- Marion Watras
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest.
- Alain Boulaire
On avait cette nécessité quelque part d'avoir une connaissance précise de la botanique et dans ce cadre-là, Brest va jouer un rôle majeur dans la mesure où c'est le point qui ouvre directement sur l'Atlantique.
- Stéphane Buord
Les premières botaniques de l'Antiquité s'intéressaient davantage aux questions de plantes médicinales. Ensuite, on a connu le développement avec la botanique coloniale, si on peut dire, les jardins botaniques coloniaux. Et ensuite, des préoccupations plus scientifiques. Et aujourd'hui, on est dans une phase où la botanique est tournée vers les questions de préservation de l'environnement, habitat naturel et espèces.
- Marion Watras
Brest et la botanique, c'est une longue et vieille histoire. Ouvert sur le monde, le port a de longue date été le point de départ d'expéditions scientifiques, un héritage qui a marqué la ville de son empreinte et se perpétue aujourd'hui encore. Nous avons rendez-vous avec l'historien Alain Boulaire. Il nous attend rive droite, dans un petit havre de paix créé en 2002, sur une idée de l'association Les Amis de Recouvrance.
- Alain Boulaire
Nous sommes au Jardin des Explorateurs qui occupe une ancienne batterie militaire. Quand le site a été déclassé, la ville l'a acheté et elle a décidé d'en faire un lieu dédié à tous les explorateurs partis de Brest, en particulier au XVIIIe et XIXe siècles. Il faut bien voir que jusqu'à ce qu'il y ait le creusement du canal de Suez, la Méditerranée était une mer close, ce qui fait que pour tout départ vers le grand large, que ce soit l'océan Atlantique, l'océan Indien, ou l'océan Pacifique, on partait de Brest. Mais la caractéristique aussi, c'est que sous la monarchie, mais également après en partie, mais sous la monarchie, c'est très très net, les rois ont poussé à avoir des explorations du monde, alors avec des visées coloniales parfois, ça a été le cas au XVIe siècle par exemple, et puis au XVIIIe siècle, dans tout ce qu'on appelle le mouvement des Lumières, on a eu tous les pays d'Europe, mais en particulier le Royaume-Uni et la France, qui ont cherché à connaître mieux le monde. Et dans cette meilleure connaissance du monde, la botanique, comme la zoologie, occupe une place essentielle.
- Marion Watras
Quand on se balade dans les allées du Jardin des Explorateurs, des panneaux retracent la vie de certains d'entre eux.
- Alain Boulaire
On peut citer ici le cas d'Amédée Frézier, au nom prédestiné, qui a rapporté du Chili une liane qui produisait de gros fruits blancs, qui, croisés avec des fraises locales, en particulier à Plougastel, a donné naissance aux fraises de Plougastel. Donc ça c'est en 1714. Par la suite, par exemple, Bougainville part de Brest en 1766, après un faux départ de Nantes, en fait il partait de Nantes, et il a eu une fortune de mer qui l'a obligé à venir se faire réparer à Brest. Et bien sûr, ce qui est le plus connu sans doute à cette époque-là, c'est La Pérouse. Alors La Pérouse qui est entré dans la mémoire collective et à Brest en particulier, parce que l'expédition a été tragique. Alors il y a q uand même une femme qui est à l'honneur, je vois en face le panneau de Philibert Commerson, c'est bien sûr son valet de chambre qui l'accompagnait, qui était en fait une femme, Jeanne Barré, la fameuse bougainvillée, qui a accompagné Philibert Commerson jusqu'à Tahiti. Les Tahitiens ont découvert que c'était une femme et pas un homme, comme le croyaient tous les autres gens de l'équipage à l'époque. Et Jeanne Barré a eu l'idée extraordinaire de poursuivre l'œuvre de Philibert Commerson après sa mort, et donc de maintenir en particulier ses collections, qui sont à l'origine, actuellement, de collections immenses, en particulier au Muséum d'Histoire Naturelle. A chaque fois, Ces expéditions embarquaient des naturalistes. Et ces naturalistes avaient pour mission spécifique de reconnaître de nouvelles espèces. Et par exemple, le naturaliste de Bougainville a identifié plus de 10 000 nouvelles espèces. Le principe était de rapporter à Brest ces plantes. Et pour cela, on avait mis au point des techniques remarquables, en particulier des caisses spéciales pour embarquer les plantules et les protéger des roulis de mer. Ici, on en retrouve des exemples. Dans ce jardin d'explorateurs, on avait des gros bambous creusés dans lesquels on mettait un mélange de terre et de sable pour mettre des petites plantes aussi à l'abri des intempéries. Et finalement, toutes ces plantes étaient installées au retour dans le jardin botanique de l'hôpital maritime. Et si les plantes se plaisaient, on faisait des poutures un petit peu, et si elles se plaisaient de là elle étaient envoyées au jardin du roi à Paris qui est aujourd'hui le jardin des plantes. Beaucoup de ces plantes se sont remarquablement adaptées au climat breton, ce qui fait qu'on a parfois l'impression que ce sont des plantes d'origine bretonne. On peut penser à l'hortensia que l'on voit prospérer un petit peu partout mais on peut penser aussi à des tas de choses ici nous sommes devant des agapentes par exemple et bien les agapentes c'est la même chose on a comme cela plein de plantes qui sont venus du Japon, d'Inde, de Chine, d'Australie, d'Amérique, et qui prospèrent à Grèce.
- Marion Watras
Nous quittons le jardin des explorateurs pour le vallon du Stang-Alar. Là, le Conservatoire botanique national s'inscrit à sa manière dans l'héritage des grandes expéditions parties de Brest il y a plusieurs siècles. Sa vocation, depuis sa création il y a tout juste 50 ans : la préservation du patrimoine végétal sauvage menacé, Stéphane Buord est directeur scientifique pour le pôle Jardin botanique.
- Stéphane Buord
30 ans auparavant, le Jardin botanique de la Marine était détruit, ses serres, ses collections, ses musées. Donc en 1975, on a assisté finalement à cette renaissance de la botanique à Brest, mais dans une autre dimension qui est celle de la conservation de l'environnement. Et en fait, Brest a été pionnier dans ce domaine-là, donc dans les années 70, en créant ce conservateur botanique national.
- Marion Watras
Alors quel genre de plantes et d'espèces on peut trouver ici ?
- Stéphane Buord
Alors le conservateur botanique national, en fait, répond à un cahier des charges. Il a deux territoires d'action, on va dire. D'abord, c'est un territoire d'action local. On travaille en local sur la Bretagne et les pays de la Loire. Et puis, il y a aussi une dimension internationale depuis les origines du conservatoire, avec d'abord la nécessité de préserver, de sauver des végétaux qu'on savait perdus. C'est une dimension mondiale, universaliste on peut dire. Brest s'est beaucoup spécialisée essentiellement dans les archipels océaniques, du fait de sa vocation maritime, mais aussi parce que les archipels sont des endroits à la fois très très riches en biodiversité endémique, mais également très très menacés par l'activité humaine. Donc Brest a aujourd'hui la première collection au monde de plantes menacées. C'est un patrimoine brestois très important et j'invite tous les brestois d'ailleurs à venir à la rencontre de ce patrimoine parce qu'il est présent à la fois dans le jardin botanique avec sur les 30 hectares, dans les serres tropicales et en banque de graines où se trouvent donc environ 2000 espèces menacées au total. Et à partir de ce patrimoine, on peut développer à l'international des actions de partenariat en association avec des parcs nationaux, des ministères de l'environnement, des ONG, qui nous font la demande. Et par exemple, ces dernières années, on a pu rapatrier une trentaine d'espèces de l'île Maurice, qui se trouvaient dans nos serres de Brest, dont une partie avait déjà disparu sur l'île Maurice. Et là, ce qui est amusant, étonnant, c'est que contrairement au circuit que les plantes effectuaient au XVIIIe siècle, majoritairement des plantes de nos colonies vers la métropole, Au XXIe siècle, on assistait à ce type de projet qui consistait à réintroduire sur place des espèces éteintes dans ces territoires aujourd'hui indépendants et qui ont été conservées ici, notamment au conservatoire botanique à Brest.
- Marion Watras
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