Speaker #0Bonjour à tous, et bienvenue dans ce nouvel épisode de la chronique d'un jeu oublié, votre podcast qui vous parle de ces jeux vidéo que vous n'avez pas eu la chance de découvrir. Ici, on met la lumière sur ces titres peu connus qui se révèlent être encore plaisants à jouer aujourd'hui. Le but étant de vous laisser le plaisir de les découvrir par vous-même. Pour cet épisode, après avoir fait un tour dans un univers coloré et un peu enfantin, on opère un virage à 180°. On part sur une autre île, bien réelle cette fois, plus précisément dans un monastère du Pays de Galles de la fin du XIXe siècle. Dans ce jeu de rôle se mêlant au survival horror, une jeune gitane s'aventure dans ce bâtiment empli de créatures maléfiques. Son nom, Koudelka. Sorti au Japon en décembre 1999, puis en juin 2000 en Amérique et enfin en octobre 2000 en Europe, Koudelka est le premier jeu du studio SACNOS. Le studio est né en avril 1997 grâce au financement de SNK, ici en tant qu'éditeur. Également développeur, SNK est connu pour sa NeoGeo, sa console de salon vue comme la Rolls-Royce, le haut de gamme de la console de jeu de l'époque. SNK, c'est aussi un pilier de l'industrie du jeu sur borne d'arcade, à qui on doit notamment les séries Metal Slug, Fatal Fury, ainsi que King of Fighters. Mais à la fin des années 90, SNK sent qu'il doit rebondir. Sa console est trop chère, et le jeu sur bande d'arcade dépérit. Dans sa tentative de s'adapter aux changements d'habitude vers les consoles de salon et portable, l'éditeur se tourne entre autres vers un homme, Hiroki Kikuta. C'est peut-être un nom qui parle à peu de gens, et pourtant, cet artiste qui fut un temps illustrateur de manga est un homme cultivé, s'intéressant... autant à l'anthropologie qu'aux religions, la philosophie, mais il est aussi un autodidacte en musique. Et en 1997, après seulement 7 ans chez Squaresoft, Kikuta a déjà marqué l'industrie du jeu vidéo en composant les bandes originales de deux titres majeurs. Secret of Mana, qui est encore aujourd'hui un des actions RPG les plus appréciés, ainsi que sa suite, Trials of Mana, que l'Occident connaîtra plus tard, en 2020. Mais Kikuta, après avoir travaillé sur plusieurs jeux chez Squaresoft, se sent bloqué. Là-bas... chaque service travaille indépendamment des autres. Or, Kikuta, lui, veut échanger avec tout le monde, rendre la création du jeu comme un moment d'échange collectif pour tirer la qualité du titre vers le haut et se sentir partie prenante avec tous les autres membres de l'équipe. Sacknoss naît donc sous cette impulsion du jeune compositeur qui emmènera dans sa foulée d'autres vétérans de Squaresoft grâce au soutien financier de SNK. Leur première production viendra de l'esprit d'Hiroki Kikuta, Koudelka. Le compositeur devient alors directeur créatif et président de son entreprise, et surtout le moteur principal du jeu. Un projet qu'il veut poser dans un cadre crédible. Le jeu vidéo japonais étant encore assez peu au fait de la culture occidentale à cette époque, un voyage en Grande-Bretagne est organisé pour approfondir la culture de l'équipe. Kikuta lie également beaucoup d'oeuvres occidentales, dont celle de Lovecraft ou encore Hope Hodgson. Le cinéma, et notamment le film Au nom de la Rose, feront aussi partie de ses inspirations. Ce qu'il a envie, c'est de créer une histoire où la limite entre le réel et la fiction est questionnable, où le but n'est pas seulement de survivre, mais aussi de résoudre le mystère de cette histoire. Dans cette optique, le jeu prend place le 31 octobre 1898, la nuit d'Halloween, mais aussi veille de la Toussaint. En plein milieu de la révolution industrielle, les nouvelles technologies apparaissent, tout en baignant encore dans une société influencée par les idées de magie, d'occultisme et de voyance. Et c'est une vision d'une personne l'appelant à l'aide qui guide la jeune Koudelka à s'infiltrer dans le monastère de Nemeton, au Pays Gall. Au cours de la cinématique d'introduction nous mettant dans l'ambiance, la jeune femme pénètre par le grenier et fait ses premières découvertes. Déjà là mon ange, je ne suis pas encore mort. Non, mais j'ai l'impression que ça ne devrait pas tarder. Peut-être, mais si tu veux bien m'excuser, il me reste encore un travail à finir. Un travail ? Et tu espères faire quoi dans l'état où tu te trouves ? Tu n'arrives même plus à tenir ton arme. Qui me vivra verra, mais ce truc ne m'ouvre pas tant que je ne lui aurais pas tiré dessus de outre. Nous avons à peine le temps d'en savoir plus sur cet homme, que démarre le premier combat du jeu face à un I2 loup-garou nous introduisant à son système de jeu qui ressemble à du tactical RPG. Nous voilà sur un plateau de 5 gaz par set, chaque camp se faisant face, avec 2 possibilités par tour. Se déplacer sur le damier, sachant que les personnages ne peuvent pas aller sur la ligne d'un adversaire ou derrière lui. Agir en changeant d'arme, en attaquant, en lançant une magie ou en utilisant un objet. Et enfin, on peut attendre ce qui termine le tour. Moins on fait d'action, plus vite on peut avoir un nouveau tour. Le système de base est assez simple à prendre en main, et en tâtonnant, on gagne notre premier combat. Bien que Kikuta souhaitait faire un jeu d'aventure, le reste de son équipe, influencée par leur expérience chez Squaresoft, a emmené le jeu sur le terrain du RPG, mêlé à des références clés du survival horror que sont Alone in the Dark et Resident Evil. Et cela se ressent déjà à travers les premières minutes de jeu, avec ces plans fixes à travers lesquels on explore. On découvre deux de nos principaux protagonistes, la fameuse Koudelka Yassant et Edward Plunkett. Koudelka... est une gitane galloise dont le nom vient du tchèque qui signifie avoir deux couleurs de cheveux, ce qui explique la mèche blonde au milieu de sa crignère brune. Mais il est aussi une référence au photographe franco-tchèque Joseph Koudelka qui, en 1975, consacra une de ses principales publications sur les gitans. La jeune femme est à la fois médium et prostituée, tentant de survivre au monde moderne en pleine évolution. Quant à Edward Plunkett, sauvé par Koudelka, ses motivations sont déjà plus discutables. intéressé uniquement par le fait que le monastère serait rempli de filles de joie avant de découvrir la triste réalité du lieu. Le londonien est une référence directe à l'irlandais Edward John Moreton Drax Plunkett, le baron de Dunsany, un écrivain de fantaisie du XXe siècle dont le travail fut une importante référence pour le jeu. A tel point que Sacknus est en réalité le nom d'une épée au cœur d'une de ses nouvelles. Les présentations sont faites, commençons donc à explorer ce monastère. Durant les phases d'exploration, on parcourt les salles du monastère en interagissant avec l'environnement, ramassant des objets, prenant des escaliers ou activant des mécanismes. Inspiration du survival horror oblige, les zones sont filmées en plan fixe et on parcourt l'environnement avec ce que le jeu nous offre comme informations visuelles. La période de développement étant une période où beaucoup de techniques et outils évoluaient rapidement, l'équipe perdit beaucoup de temps à s'adapter et cela se ressent par moments dans l'environnement. Celui-ci est bien détaillé, mais comme tout se passe de nuit, il est parfois difficile de bien lire tout ce qui se passe. Heureusement, les objets ramassés sont en 3D et dénotent clairement de l'environnement représenté en 2D. Surtout que, dans l'ensemble, l'exploration est assez simple. Si on est bloqué quelque part, c'est qu'il y a un objet à trouver. Le jeu ne propose pas de combiner des objets pour déclencher des mécanismes, ni de PNJ avec qui discuter, ni de marchand à qui acheter des objets. Tout se trouve dans l'environnement ou en combat. Attention tout de même ! car l'espace de l'inventaire est limité. Autre particularité prise du survival horror, le jeu possède des points de sauvegarde limités posés dans certaines pièces. C'est un élément qui frustra et frustre toujours les joueurs notamment car le premier vrai point de sauvegarde apparaît après 45 minutes de jeu et un boss. Mais en réalité, on peut sauvegarder régulièrement en rentrant dans certaines pièces en rendant le jeu plus accessible qu'il n'y paraît. Enfin, l'ambiance sonore est focalisée sur les bruits de pas et interactions comme dans Resident Evil. mettant l'accent sur la solitude de nos personnages et les menaces environnantes. A ceci près que le jeu étant un RPG, ces menaces n'apparaissent pas durant l'exploration, ainsi, et c'était le souhait de Kikuta, on peut s'imprégner de l'ambiance autour de nous et la présence imposante du monastère. C'est lors des combats contre les insectes géants, objets animés et autres morts vivants qui peuplent l'édifice que la musique revient à nous, distinguant ainsi les deux phases de jeu. Entrons dans le détail du talon d'Achid ou d'Elka, le combat et son rythme lourd, voire très lourd. Pourtant, ce dernier a des idées intéressantes. Comme une reprise de Secret of Mana, les armes et magies ont des niveaux d'expérience et plus on les utilise, plus elles deviennent puissantes. Les armes qu'on trouve en explorant ou en gagnant des combats donnent des bonus de statistiques au personnage, en plus d'être affilié à un élément. Ainsi, la massue de feu ou d'eau donnera toujours les mêmes bonus de vitalité. pratique pour les personnages défensifs. Mais attention, les armes peuvent casser à l'usage et on ne sait jamais quand cela arrive. Heureusement, dans cette situation, on a toujours nos bons vieux points et notre magie. L'autre composante particulière de Koudelka est que chaque personnage peut évoluer librement. Lors d'un gain de niveau, vous pouvez augmenter jusqu'à 4 statistiques sur les 8 et orienter vos personnages comme vous le voulez. Et par-dessus, les armes viennent combler les failles ou accentuer les statistiques au risque d'être plus fragiles. Survivant à travers le monastère, vous rencontrez votre troisième partenaire d'infortune, James O. Flaherty, un évêque irlandais présent pour d'étranges raisons. Et au fil de la partie, bien qu'ils aient décidé de s'entraider, le jeu met l'accent aussi sur ce qui les rend différents, sur leur but personnel, et nous rappelle bien qu'ils sont ensemble juste pour cette nuit dans le lieu saint. Le jeu d'acteur doublé entièrement en français nous permet d'être encore plus immergés dans ces interactions. Qu'est-ce que vous avez à râler comme ça ? Oh, vous êtes vraiment très bizarre vous, hein ? Et vous un culte ! Arrêtez votre cirque et expliquez-vous un peu ! Quittez ce ton, je vous prie ! J'ai mes raisons et je n'ai pas du tout l'intention de vous les faire connaître. De toute façon, vous ne sauriez répondre à mes questions. Je n'ai pas gagé de vous plaire par mes réponses. Tous les hommes tuent-ils parce qu'ils n'aiment pas ? Chacun déteste-t-il ce qu'il ne voudrait tuer ? Moi qui croyais que vous ne lisiez que des mauvais poètes, vous lisez Shakespeare. C'est inattendu. De votre part aussi. Dans l'ensemble, Koudelka est un titre aux mécaniques de jeu faciles à prendre en main. Pour un jeu de rôle japonais, le jeu se termine en 10 ou 15 heures, là où à l'époque, on aurait approché des 50 heures. Bien que le jeu soit alourdi par des combats ralentissant le rythme, ce dernier parvient à nous transporter dans son intrigue grâce à ses rebondissements et ses personnages hauts en couleur. Tous intéressés pour des raisons diverses par le monastère, les personnages viennent trouver une forme de rédemption dont le thème principal revient, l'amour. L'amour de l'autre, de soi, de son enfant, de son parent, et toutes les conséquences que cela implique. Le jeu nous parle ouvertement de ces sujets pendant les quelques heures de dialogue, le tout réalisé en motion capture. Une technologie encore nouvelle au Japon, si bien que les équipes ont dû faire appel à un studio étasunien pour pouvoir réaliser le premier jeu vidéo japonais utilisant cette méthode. Le résultat ? bien qu'imparfait, se ressent tout de même dans les scènes de dialogue, rendant encore plus efficaces les échanges entre les personnages. L'univers réaliste de Koudelka parvient à ancrer cette histoire. Comme tout se passe de nuit, le titre joue avec la lumière artificielle pour donner vie à ce monastère dont la propre personnalité se développe à mesure qu'on progresse tandis qu'on cherche à en résoudre les mystères. Les monstres et créatures sont pour la plupart clairement compréhensibles, même si certains sont un peu en retrait visuellement. Pour réaliser sa bande originale composée d'une trentaine de morceaux, Kikuta comprit qu'il aurait du mal à créer des musiques inspirées du Pays de Galles. Il fit appel à un studio d'enregistrement anglais dont les locaux se situaient dans une ancienne église, un cadre adapté pour capter les spécificités du monastère que Sagnos créait. A distance, Kikuta parvint à donner ses directives pour atteindre le résultat qu'il souhaitait. Ainsi, il créa quatre musiques pour les combats, toutes les autres servirent dans les dialogues et cinématiques. Après la sortie de Koudelka, Kikuta prit la décision de quitter Sacknoth et de devenir un artiste indépendant, continuant à être actif. Un des derniers projets notables fut le jeu Indivisible, sorti en 2019 par le studio Lab Zero Games. Il fut à la fois heureux et déçu de Koudelka. Heureux, car on sent à travers Koudelka toutes les recherches qu'il a faites et la passion qu'il avait pour nous raconter son histoire touchante. Une histoire qui parvient à nous attacher aux personnages qu'on rencontre, malgré tous leurs défauts. On peut comprendre aussi sa déception. Il aurait souhaité un jeu d'aventure, peut-être un système de combat plus léger, plus compréhensible, peut-être plus de scènes de dialogue pour développer plus en profondeur son univers, ou tout simplement pouvoir développer des suites à ce titre qui lui tenait à cœur. Malgré ces défauts, le jeu reste un titre à découvrir. Un titre qui chaque année devient un peu plus connu comme une expérience à part qui a tenté de mélanger deux genres encore difficiles à marier et dont les fans espèrent voir un remaster apparaître. Et si vous comptez vous le procurer aujourd'hui, Il vous en faudra entre 40 et 450 euros pour l'avoir en version physique. À sa sortie, le combat et ses composantes furent lourdement reprochées à Koudelka. Mal équilibré par moments, parfois difficile à comprendre, frustrant quand son arme casse, le combat tira le jeu vers le bas, faisant de l'ombre aux petits défauts de l'exploration. A l'inverse, les cinématiques, l'histoire et l'ambiance furent acclamées par la critique. On estime aujourd'hui que Koudelka s'est vendu à 100 000 unités dans le monde, dont 20 000 au Japon. Sur une console vendue près de 80 millions de fois en 2000, c'est un résultat bien insuffisant qui peut s'expliquer pour d'autres raisons que son combat. Sur le plan artistique, le jeu a péché de ses retards techniques. Si aujourd'hui on peut y voir un titre classique de la PlayStation avec des modèles 3D anguleux et des environnements en 2D plutôt propres, à la sortie du jeu, cela lui a fait défaut. En Europe, le jeu est sorti en octobre 2000, quelques semaines avant la sortie de la PlayStation 2, qui promettait une révolution technique. Final Fantasy VIII, sorti un an plus tôt et licence phare du JRPG, s'était déjà vendu à 6 millions d'exemplaires. Dans la même année que Koudelka, sorti Vagrant Story. un des RPG les plus acclamés de la PlayStation, visuellement plus abouti, et qui se vendra 100 000 unités le mois de sa sortie. Chrono Cross, autre JRPG majeur et suite de l'excellent Chrono Trigger, sortira dans une période similaire à Koudelka en Amérique et au Japon, et réalisera près d'un million et demi de ventes sur trois ans. Cet échec, accompagné des autres problèmes financiers, poussa SNK à la faillite en janvier 2000, juste après la sortie japonaise du jeu, et sera racheté par Aruz, une société de pachinko. Avec le temps, SNK parviendra à revenir sur le devant de la scène du jeu vidéo, et il faudra compter sur une société française, Infogram, pour publier le jeu en Amérique et en Europe. Et c'est eux qui se chargeront des doublages, ce qui est un fait rare pour l'époque sur PlayStation, avec notamment l'acteur Bernard Lanoue, la voix française de Kevin Kessner et d'Alec Baldwin. Saknos croyait profondément au succès du projet. Un manga en trois tomes se déroulant six mois après les événements du jeu fut même... publié dans l'année qui suivit la sortie du jeu. Kikuta avait imaginé trois épisodes pour poursuivre les aventures de Koudelka après les faits du manga, mais ces derniers ne verront jamais le jour. Après l'échec de Koudelka et le départ de Kikuta, le studio se lança dans la série de JRPG Shadow Hearts, qui se déroule dans le même univers que Koudelka, avec quelques références au cours des épisodes. En novembre 2002, le studio sera racheté par Arrows. et sera renommé Nautilus avant d'être dissous dans l'entreprise en 2007 après la sortie du dernier opus de Shadow Arts. Koudelka ne marqua pas l'industrie du jeu vidéo de manière significative, bien que la série des Shadow Arts connaîtra un beau succès d'estime et poussera les curieux à essayer le premier jeu du studio. Pourtant, les joueurs gardent souvent un souvenir heureux en arrivant à la fin de cette aventure, surtout en trouvant la bonne fin, car oui, il y a plusieurs fins à Koudelka. Une aventure dans laquelle je vous invite à plonger pour découvrir les secrets de ce monastère lors de cette feuille de Toussaint 1898. Voilà pour cet épisode de la chronique d'un jeu oublié. Merci d'avoir suivi jusqu'ici. Je vous remercierai de me partager vos retours sur le jeu ou sur cette chronique, cela ne peut que m'aider à m'améliorer. Si l'épisode vous a plu, notez-le sur votre plateforme d'écoute, partagez-le avec vos amis qui cherchent à pimenter leur soirée d'Halloween, et surtout, jouez à Koudelka. A bientôt pour le prochain épisode. Salut !