- Jenny
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Bulles de Vie, le podcast qui parle du handicap et bien plus. Aujourd'hui, j'ai l'immense plaisir de recevoir Charles Gardou, anthropologue, écrivain et conférencier engagé, récemment nommé président de la FIRAH, la Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le Handicap. Je l'ai rencontré lors des Journées Inclusives de la Maïf, et ce qui m'a profondément marqué, C'est sa conviction que les personnes handicapées sont les expertes de leur propre réalité et qu'elles doivent être écoutées. Préparez-vous pour un échange riche et inspirant.
Bonjour à toutes et à tous. Bienvenue dans Bulles de Vie, le podcast où nous éclatons les bulles de préjugés pour laisser place à un regard neuf sur le monde du handicap. Je m'appelle Jenny Madani, je suis atteinte d'amyotrophie spinale et donc lourdement handicapée. Mariée depuis 2009, maman d'une pré-ado de 11 ans et entrepreneur à plein temps. J'ai décidé de mettre mes années d'expérience personnelle et professionnelle à profit en devenant assistante personnelle et experte en situation de handicap moteur. À travers ce podcast, je souhaite éveiller les consciences de ceux qui ne côtoient pas forcément le handicap au quotidien. Alors abonnez-vous pour recevoir chaque nouvelle bulle de vie dès sa sortie pour apprendre, évoluer et grandir ensemble.
Bonjour et bienvenue sur Bulles de Vie, le podcast qui parle du handicap et bien plus. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir Charles Gardou, éminent anthropologue et professeur émérite à l'Université Lumière Lyon 2. Il vient d'être nommé président de la Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le Handicap, la FIRAH, en octobre 2024. Spécialiste reconnu des questions liées au handicap, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur le sujet et dirige la collection Connaissance de la diversité aux éditions RS. Son approche unique allie expertise académique et engagement profond pour une société inclusive où chacun trouve sa place sans que sa singularité soit effacée. Chevalier de la Légion d'honneur, Charles Gardou apporte à la FIRAH sa vision d'une recherche appliquée participative visant à améliorer concrètement la qualité de vie des personnes en situation de handicap.
Alors bonjour M. Gardou, je suis ravie de vous recevoir aujourd'hui et je tenais à vous féliciter pour votre nouvelle nomination en tant que président de la FIRAH. Alors pour les auditeurs qui ne connaissent pas la FIRAH, pouvez-vous nous expliquer quel est cet organisme et ce que vous y faites en fait ?
- Charles Gardou
La FIRAH, la Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le Handicap, comme son nom l'indique, a comme objectif de susciter, accompagner, stimuler la recherche qui émane du terrain, de manière ensuite à ce qu'elle irradie ce terrain. avec la préoccupation que le transfert de ce qui est fait, des innovations, des expériences intéressantes, puisse ensuite se démultiplier et essaimer en situation réelle, en situation vivante. C'est vraiment le cœur de la FIRAH, que la recherche émane du terrain et qu'elle revienne sur le terrain à son service direct. Et Axel Kahn qui avait participé... à sa fondation et qui en a assuré la présidence de longues années avant sa disparition, était très attaché aussi à la dimension internationale, non pas à titre de comparatisme, c'est-à-dire comparer les choses qui se font ici et là-bas, mais simplement à titre de confrontation culturelle, de manière à ce qu'on puisse se nourrir d'expériences et d'innovations conduites ailleurs dans le champ du handicap. Donc les deux mots importants, c'est appliquer et dimension internationale.
- Jenny
Très bien. Et pourriez-vous nous donner des exemples concrets de ce qui a été fait jusqu'à présent ?
- Charles Gardou
Alors, je pense, dans l'instant, il y en a bien d'autres, je ne vais pas privilégier tel ou tel, mais je pense notamment à une recherche qui a été faite sur la dimension de la vie intime, de la vie affective, des personnes qui vivent le handicap au quotidien, et qui a développé une recherche sur des performateurs, c'est-à-dire des personnes qui sont eux-mêmes dans cette situation et qui deviennent formateurs pour d'autres, ce qui veut dire qu'ils sont très proches. de ce qui est vécu et ils peuvent le transmettre avec leurs mots, leur regard, leur expérience propre. L'idée étant de dire qu'une expérience peut devenir expertise et se transmettre. Cette recherche appelée "À nos amours" il y a quelques années, a été conduite par des chercheurs de l'Université Lumière Lyon 2 et soutenue par la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap.
- Jenny
Oui, je connais "A nos amours", j'en ai entendu parler, effectivement. Quel a été le déclencheur pour vous de votre, si je puis dire, intérêt pour le monde du handicap ? On ne peut pas vraiment dire que c'est un intérêt, mais…
- Charles Gardou
Alors, j'ai commencé d'abord du côté de l'anthropologie culturelle. Pendant un temps de ma vie, j'ai vécu ailleurs, en l'occurrence en Océanie. en culture maoïe, plus précisément des îles marquises, situées à 7 degrés sous l'équateur, archipels très éloignés. Je me suis intéressé à cette culture-là et lorsque je suis revenu en métropole, c'est comme ça que l'on dit quand on vit dans un territoire ultramarin, j'ai constaté que, mais je parle d'il y a... plus de 30 ans, j'ai constaté que la recherche sur les situations de handicap était très négligée. Elle était laissée sur le côté, elle était une sorte d'angle mort à l'université. J'ai proposé alors d'appliquer les méthodes de l'anthropologie aux situations de handicap que je considérais, pour employer une expression due à un anthropologue qui s'appelle Marcel Mauss, qui était un fait social total, c'est-à-dire que le handicap n'est pas simplement une question qui touche le corps, l'esprit, la psyché d'une personne sous la forme d'une blessure, quel que soit son degré, mais elle résonne sur une communauté humaine qui lui donne sens, qui l'interprète et qui lui apporte des réponses qui sont infiniment variables selon les contextes culturels. Et donc, je lui ai proposé cet enseignement à l'université de Lumière-Lyon 2, où j'avais été élu. et il n'existait pas. Il s'est de proche en proche beaucoup développé. A tout dire, je suis resté une quinzaine d'années tout seul, parce que d'autres collègues n'étaient pas encore mobilisés sur cette question, et dorénavant, elle s'est beaucoup développée, de nombreux étudiants ont travaillé sur cette question, elle s'est installée en transversalité par rapport aux différents cursus, et elle est devenue une question forte. Mais lorsque j'ai commencé à l'Université Lumière Lyon 2 sur ce thème, on se demandait s'il avait sa place dans le champ de la recherche, parce qu'on déduisait encore que c'était plus une question d'engagement personnel, de militance, mais que ce n'était pas une question de savoir et de recherche. Donc les progrès de la pensée se sont faits progressivement, de proche en proche, et les choses ont très heureusement changé, même si tout n'est pas acquis et parfait.
- Jenny
J'aime beaucoup ce que vous dites, parce que vous dites que c'était plus une question de militance, et en fait, vous avez su exposer que non, c'était aussi la pensée. Et j'aime beaucoup ça, parce qu'effectivement, pour moi, ce n'est pas militer, c'est juste s'intégrer dans la société le plus naturellement du monde, essayer d'avoir sa place, comme tout Comme tout citoyen, en fait.
- Charles Gardou
C'est ça. Et en plus, si vous voulez, il y a aussi des savoirs nécessaires pour lever des stéréotypes, des préjugés, des obscurantismes. Et les savoirs sur la question du handicap sont nécessaires. Si on s'intéresse, par exemple, à la science médicale, il est évident que nous avons des médecins qui sont souvent très performants concernant leur intervention sur le... corps, mais qui ont négligé cette partie-là, ce qui fait que de nombreuses personnes en situation d’handicap se trouvent négligées dans le domaine du soin. Et les rapports internationaux nous disent comment ces personnes souffrent de soins défaillants. qui semble réservé à ceux qui ont la chance d'être préservés de cette forme de difficulté.
- Jenny
Ou juste ne serait-ce qu'être écouté. Quand on a un handicap depuis des années, les médecins ont encore du mal à écouter le patient qui sait exactement comment, enfin je ne vais pas dire comment soigner parce que ce n'est pas son domaine, mais plutôt comment son corps réagit. Et les médecins, surtout au niveau des urgences, ont du mal à écouter un malade qui dit, mais écoutez, je sais exactement où vous pouvez me piquer, comment vous pouvez faire l'examen, parce que je connais mon corps.
- Charles Gardou
C'est ça. Et ça, vous souligniez quelque chose de très, très important, c'est la capacité d'écoute. Et cette écoute qui permet de se transporter un peu vers l'autre, sans prendre sa place, bien sûr, mais qui permet de le comprendre au sens premier du terme. dans sa pratique, dans ses réactions. Et là, beaucoup de progrès sont encore à faire. On parle souvent à la place des autres et on ne les écoute pas dans le sens profond du terme écouter, c'est-à-dire vraiment se pénétrer de ce que l'autre peut vivre et peut ressentir.
- Jenny
Alors justement, vous dites qu'on parle toujours à la place de l'autre et c'est vrai que moi, c'est quelque chose qui est... qui me choque beaucoup, c'est-à-dire qu'en fait, nous, en tant que personnes handicapées, on connaît notre handicap, on connaît notre vie. Et malgré tout, on choisit encore des personnes valides pour travailler sur des sujets qui nous concernent. Et ces personnes valides vont nous demander de l'aide, mais bénévolement. Donc en fait, on emploie... des personnes valides, on les rémunère, et ces personnes viennent nous chercher à titre bénévole pour répondre à des questions qui nous concernent, en fait. Je vous ai rencontré lors d'une conférence sur l'inclusion, et j'avais adoré votre conférence, parce que justement, vous disiez dedans que nous sommes experts, suite à notre pathologie, suite à ce que l'on vit tous les jours, c'est nous les experts qu'il était temps de nous redonner notre... place, en fait. Et c'est ce qui m'avait vraiment interpellée parce qu'effectivement, j'ai plus de 40 ans, j'ai souvent œuvré dans le handicap. Et à chaque fois, on engage une personne valide pour parler du sujet de handicap. Et nous, on arrive, on doit être disponible, on doit donner des fois des heures et des heures de notre temps pour aider cette personne à concrétiser. Des actes qui vont nous servir, certes, et des services qui vont nous servir. Mais en même temps, la personne handicapée a du mal dans la vie de tous les jours à trouver sa place, ne serait-ce que dans le monde du travail. Et là, en fait, c'est comme si on lui prenait sa propre place. C'est ça. Est-ce que vous pensez qu'un jour, la société pourrait évoluer à ce niveau ?
- Charles Gardou
Alors, il me semble... qu'il y a aujourd'hui la prise de conscience que l'expertise ne se réduit pas à celle des chercheurs, des scientifiques ou des professionnels, mais que le mot expert renvoie, étymologiquement d'ailleurs, à celui qui fait l'expérience de, celui qui vit en soi cette expérience et qui est susceptible d'en tirer des savoirs qui sont insubstituables par d'autres. Et me semble-t-il, il y a là, même s'ils sont trop longs, des progrès qui sont faits. Vous voyez, à travers des termes comme la notion d'autodétermination, la notion de pouvoir d'agir, il y a quand même des frémissements, même si beaucoup de chemin reste encore à accomplir, mais il y a des frémissements de cette prise de conscience. L'expertise, c'est aussi... cette expérience première, cette parole en première personne qui doit être prise en compte. Et l'idée, c'est de ne pas séparer les uns et les autres. C'est-à-dire que la parole des experts de ceux qui vivent est irremplaçable et elle doit se croiser avec d'autres expertises. Lorsque celui qui est dedans, parfois, est un peu pris par ce qu'il vit, il ne prend pas la distance nécessaire pour l'analyser de manière... plus rationnel et l'expert de l'extérieur peut aider à ça. Vous voyez, Lévi-Strauss disait que si on est trop près du soleil, on se brûle. Et si on est trop loin, on se refroidit et on se désincarne. Il faut donc conjuguer ces deux approches. Pas séparer les mondes, parce que les mondes ont besoin les uns des autres. Ils méritent d'être conjugués. Mais l'oubli qui a été fait à travers l'histoire des personnes en situation de handicap dans le monde, ça a été une histoire de séparation. Et ça a été une histoire de dévalorisation. les personnes en situation de handicap ont considéré qu'elles n'étaient pas capables. D'ailleurs, vous voyez, il y avait des taux, on disait des personnes incapables.
- Jenny
Oui, l'incapacité.
- Charles Gardou
Ça a contribué à faire disparaître leur potentialité, leur virtualité, et on les réduit encore dans des expressions que j'estime très incomplètes. On dit par exemple que ce sont des personnes à besoins spécifiques. Une personne en situation de handicap ne doit pas être réduite à une nécessiteuse. Elle a des besoins, comme tout le monde, elle a des désirs, elle a des projets, elle a des rêves. Et c'est ce qui nous humanise ensemble. Donc le défi, en fait, c'est de refaire un monde, de refaire un monde commun. Nous sommes les mêmes, nous ne sommes que des variations sur le même thème. Nous sommes tous fragiles, nous sommes... tous en danger de difficultés particulières, aujourd'hui oui, demain non, entre meilleur et pire, c'est ce qui nous réunit. Et cette division des mondes, cette séparation des mondes avec la dévalorisation de ce que vivent les personnes, que sont les personnes en situation de handicap, a été très très préjudiciable.
- Jenny
En fait, vous rejoignez exactement ce que je pense, c'est-à-dire qu'on doit vivre ensemble. Et non pas nous mettre dans des cases en disant, bon ben là, vous êtes une personne handicapée, enfin en situation de handicap, vous êtes valide. Non, on vit tous ensemble. Et c'est vraiment mon projet. Même le fait que, quand on voit que pour avoir un véhicule ou pour avoir un logement, il y a toujours des coûts plus élevés, ça aussi, ça me dérange énormément. Pourquoi on ne pourrait pas créer quelque chose qui serve autant aux valides qu'aux personnes en situation de handicap ?
- Charles Gardou
Alors là, vous abordez la question de l'accessibilité universelle, c'est-à-dire ce qui est fait pour les uns est bénéfique pour les autres. On permet des déplacements plus fluides, plus faciles. On travaille pour ceux qui ont une difficulté particulière et pour tous les autres en même temps. Donc c'est bien ça que vous dites très justement et que vous vivez justement, c'est apprendre. à penser pour tous. Je considère que la société dans laquelle vous êtes advenu par naissance et où je suis advenu aussi et tous ceux qui nous entourent, ça doit être un chez-soi pour tous. Il y a des phénomènes de captation de cette société humaine par des gens qui s'installent de manière très artificielle au sommet de la pyramide et qui finalement contraignent les autres à vivre un peu en périphérie. ou en barge. Je crois que l'affaire de nos jours, c'est de corriger cette dérive, de corriger cette dérive. Vous voyez, on chiffre à l'échelle du monde. Il y a eu un rapport en 2011 à New York qui avait été co-signé par la Banque mondiale et l'OMS qui disait qu'il y avait un humain sur sept, un humain sur sept, vous voyez, ça fait 15%, qui vivait peu ou pro une situation de handicap. C'est énorme. C'est-à-dire que les personnes en situation de handicap ne sont pas simplement une petite population d'ordre homéopathiques qui vivent sur le trottoir d'en face. C'est central dans l'histoire de l'humanité. Nos blessures sont centrales, nos blessures communes. Celles qui sont liées à la naissance, au cours de la vie ou à l'érosion de l'âge, elles nous sont très communes. Donc il y a de quoi, et vous le faites ressortir très à propos. Il y a de quoi faire un monde commun, faire une humanité commune. Et cette séparation est un peu la maladie de l'humanité. Alors c'est vrai pour le handicap, mais c'est vrai pour bien d'autres choses. C'est vrai pour toutes les singularités liées à une appartenance socio-économique, à une couleur de peau. On sépare les humains. Et c'est cette correction-là qu'on a énormément de mal à faire.
- Jenny
Donc en fait, j'ai un rêve, on va dire. J'ai un rêve, c'est les voitures, les véhicules pour personnes handicapées sont... Très, très, très, très chères. Pour un beau véhicule, on va dire, il faut compter à peu près 100 000 euros. Ce qui est énorme. Quand je dis un beau véhicule, j'entends par là un véhicule où on ne soit pas obligé d'être dans le coffre. Parce que ça, j'en parle dans un de mes podcasts. Mon mari, quand il est arrivé en France, la première chose qui l'a choqué, c'est qu'on met des personnes handicapées dans le coffre. Il a dit à la personne qui gérait les dossiers de demande de financement. "Mais enfin, on ne met pas un chien dans le coffre, pourquoi je mettrais ma femme dans le coffre ?" Elle l'avait regardée bizarrement, mais en fait, c'est totalement vrai. Et les meilleurs véhicules qui existent aménagés, ce sont ceux où on peut être en passager avant. Et donc, pour être en passager avant, ça coûte très très cher, parce que déjà, c'est qu'une certaine gamme de véhicules qui peuvent être aménagés comme ça. Et j'ai appris dernièrement que... ça n'allait bientôt plus du tout exister. Pour la simple et bonne raison qu'ils n'arrivent plus à trouver des voitures suffisamment spacieuses. Maintenant, il y a aussi le problème des voitures électriques, puisque les batteries sont situées sous le plancher, ils ne veulent plus faire de trous dans le plancher. Donc en fait, on est de plus en plus réduit, et ça devient de plus en plus compliqué de nous véhiculer. Et j'ai le projet ou peut-être pas parce que je pense que c'est réalisable, de créer un véhicule qui serait pour tout le monde facilement aménageable pour les personnes handicapées et qu'une famille pourrait utiliser aussi et qui coûterait le moins possible à aménager. Est-ce que c'est un projet fou selon vous ?
- Charles Gardou
Je ne mesure pas parce que les questions, évidemment, le fond, on ne peut qu'adhérer à notre projet. finalement une sorte de conception universelle. Cela dit, moi je ne suis pas compétent pour mesurer les incidences économiques, l'engagement de constructeurs, etc. Donc c'est sûr que les obstacles sont certainement nombreux, mais le projet dans son objectif, évidemment, est séduisant.
- Jenny
En fait, on ne créerait plus spécifiquement pour les personnes handicapées ? Mais pour tout le monde, avec adaptation, comme on est un petit peu en train de le faire, je discutais avec une architecte dernièrement, elle me disait qu'ils faisaient des cloisons modulables maintenant. Comme ça, dès qu'il y avait une personne handicapée, ils enlevaient une cloison qui pouvait être gênante et qui était mieux pour une personne valide. Donc en fait, quand on parle d'accessibilité universelle, pour moi, c'est dans tous les domaines, que ce soit l'accessibilité aux bâtiments publics, aux véhicules.
- Charles Gardou
aux objets,
- Jenny
tout en fait.
- Charles Gardou
Bien sûr. Je crois que la dimension d'accessibilité, elle est réduite, quand on l'imagine. Elle est réduite à la dimension architecturale. Souvent, on dit accessibilité, on dit les locaux. C'est beaucoup plus large que ça. L'accessibilité, c'est dans une exception, beaucoup plus large. C'est des transports, bien sûr, parce que c'est à voir dans un continuum. Si un lieu est accessible mais qu'on ne peut pas s'y rendre parce que les transports ne le sont pas, ça ne convient pas. Et l'accessibilité au savoir, l'accessibilité à la culture, l'accessibilité à l'habitat, l'accessibilité aux soins, c'est un concept excessivement large. Et c'est vrai que vous avez raison de le dire, il faut toujours le penser dans sa dimension universelle. On ne le fait pas simplement pour eux, pour les hommes, on le fait pour que tous puissent en être bénéficiaires. C'est comme ça qu'il nous faut apprendre à penser les choses. Et on regrette que la loi de 2005, qui avait donné un délai de contrainte sur la question de l'accessibilité, ce délai de contrainte ait été remis en cause, détricoté, repoussé de manière permanente. Il y a là une dimension politique au sens premier du terme, parce qu'elle renvoie à la vie d'une cité humaine. Comment peut-on trouver place dans une cité humaine ? quand on ne peut pas se déplacer, se véhiculer, habiter, etc. Et là, notre culture a des progrès très importants à faire.
- Jenny
Je dirais même que ça va plus loin, parce que ce n'est pas seulement au niveau matériel, c'est au niveau aussi humain. Parce que moi je trouve qu'au niveau matériel, on progresse, certes, de plus en plus de choses deviennent accessibles. Un exemple tout bête, il y a quelques années, c'était horriblement cher de faire de la domotique. Aujourd'hui, ça ne coûte quasiment rien parce que tout le monde... Tout le monde se met à la domotique. Donc en fait, nous, ça nous arrange. Et en même temps, ça nous coûte beaucoup, beaucoup moins cher. Mais par contre, là où on voit une régression très, très forte, c'est dans l'accompagnement à la personne. Et ça, malheureusement, je ne suis pas sûre que les robots d'Elon Musk puissent remplacer l'aide humaine dont on a besoin quand on est en situation de handicap.
- Charles Gardou
Et vous avez raison d'en parler parce que la notion d'accompagnement dans toutes ces dimensions fait partie et rejoint la question de l'accessibilité. L'idée c'est que si on veut une société accessible à tous, il faut la modeler, il faut la façonner pour que chacun puisse y avoir une place. Il faut en même temps penser à l'accompagnement des personnes pour répondre à des situations spécifiques et très singulières. La notion de l'accompagnement humain est très importante et vous soulignez aussi à raison que la technologie ne peut pas se substituer entièrement à l'humain.
- Jenny
Tout à fait.
- Charles Gardou
ça renvoie à la relation à l'interaction avec un autre dont on est, nous sommes tous interdépendants les uns des autres. La conscience de notre interdépendance, c'est ce qui fait société. Se penser indépendant renvoie l'idée d'individualisme, d'insularisation des personnes, et l'accompagnement est à penser dans cet esprit-là.
- Jenny
Donc quand on parle d'individualisme, ça revient à ce que je... ce que je vois dernièrement, c'est-à-dire qu'on progresse en matière de matériel, mais malheureusement, on a des difficultés au niveau humain. J'entends beaucoup, beaucoup de mes confrères et consœurs en situation de handicap, qui me disent "on n'arrive plus à vivre chez nous", parce qu'on est dans une société tellement individualiste, où on prône le loisir, le temps en famille. de prendre soin de soi que la plupart des gens ne veulent plus travailler tôt le matin ou travailler le week-end. Et nous, en fait, ce n'est pas qu'on travaille, c'est qu'on vit H24. Donc, on a besoin de personnel pour nous accompagner H24. Ce n'est pas une question de nuit, de jour, c'est tout le temps. Et il devient de plus en plus difficile pour nous de trouver du personnel. qui acceptent de travailler tôt le matin ou qui acceptent de travailler tard le soir, et le week-end. Donc, en gros, on devrait se lever à 8h le matin et se coucher à 18h le soir. Les horaires de bureau, quoi. Et ça nous impacte dans notre vie de tous les jours. Je pense notamment à ceux et celles qui travaillent. J'ai une connaissance qui a dit que, dernièrement, son prestataire refusait de lui envoyer quelqu’un à 6h du matin. Le problème, c'est qu'elle travaille à l'hôpital et elle prend à 9h. Donc, comment elle fait pour se lever le matin ? Donc, est-ce qu'on peut espérer que la population se rende compte que, oui, on peut penser à soi, mais on est une unicité, comme vous disiez. On doit s'entraider les uns les autres. Est-ce qu'il y a espoir que cette société qui nous a... un peu confortés dans l'idée de l'individualisme, se réveillent et se disent ben non, l'individualisme, ok, mais on a tous besoin les uns des autres
- Charles Gardou
Alors si vous voulez, là vous abordez un thème de fond, c'est les grands mouvements des sociétés. On est passé de l'ère où le travail était considéré autrement. Travailler, c'est faire œuvre. et il y avait une sorte de dévouement à son travail. Et aujourd'hui, il y a l'idée qu'on travaille de manière beaucoup plus utilitaire. et que ce travail ne doit pas grignoter sur d'autres désirs de vivre. Et ce que vous ressentez à partir de votre situation dans le champ du handicap et de l'accompagnement, ça se ressent à des degrés divers et toutes proportions gardées dans bien d'autres domaines. On voit ça par exemple du côté des équipes obsétriques à l'hôpital, où nombre de sages-femmes voudraient n'avoir que... que des horaires dûment calés par rapport à leur propre confort de vie, exigence de vie, alors même qu'un accouchement peut se passer le jour, la nuit, et qu'il faut une disponibilité que les gens maintenant rechignent à avoir. C'est vrai dans le champ de la médecine, c'est vrai dans tout autre secteur, et notamment dans le champ de l'accompagnement des personnes en situation de handicap, comme vous le voyez directement. Effectivement, on souhaiterait que la personne se lève à l'heure qui convient à la personne qui intervient et puis se couche très tôt de manière à ensuite soi-même être libérée. Une vie ne fonctionne pas comme ça. Et on voit là la pesanteur des normes qui, à un moment d'une société, viennent s'imposer, rigidifier les choses et provoquer des sortes de déshumanisation. Et j'emploie ce terme à dessein parce qu'il me semble que le danger de notre société, c'est le danger de la déshumanisation. Les normes se font tellement souveraines, tellement exigeantes, et à partir souvent de visions qui sont pensées comme des absolues, qui ne sont pas du tout relativisées, que ça finit par rejeter en périphérie tous ceux qui ne passeraient pas sous la toise de ces normes. Et c'est vrai que c'est un véritable danger dans notre société qui finalement fait disparaître les visages. On ne voit plus le visage de la personne, on voit la catégorie, on voit la norme, et il y a là une sorte de tyrannie de normes très administratives. Et nombre de personnes en situation de handicap. comme vous, comme tant d'autres, de parents, etc., vivent ça comme quelque chose de très excluant. Alors, est-ce que la société va avoir un sursaut par rapport à cette forme de déshumanisation et de contraintes normatives trop puissantes ? Le temps nous le dira. Je pense qu'aujourd'hui, il y a une prise de conscience de cela. Voilà, alors quant au problème du sursaut de la société, parce que la conscience est là, mais le problème c'est le passage à l'acte. Et comme vous le disiez, l'individualisme qui domine empêche justement ce mouvement qui paraît nécessaire à tous, mais qui finalement tarde à venir. Et c'est une dimension culturelle qu'il est très difficile de transformer. La question qui se pose dans une société, c'est comment on peut agir sur une culture dans une époque donnée. Quels sont les leviers que l'on peut activer ? Je pense que le premier levier à activer, c'est l'éducation. L'éducation, dès la prime enfance, est déterminante pour façonner l'esprit de l'adulte à venir. Il ne s'agit pas de le conditionner, bien sûr. mais il s'agit de l'ouvrir à ces réalités humaines. Et la question que l'on peut se poser, en quoi l'éducation familiale, l'école, sont-elles des vecteurs d'évolution qui iraient dans le sens que vous souhaitez ? Et là, également, il y a un chemin très important à réaliser. Le deuxième levier, c'est la question de la formation des professionnels, quel que soit le champ où ils exercent. Que fait-on aujourd'hui pour former les professionnels à cette dimension-là ? Comment, dans leurs cursus initiaux, dans leur formation continue, on les amène à prendre en compte cette question ? Les vies sont infiniment diverses, les visages sont infiniment variables, et dans toute profession, il y a lieu de penser aux adaptations, aux ajustements, aux accommodements. contournement qu'il faudra mettre en place nonobstant le fait que On exerce une profession avec certaines normes, il faudra s'adapter. C'est la question de la capacité d'adaptation de chacun dans sa propre profession et de ne pas rester arcbouté sur des normes, souvent excessivement administratives, et qui finissent par faire loi. Un troisième levier, nous l'avons déjà abordé ensemble, il est tout à fait essentiel, c'est la question de l'écoute, la question de l'écoute des personnes. de leurs besoins. Et si on n'entend pas de manière attentive les besoins des personnes, alors on passe à côté de ces besoins. Et on imagine que les réponses peuvent venir d'ailleurs, du coup elles sont hors sol, elles sont un peu désincarnées et elles ne répondent pas aux véritables besoins. Ce que vous disiez tout à l'heure, l'heure du lever, l'heure du coucher, l'organisation de la journée, ça ne procède pas de l'administration, seulement ça procède du besoin des personnes, d'une écoute attentive des personnes et c'est très important. Moi j'ai une double posture quand je vous dis ça. J'ai la posture de celui qui travaille sur ces questions, qui essaie de formaliser un certain nombre de savoirs que je vais toujours chercher dans les situations et puis j'ai la posture de père dans la mesure où je suis père d'une jeune femme polyhandicapée. Donc je vous parle aussi de l'intérieur. Je ne vous parle pas simplement de la posture du chercheur, c'est pour ça que je suis très attaché au croisement des expertises. Vous l'avez compris, et notamment dans le dernier de mes ouvrages, "la fragilité de source" parle de cette question, parce que la fragilité de ma fille m'a appris tout cela. Je ne me tire pas d'un ailleurs improbable, mais elle m'a appris cela. Et donc il y a là un levier très important à travers cette reconnaissance de la parole. en première personne. Je pourrais ajouter d'autres leviers, parmi lesquels, mais pour ne pas être trop long, je m'arrêterai là, parmi lesquels les médias. Les médias dans notre société n'ont jamais eu autant de pouvoir dans l'histoire des hommes. Le pouvoir des médias est considérable. Quelle image véhiculent-t-il ? Alors, on a parlé de la question de la place des personnes, on a parlé ensemble de la question de la reconnaissance des capacités, de la question de la parole. Mais les médias peuvent avoir une action déterminante. On voit bien comment, notamment sur les jeunes, mais plus que sur les jeunes, ce qui se dit dans les médias a une empreinte forte. Et quelle image donnent les médias ? Et quand je dis les médias, c'est au sens le plus large. C'est-à-dire, c'est les réseaux sociaux numériques, c'est les médias écrits, c'est les médias audiovisuels, c'est tout le monde de la communication. Comment communique-t-on sur ces questions ? Et comme cette question... la communication prend toujours plus d'ampleur. On voit comment ça pourrait changer les choses. Alors vous voyez, le cinéma fait quelques efforts. Il y a eu quelques films un peu marquants qui ont amené au cinéma des personnes qui n'y allaient pas quand il s'agissait de handicap. C'est par exemple Intouchables qui a fait date. Aujourd'hui, il y a un petit truc en plus. Même si ce ne sont pas des films parfaits. en soi. Bien sûr, ils ont quand même le mérite de dire, voilà, ça, ça existe, ce sont des situations. Et ça conduit les gens à ouvrir un peu les yeux, à dessiner les yeux qui sont souvent excessivement verrouillés sur ces questions. On a un travail, vraiment qui relève d'un défi face à des obscurantismes persistants. Il y a des obscurantismes qui n'ont jamais été levés sur la question du handicap. Et du coup l'histoire du handicap est une histoire assez affligeante de mise à l'écart, d'incompréhension, de disqualification, de mise au banc de la société. Et les siècles qui viennent, le nôtre, ceux qui viendront après nous, s'honorerait à déclencher ce que j'appelle une sorte de mouvement des Lumières. parce que les Lumières, c'est un mouvement philosophique qui a traversé l'Europe au XVIIIe. Il y a eu des Lumières sur la question de la liberté, sur la question de l'autonomie, mais il n'y a pas eu encore, il y a encore à faire des Lumières sur la question du handicap. Beaucoup de gens ne savent pas. Alors, ce ne sont pas toujours des gens mal inspirés. La question n'est pas là. Je ne pense pas que ce soit surtout la mauvaise inspiration. C'est que les gens ne savent pas. Alors, ils fantasment. Ils passent à côté des réalités humaines.
- Jenny
Moi j'ai remarqué que c'est beaucoup d'ignorance, c'est ce que j'ai ressenti.
- Charles Gardou
Beaucoup d'ignorance et des ignorances qui agissent au quotidien.
- Jenny
Et c'est d'ailleurs pour ça que je fais ce podcast, pour que justement les gens se rendent compte de notre vie et voient qu'on n'est pas différent en fait, qu'on n'est pas en marge du tout, on est des êtres humains avec des désirs, des besoins, et voilà, des fois il ne suffit pas grand-chose pour rendre notre quotidien très agréable.
- Charles Gardou
C'est ça. À partir du moment où on se sent aussi relié à l'autre, Ça change les choses. Et quand on se sent délié, quand on sent que les autres nous regardent de haut, nous regardent de loin, ça creuse des formes de solitude qui versent vers l'isolement, l'impression d'être seul au milieu d'une foule qui ne comprend pas. Et ça, c'est toute la question de la fraternité. Alors, quand on pense la société que l'on veut, en fait, on a le socle. Allons pas chercher plus loin. On a un triptyque. Liberté, égalité, fraternité. Et ce qu'on tente à oublier souvent, c'est la troisième dimension du triptyque, c'est la question de la fraternité. Il n'est pas de société qui ne soit fraternelle, sinon la société est une coquille vide. Ça suppose une fraternité parce qu'on partage le même destin. La question se pose en ces termes. Nous partageons le même destin, quel que soit... les blessures que nous portons dans notre corps, dans notre psyché ou dans notre esprit. Et ça, cette dimension de la fraternité, elle tente à être occultée. Alors elle tente à être occultée à l'intérieur d'une société, et elle tente à être occultée dans le monde aussi. Vous voyez ce qui se passe, on considère que des gens qui vivent derrière la frontière, finalement sont étrangers, sont étranges, et ils ne ressentiraient pas les mêmes souffrances que nous. Vous voyez le drame des migrants qui poussent à nos frontières et que l'on chasse, qui finissent au fond de la mer, dont on compte le nombre, et on finit par oublier leur visage, leur souffrance, leur désarroi, etc.
- Jenny
On ne se dit même pas comment on serait nous si on était à leur place. C'est ça qui est incroyable, c’est que... Certes, on est tous différents, mais en même temps, est-ce que nous, on n'agirait pas pareil si on était à leur place ? Moi, souvent, ce que je fais, et ça éveille beaucoup les consciences, je dis toujours à une personne, "imaginez, vous vous êtes cassé la jambe, vous ne pouvez pas bouger du fauteuil pendant tout un mois, on va dire, et vous avez quelqu'un qui intervient chez vous. Est-ce que vous accepteriez tout ce que vous venez de me dire ? Ah mais je ne veux pas faire ça, je ne veux pas faire ça, je ne veux pas faire ça. Tout ce que soi-disant oon vous apprend l'école d'assistante de vie". Et la plupart me disent, ben non, on n'accepterait pas. Je dis, ben pourquoi vous voulez me le faire subir ? C'est pareil, là en ce moment, j'utilise beaucoup ce terme, parce que les gens ont du mal à comprendre que les personnes handicapées soient très exigeantes. Il faut savoir qu'on a des personnes chez nous presque H24. Donc, il faut supporter déjà quelqu'un H24, quelqu'un qui pense différemment de nous, qui n'est pas dans la même unité familiale que nous. Et je leur explique souvent, imaginez, parce qu'on parle toujours du mauvais rôle de la belle-mère. Désolée pour les belles-mères, mais voilà. Imaginez votre belle-mère, vous ne la supportez pas. Et elle vit H24 chez vous, tout le temps. Et au bout d'un moment, qu'est-ce que vous allez faire ? Soit ça va imploser à l'intérieur, soit ça va exploser votre foyer. Et c’est ce que je veux expliquer, en fait, quand on est très exigeant, c'est tout simplement qu'au bout d'un moment, ça nous impacte, nous, dans notre foyer, la réaction de la personne qui nous accompagne. Et là, ça éclaire tout de suite les consciences. En fait, je pense que... Les personnes ne se mettent pas à la situation des autres pour mieux comprendre ce que l'on peut vivre. Alors, je ne dis pas qu'il faut tout accepter, mais on peut trouver des compromis chacun de notre côté. Ou alors, on s'écarte et on dit non, ce n'est pas pour nous
- Charles Gardou
Tout à fait. Là, vous touchez le cœur de l'affaire, c'est la capacité à se transporter à minima vers l'autre pour essayer de comprendre ce qu'il vit. de manière à se mettre à proximité de lui. C'est tout un travail. C'est pour ça que quand on est trop à distance des questions, on est capable de les expliquer. on n'est pas capable de les comprendre, c'est-à-dire de les prendre avec soi. Le défi, il est là. L'individualisme conduit à un éloignement de l'autre. C'est-à-dire qu'on reste sur son compte à soi, quand je dis finalement que l'autre est très exigeant, mais c'est un jugement de valeur. On est loin de la compréhension de ce qu'il vit. Effectivement, quand du matin au soir, on est complètement dépendant de l'autre, ça impose aussi, c'est pas simplement une exigence ça impose aussi beaucoup de contraintes. Et là, il y a un système de double peine que vous vivez et que vivent tant de personnes. Double peine, c'est-à-dire d'être en difficulté et en même temps de se sentir coupable en permanence d'exigences particulières. Et cette dimension renvoie à quelque chose de très souffrant et de très inacceptable.
- Jenny
J'adore en fait vous parler parce que j'ai l'impression de... C'est quand même assez rare que quelqu'un qui n'a pas le handicap comprenne à ce point ce que l'on peut vivre et mettre des mots. Parce qu'en fait, vous avez mis beaucoup de mots sur ce que finalement, je ressens au quotidien.
- Charles Gardou
Vous savez, il n'y a pas de secret. à cela. Tout ce que j'ai pu dire, écrire, ne procède pas de moi. Je l'ai appris auprès des personnes comme vous, qui ont un savoir infiniment précieux, et je me... souvent, dess fratries avec des parents, avec des personnes, etc. Le monde, c'est un travail d'immersion. C'est un travail d'immersion, et puis ma vie personnelle et familiale m'a conduit aussi à cela. Je considère que tout ce que j'ai pu faire, je le dois. Je le dois au savoir de l'intérieur. Ça ne peut pas tomber d'en haut, ça ne peut pas se penser seul. Et là aussi, la dimension de la pensée est en interdépendance avec les autres. Et donc, moi, par rapport à ce que vous êtes, ce que vous faites, je n'ai que des remerciements à vous faire, parce que c'est vous qui éclairez la lanterne, qui est souvent éteinte chez beaucoup d'entre nous. C'est beaucoup d'entre nous. Alors, vous voyez, c'est une dimension de don et de contre-don. Là aussi, il faut comprendre, ce que vous donnez, on vous le doit en contre-don. Et c'est comme ça que la vie d'une société peut s'organiser. Ça ne peut pas être un savoir froid. Et dans notre culture, on a tendance à séparer le rationnel, l'intelligence et le sensible. La dimension du handicap, ça a obligatoirement une dimension sensible, qui ne va pas contre le rationnel, mais qui rend ce rationnel humain et humanisé.
- Jenny
Écoutez, M. Gardou, je vous remercie beaucoup. pour votre intervention. C'était vraiment très, très inspirant.
- Charles Gardou
C'est moi qui vous remercie infiniment de votre confiance et de tout ce que vous apportez à cette question par votre vie, par votre exemplarité et par vos projets. Alors, je vous redis que vos projets sont très, très beaux. C'est notamment le projet d'accessibilité des véhicules, qui est la dimension de l'aller et venir d'une société, elle est essentielle. Si on ne peut pas aller et venir, en quelque sorte, on est prisonnier. Le projet est très très beau, et je souhaite qu'on constructeur puisse relayer ce projet et le prendre en compte. Ça serait tout à fait bien.
- Jenny
J'espère, j'aimerais vraiment, franchement j'aimerais.
- Charles Gardou
Tout à fait. Merci beaucoup beaucoup à vous, et au plaisir.
- Jenny
Chers auditeurs, j'espère que ce podcast vous a plu. Comme vous avez pu le constater, je m'excuse car j'ai été très malade lors de l'interview, d'où ma voix quelque peu éraillée. Le plus important était d'entendre le discours de M. Gardou, qui a été vraiment très instructif.
J'espère que ce dernier épisode de Bulles de Vie vous a enchanté. Votre avis est précieux, alors n'hésitez pas à partager vos réflexions et commentaires sur la plateforme où vous suivez ce podcast. De plus, je vous encourage chaleureusement à faire découvrir cette expérience à vos proches, afin qu'eux aussi puissent s'ouvrir au monde du handicap. J'ai hâte de vous retrouver très bientôt pour un nouvel épisode de Bulles de Vie. Restez à l'écoute et continuons ensemble à créer un monde où chacun est traité avec équité et considération. À bientôt !