undefined cover
undefined cover
Les politiques et la langue de bois cover
Les politiques et la langue de bois cover
Carnets de bord du Media Trainer

Les politiques et la langue de bois

Les politiques et la langue de bois

09min |19/12/2024
Play
undefined cover
undefined cover
Les politiques et la langue de bois cover
Les politiques et la langue de bois cover
Carnets de bord du Media Trainer

Les politiques et la langue de bois

Les politiques et la langue de bois

09min |19/12/2024
Play

Description

Le discours politique, en général, et sa déclinaison dans les médias, en particulier, sont souvent associés à la fameuse "langue de bois". Mais que révèle cette expression bien connue sur les enjeux sous-jacents de la communication politique ?


C’est également l’occasion d’aborder un point de méthode en media training en traitant une question récurrente : comment répondre à une question lorsqu’il est impossible d’y apporter une réponse directe ? 🤐


Retrouvez ici quelques études récentes sur l'image des politiques, évoquées dans cet épisode :


https://www.odoxa.fr/sondage/recherche-de-coalitions-quete-dun-premier-ministre-et-pendant-ce-temps-la-limage-des-partis-politiques-sabime-encore/


https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-11/Ipsos-La-Tribune-Dimanche-Barometre-Politique-Novembre-2024-web.pdf


https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2024-une-crise-de-confiance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Cros

    Carnet de bord du Mediatrainer, une série de podcasts pour parler de la communication et de la prise de parole médiatique à travers le regard d'un Mediatrainer, pour partager analyse, réflexion et éléments de méthode. Bonjour et bienvenue dans ce deuxième Carnet de bord du Mediatrainer, premier épisode d'une série consacrée au mal-aimé. Alors par mal-aimé, j'entends ceux qui parlent dans les médias et qui irritent, ou ceux dont on dit qu'ils irritent le public, ces figures qui ont souvent une... mauvaise réputation médiatique. Dans cette série d'épisodes spéciaux, je parlerai des footballeurs, des syndicalistes et bien sûr des politiques. Impossible de commencer autrement qu'avec ceux que beaucoup considèrent comme les plus détestés, les politiques. Quand je dis que je fais du mediatraining surtout à des personnes hors du monde de la communication, la réaction la plus courante est tu devrais bosser avec des politiques, ils en ont besoin C'est dire à quel point leur réputation médiatique est catastrophique. Depuis 2011, j'ai travaillé avec de nombreux élus, qu'ils soient élus locaux ou parlementaires, sur leurs discours médiatiques et leur prise de parole publique. Ma société aussi m'a été agréée par le ministère de l'Intérieur pour former les élus locaux pendant presque 10 ans. Dans cet épisode, je ne vais pas faire de décryptage des discours politiques, ce n'est pas l'objet de ce podcast et puis d'autres le font par ailleurs déjà très bien. Mon idée, c'est plutôt de prendre un peu de recul, de réfléchir à travers l'exercice du Media Training à comment le discours politique se construit ou ne se construit pas d'ailleurs et par conséquent pourquoi l'image médiatique des politiques est si mauvaise. Pour constater ou pour revérifier cette mauvaise image, il suffit de consulter les nombreux baromètres, études et sondages qui montrent une perte de confiance et un mécontentement croissant à l'égard des politiques. Je laisse dans la description de l'épisode d'ailleurs les dernières livraisons des études récurrentes sur le sujet si ça vous intéresse. C'est en partie le discours médiatique des politiciens qui est souvent l'un des éléments sur lesquels les citoyens s'appuient pour forger cette opinion négative. Je ne vais pas nécessairement défendre les politiques, mais je crois qu'il existe de nombreux malentendus. entre l'image qu'il projette, les raisons pour lesquelles cette image s'est fixée, et la manière dont l'opinion publique reçoit les messages dans les médias. En préparant cet épisode, un peu pour revérifier moi-même les choses, j'ai demandé à mon entourage professionnel ce qui, selon eux, rendait le discours des politiques mauvais ou améliorable. La réponse la plus récurrente, c'est la langue de bois et l'insincérité qu'elle inspire. Alors, il y a d'autres critiques qui reviennent souvent, comme leur supposée déconnexion ou la pauvreté rhétorique de certains discours. Mais la langue de bois reste le reproche numéro 1. On se rend vite compte que cette critique repose souvent sur des situations caricaturales qui finissent par alimenter des clichés généralisés. Quand on pousse la discussion, les avis deviennent souvent plus nuancés. Le problème principal, c'est ce sentiment que les politiques répondent trop peu souvent, franchement, aux questions posées. Puisque dans cet épisode, on parlera de langue de bois, j'en profiterai pour aborder un sujet classique en médiatraining, comment faire pour répondre à une question à laquelle on ne peut pas répondre. Pour apporter un éclairage à cette question... assez épineuse, voyons d'abord au fond pourquoi les politiques fondent la langue de bois et vous verrez que ça nous amènera à une réponse qui est assez évidente. La langue de bois est rarement un choix de confort. Les politiques l'utilisent parce qu'ils y trouvent un intérêt stratégique. Imaginez la prise de parole médiatique, surtout dans le champ politique, comme une sorte de balance comptable. Chaque message délivré dans les médias produit des gains et des pertes, des adhésions et des rejets. Le but est toujours, pour l'orateur, de minimiser les pertes et de maximiser les gains. Dans ce cadre, ne pas répondre franchement à une question est parfois une nécessité. Répondre directement pour écouter cher en termes politiques ou nuire à l'image des émetteurs. Je précise que je parle surtout des propos qui ne relèvent pas du mensonge frontal ou de la manipulation, mais qui relèvent plus d'une forme de délicatesse risquée pour l'orateur. Alors prenons des exemples. A l'été 2024... après la dissolution et les élections législatives, les questions sur les coalitions transpartisanes et ensuite les questions de censure ou de non-censure des gouvernements a mis en lumière ces enjeux. Comment répondre à la question Seriez-vous prêt à entrer dans un gouvernement avec tel ou tel parti ? Dans ces cas-là, on l'a vu, on l'a entendu de façon régulière, les politiques sont souvent pris dans une sorte de dilemme impossible. Comment répondre frontalement à cette question ? Je prenais l'exemple de l'entrée au gouvernement dans une coalition transpartisane. Sans se brouiller dans son camp avec ceux qui y seraient favorables ou ceux qui n'y seraient pas favorables. Les réponses, si insatisfaisantes soient-elles, reflètent cet équilibre délicat. Et les réponses possibles à cette question relèvent d'ailleurs moins du simple oui ou non que d'explications sur les méandres complexes et souvent peu ragoutants des relations entre alliés slash adversaires politiques avec qui vous cheminez. C'est précisément cette complexité qui rend la transparence impossible, car elle ne relève pas du mensonge ou de la manipulation. mais de l'impossibilité d'en faire un exposé clair et acceptable dans le cadre médiatique, avec ses contraintes de temps, et il faut le dire aussi, ses raccourcis. Je pense que le problème lié à la langue de bois vient surtout de l'obsession pour la transparence politique et du cadre médiatique qui peut-être, parfois, en révèle inutilement trop. Alors je ne parle pas de la transparence sur les comportements et la déontologie, mais sur les rapports de forces politiques eux-mêmes et sur les rivalités interpersonnelles notamment. Cette transparence-là, rendue spectaculaire par les médias, très souvent feuilletonnée, me paraît être comme un bonbon trop sucré qu'on donnerait à un patient déjà diabétique. Je reprendrai d'ailleurs l'expression du psychosociologue et essayiste Pierre Laroui, avec qui je travaille par ailleurs, qui qualifiait cette obsession de l'opinion pour la transparence politique de désir qu'on lui révèle ce qu'elle craint de déjà savoir. Il y a au fond une forme de paradoxe dans ce couple politique-opinion qui, parfois, comme certains couples dans la vie, aurait besoin de ne pas tout se dire trop franchement pour continuer de s'aimer, ou du moins dans notre cas, de se supporter. Alors oui, la langue de bois est insupportable, j'en conviens toutefois. Elle laisse l'impression que les politiques insultent notre intelligence, qu'on serait assez demeuré pour gober sans broncher la langue de bois qu'ils nous délivrent. Il serait toutefois naïf d'attendre des politiques qu'ils se livrent à un exercice de transparence totale et surtout permanent. Cela reviendrait à faire de la politique un spectacle, avec les médias comme Arène et les politiques comme Gladiateur prêts à se sacrifier sur l'autel de la franchise totale et absolue. Je note au passage que cela même dans l'opinion publique qui exige cette transparence totale, sont souvent aussi ceux qui reprochent à la politique d'être un spectacle. Comme l'a dit Bossuet, Dieu serait les hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. À bon entendeur. Comme dans chaque épisode, je veux aborder un point de méthode. Puisque j'évoque la langue de bois des politiques, le sujet est évidemment comment répondre à une question à laquelle on ne peut pas ou on ne doit pas répondre. C'est un sujet récurrent pour le médiatraineur. Et si je vous en parle, c'est aussi parce qu'il concerne beaucoup plus de gens que les seuls politiques. Il y a souvent des aspects techniques de confidentialité industrielle, par exemple, ou de délicatesse diverses et variées, qui imposent à des dirigeants d'entreprises ou à des salariés d'esquiver certaines réponses. Et s'ils ne se trouvent pas sur un plateau de télévision ou de radio, ils peuvent être confrontés à cet enjeu de façon plus ordinaire, lors d'une table ronde ou d'une conférence, par exemple. On me pose évidemment très souvent la question de comment esquiver ces questions délicates. Celui ou celle qui se demande comment faire ne voit pas la réponse immédiatement, je crois... parce que l'idée de la langue de bois peut heurter un principe de vérité et de transparence qu'on pense universel. Je réponds la plupart du temps, mais la réponse est dans la question. Je note d'ailleurs que souvent, la réaction à ma réponse des gens que je coach est une forme mêlée de soulagement et de dépit. Soulagement parce qu'il n'y avait en fait pas de formule magique à côté de laquelle il serait passé sans la voir, et dépit car au fond, au fond oui, il connaissait déjà la réponse. Il y a cependant une manière franche de ne pas répondre franchement. Si vous savez que vous ne pouvez pas vous embarquer dans une réponse directe à une question, vous devez solidement formuler votre non-réponse. Alors, soit vous expliquez pourquoi vous ne pouvez pas répondre, c'est la façon la plus transparente de faire, mais cela ne va pas s'enrisquer d'éveiller d'autres curiosités de la part de votre interlocuteur ou d'un journaliste. Soit vous dites simplement que ce n'est pas le sujet pour lequel vous êtes venu vous exprimer, par exemple. C'est la manière la plus abrupte, c'est pas très joli, mais c'est bien plus sécurisant. Il restera à travailler deux éléments en conséquence. La formulation de la réponse, pour qu'elle soit la plus solide possible, et son entêtement. Je veux dire par entêtement, le fait de pouvoir y camper, dans les cas où un journaliste ou un interlocuteur insisterait. Au fond, c'est là le plus gros défi. Songez-y d'ailleurs si cela vous est déjà arrivé, ou si vous avez peur que cela vous arrive. Formuler une réponse qui ne répond pas à la question, faire de la langue de bois, on arrive vite à se dire qu'on peut le faire. Mais tenir sa position en cas de questions répétées sur le sujet, sans autre outil que l'élément de langage que vous avez construit, c'est une autre paire de manches qui pourrait réellement fragiliser votre parole. Ne paniquez pas, il n'y a pas d'autre issue. La nécessité de la langue de bois est le signe que vous êtes dans une situation qui est de toute façon compliquée. L'enjeu, c'est de tenir, pas de briller. Et ça, les politiques le savent depuis longtemps. C'est ce genre de situation, particulièrement urtiquante, qui justifie en fin de compte de faire du media training. Mais je vous rassure, ce n'est pas la seule. Voilà, c'est la fin du deuxième épisode de Carnet de bord du Mediatrainer. Comme toujours, vous pouvez laisser vos impressions, vos commentaires et vos contradictions, elles sont bienvenues. Pour ma part, je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Le discours politique, en général, et sa déclinaison dans les médias, en particulier, sont souvent associés à la fameuse "langue de bois". Mais que révèle cette expression bien connue sur les enjeux sous-jacents de la communication politique ?


C’est également l’occasion d’aborder un point de méthode en media training en traitant une question récurrente : comment répondre à une question lorsqu’il est impossible d’y apporter une réponse directe ? 🤐


Retrouvez ici quelques études récentes sur l'image des politiques, évoquées dans cet épisode :


https://www.odoxa.fr/sondage/recherche-de-coalitions-quete-dun-premier-ministre-et-pendant-ce-temps-la-limage-des-partis-politiques-sabime-encore/


https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-11/Ipsos-La-Tribune-Dimanche-Barometre-Politique-Novembre-2024-web.pdf


https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2024-une-crise-de-confiance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Cros

    Carnet de bord du Mediatrainer, une série de podcasts pour parler de la communication et de la prise de parole médiatique à travers le regard d'un Mediatrainer, pour partager analyse, réflexion et éléments de méthode. Bonjour et bienvenue dans ce deuxième Carnet de bord du Mediatrainer, premier épisode d'une série consacrée au mal-aimé. Alors par mal-aimé, j'entends ceux qui parlent dans les médias et qui irritent, ou ceux dont on dit qu'ils irritent le public, ces figures qui ont souvent une... mauvaise réputation médiatique. Dans cette série d'épisodes spéciaux, je parlerai des footballeurs, des syndicalistes et bien sûr des politiques. Impossible de commencer autrement qu'avec ceux que beaucoup considèrent comme les plus détestés, les politiques. Quand je dis que je fais du mediatraining surtout à des personnes hors du monde de la communication, la réaction la plus courante est tu devrais bosser avec des politiques, ils en ont besoin C'est dire à quel point leur réputation médiatique est catastrophique. Depuis 2011, j'ai travaillé avec de nombreux élus, qu'ils soient élus locaux ou parlementaires, sur leurs discours médiatiques et leur prise de parole publique. Ma société aussi m'a été agréée par le ministère de l'Intérieur pour former les élus locaux pendant presque 10 ans. Dans cet épisode, je ne vais pas faire de décryptage des discours politiques, ce n'est pas l'objet de ce podcast et puis d'autres le font par ailleurs déjà très bien. Mon idée, c'est plutôt de prendre un peu de recul, de réfléchir à travers l'exercice du Media Training à comment le discours politique se construit ou ne se construit pas d'ailleurs et par conséquent pourquoi l'image médiatique des politiques est si mauvaise. Pour constater ou pour revérifier cette mauvaise image, il suffit de consulter les nombreux baromètres, études et sondages qui montrent une perte de confiance et un mécontentement croissant à l'égard des politiques. Je laisse dans la description de l'épisode d'ailleurs les dernières livraisons des études récurrentes sur le sujet si ça vous intéresse. C'est en partie le discours médiatique des politiciens qui est souvent l'un des éléments sur lesquels les citoyens s'appuient pour forger cette opinion négative. Je ne vais pas nécessairement défendre les politiques, mais je crois qu'il existe de nombreux malentendus. entre l'image qu'il projette, les raisons pour lesquelles cette image s'est fixée, et la manière dont l'opinion publique reçoit les messages dans les médias. En préparant cet épisode, un peu pour revérifier moi-même les choses, j'ai demandé à mon entourage professionnel ce qui, selon eux, rendait le discours des politiques mauvais ou améliorable. La réponse la plus récurrente, c'est la langue de bois et l'insincérité qu'elle inspire. Alors, il y a d'autres critiques qui reviennent souvent, comme leur supposée déconnexion ou la pauvreté rhétorique de certains discours. Mais la langue de bois reste le reproche numéro 1. On se rend vite compte que cette critique repose souvent sur des situations caricaturales qui finissent par alimenter des clichés généralisés. Quand on pousse la discussion, les avis deviennent souvent plus nuancés. Le problème principal, c'est ce sentiment que les politiques répondent trop peu souvent, franchement, aux questions posées. Puisque dans cet épisode, on parlera de langue de bois, j'en profiterai pour aborder un sujet classique en médiatraining, comment faire pour répondre à une question à laquelle on ne peut pas répondre. Pour apporter un éclairage à cette question... assez épineuse, voyons d'abord au fond pourquoi les politiques fondent la langue de bois et vous verrez que ça nous amènera à une réponse qui est assez évidente. La langue de bois est rarement un choix de confort. Les politiques l'utilisent parce qu'ils y trouvent un intérêt stratégique. Imaginez la prise de parole médiatique, surtout dans le champ politique, comme une sorte de balance comptable. Chaque message délivré dans les médias produit des gains et des pertes, des adhésions et des rejets. Le but est toujours, pour l'orateur, de minimiser les pertes et de maximiser les gains. Dans ce cadre, ne pas répondre franchement à une question est parfois une nécessité. Répondre directement pour écouter cher en termes politiques ou nuire à l'image des émetteurs. Je précise que je parle surtout des propos qui ne relèvent pas du mensonge frontal ou de la manipulation, mais qui relèvent plus d'une forme de délicatesse risquée pour l'orateur. Alors prenons des exemples. A l'été 2024... après la dissolution et les élections législatives, les questions sur les coalitions transpartisanes et ensuite les questions de censure ou de non-censure des gouvernements a mis en lumière ces enjeux. Comment répondre à la question Seriez-vous prêt à entrer dans un gouvernement avec tel ou tel parti ? Dans ces cas-là, on l'a vu, on l'a entendu de façon régulière, les politiques sont souvent pris dans une sorte de dilemme impossible. Comment répondre frontalement à cette question ? Je prenais l'exemple de l'entrée au gouvernement dans une coalition transpartisane. Sans se brouiller dans son camp avec ceux qui y seraient favorables ou ceux qui n'y seraient pas favorables. Les réponses, si insatisfaisantes soient-elles, reflètent cet équilibre délicat. Et les réponses possibles à cette question relèvent d'ailleurs moins du simple oui ou non que d'explications sur les méandres complexes et souvent peu ragoutants des relations entre alliés slash adversaires politiques avec qui vous cheminez. C'est précisément cette complexité qui rend la transparence impossible, car elle ne relève pas du mensonge ou de la manipulation. mais de l'impossibilité d'en faire un exposé clair et acceptable dans le cadre médiatique, avec ses contraintes de temps, et il faut le dire aussi, ses raccourcis. Je pense que le problème lié à la langue de bois vient surtout de l'obsession pour la transparence politique et du cadre médiatique qui peut-être, parfois, en révèle inutilement trop. Alors je ne parle pas de la transparence sur les comportements et la déontologie, mais sur les rapports de forces politiques eux-mêmes et sur les rivalités interpersonnelles notamment. Cette transparence-là, rendue spectaculaire par les médias, très souvent feuilletonnée, me paraît être comme un bonbon trop sucré qu'on donnerait à un patient déjà diabétique. Je reprendrai d'ailleurs l'expression du psychosociologue et essayiste Pierre Laroui, avec qui je travaille par ailleurs, qui qualifiait cette obsession de l'opinion pour la transparence politique de désir qu'on lui révèle ce qu'elle craint de déjà savoir. Il y a au fond une forme de paradoxe dans ce couple politique-opinion qui, parfois, comme certains couples dans la vie, aurait besoin de ne pas tout se dire trop franchement pour continuer de s'aimer, ou du moins dans notre cas, de se supporter. Alors oui, la langue de bois est insupportable, j'en conviens toutefois. Elle laisse l'impression que les politiques insultent notre intelligence, qu'on serait assez demeuré pour gober sans broncher la langue de bois qu'ils nous délivrent. Il serait toutefois naïf d'attendre des politiques qu'ils se livrent à un exercice de transparence totale et surtout permanent. Cela reviendrait à faire de la politique un spectacle, avec les médias comme Arène et les politiques comme Gladiateur prêts à se sacrifier sur l'autel de la franchise totale et absolue. Je note au passage que cela même dans l'opinion publique qui exige cette transparence totale, sont souvent aussi ceux qui reprochent à la politique d'être un spectacle. Comme l'a dit Bossuet, Dieu serait les hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. À bon entendeur. Comme dans chaque épisode, je veux aborder un point de méthode. Puisque j'évoque la langue de bois des politiques, le sujet est évidemment comment répondre à une question à laquelle on ne peut pas ou on ne doit pas répondre. C'est un sujet récurrent pour le médiatraineur. Et si je vous en parle, c'est aussi parce qu'il concerne beaucoup plus de gens que les seuls politiques. Il y a souvent des aspects techniques de confidentialité industrielle, par exemple, ou de délicatesse diverses et variées, qui imposent à des dirigeants d'entreprises ou à des salariés d'esquiver certaines réponses. Et s'ils ne se trouvent pas sur un plateau de télévision ou de radio, ils peuvent être confrontés à cet enjeu de façon plus ordinaire, lors d'une table ronde ou d'une conférence, par exemple. On me pose évidemment très souvent la question de comment esquiver ces questions délicates. Celui ou celle qui se demande comment faire ne voit pas la réponse immédiatement, je crois... parce que l'idée de la langue de bois peut heurter un principe de vérité et de transparence qu'on pense universel. Je réponds la plupart du temps, mais la réponse est dans la question. Je note d'ailleurs que souvent, la réaction à ma réponse des gens que je coach est une forme mêlée de soulagement et de dépit. Soulagement parce qu'il n'y avait en fait pas de formule magique à côté de laquelle il serait passé sans la voir, et dépit car au fond, au fond oui, il connaissait déjà la réponse. Il y a cependant une manière franche de ne pas répondre franchement. Si vous savez que vous ne pouvez pas vous embarquer dans une réponse directe à une question, vous devez solidement formuler votre non-réponse. Alors, soit vous expliquez pourquoi vous ne pouvez pas répondre, c'est la façon la plus transparente de faire, mais cela ne va pas s'enrisquer d'éveiller d'autres curiosités de la part de votre interlocuteur ou d'un journaliste. Soit vous dites simplement que ce n'est pas le sujet pour lequel vous êtes venu vous exprimer, par exemple. C'est la manière la plus abrupte, c'est pas très joli, mais c'est bien plus sécurisant. Il restera à travailler deux éléments en conséquence. La formulation de la réponse, pour qu'elle soit la plus solide possible, et son entêtement. Je veux dire par entêtement, le fait de pouvoir y camper, dans les cas où un journaliste ou un interlocuteur insisterait. Au fond, c'est là le plus gros défi. Songez-y d'ailleurs si cela vous est déjà arrivé, ou si vous avez peur que cela vous arrive. Formuler une réponse qui ne répond pas à la question, faire de la langue de bois, on arrive vite à se dire qu'on peut le faire. Mais tenir sa position en cas de questions répétées sur le sujet, sans autre outil que l'élément de langage que vous avez construit, c'est une autre paire de manches qui pourrait réellement fragiliser votre parole. Ne paniquez pas, il n'y a pas d'autre issue. La nécessité de la langue de bois est le signe que vous êtes dans une situation qui est de toute façon compliquée. L'enjeu, c'est de tenir, pas de briller. Et ça, les politiques le savent depuis longtemps. C'est ce genre de situation, particulièrement urtiquante, qui justifie en fin de compte de faire du media training. Mais je vous rassure, ce n'est pas la seule. Voilà, c'est la fin du deuxième épisode de Carnet de bord du Mediatrainer. Comme toujours, vous pouvez laisser vos impressions, vos commentaires et vos contradictions, elles sont bienvenues. Pour ma part, je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Share

Embed

You may also like

Description

Le discours politique, en général, et sa déclinaison dans les médias, en particulier, sont souvent associés à la fameuse "langue de bois". Mais que révèle cette expression bien connue sur les enjeux sous-jacents de la communication politique ?


C’est également l’occasion d’aborder un point de méthode en media training en traitant une question récurrente : comment répondre à une question lorsqu’il est impossible d’y apporter une réponse directe ? 🤐


Retrouvez ici quelques études récentes sur l'image des politiques, évoquées dans cet épisode :


https://www.odoxa.fr/sondage/recherche-de-coalitions-quete-dun-premier-ministre-et-pendant-ce-temps-la-limage-des-partis-politiques-sabime-encore/


https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-11/Ipsos-La-Tribune-Dimanche-Barometre-Politique-Novembre-2024-web.pdf


https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2024-une-crise-de-confiance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Cros

    Carnet de bord du Mediatrainer, une série de podcasts pour parler de la communication et de la prise de parole médiatique à travers le regard d'un Mediatrainer, pour partager analyse, réflexion et éléments de méthode. Bonjour et bienvenue dans ce deuxième Carnet de bord du Mediatrainer, premier épisode d'une série consacrée au mal-aimé. Alors par mal-aimé, j'entends ceux qui parlent dans les médias et qui irritent, ou ceux dont on dit qu'ils irritent le public, ces figures qui ont souvent une... mauvaise réputation médiatique. Dans cette série d'épisodes spéciaux, je parlerai des footballeurs, des syndicalistes et bien sûr des politiques. Impossible de commencer autrement qu'avec ceux que beaucoup considèrent comme les plus détestés, les politiques. Quand je dis que je fais du mediatraining surtout à des personnes hors du monde de la communication, la réaction la plus courante est tu devrais bosser avec des politiques, ils en ont besoin C'est dire à quel point leur réputation médiatique est catastrophique. Depuis 2011, j'ai travaillé avec de nombreux élus, qu'ils soient élus locaux ou parlementaires, sur leurs discours médiatiques et leur prise de parole publique. Ma société aussi m'a été agréée par le ministère de l'Intérieur pour former les élus locaux pendant presque 10 ans. Dans cet épisode, je ne vais pas faire de décryptage des discours politiques, ce n'est pas l'objet de ce podcast et puis d'autres le font par ailleurs déjà très bien. Mon idée, c'est plutôt de prendre un peu de recul, de réfléchir à travers l'exercice du Media Training à comment le discours politique se construit ou ne se construit pas d'ailleurs et par conséquent pourquoi l'image médiatique des politiques est si mauvaise. Pour constater ou pour revérifier cette mauvaise image, il suffit de consulter les nombreux baromètres, études et sondages qui montrent une perte de confiance et un mécontentement croissant à l'égard des politiques. Je laisse dans la description de l'épisode d'ailleurs les dernières livraisons des études récurrentes sur le sujet si ça vous intéresse. C'est en partie le discours médiatique des politiciens qui est souvent l'un des éléments sur lesquels les citoyens s'appuient pour forger cette opinion négative. Je ne vais pas nécessairement défendre les politiques, mais je crois qu'il existe de nombreux malentendus. entre l'image qu'il projette, les raisons pour lesquelles cette image s'est fixée, et la manière dont l'opinion publique reçoit les messages dans les médias. En préparant cet épisode, un peu pour revérifier moi-même les choses, j'ai demandé à mon entourage professionnel ce qui, selon eux, rendait le discours des politiques mauvais ou améliorable. La réponse la plus récurrente, c'est la langue de bois et l'insincérité qu'elle inspire. Alors, il y a d'autres critiques qui reviennent souvent, comme leur supposée déconnexion ou la pauvreté rhétorique de certains discours. Mais la langue de bois reste le reproche numéro 1. On se rend vite compte que cette critique repose souvent sur des situations caricaturales qui finissent par alimenter des clichés généralisés. Quand on pousse la discussion, les avis deviennent souvent plus nuancés. Le problème principal, c'est ce sentiment que les politiques répondent trop peu souvent, franchement, aux questions posées. Puisque dans cet épisode, on parlera de langue de bois, j'en profiterai pour aborder un sujet classique en médiatraining, comment faire pour répondre à une question à laquelle on ne peut pas répondre. Pour apporter un éclairage à cette question... assez épineuse, voyons d'abord au fond pourquoi les politiques fondent la langue de bois et vous verrez que ça nous amènera à une réponse qui est assez évidente. La langue de bois est rarement un choix de confort. Les politiques l'utilisent parce qu'ils y trouvent un intérêt stratégique. Imaginez la prise de parole médiatique, surtout dans le champ politique, comme une sorte de balance comptable. Chaque message délivré dans les médias produit des gains et des pertes, des adhésions et des rejets. Le but est toujours, pour l'orateur, de minimiser les pertes et de maximiser les gains. Dans ce cadre, ne pas répondre franchement à une question est parfois une nécessité. Répondre directement pour écouter cher en termes politiques ou nuire à l'image des émetteurs. Je précise que je parle surtout des propos qui ne relèvent pas du mensonge frontal ou de la manipulation, mais qui relèvent plus d'une forme de délicatesse risquée pour l'orateur. Alors prenons des exemples. A l'été 2024... après la dissolution et les élections législatives, les questions sur les coalitions transpartisanes et ensuite les questions de censure ou de non-censure des gouvernements a mis en lumière ces enjeux. Comment répondre à la question Seriez-vous prêt à entrer dans un gouvernement avec tel ou tel parti ? Dans ces cas-là, on l'a vu, on l'a entendu de façon régulière, les politiques sont souvent pris dans une sorte de dilemme impossible. Comment répondre frontalement à cette question ? Je prenais l'exemple de l'entrée au gouvernement dans une coalition transpartisane. Sans se brouiller dans son camp avec ceux qui y seraient favorables ou ceux qui n'y seraient pas favorables. Les réponses, si insatisfaisantes soient-elles, reflètent cet équilibre délicat. Et les réponses possibles à cette question relèvent d'ailleurs moins du simple oui ou non que d'explications sur les méandres complexes et souvent peu ragoutants des relations entre alliés slash adversaires politiques avec qui vous cheminez. C'est précisément cette complexité qui rend la transparence impossible, car elle ne relève pas du mensonge ou de la manipulation. mais de l'impossibilité d'en faire un exposé clair et acceptable dans le cadre médiatique, avec ses contraintes de temps, et il faut le dire aussi, ses raccourcis. Je pense que le problème lié à la langue de bois vient surtout de l'obsession pour la transparence politique et du cadre médiatique qui peut-être, parfois, en révèle inutilement trop. Alors je ne parle pas de la transparence sur les comportements et la déontologie, mais sur les rapports de forces politiques eux-mêmes et sur les rivalités interpersonnelles notamment. Cette transparence-là, rendue spectaculaire par les médias, très souvent feuilletonnée, me paraît être comme un bonbon trop sucré qu'on donnerait à un patient déjà diabétique. Je reprendrai d'ailleurs l'expression du psychosociologue et essayiste Pierre Laroui, avec qui je travaille par ailleurs, qui qualifiait cette obsession de l'opinion pour la transparence politique de désir qu'on lui révèle ce qu'elle craint de déjà savoir. Il y a au fond une forme de paradoxe dans ce couple politique-opinion qui, parfois, comme certains couples dans la vie, aurait besoin de ne pas tout se dire trop franchement pour continuer de s'aimer, ou du moins dans notre cas, de se supporter. Alors oui, la langue de bois est insupportable, j'en conviens toutefois. Elle laisse l'impression que les politiques insultent notre intelligence, qu'on serait assez demeuré pour gober sans broncher la langue de bois qu'ils nous délivrent. Il serait toutefois naïf d'attendre des politiques qu'ils se livrent à un exercice de transparence totale et surtout permanent. Cela reviendrait à faire de la politique un spectacle, avec les médias comme Arène et les politiques comme Gladiateur prêts à se sacrifier sur l'autel de la franchise totale et absolue. Je note au passage que cela même dans l'opinion publique qui exige cette transparence totale, sont souvent aussi ceux qui reprochent à la politique d'être un spectacle. Comme l'a dit Bossuet, Dieu serait les hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. À bon entendeur. Comme dans chaque épisode, je veux aborder un point de méthode. Puisque j'évoque la langue de bois des politiques, le sujet est évidemment comment répondre à une question à laquelle on ne peut pas ou on ne doit pas répondre. C'est un sujet récurrent pour le médiatraineur. Et si je vous en parle, c'est aussi parce qu'il concerne beaucoup plus de gens que les seuls politiques. Il y a souvent des aspects techniques de confidentialité industrielle, par exemple, ou de délicatesse diverses et variées, qui imposent à des dirigeants d'entreprises ou à des salariés d'esquiver certaines réponses. Et s'ils ne se trouvent pas sur un plateau de télévision ou de radio, ils peuvent être confrontés à cet enjeu de façon plus ordinaire, lors d'une table ronde ou d'une conférence, par exemple. On me pose évidemment très souvent la question de comment esquiver ces questions délicates. Celui ou celle qui se demande comment faire ne voit pas la réponse immédiatement, je crois... parce que l'idée de la langue de bois peut heurter un principe de vérité et de transparence qu'on pense universel. Je réponds la plupart du temps, mais la réponse est dans la question. Je note d'ailleurs que souvent, la réaction à ma réponse des gens que je coach est une forme mêlée de soulagement et de dépit. Soulagement parce qu'il n'y avait en fait pas de formule magique à côté de laquelle il serait passé sans la voir, et dépit car au fond, au fond oui, il connaissait déjà la réponse. Il y a cependant une manière franche de ne pas répondre franchement. Si vous savez que vous ne pouvez pas vous embarquer dans une réponse directe à une question, vous devez solidement formuler votre non-réponse. Alors, soit vous expliquez pourquoi vous ne pouvez pas répondre, c'est la façon la plus transparente de faire, mais cela ne va pas s'enrisquer d'éveiller d'autres curiosités de la part de votre interlocuteur ou d'un journaliste. Soit vous dites simplement que ce n'est pas le sujet pour lequel vous êtes venu vous exprimer, par exemple. C'est la manière la plus abrupte, c'est pas très joli, mais c'est bien plus sécurisant. Il restera à travailler deux éléments en conséquence. La formulation de la réponse, pour qu'elle soit la plus solide possible, et son entêtement. Je veux dire par entêtement, le fait de pouvoir y camper, dans les cas où un journaliste ou un interlocuteur insisterait. Au fond, c'est là le plus gros défi. Songez-y d'ailleurs si cela vous est déjà arrivé, ou si vous avez peur que cela vous arrive. Formuler une réponse qui ne répond pas à la question, faire de la langue de bois, on arrive vite à se dire qu'on peut le faire. Mais tenir sa position en cas de questions répétées sur le sujet, sans autre outil que l'élément de langage que vous avez construit, c'est une autre paire de manches qui pourrait réellement fragiliser votre parole. Ne paniquez pas, il n'y a pas d'autre issue. La nécessité de la langue de bois est le signe que vous êtes dans une situation qui est de toute façon compliquée. L'enjeu, c'est de tenir, pas de briller. Et ça, les politiques le savent depuis longtemps. C'est ce genre de situation, particulièrement urtiquante, qui justifie en fin de compte de faire du media training. Mais je vous rassure, ce n'est pas la seule. Voilà, c'est la fin du deuxième épisode de Carnet de bord du Mediatrainer. Comme toujours, vous pouvez laisser vos impressions, vos commentaires et vos contradictions, elles sont bienvenues. Pour ma part, je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Le discours politique, en général, et sa déclinaison dans les médias, en particulier, sont souvent associés à la fameuse "langue de bois". Mais que révèle cette expression bien connue sur les enjeux sous-jacents de la communication politique ?


C’est également l’occasion d’aborder un point de méthode en media training en traitant une question récurrente : comment répondre à une question lorsqu’il est impossible d’y apporter une réponse directe ? 🤐


Retrouvez ici quelques études récentes sur l'image des politiques, évoquées dans cet épisode :


https://www.odoxa.fr/sondage/recherche-de-coalitions-quete-dun-premier-ministre-et-pendant-ce-temps-la-limage-des-partis-politiques-sabime-encore/


https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-11/Ipsos-La-Tribune-Dimanche-Barometre-Politique-Novembre-2024-web.pdf


https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2024-une-crise-de-confiance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Cros

    Carnet de bord du Mediatrainer, une série de podcasts pour parler de la communication et de la prise de parole médiatique à travers le regard d'un Mediatrainer, pour partager analyse, réflexion et éléments de méthode. Bonjour et bienvenue dans ce deuxième Carnet de bord du Mediatrainer, premier épisode d'une série consacrée au mal-aimé. Alors par mal-aimé, j'entends ceux qui parlent dans les médias et qui irritent, ou ceux dont on dit qu'ils irritent le public, ces figures qui ont souvent une... mauvaise réputation médiatique. Dans cette série d'épisodes spéciaux, je parlerai des footballeurs, des syndicalistes et bien sûr des politiques. Impossible de commencer autrement qu'avec ceux que beaucoup considèrent comme les plus détestés, les politiques. Quand je dis que je fais du mediatraining surtout à des personnes hors du monde de la communication, la réaction la plus courante est tu devrais bosser avec des politiques, ils en ont besoin C'est dire à quel point leur réputation médiatique est catastrophique. Depuis 2011, j'ai travaillé avec de nombreux élus, qu'ils soient élus locaux ou parlementaires, sur leurs discours médiatiques et leur prise de parole publique. Ma société aussi m'a été agréée par le ministère de l'Intérieur pour former les élus locaux pendant presque 10 ans. Dans cet épisode, je ne vais pas faire de décryptage des discours politiques, ce n'est pas l'objet de ce podcast et puis d'autres le font par ailleurs déjà très bien. Mon idée, c'est plutôt de prendre un peu de recul, de réfléchir à travers l'exercice du Media Training à comment le discours politique se construit ou ne se construit pas d'ailleurs et par conséquent pourquoi l'image médiatique des politiques est si mauvaise. Pour constater ou pour revérifier cette mauvaise image, il suffit de consulter les nombreux baromètres, études et sondages qui montrent une perte de confiance et un mécontentement croissant à l'égard des politiques. Je laisse dans la description de l'épisode d'ailleurs les dernières livraisons des études récurrentes sur le sujet si ça vous intéresse. C'est en partie le discours médiatique des politiciens qui est souvent l'un des éléments sur lesquels les citoyens s'appuient pour forger cette opinion négative. Je ne vais pas nécessairement défendre les politiques, mais je crois qu'il existe de nombreux malentendus. entre l'image qu'il projette, les raisons pour lesquelles cette image s'est fixée, et la manière dont l'opinion publique reçoit les messages dans les médias. En préparant cet épisode, un peu pour revérifier moi-même les choses, j'ai demandé à mon entourage professionnel ce qui, selon eux, rendait le discours des politiques mauvais ou améliorable. La réponse la plus récurrente, c'est la langue de bois et l'insincérité qu'elle inspire. Alors, il y a d'autres critiques qui reviennent souvent, comme leur supposée déconnexion ou la pauvreté rhétorique de certains discours. Mais la langue de bois reste le reproche numéro 1. On se rend vite compte que cette critique repose souvent sur des situations caricaturales qui finissent par alimenter des clichés généralisés. Quand on pousse la discussion, les avis deviennent souvent plus nuancés. Le problème principal, c'est ce sentiment que les politiques répondent trop peu souvent, franchement, aux questions posées. Puisque dans cet épisode, on parlera de langue de bois, j'en profiterai pour aborder un sujet classique en médiatraining, comment faire pour répondre à une question à laquelle on ne peut pas répondre. Pour apporter un éclairage à cette question... assez épineuse, voyons d'abord au fond pourquoi les politiques fondent la langue de bois et vous verrez que ça nous amènera à une réponse qui est assez évidente. La langue de bois est rarement un choix de confort. Les politiques l'utilisent parce qu'ils y trouvent un intérêt stratégique. Imaginez la prise de parole médiatique, surtout dans le champ politique, comme une sorte de balance comptable. Chaque message délivré dans les médias produit des gains et des pertes, des adhésions et des rejets. Le but est toujours, pour l'orateur, de minimiser les pertes et de maximiser les gains. Dans ce cadre, ne pas répondre franchement à une question est parfois une nécessité. Répondre directement pour écouter cher en termes politiques ou nuire à l'image des émetteurs. Je précise que je parle surtout des propos qui ne relèvent pas du mensonge frontal ou de la manipulation, mais qui relèvent plus d'une forme de délicatesse risquée pour l'orateur. Alors prenons des exemples. A l'été 2024... après la dissolution et les élections législatives, les questions sur les coalitions transpartisanes et ensuite les questions de censure ou de non-censure des gouvernements a mis en lumière ces enjeux. Comment répondre à la question Seriez-vous prêt à entrer dans un gouvernement avec tel ou tel parti ? Dans ces cas-là, on l'a vu, on l'a entendu de façon régulière, les politiques sont souvent pris dans une sorte de dilemme impossible. Comment répondre frontalement à cette question ? Je prenais l'exemple de l'entrée au gouvernement dans une coalition transpartisane. Sans se brouiller dans son camp avec ceux qui y seraient favorables ou ceux qui n'y seraient pas favorables. Les réponses, si insatisfaisantes soient-elles, reflètent cet équilibre délicat. Et les réponses possibles à cette question relèvent d'ailleurs moins du simple oui ou non que d'explications sur les méandres complexes et souvent peu ragoutants des relations entre alliés slash adversaires politiques avec qui vous cheminez. C'est précisément cette complexité qui rend la transparence impossible, car elle ne relève pas du mensonge ou de la manipulation. mais de l'impossibilité d'en faire un exposé clair et acceptable dans le cadre médiatique, avec ses contraintes de temps, et il faut le dire aussi, ses raccourcis. Je pense que le problème lié à la langue de bois vient surtout de l'obsession pour la transparence politique et du cadre médiatique qui peut-être, parfois, en révèle inutilement trop. Alors je ne parle pas de la transparence sur les comportements et la déontologie, mais sur les rapports de forces politiques eux-mêmes et sur les rivalités interpersonnelles notamment. Cette transparence-là, rendue spectaculaire par les médias, très souvent feuilletonnée, me paraît être comme un bonbon trop sucré qu'on donnerait à un patient déjà diabétique. Je reprendrai d'ailleurs l'expression du psychosociologue et essayiste Pierre Laroui, avec qui je travaille par ailleurs, qui qualifiait cette obsession de l'opinion pour la transparence politique de désir qu'on lui révèle ce qu'elle craint de déjà savoir. Il y a au fond une forme de paradoxe dans ce couple politique-opinion qui, parfois, comme certains couples dans la vie, aurait besoin de ne pas tout se dire trop franchement pour continuer de s'aimer, ou du moins dans notre cas, de se supporter. Alors oui, la langue de bois est insupportable, j'en conviens toutefois. Elle laisse l'impression que les politiques insultent notre intelligence, qu'on serait assez demeuré pour gober sans broncher la langue de bois qu'ils nous délivrent. Il serait toutefois naïf d'attendre des politiques qu'ils se livrent à un exercice de transparence totale et surtout permanent. Cela reviendrait à faire de la politique un spectacle, avec les médias comme Arène et les politiques comme Gladiateur prêts à se sacrifier sur l'autel de la franchise totale et absolue. Je note au passage que cela même dans l'opinion publique qui exige cette transparence totale, sont souvent aussi ceux qui reprochent à la politique d'être un spectacle. Comme l'a dit Bossuet, Dieu serait les hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. À bon entendeur. Comme dans chaque épisode, je veux aborder un point de méthode. Puisque j'évoque la langue de bois des politiques, le sujet est évidemment comment répondre à une question à laquelle on ne peut pas ou on ne doit pas répondre. C'est un sujet récurrent pour le médiatraineur. Et si je vous en parle, c'est aussi parce qu'il concerne beaucoup plus de gens que les seuls politiques. Il y a souvent des aspects techniques de confidentialité industrielle, par exemple, ou de délicatesse diverses et variées, qui imposent à des dirigeants d'entreprises ou à des salariés d'esquiver certaines réponses. Et s'ils ne se trouvent pas sur un plateau de télévision ou de radio, ils peuvent être confrontés à cet enjeu de façon plus ordinaire, lors d'une table ronde ou d'une conférence, par exemple. On me pose évidemment très souvent la question de comment esquiver ces questions délicates. Celui ou celle qui se demande comment faire ne voit pas la réponse immédiatement, je crois... parce que l'idée de la langue de bois peut heurter un principe de vérité et de transparence qu'on pense universel. Je réponds la plupart du temps, mais la réponse est dans la question. Je note d'ailleurs que souvent, la réaction à ma réponse des gens que je coach est une forme mêlée de soulagement et de dépit. Soulagement parce qu'il n'y avait en fait pas de formule magique à côté de laquelle il serait passé sans la voir, et dépit car au fond, au fond oui, il connaissait déjà la réponse. Il y a cependant une manière franche de ne pas répondre franchement. Si vous savez que vous ne pouvez pas vous embarquer dans une réponse directe à une question, vous devez solidement formuler votre non-réponse. Alors, soit vous expliquez pourquoi vous ne pouvez pas répondre, c'est la façon la plus transparente de faire, mais cela ne va pas s'enrisquer d'éveiller d'autres curiosités de la part de votre interlocuteur ou d'un journaliste. Soit vous dites simplement que ce n'est pas le sujet pour lequel vous êtes venu vous exprimer, par exemple. C'est la manière la plus abrupte, c'est pas très joli, mais c'est bien plus sécurisant. Il restera à travailler deux éléments en conséquence. La formulation de la réponse, pour qu'elle soit la plus solide possible, et son entêtement. Je veux dire par entêtement, le fait de pouvoir y camper, dans les cas où un journaliste ou un interlocuteur insisterait. Au fond, c'est là le plus gros défi. Songez-y d'ailleurs si cela vous est déjà arrivé, ou si vous avez peur que cela vous arrive. Formuler une réponse qui ne répond pas à la question, faire de la langue de bois, on arrive vite à se dire qu'on peut le faire. Mais tenir sa position en cas de questions répétées sur le sujet, sans autre outil que l'élément de langage que vous avez construit, c'est une autre paire de manches qui pourrait réellement fragiliser votre parole. Ne paniquez pas, il n'y a pas d'autre issue. La nécessité de la langue de bois est le signe que vous êtes dans une situation qui est de toute façon compliquée. L'enjeu, c'est de tenir, pas de briller. Et ça, les politiques le savent depuis longtemps. C'est ce genre de situation, particulièrement urtiquante, qui justifie en fin de compte de faire du media training. Mais je vous rassure, ce n'est pas la seule. Voilà, c'est la fin du deuxième épisode de Carnet de bord du Mediatrainer. Comme toujours, vous pouvez laisser vos impressions, vos commentaires et vos contradictions, elles sont bienvenues. Pour ma part, je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Share

Embed

You may also like