- Speaker #0
Ce podcast vous est proposé par l'autorité de la concurrence. L'autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante chargée notamment de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles. On l'appelle aussi le gendarme de la concurrence.
- Speaker #1
Vous écoutez Cartel et compagnie, un podcast sur de grandes affaires de fraude économique française. Je m'appelle Isabelle Souquet, je suis journaliste, et dans cette série en huit épisodes, je vous emmène dans les coulisses des enquêtes de l'autorité de la concurrence, au cœur de scandales qui impliquent des entreprises mondiales. J'ai décidé de vous raconter les mécanismes des cartels, ces accords secrets de grande envergure qui ont des conséquences préjudiciables directes sur nous, les consommateurs, sur le prix final de certains produits que l'on achète régulièrement, et même sur les impôts que nous payons. Vous entendrez également le témoignage de ceux qui luttent au quotidien contre ces tricheries et ces manipulations de marché. Deuxième enquête, le cartel des lino. Je vais vous raconter comment les principaux fabricants de revêtements de sol ont floué les contribuables à hauteur de plusieurs millions d'euros. Épisode 1, des perquisitions fructueuses. La direction financière, c'est au troisième étage. Bonjour monsieur, bonjour madame. Je suis Galet. Ah ben voilà. Bonjour, merci de me recevoir chez vous. Bruno Galet est directeur des finances et du patrimoine de l'hôpital Paul Guiraud à Villejuif. Je l'ai rencontré à l'hôpital.
- Speaker #2
Les hôpitaux, depuis plusieurs dizaines d'années, pour des raisons qui ont trait à l'hygiène, se sont mis à poser des sols collés. Parce que c'est des surfaces qui se nettoient facilement, avec peu d'aspérité. Un hôpital, c'est grand, il faut considérer qu'en termes de mètres carrés utilisés, un hôpital général sera autour de 80 000 mètres carrés. Donc ça représente potentiellement beaucoup de mètres carrés de sols collés et un enjeu financier. important.
- Speaker #1
Pendant plus de 20 ans, l'hôpital de Villejuif a acheté des maîtres et des maîtres de lino, ses revêtements de sol en PVC et linoleum. Or, pendant des années, les trois entreprises leaders du secteur se sont entendues sur les prix, au détriment des structures privées et publiques. En payant plus cher ses fournisseurs, L'hôpital de Villejuif a subi des surcoûts très importants qui pourraient se chiffrer en millions d'euros.
- Speaker #3
Ce sol d'inspiration romantique est de création récente. Il offre toutes les garanties d'entretien facile, de solidité, d'étanchéité, enfin tout ce que l'on peut demander à un sol à notre époque.
- Speaker #1
Dans les années 50, la France connaît un âge d'or du plastique. Le linoleum, le PVC et autres sols vinyles deviennent des revêtements incontournables dans les foyers français.
- Speaker #3
Les enfants peuvent jouer dessus sans risquer de le rayer et l'entretien en est des plus simples, je vous l'ai déjà dit. Le charme d'un tel sol, une des qualités que nous venons d'énumérer mises à part, est dû au dessin.
- Speaker #1
Les bâtiments publics construits après la guerre, comme les hôpitaux et les écoles, vont également s'équiper de sols souples pour des raisons de simplicité des travaux, d'hygiène et surtout de coût. Les appels d'offres des pouvoirs publics se multiplient et le marché devient de plus en plus juteux pour les fabricants de revêtements. Commence en septembre 2010. Comme chaque année, Une société spécialisée dans la pose de sol reçoit le catalogue des trois entreprises majeures du Lino en France, Gerflor, Tarket et Forbo. Les trois fournisseurs ont légèrement augmenté leur prix, mais ce qui est surprenant, c'est que les pourcentages d'augmentation de prix pour chaque produit sont étonnamment similaires. Même les courriers adressés aux clients semblent avoir été copiés-collés. Bonjour, bonjour. Monsieur Kerguelen ? Oui, et bien c'est moi. Et moi je ne peux pas rentrer ici sans vous. Erwann Kerguelen est à l'époque des faits rapporteur à l'autorité de la concurrence. C'est le titre donné aux enquêteurs.
- Speaker #4
En fait, à la base, les trois fabricants ont envoyé une lettre à leurs clients pour leur indiquer une hausse de prix à venir. Et la particularité de cette hausse, c'est qu'elle était du même pourcentage et la lettre est datée du même jour. Et donc, c'était un professionnel qui était déjà alerté par une certaine similitude des prix et je dirais la réception de ces trois courriers concomitants. a vraiment alerté son attention et c'est suite à ça qu'il a fait un dépôt de plainte anonyme auprès de la DGCCRF pour dénoncer un comportement qui lui paraissait suspect.
- Speaker #1
Début 2011, un signalement est donc fait à la répression des fraudes, la DGCCRF, qui alerte à son tour l'autorité de la concurrence. Le premier réflexe d'Erwan Karguelen est de vérifier si le contexte économique peut expliquer une hausse simultanée de tous les fournisseurs. L'augmentation du prix des matières premières, comme le passage à l'euro quelques années auparavant, a pu jouer sur les hausses de prix.
- Speaker #4
À ce moment-là, nous regardons les différentes pièces, on les analyse pour voir si elles ne peuvent pas s'expliquer par, par exemple, des éléments comme des hausses de coût, etc. Et là, finalement, en fait, l'ensemble des conditions nous faisaient plutôt penser qu'il n'y avait rien qui justifiait l'envoi concomitant d'une hausse aussi similaire. Et ce, d'autant qu'on était dans des conditions de marché qui étaient assez propices au cartel, dans la mesure où on était avec trois opérateurs au niveau français qui détenaient une part de marché importante. Et donc, c'était une situation qui est aussi propice à la coordination entre opérateurs. Et donc, dans ce cadre-là, on regarde si on peut motiver une perquisition auprès du juge des libertés de la détention.
- Speaker #1
Après avoir étudié toutes les pièces rassemblées par l'autorité de la concurrence, le juge des libertés et de la détention autorise les perquisitions dans les locaux de Gerflor, Forbeau et Tarquette.
- Speaker #4
On arrive le matin accompagné d'un officier de police judiciaire et après on demande de voir un responsable à qui on notifie l'ordonnance du juge et à partir de là commence le début des opérations, à la fois des fouilles papier des bureaux et des fouilles informatiques. que ce soit ordinateur, serveur, téléphone. En fait, la collecte se fait généralement dans la journée et une fois qu'on a vérifié que les éléments entrent bien dans ce champ, du coup on peut les prendre et on fait une mise sous-cellée et commence la phase d'exploitation qui est beaucoup plus longue parce que notamment il y a une mise en relation des différents éléments et quelque part une histoire à recréer.
- Speaker #1
En parallèle de ces perquisitions, d'autres recherches sont lancées pour trouver de nouveaux éléments et corroborer les différents indices.
- Speaker #4
Et là notamment, on a fait des demandes d'informations par rapport aux notes de frais, dans la mesure où les principaux opérateurs se rencontraient régulièrement dans différents hôtels pour discuter de ces éléments-là. Et donc on a essayé de croiser les notes de frais pour prouver que les opérateurs étaient au même endroit au même moment.
- Speaker #1
Les enquêteurs réalisent non seulement que le cartel existe, mais qu'il fonctionne depuis au moins dix ans. Nous sommes en 2011 et les premières pièces incriminantes datent en effet de 2001.
- Speaker #4
En termes de pièces décisives, je dirais déjà des éléments manuscrits ou informatiques saisis chez les uns et les autres, montrant le résultat des échanges. Par exemple, ils appelaient leurs réunions des réunions 1, 2, 3, qui faisaient référence aux trois fabricants, et donc avec des notes avec 1, 2, 3, avec des montants de hausse ou des prix minimums ou des éléments relatifs au volume. Et ensuite, pour les notes de frais, c'était des notes de frais qui prouvaient que les responsables des trois entreprises se retrouvaient dans le même lieu à la même date. Généralement, ils passaient la nuit dans l'hôtel et avaient une journée de travail pour discuter des différents sujets. et se retrouvaient à cette occasion dans des hôtels plutôt sympas, comme par exemple à Annecy ou à Saint-Malo. Ça pouvait être aussi dans des restaurants comme le Blue Elephant à Paris.
- Speaker #1
C'est la fin de ce premier épisode consacré au cartel des lino. Dans le prochain épisode, les trois entreprises mettent en place une stratégie secrète pour communiquer entre elles.
- Speaker #0
Cartel & Compagnie est un podcast proposé par l'autorité de la concurrence et produit par Insider Podcast.