- Marion Watras
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest.
- Olivier Thomas
Ça fait partie des beaux exemples où à la fois on s'inspire d'une architecture un peu classique quelque part, c'est presque une architecture paladienne, et pour autant on applique les principes du mouvement moderne. Ça montre vraiment les évolutions qu'on avait à cette époque-là dans la réflexion du plan hospitalier. Mais ça montre aussi la réflexion sur l'architecture en Bretagne à l'époque.
- Isabelle Gourmelen
C'est bien d'avoir conscience qu'il était là déjà avant la guerre. Pour moi, il est ancré dans le patrimoine. Depuis qu'on a mis en place cette possibilité de visite depuis trois ans, il y a beaucoup de succès.
- Marion Watras
Ce n'est pas un hasard si les visites guidées de l'hôpital Morvan, proposées par l'Office de tourisme, font carton plein. Car le bâtiment recèle bien des particularités. L'histoire de l'hôpital à Brest commence au XVIIe siècle du côté de la rue Traverse et il faut attendre le début des années 30 pour que la ville rachète le terrain dit du Fort des Fédérés où sera construit l'hôpital Morvan que l'on connaît aujourd'hui. 9 hectares orientés plein sud, comprenant notamment, avant le chantier, le vélodrome de Kérabécam et ce que l'on appelait alors le Bois de Boulogne. Le concours d'architectes est lancé en 1932. Parmi les 22 projets, c'est celui de deux jeunes diplômés, Raymond Lopez et Raymond Gravreau, qui est retenu. Pour en découvrir plus, nous avons rendez-vous avec Olivier Thomas, architecte des bâtiments de France à la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, et Isabelle Gourmelen, chargée de communication du CHU de Brest.
- Isabelle Gourmelen
Là, on est dans le bâtiment 1, un des trois bâtiments historiques de l'hôpital Morvan, et c'était le bâtiment d'accueil. Il est avant-gardiste, c'est un mélange aussi qui reprend des colonnades un peu du style Renaissance, mais en même temps toute l'innovation de l'époque, avec l'arrivée du béton, et des petites fenêtres, en fait, on le voit bien quand on est à l'extérieur et qu'on regarde le bâtiment 1, tous ces petits carreaux. C'est ce qu'on appelle des fenêtres en bandeau, qui étaient à l'époque assez innovants. Et puis cette forme, qui est quand même arrondie, et les trois bâtiments sont incurvés dans des sens différents, ce qui fait que quand on regarde le plan et les photos d'origine, parce qu'on en a encore beaucoup, ça se complète vraiment harmonieusement. Et puis ces toits en cuivre, qui étaient aussi pour l'époque quelque chose de novateur.
- Olivier Thomas
On est sur cette époque dans les années 30 où on est un peu tiraillé entre... Une architecture moderne, c'est là ce qu'on vient de dire sur ces formes d'ouverture, la préfabrication aussi, puisque finalement tous ces éléments de baie à petits carrés sont des éléments préfabriqués en béton. On a des recherches sur la matérialité avec ce béton qui est fait avec de granulats, c'est du granit de l'Aber, Aber-Ildut notamment. Un peu de granit rose aussi, des côtes d'armor. Tout ça était concassé pour faire du caillou. On faisait du béton avec ça et c'était finalement une manière de réinterpréter la pierre de granit qu'on avait en Bretagne. Mais on ne voulait pas faire du granit non plus parce qu'on voulait faire quelque chose de plus moderne qui se monte plus facilement.
- Marion Watras
Le chantier entamé en 1937 sera interrompu à peine trois ans plus tard. Bien que le projet initial n'ait pas été entièrement réalisé, les trois bâtiments années 30, majoritairement épargnés par les bombardements de la guerre, figurent aujourd'hui parmi les plus beaux exemples de l'architecture hospitalière de cette époque.
- Olivier Thomas
C'est un bâtiment qui, pour ses parties anciennes, a été inscrit au titre des monuments historiques en 1997. Il est protégé façades et toitures, pas les éléments intérieurs qui ont été pas mal modifiés avec le temps, à l'exception tout de même du hall dans lequel nous sommes, qui lui fait partie intégrante, y compris intérieure, de la protection au titre des monuments historiques.
- Isabelle Gourmelen
On a dans ce hall d'origine deux grands escaliers majestueux, des colonnes et il y avait une mezzanine qui depuis a été bouchée dans les années 50 pour gagner de la place. Mais on aime bien montrer ce hall parce qu'il est vraiment symptomatique de cette grandeur.
- Marion Watras
De vastes espaces donc, lumineux, aérés et surtout conçus avec une attention toute particulière pour l'usager.
- Isabelle Gourmelen
Pour les patients, tout est orienté plein sud. Et on voit bien ces avancées qui permettaient, sous forme de terrasse, à justement des personnes qui avaient besoin, type sanatorium, de pouvoir aller en... La terrasse s'exposait et donc toutes les chambres étaient orientées au sud et dans la partie nord, entre guillemets, de l'autre côté du couloir, on trouvait les postes de soins, la logistique, etc. Donc il y avait vraiment déjà une réflexion sur le bien-être du patient et les bienfaits du soleil.
- Olivier Thomas
Par de chambre, on a plus de 4 malades à la fois, ce qui était très novateur à l'époque. A l'époque, on était sur des grands services avec des lits, une trentaine de lits, une vingtaine de lits. Là, on a des chambres de 4 lits, 2 lits, 1 lit. On revient aussi à quelque chose où on ne mélange pas trop les malades.
- Marion Watras
Les bâtiments historiques de l'hôpital Morvan n'accueilleront leurs premiers malades qu'en 1951. Avant cela, le site est occupé, notamment par les troupes allemandes, dès 1940.
- Isabelle Gourmelen
Ils vont faire un lieu de villégiature avec... un lieu pour des chambres pour le tout venant des soldats, puis il y avait le bâtiment pour les officiers, puis ils ont même construit une piscine. Le self du personnel aujourd'hui a été bâti dans les années 60 sur cette ancienne piscine, donc c'est quand même extraordinaire. Et ils ont aussi construit cinq blockhaus des menaces de bombardement, c'est là que les Allemands se repliaient.
- Marion Watras
L'occupation allemande a laissé des traces, donc, encore visibles aujourd'hui. Certaines, discrètes, se dévoilent aux visiteurs les plus attentifs. C'est le cas sur le sol de l'une des galeries, ces longues allées semi-souterraines, semi-aériennes, qui relient les différents bâtiments de l'hôpital.
- Isabelle Gourmelen
Vous voulez voir les traces de bottes allemandes ? Oui. C'est une galerie. Là par exemple, dans cette première partie, on quitte le bâtiment 1, on voit bien, il y a la lumière.
- Olivier Thomas
On passe même au-dessus de la rue.
- Isabelle Gourmelen
Oui tout à fait, d'ailleurs on le voit de l'extérieur, on passe sous la voûte quand on passe à pied ou en voiture, et on voit cette galerie. Mais finalement c'est des choses qu'on ne regarde pas avec les mêmes yeux quand on n'a pas eu cette possibilité de comprendre comment ça a été fait.
- Marion Watras
Ça, ça avait été voulu pour quelles raisons ?
- Olivier Thomas
Un bâtiment d'élogène pour passer d'un service à un autre, d'un bâtiment à un autre, sans passer par l'extérieur évidemment. Quand on est sur un brancard, on préfère être à l'intérieur que sous la pluie.
- Marion Watras
Oui tout à fait.
- Isabelle Gourmelen
Et c'est encore une galerie qui est très pratiquée, notamment pour la logistique, pour livrer du matériel. Et là, nous, on arrive dans le bloc noir qui rejoint le bâtiment 3. Et nous allons voir à un moment donné ces traces. En fonction de la lumière, on ne les voit pas de manière franche, mais on commence à les voir, regardez, on voit bien les traces de talons, du défilé, de la colonne. Certains sols ont été refaits, carrelés aussi pour la sécurité, etc. Cette partie est restée comme à l'origine.
- Marion Watras
Nous ressortons de la galerie et du bâtiment 1, passons sous l'arche et tournons à gauche.
- Isabelle Gourmelen
Alors là on rentre dans le blockhaus qui est juste derrière le bâtiment 1 et on trouve encore des portes d'origine avec une zone d'inscription et les portes basses. Vous baissez bien la tête pour monter. Ça passe. Alors oui, évidemment, là vous trouvez les interrupteurs qui vont bien. Donc voilà, il y avait des inscriptions d'ailleurs qui ont été, aujourd'hui on les devine, mais par contre, au-dessus des interrupteurs, enfin nouveaux interrupteurs, il y avait éteignez la lumière avec un point d'exclamation, donc je ne parle pas allemand, donc je ne le traduirai, enfin je peux traduire mais pas aller plus loin, et puis un peu plus loin ici encore, il y a une grande inscription aussi, et là c'était marqué chambre pour les civils. Donc en fait s'il y avait menace de bombardement, ils avaient aussi droit à leur chambre des civils pour se rapatrier et se mettre à l'abri. Et on a dans certaines salles encore, en cherchant bien derrière les étagères, on voit encore des attaches pour les lits en fait, puisqu'il y avait des espèces de bannettes un peu comme on peut trouver dans les sous-marins, accrochées au mur où ils pouvaient descendre le lit en cas de mise à l'abri.
- Marion Watras
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