Chine, Iran, Russie : la campagne Trump-Harris est-elle sous influence étrangère ? - avec Romuald Sciora cover
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C'est ça l'Amérique

Chine, Iran, Russie : la campagne Trump-Harris est-elle sous influence étrangère ? - avec Romuald Sciora

Chine, Iran, Russie : la campagne Trump-Harris est-elle sous influence étrangère ? - avec Romuald Sciora

21min |23/10/2024|

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Les élections américaines s’annoncent serrées. De quoi donner des idées aux puissances étrangères. Cette année, la Russie, l’Iran et la Chine mènent des campagnes d’influence pour peser sur le cours du scrutin du 5 novembre.


Épisode 7/8 :


Images et sons générés par intelligence artificielle (IA), fausses informations propagées sur les réseaux sociaux, sites d’informations mensongers créés à l’aide de l’outil ChatGPT : les tentatives de manipulation sont nombreuses et multiformes. De nombreuses puissances étrangères, comme la Chine, l’Iran ou la Russie, en attendent l’issue avec impatience, pour déterminer la suite de leurs relations avec les États-Unis. Et peuvent tenter d’en influencer le résultat.


Quels sont leurs objectifs ? Ont-elles les moyens de faire basculer l’élection dans un camp comme dans l’autre ? Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, a posé ces questions à Romuald Sciora, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de "L’Amérique éclatée. Plongée au cœur d’une nation en déliquescence", un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Colin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala, je vous remercie de votre soutien. Parce que je crois que tout le monde a le droit à la sécurité, à la dignité.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024.

  • Speaker #0

    Et je sais où est l'Union des États-Unis. Kamala,

  • Speaker #1

    vous êtes finie ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Nous sommes en janvier 2024, les primaires de New Hampshire, un état du nord-est, battent leur plein pour désigner le candidat du parti démocrate à la présidentielle. Soudain, les électeurs reçoivent un appel surprenant, un message automatisé qui semble provenir de Joe Biden et qui leur enjoint de ne pas aller voter. Même ton, même débit, La voix est identique à celle du président. En réalité, elle a été produite par intelligence artificielle dans le but de fausser ce scrutin. L'Américain qui en est à l'origine, un consultant politique, a été frappé d'une amende de 6 millions de dollars et de 13 chefs d'inculpation au pénal. Ce cas illustre la menace que peuvent représenter les nouvelles technologies de communication pour les campagnes électorales de 2024. Dans ce septième et avant-dernier épisode de ces Salles Amériques, on s'intéresse à l'ingérence pratiquée au moyen de ces technologies par des puissances étrangères dans les élections actuelles. Trois États sont pointés du doigt par les autorités américaines cette année, la Russie, la Chine et l'Iran. Images et sons générés par intelligence artificielle Fausse information propagée sur les réseaux sociaux, site d'informations mensongers créés à l'aide de l'outil ChatGPT, leurs tentatives de manipulation sont multiformes. Quels sont leurs objectifs ? Peuvent-elles faire basculer l'élection dans un camp comme dans l'autre ? J'ai posé ces questions à Romuald Sciorra, chercheur associé à l'IRIS, l'Institut des relations internationales et stratégiques, et auteur de L'Amérique éclatée un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Collin.

  • Speaker #2

    Bonjour Romuald Seurat.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    On a parlé en introduction de toutes ces tentatives d'ingérence de la part de différents États, la Chine, la Russie bien entendu, l'Iran maintenant. Est-ce que finalement, comme on dit aux États-Unis, c'est the new normal la nouvelle normalité d'avoir des États étrangers qui essayent de peser sur l'issue du scrutin des élections présidentielles ou d'autres élections ici ?

  • Speaker #3

    Oui, on peut le dire, mais vous savez, rien de nouveau sous le soleil. Je pense que l'ingérence au sens... ou vous l'entendez aujourd'hui, au sens où nous en parlons dans ce podcast, est quelque chose qui est né, je dirais, après la Révolution française. Les premiers agents d'ingérence ont été des conventionnels français mis au service de la Convention de la Première République et qui avaient pour objectif, non pas à l'époque, d'aider à traficoter le résultat de potentielles élections, puisqu'il n'y avait pas d'élections démocratiques dans les pays européens, mais d'influencer les décisions de certains ministères, de certains dirigeants, via ce que l'on n'appelait pas encore des fake news. Durant le XIXe siècle, cela a continué, l'ingérence du Royaume-Uni dans les élections américaines. Rappelons-nous d'une certaine forme d'ingérence à l'occasion de l'élection de 1860. Il y a eu deux ingérences historiques dont on se souvient, qui sont assez remarquables. Celle de l'élection de 1856, qui avait opposé, à l'époque ce n'était pas encore les Républicains, mais des conservateurs et des progressistes, entre guillemets, aux États-Unis, mais surtout des personnes, une personnalité favorable à l'Union et un candidat qui était pour plus d'autonomie pour les États esclavagistes. Et à l'époque déjà, Londres avait financé en sous-main et dans l'ombre le candidat pro-esclavagiste. car ils avaient besoin, évidemment, de certains partenariats avec les États du Sud, le coton, etc. Et la chose s'est reproduite en 1860 d'une manière encore plus importante. Donc je ne dirais rien de nouveau sous le soleil. Et les États-Unis, qui sont un pays que j'aime et où je vis, devraient plutôt regarder un petit peu à leur porte au lieu d'accuser en permanence d'autres États qui, effectivement, pratiquent l'ingérence. Mais les États-Unis sont, je crois, les champions du monde en ce qui est de l'ingérence. électorale à travers différents pays de la planète. Ce qui, évidemment, en ce qui concerne les élections qui sont tenues sur le territoire américain, ce qui, évidemment, attire l'attention et inquiète, c'est que nous parlons de la plus grande démocratie au monde, non pas en taille, puisque c'est l'Inde, mais j'entends en tant qu'importance politique et géopolitique, et que celle-ci est, comme vous le savez très bien, fragilisée. Rien ne nous garantit que nous n'allons pas... d'ici quelques années, non pas une dictature, mais un régime similaire à celui de Viktor Orban ou d'Erdogan en Turquie. Donc bref, évidemment, toute ingérence lors des élections américaines revêt une importance et un intérêt supérieur à une ingérence américaine lors d'élections locales en Irak.

  • Speaker #2

    Ce sont des élections qui sont potentiellement faciles. à faire basculer puisque ce sont des scrutins aux États-Unis qui sont, on le voit encore cette année, qui sont très serrés, qui se jouent véritablement dans un petit nombre d'États avec parfois quelques milliers de voix de différence.

  • Speaker #3

    Plus facile, effectivement, qu'une élection qui ne se jouerait pas à une marge... Si bien j'entendais un commentateur, je ne sais plus où, qui disait avec un petit peu d'humour, mais c'est vrai que le Hezbollah libanais pourrait décider de l'élection. C'est-à-dire, comme vous le savez, il y a beaucoup de Libanais chites qui vivent dans le Michigan et on s'en doute, ils ne sont pas très partants pour supporter l'administration Biden-Harris. Et comme l'élection dans le Michigan pourrait se jouer à quelques milliers de voix, voire peut-être moins, il se pourrait bien, et le commentateur parlait de cela avec humour, mais néanmoins c'est une réalité concrète, il se pourrait bien que des supporters du Hezbollah fassent la différence et l'élection dans le Michigan. Et sans le Michigan, sans la Pennsylvanie, etc., etc., Kamala Harris ne pourra pas remporter l'élection. Donc oui, et il est très facile de pratiquer une forme d'ingérence dans des élections. qui, même si elles sont nationales, sont sous un certain aspect local et qui se jouent dans un bouffoir de poche.

  • Speaker #2

    On a beaucoup parlé en 2016 de la tentative d'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle. Aujourd'hui, il y a d'autres acteurs qui font leur apparition. On parle de la Chine, on parle de l'Iran.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elles recherchent, ces trois puissances ? Pourquoi est-ce qu'on voit l'Iran, la Chine, rejoindre en quelque sorte le bal de ces États qui essayent de changer le cours des élections aux États-Unis ?

  • Speaker #3

    On pourrait parler d'une forme d'alliance qui rappelle un petit peu la Sainte Alliance. Vous savez, la Sainte Alliance qui a été créée après la guerre napoléonienne, qui avait pour objectif de protéger les puissances conservatrices d'Europe, l'Autriche, le Royaume-Uni, la France de la restauration, etc., l'Espagne, etc., contre de possibles mouvements révolutionnaires, etc. Et la Sainte Alliance a relativement réussi son job pendant... pendant une bonne cinquantaine d'années. Donc c'est un peu quelque chose de similaire qui se crée, non pas spécialement au niveau de ce que l'on appelle le sud global, mais plutôt avec des régimes plus ou moins autoritaires, que ce soit la Russie, que ce soit la Chine, que ce soit la Turquie d'un certain côté, même si elle fait pourtant partie de l'OTAN et normalement de l'Alliance occidentale, bien évidemment l'Iran, et je ne parle pas évidemment de régimes absolument dictatoriaux comme la Corée du Nord. Donc ces différents États ont un intérêt. commun à déstabiliser l'Occident en général, mais essentiellement la grande puissance occidentale. Aujourd'hui, l'objectif de ces pays n'est pas seulement de voir arriver au pouvoir un candidat qui répondrait à leurs attentes. On sait tous que Poutine préférerait voir Trump accéder à la présidence comme Netanyahou. Mais cela ne se réduit plus uniquement à cela en ce qui concerne en tout cas des grands pays comme la Chine, la Russie ou même l'Inde. C'est plutôt une volonté de déstabilisation de l'Occident. Nous sommes, comme vous le savez, entrés dans un processus de désoccidentalisation du monde. Et ces puissances ont tout intérêt, et on peut les comprendre si on se met à la place, à voir ce mouvement s'accélérer. Donc, chaque fois qu'ils pourront s'ingérer dans des élections afin de déstabiliser un candidat qui, certes, ne répond pas à leurs attentes, mais aussi un candidat qui pourrait, selon... leur analyse ralentir ce processus de déliquescence de l'influence occidentale à travers le monde, ils mettront toute leur influence en marche afin de pouvoir obtenir une ingérence qui fonctionne dans ce sens.

  • Speaker #1

    Comment au juste ces puissances étrangères font-elles pour peser sur le cours de l'élection ? Elles emploient des méthodes variées. Par exemple, le média d'État russe Russia Today a été accusé d'avoir utilisé l'intelligence artificielle pour créer des vidéos de propagande sur la criminalité et la crise migratoire et pour produire de faux sites d'informations destinés à berner le public. RT a aussi travaillé avec une société de production de contenu américaine basée dans le Tennessee pour encourager les influenceurs conservateurs à diffuser un narratif défavorable à l'Ukraine. Pour sa part, la Chine a créé de faux profils d'électeurs américains sur les réseaux sociaux, comme la plateforme de vidéos TikTok, pour poster des messages sur des sujets qui divisent l'électorat, comme l'avortement et la guerre au Proche-Orient. Des messages critiques de Joe Biden, de Kamala Harris, mais aussi de Donald Trump ont également été diffusés. D'après les experts en cybersécurité, Pékin vise davantage les élections. au Congrès et dans les États fédérés que la course à la Maison-Blanche. Enfin, il y a l'Iran, qui s'est livré à des opérations de piratage contre les équipes de campagne de Donald Trump et de Kamala Harris pour obtenir et diffuser des informations sensibles. Fin septembre, des parlementaires américains ont également indiqué que Téhéran voulait faire assassiner le candidat républicain. L'objectif présumé, venger la mort du général iranien Qassem Soleimani. Tués en 2020 quand Donald Trump était au pouvoir. Rien à ce stade ne permet cependant d'affirmer que les deux tentatives de meurtre visant l'ancien président sont liées à cet effort. Romuald Sciorra, ces campagnes d'influence sont quand même devenues extrêmement créatives, dans le mauvais sens du terme.

  • Speaker #3

    Oui, tout à fait. Mais il n'y a pas que des puissances étrangères qui se servent des nouvelles technologies pour ce genre de choses. Les Américains sont eux-mêmes champions de ce genre de procédés lors des campagnes électorales. Et ils en sont également champions au niveau international. On sait très bien que les Américains se sont servis de ce genre de procédés en Russie à plusieurs reprises, en Inde durant des élections, etc. Mais oui, effectivement, ces nouvelles technologies sont tout à fait effrayantes. On peut demain voir, je crois qu'on a vu récemment quelque chose avec Emmanuel Macron allant dans ce sens, mais on peut voir un chef d'État proclamer tout et n'importe quoi. Et effectivement, il en restera toujours quelque chose. Même si demain, la Maison-Blanche clamera au effort que ce n'est pas le président Joe Biden qui a dit cela, mais une intelligence artificielle qui s'est servie de son image, etc. Il en restera toujours quelque chose. Regardez. Dans un autre contexte, les photos porno de Taylor Swift. On a pourtant la preuve matérielle que ce n'était pas elle qui posait pour ces photos. Vous avez, je crois, entre 30 et 40% des Américains qui sont convaincus que ce sont de réelles photos. Donc il en restera toujours quelque chose. Donc oui, l'intelligence artificielle est évidemment un instrument extraordinaire pour les puissances étrangères ou pour les puissances de l'intérieur qui souhaitent déstabiliser une élection.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait selon vous qu'il en reste quelque chose comme vous dites ? Est-ce qu'il y a aussi une question d'éducation aux médias ? Est-ce qu'il y a aussi une question un peu plus culturelle, un peu plus propre aux États-Unis ? Oui,

  • Speaker #3

    si on compare non pas avec le reste de la communauté internationale mais de l'Occident, oui, il y a d'abord un problème d'éducation majeur aux États-Unis. C'est le pays de l'OCDE où il y a le plus important niveau d'électrisme. C'est le pays occidental où le niveau de l'éducation... est au plus bas. On parle toujours des grandes universités américaines, de l'Ivilly, Harvard, etc. Effectivement, vous avez les meilleures universités au monde aux Etats-Unis. Mais c'est quoi ? Une dizaine d'universités. Malheureusement, les Etats-Unis sont champions du monde dans ce que l'on qualifie un peu péjorativement et méchamment d'université poubelle. Mais il est vrai qu'on retrouve dans de plusieurs Etats des universités dites public où l'accès est néanmoins payant, qui malheureusement bénéficie d'un support financier très faible, d'une faculté pas toujours bien formée, etc. Donc il y a à la base un problème éducationnel aux États-Unis. Donc il y a un problème d'appréhension de la politique en général, un problème d'appréhension du réel et donc effectivement une partie du grand public. à un problème pour appréhender ce qui est vrai, ce qui ne l'est pas, etc. Mais je pense que cela se retrouve aujourd'hui malheureusement également en Europe.

  • Speaker #2

    Est-ce que d'une certaine manière il est devenu plus facile de faire basculer une élection quand on a une puissance étrangère ? On sait par exemple que la Russie a travaillé indirectement avec des influenceurs américains, conservateurs, à qui on a donné en quelque sorte des éléments de langage pour défendre la campagne russe en Ukraine. Je me demandais si, selon vous, il était,

  • Speaker #1

    compte tenu du paysage médiatique,

  • Speaker #2

    compte tenu du terreau culturel et éducatif dont vous avez parlé, si finalement il n'était pas plus facile qu'avant de faire basculer une élection aux États-Unis.

  • Speaker #3

    Bien évidemment, et cela pour plusieurs raisons. Déjà parce que les nouvelles technologies facilitent la tâche, mais également les réseaux sociaux. Comme vous le savez, à une époque où chacun ne pouvait pas s'exprimer librement, et c'est une bonne chose, mais le côté sombre de tout cela, c'est que chacun peut aider à promouvoir toute bêtise ou tout mensonge, etc. Il y a encore 30 ans, si une fake news vraiment grosse est... été proférée, celle-ci avait du mal à circuler auprès de la population. Les grands médias ne l'auraient évidemment jamais relayée. Aujourd'hui, le premier Uberlu venu peut évidemment reporter cette fake news sur ses réseaux sociaux. Et de fil en aiguille, vous avez des millions de personnes qui vont faire la même chose et qui vont y croire. Donc oui, aujourd'hui, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, facilitent la tâche des États qui souhaitent déstabiliser une élection dans un pays. comme on vient de le dire, les États-Unis, où une grande partie de la population est en quelque sorte plus crédule que dans d'autres pays occidentaux, de par un manque d'éducation, de par un manque d'appréhension à l'information, et donc une population plus facile à berner malheureusement. Vous savez, la démocratie en Occident connaît une crise sans précédent. Un philosophe français avait parlé de la parenthèse démocratique dans les années 80. Je pense que l'avenir pourrait peut-être lui donner raison. Et l'ingérence des puissances étrangères, essentiellement en provenance de pays au régime autoritaire, ne fait qu'accélérer ce processus et la déliquescence de la démocratie en Occident, d'autant plus qu'une grande partie, voire la majorité de la société civile américaine... fait partie de ceux qui, si ce ne sont ceux qui sont à la base, en tout cas de ceux qui relaient ces fake news. N'oublions pas que l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, est quand même un colporteur de fake news comme on n'en invente pas. Et il est aujourd'hui le principal soutien de l'ancien président des Etats-Unis et de quelqu'un qui a toute chance d'être réélu dans moins d'un mois. Nous en sommes quand même arrivés aux Etats-Unis à... considérer très sérieusement, quelle que soit notre position politique, conservateur, progressiste, républicain, démocrate, comme normal que le candidat à la présidence du parti républicain, potentiel président dans quelques mois, soit un homme qui, il y a quelques années, a ouvertement appelé ses partisans à marcher contre le Congrès des États-Unis. Nous n'aurions jamais cru, il y a une dizaine d'années, qu'une telle chose serait possible. Si on m'avait dit cela il y a dix ans, si on m'avait parlé d'un président qui aurait appelé ses supporters à marcher contre le Parlement américain, j'aurais dit bon, cet homme aura sans doute, suite à cela, été arrêté, en tout cas, il ne pourra jamais se représenter face aux Américains, il ne sera jamais soutenu par le peuple états-unien Aujourd'hui, la moitié du... peuple américain le soutient, la moitié peut-être un peu plus, un peu moins, on verra ça début novembre, et l'autre moitié ne se révolte pas vraiment.

  • Speaker #2

    Vous êtes plus inquiet, vous, aujourd'hui, de l'impact de ces campagnes d'influence, de désinformation qu'en 2016 ou même qu'en 2020 ?

  • Speaker #3

    Oui et non. Sur le résultat de l'élection, pour moi, c'est à peu près la même chose. Mais sur le moyen et long terme, en ce qui concerne la démocratie américaine, oui, je suis très inquiet. Je fais partie des personnes qui pensent très sérieusement que la démocratie américaine est en état de déliquescence et qu'il y a de fortes chances. Si Trump est élu, je suis convaincu que d'ici deux ans, nous connaîtrons un régime non pas dictatorial, il faut arrêter le sensationnalisme, mais un régime semblable à celui de Viktor Orban. en Hongrie et que même si Trump perd l'élection, ce que à titre personnel je souhaite, les choses ne seront que repoussées. Je crains qu'une présidence Kamala Harris ne soit qu'une nouvelle parenthèse comme l'ont été selon moi les présidences Obama et Biden dans ce long processus de déliquescence de la démocratie américaine qui a commencé avec la vague ultra-conservatrice des années 90 et non pas celle des années 80. Ronald Reagan c'était quelque chose de très très différent. Je... pense sincèrement que si Kamel Harris est élu et si il n'y a pas de la part de son administration une réaction très forte afin de tenter d'arrêter ce processus de dédicace je crains que d'ici 10, 15, 20 ans la démocratie américaine telle que nous la connaissons ne soit plus qu'un souvenir.

  • Speaker #2

    Ce sera la transition parfaite pour notre dernier épisode qui portera justement sur la santé de cette démocratie américaine. Merci beaucoup Romuald Sura.

  • Speaker #1

    Comme on l'a vu en début d'épisode, les tentatives de manipulation ne sont pas que le fait d'acteurs étrangers. En août dernier, Donald Trump a partagé une image créée par intelligence artificielle montrant la méga star de la chanson Taylor Swift déguisée en oncle Sam et enjoignant ses millions de fans à voter pour le candidat républicain. Alors que la vraie Taylor Swift soutient Kamala Harris. Le think tank... Brookings Institution rappelle que 58% des Américains entre 18 et 43 ans disent, dans de récents sondages, avoir été dupés par des fake news générées par IA. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour la conclusion de cette troisième saison.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia.

Chapters

  • Les ingérences étrangères dans des élections sont-elles devenues une nouvelle normalité ?

    03:05

  • Les élections aux Etats-Unis sont-elles potentiellement plus faciles à faire basculer ?

    06:07

  • Pourquoi des pays comme la Chine, la Russie ou l'Iran essayent-ils d'influencer le cours des élections ?

    07:30

  • En quoi les nouvelles technologies facilitent-elles les tentatives d'ingérences étrangères ?

    11:57

  • Y-a-t-il un problème d'éducation aux médias aux États-Unis ?

    13:24

  • Est-il devenu plus facile pour une puissance étrangère de faire basculer une élection ?

    15:03

  • Etes-vous très inquiet de l'impact que pourraient avoir ces campagnes de désinformation ?

    18:53

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Les élections américaines s’annoncent serrées. De quoi donner des idées aux puissances étrangères. Cette année, la Russie, l’Iran et la Chine mènent des campagnes d’influence pour peser sur le cours du scrutin du 5 novembre.


Épisode 7/8 :


Images et sons générés par intelligence artificielle (IA), fausses informations propagées sur les réseaux sociaux, sites d’informations mensongers créés à l’aide de l’outil ChatGPT : les tentatives de manipulation sont nombreuses et multiformes. De nombreuses puissances étrangères, comme la Chine, l’Iran ou la Russie, en attendent l’issue avec impatience, pour déterminer la suite de leurs relations avec les États-Unis. Et peuvent tenter d’en influencer le résultat.


Quels sont leurs objectifs ? Ont-elles les moyens de faire basculer l’élection dans un camp comme dans l’autre ? Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, a posé ces questions à Romuald Sciora, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de "L’Amérique éclatée. Plongée au cœur d’une nation en déliquescence", un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Colin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala, je vous remercie de votre soutien. Parce que je crois que tout le monde a le droit à la sécurité, à la dignité.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024.

  • Speaker #0

    Et je sais où est l'Union des États-Unis. Kamala,

  • Speaker #1

    vous êtes finie ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Nous sommes en janvier 2024, les primaires de New Hampshire, un état du nord-est, battent leur plein pour désigner le candidat du parti démocrate à la présidentielle. Soudain, les électeurs reçoivent un appel surprenant, un message automatisé qui semble provenir de Joe Biden et qui leur enjoint de ne pas aller voter. Même ton, même débit, La voix est identique à celle du président. En réalité, elle a été produite par intelligence artificielle dans le but de fausser ce scrutin. L'Américain qui en est à l'origine, un consultant politique, a été frappé d'une amende de 6 millions de dollars et de 13 chefs d'inculpation au pénal. Ce cas illustre la menace que peuvent représenter les nouvelles technologies de communication pour les campagnes électorales de 2024. Dans ce septième et avant-dernier épisode de ces Salles Amériques, on s'intéresse à l'ingérence pratiquée au moyen de ces technologies par des puissances étrangères dans les élections actuelles. Trois États sont pointés du doigt par les autorités américaines cette année, la Russie, la Chine et l'Iran. Images et sons générés par intelligence artificielle Fausse information propagée sur les réseaux sociaux, site d'informations mensongers créés à l'aide de l'outil ChatGPT, leurs tentatives de manipulation sont multiformes. Quels sont leurs objectifs ? Peuvent-elles faire basculer l'élection dans un camp comme dans l'autre ? J'ai posé ces questions à Romuald Sciorra, chercheur associé à l'IRIS, l'Institut des relations internationales et stratégiques, et auteur de L'Amérique éclatée un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Collin.

  • Speaker #2

    Bonjour Romuald Seurat.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    On a parlé en introduction de toutes ces tentatives d'ingérence de la part de différents États, la Chine, la Russie bien entendu, l'Iran maintenant. Est-ce que finalement, comme on dit aux États-Unis, c'est the new normal la nouvelle normalité d'avoir des États étrangers qui essayent de peser sur l'issue du scrutin des élections présidentielles ou d'autres élections ici ?

  • Speaker #3

    Oui, on peut le dire, mais vous savez, rien de nouveau sous le soleil. Je pense que l'ingérence au sens... ou vous l'entendez aujourd'hui, au sens où nous en parlons dans ce podcast, est quelque chose qui est né, je dirais, après la Révolution française. Les premiers agents d'ingérence ont été des conventionnels français mis au service de la Convention de la Première République et qui avaient pour objectif, non pas à l'époque, d'aider à traficoter le résultat de potentielles élections, puisqu'il n'y avait pas d'élections démocratiques dans les pays européens, mais d'influencer les décisions de certains ministères, de certains dirigeants, via ce que l'on n'appelait pas encore des fake news. Durant le XIXe siècle, cela a continué, l'ingérence du Royaume-Uni dans les élections américaines. Rappelons-nous d'une certaine forme d'ingérence à l'occasion de l'élection de 1860. Il y a eu deux ingérences historiques dont on se souvient, qui sont assez remarquables. Celle de l'élection de 1856, qui avait opposé, à l'époque ce n'était pas encore les Républicains, mais des conservateurs et des progressistes, entre guillemets, aux États-Unis, mais surtout des personnes, une personnalité favorable à l'Union et un candidat qui était pour plus d'autonomie pour les États esclavagistes. Et à l'époque déjà, Londres avait financé en sous-main et dans l'ombre le candidat pro-esclavagiste. car ils avaient besoin, évidemment, de certains partenariats avec les États du Sud, le coton, etc. Et la chose s'est reproduite en 1860 d'une manière encore plus importante. Donc je ne dirais rien de nouveau sous le soleil. Et les États-Unis, qui sont un pays que j'aime et où je vis, devraient plutôt regarder un petit peu à leur porte au lieu d'accuser en permanence d'autres États qui, effectivement, pratiquent l'ingérence. Mais les États-Unis sont, je crois, les champions du monde en ce qui est de l'ingérence. électorale à travers différents pays de la planète. Ce qui, évidemment, en ce qui concerne les élections qui sont tenues sur le territoire américain, ce qui, évidemment, attire l'attention et inquiète, c'est que nous parlons de la plus grande démocratie au monde, non pas en taille, puisque c'est l'Inde, mais j'entends en tant qu'importance politique et géopolitique, et que celle-ci est, comme vous le savez très bien, fragilisée. Rien ne nous garantit que nous n'allons pas... d'ici quelques années, non pas une dictature, mais un régime similaire à celui de Viktor Orban ou d'Erdogan en Turquie. Donc bref, évidemment, toute ingérence lors des élections américaines revêt une importance et un intérêt supérieur à une ingérence américaine lors d'élections locales en Irak.

  • Speaker #2

    Ce sont des élections qui sont potentiellement faciles. à faire basculer puisque ce sont des scrutins aux États-Unis qui sont, on le voit encore cette année, qui sont très serrés, qui se jouent véritablement dans un petit nombre d'États avec parfois quelques milliers de voix de différence.

  • Speaker #3

    Plus facile, effectivement, qu'une élection qui ne se jouerait pas à une marge... Si bien j'entendais un commentateur, je ne sais plus où, qui disait avec un petit peu d'humour, mais c'est vrai que le Hezbollah libanais pourrait décider de l'élection. C'est-à-dire, comme vous le savez, il y a beaucoup de Libanais chites qui vivent dans le Michigan et on s'en doute, ils ne sont pas très partants pour supporter l'administration Biden-Harris. Et comme l'élection dans le Michigan pourrait se jouer à quelques milliers de voix, voire peut-être moins, il se pourrait bien, et le commentateur parlait de cela avec humour, mais néanmoins c'est une réalité concrète, il se pourrait bien que des supporters du Hezbollah fassent la différence et l'élection dans le Michigan. Et sans le Michigan, sans la Pennsylvanie, etc., etc., Kamala Harris ne pourra pas remporter l'élection. Donc oui, et il est très facile de pratiquer une forme d'ingérence dans des élections. qui, même si elles sont nationales, sont sous un certain aspect local et qui se jouent dans un bouffoir de poche.

  • Speaker #2

    On a beaucoup parlé en 2016 de la tentative d'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle. Aujourd'hui, il y a d'autres acteurs qui font leur apparition. On parle de la Chine, on parle de l'Iran.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elles recherchent, ces trois puissances ? Pourquoi est-ce qu'on voit l'Iran, la Chine, rejoindre en quelque sorte le bal de ces États qui essayent de changer le cours des élections aux États-Unis ?

  • Speaker #3

    On pourrait parler d'une forme d'alliance qui rappelle un petit peu la Sainte Alliance. Vous savez, la Sainte Alliance qui a été créée après la guerre napoléonienne, qui avait pour objectif de protéger les puissances conservatrices d'Europe, l'Autriche, le Royaume-Uni, la France de la restauration, etc., l'Espagne, etc., contre de possibles mouvements révolutionnaires, etc. Et la Sainte Alliance a relativement réussi son job pendant... pendant une bonne cinquantaine d'années. Donc c'est un peu quelque chose de similaire qui se crée, non pas spécialement au niveau de ce que l'on appelle le sud global, mais plutôt avec des régimes plus ou moins autoritaires, que ce soit la Russie, que ce soit la Chine, que ce soit la Turquie d'un certain côté, même si elle fait pourtant partie de l'OTAN et normalement de l'Alliance occidentale, bien évidemment l'Iran, et je ne parle pas évidemment de régimes absolument dictatoriaux comme la Corée du Nord. Donc ces différents États ont un intérêt. commun à déstabiliser l'Occident en général, mais essentiellement la grande puissance occidentale. Aujourd'hui, l'objectif de ces pays n'est pas seulement de voir arriver au pouvoir un candidat qui répondrait à leurs attentes. On sait tous que Poutine préférerait voir Trump accéder à la présidence comme Netanyahou. Mais cela ne se réduit plus uniquement à cela en ce qui concerne en tout cas des grands pays comme la Chine, la Russie ou même l'Inde. C'est plutôt une volonté de déstabilisation de l'Occident. Nous sommes, comme vous le savez, entrés dans un processus de désoccidentalisation du monde. Et ces puissances ont tout intérêt, et on peut les comprendre si on se met à la place, à voir ce mouvement s'accélérer. Donc, chaque fois qu'ils pourront s'ingérer dans des élections afin de déstabiliser un candidat qui, certes, ne répond pas à leurs attentes, mais aussi un candidat qui pourrait, selon... leur analyse ralentir ce processus de déliquescence de l'influence occidentale à travers le monde, ils mettront toute leur influence en marche afin de pouvoir obtenir une ingérence qui fonctionne dans ce sens.

  • Speaker #1

    Comment au juste ces puissances étrangères font-elles pour peser sur le cours de l'élection ? Elles emploient des méthodes variées. Par exemple, le média d'État russe Russia Today a été accusé d'avoir utilisé l'intelligence artificielle pour créer des vidéos de propagande sur la criminalité et la crise migratoire et pour produire de faux sites d'informations destinés à berner le public. RT a aussi travaillé avec une société de production de contenu américaine basée dans le Tennessee pour encourager les influenceurs conservateurs à diffuser un narratif défavorable à l'Ukraine. Pour sa part, la Chine a créé de faux profils d'électeurs américains sur les réseaux sociaux, comme la plateforme de vidéos TikTok, pour poster des messages sur des sujets qui divisent l'électorat, comme l'avortement et la guerre au Proche-Orient. Des messages critiques de Joe Biden, de Kamala Harris, mais aussi de Donald Trump ont également été diffusés. D'après les experts en cybersécurité, Pékin vise davantage les élections. au Congrès et dans les États fédérés que la course à la Maison-Blanche. Enfin, il y a l'Iran, qui s'est livré à des opérations de piratage contre les équipes de campagne de Donald Trump et de Kamala Harris pour obtenir et diffuser des informations sensibles. Fin septembre, des parlementaires américains ont également indiqué que Téhéran voulait faire assassiner le candidat républicain. L'objectif présumé, venger la mort du général iranien Qassem Soleimani. Tués en 2020 quand Donald Trump était au pouvoir. Rien à ce stade ne permet cependant d'affirmer que les deux tentatives de meurtre visant l'ancien président sont liées à cet effort. Romuald Sciorra, ces campagnes d'influence sont quand même devenues extrêmement créatives, dans le mauvais sens du terme.

  • Speaker #3

    Oui, tout à fait. Mais il n'y a pas que des puissances étrangères qui se servent des nouvelles technologies pour ce genre de choses. Les Américains sont eux-mêmes champions de ce genre de procédés lors des campagnes électorales. Et ils en sont également champions au niveau international. On sait très bien que les Américains se sont servis de ce genre de procédés en Russie à plusieurs reprises, en Inde durant des élections, etc. Mais oui, effectivement, ces nouvelles technologies sont tout à fait effrayantes. On peut demain voir, je crois qu'on a vu récemment quelque chose avec Emmanuel Macron allant dans ce sens, mais on peut voir un chef d'État proclamer tout et n'importe quoi. Et effectivement, il en restera toujours quelque chose. Même si demain, la Maison-Blanche clamera au effort que ce n'est pas le président Joe Biden qui a dit cela, mais une intelligence artificielle qui s'est servie de son image, etc. Il en restera toujours quelque chose. Regardez. Dans un autre contexte, les photos porno de Taylor Swift. On a pourtant la preuve matérielle que ce n'était pas elle qui posait pour ces photos. Vous avez, je crois, entre 30 et 40% des Américains qui sont convaincus que ce sont de réelles photos. Donc il en restera toujours quelque chose. Donc oui, l'intelligence artificielle est évidemment un instrument extraordinaire pour les puissances étrangères ou pour les puissances de l'intérieur qui souhaitent déstabiliser une élection.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait selon vous qu'il en reste quelque chose comme vous dites ? Est-ce qu'il y a aussi une question d'éducation aux médias ? Est-ce qu'il y a aussi une question un peu plus culturelle, un peu plus propre aux États-Unis ? Oui,

  • Speaker #3

    si on compare non pas avec le reste de la communauté internationale mais de l'Occident, oui, il y a d'abord un problème d'éducation majeur aux États-Unis. C'est le pays de l'OCDE où il y a le plus important niveau d'électrisme. C'est le pays occidental où le niveau de l'éducation... est au plus bas. On parle toujours des grandes universités américaines, de l'Ivilly, Harvard, etc. Effectivement, vous avez les meilleures universités au monde aux Etats-Unis. Mais c'est quoi ? Une dizaine d'universités. Malheureusement, les Etats-Unis sont champions du monde dans ce que l'on qualifie un peu péjorativement et méchamment d'université poubelle. Mais il est vrai qu'on retrouve dans de plusieurs Etats des universités dites public où l'accès est néanmoins payant, qui malheureusement bénéficie d'un support financier très faible, d'une faculté pas toujours bien formée, etc. Donc il y a à la base un problème éducationnel aux États-Unis. Donc il y a un problème d'appréhension de la politique en général, un problème d'appréhension du réel et donc effectivement une partie du grand public. à un problème pour appréhender ce qui est vrai, ce qui ne l'est pas, etc. Mais je pense que cela se retrouve aujourd'hui malheureusement également en Europe.

  • Speaker #2

    Est-ce que d'une certaine manière il est devenu plus facile de faire basculer une élection quand on a une puissance étrangère ? On sait par exemple que la Russie a travaillé indirectement avec des influenceurs américains, conservateurs, à qui on a donné en quelque sorte des éléments de langage pour défendre la campagne russe en Ukraine. Je me demandais si, selon vous, il était,

  • Speaker #1

    compte tenu du paysage médiatique,

  • Speaker #2

    compte tenu du terreau culturel et éducatif dont vous avez parlé, si finalement il n'était pas plus facile qu'avant de faire basculer une élection aux États-Unis.

  • Speaker #3

    Bien évidemment, et cela pour plusieurs raisons. Déjà parce que les nouvelles technologies facilitent la tâche, mais également les réseaux sociaux. Comme vous le savez, à une époque où chacun ne pouvait pas s'exprimer librement, et c'est une bonne chose, mais le côté sombre de tout cela, c'est que chacun peut aider à promouvoir toute bêtise ou tout mensonge, etc. Il y a encore 30 ans, si une fake news vraiment grosse est... été proférée, celle-ci avait du mal à circuler auprès de la population. Les grands médias ne l'auraient évidemment jamais relayée. Aujourd'hui, le premier Uberlu venu peut évidemment reporter cette fake news sur ses réseaux sociaux. Et de fil en aiguille, vous avez des millions de personnes qui vont faire la même chose et qui vont y croire. Donc oui, aujourd'hui, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, facilitent la tâche des États qui souhaitent déstabiliser une élection dans un pays. comme on vient de le dire, les États-Unis, où une grande partie de la population est en quelque sorte plus crédule que dans d'autres pays occidentaux, de par un manque d'éducation, de par un manque d'appréhension à l'information, et donc une population plus facile à berner malheureusement. Vous savez, la démocratie en Occident connaît une crise sans précédent. Un philosophe français avait parlé de la parenthèse démocratique dans les années 80. Je pense que l'avenir pourrait peut-être lui donner raison. Et l'ingérence des puissances étrangères, essentiellement en provenance de pays au régime autoritaire, ne fait qu'accélérer ce processus et la déliquescence de la démocratie en Occident, d'autant plus qu'une grande partie, voire la majorité de la société civile américaine... fait partie de ceux qui, si ce ne sont ceux qui sont à la base, en tout cas de ceux qui relaient ces fake news. N'oublions pas que l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, est quand même un colporteur de fake news comme on n'en invente pas. Et il est aujourd'hui le principal soutien de l'ancien président des Etats-Unis et de quelqu'un qui a toute chance d'être réélu dans moins d'un mois. Nous en sommes quand même arrivés aux Etats-Unis à... considérer très sérieusement, quelle que soit notre position politique, conservateur, progressiste, républicain, démocrate, comme normal que le candidat à la présidence du parti républicain, potentiel président dans quelques mois, soit un homme qui, il y a quelques années, a ouvertement appelé ses partisans à marcher contre le Congrès des États-Unis. Nous n'aurions jamais cru, il y a une dizaine d'années, qu'une telle chose serait possible. Si on m'avait dit cela il y a dix ans, si on m'avait parlé d'un président qui aurait appelé ses supporters à marcher contre le Parlement américain, j'aurais dit bon, cet homme aura sans doute, suite à cela, été arrêté, en tout cas, il ne pourra jamais se représenter face aux Américains, il ne sera jamais soutenu par le peuple états-unien Aujourd'hui, la moitié du... peuple américain le soutient, la moitié peut-être un peu plus, un peu moins, on verra ça début novembre, et l'autre moitié ne se révolte pas vraiment.

  • Speaker #2

    Vous êtes plus inquiet, vous, aujourd'hui, de l'impact de ces campagnes d'influence, de désinformation qu'en 2016 ou même qu'en 2020 ?

  • Speaker #3

    Oui et non. Sur le résultat de l'élection, pour moi, c'est à peu près la même chose. Mais sur le moyen et long terme, en ce qui concerne la démocratie américaine, oui, je suis très inquiet. Je fais partie des personnes qui pensent très sérieusement que la démocratie américaine est en état de déliquescence et qu'il y a de fortes chances. Si Trump est élu, je suis convaincu que d'ici deux ans, nous connaîtrons un régime non pas dictatorial, il faut arrêter le sensationnalisme, mais un régime semblable à celui de Viktor Orban. en Hongrie et que même si Trump perd l'élection, ce que à titre personnel je souhaite, les choses ne seront que repoussées. Je crains qu'une présidence Kamala Harris ne soit qu'une nouvelle parenthèse comme l'ont été selon moi les présidences Obama et Biden dans ce long processus de déliquescence de la démocratie américaine qui a commencé avec la vague ultra-conservatrice des années 90 et non pas celle des années 80. Ronald Reagan c'était quelque chose de très très différent. Je... pense sincèrement que si Kamel Harris est élu et si il n'y a pas de la part de son administration une réaction très forte afin de tenter d'arrêter ce processus de dédicace je crains que d'ici 10, 15, 20 ans la démocratie américaine telle que nous la connaissons ne soit plus qu'un souvenir.

  • Speaker #2

    Ce sera la transition parfaite pour notre dernier épisode qui portera justement sur la santé de cette démocratie américaine. Merci beaucoup Romuald Sura.

  • Speaker #1

    Comme on l'a vu en début d'épisode, les tentatives de manipulation ne sont pas que le fait d'acteurs étrangers. En août dernier, Donald Trump a partagé une image créée par intelligence artificielle montrant la méga star de la chanson Taylor Swift déguisée en oncle Sam et enjoignant ses millions de fans à voter pour le candidat républicain. Alors que la vraie Taylor Swift soutient Kamala Harris. Le think tank... Brookings Institution rappelle que 58% des Américains entre 18 et 43 ans disent, dans de récents sondages, avoir été dupés par des fake news générées par IA. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour la conclusion de cette troisième saison.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia.

Chapters

  • Les ingérences étrangères dans des élections sont-elles devenues une nouvelle normalité ?

    03:05

  • Les élections aux Etats-Unis sont-elles potentiellement plus faciles à faire basculer ?

    06:07

  • Pourquoi des pays comme la Chine, la Russie ou l'Iran essayent-ils d'influencer le cours des élections ?

    07:30

  • En quoi les nouvelles technologies facilitent-elles les tentatives d'ingérences étrangères ?

    11:57

  • Y-a-t-il un problème d'éducation aux médias aux États-Unis ?

    13:24

  • Est-il devenu plus facile pour une puissance étrangère de faire basculer une élection ?

    15:03

  • Etes-vous très inquiet de l'impact que pourraient avoir ces campagnes de désinformation ?

    18:53

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Les élections américaines s’annoncent serrées. De quoi donner des idées aux puissances étrangères. Cette année, la Russie, l’Iran et la Chine mènent des campagnes d’influence pour peser sur le cours du scrutin du 5 novembre.


Épisode 7/8 :


Images et sons générés par intelligence artificielle (IA), fausses informations propagées sur les réseaux sociaux, sites d’informations mensongers créés à l’aide de l’outil ChatGPT : les tentatives de manipulation sont nombreuses et multiformes. De nombreuses puissances étrangères, comme la Chine, l’Iran ou la Russie, en attendent l’issue avec impatience, pour déterminer la suite de leurs relations avec les États-Unis. Et peuvent tenter d’en influencer le résultat.


Quels sont leurs objectifs ? Ont-elles les moyens de faire basculer l’élection dans un camp comme dans l’autre ? Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, a posé ces questions à Romuald Sciora, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de "L’Amérique éclatée. Plongée au cœur d’une nation en déliquescence", un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Colin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala, je vous remercie de votre soutien. Parce que je crois que tout le monde a le droit à la sécurité, à la dignité.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024.

  • Speaker #0

    Et je sais où est l'Union des États-Unis. Kamala,

  • Speaker #1

    vous êtes finie ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Nous sommes en janvier 2024, les primaires de New Hampshire, un état du nord-est, battent leur plein pour désigner le candidat du parti démocrate à la présidentielle. Soudain, les électeurs reçoivent un appel surprenant, un message automatisé qui semble provenir de Joe Biden et qui leur enjoint de ne pas aller voter. Même ton, même débit, La voix est identique à celle du président. En réalité, elle a été produite par intelligence artificielle dans le but de fausser ce scrutin. L'Américain qui en est à l'origine, un consultant politique, a été frappé d'une amende de 6 millions de dollars et de 13 chefs d'inculpation au pénal. Ce cas illustre la menace que peuvent représenter les nouvelles technologies de communication pour les campagnes électorales de 2024. Dans ce septième et avant-dernier épisode de ces Salles Amériques, on s'intéresse à l'ingérence pratiquée au moyen de ces technologies par des puissances étrangères dans les élections actuelles. Trois États sont pointés du doigt par les autorités américaines cette année, la Russie, la Chine et l'Iran. Images et sons générés par intelligence artificielle Fausse information propagée sur les réseaux sociaux, site d'informations mensongers créés à l'aide de l'outil ChatGPT, leurs tentatives de manipulation sont multiformes. Quels sont leurs objectifs ? Peuvent-elles faire basculer l'élection dans un camp comme dans l'autre ? J'ai posé ces questions à Romuald Sciorra, chercheur associé à l'IRIS, l'Institut des relations internationales et stratégiques, et auteur de L'Amérique éclatée un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Collin.

  • Speaker #2

    Bonjour Romuald Seurat.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    On a parlé en introduction de toutes ces tentatives d'ingérence de la part de différents États, la Chine, la Russie bien entendu, l'Iran maintenant. Est-ce que finalement, comme on dit aux États-Unis, c'est the new normal la nouvelle normalité d'avoir des États étrangers qui essayent de peser sur l'issue du scrutin des élections présidentielles ou d'autres élections ici ?

  • Speaker #3

    Oui, on peut le dire, mais vous savez, rien de nouveau sous le soleil. Je pense que l'ingérence au sens... ou vous l'entendez aujourd'hui, au sens où nous en parlons dans ce podcast, est quelque chose qui est né, je dirais, après la Révolution française. Les premiers agents d'ingérence ont été des conventionnels français mis au service de la Convention de la Première République et qui avaient pour objectif, non pas à l'époque, d'aider à traficoter le résultat de potentielles élections, puisqu'il n'y avait pas d'élections démocratiques dans les pays européens, mais d'influencer les décisions de certains ministères, de certains dirigeants, via ce que l'on n'appelait pas encore des fake news. Durant le XIXe siècle, cela a continué, l'ingérence du Royaume-Uni dans les élections américaines. Rappelons-nous d'une certaine forme d'ingérence à l'occasion de l'élection de 1860. Il y a eu deux ingérences historiques dont on se souvient, qui sont assez remarquables. Celle de l'élection de 1856, qui avait opposé, à l'époque ce n'était pas encore les Républicains, mais des conservateurs et des progressistes, entre guillemets, aux États-Unis, mais surtout des personnes, une personnalité favorable à l'Union et un candidat qui était pour plus d'autonomie pour les États esclavagistes. Et à l'époque déjà, Londres avait financé en sous-main et dans l'ombre le candidat pro-esclavagiste. car ils avaient besoin, évidemment, de certains partenariats avec les États du Sud, le coton, etc. Et la chose s'est reproduite en 1860 d'une manière encore plus importante. Donc je ne dirais rien de nouveau sous le soleil. Et les États-Unis, qui sont un pays que j'aime et où je vis, devraient plutôt regarder un petit peu à leur porte au lieu d'accuser en permanence d'autres États qui, effectivement, pratiquent l'ingérence. Mais les États-Unis sont, je crois, les champions du monde en ce qui est de l'ingérence. électorale à travers différents pays de la planète. Ce qui, évidemment, en ce qui concerne les élections qui sont tenues sur le territoire américain, ce qui, évidemment, attire l'attention et inquiète, c'est que nous parlons de la plus grande démocratie au monde, non pas en taille, puisque c'est l'Inde, mais j'entends en tant qu'importance politique et géopolitique, et que celle-ci est, comme vous le savez très bien, fragilisée. Rien ne nous garantit que nous n'allons pas... d'ici quelques années, non pas une dictature, mais un régime similaire à celui de Viktor Orban ou d'Erdogan en Turquie. Donc bref, évidemment, toute ingérence lors des élections américaines revêt une importance et un intérêt supérieur à une ingérence américaine lors d'élections locales en Irak.

  • Speaker #2

    Ce sont des élections qui sont potentiellement faciles. à faire basculer puisque ce sont des scrutins aux États-Unis qui sont, on le voit encore cette année, qui sont très serrés, qui se jouent véritablement dans un petit nombre d'États avec parfois quelques milliers de voix de différence.

  • Speaker #3

    Plus facile, effectivement, qu'une élection qui ne se jouerait pas à une marge... Si bien j'entendais un commentateur, je ne sais plus où, qui disait avec un petit peu d'humour, mais c'est vrai que le Hezbollah libanais pourrait décider de l'élection. C'est-à-dire, comme vous le savez, il y a beaucoup de Libanais chites qui vivent dans le Michigan et on s'en doute, ils ne sont pas très partants pour supporter l'administration Biden-Harris. Et comme l'élection dans le Michigan pourrait se jouer à quelques milliers de voix, voire peut-être moins, il se pourrait bien, et le commentateur parlait de cela avec humour, mais néanmoins c'est une réalité concrète, il se pourrait bien que des supporters du Hezbollah fassent la différence et l'élection dans le Michigan. Et sans le Michigan, sans la Pennsylvanie, etc., etc., Kamala Harris ne pourra pas remporter l'élection. Donc oui, et il est très facile de pratiquer une forme d'ingérence dans des élections. qui, même si elles sont nationales, sont sous un certain aspect local et qui se jouent dans un bouffoir de poche.

  • Speaker #2

    On a beaucoup parlé en 2016 de la tentative d'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle. Aujourd'hui, il y a d'autres acteurs qui font leur apparition. On parle de la Chine, on parle de l'Iran.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elles recherchent, ces trois puissances ? Pourquoi est-ce qu'on voit l'Iran, la Chine, rejoindre en quelque sorte le bal de ces États qui essayent de changer le cours des élections aux États-Unis ?

  • Speaker #3

    On pourrait parler d'une forme d'alliance qui rappelle un petit peu la Sainte Alliance. Vous savez, la Sainte Alliance qui a été créée après la guerre napoléonienne, qui avait pour objectif de protéger les puissances conservatrices d'Europe, l'Autriche, le Royaume-Uni, la France de la restauration, etc., l'Espagne, etc., contre de possibles mouvements révolutionnaires, etc. Et la Sainte Alliance a relativement réussi son job pendant... pendant une bonne cinquantaine d'années. Donc c'est un peu quelque chose de similaire qui se crée, non pas spécialement au niveau de ce que l'on appelle le sud global, mais plutôt avec des régimes plus ou moins autoritaires, que ce soit la Russie, que ce soit la Chine, que ce soit la Turquie d'un certain côté, même si elle fait pourtant partie de l'OTAN et normalement de l'Alliance occidentale, bien évidemment l'Iran, et je ne parle pas évidemment de régimes absolument dictatoriaux comme la Corée du Nord. Donc ces différents États ont un intérêt. commun à déstabiliser l'Occident en général, mais essentiellement la grande puissance occidentale. Aujourd'hui, l'objectif de ces pays n'est pas seulement de voir arriver au pouvoir un candidat qui répondrait à leurs attentes. On sait tous que Poutine préférerait voir Trump accéder à la présidence comme Netanyahou. Mais cela ne se réduit plus uniquement à cela en ce qui concerne en tout cas des grands pays comme la Chine, la Russie ou même l'Inde. C'est plutôt une volonté de déstabilisation de l'Occident. Nous sommes, comme vous le savez, entrés dans un processus de désoccidentalisation du monde. Et ces puissances ont tout intérêt, et on peut les comprendre si on se met à la place, à voir ce mouvement s'accélérer. Donc, chaque fois qu'ils pourront s'ingérer dans des élections afin de déstabiliser un candidat qui, certes, ne répond pas à leurs attentes, mais aussi un candidat qui pourrait, selon... leur analyse ralentir ce processus de déliquescence de l'influence occidentale à travers le monde, ils mettront toute leur influence en marche afin de pouvoir obtenir une ingérence qui fonctionne dans ce sens.

  • Speaker #1

    Comment au juste ces puissances étrangères font-elles pour peser sur le cours de l'élection ? Elles emploient des méthodes variées. Par exemple, le média d'État russe Russia Today a été accusé d'avoir utilisé l'intelligence artificielle pour créer des vidéos de propagande sur la criminalité et la crise migratoire et pour produire de faux sites d'informations destinés à berner le public. RT a aussi travaillé avec une société de production de contenu américaine basée dans le Tennessee pour encourager les influenceurs conservateurs à diffuser un narratif défavorable à l'Ukraine. Pour sa part, la Chine a créé de faux profils d'électeurs américains sur les réseaux sociaux, comme la plateforme de vidéos TikTok, pour poster des messages sur des sujets qui divisent l'électorat, comme l'avortement et la guerre au Proche-Orient. Des messages critiques de Joe Biden, de Kamala Harris, mais aussi de Donald Trump ont également été diffusés. D'après les experts en cybersécurité, Pékin vise davantage les élections. au Congrès et dans les États fédérés que la course à la Maison-Blanche. Enfin, il y a l'Iran, qui s'est livré à des opérations de piratage contre les équipes de campagne de Donald Trump et de Kamala Harris pour obtenir et diffuser des informations sensibles. Fin septembre, des parlementaires américains ont également indiqué que Téhéran voulait faire assassiner le candidat républicain. L'objectif présumé, venger la mort du général iranien Qassem Soleimani. Tués en 2020 quand Donald Trump était au pouvoir. Rien à ce stade ne permet cependant d'affirmer que les deux tentatives de meurtre visant l'ancien président sont liées à cet effort. Romuald Sciorra, ces campagnes d'influence sont quand même devenues extrêmement créatives, dans le mauvais sens du terme.

  • Speaker #3

    Oui, tout à fait. Mais il n'y a pas que des puissances étrangères qui se servent des nouvelles technologies pour ce genre de choses. Les Américains sont eux-mêmes champions de ce genre de procédés lors des campagnes électorales. Et ils en sont également champions au niveau international. On sait très bien que les Américains se sont servis de ce genre de procédés en Russie à plusieurs reprises, en Inde durant des élections, etc. Mais oui, effectivement, ces nouvelles technologies sont tout à fait effrayantes. On peut demain voir, je crois qu'on a vu récemment quelque chose avec Emmanuel Macron allant dans ce sens, mais on peut voir un chef d'État proclamer tout et n'importe quoi. Et effectivement, il en restera toujours quelque chose. Même si demain, la Maison-Blanche clamera au effort que ce n'est pas le président Joe Biden qui a dit cela, mais une intelligence artificielle qui s'est servie de son image, etc. Il en restera toujours quelque chose. Regardez. Dans un autre contexte, les photos porno de Taylor Swift. On a pourtant la preuve matérielle que ce n'était pas elle qui posait pour ces photos. Vous avez, je crois, entre 30 et 40% des Américains qui sont convaincus que ce sont de réelles photos. Donc il en restera toujours quelque chose. Donc oui, l'intelligence artificielle est évidemment un instrument extraordinaire pour les puissances étrangères ou pour les puissances de l'intérieur qui souhaitent déstabiliser une élection.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait selon vous qu'il en reste quelque chose comme vous dites ? Est-ce qu'il y a aussi une question d'éducation aux médias ? Est-ce qu'il y a aussi une question un peu plus culturelle, un peu plus propre aux États-Unis ? Oui,

  • Speaker #3

    si on compare non pas avec le reste de la communauté internationale mais de l'Occident, oui, il y a d'abord un problème d'éducation majeur aux États-Unis. C'est le pays de l'OCDE où il y a le plus important niveau d'électrisme. C'est le pays occidental où le niveau de l'éducation... est au plus bas. On parle toujours des grandes universités américaines, de l'Ivilly, Harvard, etc. Effectivement, vous avez les meilleures universités au monde aux Etats-Unis. Mais c'est quoi ? Une dizaine d'universités. Malheureusement, les Etats-Unis sont champions du monde dans ce que l'on qualifie un peu péjorativement et méchamment d'université poubelle. Mais il est vrai qu'on retrouve dans de plusieurs Etats des universités dites public où l'accès est néanmoins payant, qui malheureusement bénéficie d'un support financier très faible, d'une faculté pas toujours bien formée, etc. Donc il y a à la base un problème éducationnel aux États-Unis. Donc il y a un problème d'appréhension de la politique en général, un problème d'appréhension du réel et donc effectivement une partie du grand public. à un problème pour appréhender ce qui est vrai, ce qui ne l'est pas, etc. Mais je pense que cela se retrouve aujourd'hui malheureusement également en Europe.

  • Speaker #2

    Est-ce que d'une certaine manière il est devenu plus facile de faire basculer une élection quand on a une puissance étrangère ? On sait par exemple que la Russie a travaillé indirectement avec des influenceurs américains, conservateurs, à qui on a donné en quelque sorte des éléments de langage pour défendre la campagne russe en Ukraine. Je me demandais si, selon vous, il était,

  • Speaker #1

    compte tenu du paysage médiatique,

  • Speaker #2

    compte tenu du terreau culturel et éducatif dont vous avez parlé, si finalement il n'était pas plus facile qu'avant de faire basculer une élection aux États-Unis.

  • Speaker #3

    Bien évidemment, et cela pour plusieurs raisons. Déjà parce que les nouvelles technologies facilitent la tâche, mais également les réseaux sociaux. Comme vous le savez, à une époque où chacun ne pouvait pas s'exprimer librement, et c'est une bonne chose, mais le côté sombre de tout cela, c'est que chacun peut aider à promouvoir toute bêtise ou tout mensonge, etc. Il y a encore 30 ans, si une fake news vraiment grosse est... été proférée, celle-ci avait du mal à circuler auprès de la population. Les grands médias ne l'auraient évidemment jamais relayée. Aujourd'hui, le premier Uberlu venu peut évidemment reporter cette fake news sur ses réseaux sociaux. Et de fil en aiguille, vous avez des millions de personnes qui vont faire la même chose et qui vont y croire. Donc oui, aujourd'hui, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, facilitent la tâche des États qui souhaitent déstabiliser une élection dans un pays. comme on vient de le dire, les États-Unis, où une grande partie de la population est en quelque sorte plus crédule que dans d'autres pays occidentaux, de par un manque d'éducation, de par un manque d'appréhension à l'information, et donc une population plus facile à berner malheureusement. Vous savez, la démocratie en Occident connaît une crise sans précédent. Un philosophe français avait parlé de la parenthèse démocratique dans les années 80. Je pense que l'avenir pourrait peut-être lui donner raison. Et l'ingérence des puissances étrangères, essentiellement en provenance de pays au régime autoritaire, ne fait qu'accélérer ce processus et la déliquescence de la démocratie en Occident, d'autant plus qu'une grande partie, voire la majorité de la société civile américaine... fait partie de ceux qui, si ce ne sont ceux qui sont à la base, en tout cas de ceux qui relaient ces fake news. N'oublions pas que l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, est quand même un colporteur de fake news comme on n'en invente pas. Et il est aujourd'hui le principal soutien de l'ancien président des Etats-Unis et de quelqu'un qui a toute chance d'être réélu dans moins d'un mois. Nous en sommes quand même arrivés aux Etats-Unis à... considérer très sérieusement, quelle que soit notre position politique, conservateur, progressiste, républicain, démocrate, comme normal que le candidat à la présidence du parti républicain, potentiel président dans quelques mois, soit un homme qui, il y a quelques années, a ouvertement appelé ses partisans à marcher contre le Congrès des États-Unis. Nous n'aurions jamais cru, il y a une dizaine d'années, qu'une telle chose serait possible. Si on m'avait dit cela il y a dix ans, si on m'avait parlé d'un président qui aurait appelé ses supporters à marcher contre le Parlement américain, j'aurais dit bon, cet homme aura sans doute, suite à cela, été arrêté, en tout cas, il ne pourra jamais se représenter face aux Américains, il ne sera jamais soutenu par le peuple états-unien Aujourd'hui, la moitié du... peuple américain le soutient, la moitié peut-être un peu plus, un peu moins, on verra ça début novembre, et l'autre moitié ne se révolte pas vraiment.

  • Speaker #2

    Vous êtes plus inquiet, vous, aujourd'hui, de l'impact de ces campagnes d'influence, de désinformation qu'en 2016 ou même qu'en 2020 ?

  • Speaker #3

    Oui et non. Sur le résultat de l'élection, pour moi, c'est à peu près la même chose. Mais sur le moyen et long terme, en ce qui concerne la démocratie américaine, oui, je suis très inquiet. Je fais partie des personnes qui pensent très sérieusement que la démocratie américaine est en état de déliquescence et qu'il y a de fortes chances. Si Trump est élu, je suis convaincu que d'ici deux ans, nous connaîtrons un régime non pas dictatorial, il faut arrêter le sensationnalisme, mais un régime semblable à celui de Viktor Orban. en Hongrie et que même si Trump perd l'élection, ce que à titre personnel je souhaite, les choses ne seront que repoussées. Je crains qu'une présidence Kamala Harris ne soit qu'une nouvelle parenthèse comme l'ont été selon moi les présidences Obama et Biden dans ce long processus de déliquescence de la démocratie américaine qui a commencé avec la vague ultra-conservatrice des années 90 et non pas celle des années 80. Ronald Reagan c'était quelque chose de très très différent. Je... pense sincèrement que si Kamel Harris est élu et si il n'y a pas de la part de son administration une réaction très forte afin de tenter d'arrêter ce processus de dédicace je crains que d'ici 10, 15, 20 ans la démocratie américaine telle que nous la connaissons ne soit plus qu'un souvenir.

  • Speaker #2

    Ce sera la transition parfaite pour notre dernier épisode qui portera justement sur la santé de cette démocratie américaine. Merci beaucoup Romuald Sura.

  • Speaker #1

    Comme on l'a vu en début d'épisode, les tentatives de manipulation ne sont pas que le fait d'acteurs étrangers. En août dernier, Donald Trump a partagé une image créée par intelligence artificielle montrant la méga star de la chanson Taylor Swift déguisée en oncle Sam et enjoignant ses millions de fans à voter pour le candidat républicain. Alors que la vraie Taylor Swift soutient Kamala Harris. Le think tank... Brookings Institution rappelle que 58% des Américains entre 18 et 43 ans disent, dans de récents sondages, avoir été dupés par des fake news générées par IA. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour la conclusion de cette troisième saison.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia.

Chapters

  • Les ingérences étrangères dans des élections sont-elles devenues une nouvelle normalité ?

    03:05

  • Les élections aux Etats-Unis sont-elles potentiellement plus faciles à faire basculer ?

    06:07

  • Pourquoi des pays comme la Chine, la Russie ou l'Iran essayent-ils d'influencer le cours des élections ?

    07:30

  • En quoi les nouvelles technologies facilitent-elles les tentatives d'ingérences étrangères ?

    11:57

  • Y-a-t-il un problème d'éducation aux médias aux États-Unis ?

    13:24

  • Est-il devenu plus facile pour une puissance étrangère de faire basculer une élection ?

    15:03

  • Etes-vous très inquiet de l'impact que pourraient avoir ces campagnes de désinformation ?

    18:53

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Les élections américaines s’annoncent serrées. De quoi donner des idées aux puissances étrangères. Cette année, la Russie, l’Iran et la Chine mènent des campagnes d’influence pour peser sur le cours du scrutin du 5 novembre.


Épisode 7/8 :


Images et sons générés par intelligence artificielle (IA), fausses informations propagées sur les réseaux sociaux, sites d’informations mensongers créés à l’aide de l’outil ChatGPT : les tentatives de manipulation sont nombreuses et multiformes. De nombreuses puissances étrangères, comme la Chine, l’Iran ou la Russie, en attendent l’issue avec impatience, pour déterminer la suite de leurs relations avec les États-Unis. Et peuvent tenter d’en influencer le résultat.


Quels sont leurs objectifs ? Ont-elles les moyens de faire basculer l’élection dans un camp comme dans l’autre ? Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, a posé ces questions à Romuald Sciora, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de "L’Amérique éclatée. Plongée au cœur d’une nation en déliquescence", un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Colin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala, je vous remercie de votre soutien. Parce que je crois que tout le monde a le droit à la sécurité, à la dignité.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024.

  • Speaker #0

    Et je sais où est l'Union des États-Unis. Kamala,

  • Speaker #1

    vous êtes finie ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Nous sommes en janvier 2024, les primaires de New Hampshire, un état du nord-est, battent leur plein pour désigner le candidat du parti démocrate à la présidentielle. Soudain, les électeurs reçoivent un appel surprenant, un message automatisé qui semble provenir de Joe Biden et qui leur enjoint de ne pas aller voter. Même ton, même débit, La voix est identique à celle du président. En réalité, elle a été produite par intelligence artificielle dans le but de fausser ce scrutin. L'Américain qui en est à l'origine, un consultant politique, a été frappé d'une amende de 6 millions de dollars et de 13 chefs d'inculpation au pénal. Ce cas illustre la menace que peuvent représenter les nouvelles technologies de communication pour les campagnes électorales de 2024. Dans ce septième et avant-dernier épisode de ces Salles Amériques, on s'intéresse à l'ingérence pratiquée au moyen de ces technologies par des puissances étrangères dans les élections actuelles. Trois États sont pointés du doigt par les autorités américaines cette année, la Russie, la Chine et l'Iran. Images et sons générés par intelligence artificielle Fausse information propagée sur les réseaux sociaux, site d'informations mensongers créés à l'aide de l'outil ChatGPT, leurs tentatives de manipulation sont multiformes. Quels sont leurs objectifs ? Peuvent-elles faire basculer l'élection dans un camp comme dans l'autre ? J'ai posé ces questions à Romuald Sciorra, chercheur associé à l'IRIS, l'Institut des relations internationales et stratégiques, et auteur de L'Amérique éclatée un ouvrage à paraître le 15 janvier 2025 chez Armand Collin.

  • Speaker #2

    Bonjour Romuald Seurat.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    On a parlé en introduction de toutes ces tentatives d'ingérence de la part de différents États, la Chine, la Russie bien entendu, l'Iran maintenant. Est-ce que finalement, comme on dit aux États-Unis, c'est the new normal la nouvelle normalité d'avoir des États étrangers qui essayent de peser sur l'issue du scrutin des élections présidentielles ou d'autres élections ici ?

  • Speaker #3

    Oui, on peut le dire, mais vous savez, rien de nouveau sous le soleil. Je pense que l'ingérence au sens... ou vous l'entendez aujourd'hui, au sens où nous en parlons dans ce podcast, est quelque chose qui est né, je dirais, après la Révolution française. Les premiers agents d'ingérence ont été des conventionnels français mis au service de la Convention de la Première République et qui avaient pour objectif, non pas à l'époque, d'aider à traficoter le résultat de potentielles élections, puisqu'il n'y avait pas d'élections démocratiques dans les pays européens, mais d'influencer les décisions de certains ministères, de certains dirigeants, via ce que l'on n'appelait pas encore des fake news. Durant le XIXe siècle, cela a continué, l'ingérence du Royaume-Uni dans les élections américaines. Rappelons-nous d'une certaine forme d'ingérence à l'occasion de l'élection de 1860. Il y a eu deux ingérences historiques dont on se souvient, qui sont assez remarquables. Celle de l'élection de 1856, qui avait opposé, à l'époque ce n'était pas encore les Républicains, mais des conservateurs et des progressistes, entre guillemets, aux États-Unis, mais surtout des personnes, une personnalité favorable à l'Union et un candidat qui était pour plus d'autonomie pour les États esclavagistes. Et à l'époque déjà, Londres avait financé en sous-main et dans l'ombre le candidat pro-esclavagiste. car ils avaient besoin, évidemment, de certains partenariats avec les États du Sud, le coton, etc. Et la chose s'est reproduite en 1860 d'une manière encore plus importante. Donc je ne dirais rien de nouveau sous le soleil. Et les États-Unis, qui sont un pays que j'aime et où je vis, devraient plutôt regarder un petit peu à leur porte au lieu d'accuser en permanence d'autres États qui, effectivement, pratiquent l'ingérence. Mais les États-Unis sont, je crois, les champions du monde en ce qui est de l'ingérence. électorale à travers différents pays de la planète. Ce qui, évidemment, en ce qui concerne les élections qui sont tenues sur le territoire américain, ce qui, évidemment, attire l'attention et inquiète, c'est que nous parlons de la plus grande démocratie au monde, non pas en taille, puisque c'est l'Inde, mais j'entends en tant qu'importance politique et géopolitique, et que celle-ci est, comme vous le savez très bien, fragilisée. Rien ne nous garantit que nous n'allons pas... d'ici quelques années, non pas une dictature, mais un régime similaire à celui de Viktor Orban ou d'Erdogan en Turquie. Donc bref, évidemment, toute ingérence lors des élections américaines revêt une importance et un intérêt supérieur à une ingérence américaine lors d'élections locales en Irak.

  • Speaker #2

    Ce sont des élections qui sont potentiellement faciles. à faire basculer puisque ce sont des scrutins aux États-Unis qui sont, on le voit encore cette année, qui sont très serrés, qui se jouent véritablement dans un petit nombre d'États avec parfois quelques milliers de voix de différence.

  • Speaker #3

    Plus facile, effectivement, qu'une élection qui ne se jouerait pas à une marge... Si bien j'entendais un commentateur, je ne sais plus où, qui disait avec un petit peu d'humour, mais c'est vrai que le Hezbollah libanais pourrait décider de l'élection. C'est-à-dire, comme vous le savez, il y a beaucoup de Libanais chites qui vivent dans le Michigan et on s'en doute, ils ne sont pas très partants pour supporter l'administration Biden-Harris. Et comme l'élection dans le Michigan pourrait se jouer à quelques milliers de voix, voire peut-être moins, il se pourrait bien, et le commentateur parlait de cela avec humour, mais néanmoins c'est une réalité concrète, il se pourrait bien que des supporters du Hezbollah fassent la différence et l'élection dans le Michigan. Et sans le Michigan, sans la Pennsylvanie, etc., etc., Kamala Harris ne pourra pas remporter l'élection. Donc oui, et il est très facile de pratiquer une forme d'ingérence dans des élections. qui, même si elles sont nationales, sont sous un certain aspect local et qui se jouent dans un bouffoir de poche.

  • Speaker #2

    On a beaucoup parlé en 2016 de la tentative d'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle. Aujourd'hui, il y a d'autres acteurs qui font leur apparition. On parle de la Chine, on parle de l'Iran.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elles recherchent, ces trois puissances ? Pourquoi est-ce qu'on voit l'Iran, la Chine, rejoindre en quelque sorte le bal de ces États qui essayent de changer le cours des élections aux États-Unis ?

  • Speaker #3

    On pourrait parler d'une forme d'alliance qui rappelle un petit peu la Sainte Alliance. Vous savez, la Sainte Alliance qui a été créée après la guerre napoléonienne, qui avait pour objectif de protéger les puissances conservatrices d'Europe, l'Autriche, le Royaume-Uni, la France de la restauration, etc., l'Espagne, etc., contre de possibles mouvements révolutionnaires, etc. Et la Sainte Alliance a relativement réussi son job pendant... pendant une bonne cinquantaine d'années. Donc c'est un peu quelque chose de similaire qui se crée, non pas spécialement au niveau de ce que l'on appelle le sud global, mais plutôt avec des régimes plus ou moins autoritaires, que ce soit la Russie, que ce soit la Chine, que ce soit la Turquie d'un certain côté, même si elle fait pourtant partie de l'OTAN et normalement de l'Alliance occidentale, bien évidemment l'Iran, et je ne parle pas évidemment de régimes absolument dictatoriaux comme la Corée du Nord. Donc ces différents États ont un intérêt. commun à déstabiliser l'Occident en général, mais essentiellement la grande puissance occidentale. Aujourd'hui, l'objectif de ces pays n'est pas seulement de voir arriver au pouvoir un candidat qui répondrait à leurs attentes. On sait tous que Poutine préférerait voir Trump accéder à la présidence comme Netanyahou. Mais cela ne se réduit plus uniquement à cela en ce qui concerne en tout cas des grands pays comme la Chine, la Russie ou même l'Inde. C'est plutôt une volonté de déstabilisation de l'Occident. Nous sommes, comme vous le savez, entrés dans un processus de désoccidentalisation du monde. Et ces puissances ont tout intérêt, et on peut les comprendre si on se met à la place, à voir ce mouvement s'accélérer. Donc, chaque fois qu'ils pourront s'ingérer dans des élections afin de déstabiliser un candidat qui, certes, ne répond pas à leurs attentes, mais aussi un candidat qui pourrait, selon... leur analyse ralentir ce processus de déliquescence de l'influence occidentale à travers le monde, ils mettront toute leur influence en marche afin de pouvoir obtenir une ingérence qui fonctionne dans ce sens.

  • Speaker #1

    Comment au juste ces puissances étrangères font-elles pour peser sur le cours de l'élection ? Elles emploient des méthodes variées. Par exemple, le média d'État russe Russia Today a été accusé d'avoir utilisé l'intelligence artificielle pour créer des vidéos de propagande sur la criminalité et la crise migratoire et pour produire de faux sites d'informations destinés à berner le public. RT a aussi travaillé avec une société de production de contenu américaine basée dans le Tennessee pour encourager les influenceurs conservateurs à diffuser un narratif défavorable à l'Ukraine. Pour sa part, la Chine a créé de faux profils d'électeurs américains sur les réseaux sociaux, comme la plateforme de vidéos TikTok, pour poster des messages sur des sujets qui divisent l'électorat, comme l'avortement et la guerre au Proche-Orient. Des messages critiques de Joe Biden, de Kamala Harris, mais aussi de Donald Trump ont également été diffusés. D'après les experts en cybersécurité, Pékin vise davantage les élections. au Congrès et dans les États fédérés que la course à la Maison-Blanche. Enfin, il y a l'Iran, qui s'est livré à des opérations de piratage contre les équipes de campagne de Donald Trump et de Kamala Harris pour obtenir et diffuser des informations sensibles. Fin septembre, des parlementaires américains ont également indiqué que Téhéran voulait faire assassiner le candidat républicain. L'objectif présumé, venger la mort du général iranien Qassem Soleimani. Tués en 2020 quand Donald Trump était au pouvoir. Rien à ce stade ne permet cependant d'affirmer que les deux tentatives de meurtre visant l'ancien président sont liées à cet effort. Romuald Sciorra, ces campagnes d'influence sont quand même devenues extrêmement créatives, dans le mauvais sens du terme.

  • Speaker #3

    Oui, tout à fait. Mais il n'y a pas que des puissances étrangères qui se servent des nouvelles technologies pour ce genre de choses. Les Américains sont eux-mêmes champions de ce genre de procédés lors des campagnes électorales. Et ils en sont également champions au niveau international. On sait très bien que les Américains se sont servis de ce genre de procédés en Russie à plusieurs reprises, en Inde durant des élections, etc. Mais oui, effectivement, ces nouvelles technologies sont tout à fait effrayantes. On peut demain voir, je crois qu'on a vu récemment quelque chose avec Emmanuel Macron allant dans ce sens, mais on peut voir un chef d'État proclamer tout et n'importe quoi. Et effectivement, il en restera toujours quelque chose. Même si demain, la Maison-Blanche clamera au effort que ce n'est pas le président Joe Biden qui a dit cela, mais une intelligence artificielle qui s'est servie de son image, etc. Il en restera toujours quelque chose. Regardez. Dans un autre contexte, les photos porno de Taylor Swift. On a pourtant la preuve matérielle que ce n'était pas elle qui posait pour ces photos. Vous avez, je crois, entre 30 et 40% des Américains qui sont convaincus que ce sont de réelles photos. Donc il en restera toujours quelque chose. Donc oui, l'intelligence artificielle est évidemment un instrument extraordinaire pour les puissances étrangères ou pour les puissances de l'intérieur qui souhaitent déstabiliser une élection.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait selon vous qu'il en reste quelque chose comme vous dites ? Est-ce qu'il y a aussi une question d'éducation aux médias ? Est-ce qu'il y a aussi une question un peu plus culturelle, un peu plus propre aux États-Unis ? Oui,

  • Speaker #3

    si on compare non pas avec le reste de la communauté internationale mais de l'Occident, oui, il y a d'abord un problème d'éducation majeur aux États-Unis. C'est le pays de l'OCDE où il y a le plus important niveau d'électrisme. C'est le pays occidental où le niveau de l'éducation... est au plus bas. On parle toujours des grandes universités américaines, de l'Ivilly, Harvard, etc. Effectivement, vous avez les meilleures universités au monde aux Etats-Unis. Mais c'est quoi ? Une dizaine d'universités. Malheureusement, les Etats-Unis sont champions du monde dans ce que l'on qualifie un peu péjorativement et méchamment d'université poubelle. Mais il est vrai qu'on retrouve dans de plusieurs Etats des universités dites public où l'accès est néanmoins payant, qui malheureusement bénéficie d'un support financier très faible, d'une faculté pas toujours bien formée, etc. Donc il y a à la base un problème éducationnel aux États-Unis. Donc il y a un problème d'appréhension de la politique en général, un problème d'appréhension du réel et donc effectivement une partie du grand public. à un problème pour appréhender ce qui est vrai, ce qui ne l'est pas, etc. Mais je pense que cela se retrouve aujourd'hui malheureusement également en Europe.

  • Speaker #2

    Est-ce que d'une certaine manière il est devenu plus facile de faire basculer une élection quand on a une puissance étrangère ? On sait par exemple que la Russie a travaillé indirectement avec des influenceurs américains, conservateurs, à qui on a donné en quelque sorte des éléments de langage pour défendre la campagne russe en Ukraine. Je me demandais si, selon vous, il était,

  • Speaker #1

    compte tenu du paysage médiatique,

  • Speaker #2

    compte tenu du terreau culturel et éducatif dont vous avez parlé, si finalement il n'était pas plus facile qu'avant de faire basculer une élection aux États-Unis.

  • Speaker #3

    Bien évidemment, et cela pour plusieurs raisons. Déjà parce que les nouvelles technologies facilitent la tâche, mais également les réseaux sociaux. Comme vous le savez, à une époque où chacun ne pouvait pas s'exprimer librement, et c'est une bonne chose, mais le côté sombre de tout cela, c'est que chacun peut aider à promouvoir toute bêtise ou tout mensonge, etc. Il y a encore 30 ans, si une fake news vraiment grosse est... été proférée, celle-ci avait du mal à circuler auprès de la population. Les grands médias ne l'auraient évidemment jamais relayée. Aujourd'hui, le premier Uberlu venu peut évidemment reporter cette fake news sur ses réseaux sociaux. Et de fil en aiguille, vous avez des millions de personnes qui vont faire la même chose et qui vont y croire. Donc oui, aujourd'hui, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, facilitent la tâche des États qui souhaitent déstabiliser une élection dans un pays. comme on vient de le dire, les États-Unis, où une grande partie de la population est en quelque sorte plus crédule que dans d'autres pays occidentaux, de par un manque d'éducation, de par un manque d'appréhension à l'information, et donc une population plus facile à berner malheureusement. Vous savez, la démocratie en Occident connaît une crise sans précédent. Un philosophe français avait parlé de la parenthèse démocratique dans les années 80. Je pense que l'avenir pourrait peut-être lui donner raison. Et l'ingérence des puissances étrangères, essentiellement en provenance de pays au régime autoritaire, ne fait qu'accélérer ce processus et la déliquescence de la démocratie en Occident, d'autant plus qu'une grande partie, voire la majorité de la société civile américaine... fait partie de ceux qui, si ce ne sont ceux qui sont à la base, en tout cas de ceux qui relaient ces fake news. N'oublions pas que l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, est quand même un colporteur de fake news comme on n'en invente pas. Et il est aujourd'hui le principal soutien de l'ancien président des Etats-Unis et de quelqu'un qui a toute chance d'être réélu dans moins d'un mois. Nous en sommes quand même arrivés aux Etats-Unis à... considérer très sérieusement, quelle que soit notre position politique, conservateur, progressiste, républicain, démocrate, comme normal que le candidat à la présidence du parti républicain, potentiel président dans quelques mois, soit un homme qui, il y a quelques années, a ouvertement appelé ses partisans à marcher contre le Congrès des États-Unis. Nous n'aurions jamais cru, il y a une dizaine d'années, qu'une telle chose serait possible. Si on m'avait dit cela il y a dix ans, si on m'avait parlé d'un président qui aurait appelé ses supporters à marcher contre le Parlement américain, j'aurais dit bon, cet homme aura sans doute, suite à cela, été arrêté, en tout cas, il ne pourra jamais se représenter face aux Américains, il ne sera jamais soutenu par le peuple états-unien Aujourd'hui, la moitié du... peuple américain le soutient, la moitié peut-être un peu plus, un peu moins, on verra ça début novembre, et l'autre moitié ne se révolte pas vraiment.

  • Speaker #2

    Vous êtes plus inquiet, vous, aujourd'hui, de l'impact de ces campagnes d'influence, de désinformation qu'en 2016 ou même qu'en 2020 ?

  • Speaker #3

    Oui et non. Sur le résultat de l'élection, pour moi, c'est à peu près la même chose. Mais sur le moyen et long terme, en ce qui concerne la démocratie américaine, oui, je suis très inquiet. Je fais partie des personnes qui pensent très sérieusement que la démocratie américaine est en état de déliquescence et qu'il y a de fortes chances. Si Trump est élu, je suis convaincu que d'ici deux ans, nous connaîtrons un régime non pas dictatorial, il faut arrêter le sensationnalisme, mais un régime semblable à celui de Viktor Orban. en Hongrie et que même si Trump perd l'élection, ce que à titre personnel je souhaite, les choses ne seront que repoussées. Je crains qu'une présidence Kamala Harris ne soit qu'une nouvelle parenthèse comme l'ont été selon moi les présidences Obama et Biden dans ce long processus de déliquescence de la démocratie américaine qui a commencé avec la vague ultra-conservatrice des années 90 et non pas celle des années 80. Ronald Reagan c'était quelque chose de très très différent. Je... pense sincèrement que si Kamel Harris est élu et si il n'y a pas de la part de son administration une réaction très forte afin de tenter d'arrêter ce processus de dédicace je crains que d'ici 10, 15, 20 ans la démocratie américaine telle que nous la connaissons ne soit plus qu'un souvenir.

  • Speaker #2

    Ce sera la transition parfaite pour notre dernier épisode qui portera justement sur la santé de cette démocratie américaine. Merci beaucoup Romuald Sura.

  • Speaker #1

    Comme on l'a vu en début d'épisode, les tentatives de manipulation ne sont pas que le fait d'acteurs étrangers. En août dernier, Donald Trump a partagé une image créée par intelligence artificielle montrant la méga star de la chanson Taylor Swift déguisée en oncle Sam et enjoignant ses millions de fans à voter pour le candidat républicain. Alors que la vraie Taylor Swift soutient Kamala Harris. Le think tank... Brookings Institution rappelle que 58% des Américains entre 18 et 43 ans disent, dans de récents sondages, avoir été dupés par des fake news générées par IA. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour la conclusion de cette troisième saison.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia.

Chapters

  • Les ingérences étrangères dans des élections sont-elles devenues une nouvelle normalité ?

    03:05

  • Les élections aux Etats-Unis sont-elles potentiellement plus faciles à faire basculer ?

    06:07

  • Pourquoi des pays comme la Chine, la Russie ou l'Iran essayent-ils d'influencer le cours des élections ?

    07:30

  • En quoi les nouvelles technologies facilitent-elles les tentatives d'ingérences étrangères ?

    11:57

  • Y-a-t-il un problème d'éducation aux médias aux États-Unis ?

    13:24

  • Est-il devenu plus facile pour une puissance étrangère de faire basculer une élection ?

    15:03

  • Etes-vous très inquiet de l'impact que pourraient avoir ces campagnes de désinformation ?

    18:53

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