressources et de relaxation auxquels ils ont accès.
- Speaker #0
Et pourquoi est-ce que c'est important ?
- Speaker #1
En ce qui me concerne, parce que ça permet d'avoir une idée un petit peu plus précise de est-ce qu'on est face à quelque chose de débutant, intense, qu'on peut corriger suffisamment tôt, ou est-ce que malheureusement c'est en train de se chronifier. Et alors les stratégies d'accompagnement sont différentes.
- Speaker #0
Alors dans la thérapie ACT, il est notamment question de flexibilité psychologique. Comment cette flexibilité peut-elle aider quelqu'un à se dégager de cette spirale infernale du stress ?
- Speaker #1
Effectivement, en thérapie ACT, on part du postulat que beaucoup des souffrances psychiques sont dues à un manque de flexibilité psychique.
- Speaker #0
Qu'est-ce que vous entendez par là concrètement ?
- Speaker #1
On essaie de modéliser la flexibilité psychique. On a ce qu'on appelle l'exaflex. Si on regarde sur Internet, on tape exaflex act. Il y a six leviers qui permettent de jouer sur la flexibilité psychique. Il y a notamment le fait de se centrer dans le moment présent. C'est un peu un axe central de centrage, de réaliser que notre corps est ici et maintenant. Si on veut se recentrer sur le ici et maintenant,
- Speaker #0
C'est une bonne idée de se concentrer sur sa respiration, là maintenant, sur ses sensations corporelles. On revient à ce que je disais un petit peu plus tôt, se reconcentrer sur le corps, parce que le corps est ici et maintenant. L'esprit peut être dans les souvenirs traumatiques du passé ou dans l'anxiété de ce qui nous attend à l'avenir. On est souvent dissocié comme ça avec l'esprit qui est complètement ailleurs de notre corps. Et donc se recentrer, c'est un premier levier. De se voir comme contexte, on est l'endroit où se déroulent nos pensées, mais nous ne sommes pas. pas nos pensées. Donc il y a ce qu'on appelle aussi une diffusion cognitive à faire. Nous ne sommes pas ce que notre cerveau pense. Il y a beaucoup de travail, c'est ce qu'on appelle la diffusion cognitive, qui soulage en fait. Quand on réalise que nous sommes le théâtre où agissent nos pensées, mais que nous ne sommes pas nos pensées, il y a déjà un peu un soulagement qui se passe. Une autre chose qui est extrêmement importante aussi, c'est d'être au clair régulièrement sur ce qui est important pour nous dans la vie. C'est ce qu'on appelle les valeurs en actes. C'est pas seulement la morale et l'humanisme et tout ça, c'est qu'est-ce qui compte pour moi ? Comment j'ai envie d'utiliser le temps qui me reste à vivre dans cette existence ? Et d'être au clair sur ça. Et il y a peu de personnes finalement qui sont au clair. On est pris dans le pilote automatique du métro boule au dodo. C'est important d'être au clair sur ce qui compte pour nous, parce qu'il faut utiliser notre énergie selon l'acte, avoir des comportements qui sont orientés vers ce qui compte pour nous. Ça, c'est un autre axe. Et un autre axe de flexibilité, et puis je résumerai, pardon, mais un autre axe, c'est l'acceptation. Beaucoup de personnes essayent de contrôler les expériences. Il y a beaucoup de contextes où, en fait, il faut accueillir l'expérience, accueillir les émotions désagréables, se laisser les ressentir et puis rebondir ensuite avec des comportements orientés vers ce qui compte pour nous.
- Speaker #1
Je reviens sur ce que vous venez de dire parce qu'il y a beaucoup de personnes, en fait, qui... pense qu'elle doit justement contrôler, gérer, brider son stress, pourquoi est-ce que ça peut mener finalement à un effet inverse, de vouloir étouffer finalement ce stress qui émerge ?
- Speaker #0
En tant qu'être humain, on a des réactions spontanées, naturelles, intuitives, de tentatives de solutions face à des problèmes, et parfois ces premières tentatives de solutions sont inefficaces, mais on est un peu têtu. On a tendance à s'entêter dans les mêmes tentatives intuitives de solutions parce qu'on le sent, on le sait que c'est comme ça qu'il faudrait essayer. Et face à l'échec, on essaye encore. Il peut y avoir une escalade de frustration. Et ça, c'est un exemple de rigidité psychologique. Si on essaye toujours de lutter de la même façon, alors qu'il n'y a pas de résultat probant, on peut rajouter de la souffrance à la douleur. En acte, on dit que la douleur est inévitable. que la souffrance est optionnelle. La souffrance, c'est la douleur à laquelle on a rajouté de la résistance. Si on essaye de résister à quelque chose d'inéluctable, on rajoute de la souffrance. On utilise souvent cette image du piège à doigts, qu'on appelle parfois piège chinois, où on a les deux index dans une espèce de manchon élastique, et la consigne, c'est essayer de sortir de ce manchon. Et en fait, intuitivement, on a envie de tirer, d'éloigner nos doigts, mais en fait, ce faisant, le piège se resserre encore plus. Et la solution, elle est contre-intuitive. Pour sortir du piège, il faut en fait rapprocher ses doigts. C'est une image qu'on utilise souvent en thérapie parce que ça expose bien ce que font beaucoup de personnes à s'entêter rigidement dans des luttes qui en fait ne montrent pas de résultat.
- Speaker #1
On parlait au début de ce podcast du corps, de cette chimie interne, de cette mécanique du corps. Il joue un rôle énorme dans la régulation du stress. Comment expliquez-vous aux patients l'importance, peut-être, de revisiter leur hygiène de vie. La médication, c'est évidemment une chose, mais à la base, il y a un corps qu'il faut nourrir correctement, dont il faut prendre soin.
- Speaker #0
C'est tout un programme, parce qu'il y a beaucoup à dire sur l'importance du corps dans la santé psychique, un esprit sain dans un corps sain. C'est tout un programme aussi, parce que les personnes seront attentives à différents aspects de l'importance du corps. Il y a des personnes qui sont convaincues par les bienfaits du sport ou de l'activité physique. Le mot sport fait peur, donc je préfère parler d'activité physique. D'autres personnes sont plus attentives au régime alimentaire, là où d'autres diront « affichez-moi la paix avec vos considérations » . Il faut essayer de cerner un petit peu qui on a en face de soi. J'ai tendance à commencer par ce que je présentais un petit peu plus tôt, qu'en fait, une des définitions de la dissociation, c'est quand l'esprit n'est pas... pas au même endroit, au même moment que notre corps. Et donc, je leur dis ça, et je leur dis que ça fait toujours du bien de se recentrer et d'essayer de se remettre dans l'ici et maintenant. Et c'est un premier contact avec le corps. Dans la plupart des formations en méditation, on demande aux personnes, par exemple, de se concentrer sur la sensation de l'air qui sort du nez sur la lèvre supérieure. Il n'y a pas de vertu magique à ça, mais c'est une façon très pratique et très facile de se reconcentrer sur notre respiration, sa vitesse, son rythme et la sensation que ça fait. Donc j'essaie de les avoir comme ça. Quand j'ai le temps, je leur propose une séance d'hypno-relaxation. Et là, ces personnes peuvent, si elles sont un peu ouvertes à l'expérience, se reconnecter au corps et ça remplace parfois une mainzotiazépine.
- Speaker #1
Alors, on parle aussi souvent de bonne routine, mais dans la réalité clinique, une routine peut aussi devenir une source de pression. Comment on évite ce piège, justement ?
- Speaker #0
En étant bien accompagné et ouvert d'esprit, mais surtout en étant à l'écoute de soi. D'où toutes ces techniques de pleine conscience, de retour au moment présent. Parce qu'en fait, il peut y avoir une espèce d'épuisement. On parle parfois de burn-out. de la performance. Il y a des personnes qui sont obsédées par le développement personnel, qui veulent lire tous les livres, qui veulent les appliquer, qui se sentent coupables de ne pas réussir à appliquer tout ce que ces personnes ont lu, et on peut en faire trop. Et alors, comment trouver le juste milieu ? Si j'avais une recette à vous proposer, je vous la confierais volontiers.
- Speaker #1
Tout est toujours dans l'équilibre, en fait.
- Speaker #0
C'est des activités automatiques. C'est essayer de s'arrêter, faire une pause, faire un point, faire un bilan. Et pour moi, un accès privilégié à ça, c'est à nouveau le retour sur les sensations corporelles. Qu'est-ce que je sens là maintenant, d'agréable ou pas, dans mon corps ? Ma recette serait de commencer par là.
- Speaker #1
Alors le stress est évidemment devenu quelque chose de tout à fait commun dans nos quotidiens. Comment savoir quand il est temps de consulter et quels sont les repères que vous considérez comme importants à entendre ?
- Speaker #0
Les signes d'alerte. Il y en aurait beaucoup, mais en tant que psychiatre, les signes d'alerte seraient les troubles du sommeil. Si on commence à avoir du mal à s'endormir, qu'on met plus que 40 minutes à s'endormir, et ou qu'on a des éveils fréquents, ou un éveil précoce, qu'à 4h du matin on se réveille et on n'arrive plus à s'endormir, troubles du sommeil pendant plus d'une ou deux semaines, ça commence à être préoccupant, surtout si c'est en dehors de tout contexte évident de deuil ou de traumatisme vécu. Là, ça vaut le coup. Donc, troubles du sommeil, je ferai attention. Des céphalées, donc des maux de crâne chroniques, une semaine, deux semaines, il y a plein de choses à vérifier. Mais là, je me méfierai. Donc, troubles du sommeil, céphalées et à fortiori, fatigue chronique inhabituelle, amégrissement. Et évidemment, si on commence à avoir des idées noires ou des idées suicidaires qui se concrétisent de plus en plus, là, effectivement, il y a de rapports rouges et il faut aller consulter. Ce qui est plus insidieux, c'est troubles du sommeil, des maux de crâne, une augmentation de sa consommation de drogue ou d'alcool, je serais vigilant à ça, et aussi être attentif à ce que nous dit l'entourage. Si on a des remarques de notre entourage de « tiens, t'as pas l'air en forme en ce moment » ou si on est plus héritable et qu'on est plus souvent dans des conflits, peut-être se poser la question de « où est-ce qu'on en est sur le plan du stress ? »
- Speaker #1
Merci Daniel French pour vos éclairages et cette discussion. J'accueille maintenant Laurence Lins pour la chronique phyto et nutrie de ce podcast. Bonjour Laurence.
- Speaker #2
Bonjour Périne.
- Speaker #1
Alors Laurence, dans les épisodes précédents, nous avons déjà évoqué les nutriments classiques associés à la gestion du stress, le magnésium, les vitamines B, oméga 3, schwagandha. Aujourd'hui, je te propose d'élargir un petit peu la perspective.
- Speaker #2
Pas de souci, on y va.
- Speaker #1
Alors quand on parle de stress, on pense souvent aux émotions. Mais beaucoup moins à l'alimentation. En quoi notre manière de manger peut-elle influencer notre ressenti au quotidien ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr, on associe spontanément le stress aux émotions, mais beaucoup moins à ce qu'il y a dans l'assiette. Et pourtant, l'alimentation joue un rôle majeur parce qu'elle fournit en fait des blocs de construction pour nos neurotransmetteurs, c'est-à-dire les molécules qui vont réguler notre humeur, notre énergie mentale et notre motivation. Par exemple... Pour fabriquer la dopamine, qui est impliquée dans la motivation et la concentration, il faut des acides aminés comme la thyrosine. Et la thyrosine, c'est un acide aminé qu'on ne va trouver que via l'alimentation. Il faut aussi du fer, des vitamines B qui vont servir de cofacteurs, donc qui vont servir à construire ces blocs de construction. Un autre exemple, pour produire la sérotonine, qui est le neurotransmetteur de la zénitude, on a besoin de tryptophan, de vitamine C, de vitamine B6 et de magnésium. Donc si notre alimentation est pauvre en ces nutriments, notre cerveau a moins de matière première. Résultat, on est plus réactif, plus irritable et aussi plus sensible au stress.
- Speaker #1
Mais comment savoir, Laurent, si dans notre assiette il y a toutes ces bonnes choses ?
- Speaker #2
Alors il y a moyen de le savoir, notamment en faisant une prise de sang, mais aussi par certains signes. C'est clair que si on manque de magnésium, on va être beaucoup plus fatigué, déjà beaucoup plus irritable. On peut aussi avoir des... Les yeux, les paupières qui clignotent comme ça un peu de manière bizarre. Donc, il y a moyen quand même de le savoir. Et puis, je pense effectivement qu'une prise de sang peut toujours être adéquate pour savoir effectivement où on en est par rapport à ça.
- Speaker #1
Alors du côté des plantes, certaines personnes aiment intégrer des tisanes, des infusions à leur routine. Sans parler des faits, on a déjà abordé la passifleur et la mélisse dans l'épisode précédent. Qu'est-ce que ce type de rituel apporte dans une journée un petit peu chargée, dirait-on ?
- Speaker #2
Préparer et boire une tisane, ça va créer un rituel d'ancrage. Donc ça va forcer à ralentir un peu, à se reconnecter au moment présent et en fait à introduire une micro... repose dans nos flux d'activité et nos flux de pensée. Donc ce sont des petites parenthèses qui vont aider le système nerveux à sortir du mode alerte en permanence.
- Speaker #1
Alors c'est intéressant parce qu'on parlait justement avec notre invité Daniel French d'être ici dans le moment présent. Donc d'après toi, indépendamment de la bonne plante qu'on va mettre dans sa tisane, rien que le fait de la préparer, ça va déjà aider au niveau du stress ?
- Speaker #2
Tout à fait, ça va revenir quelque part à soi. On va sortir de ce... Un flot incessant auquel on est soumis, auquel on se soumet aussi de manière totalement inconsciente souvent.
- Speaker #1
Alors le stress, il nous pousse aussi parfois à grignoter ou à manger par automatisme. Comment peut-on reconnaître ce mécanisme et le déjouer si c'est possible ?
- Speaker #2
Alors, on peut essayer de le déjouer, ce n'est pas toujours évident. Il faut savoir que le grignotage de stress est très différent de la vraie faim. Donc la vraie faim, elle va arriver petit à petit et on a souvent un peu de gargouilles dans l'estomac. Donc on a des signes et puis on a vraiment de temps en temps, on se dit, ouh là là, je dois manger quelque chose parce que je sens que je suis fatiguée. Une mauvaise humeur. Voilà. Mais alors oui, ça peut aussi être lié, le grignotage de stress peut aussi être lié à la mauvaise humeur. À l'inverse, ce grignotage de stress va apparaître soudainement, souvent suite à un événement qui nous a contrariés. Et on va aller chercher des aliments qui sont réconfortants, soit sucrés, soit gras ou croustillants, clairement. Et puis, en fait, on ne va pas savourer ces aliments. Quand on a faim, moi je sais que de temps en temps, après ma séance de sport, j'ai faim, et bien j'ai envie de savourer les aliments que je vais manger, parce qu'il y a aussi eu via le sport cette dopamine qui est présente et qui donne cette envie. Donc, quand on est dans ce grignotage de stress, on est... à ne pas savourer ses aliments. Donc ça, c'est vraiment un signe aussi. Et donc, pour éviter ces grignotages, en fait, il faut faire un petit peu ce qu'on vient de dire, c'est-à-dire faire un pas en arrière, quelque part. Quand cette sensation arrive, et se demander est-ce que j'ai vraiment faim ou est-ce que j'essaye de calmer une émotion ? Un moyen de déjouer ça, c'est de prendre un grand verre d'eau pour faire passer cette envie. Aussi, de prendre une grande respiration consciente. Donc, de nouveau, c'est la même chose, revenir. au moment présent. Et donc, ça coupe cet automatisme de se ruer sur le premier bonbon venu.
- Speaker #1
Alors, on oublie parfois que le rythme des repas aussi compte autant que ce qu'on met dans son assiette. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu confirmes ?
- Speaker #2
Je confirme tout à fait. Un rythme chaotique, sauter un repas, manger trop tard, déjeuner sur le pouce, manger devant son ordi ou devant son téléphone, je pense que ça, c'est vraiment important. C'est un réflexe qu'on a souvent et ce n'est pas bon du tout.
- Speaker #1
Ce n'est pas bien.
- Speaker #2
Ce n'est pas bien parce qu'en fait, ça va perturber la glycémie et une glycémie instable, c'est un système nerveux qui est beaucoup plus réactif. Un cerveau qui va manquer de glucose ou qui va avoir un pic de glucose va nous rendre moins concentrés, plus anxieux et plus irritables. Des repas régulés, c'est vraiment important. Ça va stabiliser la glycémie et ça va éviter cette fameuse glycémie yo-yo qui, en fait, va déréguler tout notre métabolisme. Donc ça, c'est vraiment important. c'est pour ça que ces pauses De vraiment manger à des moments réguliers, c'est vraiment important. Ce n'est pas une contrainte, c'est vraiment quelque chose qui va aider notre corps à être plus résistant au stress.
- Speaker #1
Et est-ce qu'on ne doit pas attendre d'avoir faim ? Qu'est-ce qui se passe si on n'a pas faim et qu'on mange quand on a faim et donc d'avoir un rythme un peu chaotique ? Il y a deux écoles.
- Speaker #2
Alors, pour moi, et je prends mon cas personnel parce que j'ai du mal à me mettre à la place de quelqu'un d'autre, en fait, notre rythme régulier peut être de manger deux repas plutôt que trois, par exemple. Si on a une activité physique pas trop importante. C'est clair que quand on a une activité physique importante, il est important de prendre ses trois repas, voire quatre repas avec la collation. Il faut mettre du fuel dans la machine exactement. Donc je crois que ce qui est important, c'est de trouver son rythme. Ça, ce n'est pas toujours facile, mais c'est de trouver son rythme. Donc ce qu'on recommande, c'est évidemment trois repas. Petit déjeuner, repas du midi et repas du soir. Mais certaines personnes peuvent, par exemple, se passer du repas du soir ou du petit déjeuner. Donc, ce qui compte, c'est de ne pas mourir de faim, donc de ne pas arriver en se disant « Ah, je vais me jeter sur le premier truc qui arrive » , et en général, le premier truc qui arrive, c'est le biscuit. Donc, ce n'est pas la bonne idée.
- Speaker #1
Certaines habitudes toutes simples, boire assez, manger plus lentement, s'accorder une vraie pause, on vient de le dire, peuvent déjà modifier le ton de la journée. Lesquels te semblerait-il intéressants d'explorer en premier ?
- Speaker #2
Alors pour moi, et je viens d'en parler, ce qui est vraiment important, c'est de s'accorder une pause quand on mange. Parce que le problème, on a tous beaucoup de boulot et donc on ne va pas perdre 10 minutes à manger. Eh bien si, ce n'est pas perdre 10 minutes. C'est vraiment ces 10, ces 12, 15 minutes que l'on va prendre pour manger son repas. C'est vraiment important. Parce qu'en fait, notre cerveau, si on est devant son ordi ou devant son téléphone, en fait, notre cerveau, il n'enregistre même pas le fait qu'on mange. Et donc, du coup, ça perturbe notre métabolisme. Et donc, en fait, quand on est conscient, quand on se met devant son assiette et qu'on essaye d'avoir du plaisir, parce que je pense que la notion de plaisir quand on mange est aussi importante, ça permet en fait à notre cerveau de lancer tous les signaux biochimiques pour que notre nourriture soit bien absorbée, soit digérée de manière optimale. Et donc, ça va. à nouveau stabiliser notre glycémie, donc on revient à ce que je viens de dire tout à l'heure, et ça va aussi stabiliser notre énergie et donc ça va nous rendre plus résistants au stress. Un autre petit conseil que je donnerais, c'est que pour éviter de craquer, donc si on sait qu'on a tendance, je ne sais pas, vers 15-16 heures à avoir envie du biscuit, c'est de se préparer à une collation qui est beaucoup plus nourrissante, qui est beaucoup plus intéressante au niveau nutritionnel, et on peut par exemple penser à des noix, à du fromage ou à un yaourt. ou à des fruits entiers. Pas de jus de fruits, parce que le jus de fruits, c'est du sucre 100%. On a parlé d'hydratation tout à l'heure. Boire régulièrement, c'est aussi un rituel qui peut être très intéressant. Et donc, on ne doit pas attendre d'avoir soif pour boire. Ça, c'est aussi important. Donc,
- Speaker #1
la doctrine d'hydratation aussi peut avoir un impact par rapport au stress ?
- Speaker #2
Oui, parce qu'en fait, nous sommes composés à 70% d'eau et notre cerveau est composé jusqu'à... 80% d'eau, donc il va être extrêmement sensible aux variations d'hydratation. Quand on manque d'eau, notre cerveau se met en mode alerte, ce qui va induire une synthèse d'adrénaline et de cortisol qui sont les deux hormones qui vont être responsables du stress et nous faire sur-réagir. Donc en buvant régulièrement, en instaurant une routine, on peut éviter ce stress physique puisque c'est un stress au niveau de notre cerveau et émotionnel, donc c'est vraiment important.
- Speaker #1
Alors on entend aussi de plus en plus souvent dire que le microbiote influence la sensibilité au stress. Comment tu peux expliquer de manière très simple ce lien ?
- Speaker #2
Alors le microbiote c'est évidemment le sujet scientifique qui est vraiment étudié de manière très importante depuis une dizaine d'années. On sait que notre cerveau communique en permanence avec nos intestins et inversement. Il y a trois grands axes de communication, c'est tout d'abord... Nos bactéries intestinales, donc notre microbiote, sont capables de fabriquer des neurotransmetteurs comme la sérotonine ou le GABA. Et donc, si l'équilibre du microbiote est perturbé, la production de ces molécules importantes va être modifiée également. Et donc, ça peut influencer notre humeur. En plus de ça, le microbiote régule l'inflammation. Or, on sait que l'inflammation chronique rend le système nerveux beaucoup plus sensible au stress. Le stress. a dû une inflammation et l'inflammation a dû du stress. Donc en fait, on est dans un cercle vicieux. Donc c'est vraiment important d'entretenir son microbiote. Et enfin, l'autoroute principale, c'est le nerf vague. C'est en fait une autoroute de neurones, neuronales, entre notre cerveau et l'intestin. Et donc en fait, il y a des signaux permanents qui s'échangent. Et donc ça peut être des signaux d'apaisement si le microbiote est en équilibre ou des signaux d'alerte à nouveau s'il est perturbé. C'est pour ça que... qu'une alimentation qui va être composée de fibres, de bonnes protéines et de bons gras, et aussi d'aliments fermentés, puisque les aliments fermentés nourrissent notre microbiote, ça va permettre d'augmenter à nouveau notre résistance au stress.
- Speaker #1
Donc si je te résume, on mange en conscience tranquillement, on boit suffisamment d'eau et on prend soin de ses bactéries.
- Speaker #2
Si on fait ça, c'est déjà pas mal et je pense qu'effectivement ça peut vraiment nous aider.
- Speaker #1
Allez, on part là-dessus. Merci Laurence.
- Speaker #2
De rien, merci Périne.
- Speaker #1
Alors Alexandra, si tu devais résumer cet échange en trois messages essentiels, que faudrait-il retenir ?
- Speaker #3
Si on devait retenir trois points essentiels de cet épisode et de cet échange, le premier serait que l'on n'est pas tous égaux face au stress. Il y a une part d'inné et une part d'acquis, de par notre éducation notamment. Pour identifier son état de stress, on peut faire attention à plusieurs signaux, comme les troubles du sommeil qui se présentent pendant plus de deux semaines, des maux de tête chroniques, là aussi, que l'on ressent pendant une semaine ou deux. Une fatigue chronique inhabituelle, une perte de poids, un changement dans sa consommation de drogue ou d'alcool. On peut aussi être attentif à ce que dit notre entourage. Ce sont différents signaux qui sont à prendre en compte. Autre point important mentionné par notre invité, c'est de prendre le temps d'identifier ce que provoque le stress chez nous, notamment en analysant ses émotions. Parfois, cela suffit à provoquer un relâchement de son état mental et physique. Enfin, le retour à soi est essentiel pour lutter contre le stress, donc s'accorder une pause, se recentrer, revenir au moment présent. Cela peut notamment se faire par cet exercice en analysant l'air qui sort de nos narines et la sensation qu'il provoque sur notre lèvre supérieure. C'est une technique, il y en a d'autres, comme des pratiques de respiration. On en a notamment évoqué quelques-unes dans d'autres épisodes de Be Life Talk. Et puis enfin, c'est essentiel, et cela rejoint les points déjà cités. Être à l'écoute de soi.
- Speaker #1
Merci pour cette belle synthèse qui clôt cet épisode de BeLiveTalk. Si vous avez aimé ce moment, pensez à nous soutenir en laissant une note ou un petit commentaire. Cela nous aide à continuer à vous proposer du contenu de qualité. Et bien sûr, abonnez-vous pour ne rien manquer. Rendez-vous le mois prochain pour un nouvel épisode consacré à la déprime saisonnière et surtout aux moyens d'y remédier. A bientôt !