- Marion Watras
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest.
- Christine Berthou-Ballot
On a cette image un peu de Poudlard en fait et du château d'Harry Potter.
- Arnaud Le Gouëfflec
C'est aussi le château d'Arsène Lupin, c'est la demeure de Hercule Poirot, connectée à cette période-là où il y a quelque chose qui s'est cristallisé en termes d'imaginaire autour de ce type d'architecture. Ça nous rappelle à autre chose, il n'y a pas beaucoup d'exemplaires de ça à Brest.
- Speaker #3
C'est assez surprenant au premier abord, on ne s'imagine pas forcément que c'est un lycée dans ce château-là. Franchement c'est un plaisir de venir étudier ici parce que l'environnement est agréable et on se sent bien.
- Marion Watras
Mais quel est donc cet endroit si mystérieux où l'on vient étudier dans un décor de film ou de roman ? Il s'agit du château de Kers Stears qui abrite aujourd'hui le lycée Fenelon. C'est à un industriel anglais que l'on doit l'idée de faire construire à Brest cet édifice majestueux aux allures victoriennes. Christine Bertoubalo, chef de projet Ville d'Art et d'Histoire.
- Christine Berthou-Ballot
L'histoire de cette demeure, qui est à la fois austère mais aussi pittoresque, est liée à l'arrivée du gaz d'éclairage à Brest. En 1841, la concession de cet éclairage est accordée à John Bernard Stears, qui est effectivement un ingénieur anglais. Il va construire son usine de production de gaz dans l'Anse du Doric à Saint-Marc, ce qu'on appelle le rond point du gaz aujourd'hui. Et il va aussi construire sa demeure en haut de la falaise de Saint-Marc, une première construction qui date de 1846. Et puis il va l'étendre en 1854. A partir de 1882, son fils qui s'appelle John Burnett Stears Jr. et son épouse vont démolir les constructions faites par le père. Et à partir de 1885, ils vont... entreprendre une nouvelle construction d'un château qui va être surmonté de deux tours dans le style néo-gothique. Et elles seront achevées dix ans plus tard quand même, en 1892. C'est tout à fait le château avec ses deux tours, ses lions aussi, toutes ces décorations très flamboyantes sur la façade. C'est vraiment ce qu'on a sous les yeux aujourd'hui.
- Marion Watras
À la Belle Époque, le château est le centre d'une vie mondaine importante. La comtesse de Rodélec du Porzic qui organise de grands bals, puis la Première Guerre mondiale éclate. À l'arrivée des troupes américaines à Brest, la comtesse leur ouvre ses portes. En témoigne la mosaïque « Welcome » toujours visible sur le sol dans le hall d'entrée du château. Durant la Seconde Guerre mondiale, Kers Stears est réquisitionné par les Allemands, puis libéré par les Américains. La suite, c'est Christine Berthou Ballot qui nous la raconte.
- Christine Berthou-Ballot
Après-guerre, il va accueillir une communauté religieuse de la retraite et qui va en fait donner une vocation d'enseignement à ce lieu. Ce sera d'ailleurs le premier établissement d'enseignement secondaire qui sera rouvert après la guerre en 1945. En 1947, Brest connaît un second traumatisme avec l'explosion de l'Ocean Liberty, un vraquier qui a explosé avec du nitrate d'ammonium dans ses cales. Le manoir de Kers Stears sera aux premières loges, près de l'Anse de Saint-Marc où a lieu l'explosion. Il sera touché à la fois dans l'édifice, mais aussi avec des victimes scolaires qui étaient présentes.
- Marion Watras
Après ce terrible épisode, le château conserve sa vocation d'enseignement qui perdure encore aujourd'hui. Le lycée Fenelon est un établissement du groupe scolaire de l'Estran. Tabata et Emma sont étudiantes en BTS Tourisme.
- Etudiantes BTS Tourisme
Quand j'ai commencé à faire mes études ici, on nous explique tout de suite l'histoire du château. On a des petits livrets à l'accueil qu'on peut prendre pour en apprendre davantage. Et moi c'est ça qui m'a plu. J'aime bien être ici parce que tout a une histoire. C'est pas juste un bâtiment, c'est vraiment le passé. Je pense qu'on a beaucoup de chance d'être dans un cadre pareil. On se pose souvent des questions, on se dit, ouais là on étudie, on est en examen, on travaille, mais qu'est-ce qui s'est passé avant nous, des choses comme ça, il y a une salle de bas là en haut, qu'est-ce qui s'est passé, il y a dû avoir des querelles, des histoires, etc. Peu importe où on est aujourd'hui, on a une histoire autour de nous, C'est passé à nous aussi, donc ça reste assez impressionnant.
- Speaker #0
Nous restons avec les deux étudiantes qui accompagnent aujourd'hui des élèves de CP pour une visite guidée du château. Après un détour par le restaurant d'application, nous arrivons dans la fameuse salle de bal. C'est Tabata qui reprend la parole. Est-ce que vous êtes prêts à entendre une histoire ?
- Etudiantes BTS Tourisme
Oui !
- Speaker #1
Alors un jour,
- Speaker #3
un événement mystérieux s'est produit. La compresse avait organisé un bal, elle y avait invité des gens riches, et un homme venu de Russie. qui s'appelait Alexander. Et la comtesse porte une magnifique bague avec un diamant bleu. Jusqu'au moment où, pendant la fête, la bague disparaît. Est-ce que vous pensez qu'elle l'a perdue ou qu'on lui a volée ? Qu'on lui a volée. Quand la bague a disparu, la police a été appelée. Ils sont venus dans le château, ils ont cherché, ils ont fouillé, mais personne ne trouvait la bague. Jusqu'au moment où un policier a décidé d'aller fouiller la chambre d'Alexander. Et qu'est-ce qu'il a trouvé ? La bague. Et où il l'a trouvé ? Où est-ce qu'il l'avait caché ? Oui ? Dans un placard. Eh bien, en fouillant la chambre d'Alexander, le policier a retrouvé la bague dans son tube de dentifrice. Alors, est-ce que l'histoire vous a plu ? Oui.
- Marion Watras
Cette incroyable histoire a défrayé la chronique à l'époque, allant même jusqu'à inspirer Maurice Leblanc dans une des aventures d'Arsène Lupin parue en 1908, seulement deux ans après le vol. Un siècle plus tard, le diamant bleu continue de fasciner, à commencer par le Brestois Arnaud Le Gouëfflec. Il y a quelques années, avec le dessinateur Pierre Malma, il a retracé l'histoire du diamant bleu dans une bande dessinée pour la revue Casier.
- Arnaud Le Gouëfflec
Il y a un côté absolument fabuleux là-dedans. Les histoires de diamants, de toute façon, de manière générale, c'est toujours propice à développer l'imaginaire. Et les histoires de diamants bleus ont la plus forte raison. Le diamant lui-même a une histoire, puisqu'il vient de la couronne du roi Louis-Philippe. Il a ensuite été en la possession du duc d'Aumale, qui l'a ensuite cédé à une célèbre actrice de l'époque. Et ensuite, ça arrive chez la comtesse du Porzic. Bref, le diamant, si on suit juste le diamant, on a un feuilleton incroyable qui se poursuit après, puisqu'on ne sait pas ce qu'est devenu le diamant bleu. Et selon certaines sources, les plus vraisemblables, c'est la fille de la comtesse qui était à Brest en... pendant l'occupation, qui serait allé se cacher dans l'abri à Sadi Carnot avec le diamant, sans doute en emportant les bijoux importants. C'est ce qui s'est passé dans l'abri, donc il aurait disparu à ce moment-là le diamant. Et une autre histoire alternative, qui paraît un peu plus farfelue, mais bon, sait-on jamais avec les diamants ?, le fait disparaître au coup d'une passagère du Titanic. Dans ma version, on retrace l'histoire du diamant et on laisse en suspens cette question. Est-ce que c'est le diamant qui est responsable ? Ou est-ce que peut-être, finalement, il n'y a pas besoin de diamant pour que l'homme, l'être humain, se comporte de manière déraisonnable ? Ce qui, évidemment, semble être plutôt la réponse privilégiée.
- Marion Watras
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