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GUILLAUME DURAND : "JE SUIS UN TYPE CONFUS QUE LE CHAGRIN ÉCLAIRCIT." cover
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Conversations chez Lapérouse

GUILLAUME DURAND : "JE SUIS UN TYPE CONFUS QUE LE CHAGRIN ÉCLAIRCIT."

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47min |03/01/2025
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Description

2025 démarre en fanfare avec cette Conversation à bâtons rompus avec Guillaume Durand sur son enfance traumatisée, l'art intimidant, la littérature impossible et les hommes politiques détruits par le pouvoir. Un entretien rempli de scoops nonchalants !!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez peut-être, cher invité, que cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Et ils m'achètent, enfin ils m'aident à vivre, ils m'aident à vivre, à faire cette émission. Et cette semaine, l'émission, elle est sponsorisée par le roman des artistes de Dan Franck, chez Grasset. Vous avez lu déjà un livre de Dan Franck ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tout ce qu'il a écrit sur Montparnasse.

  • Speaker #0

    Ah ben voilà, c'était extraordinaire. Le temps des bohèmes, c'était fabuleux. Et là, il fait la même chose, mais sur le XIXe. Donc après avoir fait le XXe siècle, il fait le XIXe siècle. Ça commence avec Alexandre Dumas, et puis il y a tout le monde, Chateaubriand, Balzac, Musset, ils défilent tous, Charles Baudelaire, et on voit le XIXe comme si c'était des copains en train de se murger la tronche dans des endroits comme la Pérouse, parce qu'ils sont tous venus ici. Et je dirais que Dan Franck, c'est le roi de la vulgarisation non vulgaire, de la pédagogie agréable. On se cultive en s'amusant. Et je recommande ce livre, même si je suis payé pour le faire, c'est quand même sincère. Je rappelle que je ne fais jamais de la pub pour un livre que je n'aime pas. Ça n'arrive pas. Et Guillaume Durand, qui est un spécialiste de l'art, ne peut qu'aimer le temps des artistes. Le roman des artistes de Dan Frank aux éditions Grasset. Fin de la publicité. Bonsoir, toi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    C'est Conversations chez la Pérouse, une émission située chez la Pérouse, animée par moi et avec ce soir, comme invité,

  • Speaker #1

    Guillaume Durand,

  • Speaker #0

    pour son livre,

  • Speaker #1

    bande à part, aux éditions au plomb, comme le général de Gaulle, mais moi je suis réformé du service militaire P4.

  • Speaker #0

    Guillaume Durand, vous êtes journaliste, vous avez été journaliste à TF1, LCI, Canal+, Europe 1 et Radio Classique. Mais aujourd'hui, on va surtout s'intéresser à l'écrivain. Oui ? Je le dis, depuis l'an 2000, vous faites une sorte d'œuvre d'écrivain. Alors, je vais citer les livres par ordre chronologique. Il y a eu La Peur bleue en l'an 2000, Mémoire d'un... arithmique en 2015, Déjeunons sur l'herbe en 2022, qui a obtenu le prix Renaudot de l'essai, et vous publiez ces jours-ci, bande à part. Je vais les prendre dans l'ordre, ce que je ne fais pas d'habitude. D'habitude, je commence par la promo, c'est-à-dire le dernier, puis après je remonte dans l'oeuvre, mais là, je voudrais quand même bien établir les choses parce que vous êtes un petit peu trop humble et que vous n'aimez pas. Quand on vous considère comme un auteur, vous avez cette humilité ou fausse modestie ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est très lié à deux choses. La première chose vient de cette incapacité à ce qu'Apollinaire dans le Calligrave appelait l'exil intérieur. Quand j'étais jeune, c'est le moment d'envie d'écrire, à l'âge des enfants, le spectacle qui existait en bas de chez mes parents dans la galerie était phénoménal. Il y avait Warhol, Marguerite Durance, Solers qui courait, David Hockney et tous ces gens-là qui étaient en la rue, Sartre qui n'était pas loin, ma mère croisait Simone de Beauvoir à la BNP du boulevard Saint-Germain qu'elle détestait d'ailleurs. Et tous ces gens-là, je les voyais. Donc je faisais la queue avec eux, chez le marchand de fleurs.

  • Speaker #0

    Et le fait de croiser tous ces génies, ça vous a paralysé ?

  • Speaker #1

    Non mais ça m'a paralysé parce que je me suis tout de suite dit, je suis un enfant, je vois Aragon. Par exemple, Aragon touchait les cravates de mon père et il disait, Lucien, d'où vient-elle celle-là ? Ma mère a été folle de rage que ce reste de centois se contente de parler de cravates avec mon père. Ça m'a complètement paralysé pour une deuxième raison, c'est que le spectacle... qu'on vivait à cette époque-là. C'est-à-dire 68, l'arrivée des pros à Roland-Garros, plus Led Zeppelin à Centrale. C'était tellement fort. que j'étais totalement incapable de revenir justement à ce que Apollinaire appelle l'exil intérieur, c'est à m'enfermer dans ma chambre et travailler. C'est-à-dire que j'ai tout envoyé en l'air, l'après-pachecé, l'agrégation d'histoire, tout ce que je devais faire a été explosé par la vie de tous les jours.

  • Speaker #0

    Après, vous êtes devenu un journaliste peut-être par accident ? Pas du tout,

  • Speaker #1

    parce que j'allais extrêmement mal, j'étais prof, j'avais envie de tuer mes élèves, j'étais bouleversé par ce que me racontaient des gosses dans les boîtes. privé parce que j'avais pas une thune.

  • Speaker #0

    C'était quelle école ? Vous étiez prof d'histoire géo ?

  • Speaker #1

    Oui j'ai fait Balzac, le lycée, j'ai fait l'école Pascal, j'ai fait Alfred de Musset, c'est là que j'ai rencontré le fils de Belmondo.

  • Speaker #0

    Là vous aviez quel âge ?

  • Speaker #1

    J'avais 24 ans. J'avais les cheveux hyper longs, je me prenais pour Robert Plante et... Et les jeunes filles dans l'escalier de mes parents, me retrouvaient parce que je vivais dans une chambre de bonne en me disant Monsieur, j'aimerais bien jouer du pipeau avec vous Vous voyez l'ambiance.

  • Speaker #0

    Mais on ne peut pas avoir, enfin je veux dire, ce n'est pas interdit d'aimer la vie et d'écrire. Vous auriez pu faire des...

  • Speaker #1

    Non, inhibé par la proximité de gens...

  • Speaker #0

    Parce que vous êtes le fils de Lucien Durand, j'ai précisé.

  • Speaker #1

    Parce que mes parents étaient amis avec un milieu très intellectuel. En même temps, c'était un mélange entre Beckett et Arletty. mon père et ma mère. Et ça m'impressionnait. Je ne pouvais pas me projeter dans l'idée d'écrire quelque chose quand je voyais Aragon sortir de la galerie. Ça a été un blocage total. Jusqu'en l'an 2000. Et puis il y avait une deuxième raison pour ça aussi, puisqu'il en faut toujours deux, c'est que j'avais deux copains, dont un, je vous ai amené la photo, qui est Julien Clerc d'enfance, et l'autre que vous avez bien connu, qui était Jean-Marc Robert. Ils avaient 17, 18, 19, 20 ans, ils sont devenus brutalement célèbres. Oui, et ça, ça m'a assis. Je me suis dit je ne pourrai jamais faire comme Julien, qui est devenu célèbre à 20 ans. Et Jean-Marc, je crois que dès son premier roman, il était partout chez Pivot, etc. Et donc, j'étais écrasé par ça, déprimé. Et il a fallu que je me sente très, très mal au bout d'un certain temps. Au fond, pour tout d'un coup me dire bon, maintenant, ça suffit de la plaisanterie.

  • Speaker #0

    c'est ce que j'ai envie de faire j'ai essayé d'en placer une quand même dans l'émission c'est que c'était donc en l'an 2000 avec La Peur Bleue alors La Peur Bleue c'est là où c'est un livre assez étonnant puisque c'est un premier livre qui est à la première personne et c'est un livre de traumatisés bien avant la mode de la victimisation actuelle où tout le monde dès que quelqu'un a un rhume il fait 400 pages là c'était pas du tout ça, c'est un homme qui a devant vous quand vous aviez l'âge de 10 ans à Belle-Île-en-Mer qui a poignardé votre père, vous avez vu votre père euh... qui était en mourant, couvert de sang. Et vous-même, il a essayé de vous tuer, cet homme. C'est un aliené, un fou, un marin ?

  • Speaker #1

    Un marin ivre, au bord d'une plage, pas loin des aiguilles de porc-coton, par monnet, qui est arrivé au bout de la lande avec un couteau comme ça, qui a voulu me tuer. Comme il était ir, j'ai couru plus vite. Je suis allé voir mon père, qui était dans une bâtisse où il était en train de lire. Je lui ai dit, papa, il y a un type qui veut me tuer. Il ne m'a pas cru. Je suis rentré dans la maison et j'ai vu le type poignarder mon père, qui coulait... Plein de sang.

  • Speaker #0

    Il l'a poignardé dans la poitrine ? Non,

  • Speaker #1

    il l'a poignardé. Mon père lui a mis les pieds dans la figure. Du coup, il n'arrivait pas à le poignarder par devant. Donc, il l'a poignardé par derrière. Donc, il lui a lacéré tout dans le dos, les cuisses, etc. J'ai vu ça. Et j'ai vu ma mère, qui était une petite dame, alors que mon père était plutôt une sorte de personnage très élégant, assez chic, etc. Ma mère l'emmenait dans une AMG verte. Il l'a ramenée en urgence à Paris, passer le bateau. Et le sang coulait et donc ça a été pour moi quelque chose d'effroyable. Bien sûr. D'effroyable. Et tout ça, ça fait partie aussi de ces choses où on refoule, on refoule, on refoule. On trouve que tout va très bien. On reste du côté de l'Atlantique. On ne veut pas découvrir la Méditerranée. Et puis, deux années après, boum.

  • Speaker #0

    Et ce livre, où vous révélez ce traumatisme d'enfance, en même temps... Ce traumatisme a été réveillé par votre départ de Nulle part ailleurs en 1999, que vous avez appris dans Voici. C'est-à-dire qu'un jour vous tombez dans la presse et vous apprenez que vous êtes viré de votre boulot.

  • Speaker #1

    Mais qu'il faut continuer. C'est ce qui est atroce.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Parce que la saison n'était pas terminée.

  • Speaker #1

    Elle était loin d'être terminée, c'était quasiment au début. Il fallait tenir et...

  • Speaker #0

    Soir, sourire et continuer d'animer une émission.

  • Speaker #1

    Non mais la faire marcher surtout ! Parce qu'on peut la s'aborder, on peut dire je m'en fous de ce film, etc. Pas du tout, j'avais un certain bonheur par moments avec les uns et plutôt des malheurs avec les autres. Mais il fallait tenir le truc, il regardait les cours d'audience. Et donc il y avait ce mélange, encore que quelque chose de totalement superficiel. Et en même temps, cette affaire qui revenait et qui se matérialisait, parce que c'est ce qui est au cœur un peu du retour de ce que j'ai planqué pendant des années. c'est que j'avais la phobie des couteaux. C'est-à-dire que quand j'allais éventuellement dîner chez des amis, il fallait planquer les couteaux. Quand je louais une maison, il fallait planquer les couteaux. Quand j'allais en vacances, il fallait faire évacuer, virer tous les couteaux de cuisine, pas de cuisine, etc. Parce qu'il est revenu comme une phobie violente à 40 ans.

  • Speaker #0

    Oui, je ne savais pas ça. C'est intéressant parce que c'est très surprenant de la part de quelqu'un qui était extrêmement célèbre, qui est toujours d'ailleurs. D'écrire quelque chose d'aussi personnel, d'aussi intime, tout d'un coup...

  • Speaker #1

    Mais avec des bonnes joues, enfin le type, on lui dit... Le mec il a l'air gentil, un peu con-con,

  • Speaker #0

    il a une tête de thé... Non, j'ai pas dit ça, j'ai pas dit ça, mais...

  • Speaker #1

    Non mais moi je vous le dis, je sais ce qu'on pense de moi, donc... Mais qui c'est ce type ? Enfin tout d'un coup il vit psychose et en même temps...

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, c'est psychose. Et alors, bon, alors donc, 15 ans passent, et il y a un deuxième livre, Mémoire d'un arithmique. Et où on est toujours entre Hervé Guibert, Annie Ernaux et un peu Tom Wolfe pour le côté satirique. Et là encore, autobiographie très exhibitionniste et en même temps satire des pouvoirs du moment. Et là, vous parlez de vos problèmes cardiaques en 2007. Vous vous retrouvez avec une tachycardie à 180 bpm. Donc ceux qui ne vont pas dans des raves techno ne savent pas ce que veut dire 180 battements par minute. Mais dans un cœur, c'est beaucoup.

  • Speaker #1

    C'est beaucoup. C'est la tempête absolue et c'est là que j'ai compris qu'en fait, puisqu'on parlait de la nécessité de l'écriture, l'âge d'homme, j'ai beaucoup aimé quand j'étais jeune ce livre de Michel Deris, c'est arrivé quand je me suis rendu compte que j'avais la mort aux trousses et que tout d'un coup, c'était un peu ça le fil de ma vie d'homme vivant, c'était cette mort aux trousses qui me poussait à prendre un crayon et écrire.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça en fait, à chaque fois que vous êtes menacé de mort, vous avez envie de le raconter. Et dans Mémoire d'un arythmique, ce qui est original... C'est aussi qu'il y a déjà des photos d'œuvres d'art, de Bacon, de Giacometti, ce que vous allez refaire ensuite, en 2022, dans Déjeunons sur l'herbe. C'est-à-dire mélanger l'autobiographie, le traumatisme et la peinture. Et avec ce livre qui a obtenu le prix Renaudot quasiment à l'unanimité, qui est une autobiographie d'amateur d'art, ou de quelqu'un qui est plein de désirs pour la peinture depuis... sa naissance.

  • Speaker #1

    Je suis fasciné par ça. Depuis la naissance, qu'il s'agisse du déjeuner sur l'herbe de Manet, des demoiselles d'Avignon, des grands tableaux abstraits de Barnett Newman, tout ça est quelque chose qui fait partie de ma vie. Alors ça fait... Quand j'ai raconté ça, dans le mémoire d'un arithmique, au début, à mes copains, etc., j'ai tout de suite passé pour un snob, un fils de riche. C'est épouvantable parce que si vous aimez une sonate, personne ne va vous engueuler. Si vous dites Dostoyevsky est mon héros, personne ne va vous engueuler. Mais si jamais vous avez le malheur d'expliquer que vous aimez les femmes de Rubens qui volent à deux mètres, on vous explique que vous avez un Rubens dans le salon, vous êtes un héritier des frères Villot. Donc c'est assez particulier, c'est très mal porté. On est dans un pays littéraire et c'est assez mal porté à cette époque-là en tout cas.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas d'accord parce que vous avez eu le prix Renaudot tout de suite et que vous avez été salué.

  • Speaker #1

    Renaudot, moi je parle de cette passion pour l'art, c'était considéré pendant des années et des années.

  • Speaker #0

    Ah oui, peut-être comme un truc d'enfant gâté.

  • Speaker #1

    Pour le fric.

  • Speaker #0

    Vous avez réellement une vie qui était entourée d'œuvres d'art de toutes les époques, mais surtout de la peinture contemporaine. Et moi,

  • Speaker #1

    le livre d'Orey vous offrait un manet, mais malheureusement...

  • Speaker #0

    Le livre est donc centré sur le déjeuner sur l'herbe de 1863 d'Edouard Manet. Mais moi, ce livre, quand je l'ai reçu, honnêtement, je me disais qu'est-ce qui lui prend ? Il nous parle d'une part de son cancer. Alors là, ce n'était plus le cœur, c'était la mâchoire. Il nous parle de la mort de son père, le grand galeriste, collectionneur de tableaux, Lucien Durand. Et puis, en fait, il fait comme les derniers essais de Malraux. Les derniers essais de Malraux, le musée imaginaire ou la Voix du silence, il y avait des photos d'œuvres d'art et il faisait comme ça une promenade subjective entre les époques, en mariant des choses qui ne vont pas ensemble. Alors dans votre cas, c'était Led Zeppelin avec Le déjeuner sur l'herbe. Mais c'était un projet assez surprenant de votre part, mon cher. Donc arrêtez d'être humble et dites-nous en quoi la mort de votre père a déclenché cette écriture.

  • Speaker #1

    D'abord, quand il s'agissait de mes battements, je me suis dit, il faut quand même que je témoigne pour mes enfants et que je raconte ce qui m'est arrivé, dans la vie en général et ce que j'ai vécu. Et quand mon père est parti, il fallait que j'explique ô combien tout ça était important et faisait partie de quelque chose de très intime pour moi. Parce qu'en fait, je ne suis capable d'écrire qu'avec le chagrin chevillé au cœur. C'est-à-dire que l'espèce de type un peu jovial, le présentateur de télé simple, etc. C'est un dépressif. Non, je pense que je suis... D'abord, c'est très agréable de parler de toi, mais c'est en même temps fondamental pour essayer d'y voir clair. Je suis un type confus, mais que le chagrin éclaircit.

  • Speaker #0

    Oui, c'est bien ça.

  • Speaker #1

    Et quand ce chagrin est là, tout d'un coup, je suis capable de faire des choses extrêmement sophistiquées, qui sont inimaginables si je n'étais que la bulle de champagne que j'ai été professionnellement pendant des années. Mais en même temps, ça m'a passionné. Parce que si vous voulez, moi j'appartiens à la génération CNN, et donc je me tais. Non, non,

  • Speaker #0

    mais on va en parler de ça, parce qu'on va parler du livre suivant après. Mais c'est vrai que c'est toute une carrière de rencontres incroyables avec des chefs d'État, des grands artistes. Mais ce que je voulais, je voulais juste conclure sur ce truc. Chaque fois qu'il y a un malheur dans votre vie, vous avez sorti un livre et vous avez eu ce courage d'employer la première personne du singulier. Ce que ne font pas les animateurs de télé classiques. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça, je pense qu'au bord du Ravin, on fera tous la même chose.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas. Regardez, j'ai reçu Michel Deniso. Il sort un livre.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'a jamais vu un Ravin de sa vie.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais pas si je pense peut-être qu'il a une pudeur.

  • Speaker #1

    Il est adorable.

  • Speaker #0

    Il est différent. Mais lui, son livre, c'est collecter des témoignages de gens de Canal+, qui rappellent comment ils sont arrivés. Je l'ai lu. D'ailleurs, vous êtes dedans. Moi aussi. Mais on est très fiers d'être dedans. Mais ce n'est pas du tout du Annie Ernaux.

  • Speaker #1

    Oui, mais il n'y a pas de Ravin. Il n'y a pas de Ravin. Moi, j'ai vu des copains mourir très jeunes, complètement défoncés. C'est une génération particulière, des types perdus. des gens triomphants et je pense que ça me... ça... c'est l'histoire d'une génération quand même.

  • Speaker #0

    Comme si tous vos livres, vous aviez besoin d'attendre une urgence pour les écrire.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est vrai. Sinon,

  • Speaker #0

    s'il n'y a pas une nécessité, ben c'est pas la peine.

  • Speaker #1

    Il doit y avoir quelque chose qui est du domaine de la paresse, mais c'est aussi parce que je lis énormément. Donc en fait... la pulsion d'écrivain se consume dans la littérature des autres.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas une paresse, c'est juste d'attendre d'avoir de l'inspiration.

  • Speaker #1

    Oui, mais peut-être que je suis trop... Je suis parfois trop... Enfin, je veux dire, quand je lis Billy Summers de Stephen King ou des livres qui m'enthousiasment ces derniers temps, je passe mon tour.

  • Speaker #0

    Oui, ça, on l'a tous ressenti, ce truc-là. Alors, passons maintenant à Bandapar. qui est sorti il y a un mois, ce sont des portraits. Là, c'est autre chose. Il y a un peu plus d'effacement, mais quand même, il y a de la première personne et vous êtes présent dans le livre, c'est vos souvenirs avec nostalgie de toutes ces rencontres incroyables de votre carrière de journaliste. Alors j'en cite une, par exemple, au début, il y a Chirac au restaurant, dans un restaurant thaïlandais ou chinois.

  • Speaker #1

    Rue Jean Mermoz à Paris c'est des copains qui m'invitent à dîner avec lui j'y vais je le connais très bien parce que je l'ai interviewé de nombreuses fois il vient d'avoir son AVC et je vous assiste à une soirée gelée parce que personne ne nous a parlé avec un type qui était très diminué, très beau parce qu'il était très beau en vrai Chirac Et je le regarde comme ça et je vois qu'il ne me reconnaît pas, il était comme Shrek. Il tournait la tête à gauche, il tournait la tête à droite, etc. Et puis pour essayer d'ouvrir une conversation, à côté de moi, il y avait le plus de garde du corps, le moins bodybuildé de l'histoire des gardes du corps, car il n'avait comme seule vocation de tenir et de protéger le bichon de Mme Chirac, qui elle-même n'était pas là. Chirac disait d'ailleurs à propos de sa femme, quand on lui posait la question, il disait pas pressé Et je lui dis, monsieur le président, pour essayer d'ouvrir la conversation, vous avez vu que Dominique Strauss-Kahn a été arrêté à New York, etc. Il me regarde et il me dit, mardi, on va manger des moules. Et alors là, j'étais totalement terrifié par quelque chose que je ressentais depuis que je travaillais sur la politique, c'est-à-dire le rapport immédiat entre la politique et la mort. C'est-à-dire des gens... qui font quelque chose qui va les pousser au bout de leurs propres limites. Peut-être est-ce mon obsession à moi, puisqu'on en évoquait tout à l'heure.

  • Speaker #0

    Dès qu'il a quitté le pouvoir, il est tombé malade immédiatement.

  • Speaker #1

    Il était encore président, mais j'ai eu le même sentiment lors d'un déjeuner avec François Mitterrand à la Tché un an avant sa mort. où j'étais dans sa bibliothèque, il était à côté de moi, il était avec ses cancers, et on était tous les deux dans la bibliothèque, et puis d'un coup, comme une sorte de sarcophage vivant, il tombe en arrière et je ne vois plus le moindre air sortir de son nez. Je me dis, putain, je me suis enfermé dans la bibliothèque avec François Mitterrand, il est en train de mourir devant moi, on sort de table, et je ne sais pas quoi faire, est-ce que je dois appeler... et collègues.

  • Speaker #0

    Le 15, je signale si un problème comme ça vous arrive, vous appelez le 15.

  • Speaker #1

    Et donc ça m'a beaucoup frappé, je me suis dit on va récupérer tous ces personnages politiques, tous les gens comme Valls, on revient là aux personnages en hiver.

  • Speaker #0

    Oui mais il y a aussi François Hollande, Nicolas Sarkozy,

  • Speaker #1

    le livre. Voilà, tous ces gens-là, mais que vont-ils chercher dans cette recherche du pouvoir qui aboutit toujours à quelque chose, non pas de tragique parce que ça c'est banal de le dire. mais quelque chose d'assez mortifère. Mortifère.

  • Speaker #0

    Mortifère.

  • Speaker #1

    Donc, passionnant.

  • Speaker #0

    Vous dites beaucoup de choses assez dures sur le métier de journaliste. Vous dites que c'est une grande part de vie par procuration. Complètement. En fait, on s'intéresse aux gens importants pour éviter de s'intéresser à soi. C'est cohérent avec ce que vous avez dit auparavant. Vous dites, nos visages et nos mots n'ont aucune postérité.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que vous écrivez ?

  • Speaker #1

    Évidemment.

  • Speaker #0

    Oui. C'est pour prouver aux cons que vous êtes intelligent ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, parce que tout à l'heure, je parlais de la confusion et je pense qu'à partir du moment où ça devient extrêmement compliqué, je ne suis pas là. Il n'y a plus de durand. Donc, il vaut mieux aller du côté des sentiments, où là, je me sens très à l'aise, mais la complexité absolue... ne fait pas partie de mon monde. Je sens la limite me concernant dans ce domaine.

  • Speaker #0

    Il y a un portrait de Marine Le Pen à l'aventure qui est surréaliste, ce qui est une boîte de nuit avenue Victor Hugo à Paris.

  • Speaker #1

    Oui absolument, qui est celle où on avait notamment repéré que Strauss-Kahn s'amusait avec quelques amis. Et elle me dit à un moment, mais vous savez, la dame qui s'envoie en l'air, enfin c'est pas moi... Je me suis beaucoup amusé là, c'est là que j'ai rencontré mon mari, à l'époque c'était Louis Alliou, enfin c'est vrai que moi je la croisais au bain-douche, à la peine. Elle avait des cuissardes comme Brigitte Bardot, et il y a toute une récolte assez amusante dans le livre de ces hasards qui font que j'ai connu elle au bain-douche, mais je l'ai croisée, pas connue, Sarkozy était fleuriste à Neuilly, Macron, sa femme, était la prof de mon fils à Franklin. à Franklin et un jour je vais acheter une voiture pour aller à Biarritz parce qu'on n'avait plus de voiture, tout tombait en panne, c'était une période catastrophique. Et le téléphone sonne, je décroche le téléphone et elle me dit oui c'est Brigitte Macron Je dis Brigitte, qu'est-ce qui se passe ? Elle me dit écoute, Emmanuel ne sait absolument pas quoi dire à François Hollande, il va se présenter aux présidentielles

  • Speaker #0

    Emmanuel était ministre de l'économie.

  • Speaker #1

    Il était ministre de l'économie, moi j'étais dans le 15ème en train d'acheter une bagnole d'occasion et on me demande ce qu'il faut dire au président en place pour le travailler.

  • Speaker #0

    Bah du coup il lui a jamais dit. Non, ça, les gens ne le savent pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a quelque chose d'assez particulier, c'est que vous m'avez gentiment défini quand même comme atypique. Et vis-à-vis de moi, ils ne se sentent pas en danger parce que, un, je ne balance pas. Deux, je n'ai que...

  • Speaker #0

    Sauf par le livre.

  • Speaker #1

    Non, mais après, par exemple, Mitterrand...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a beaucoup de choses qui sont des révélations qui ne sont jamais sorties nulle part.

  • Speaker #1

    Par exemple, le déjeuner avec Mitterrand, c'était en 95, on est en 2024. Oui,

  • Speaker #0

    il y a prescription.

  • Speaker #1

    Il y a complètement prescription. Et deuxièmement, je pense qu'aussi, ils s'intéressent comme moi à Conrad et à Rolf Linn ou à François Sagan. Et moi, je ne leur parle pas de politique toute la journée. Donc ça les détend un peu, si vous voulez.

  • Speaker #0

    L'entretien avec Sarkozy et celui avec Hollande, ils sont vraiment très originaux, les deux.

  • Speaker #1

    Mais Sarkozy parle de sa carrière présidentielle comme celle d'un romancier qui aurait de l'inspiration. Il ne sait pas pourquoi il a fait de la politique, sauf que ça lui a poussé. dans le dos, comme une sorte de vent, je ne sais pas s'il est bon ou mauvais, mais il est allé vers ça comme une inspiration de son héros littéraire, qui est Romain Garry. C'est-à-dire qu'il a cette impression, il n'a aucune explication rationnelle.

  • Speaker #0

    C'est assez émouvant ce qu'il dit, tout ce qu'il dit. Il faut lire le livre.

  • Speaker #1

    Le genre, il est toujours totalement caricaturé. C'est assez amusant de voir ça, parce que Nemo Hollande, ces gens-là, depuis une quinzaine d'années, sont extrêmement caricaturés. Et ils sont finalement pas très loin de la destruction, souvent détruits, mais beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît. Ils ne sont que huit, quand même, tous ces braves gens.

  • Speaker #0

    Les huit présidents de la Ve République. Vous les avez tous connus ?

  • Speaker #1

    À part le général de Gaulle, oui.

  • Speaker #0

    Un jour, vous dînez chez Alain Duhamel, avec Alfred Grosser, grand spécialiste de l'Allemagne, et il y a une pintade au chou, et vous vous apercevez qu'Alfred Grosser, qui est le grand grand spécialiste de l'Allemagne, ne connaît aucun peintre allemand contemporain. Oui,

  • Speaker #1

    qui sont les plus grands peintres du monde avec les Américains. C'est-à-dire Richter, Baselitz, Paul Keu, etc.

  • Speaker #0

    Hans-Telm Kieffer.

  • Speaker #1

    Hans-Telm Kieffer et les autres, et qui n'en connaît pas un. Donc c'est là aussi où je me suis rendu compte qu'il y avait dans la... Dans la culture française, c'est quelque chose qui n'est pas du tout... qui explique beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    C'est qu'on apprend de la littérature,

  • Speaker #1

    mais pas de la peinture. En Allemagne, ils ont la musique, nous on a la littérature, les Américains ont les images, c'est pour ça qu'ils ont des peintres énormes, ils ont leur cinéma, qui est extraordinaire. Dans mon appart, je parle beaucoup d'Apocalypse Now. Et nous, on a ce manque...

  • Speaker #0

    De culture artistique.

  • Speaker #1

    Oui, même de curiosité. C'est un peu comme si on demandait, je sais pas, à un Eskimo s'il connaît Platini. Enfin, donc au gros cerf, c'est un Eskimo. Les Eskimos jouent pas au foot, donc lui, il a jamais entendu parler de peinture et ça l'intéresse pas. Et de toute façon, son truc, c'est Ficht, Hegel, et voilà.

  • Speaker #0

    Vous êtes un des rares défenseurs de l'art contemporain. C'est un peu à la mode de se moquer de Jeff Koons, mais aussi de Rothko, de Pollock, etc. Bon, vous reconnaissez qu'il y a quand même du foutage de gueule, parfois, dans l'art contemporain ?

  • Speaker #1

    Je dirais pas qu'il y a du foutage de gueule, il y a des gens qui n'ont aucun talent. C'est exactement comme chez les romanciers, il y a des gens qui se répètent, il y a des gens qui sont magiques et d'autres qui n'ont rien inventé. C'est aussi simple que ça.

  • Speaker #0

    Par exemple, vous, vous dites Warhol, oui, Basquiat, oui, mais à qui vous dites non ? Par exemple, je ne sais pas, la banane de Maurizio Catalan, ça vous fait rire ?

  • Speaker #1

    Ça ne me passionne pas, mais...

  • Speaker #0

    En même temps, c'est une démarche analogue à celle de Marcel Duchamp.

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a une chose, par exemple, quand est arrivé l'art américain des années 50, Pollock, Barnett Newman, etc. Barnett Newman était candidat anarchiste à la Myriade New York et il disait ce qu'il faut pour nous, Américains, c'est détruire la culture occidentale européenne. C'est pour ça qu'il a fait ces grands tableaux abstraits. Donc si vous voulez, c'était, et d'ailleurs Manet avait commencé, français, on ne peut plus français, ça suffit avec la renaissance, ça suffit avec la perspective, ça suffit avec le dessin avant de mettre de la couleur, ça suffit avec la ressemblance, parce qu'il y a la photo pour ça, c'est quelque chose d'autre qu'on doit exprimer. Et dans cette expression qui est donc assez proche du jazz finalement, et personne ne va remettre en cause Charlie Parker. Les peintres ont inventé quelque chose. Il y a des très mauvais jazzmans, des types absolument prodigieux, comme Ice Davis qui invente un son. Il y a des gens qui inventent une couleur, comme Klein, qui inventent un tracé, comme John Mitchell, qui inventent une poésie, comme Bacon, un enfer absolu, comme Francis Bacon. Et donc, voilà. Et puis, à part ça, il y a des tas de suiveurs qui n'ont aucun intérêt.

  • Speaker #0

    Il y a un jeu dans cette émission. Devine tes citations. Je vous lis des phrases de vous. que vous avez écrite dans un de vos quatre livres. Et il faut reconnaître dans lequel.

  • Speaker #1

    Allons-y.

  • Speaker #0

    C'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes.

  • Speaker #1

    Mémoire dans la rythmique.

  • Speaker #0

    Exact, 2015. Pourquoi c'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes ?

  • Speaker #1

    Parce que vous connaissez Hitchcock, La mort aux trousses. C'est un truc que quand vous êtes à moitié assassiné à 10 ans et demi, ce n'est pas tout à fait pareil que d'aller au jardin d'acclimatation. C'est peut-être un peu plombant ? Non, non,

  • Speaker #0

    non, pas du tout, c'est au contraire. Vous avez...

  • Speaker #1

    C'est ça qui est amusant, c'est que moi je me suis beaucoup amusé.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, j'ai vécu avec ça. J'avais une sorte de fardeau. C'est comme dans les textes avriles. J'ai vécu, je suis sorti, j'ai eu une vie amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous vous trouviez au-dessus du vide.

  • Speaker #0

    Et puis en même temps, j'avais toujours ce truc-là.

  • Speaker #1

    Comme Bip Bip et le Coyote.

  • Speaker #0

    Et vous savez qu'on l'avoue très peu, ces histoires-là. J'avais beaucoup de mal à dire ça. C'est pour ça qu'il a fallu écrire.

  • Speaker #1

    On a un souvenir commun. C'est qu'on était chez vous. Vous aviez loué une maison à Saint-Jean-de-Luz. Il y avait Roman Polanski qui a allumé un feu d'artifice dans le jardin. Oui,

  • Speaker #0

    je me souviens tellement.

  • Speaker #1

    C'était à Sibourg, je crois. Et c'est à ce moment-là qu'il nous a raconté qu'il jouait avec des grenades à Cracovie, juste après la guerre. C'est pour ça qu'il aimait bien les feux d'artifice, ça lui rappelait son enfance.

  • Speaker #0

    Et les gosses qui mouraient parce que justement les gosses jouaient avec les grenades comme si c'était des jeux et puis d'un coup les grenades leur pétaient la figure. L'enfance de Roman c'est quelque chose, alors je sais que beaucoup de gens parlent de lui. actuellement, mais le livre Romane, cet enfant, son père qu'il croise, emmené par les nazis et tout ça, et lui qui s'enfuit dans la forêt pour aller vivre et faire une carrière pareille, plus après sa femme, sa première épouse, donc qui a été éventrée, il y a même le film de Tarantino que tout le monde connaît maintenant, qui est une sorte de merveille allégorique sur ce sujet. C'est une vie que je suis un peu à genoux devant lui.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que vous avez cette chose en commun. d'avoir... Lui, c'est la Shoah, mais cette chose en commun d'avoir une enfance avec un choc. Lui, c'était peut-être, bien sûr...

  • Speaker #0

    Il y a une chose dont on n'a pas beaucoup parlé, parce que ça concerne moins les jeunes aujourd'hui, mais moi, je suis né en 52. Et donc, même ces parents que j'admirais beaucoup, Beckett, Arletti, etc., on ne pouvait pas s'empêcher de leur poser, à eux et à tous ceux qui traînaient dans le quartier, puisqu'on est à Saint-Germain, et... Dis-nous, papa, maman, ton cousin, mon beau-père, mais qu'est-ce que tu as fait pendant la guerre exactement ? Parce que l'autre jour, je voyais pour les Jeux Olympiques, on a fait toute cette bataille, j'en parle dans la part, entre Yann Amakamoua et Edith Piaf, en disant c'est un scandale, quel genre d'Édith Piaf ! Mais la salope des deux, c'était Edith Piaf. Edith Piaf vivait pendant la guerre dans un bordel à l'avenue Clébert où elle en sauvait toute la bande de la rue de Royston. Et elle a failli être frappée d'indignité nationale, comme beaucoup d'autres. Et on l'a un peu oublié, mais c'était très présent en 52-45. Moi, je n'ai aucune conscience. Mais quand j'ai 10 ans et en 62, la guerre n'est pas très très loin.

  • Speaker #1

    Très proche. C'est marrant parce que dans La Maume, qui est un bon film par ailleurs, Olivier Dahan passe assez vite sur la période de la guerre.

  • Speaker #0

    Mais tout le monde.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous, Guillaume Durand. Il faut avancer. J'arrive au temps des échéances. J'ai dépensé ma vie, qui n'est jamais qu'un prêt, qu'il faut rendre à la mort usurière.

  • Speaker #0

    Alors c'est assez marrant que vous me lisiez cette phrase parce que c'est à peu près symptomatique de ce que je suis capable de faire, qui n'est quand même pas totalement nul, alors que si j'étais dans un état normal, je serais incapable.

  • Speaker #1

    C'est dans Mémoire d'un arrière-mètre.

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Et cette phrase, moi, alors pour le coup, pourquoi je l'ai choisie ? Pour montrer aux gens le style qu'il y a, c'est un style d'ailleurs proche de celui des hussards. J'arrive au temps des échéances, j'ai dépensé ma vie qui n'est jamais qu'un prêt. qu'il faut rendre à la mort usurière. Ça pourrait être du blondin. Mais alors...

  • Speaker #0

    Que j'ai bien connu. Pour Rubens. Il prenait au Rubens, c'était le café qui était juste à côté de la galerie de mon père. Il était bourré.

  • Speaker #1

    Rue Mazarine.

  • Speaker #0

    Rue Mazarine. 19. Et il tanguait au bar, comme ça.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, il a dit un jour, si je suis jamais allé à l'académie, qui est au bout de la rue, c'est parce qu'il y a trop de bars dans la rue Mazarine. Entre chez moi et... et la coupole. Autre phrase, vous savez, ce que j'ai rencontré de plus primitif dans ma vie, c'est de très loin la télévision. C'est Claude Lévi-Strauss qui vous a dit ça. Alors, lui qui a vécu chez les indiens Bororo d'Amazonie considère que le plus primitif, c'est la télévision. C'est dans Bande à part.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai été l'interviewer chez lui, on discute, il m'aimait bien parce que je ne faisais pas un numéro de structuraliste, je lui posais des questions simples, il me disait surtout... Ne me demandez pas de résumer le structuralisme en 10 minutes. Et le réalisateur, comme la compétente Chloé qui est avec nous, était un type, tenez-vous bien, qui était réalisateur du journal du Hard sur Canal. Et donc, il avait câblé entièrement l'appartement de Lévi-Strauss, donc appartement Boro-Boro, version ethnologique sommité mondiale. Il était complètement en sueur, il ne savait pas très bien s'il avait affaire à Pamela Popo ou à Madame Lévi-Strauss. qu'il avait complètement coincé dans la cuisine. Et c'est tellement surréaliste comme situation que je ne lui ai pas avoué, mais que ça a amené cette phrase. Quand il nous voyait, évidemment, nous occuper.

  • Speaker #1

    Une autre phrase qui, à mon avis, rejoint quelque chose dont on a parlé précédemment. La politique est un prolongement de la littérature. Vous dites ça, un grand bandapart. Et en fond, ce qui vous fascinait chez les hommes politiques, c'est que c'est des personnages de romans. Et eux-mêmes se perçoivent comme ça.

  • Speaker #0

    Autrement, il n'y a pas moyen d'y aller. Comme je vous l'ai dit, ça aboutit à quelque chose de très désastreux.

  • Speaker #1

    Par exemple, Macron, que vous connaissez bien. Vous pensez que là, comment il est là ? Ça doit être... Franchement, là,

  • Speaker #0

    il a perdu le contrôle.

  • Speaker #1

    Mais il a complètement perdu le contrôle. Là, il devient vraiment romanesque.

  • Speaker #0

    Vous savez que le jour où on enregistre cette émission ensemble, le soir même, il doit y avoir... Une grande agence américaine qui doit noter la France. Donc tout ce que Macron a eu comme idée, c'était de relancer l'économie pour essayer de relancer le pays. Principale idée de son début de quinquennat, après la prise du pouvoir qui ressemblait un peu à Ocean Eleven, alors que généralement les autres prenaient leur temps. Et puis cette idée, elle est complètement détruite par tous ceux qui veulent lui succéder ou qui lui succèdent actuellement. Donc quelque chose se défait complètement. Je ne préfère pas être à sa place, seul dans son palais.

  • Speaker #1

    Tout est possible. Franchement, vous avez déjà connu une situation aussi instable. Je trouve qu'elle est tout vue.

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, je n'ai pas tout vu. Instabilité, oui. Je pense que c'est quand même quelque chose que nous a légué le général de Gaulle, qui est une sorte de pièce shakespearienne et il n'y aurait plus d'acteur pour la jouer. Et c'est ça le problème majeur. C'est-à-dire que de Gaulle a laissé la Ve République. Et puis, où est Laurence Olivier ? Où est Richard Burton ?

  • Speaker #1

    Vous trouvez qu'ils ne sont pas tous à la hauteur du rôle ?

  • Speaker #0

    Mais c'est-à-dire qu'il faut avoir une assaise totale. Ne pas gagner d'argent, prendre des risques avec sa vie, ne pas dormir, ne pas avoir de vie personnelle, ne pas avoir de maîtresse, ne pas avoir d'amant, manger peu, encaisser des calages horaires absolument monumentaux, parler quatre mois...

  • Speaker #1

    Et être jugé en permanence et caricaturer tous les jours sur des centaines de médias.

  • Speaker #0

    Et regardez, Sarkozy, il a été élu assez bien, détesté le lendemain. Hollande, il a été élu, il avait l'Assemblée nationale, le Sénat, il y a toutes les régions. Le lendemain, il va rue du Cirque faire un tour pour voir quelqu'un. Il est ridicule et détesté par les Français.

  • Speaker #1

    Mais pas le lendemain. Il y a eu quelques semaines.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même... Quand vous entendez les gens parler d'un homme politique, on dit De Gaulle, deuxième mandat, il était gâteux. Pompidou, il est mort. Giscard, il était hautain. Mitterrand, c'était un Machiavel. Chirac, c'est un bon à rien.

  • Speaker #1

    C'était lequel le plus intéressant de tous ? Pour vous, quand même.

  • Speaker #0

    De ceux que j'ai connus, celui qui était le plus intense, c'était Mitterrand, parce qu'on avait l'impression qu'il y avait justement toute l'œuvre de Modiano dans son attitude. C'est-à-dire des hommes partout.

  • Speaker #1

    Oui, des mystères pendant la guerre.

  • Speaker #0

    Et puis surtout une autorité naturelle qui était aussi forte sur les adultes que sur les enfants qu'il rencontrait.

  • Speaker #1

    Je continue.

  • Speaker #0

    Je vous en prie.

  • Speaker #1

    Mon père était un personnage de Manet. Bon, c'est facile. C'est vrai. C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    Ben probablement effectivement dans Des Jeunons sur l'herbe. Des Jeunons sur l'herbe, 2022. Mon père était très élégant, il considérait que c'était très important.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il était un personnage de Manet parce qu'il portait des cravates ou parce qu'il y avait une fille nue sur l'herbe ?

  • Speaker #0

    Je pense essentiellement pour le côté costume. Costume noir,

  • Speaker #1

    chemise blanche ?

  • Speaker #0

    Non pas du tout, il était beaucoup plus carreau mais c'était un louche-soc. comme l'ont été les gens de cette génération. Il avait racheté une maison de curé à la campagne quand on était petit. Plus louer le cimetière en face, virer les tombes, il en avait gardé deux. Et sur les deux tombes qu'il avait gardées, il faisait des barbecues.

  • Speaker #1

    Donc, si vous voulez... On voit comment a grandi Guillaume Durand. Une autre phrase que j'aime beaucoup, là encore, on voit le style. Peindre le malheur comme une forme élaborée de la gloire. C'est dans Autriche, les Jeunons sur l'herbe. Oui, ça c'est une phrase qui vous a valu le prix Renaudot. Le malheur comme une forme élaborée de la gloire. Est-ce que cette lucidité-là, elle est compatible avec le métier d'animateur, amuseur des médias ? C'est ça le paradoxe de Durand.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est-à-dire qu'enfermé dans ma chambre et tout seul en train d'écrire, je pense que quelque part, cette mélancolie de l'enfance revient. et donne des textes qui peuvent être acceptables, merci de le remarquer. À partir de ça, le rôle public que je joue est un rôle qui fait que je suis dans une sorte de contresens absolu total. Les gens ne peuvent pas prendre au sérieux un type...

  • Speaker #1

    On s'en fout, les gens...

  • Speaker #0

    Non mais moi aussi !

  • Speaker #1

    On s'en fout de ce que pensent les gens. En plus, ce qu'il y a de bien dans un podcast, c'est qu'on peut dire ce qu'on veut, et puis on s'en fout de l'audience. On s'en fout, on n'a pas de patrouille. Oui,

  • Speaker #0

    mais vous savez, quand vous avez un rôle public... Par exemple, tout à l'heure, vous parliez de... Comment il s'appelle ? De Roman Polanski. Vous savez que le rêve de De Funès, c'est de tourner avec Polanski. Ça paraît complètement dément.

  • Speaker #1

    Il aurait pu tourner dans le dernier qui se passe dans le palace de Gstaad.

  • Speaker #0

    C'était son rêve absolu, c'est que Polanski lui téléphone. Donc, quelquefois, on est totalement à côté de sa vie. C'est comme ça.

  • Speaker #1

    Il faut lire la dernière phrase pour donner comme ça une idée de ce que c'est que la voix. Le dernier paragraphe.

  • Speaker #0

    Des années de matinale, des milliers de journées sans sieste, d'extrêmes fatigues qu'on ne voit pas arriver, les rendez-vous, les papiers en retard, les amis, la famille. Avant la catastrophe, pourquoi aurais-je blâmé ma vie ? Il ne suffit pas de se réveiller le matin et attendre la nuit. Vivre est un métier.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Guillaume Durand, d'être venu dans cette émission. Et nous allons faire maintenant les conseils de lecture. C'est une rubrique qui est destinée à buzzer sur Insta. Donc, il faut regarder la caméra. Et moi, je ne suis pas là. D'accord. Alors, un livre qui donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    Alors, Callie Graham, le recueil des poèmes d'Apollinaire, parce que justement il est sous les bombes, et il ressent et il explique ce besoin pour écrire des poèmes de l'exil intérieur. Et donc ça donne envie de pleurer, parce qu'il y arrive.

  • Speaker #1

    Et un livre pour arrêter de pleurer ?

  • Speaker #0

    Billy Summers de Stephen King. On est au milieu des Etats-Unis, c'est un tueur à gages qui a comme objectif de passer toute sa vie et toute sa carrière de tueur comme pour un con absolu, alors qu'en fait il lit Thérèse Raquin entre deux contrats.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Adolphe.

  • Speaker #1

    Oh non ! Vous n'avez pas aimé Adolphe de Benjamin Constant ? C'est un chef-d'oeuvre !

  • Speaker #0

    C'est un chef-d'oeuvre, mais c'est un chef-d'oeuvre qui m'emmerde.

  • Speaker #1

    Ah non, il faut le relire phrase par phrase.

  • Speaker #0

    Je vais le refaire. Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est très bien. Un livre pour crâner dans la rue ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours la recherche. C'est obligatoire, et en plus, c'est l'avantage d'être universel. Vous crânez en Australie, vous crânez au Groenland, vous crânez au Boulard Saint-Germain, vous crânez partout.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est Triste Tropique d'Olivier Strauss. Je veux aller voyager et les explorer à l'heure, parce que la manière poétique dont il parle justement de tout ça, c'est un agrégé de philo qui s'emmerde et qui décide de partir au Brésil en prenant un bateau avec André Breton, les trafiquants de drogue, les gens qui fuient l'épuration pour se lancer dans une aventure, et qui en plus devient une gloire mondiale. de l'ethnologie c'était quand même extraordinaire et c'est écrit, c'est sublimement bien écrit un livre pour séduire ça je pense que c'est n'importe quel Fitzgerald,

  • Speaker #1

    même les nouvelles ah oui, surtout les nouvelles un livre que je regrette d'avoir lu

  • Speaker #0

    Mars de Fritz Zorn qui est un très grand livre sur le cancer je le connais parce que je l'ai eu le cancer Et je déteste ce qu'il essaye de nous faire croire, à savoir qu'il l'a mérité. Parce que ce qui m'est arrivé est une loterie phénoménale. J'ai rarement bu, jamais fumé, à part quelques pétards à l'époque de Led Zeppelin qu'on évoquait tout à l'heure. Et je me suis quand même tapé le cancer de Freud, c'est le cancer de la mâchoire qui fait un mal de chien.

  • Speaker #1

    Oui, mais alors, attends, pardon. Je ne suis pas sûr que Fritz Zorn dise qu'il l'a mérité. Il dit que sa famille lui a donné le cancer.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est pareil.

  • Speaker #1

    C'est pas vrai ça ? On peut pas attraper le cancer à cause de ses problèmes ?

  • Speaker #0

    Vous avez reçu lors de la même journée que moi une jeune femme qui fait des recherches. S'il y avait la moindre explication à certains cancers, les gens iraient beaucoup mieux, ne serait-ce que parce qu'ils auraient la force de se battre et peut-être même d'expier les conneries qu'ils ont fait. Mais il y en a tellement qui maintenant attrapent ça à 30 ans sans avoir jamais rien fait de leur vie. pas avoir le temps de vivre, que je ne peux pas supporter cette idée. Donc je le laisse où il est. Au revoir, Fritz.

  • Speaker #1

    Au revoir, Fritz. Un livre que je fais semblant d'avoir fini.

  • Speaker #0

    La recherche encore.

  • Speaker #1

    Toutes les semaines, je pose cette question. C'est d'ailleurs une question...

  • Speaker #0

    C'est vrai parce qu'on se rue d'abord sur Sodome et Gomorre, puis après on commence par le début, puis après on y a faim, et puis après on se dit merde...

  • Speaker #1

    Je ne sais pas par quel bout il faut commencer. Peut-être Albertine disparaît. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. C'est marrant parce que... J'ai quand même fini par y arriver, mais dans le désordre.

  • Speaker #1

    Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    Euh... Je crois que c'est une vague de rêve d'Aragon.

  • Speaker #1

    Ah, je connais pas.

  • Speaker #0

    Alors, Aragon, avant le manifeste du parti... Enfin, le manifeste surréaliste de Breton, en 1924, il a écrit une vague de rêve, donc lui aussi, on l'a complètement oublié, mais il était à la guerre avec Breton. Il a l'air évaporé, que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre, que serais-je sans toi qui inclinait au bois dormant. qu'une rareté au cadre de la montre, etc. Une vague de rêves, c'est une espèce d'énorme poème à la vie de ce jeune type qui, vous le savez, était le fils naturel d'un préfet et en même temps plus ou moins médecin qui allait devenir... le plus grand styliste français après Chateaubriand, bien que légèrement stalinien sur les bords.

  • Speaker #1

    Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ?

  • Speaker #0

    Alors le pire livre que j'ai jamais lu, je vais vous donner une version positive du pire. C'est Les Enchanteurs que je viens de lire de...

  • Speaker #1

    Nabokov ?

  • Speaker #0

    Non, de James Ellroy.

  • Speaker #1

    Ah oui, j'ai pas aimé moi.

  • Speaker #0

    Non mais c'est parce que c'est le pire au sens où franchement s'il y a un livre aujourd'hui qui incarne le côté d'Ostoyevski contemporain, la saloperie absolue, la baston, c'est quand même fascinant.

  • Speaker #1

    Il est abject.

  • Speaker #0

    Parce qu'il est du Joe Pesci.

  • Speaker #1

    Oui, il est abject. Et ce qu'il fait à Marilyn, je ne trouve pas admissible. Je préfère la version Truman Capote.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais bien sûr. Mais bon, il le fait exprès. I like dogs. Je me souviens, un jour, je l'avais interviewé. Je lui ai dit, mais qu'est-ce que vous aimez ? I like dogs. Mais qu'est-ce que vous aimez, James Owen ? I like dogs.

  • Speaker #1

    Et enfin, pour conclure, le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, le livre que je lis en ce moment...

  • Speaker #1

    C'est pris sur la table, vous en avez apporté.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    j'ai amené des livres de Chateaubriand,

  • Speaker #0

    Les mémoires d'Errol Flynn, le livre le plus anti-Walk de l'histoire de la littérature, L'âge d'homme de l'hérisse. Il dit qu'il a peur des femmes. et qu'il a une grosse tête par rapport à un petit corps. Évidemment, quand j'étais jeune, l'écume des jours de vie. Mais ce que je lis en ce moment, c'est les égéries des années 60 de Fabrice Guigui. Ah oui,

  • Speaker #1

    très bien, qui est ressorti, augmenté. Voilà. Oui, ça, ça ne m'étonne pas.

  • Speaker #0

    Et c'est très joli et Fabrice est un type formidable.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume Durand, d'être venu vous déshabiller dans cette émission.

  • Speaker #0

    Mais c'est bien que vous ayez, comment dirais-je, compacté des phrases. que j'ai rédigé parce que je n'en suis absolument pas conscient.

  • Speaker #1

    Et voilà, mais je vous le dis, c'est important de reconnaître le talent quand il est là, même s'il est accidentel parfois. Cette émission vous était présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, excellent journal. Je rappelle, bande à part de Guillaume Durand aux éditions Plon. L'ingénieur du son, oui.

  • Speaker #0

    Oui, il faut quand même montrer cette photo de Frédéric Becbédé. avec moi sur cette émission un interviewer et un auteur jeune c'est Guillaume Durand avec mon ex-beau-père l'ingénieur du son

  • Speaker #1

    Guillaume Pagelacce merci Guillaume merci beaucoup à Chloé Beigbeder pour la réalisation vidéo et le montage non le montage est de Manon Mestre et n'oubliez pas lisez tous des livres sinon vous mourrez Complètement idiot, seul et abandonné dans une ruelle déserte.

Description

2025 démarre en fanfare avec cette Conversation à bâtons rompus avec Guillaume Durand sur son enfance traumatisée, l'art intimidant, la littérature impossible et les hommes politiques détruits par le pouvoir. Un entretien rempli de scoops nonchalants !!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez peut-être, cher invité, que cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Et ils m'achètent, enfin ils m'aident à vivre, ils m'aident à vivre, à faire cette émission. Et cette semaine, l'émission, elle est sponsorisée par le roman des artistes de Dan Franck, chez Grasset. Vous avez lu déjà un livre de Dan Franck ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tout ce qu'il a écrit sur Montparnasse.

  • Speaker #0

    Ah ben voilà, c'était extraordinaire. Le temps des bohèmes, c'était fabuleux. Et là, il fait la même chose, mais sur le XIXe. Donc après avoir fait le XXe siècle, il fait le XIXe siècle. Ça commence avec Alexandre Dumas, et puis il y a tout le monde, Chateaubriand, Balzac, Musset, ils défilent tous, Charles Baudelaire, et on voit le XIXe comme si c'était des copains en train de se murger la tronche dans des endroits comme la Pérouse, parce qu'ils sont tous venus ici. Et je dirais que Dan Franck, c'est le roi de la vulgarisation non vulgaire, de la pédagogie agréable. On se cultive en s'amusant. Et je recommande ce livre, même si je suis payé pour le faire, c'est quand même sincère. Je rappelle que je ne fais jamais de la pub pour un livre que je n'aime pas. Ça n'arrive pas. Et Guillaume Durand, qui est un spécialiste de l'art, ne peut qu'aimer le temps des artistes. Le roman des artistes de Dan Frank aux éditions Grasset. Fin de la publicité. Bonsoir, toi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    C'est Conversations chez la Pérouse, une émission située chez la Pérouse, animée par moi et avec ce soir, comme invité,

  • Speaker #1

    Guillaume Durand,

  • Speaker #0

    pour son livre,

  • Speaker #1

    bande à part, aux éditions au plomb, comme le général de Gaulle, mais moi je suis réformé du service militaire P4.

  • Speaker #0

    Guillaume Durand, vous êtes journaliste, vous avez été journaliste à TF1, LCI, Canal+, Europe 1 et Radio Classique. Mais aujourd'hui, on va surtout s'intéresser à l'écrivain. Oui ? Je le dis, depuis l'an 2000, vous faites une sorte d'œuvre d'écrivain. Alors, je vais citer les livres par ordre chronologique. Il y a eu La Peur bleue en l'an 2000, Mémoire d'un... arithmique en 2015, Déjeunons sur l'herbe en 2022, qui a obtenu le prix Renaudot de l'essai, et vous publiez ces jours-ci, bande à part. Je vais les prendre dans l'ordre, ce que je ne fais pas d'habitude. D'habitude, je commence par la promo, c'est-à-dire le dernier, puis après je remonte dans l'oeuvre, mais là, je voudrais quand même bien établir les choses parce que vous êtes un petit peu trop humble et que vous n'aimez pas. Quand on vous considère comme un auteur, vous avez cette humilité ou fausse modestie ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est très lié à deux choses. La première chose vient de cette incapacité à ce qu'Apollinaire dans le Calligrave appelait l'exil intérieur. Quand j'étais jeune, c'est le moment d'envie d'écrire, à l'âge des enfants, le spectacle qui existait en bas de chez mes parents dans la galerie était phénoménal. Il y avait Warhol, Marguerite Durance, Solers qui courait, David Hockney et tous ces gens-là qui étaient en la rue, Sartre qui n'était pas loin, ma mère croisait Simone de Beauvoir à la BNP du boulevard Saint-Germain qu'elle détestait d'ailleurs. Et tous ces gens-là, je les voyais. Donc je faisais la queue avec eux, chez le marchand de fleurs.

  • Speaker #0

    Et le fait de croiser tous ces génies, ça vous a paralysé ?

  • Speaker #1

    Non mais ça m'a paralysé parce que je me suis tout de suite dit, je suis un enfant, je vois Aragon. Par exemple, Aragon touchait les cravates de mon père et il disait, Lucien, d'où vient-elle celle-là ? Ma mère a été folle de rage que ce reste de centois se contente de parler de cravates avec mon père. Ça m'a complètement paralysé pour une deuxième raison, c'est que le spectacle... qu'on vivait à cette époque-là. C'est-à-dire 68, l'arrivée des pros à Roland-Garros, plus Led Zeppelin à Centrale. C'était tellement fort. que j'étais totalement incapable de revenir justement à ce que Apollinaire appelle l'exil intérieur, c'est à m'enfermer dans ma chambre et travailler. C'est-à-dire que j'ai tout envoyé en l'air, l'après-pachecé, l'agrégation d'histoire, tout ce que je devais faire a été explosé par la vie de tous les jours.

  • Speaker #0

    Après, vous êtes devenu un journaliste peut-être par accident ? Pas du tout,

  • Speaker #1

    parce que j'allais extrêmement mal, j'étais prof, j'avais envie de tuer mes élèves, j'étais bouleversé par ce que me racontaient des gosses dans les boîtes. privé parce que j'avais pas une thune.

  • Speaker #0

    C'était quelle école ? Vous étiez prof d'histoire géo ?

  • Speaker #1

    Oui j'ai fait Balzac, le lycée, j'ai fait l'école Pascal, j'ai fait Alfred de Musset, c'est là que j'ai rencontré le fils de Belmondo.

  • Speaker #0

    Là vous aviez quel âge ?

  • Speaker #1

    J'avais 24 ans. J'avais les cheveux hyper longs, je me prenais pour Robert Plante et... Et les jeunes filles dans l'escalier de mes parents, me retrouvaient parce que je vivais dans une chambre de bonne en me disant Monsieur, j'aimerais bien jouer du pipeau avec vous Vous voyez l'ambiance.

  • Speaker #0

    Mais on ne peut pas avoir, enfin je veux dire, ce n'est pas interdit d'aimer la vie et d'écrire. Vous auriez pu faire des...

  • Speaker #1

    Non, inhibé par la proximité de gens...

  • Speaker #0

    Parce que vous êtes le fils de Lucien Durand, j'ai précisé.

  • Speaker #1

    Parce que mes parents étaient amis avec un milieu très intellectuel. En même temps, c'était un mélange entre Beckett et Arletty. mon père et ma mère. Et ça m'impressionnait. Je ne pouvais pas me projeter dans l'idée d'écrire quelque chose quand je voyais Aragon sortir de la galerie. Ça a été un blocage total. Jusqu'en l'an 2000. Et puis il y avait une deuxième raison pour ça aussi, puisqu'il en faut toujours deux, c'est que j'avais deux copains, dont un, je vous ai amené la photo, qui est Julien Clerc d'enfance, et l'autre que vous avez bien connu, qui était Jean-Marc Robert. Ils avaient 17, 18, 19, 20 ans, ils sont devenus brutalement célèbres. Oui, et ça, ça m'a assis. Je me suis dit je ne pourrai jamais faire comme Julien, qui est devenu célèbre à 20 ans. Et Jean-Marc, je crois que dès son premier roman, il était partout chez Pivot, etc. Et donc, j'étais écrasé par ça, déprimé. Et il a fallu que je me sente très, très mal au bout d'un certain temps. Au fond, pour tout d'un coup me dire bon, maintenant, ça suffit de la plaisanterie.

  • Speaker #0

    c'est ce que j'ai envie de faire j'ai essayé d'en placer une quand même dans l'émission c'est que c'était donc en l'an 2000 avec La Peur Bleue alors La Peur Bleue c'est là où c'est un livre assez étonnant puisque c'est un premier livre qui est à la première personne et c'est un livre de traumatisés bien avant la mode de la victimisation actuelle où tout le monde dès que quelqu'un a un rhume il fait 400 pages là c'était pas du tout ça, c'est un homme qui a devant vous quand vous aviez l'âge de 10 ans à Belle-Île-en-Mer qui a poignardé votre père, vous avez vu votre père euh... qui était en mourant, couvert de sang. Et vous-même, il a essayé de vous tuer, cet homme. C'est un aliené, un fou, un marin ?

  • Speaker #1

    Un marin ivre, au bord d'une plage, pas loin des aiguilles de porc-coton, par monnet, qui est arrivé au bout de la lande avec un couteau comme ça, qui a voulu me tuer. Comme il était ir, j'ai couru plus vite. Je suis allé voir mon père, qui était dans une bâtisse où il était en train de lire. Je lui ai dit, papa, il y a un type qui veut me tuer. Il ne m'a pas cru. Je suis rentré dans la maison et j'ai vu le type poignarder mon père, qui coulait... Plein de sang.

  • Speaker #0

    Il l'a poignardé dans la poitrine ? Non,

  • Speaker #1

    il l'a poignardé. Mon père lui a mis les pieds dans la figure. Du coup, il n'arrivait pas à le poignarder par devant. Donc, il l'a poignardé par derrière. Donc, il lui a lacéré tout dans le dos, les cuisses, etc. J'ai vu ça. Et j'ai vu ma mère, qui était une petite dame, alors que mon père était plutôt une sorte de personnage très élégant, assez chic, etc. Ma mère l'emmenait dans une AMG verte. Il l'a ramenée en urgence à Paris, passer le bateau. Et le sang coulait et donc ça a été pour moi quelque chose d'effroyable. Bien sûr. D'effroyable. Et tout ça, ça fait partie aussi de ces choses où on refoule, on refoule, on refoule. On trouve que tout va très bien. On reste du côté de l'Atlantique. On ne veut pas découvrir la Méditerranée. Et puis, deux années après, boum.

  • Speaker #0

    Et ce livre, où vous révélez ce traumatisme d'enfance, en même temps... Ce traumatisme a été réveillé par votre départ de Nulle part ailleurs en 1999, que vous avez appris dans Voici. C'est-à-dire qu'un jour vous tombez dans la presse et vous apprenez que vous êtes viré de votre boulot.

  • Speaker #1

    Mais qu'il faut continuer. C'est ce qui est atroce.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Parce que la saison n'était pas terminée.

  • Speaker #1

    Elle était loin d'être terminée, c'était quasiment au début. Il fallait tenir et...

  • Speaker #0

    Soir, sourire et continuer d'animer une émission.

  • Speaker #1

    Non mais la faire marcher surtout ! Parce qu'on peut la s'aborder, on peut dire je m'en fous de ce film, etc. Pas du tout, j'avais un certain bonheur par moments avec les uns et plutôt des malheurs avec les autres. Mais il fallait tenir le truc, il regardait les cours d'audience. Et donc il y avait ce mélange, encore que quelque chose de totalement superficiel. Et en même temps, cette affaire qui revenait et qui se matérialisait, parce que c'est ce qui est au cœur un peu du retour de ce que j'ai planqué pendant des années. c'est que j'avais la phobie des couteaux. C'est-à-dire que quand j'allais éventuellement dîner chez des amis, il fallait planquer les couteaux. Quand je louais une maison, il fallait planquer les couteaux. Quand j'allais en vacances, il fallait faire évacuer, virer tous les couteaux de cuisine, pas de cuisine, etc. Parce qu'il est revenu comme une phobie violente à 40 ans.

  • Speaker #0

    Oui, je ne savais pas ça. C'est intéressant parce que c'est très surprenant de la part de quelqu'un qui était extrêmement célèbre, qui est toujours d'ailleurs. D'écrire quelque chose d'aussi personnel, d'aussi intime, tout d'un coup...

  • Speaker #1

    Mais avec des bonnes joues, enfin le type, on lui dit... Le mec il a l'air gentil, un peu con-con,

  • Speaker #0

    il a une tête de thé... Non, j'ai pas dit ça, j'ai pas dit ça, mais...

  • Speaker #1

    Non mais moi je vous le dis, je sais ce qu'on pense de moi, donc... Mais qui c'est ce type ? Enfin tout d'un coup il vit psychose et en même temps...

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, c'est psychose. Et alors, bon, alors donc, 15 ans passent, et il y a un deuxième livre, Mémoire d'un arithmique. Et où on est toujours entre Hervé Guibert, Annie Ernaux et un peu Tom Wolfe pour le côté satirique. Et là encore, autobiographie très exhibitionniste et en même temps satire des pouvoirs du moment. Et là, vous parlez de vos problèmes cardiaques en 2007. Vous vous retrouvez avec une tachycardie à 180 bpm. Donc ceux qui ne vont pas dans des raves techno ne savent pas ce que veut dire 180 battements par minute. Mais dans un cœur, c'est beaucoup.

  • Speaker #1

    C'est beaucoup. C'est la tempête absolue et c'est là que j'ai compris qu'en fait, puisqu'on parlait de la nécessité de l'écriture, l'âge d'homme, j'ai beaucoup aimé quand j'étais jeune ce livre de Michel Deris, c'est arrivé quand je me suis rendu compte que j'avais la mort aux trousses et que tout d'un coup, c'était un peu ça le fil de ma vie d'homme vivant, c'était cette mort aux trousses qui me poussait à prendre un crayon et écrire.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça en fait, à chaque fois que vous êtes menacé de mort, vous avez envie de le raconter. Et dans Mémoire d'un arythmique, ce qui est original... C'est aussi qu'il y a déjà des photos d'œuvres d'art, de Bacon, de Giacometti, ce que vous allez refaire ensuite, en 2022, dans Déjeunons sur l'herbe. C'est-à-dire mélanger l'autobiographie, le traumatisme et la peinture. Et avec ce livre qui a obtenu le prix Renaudot quasiment à l'unanimité, qui est une autobiographie d'amateur d'art, ou de quelqu'un qui est plein de désirs pour la peinture depuis... sa naissance.

  • Speaker #1

    Je suis fasciné par ça. Depuis la naissance, qu'il s'agisse du déjeuner sur l'herbe de Manet, des demoiselles d'Avignon, des grands tableaux abstraits de Barnett Newman, tout ça est quelque chose qui fait partie de ma vie. Alors ça fait... Quand j'ai raconté ça, dans le mémoire d'un arithmique, au début, à mes copains, etc., j'ai tout de suite passé pour un snob, un fils de riche. C'est épouvantable parce que si vous aimez une sonate, personne ne va vous engueuler. Si vous dites Dostoyevsky est mon héros, personne ne va vous engueuler. Mais si jamais vous avez le malheur d'expliquer que vous aimez les femmes de Rubens qui volent à deux mètres, on vous explique que vous avez un Rubens dans le salon, vous êtes un héritier des frères Villot. Donc c'est assez particulier, c'est très mal porté. On est dans un pays littéraire et c'est assez mal porté à cette époque-là en tout cas.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas d'accord parce que vous avez eu le prix Renaudot tout de suite et que vous avez été salué.

  • Speaker #1

    Renaudot, moi je parle de cette passion pour l'art, c'était considéré pendant des années et des années.

  • Speaker #0

    Ah oui, peut-être comme un truc d'enfant gâté.

  • Speaker #1

    Pour le fric.

  • Speaker #0

    Vous avez réellement une vie qui était entourée d'œuvres d'art de toutes les époques, mais surtout de la peinture contemporaine. Et moi,

  • Speaker #1

    le livre d'Orey vous offrait un manet, mais malheureusement...

  • Speaker #0

    Le livre est donc centré sur le déjeuner sur l'herbe de 1863 d'Edouard Manet. Mais moi, ce livre, quand je l'ai reçu, honnêtement, je me disais qu'est-ce qui lui prend ? Il nous parle d'une part de son cancer. Alors là, ce n'était plus le cœur, c'était la mâchoire. Il nous parle de la mort de son père, le grand galeriste, collectionneur de tableaux, Lucien Durand. Et puis, en fait, il fait comme les derniers essais de Malraux. Les derniers essais de Malraux, le musée imaginaire ou la Voix du silence, il y avait des photos d'œuvres d'art et il faisait comme ça une promenade subjective entre les époques, en mariant des choses qui ne vont pas ensemble. Alors dans votre cas, c'était Led Zeppelin avec Le déjeuner sur l'herbe. Mais c'était un projet assez surprenant de votre part, mon cher. Donc arrêtez d'être humble et dites-nous en quoi la mort de votre père a déclenché cette écriture.

  • Speaker #1

    D'abord, quand il s'agissait de mes battements, je me suis dit, il faut quand même que je témoigne pour mes enfants et que je raconte ce qui m'est arrivé, dans la vie en général et ce que j'ai vécu. Et quand mon père est parti, il fallait que j'explique ô combien tout ça était important et faisait partie de quelque chose de très intime pour moi. Parce qu'en fait, je ne suis capable d'écrire qu'avec le chagrin chevillé au cœur. C'est-à-dire que l'espèce de type un peu jovial, le présentateur de télé simple, etc. C'est un dépressif. Non, je pense que je suis... D'abord, c'est très agréable de parler de toi, mais c'est en même temps fondamental pour essayer d'y voir clair. Je suis un type confus, mais que le chagrin éclaircit.

  • Speaker #0

    Oui, c'est bien ça.

  • Speaker #1

    Et quand ce chagrin est là, tout d'un coup, je suis capable de faire des choses extrêmement sophistiquées, qui sont inimaginables si je n'étais que la bulle de champagne que j'ai été professionnellement pendant des années. Mais en même temps, ça m'a passionné. Parce que si vous voulez, moi j'appartiens à la génération CNN, et donc je me tais. Non, non,

  • Speaker #0

    mais on va en parler de ça, parce qu'on va parler du livre suivant après. Mais c'est vrai que c'est toute une carrière de rencontres incroyables avec des chefs d'État, des grands artistes. Mais ce que je voulais, je voulais juste conclure sur ce truc. Chaque fois qu'il y a un malheur dans votre vie, vous avez sorti un livre et vous avez eu ce courage d'employer la première personne du singulier. Ce que ne font pas les animateurs de télé classiques. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça, je pense qu'au bord du Ravin, on fera tous la même chose.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas. Regardez, j'ai reçu Michel Deniso. Il sort un livre.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'a jamais vu un Ravin de sa vie.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais pas si je pense peut-être qu'il a une pudeur.

  • Speaker #1

    Il est adorable.

  • Speaker #0

    Il est différent. Mais lui, son livre, c'est collecter des témoignages de gens de Canal+, qui rappellent comment ils sont arrivés. Je l'ai lu. D'ailleurs, vous êtes dedans. Moi aussi. Mais on est très fiers d'être dedans. Mais ce n'est pas du tout du Annie Ernaux.

  • Speaker #1

    Oui, mais il n'y a pas de Ravin. Il n'y a pas de Ravin. Moi, j'ai vu des copains mourir très jeunes, complètement défoncés. C'est une génération particulière, des types perdus. des gens triomphants et je pense que ça me... ça... c'est l'histoire d'une génération quand même.

  • Speaker #0

    Comme si tous vos livres, vous aviez besoin d'attendre une urgence pour les écrire.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est vrai. Sinon,

  • Speaker #0

    s'il n'y a pas une nécessité, ben c'est pas la peine.

  • Speaker #1

    Il doit y avoir quelque chose qui est du domaine de la paresse, mais c'est aussi parce que je lis énormément. Donc en fait... la pulsion d'écrivain se consume dans la littérature des autres.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas une paresse, c'est juste d'attendre d'avoir de l'inspiration.

  • Speaker #1

    Oui, mais peut-être que je suis trop... Je suis parfois trop... Enfin, je veux dire, quand je lis Billy Summers de Stephen King ou des livres qui m'enthousiasment ces derniers temps, je passe mon tour.

  • Speaker #0

    Oui, ça, on l'a tous ressenti, ce truc-là. Alors, passons maintenant à Bandapar. qui est sorti il y a un mois, ce sont des portraits. Là, c'est autre chose. Il y a un peu plus d'effacement, mais quand même, il y a de la première personne et vous êtes présent dans le livre, c'est vos souvenirs avec nostalgie de toutes ces rencontres incroyables de votre carrière de journaliste. Alors j'en cite une, par exemple, au début, il y a Chirac au restaurant, dans un restaurant thaïlandais ou chinois.

  • Speaker #1

    Rue Jean Mermoz à Paris c'est des copains qui m'invitent à dîner avec lui j'y vais je le connais très bien parce que je l'ai interviewé de nombreuses fois il vient d'avoir son AVC et je vous assiste à une soirée gelée parce que personne ne nous a parlé avec un type qui était très diminué, très beau parce qu'il était très beau en vrai Chirac Et je le regarde comme ça et je vois qu'il ne me reconnaît pas, il était comme Shrek. Il tournait la tête à gauche, il tournait la tête à droite, etc. Et puis pour essayer d'ouvrir une conversation, à côté de moi, il y avait le plus de garde du corps, le moins bodybuildé de l'histoire des gardes du corps, car il n'avait comme seule vocation de tenir et de protéger le bichon de Mme Chirac, qui elle-même n'était pas là. Chirac disait d'ailleurs à propos de sa femme, quand on lui posait la question, il disait pas pressé Et je lui dis, monsieur le président, pour essayer d'ouvrir la conversation, vous avez vu que Dominique Strauss-Kahn a été arrêté à New York, etc. Il me regarde et il me dit, mardi, on va manger des moules. Et alors là, j'étais totalement terrifié par quelque chose que je ressentais depuis que je travaillais sur la politique, c'est-à-dire le rapport immédiat entre la politique et la mort. C'est-à-dire des gens... qui font quelque chose qui va les pousser au bout de leurs propres limites. Peut-être est-ce mon obsession à moi, puisqu'on en évoquait tout à l'heure.

  • Speaker #0

    Dès qu'il a quitté le pouvoir, il est tombé malade immédiatement.

  • Speaker #1

    Il était encore président, mais j'ai eu le même sentiment lors d'un déjeuner avec François Mitterrand à la Tché un an avant sa mort. où j'étais dans sa bibliothèque, il était à côté de moi, il était avec ses cancers, et on était tous les deux dans la bibliothèque, et puis d'un coup, comme une sorte de sarcophage vivant, il tombe en arrière et je ne vois plus le moindre air sortir de son nez. Je me dis, putain, je me suis enfermé dans la bibliothèque avec François Mitterrand, il est en train de mourir devant moi, on sort de table, et je ne sais pas quoi faire, est-ce que je dois appeler... et collègues.

  • Speaker #0

    Le 15, je signale si un problème comme ça vous arrive, vous appelez le 15.

  • Speaker #1

    Et donc ça m'a beaucoup frappé, je me suis dit on va récupérer tous ces personnages politiques, tous les gens comme Valls, on revient là aux personnages en hiver.

  • Speaker #0

    Oui mais il y a aussi François Hollande, Nicolas Sarkozy,

  • Speaker #1

    le livre. Voilà, tous ces gens-là, mais que vont-ils chercher dans cette recherche du pouvoir qui aboutit toujours à quelque chose, non pas de tragique parce que ça c'est banal de le dire. mais quelque chose d'assez mortifère. Mortifère.

  • Speaker #0

    Mortifère.

  • Speaker #1

    Donc, passionnant.

  • Speaker #0

    Vous dites beaucoup de choses assez dures sur le métier de journaliste. Vous dites que c'est une grande part de vie par procuration. Complètement. En fait, on s'intéresse aux gens importants pour éviter de s'intéresser à soi. C'est cohérent avec ce que vous avez dit auparavant. Vous dites, nos visages et nos mots n'ont aucune postérité.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que vous écrivez ?

  • Speaker #1

    Évidemment.

  • Speaker #0

    Oui. C'est pour prouver aux cons que vous êtes intelligent ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, parce que tout à l'heure, je parlais de la confusion et je pense qu'à partir du moment où ça devient extrêmement compliqué, je ne suis pas là. Il n'y a plus de durand. Donc, il vaut mieux aller du côté des sentiments, où là, je me sens très à l'aise, mais la complexité absolue... ne fait pas partie de mon monde. Je sens la limite me concernant dans ce domaine.

  • Speaker #0

    Il y a un portrait de Marine Le Pen à l'aventure qui est surréaliste, ce qui est une boîte de nuit avenue Victor Hugo à Paris.

  • Speaker #1

    Oui absolument, qui est celle où on avait notamment repéré que Strauss-Kahn s'amusait avec quelques amis. Et elle me dit à un moment, mais vous savez, la dame qui s'envoie en l'air, enfin c'est pas moi... Je me suis beaucoup amusé là, c'est là que j'ai rencontré mon mari, à l'époque c'était Louis Alliou, enfin c'est vrai que moi je la croisais au bain-douche, à la peine. Elle avait des cuissardes comme Brigitte Bardot, et il y a toute une récolte assez amusante dans le livre de ces hasards qui font que j'ai connu elle au bain-douche, mais je l'ai croisée, pas connue, Sarkozy était fleuriste à Neuilly, Macron, sa femme, était la prof de mon fils à Franklin. à Franklin et un jour je vais acheter une voiture pour aller à Biarritz parce qu'on n'avait plus de voiture, tout tombait en panne, c'était une période catastrophique. Et le téléphone sonne, je décroche le téléphone et elle me dit oui c'est Brigitte Macron Je dis Brigitte, qu'est-ce qui se passe ? Elle me dit écoute, Emmanuel ne sait absolument pas quoi dire à François Hollande, il va se présenter aux présidentielles

  • Speaker #0

    Emmanuel était ministre de l'économie.

  • Speaker #1

    Il était ministre de l'économie, moi j'étais dans le 15ème en train d'acheter une bagnole d'occasion et on me demande ce qu'il faut dire au président en place pour le travailler.

  • Speaker #0

    Bah du coup il lui a jamais dit. Non, ça, les gens ne le savent pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a quelque chose d'assez particulier, c'est que vous m'avez gentiment défini quand même comme atypique. Et vis-à-vis de moi, ils ne se sentent pas en danger parce que, un, je ne balance pas. Deux, je n'ai que...

  • Speaker #0

    Sauf par le livre.

  • Speaker #1

    Non, mais après, par exemple, Mitterrand...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a beaucoup de choses qui sont des révélations qui ne sont jamais sorties nulle part.

  • Speaker #1

    Par exemple, le déjeuner avec Mitterrand, c'était en 95, on est en 2024. Oui,

  • Speaker #0

    il y a prescription.

  • Speaker #1

    Il y a complètement prescription. Et deuxièmement, je pense qu'aussi, ils s'intéressent comme moi à Conrad et à Rolf Linn ou à François Sagan. Et moi, je ne leur parle pas de politique toute la journée. Donc ça les détend un peu, si vous voulez.

  • Speaker #0

    L'entretien avec Sarkozy et celui avec Hollande, ils sont vraiment très originaux, les deux.

  • Speaker #1

    Mais Sarkozy parle de sa carrière présidentielle comme celle d'un romancier qui aurait de l'inspiration. Il ne sait pas pourquoi il a fait de la politique, sauf que ça lui a poussé. dans le dos, comme une sorte de vent, je ne sais pas s'il est bon ou mauvais, mais il est allé vers ça comme une inspiration de son héros littéraire, qui est Romain Garry. C'est-à-dire qu'il a cette impression, il n'a aucune explication rationnelle.

  • Speaker #0

    C'est assez émouvant ce qu'il dit, tout ce qu'il dit. Il faut lire le livre.

  • Speaker #1

    Le genre, il est toujours totalement caricaturé. C'est assez amusant de voir ça, parce que Nemo Hollande, ces gens-là, depuis une quinzaine d'années, sont extrêmement caricaturés. Et ils sont finalement pas très loin de la destruction, souvent détruits, mais beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît. Ils ne sont que huit, quand même, tous ces braves gens.

  • Speaker #0

    Les huit présidents de la Ve République. Vous les avez tous connus ?

  • Speaker #1

    À part le général de Gaulle, oui.

  • Speaker #0

    Un jour, vous dînez chez Alain Duhamel, avec Alfred Grosser, grand spécialiste de l'Allemagne, et il y a une pintade au chou, et vous vous apercevez qu'Alfred Grosser, qui est le grand grand spécialiste de l'Allemagne, ne connaît aucun peintre allemand contemporain. Oui,

  • Speaker #1

    qui sont les plus grands peintres du monde avec les Américains. C'est-à-dire Richter, Baselitz, Paul Keu, etc.

  • Speaker #0

    Hans-Telm Kieffer.

  • Speaker #1

    Hans-Telm Kieffer et les autres, et qui n'en connaît pas un. Donc c'est là aussi où je me suis rendu compte qu'il y avait dans la... Dans la culture française, c'est quelque chose qui n'est pas du tout... qui explique beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    C'est qu'on apprend de la littérature,

  • Speaker #1

    mais pas de la peinture. En Allemagne, ils ont la musique, nous on a la littérature, les Américains ont les images, c'est pour ça qu'ils ont des peintres énormes, ils ont leur cinéma, qui est extraordinaire. Dans mon appart, je parle beaucoup d'Apocalypse Now. Et nous, on a ce manque...

  • Speaker #0

    De culture artistique.

  • Speaker #1

    Oui, même de curiosité. C'est un peu comme si on demandait, je sais pas, à un Eskimo s'il connaît Platini. Enfin, donc au gros cerf, c'est un Eskimo. Les Eskimos jouent pas au foot, donc lui, il a jamais entendu parler de peinture et ça l'intéresse pas. Et de toute façon, son truc, c'est Ficht, Hegel, et voilà.

  • Speaker #0

    Vous êtes un des rares défenseurs de l'art contemporain. C'est un peu à la mode de se moquer de Jeff Koons, mais aussi de Rothko, de Pollock, etc. Bon, vous reconnaissez qu'il y a quand même du foutage de gueule, parfois, dans l'art contemporain ?

  • Speaker #1

    Je dirais pas qu'il y a du foutage de gueule, il y a des gens qui n'ont aucun talent. C'est exactement comme chez les romanciers, il y a des gens qui se répètent, il y a des gens qui sont magiques et d'autres qui n'ont rien inventé. C'est aussi simple que ça.

  • Speaker #0

    Par exemple, vous, vous dites Warhol, oui, Basquiat, oui, mais à qui vous dites non ? Par exemple, je ne sais pas, la banane de Maurizio Catalan, ça vous fait rire ?

  • Speaker #1

    Ça ne me passionne pas, mais...

  • Speaker #0

    En même temps, c'est une démarche analogue à celle de Marcel Duchamp.

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a une chose, par exemple, quand est arrivé l'art américain des années 50, Pollock, Barnett Newman, etc. Barnett Newman était candidat anarchiste à la Myriade New York et il disait ce qu'il faut pour nous, Américains, c'est détruire la culture occidentale européenne. C'est pour ça qu'il a fait ces grands tableaux abstraits. Donc si vous voulez, c'était, et d'ailleurs Manet avait commencé, français, on ne peut plus français, ça suffit avec la renaissance, ça suffit avec la perspective, ça suffit avec le dessin avant de mettre de la couleur, ça suffit avec la ressemblance, parce qu'il y a la photo pour ça, c'est quelque chose d'autre qu'on doit exprimer. Et dans cette expression qui est donc assez proche du jazz finalement, et personne ne va remettre en cause Charlie Parker. Les peintres ont inventé quelque chose. Il y a des très mauvais jazzmans, des types absolument prodigieux, comme Ice Davis qui invente un son. Il y a des gens qui inventent une couleur, comme Klein, qui inventent un tracé, comme John Mitchell, qui inventent une poésie, comme Bacon, un enfer absolu, comme Francis Bacon. Et donc, voilà. Et puis, à part ça, il y a des tas de suiveurs qui n'ont aucun intérêt.

  • Speaker #0

    Il y a un jeu dans cette émission. Devine tes citations. Je vous lis des phrases de vous. que vous avez écrite dans un de vos quatre livres. Et il faut reconnaître dans lequel.

  • Speaker #1

    Allons-y.

  • Speaker #0

    C'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes.

  • Speaker #1

    Mémoire dans la rythmique.

  • Speaker #0

    Exact, 2015. Pourquoi c'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes ?

  • Speaker #1

    Parce que vous connaissez Hitchcock, La mort aux trousses. C'est un truc que quand vous êtes à moitié assassiné à 10 ans et demi, ce n'est pas tout à fait pareil que d'aller au jardin d'acclimatation. C'est peut-être un peu plombant ? Non, non,

  • Speaker #0

    non, pas du tout, c'est au contraire. Vous avez...

  • Speaker #1

    C'est ça qui est amusant, c'est que moi je me suis beaucoup amusé.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, j'ai vécu avec ça. J'avais une sorte de fardeau. C'est comme dans les textes avriles. J'ai vécu, je suis sorti, j'ai eu une vie amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous vous trouviez au-dessus du vide.

  • Speaker #0

    Et puis en même temps, j'avais toujours ce truc-là.

  • Speaker #1

    Comme Bip Bip et le Coyote.

  • Speaker #0

    Et vous savez qu'on l'avoue très peu, ces histoires-là. J'avais beaucoup de mal à dire ça. C'est pour ça qu'il a fallu écrire.

  • Speaker #1

    On a un souvenir commun. C'est qu'on était chez vous. Vous aviez loué une maison à Saint-Jean-de-Luz. Il y avait Roman Polanski qui a allumé un feu d'artifice dans le jardin. Oui,

  • Speaker #0

    je me souviens tellement.

  • Speaker #1

    C'était à Sibourg, je crois. Et c'est à ce moment-là qu'il nous a raconté qu'il jouait avec des grenades à Cracovie, juste après la guerre. C'est pour ça qu'il aimait bien les feux d'artifice, ça lui rappelait son enfance.

  • Speaker #0

    Et les gosses qui mouraient parce que justement les gosses jouaient avec les grenades comme si c'était des jeux et puis d'un coup les grenades leur pétaient la figure. L'enfance de Roman c'est quelque chose, alors je sais que beaucoup de gens parlent de lui. actuellement, mais le livre Romane, cet enfant, son père qu'il croise, emmené par les nazis et tout ça, et lui qui s'enfuit dans la forêt pour aller vivre et faire une carrière pareille, plus après sa femme, sa première épouse, donc qui a été éventrée, il y a même le film de Tarantino que tout le monde connaît maintenant, qui est une sorte de merveille allégorique sur ce sujet. C'est une vie que je suis un peu à genoux devant lui.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que vous avez cette chose en commun. d'avoir... Lui, c'est la Shoah, mais cette chose en commun d'avoir une enfance avec un choc. Lui, c'était peut-être, bien sûr...

  • Speaker #0

    Il y a une chose dont on n'a pas beaucoup parlé, parce que ça concerne moins les jeunes aujourd'hui, mais moi, je suis né en 52. Et donc, même ces parents que j'admirais beaucoup, Beckett, Arletti, etc., on ne pouvait pas s'empêcher de leur poser, à eux et à tous ceux qui traînaient dans le quartier, puisqu'on est à Saint-Germain, et... Dis-nous, papa, maman, ton cousin, mon beau-père, mais qu'est-ce que tu as fait pendant la guerre exactement ? Parce que l'autre jour, je voyais pour les Jeux Olympiques, on a fait toute cette bataille, j'en parle dans la part, entre Yann Amakamoua et Edith Piaf, en disant c'est un scandale, quel genre d'Édith Piaf ! Mais la salope des deux, c'était Edith Piaf. Edith Piaf vivait pendant la guerre dans un bordel à l'avenue Clébert où elle en sauvait toute la bande de la rue de Royston. Et elle a failli être frappée d'indignité nationale, comme beaucoup d'autres. Et on l'a un peu oublié, mais c'était très présent en 52-45. Moi, je n'ai aucune conscience. Mais quand j'ai 10 ans et en 62, la guerre n'est pas très très loin.

  • Speaker #1

    Très proche. C'est marrant parce que dans La Maume, qui est un bon film par ailleurs, Olivier Dahan passe assez vite sur la période de la guerre.

  • Speaker #0

    Mais tout le monde.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous, Guillaume Durand. Il faut avancer. J'arrive au temps des échéances. J'ai dépensé ma vie, qui n'est jamais qu'un prêt, qu'il faut rendre à la mort usurière.

  • Speaker #0

    Alors c'est assez marrant que vous me lisiez cette phrase parce que c'est à peu près symptomatique de ce que je suis capable de faire, qui n'est quand même pas totalement nul, alors que si j'étais dans un état normal, je serais incapable.

  • Speaker #1

    C'est dans Mémoire d'un arrière-mètre.

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Et cette phrase, moi, alors pour le coup, pourquoi je l'ai choisie ? Pour montrer aux gens le style qu'il y a, c'est un style d'ailleurs proche de celui des hussards. J'arrive au temps des échéances, j'ai dépensé ma vie qui n'est jamais qu'un prêt. qu'il faut rendre à la mort usurière. Ça pourrait être du blondin. Mais alors...

  • Speaker #0

    Que j'ai bien connu. Pour Rubens. Il prenait au Rubens, c'était le café qui était juste à côté de la galerie de mon père. Il était bourré.

  • Speaker #1

    Rue Mazarine.

  • Speaker #0

    Rue Mazarine. 19. Et il tanguait au bar, comme ça.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, il a dit un jour, si je suis jamais allé à l'académie, qui est au bout de la rue, c'est parce qu'il y a trop de bars dans la rue Mazarine. Entre chez moi et... et la coupole. Autre phrase, vous savez, ce que j'ai rencontré de plus primitif dans ma vie, c'est de très loin la télévision. C'est Claude Lévi-Strauss qui vous a dit ça. Alors, lui qui a vécu chez les indiens Bororo d'Amazonie considère que le plus primitif, c'est la télévision. C'est dans Bande à part.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai été l'interviewer chez lui, on discute, il m'aimait bien parce que je ne faisais pas un numéro de structuraliste, je lui posais des questions simples, il me disait surtout... Ne me demandez pas de résumer le structuralisme en 10 minutes. Et le réalisateur, comme la compétente Chloé qui est avec nous, était un type, tenez-vous bien, qui était réalisateur du journal du Hard sur Canal. Et donc, il avait câblé entièrement l'appartement de Lévi-Strauss, donc appartement Boro-Boro, version ethnologique sommité mondiale. Il était complètement en sueur, il ne savait pas très bien s'il avait affaire à Pamela Popo ou à Madame Lévi-Strauss. qu'il avait complètement coincé dans la cuisine. Et c'est tellement surréaliste comme situation que je ne lui ai pas avoué, mais que ça a amené cette phrase. Quand il nous voyait, évidemment, nous occuper.

  • Speaker #1

    Une autre phrase qui, à mon avis, rejoint quelque chose dont on a parlé précédemment. La politique est un prolongement de la littérature. Vous dites ça, un grand bandapart. Et en fond, ce qui vous fascinait chez les hommes politiques, c'est que c'est des personnages de romans. Et eux-mêmes se perçoivent comme ça.

  • Speaker #0

    Autrement, il n'y a pas moyen d'y aller. Comme je vous l'ai dit, ça aboutit à quelque chose de très désastreux.

  • Speaker #1

    Par exemple, Macron, que vous connaissez bien. Vous pensez que là, comment il est là ? Ça doit être... Franchement, là,

  • Speaker #0

    il a perdu le contrôle.

  • Speaker #1

    Mais il a complètement perdu le contrôle. Là, il devient vraiment romanesque.

  • Speaker #0

    Vous savez que le jour où on enregistre cette émission ensemble, le soir même, il doit y avoir... Une grande agence américaine qui doit noter la France. Donc tout ce que Macron a eu comme idée, c'était de relancer l'économie pour essayer de relancer le pays. Principale idée de son début de quinquennat, après la prise du pouvoir qui ressemblait un peu à Ocean Eleven, alors que généralement les autres prenaient leur temps. Et puis cette idée, elle est complètement détruite par tous ceux qui veulent lui succéder ou qui lui succèdent actuellement. Donc quelque chose se défait complètement. Je ne préfère pas être à sa place, seul dans son palais.

  • Speaker #1

    Tout est possible. Franchement, vous avez déjà connu une situation aussi instable. Je trouve qu'elle est tout vue.

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, je n'ai pas tout vu. Instabilité, oui. Je pense que c'est quand même quelque chose que nous a légué le général de Gaulle, qui est une sorte de pièce shakespearienne et il n'y aurait plus d'acteur pour la jouer. Et c'est ça le problème majeur. C'est-à-dire que de Gaulle a laissé la Ve République. Et puis, où est Laurence Olivier ? Où est Richard Burton ?

  • Speaker #1

    Vous trouvez qu'ils ne sont pas tous à la hauteur du rôle ?

  • Speaker #0

    Mais c'est-à-dire qu'il faut avoir une assaise totale. Ne pas gagner d'argent, prendre des risques avec sa vie, ne pas dormir, ne pas avoir de vie personnelle, ne pas avoir de maîtresse, ne pas avoir d'amant, manger peu, encaisser des calages horaires absolument monumentaux, parler quatre mois...

  • Speaker #1

    Et être jugé en permanence et caricaturer tous les jours sur des centaines de médias.

  • Speaker #0

    Et regardez, Sarkozy, il a été élu assez bien, détesté le lendemain. Hollande, il a été élu, il avait l'Assemblée nationale, le Sénat, il y a toutes les régions. Le lendemain, il va rue du Cirque faire un tour pour voir quelqu'un. Il est ridicule et détesté par les Français.

  • Speaker #1

    Mais pas le lendemain. Il y a eu quelques semaines.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même... Quand vous entendez les gens parler d'un homme politique, on dit De Gaulle, deuxième mandat, il était gâteux. Pompidou, il est mort. Giscard, il était hautain. Mitterrand, c'était un Machiavel. Chirac, c'est un bon à rien.

  • Speaker #1

    C'était lequel le plus intéressant de tous ? Pour vous, quand même.

  • Speaker #0

    De ceux que j'ai connus, celui qui était le plus intense, c'était Mitterrand, parce qu'on avait l'impression qu'il y avait justement toute l'œuvre de Modiano dans son attitude. C'est-à-dire des hommes partout.

  • Speaker #1

    Oui, des mystères pendant la guerre.

  • Speaker #0

    Et puis surtout une autorité naturelle qui était aussi forte sur les adultes que sur les enfants qu'il rencontrait.

  • Speaker #1

    Je continue.

  • Speaker #0

    Je vous en prie.

  • Speaker #1

    Mon père était un personnage de Manet. Bon, c'est facile. C'est vrai. C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    Ben probablement effectivement dans Des Jeunons sur l'herbe. Des Jeunons sur l'herbe, 2022. Mon père était très élégant, il considérait que c'était très important.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il était un personnage de Manet parce qu'il portait des cravates ou parce qu'il y avait une fille nue sur l'herbe ?

  • Speaker #0

    Je pense essentiellement pour le côté costume. Costume noir,

  • Speaker #1

    chemise blanche ?

  • Speaker #0

    Non pas du tout, il était beaucoup plus carreau mais c'était un louche-soc. comme l'ont été les gens de cette génération. Il avait racheté une maison de curé à la campagne quand on était petit. Plus louer le cimetière en face, virer les tombes, il en avait gardé deux. Et sur les deux tombes qu'il avait gardées, il faisait des barbecues.

  • Speaker #1

    Donc, si vous voulez... On voit comment a grandi Guillaume Durand. Une autre phrase que j'aime beaucoup, là encore, on voit le style. Peindre le malheur comme une forme élaborée de la gloire. C'est dans Autriche, les Jeunons sur l'herbe. Oui, ça c'est une phrase qui vous a valu le prix Renaudot. Le malheur comme une forme élaborée de la gloire. Est-ce que cette lucidité-là, elle est compatible avec le métier d'animateur, amuseur des médias ? C'est ça le paradoxe de Durand.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est-à-dire qu'enfermé dans ma chambre et tout seul en train d'écrire, je pense que quelque part, cette mélancolie de l'enfance revient. et donne des textes qui peuvent être acceptables, merci de le remarquer. À partir de ça, le rôle public que je joue est un rôle qui fait que je suis dans une sorte de contresens absolu total. Les gens ne peuvent pas prendre au sérieux un type...

  • Speaker #1

    On s'en fout, les gens...

  • Speaker #0

    Non mais moi aussi !

  • Speaker #1

    On s'en fout de ce que pensent les gens. En plus, ce qu'il y a de bien dans un podcast, c'est qu'on peut dire ce qu'on veut, et puis on s'en fout de l'audience. On s'en fout, on n'a pas de patrouille. Oui,

  • Speaker #0

    mais vous savez, quand vous avez un rôle public... Par exemple, tout à l'heure, vous parliez de... Comment il s'appelle ? De Roman Polanski. Vous savez que le rêve de De Funès, c'est de tourner avec Polanski. Ça paraît complètement dément.

  • Speaker #1

    Il aurait pu tourner dans le dernier qui se passe dans le palace de Gstaad.

  • Speaker #0

    C'était son rêve absolu, c'est que Polanski lui téléphone. Donc, quelquefois, on est totalement à côté de sa vie. C'est comme ça.

  • Speaker #1

    Il faut lire la dernière phrase pour donner comme ça une idée de ce que c'est que la voix. Le dernier paragraphe.

  • Speaker #0

    Des années de matinale, des milliers de journées sans sieste, d'extrêmes fatigues qu'on ne voit pas arriver, les rendez-vous, les papiers en retard, les amis, la famille. Avant la catastrophe, pourquoi aurais-je blâmé ma vie ? Il ne suffit pas de se réveiller le matin et attendre la nuit. Vivre est un métier.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Guillaume Durand, d'être venu dans cette émission. Et nous allons faire maintenant les conseils de lecture. C'est une rubrique qui est destinée à buzzer sur Insta. Donc, il faut regarder la caméra. Et moi, je ne suis pas là. D'accord. Alors, un livre qui donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    Alors, Callie Graham, le recueil des poèmes d'Apollinaire, parce que justement il est sous les bombes, et il ressent et il explique ce besoin pour écrire des poèmes de l'exil intérieur. Et donc ça donne envie de pleurer, parce qu'il y arrive.

  • Speaker #1

    Et un livre pour arrêter de pleurer ?

  • Speaker #0

    Billy Summers de Stephen King. On est au milieu des Etats-Unis, c'est un tueur à gages qui a comme objectif de passer toute sa vie et toute sa carrière de tueur comme pour un con absolu, alors qu'en fait il lit Thérèse Raquin entre deux contrats.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Adolphe.

  • Speaker #1

    Oh non ! Vous n'avez pas aimé Adolphe de Benjamin Constant ? C'est un chef-d'oeuvre !

  • Speaker #0

    C'est un chef-d'oeuvre, mais c'est un chef-d'oeuvre qui m'emmerde.

  • Speaker #1

    Ah non, il faut le relire phrase par phrase.

  • Speaker #0

    Je vais le refaire. Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est très bien. Un livre pour crâner dans la rue ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours la recherche. C'est obligatoire, et en plus, c'est l'avantage d'être universel. Vous crânez en Australie, vous crânez au Groenland, vous crânez au Boulard Saint-Germain, vous crânez partout.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est Triste Tropique d'Olivier Strauss. Je veux aller voyager et les explorer à l'heure, parce que la manière poétique dont il parle justement de tout ça, c'est un agrégé de philo qui s'emmerde et qui décide de partir au Brésil en prenant un bateau avec André Breton, les trafiquants de drogue, les gens qui fuient l'épuration pour se lancer dans une aventure, et qui en plus devient une gloire mondiale. de l'ethnologie c'était quand même extraordinaire et c'est écrit, c'est sublimement bien écrit un livre pour séduire ça je pense que c'est n'importe quel Fitzgerald,

  • Speaker #1

    même les nouvelles ah oui, surtout les nouvelles un livre que je regrette d'avoir lu

  • Speaker #0

    Mars de Fritz Zorn qui est un très grand livre sur le cancer je le connais parce que je l'ai eu le cancer Et je déteste ce qu'il essaye de nous faire croire, à savoir qu'il l'a mérité. Parce que ce qui m'est arrivé est une loterie phénoménale. J'ai rarement bu, jamais fumé, à part quelques pétards à l'époque de Led Zeppelin qu'on évoquait tout à l'heure. Et je me suis quand même tapé le cancer de Freud, c'est le cancer de la mâchoire qui fait un mal de chien.

  • Speaker #1

    Oui, mais alors, attends, pardon. Je ne suis pas sûr que Fritz Zorn dise qu'il l'a mérité. Il dit que sa famille lui a donné le cancer.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est pareil.

  • Speaker #1

    C'est pas vrai ça ? On peut pas attraper le cancer à cause de ses problèmes ?

  • Speaker #0

    Vous avez reçu lors de la même journée que moi une jeune femme qui fait des recherches. S'il y avait la moindre explication à certains cancers, les gens iraient beaucoup mieux, ne serait-ce que parce qu'ils auraient la force de se battre et peut-être même d'expier les conneries qu'ils ont fait. Mais il y en a tellement qui maintenant attrapent ça à 30 ans sans avoir jamais rien fait de leur vie. pas avoir le temps de vivre, que je ne peux pas supporter cette idée. Donc je le laisse où il est. Au revoir, Fritz.

  • Speaker #1

    Au revoir, Fritz. Un livre que je fais semblant d'avoir fini.

  • Speaker #0

    La recherche encore.

  • Speaker #1

    Toutes les semaines, je pose cette question. C'est d'ailleurs une question...

  • Speaker #0

    C'est vrai parce qu'on se rue d'abord sur Sodome et Gomorre, puis après on commence par le début, puis après on y a faim, et puis après on se dit merde...

  • Speaker #1

    Je ne sais pas par quel bout il faut commencer. Peut-être Albertine disparaît. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. C'est marrant parce que... J'ai quand même fini par y arriver, mais dans le désordre.

  • Speaker #1

    Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    Euh... Je crois que c'est une vague de rêve d'Aragon.

  • Speaker #1

    Ah, je connais pas.

  • Speaker #0

    Alors, Aragon, avant le manifeste du parti... Enfin, le manifeste surréaliste de Breton, en 1924, il a écrit une vague de rêve, donc lui aussi, on l'a complètement oublié, mais il était à la guerre avec Breton. Il a l'air évaporé, que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre, que serais-je sans toi qui inclinait au bois dormant. qu'une rareté au cadre de la montre, etc. Une vague de rêves, c'est une espèce d'énorme poème à la vie de ce jeune type qui, vous le savez, était le fils naturel d'un préfet et en même temps plus ou moins médecin qui allait devenir... le plus grand styliste français après Chateaubriand, bien que légèrement stalinien sur les bords.

  • Speaker #1

    Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ?

  • Speaker #0

    Alors le pire livre que j'ai jamais lu, je vais vous donner une version positive du pire. C'est Les Enchanteurs que je viens de lire de...

  • Speaker #1

    Nabokov ?

  • Speaker #0

    Non, de James Ellroy.

  • Speaker #1

    Ah oui, j'ai pas aimé moi.

  • Speaker #0

    Non mais c'est parce que c'est le pire au sens où franchement s'il y a un livre aujourd'hui qui incarne le côté d'Ostoyevski contemporain, la saloperie absolue, la baston, c'est quand même fascinant.

  • Speaker #1

    Il est abject.

  • Speaker #0

    Parce qu'il est du Joe Pesci.

  • Speaker #1

    Oui, il est abject. Et ce qu'il fait à Marilyn, je ne trouve pas admissible. Je préfère la version Truman Capote.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais bien sûr. Mais bon, il le fait exprès. I like dogs. Je me souviens, un jour, je l'avais interviewé. Je lui ai dit, mais qu'est-ce que vous aimez ? I like dogs. Mais qu'est-ce que vous aimez, James Owen ? I like dogs.

  • Speaker #1

    Et enfin, pour conclure, le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, le livre que je lis en ce moment...

  • Speaker #1

    C'est pris sur la table, vous en avez apporté.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    j'ai amené des livres de Chateaubriand,

  • Speaker #0

    Les mémoires d'Errol Flynn, le livre le plus anti-Walk de l'histoire de la littérature, L'âge d'homme de l'hérisse. Il dit qu'il a peur des femmes. et qu'il a une grosse tête par rapport à un petit corps. Évidemment, quand j'étais jeune, l'écume des jours de vie. Mais ce que je lis en ce moment, c'est les égéries des années 60 de Fabrice Guigui. Ah oui,

  • Speaker #1

    très bien, qui est ressorti, augmenté. Voilà. Oui, ça, ça ne m'étonne pas.

  • Speaker #0

    Et c'est très joli et Fabrice est un type formidable.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume Durand, d'être venu vous déshabiller dans cette émission.

  • Speaker #0

    Mais c'est bien que vous ayez, comment dirais-je, compacté des phrases. que j'ai rédigé parce que je n'en suis absolument pas conscient.

  • Speaker #1

    Et voilà, mais je vous le dis, c'est important de reconnaître le talent quand il est là, même s'il est accidentel parfois. Cette émission vous était présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, excellent journal. Je rappelle, bande à part de Guillaume Durand aux éditions Plon. L'ingénieur du son, oui.

  • Speaker #0

    Oui, il faut quand même montrer cette photo de Frédéric Becbédé. avec moi sur cette émission un interviewer et un auteur jeune c'est Guillaume Durand avec mon ex-beau-père l'ingénieur du son

  • Speaker #1

    Guillaume Pagelacce merci Guillaume merci beaucoup à Chloé Beigbeder pour la réalisation vidéo et le montage non le montage est de Manon Mestre et n'oubliez pas lisez tous des livres sinon vous mourrez Complètement idiot, seul et abandonné dans une ruelle déserte.

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Description

2025 démarre en fanfare avec cette Conversation à bâtons rompus avec Guillaume Durand sur son enfance traumatisée, l'art intimidant, la littérature impossible et les hommes politiques détruits par le pouvoir. Un entretien rempli de scoops nonchalants !!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez peut-être, cher invité, que cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Et ils m'achètent, enfin ils m'aident à vivre, ils m'aident à vivre, à faire cette émission. Et cette semaine, l'émission, elle est sponsorisée par le roman des artistes de Dan Franck, chez Grasset. Vous avez lu déjà un livre de Dan Franck ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tout ce qu'il a écrit sur Montparnasse.

  • Speaker #0

    Ah ben voilà, c'était extraordinaire. Le temps des bohèmes, c'était fabuleux. Et là, il fait la même chose, mais sur le XIXe. Donc après avoir fait le XXe siècle, il fait le XIXe siècle. Ça commence avec Alexandre Dumas, et puis il y a tout le monde, Chateaubriand, Balzac, Musset, ils défilent tous, Charles Baudelaire, et on voit le XIXe comme si c'était des copains en train de se murger la tronche dans des endroits comme la Pérouse, parce qu'ils sont tous venus ici. Et je dirais que Dan Franck, c'est le roi de la vulgarisation non vulgaire, de la pédagogie agréable. On se cultive en s'amusant. Et je recommande ce livre, même si je suis payé pour le faire, c'est quand même sincère. Je rappelle que je ne fais jamais de la pub pour un livre que je n'aime pas. Ça n'arrive pas. Et Guillaume Durand, qui est un spécialiste de l'art, ne peut qu'aimer le temps des artistes. Le roman des artistes de Dan Frank aux éditions Grasset. Fin de la publicité. Bonsoir, toi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    C'est Conversations chez la Pérouse, une émission située chez la Pérouse, animée par moi et avec ce soir, comme invité,

  • Speaker #1

    Guillaume Durand,

  • Speaker #0

    pour son livre,

  • Speaker #1

    bande à part, aux éditions au plomb, comme le général de Gaulle, mais moi je suis réformé du service militaire P4.

  • Speaker #0

    Guillaume Durand, vous êtes journaliste, vous avez été journaliste à TF1, LCI, Canal+, Europe 1 et Radio Classique. Mais aujourd'hui, on va surtout s'intéresser à l'écrivain. Oui ? Je le dis, depuis l'an 2000, vous faites une sorte d'œuvre d'écrivain. Alors, je vais citer les livres par ordre chronologique. Il y a eu La Peur bleue en l'an 2000, Mémoire d'un... arithmique en 2015, Déjeunons sur l'herbe en 2022, qui a obtenu le prix Renaudot de l'essai, et vous publiez ces jours-ci, bande à part. Je vais les prendre dans l'ordre, ce que je ne fais pas d'habitude. D'habitude, je commence par la promo, c'est-à-dire le dernier, puis après je remonte dans l'oeuvre, mais là, je voudrais quand même bien établir les choses parce que vous êtes un petit peu trop humble et que vous n'aimez pas. Quand on vous considère comme un auteur, vous avez cette humilité ou fausse modestie ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est très lié à deux choses. La première chose vient de cette incapacité à ce qu'Apollinaire dans le Calligrave appelait l'exil intérieur. Quand j'étais jeune, c'est le moment d'envie d'écrire, à l'âge des enfants, le spectacle qui existait en bas de chez mes parents dans la galerie était phénoménal. Il y avait Warhol, Marguerite Durance, Solers qui courait, David Hockney et tous ces gens-là qui étaient en la rue, Sartre qui n'était pas loin, ma mère croisait Simone de Beauvoir à la BNP du boulevard Saint-Germain qu'elle détestait d'ailleurs. Et tous ces gens-là, je les voyais. Donc je faisais la queue avec eux, chez le marchand de fleurs.

  • Speaker #0

    Et le fait de croiser tous ces génies, ça vous a paralysé ?

  • Speaker #1

    Non mais ça m'a paralysé parce que je me suis tout de suite dit, je suis un enfant, je vois Aragon. Par exemple, Aragon touchait les cravates de mon père et il disait, Lucien, d'où vient-elle celle-là ? Ma mère a été folle de rage que ce reste de centois se contente de parler de cravates avec mon père. Ça m'a complètement paralysé pour une deuxième raison, c'est que le spectacle... qu'on vivait à cette époque-là. C'est-à-dire 68, l'arrivée des pros à Roland-Garros, plus Led Zeppelin à Centrale. C'était tellement fort. que j'étais totalement incapable de revenir justement à ce que Apollinaire appelle l'exil intérieur, c'est à m'enfermer dans ma chambre et travailler. C'est-à-dire que j'ai tout envoyé en l'air, l'après-pachecé, l'agrégation d'histoire, tout ce que je devais faire a été explosé par la vie de tous les jours.

  • Speaker #0

    Après, vous êtes devenu un journaliste peut-être par accident ? Pas du tout,

  • Speaker #1

    parce que j'allais extrêmement mal, j'étais prof, j'avais envie de tuer mes élèves, j'étais bouleversé par ce que me racontaient des gosses dans les boîtes. privé parce que j'avais pas une thune.

  • Speaker #0

    C'était quelle école ? Vous étiez prof d'histoire géo ?

  • Speaker #1

    Oui j'ai fait Balzac, le lycée, j'ai fait l'école Pascal, j'ai fait Alfred de Musset, c'est là que j'ai rencontré le fils de Belmondo.

  • Speaker #0

    Là vous aviez quel âge ?

  • Speaker #1

    J'avais 24 ans. J'avais les cheveux hyper longs, je me prenais pour Robert Plante et... Et les jeunes filles dans l'escalier de mes parents, me retrouvaient parce que je vivais dans une chambre de bonne en me disant Monsieur, j'aimerais bien jouer du pipeau avec vous Vous voyez l'ambiance.

  • Speaker #0

    Mais on ne peut pas avoir, enfin je veux dire, ce n'est pas interdit d'aimer la vie et d'écrire. Vous auriez pu faire des...

  • Speaker #1

    Non, inhibé par la proximité de gens...

  • Speaker #0

    Parce que vous êtes le fils de Lucien Durand, j'ai précisé.

  • Speaker #1

    Parce que mes parents étaient amis avec un milieu très intellectuel. En même temps, c'était un mélange entre Beckett et Arletty. mon père et ma mère. Et ça m'impressionnait. Je ne pouvais pas me projeter dans l'idée d'écrire quelque chose quand je voyais Aragon sortir de la galerie. Ça a été un blocage total. Jusqu'en l'an 2000. Et puis il y avait une deuxième raison pour ça aussi, puisqu'il en faut toujours deux, c'est que j'avais deux copains, dont un, je vous ai amené la photo, qui est Julien Clerc d'enfance, et l'autre que vous avez bien connu, qui était Jean-Marc Robert. Ils avaient 17, 18, 19, 20 ans, ils sont devenus brutalement célèbres. Oui, et ça, ça m'a assis. Je me suis dit je ne pourrai jamais faire comme Julien, qui est devenu célèbre à 20 ans. Et Jean-Marc, je crois que dès son premier roman, il était partout chez Pivot, etc. Et donc, j'étais écrasé par ça, déprimé. Et il a fallu que je me sente très, très mal au bout d'un certain temps. Au fond, pour tout d'un coup me dire bon, maintenant, ça suffit de la plaisanterie.

  • Speaker #0

    c'est ce que j'ai envie de faire j'ai essayé d'en placer une quand même dans l'émission c'est que c'était donc en l'an 2000 avec La Peur Bleue alors La Peur Bleue c'est là où c'est un livre assez étonnant puisque c'est un premier livre qui est à la première personne et c'est un livre de traumatisés bien avant la mode de la victimisation actuelle où tout le monde dès que quelqu'un a un rhume il fait 400 pages là c'était pas du tout ça, c'est un homme qui a devant vous quand vous aviez l'âge de 10 ans à Belle-Île-en-Mer qui a poignardé votre père, vous avez vu votre père euh... qui était en mourant, couvert de sang. Et vous-même, il a essayé de vous tuer, cet homme. C'est un aliené, un fou, un marin ?

  • Speaker #1

    Un marin ivre, au bord d'une plage, pas loin des aiguilles de porc-coton, par monnet, qui est arrivé au bout de la lande avec un couteau comme ça, qui a voulu me tuer. Comme il était ir, j'ai couru plus vite. Je suis allé voir mon père, qui était dans une bâtisse où il était en train de lire. Je lui ai dit, papa, il y a un type qui veut me tuer. Il ne m'a pas cru. Je suis rentré dans la maison et j'ai vu le type poignarder mon père, qui coulait... Plein de sang.

  • Speaker #0

    Il l'a poignardé dans la poitrine ? Non,

  • Speaker #1

    il l'a poignardé. Mon père lui a mis les pieds dans la figure. Du coup, il n'arrivait pas à le poignarder par devant. Donc, il l'a poignardé par derrière. Donc, il lui a lacéré tout dans le dos, les cuisses, etc. J'ai vu ça. Et j'ai vu ma mère, qui était une petite dame, alors que mon père était plutôt une sorte de personnage très élégant, assez chic, etc. Ma mère l'emmenait dans une AMG verte. Il l'a ramenée en urgence à Paris, passer le bateau. Et le sang coulait et donc ça a été pour moi quelque chose d'effroyable. Bien sûr. D'effroyable. Et tout ça, ça fait partie aussi de ces choses où on refoule, on refoule, on refoule. On trouve que tout va très bien. On reste du côté de l'Atlantique. On ne veut pas découvrir la Méditerranée. Et puis, deux années après, boum.

  • Speaker #0

    Et ce livre, où vous révélez ce traumatisme d'enfance, en même temps... Ce traumatisme a été réveillé par votre départ de Nulle part ailleurs en 1999, que vous avez appris dans Voici. C'est-à-dire qu'un jour vous tombez dans la presse et vous apprenez que vous êtes viré de votre boulot.

  • Speaker #1

    Mais qu'il faut continuer. C'est ce qui est atroce.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Parce que la saison n'était pas terminée.

  • Speaker #1

    Elle était loin d'être terminée, c'était quasiment au début. Il fallait tenir et...

  • Speaker #0

    Soir, sourire et continuer d'animer une émission.

  • Speaker #1

    Non mais la faire marcher surtout ! Parce qu'on peut la s'aborder, on peut dire je m'en fous de ce film, etc. Pas du tout, j'avais un certain bonheur par moments avec les uns et plutôt des malheurs avec les autres. Mais il fallait tenir le truc, il regardait les cours d'audience. Et donc il y avait ce mélange, encore que quelque chose de totalement superficiel. Et en même temps, cette affaire qui revenait et qui se matérialisait, parce que c'est ce qui est au cœur un peu du retour de ce que j'ai planqué pendant des années. c'est que j'avais la phobie des couteaux. C'est-à-dire que quand j'allais éventuellement dîner chez des amis, il fallait planquer les couteaux. Quand je louais une maison, il fallait planquer les couteaux. Quand j'allais en vacances, il fallait faire évacuer, virer tous les couteaux de cuisine, pas de cuisine, etc. Parce qu'il est revenu comme une phobie violente à 40 ans.

  • Speaker #0

    Oui, je ne savais pas ça. C'est intéressant parce que c'est très surprenant de la part de quelqu'un qui était extrêmement célèbre, qui est toujours d'ailleurs. D'écrire quelque chose d'aussi personnel, d'aussi intime, tout d'un coup...

  • Speaker #1

    Mais avec des bonnes joues, enfin le type, on lui dit... Le mec il a l'air gentil, un peu con-con,

  • Speaker #0

    il a une tête de thé... Non, j'ai pas dit ça, j'ai pas dit ça, mais...

  • Speaker #1

    Non mais moi je vous le dis, je sais ce qu'on pense de moi, donc... Mais qui c'est ce type ? Enfin tout d'un coup il vit psychose et en même temps...

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, c'est psychose. Et alors, bon, alors donc, 15 ans passent, et il y a un deuxième livre, Mémoire d'un arithmique. Et où on est toujours entre Hervé Guibert, Annie Ernaux et un peu Tom Wolfe pour le côté satirique. Et là encore, autobiographie très exhibitionniste et en même temps satire des pouvoirs du moment. Et là, vous parlez de vos problèmes cardiaques en 2007. Vous vous retrouvez avec une tachycardie à 180 bpm. Donc ceux qui ne vont pas dans des raves techno ne savent pas ce que veut dire 180 battements par minute. Mais dans un cœur, c'est beaucoup.

  • Speaker #1

    C'est beaucoup. C'est la tempête absolue et c'est là que j'ai compris qu'en fait, puisqu'on parlait de la nécessité de l'écriture, l'âge d'homme, j'ai beaucoup aimé quand j'étais jeune ce livre de Michel Deris, c'est arrivé quand je me suis rendu compte que j'avais la mort aux trousses et que tout d'un coup, c'était un peu ça le fil de ma vie d'homme vivant, c'était cette mort aux trousses qui me poussait à prendre un crayon et écrire.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça en fait, à chaque fois que vous êtes menacé de mort, vous avez envie de le raconter. Et dans Mémoire d'un arythmique, ce qui est original... C'est aussi qu'il y a déjà des photos d'œuvres d'art, de Bacon, de Giacometti, ce que vous allez refaire ensuite, en 2022, dans Déjeunons sur l'herbe. C'est-à-dire mélanger l'autobiographie, le traumatisme et la peinture. Et avec ce livre qui a obtenu le prix Renaudot quasiment à l'unanimité, qui est une autobiographie d'amateur d'art, ou de quelqu'un qui est plein de désirs pour la peinture depuis... sa naissance.

  • Speaker #1

    Je suis fasciné par ça. Depuis la naissance, qu'il s'agisse du déjeuner sur l'herbe de Manet, des demoiselles d'Avignon, des grands tableaux abstraits de Barnett Newman, tout ça est quelque chose qui fait partie de ma vie. Alors ça fait... Quand j'ai raconté ça, dans le mémoire d'un arithmique, au début, à mes copains, etc., j'ai tout de suite passé pour un snob, un fils de riche. C'est épouvantable parce que si vous aimez une sonate, personne ne va vous engueuler. Si vous dites Dostoyevsky est mon héros, personne ne va vous engueuler. Mais si jamais vous avez le malheur d'expliquer que vous aimez les femmes de Rubens qui volent à deux mètres, on vous explique que vous avez un Rubens dans le salon, vous êtes un héritier des frères Villot. Donc c'est assez particulier, c'est très mal porté. On est dans un pays littéraire et c'est assez mal porté à cette époque-là en tout cas.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas d'accord parce que vous avez eu le prix Renaudot tout de suite et que vous avez été salué.

  • Speaker #1

    Renaudot, moi je parle de cette passion pour l'art, c'était considéré pendant des années et des années.

  • Speaker #0

    Ah oui, peut-être comme un truc d'enfant gâté.

  • Speaker #1

    Pour le fric.

  • Speaker #0

    Vous avez réellement une vie qui était entourée d'œuvres d'art de toutes les époques, mais surtout de la peinture contemporaine. Et moi,

  • Speaker #1

    le livre d'Orey vous offrait un manet, mais malheureusement...

  • Speaker #0

    Le livre est donc centré sur le déjeuner sur l'herbe de 1863 d'Edouard Manet. Mais moi, ce livre, quand je l'ai reçu, honnêtement, je me disais qu'est-ce qui lui prend ? Il nous parle d'une part de son cancer. Alors là, ce n'était plus le cœur, c'était la mâchoire. Il nous parle de la mort de son père, le grand galeriste, collectionneur de tableaux, Lucien Durand. Et puis, en fait, il fait comme les derniers essais de Malraux. Les derniers essais de Malraux, le musée imaginaire ou la Voix du silence, il y avait des photos d'œuvres d'art et il faisait comme ça une promenade subjective entre les époques, en mariant des choses qui ne vont pas ensemble. Alors dans votre cas, c'était Led Zeppelin avec Le déjeuner sur l'herbe. Mais c'était un projet assez surprenant de votre part, mon cher. Donc arrêtez d'être humble et dites-nous en quoi la mort de votre père a déclenché cette écriture.

  • Speaker #1

    D'abord, quand il s'agissait de mes battements, je me suis dit, il faut quand même que je témoigne pour mes enfants et que je raconte ce qui m'est arrivé, dans la vie en général et ce que j'ai vécu. Et quand mon père est parti, il fallait que j'explique ô combien tout ça était important et faisait partie de quelque chose de très intime pour moi. Parce qu'en fait, je ne suis capable d'écrire qu'avec le chagrin chevillé au cœur. C'est-à-dire que l'espèce de type un peu jovial, le présentateur de télé simple, etc. C'est un dépressif. Non, je pense que je suis... D'abord, c'est très agréable de parler de toi, mais c'est en même temps fondamental pour essayer d'y voir clair. Je suis un type confus, mais que le chagrin éclaircit.

  • Speaker #0

    Oui, c'est bien ça.

  • Speaker #1

    Et quand ce chagrin est là, tout d'un coup, je suis capable de faire des choses extrêmement sophistiquées, qui sont inimaginables si je n'étais que la bulle de champagne que j'ai été professionnellement pendant des années. Mais en même temps, ça m'a passionné. Parce que si vous voulez, moi j'appartiens à la génération CNN, et donc je me tais. Non, non,

  • Speaker #0

    mais on va en parler de ça, parce qu'on va parler du livre suivant après. Mais c'est vrai que c'est toute une carrière de rencontres incroyables avec des chefs d'État, des grands artistes. Mais ce que je voulais, je voulais juste conclure sur ce truc. Chaque fois qu'il y a un malheur dans votre vie, vous avez sorti un livre et vous avez eu ce courage d'employer la première personne du singulier. Ce que ne font pas les animateurs de télé classiques. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça, je pense qu'au bord du Ravin, on fera tous la même chose.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas. Regardez, j'ai reçu Michel Deniso. Il sort un livre.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'a jamais vu un Ravin de sa vie.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais pas si je pense peut-être qu'il a une pudeur.

  • Speaker #1

    Il est adorable.

  • Speaker #0

    Il est différent. Mais lui, son livre, c'est collecter des témoignages de gens de Canal+, qui rappellent comment ils sont arrivés. Je l'ai lu. D'ailleurs, vous êtes dedans. Moi aussi. Mais on est très fiers d'être dedans. Mais ce n'est pas du tout du Annie Ernaux.

  • Speaker #1

    Oui, mais il n'y a pas de Ravin. Il n'y a pas de Ravin. Moi, j'ai vu des copains mourir très jeunes, complètement défoncés. C'est une génération particulière, des types perdus. des gens triomphants et je pense que ça me... ça... c'est l'histoire d'une génération quand même.

  • Speaker #0

    Comme si tous vos livres, vous aviez besoin d'attendre une urgence pour les écrire.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est vrai. Sinon,

  • Speaker #0

    s'il n'y a pas une nécessité, ben c'est pas la peine.

  • Speaker #1

    Il doit y avoir quelque chose qui est du domaine de la paresse, mais c'est aussi parce que je lis énormément. Donc en fait... la pulsion d'écrivain se consume dans la littérature des autres.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas une paresse, c'est juste d'attendre d'avoir de l'inspiration.

  • Speaker #1

    Oui, mais peut-être que je suis trop... Je suis parfois trop... Enfin, je veux dire, quand je lis Billy Summers de Stephen King ou des livres qui m'enthousiasment ces derniers temps, je passe mon tour.

  • Speaker #0

    Oui, ça, on l'a tous ressenti, ce truc-là. Alors, passons maintenant à Bandapar. qui est sorti il y a un mois, ce sont des portraits. Là, c'est autre chose. Il y a un peu plus d'effacement, mais quand même, il y a de la première personne et vous êtes présent dans le livre, c'est vos souvenirs avec nostalgie de toutes ces rencontres incroyables de votre carrière de journaliste. Alors j'en cite une, par exemple, au début, il y a Chirac au restaurant, dans un restaurant thaïlandais ou chinois.

  • Speaker #1

    Rue Jean Mermoz à Paris c'est des copains qui m'invitent à dîner avec lui j'y vais je le connais très bien parce que je l'ai interviewé de nombreuses fois il vient d'avoir son AVC et je vous assiste à une soirée gelée parce que personne ne nous a parlé avec un type qui était très diminué, très beau parce qu'il était très beau en vrai Chirac Et je le regarde comme ça et je vois qu'il ne me reconnaît pas, il était comme Shrek. Il tournait la tête à gauche, il tournait la tête à droite, etc. Et puis pour essayer d'ouvrir une conversation, à côté de moi, il y avait le plus de garde du corps, le moins bodybuildé de l'histoire des gardes du corps, car il n'avait comme seule vocation de tenir et de protéger le bichon de Mme Chirac, qui elle-même n'était pas là. Chirac disait d'ailleurs à propos de sa femme, quand on lui posait la question, il disait pas pressé Et je lui dis, monsieur le président, pour essayer d'ouvrir la conversation, vous avez vu que Dominique Strauss-Kahn a été arrêté à New York, etc. Il me regarde et il me dit, mardi, on va manger des moules. Et alors là, j'étais totalement terrifié par quelque chose que je ressentais depuis que je travaillais sur la politique, c'est-à-dire le rapport immédiat entre la politique et la mort. C'est-à-dire des gens... qui font quelque chose qui va les pousser au bout de leurs propres limites. Peut-être est-ce mon obsession à moi, puisqu'on en évoquait tout à l'heure.

  • Speaker #0

    Dès qu'il a quitté le pouvoir, il est tombé malade immédiatement.

  • Speaker #1

    Il était encore président, mais j'ai eu le même sentiment lors d'un déjeuner avec François Mitterrand à la Tché un an avant sa mort. où j'étais dans sa bibliothèque, il était à côté de moi, il était avec ses cancers, et on était tous les deux dans la bibliothèque, et puis d'un coup, comme une sorte de sarcophage vivant, il tombe en arrière et je ne vois plus le moindre air sortir de son nez. Je me dis, putain, je me suis enfermé dans la bibliothèque avec François Mitterrand, il est en train de mourir devant moi, on sort de table, et je ne sais pas quoi faire, est-ce que je dois appeler... et collègues.

  • Speaker #0

    Le 15, je signale si un problème comme ça vous arrive, vous appelez le 15.

  • Speaker #1

    Et donc ça m'a beaucoup frappé, je me suis dit on va récupérer tous ces personnages politiques, tous les gens comme Valls, on revient là aux personnages en hiver.

  • Speaker #0

    Oui mais il y a aussi François Hollande, Nicolas Sarkozy,

  • Speaker #1

    le livre. Voilà, tous ces gens-là, mais que vont-ils chercher dans cette recherche du pouvoir qui aboutit toujours à quelque chose, non pas de tragique parce que ça c'est banal de le dire. mais quelque chose d'assez mortifère. Mortifère.

  • Speaker #0

    Mortifère.

  • Speaker #1

    Donc, passionnant.

  • Speaker #0

    Vous dites beaucoup de choses assez dures sur le métier de journaliste. Vous dites que c'est une grande part de vie par procuration. Complètement. En fait, on s'intéresse aux gens importants pour éviter de s'intéresser à soi. C'est cohérent avec ce que vous avez dit auparavant. Vous dites, nos visages et nos mots n'ont aucune postérité.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que vous écrivez ?

  • Speaker #1

    Évidemment.

  • Speaker #0

    Oui. C'est pour prouver aux cons que vous êtes intelligent ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, parce que tout à l'heure, je parlais de la confusion et je pense qu'à partir du moment où ça devient extrêmement compliqué, je ne suis pas là. Il n'y a plus de durand. Donc, il vaut mieux aller du côté des sentiments, où là, je me sens très à l'aise, mais la complexité absolue... ne fait pas partie de mon monde. Je sens la limite me concernant dans ce domaine.

  • Speaker #0

    Il y a un portrait de Marine Le Pen à l'aventure qui est surréaliste, ce qui est une boîte de nuit avenue Victor Hugo à Paris.

  • Speaker #1

    Oui absolument, qui est celle où on avait notamment repéré que Strauss-Kahn s'amusait avec quelques amis. Et elle me dit à un moment, mais vous savez, la dame qui s'envoie en l'air, enfin c'est pas moi... Je me suis beaucoup amusé là, c'est là que j'ai rencontré mon mari, à l'époque c'était Louis Alliou, enfin c'est vrai que moi je la croisais au bain-douche, à la peine. Elle avait des cuissardes comme Brigitte Bardot, et il y a toute une récolte assez amusante dans le livre de ces hasards qui font que j'ai connu elle au bain-douche, mais je l'ai croisée, pas connue, Sarkozy était fleuriste à Neuilly, Macron, sa femme, était la prof de mon fils à Franklin. à Franklin et un jour je vais acheter une voiture pour aller à Biarritz parce qu'on n'avait plus de voiture, tout tombait en panne, c'était une période catastrophique. Et le téléphone sonne, je décroche le téléphone et elle me dit oui c'est Brigitte Macron Je dis Brigitte, qu'est-ce qui se passe ? Elle me dit écoute, Emmanuel ne sait absolument pas quoi dire à François Hollande, il va se présenter aux présidentielles

  • Speaker #0

    Emmanuel était ministre de l'économie.

  • Speaker #1

    Il était ministre de l'économie, moi j'étais dans le 15ème en train d'acheter une bagnole d'occasion et on me demande ce qu'il faut dire au président en place pour le travailler.

  • Speaker #0

    Bah du coup il lui a jamais dit. Non, ça, les gens ne le savent pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a quelque chose d'assez particulier, c'est que vous m'avez gentiment défini quand même comme atypique. Et vis-à-vis de moi, ils ne se sentent pas en danger parce que, un, je ne balance pas. Deux, je n'ai que...

  • Speaker #0

    Sauf par le livre.

  • Speaker #1

    Non, mais après, par exemple, Mitterrand...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a beaucoup de choses qui sont des révélations qui ne sont jamais sorties nulle part.

  • Speaker #1

    Par exemple, le déjeuner avec Mitterrand, c'était en 95, on est en 2024. Oui,

  • Speaker #0

    il y a prescription.

  • Speaker #1

    Il y a complètement prescription. Et deuxièmement, je pense qu'aussi, ils s'intéressent comme moi à Conrad et à Rolf Linn ou à François Sagan. Et moi, je ne leur parle pas de politique toute la journée. Donc ça les détend un peu, si vous voulez.

  • Speaker #0

    L'entretien avec Sarkozy et celui avec Hollande, ils sont vraiment très originaux, les deux.

  • Speaker #1

    Mais Sarkozy parle de sa carrière présidentielle comme celle d'un romancier qui aurait de l'inspiration. Il ne sait pas pourquoi il a fait de la politique, sauf que ça lui a poussé. dans le dos, comme une sorte de vent, je ne sais pas s'il est bon ou mauvais, mais il est allé vers ça comme une inspiration de son héros littéraire, qui est Romain Garry. C'est-à-dire qu'il a cette impression, il n'a aucune explication rationnelle.

  • Speaker #0

    C'est assez émouvant ce qu'il dit, tout ce qu'il dit. Il faut lire le livre.

  • Speaker #1

    Le genre, il est toujours totalement caricaturé. C'est assez amusant de voir ça, parce que Nemo Hollande, ces gens-là, depuis une quinzaine d'années, sont extrêmement caricaturés. Et ils sont finalement pas très loin de la destruction, souvent détruits, mais beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît. Ils ne sont que huit, quand même, tous ces braves gens.

  • Speaker #0

    Les huit présidents de la Ve République. Vous les avez tous connus ?

  • Speaker #1

    À part le général de Gaulle, oui.

  • Speaker #0

    Un jour, vous dînez chez Alain Duhamel, avec Alfred Grosser, grand spécialiste de l'Allemagne, et il y a une pintade au chou, et vous vous apercevez qu'Alfred Grosser, qui est le grand grand spécialiste de l'Allemagne, ne connaît aucun peintre allemand contemporain. Oui,

  • Speaker #1

    qui sont les plus grands peintres du monde avec les Américains. C'est-à-dire Richter, Baselitz, Paul Keu, etc.

  • Speaker #0

    Hans-Telm Kieffer.

  • Speaker #1

    Hans-Telm Kieffer et les autres, et qui n'en connaît pas un. Donc c'est là aussi où je me suis rendu compte qu'il y avait dans la... Dans la culture française, c'est quelque chose qui n'est pas du tout... qui explique beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    C'est qu'on apprend de la littérature,

  • Speaker #1

    mais pas de la peinture. En Allemagne, ils ont la musique, nous on a la littérature, les Américains ont les images, c'est pour ça qu'ils ont des peintres énormes, ils ont leur cinéma, qui est extraordinaire. Dans mon appart, je parle beaucoup d'Apocalypse Now. Et nous, on a ce manque...

  • Speaker #0

    De culture artistique.

  • Speaker #1

    Oui, même de curiosité. C'est un peu comme si on demandait, je sais pas, à un Eskimo s'il connaît Platini. Enfin, donc au gros cerf, c'est un Eskimo. Les Eskimos jouent pas au foot, donc lui, il a jamais entendu parler de peinture et ça l'intéresse pas. Et de toute façon, son truc, c'est Ficht, Hegel, et voilà.

  • Speaker #0

    Vous êtes un des rares défenseurs de l'art contemporain. C'est un peu à la mode de se moquer de Jeff Koons, mais aussi de Rothko, de Pollock, etc. Bon, vous reconnaissez qu'il y a quand même du foutage de gueule, parfois, dans l'art contemporain ?

  • Speaker #1

    Je dirais pas qu'il y a du foutage de gueule, il y a des gens qui n'ont aucun talent. C'est exactement comme chez les romanciers, il y a des gens qui se répètent, il y a des gens qui sont magiques et d'autres qui n'ont rien inventé. C'est aussi simple que ça.

  • Speaker #0

    Par exemple, vous, vous dites Warhol, oui, Basquiat, oui, mais à qui vous dites non ? Par exemple, je ne sais pas, la banane de Maurizio Catalan, ça vous fait rire ?

  • Speaker #1

    Ça ne me passionne pas, mais...

  • Speaker #0

    En même temps, c'est une démarche analogue à celle de Marcel Duchamp.

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a une chose, par exemple, quand est arrivé l'art américain des années 50, Pollock, Barnett Newman, etc. Barnett Newman était candidat anarchiste à la Myriade New York et il disait ce qu'il faut pour nous, Américains, c'est détruire la culture occidentale européenne. C'est pour ça qu'il a fait ces grands tableaux abstraits. Donc si vous voulez, c'était, et d'ailleurs Manet avait commencé, français, on ne peut plus français, ça suffit avec la renaissance, ça suffit avec la perspective, ça suffit avec le dessin avant de mettre de la couleur, ça suffit avec la ressemblance, parce qu'il y a la photo pour ça, c'est quelque chose d'autre qu'on doit exprimer. Et dans cette expression qui est donc assez proche du jazz finalement, et personne ne va remettre en cause Charlie Parker. Les peintres ont inventé quelque chose. Il y a des très mauvais jazzmans, des types absolument prodigieux, comme Ice Davis qui invente un son. Il y a des gens qui inventent une couleur, comme Klein, qui inventent un tracé, comme John Mitchell, qui inventent une poésie, comme Bacon, un enfer absolu, comme Francis Bacon. Et donc, voilà. Et puis, à part ça, il y a des tas de suiveurs qui n'ont aucun intérêt.

  • Speaker #0

    Il y a un jeu dans cette émission. Devine tes citations. Je vous lis des phrases de vous. que vous avez écrite dans un de vos quatre livres. Et il faut reconnaître dans lequel.

  • Speaker #1

    Allons-y.

  • Speaker #0

    C'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes.

  • Speaker #1

    Mémoire dans la rythmique.

  • Speaker #0

    Exact, 2015. Pourquoi c'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes ?

  • Speaker #1

    Parce que vous connaissez Hitchcock, La mort aux trousses. C'est un truc que quand vous êtes à moitié assassiné à 10 ans et demi, ce n'est pas tout à fait pareil que d'aller au jardin d'acclimatation. C'est peut-être un peu plombant ? Non, non,

  • Speaker #0

    non, pas du tout, c'est au contraire. Vous avez...

  • Speaker #1

    C'est ça qui est amusant, c'est que moi je me suis beaucoup amusé.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, j'ai vécu avec ça. J'avais une sorte de fardeau. C'est comme dans les textes avriles. J'ai vécu, je suis sorti, j'ai eu une vie amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous vous trouviez au-dessus du vide.

  • Speaker #0

    Et puis en même temps, j'avais toujours ce truc-là.

  • Speaker #1

    Comme Bip Bip et le Coyote.

  • Speaker #0

    Et vous savez qu'on l'avoue très peu, ces histoires-là. J'avais beaucoup de mal à dire ça. C'est pour ça qu'il a fallu écrire.

  • Speaker #1

    On a un souvenir commun. C'est qu'on était chez vous. Vous aviez loué une maison à Saint-Jean-de-Luz. Il y avait Roman Polanski qui a allumé un feu d'artifice dans le jardin. Oui,

  • Speaker #0

    je me souviens tellement.

  • Speaker #1

    C'était à Sibourg, je crois. Et c'est à ce moment-là qu'il nous a raconté qu'il jouait avec des grenades à Cracovie, juste après la guerre. C'est pour ça qu'il aimait bien les feux d'artifice, ça lui rappelait son enfance.

  • Speaker #0

    Et les gosses qui mouraient parce que justement les gosses jouaient avec les grenades comme si c'était des jeux et puis d'un coup les grenades leur pétaient la figure. L'enfance de Roman c'est quelque chose, alors je sais que beaucoup de gens parlent de lui. actuellement, mais le livre Romane, cet enfant, son père qu'il croise, emmené par les nazis et tout ça, et lui qui s'enfuit dans la forêt pour aller vivre et faire une carrière pareille, plus après sa femme, sa première épouse, donc qui a été éventrée, il y a même le film de Tarantino que tout le monde connaît maintenant, qui est une sorte de merveille allégorique sur ce sujet. C'est une vie que je suis un peu à genoux devant lui.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que vous avez cette chose en commun. d'avoir... Lui, c'est la Shoah, mais cette chose en commun d'avoir une enfance avec un choc. Lui, c'était peut-être, bien sûr...

  • Speaker #0

    Il y a une chose dont on n'a pas beaucoup parlé, parce que ça concerne moins les jeunes aujourd'hui, mais moi, je suis né en 52. Et donc, même ces parents que j'admirais beaucoup, Beckett, Arletti, etc., on ne pouvait pas s'empêcher de leur poser, à eux et à tous ceux qui traînaient dans le quartier, puisqu'on est à Saint-Germain, et... Dis-nous, papa, maman, ton cousin, mon beau-père, mais qu'est-ce que tu as fait pendant la guerre exactement ? Parce que l'autre jour, je voyais pour les Jeux Olympiques, on a fait toute cette bataille, j'en parle dans la part, entre Yann Amakamoua et Edith Piaf, en disant c'est un scandale, quel genre d'Édith Piaf ! Mais la salope des deux, c'était Edith Piaf. Edith Piaf vivait pendant la guerre dans un bordel à l'avenue Clébert où elle en sauvait toute la bande de la rue de Royston. Et elle a failli être frappée d'indignité nationale, comme beaucoup d'autres. Et on l'a un peu oublié, mais c'était très présent en 52-45. Moi, je n'ai aucune conscience. Mais quand j'ai 10 ans et en 62, la guerre n'est pas très très loin.

  • Speaker #1

    Très proche. C'est marrant parce que dans La Maume, qui est un bon film par ailleurs, Olivier Dahan passe assez vite sur la période de la guerre.

  • Speaker #0

    Mais tout le monde.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous, Guillaume Durand. Il faut avancer. J'arrive au temps des échéances. J'ai dépensé ma vie, qui n'est jamais qu'un prêt, qu'il faut rendre à la mort usurière.

  • Speaker #0

    Alors c'est assez marrant que vous me lisiez cette phrase parce que c'est à peu près symptomatique de ce que je suis capable de faire, qui n'est quand même pas totalement nul, alors que si j'étais dans un état normal, je serais incapable.

  • Speaker #1

    C'est dans Mémoire d'un arrière-mètre.

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Et cette phrase, moi, alors pour le coup, pourquoi je l'ai choisie ? Pour montrer aux gens le style qu'il y a, c'est un style d'ailleurs proche de celui des hussards. J'arrive au temps des échéances, j'ai dépensé ma vie qui n'est jamais qu'un prêt. qu'il faut rendre à la mort usurière. Ça pourrait être du blondin. Mais alors...

  • Speaker #0

    Que j'ai bien connu. Pour Rubens. Il prenait au Rubens, c'était le café qui était juste à côté de la galerie de mon père. Il était bourré.

  • Speaker #1

    Rue Mazarine.

  • Speaker #0

    Rue Mazarine. 19. Et il tanguait au bar, comme ça.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, il a dit un jour, si je suis jamais allé à l'académie, qui est au bout de la rue, c'est parce qu'il y a trop de bars dans la rue Mazarine. Entre chez moi et... et la coupole. Autre phrase, vous savez, ce que j'ai rencontré de plus primitif dans ma vie, c'est de très loin la télévision. C'est Claude Lévi-Strauss qui vous a dit ça. Alors, lui qui a vécu chez les indiens Bororo d'Amazonie considère que le plus primitif, c'est la télévision. C'est dans Bande à part.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai été l'interviewer chez lui, on discute, il m'aimait bien parce que je ne faisais pas un numéro de structuraliste, je lui posais des questions simples, il me disait surtout... Ne me demandez pas de résumer le structuralisme en 10 minutes. Et le réalisateur, comme la compétente Chloé qui est avec nous, était un type, tenez-vous bien, qui était réalisateur du journal du Hard sur Canal. Et donc, il avait câblé entièrement l'appartement de Lévi-Strauss, donc appartement Boro-Boro, version ethnologique sommité mondiale. Il était complètement en sueur, il ne savait pas très bien s'il avait affaire à Pamela Popo ou à Madame Lévi-Strauss. qu'il avait complètement coincé dans la cuisine. Et c'est tellement surréaliste comme situation que je ne lui ai pas avoué, mais que ça a amené cette phrase. Quand il nous voyait, évidemment, nous occuper.

  • Speaker #1

    Une autre phrase qui, à mon avis, rejoint quelque chose dont on a parlé précédemment. La politique est un prolongement de la littérature. Vous dites ça, un grand bandapart. Et en fond, ce qui vous fascinait chez les hommes politiques, c'est que c'est des personnages de romans. Et eux-mêmes se perçoivent comme ça.

  • Speaker #0

    Autrement, il n'y a pas moyen d'y aller. Comme je vous l'ai dit, ça aboutit à quelque chose de très désastreux.

  • Speaker #1

    Par exemple, Macron, que vous connaissez bien. Vous pensez que là, comment il est là ? Ça doit être... Franchement, là,

  • Speaker #0

    il a perdu le contrôle.

  • Speaker #1

    Mais il a complètement perdu le contrôle. Là, il devient vraiment romanesque.

  • Speaker #0

    Vous savez que le jour où on enregistre cette émission ensemble, le soir même, il doit y avoir... Une grande agence américaine qui doit noter la France. Donc tout ce que Macron a eu comme idée, c'était de relancer l'économie pour essayer de relancer le pays. Principale idée de son début de quinquennat, après la prise du pouvoir qui ressemblait un peu à Ocean Eleven, alors que généralement les autres prenaient leur temps. Et puis cette idée, elle est complètement détruite par tous ceux qui veulent lui succéder ou qui lui succèdent actuellement. Donc quelque chose se défait complètement. Je ne préfère pas être à sa place, seul dans son palais.

  • Speaker #1

    Tout est possible. Franchement, vous avez déjà connu une situation aussi instable. Je trouve qu'elle est tout vue.

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, je n'ai pas tout vu. Instabilité, oui. Je pense que c'est quand même quelque chose que nous a légué le général de Gaulle, qui est une sorte de pièce shakespearienne et il n'y aurait plus d'acteur pour la jouer. Et c'est ça le problème majeur. C'est-à-dire que de Gaulle a laissé la Ve République. Et puis, où est Laurence Olivier ? Où est Richard Burton ?

  • Speaker #1

    Vous trouvez qu'ils ne sont pas tous à la hauteur du rôle ?

  • Speaker #0

    Mais c'est-à-dire qu'il faut avoir une assaise totale. Ne pas gagner d'argent, prendre des risques avec sa vie, ne pas dormir, ne pas avoir de vie personnelle, ne pas avoir de maîtresse, ne pas avoir d'amant, manger peu, encaisser des calages horaires absolument monumentaux, parler quatre mois...

  • Speaker #1

    Et être jugé en permanence et caricaturer tous les jours sur des centaines de médias.

  • Speaker #0

    Et regardez, Sarkozy, il a été élu assez bien, détesté le lendemain. Hollande, il a été élu, il avait l'Assemblée nationale, le Sénat, il y a toutes les régions. Le lendemain, il va rue du Cirque faire un tour pour voir quelqu'un. Il est ridicule et détesté par les Français.

  • Speaker #1

    Mais pas le lendemain. Il y a eu quelques semaines.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même... Quand vous entendez les gens parler d'un homme politique, on dit De Gaulle, deuxième mandat, il était gâteux. Pompidou, il est mort. Giscard, il était hautain. Mitterrand, c'était un Machiavel. Chirac, c'est un bon à rien.

  • Speaker #1

    C'était lequel le plus intéressant de tous ? Pour vous, quand même.

  • Speaker #0

    De ceux que j'ai connus, celui qui était le plus intense, c'était Mitterrand, parce qu'on avait l'impression qu'il y avait justement toute l'œuvre de Modiano dans son attitude. C'est-à-dire des hommes partout.

  • Speaker #1

    Oui, des mystères pendant la guerre.

  • Speaker #0

    Et puis surtout une autorité naturelle qui était aussi forte sur les adultes que sur les enfants qu'il rencontrait.

  • Speaker #1

    Je continue.

  • Speaker #0

    Je vous en prie.

  • Speaker #1

    Mon père était un personnage de Manet. Bon, c'est facile. C'est vrai. C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    Ben probablement effectivement dans Des Jeunons sur l'herbe. Des Jeunons sur l'herbe, 2022. Mon père était très élégant, il considérait que c'était très important.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il était un personnage de Manet parce qu'il portait des cravates ou parce qu'il y avait une fille nue sur l'herbe ?

  • Speaker #0

    Je pense essentiellement pour le côté costume. Costume noir,

  • Speaker #1

    chemise blanche ?

  • Speaker #0

    Non pas du tout, il était beaucoup plus carreau mais c'était un louche-soc. comme l'ont été les gens de cette génération. Il avait racheté une maison de curé à la campagne quand on était petit. Plus louer le cimetière en face, virer les tombes, il en avait gardé deux. Et sur les deux tombes qu'il avait gardées, il faisait des barbecues.

  • Speaker #1

    Donc, si vous voulez... On voit comment a grandi Guillaume Durand. Une autre phrase que j'aime beaucoup, là encore, on voit le style. Peindre le malheur comme une forme élaborée de la gloire. C'est dans Autriche, les Jeunons sur l'herbe. Oui, ça c'est une phrase qui vous a valu le prix Renaudot. Le malheur comme une forme élaborée de la gloire. Est-ce que cette lucidité-là, elle est compatible avec le métier d'animateur, amuseur des médias ? C'est ça le paradoxe de Durand.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est-à-dire qu'enfermé dans ma chambre et tout seul en train d'écrire, je pense que quelque part, cette mélancolie de l'enfance revient. et donne des textes qui peuvent être acceptables, merci de le remarquer. À partir de ça, le rôle public que je joue est un rôle qui fait que je suis dans une sorte de contresens absolu total. Les gens ne peuvent pas prendre au sérieux un type...

  • Speaker #1

    On s'en fout, les gens...

  • Speaker #0

    Non mais moi aussi !

  • Speaker #1

    On s'en fout de ce que pensent les gens. En plus, ce qu'il y a de bien dans un podcast, c'est qu'on peut dire ce qu'on veut, et puis on s'en fout de l'audience. On s'en fout, on n'a pas de patrouille. Oui,

  • Speaker #0

    mais vous savez, quand vous avez un rôle public... Par exemple, tout à l'heure, vous parliez de... Comment il s'appelle ? De Roman Polanski. Vous savez que le rêve de De Funès, c'est de tourner avec Polanski. Ça paraît complètement dément.

  • Speaker #1

    Il aurait pu tourner dans le dernier qui se passe dans le palace de Gstaad.

  • Speaker #0

    C'était son rêve absolu, c'est que Polanski lui téléphone. Donc, quelquefois, on est totalement à côté de sa vie. C'est comme ça.

  • Speaker #1

    Il faut lire la dernière phrase pour donner comme ça une idée de ce que c'est que la voix. Le dernier paragraphe.

  • Speaker #0

    Des années de matinale, des milliers de journées sans sieste, d'extrêmes fatigues qu'on ne voit pas arriver, les rendez-vous, les papiers en retard, les amis, la famille. Avant la catastrophe, pourquoi aurais-je blâmé ma vie ? Il ne suffit pas de se réveiller le matin et attendre la nuit. Vivre est un métier.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Guillaume Durand, d'être venu dans cette émission. Et nous allons faire maintenant les conseils de lecture. C'est une rubrique qui est destinée à buzzer sur Insta. Donc, il faut regarder la caméra. Et moi, je ne suis pas là. D'accord. Alors, un livre qui donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    Alors, Callie Graham, le recueil des poèmes d'Apollinaire, parce que justement il est sous les bombes, et il ressent et il explique ce besoin pour écrire des poèmes de l'exil intérieur. Et donc ça donne envie de pleurer, parce qu'il y arrive.

  • Speaker #1

    Et un livre pour arrêter de pleurer ?

  • Speaker #0

    Billy Summers de Stephen King. On est au milieu des Etats-Unis, c'est un tueur à gages qui a comme objectif de passer toute sa vie et toute sa carrière de tueur comme pour un con absolu, alors qu'en fait il lit Thérèse Raquin entre deux contrats.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Adolphe.

  • Speaker #1

    Oh non ! Vous n'avez pas aimé Adolphe de Benjamin Constant ? C'est un chef-d'oeuvre !

  • Speaker #0

    C'est un chef-d'oeuvre, mais c'est un chef-d'oeuvre qui m'emmerde.

  • Speaker #1

    Ah non, il faut le relire phrase par phrase.

  • Speaker #0

    Je vais le refaire. Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est très bien. Un livre pour crâner dans la rue ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours la recherche. C'est obligatoire, et en plus, c'est l'avantage d'être universel. Vous crânez en Australie, vous crânez au Groenland, vous crânez au Boulard Saint-Germain, vous crânez partout.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est Triste Tropique d'Olivier Strauss. Je veux aller voyager et les explorer à l'heure, parce que la manière poétique dont il parle justement de tout ça, c'est un agrégé de philo qui s'emmerde et qui décide de partir au Brésil en prenant un bateau avec André Breton, les trafiquants de drogue, les gens qui fuient l'épuration pour se lancer dans une aventure, et qui en plus devient une gloire mondiale. de l'ethnologie c'était quand même extraordinaire et c'est écrit, c'est sublimement bien écrit un livre pour séduire ça je pense que c'est n'importe quel Fitzgerald,

  • Speaker #1

    même les nouvelles ah oui, surtout les nouvelles un livre que je regrette d'avoir lu

  • Speaker #0

    Mars de Fritz Zorn qui est un très grand livre sur le cancer je le connais parce que je l'ai eu le cancer Et je déteste ce qu'il essaye de nous faire croire, à savoir qu'il l'a mérité. Parce que ce qui m'est arrivé est une loterie phénoménale. J'ai rarement bu, jamais fumé, à part quelques pétards à l'époque de Led Zeppelin qu'on évoquait tout à l'heure. Et je me suis quand même tapé le cancer de Freud, c'est le cancer de la mâchoire qui fait un mal de chien.

  • Speaker #1

    Oui, mais alors, attends, pardon. Je ne suis pas sûr que Fritz Zorn dise qu'il l'a mérité. Il dit que sa famille lui a donné le cancer.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est pareil.

  • Speaker #1

    C'est pas vrai ça ? On peut pas attraper le cancer à cause de ses problèmes ?

  • Speaker #0

    Vous avez reçu lors de la même journée que moi une jeune femme qui fait des recherches. S'il y avait la moindre explication à certains cancers, les gens iraient beaucoup mieux, ne serait-ce que parce qu'ils auraient la force de se battre et peut-être même d'expier les conneries qu'ils ont fait. Mais il y en a tellement qui maintenant attrapent ça à 30 ans sans avoir jamais rien fait de leur vie. pas avoir le temps de vivre, que je ne peux pas supporter cette idée. Donc je le laisse où il est. Au revoir, Fritz.

  • Speaker #1

    Au revoir, Fritz. Un livre que je fais semblant d'avoir fini.

  • Speaker #0

    La recherche encore.

  • Speaker #1

    Toutes les semaines, je pose cette question. C'est d'ailleurs une question...

  • Speaker #0

    C'est vrai parce qu'on se rue d'abord sur Sodome et Gomorre, puis après on commence par le début, puis après on y a faim, et puis après on se dit merde...

  • Speaker #1

    Je ne sais pas par quel bout il faut commencer. Peut-être Albertine disparaît. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. C'est marrant parce que... J'ai quand même fini par y arriver, mais dans le désordre.

  • Speaker #1

    Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    Euh... Je crois que c'est une vague de rêve d'Aragon.

  • Speaker #1

    Ah, je connais pas.

  • Speaker #0

    Alors, Aragon, avant le manifeste du parti... Enfin, le manifeste surréaliste de Breton, en 1924, il a écrit une vague de rêve, donc lui aussi, on l'a complètement oublié, mais il était à la guerre avec Breton. Il a l'air évaporé, que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre, que serais-je sans toi qui inclinait au bois dormant. qu'une rareté au cadre de la montre, etc. Une vague de rêves, c'est une espèce d'énorme poème à la vie de ce jeune type qui, vous le savez, était le fils naturel d'un préfet et en même temps plus ou moins médecin qui allait devenir... le plus grand styliste français après Chateaubriand, bien que légèrement stalinien sur les bords.

  • Speaker #1

    Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ?

  • Speaker #0

    Alors le pire livre que j'ai jamais lu, je vais vous donner une version positive du pire. C'est Les Enchanteurs que je viens de lire de...

  • Speaker #1

    Nabokov ?

  • Speaker #0

    Non, de James Ellroy.

  • Speaker #1

    Ah oui, j'ai pas aimé moi.

  • Speaker #0

    Non mais c'est parce que c'est le pire au sens où franchement s'il y a un livre aujourd'hui qui incarne le côté d'Ostoyevski contemporain, la saloperie absolue, la baston, c'est quand même fascinant.

  • Speaker #1

    Il est abject.

  • Speaker #0

    Parce qu'il est du Joe Pesci.

  • Speaker #1

    Oui, il est abject. Et ce qu'il fait à Marilyn, je ne trouve pas admissible. Je préfère la version Truman Capote.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais bien sûr. Mais bon, il le fait exprès. I like dogs. Je me souviens, un jour, je l'avais interviewé. Je lui ai dit, mais qu'est-ce que vous aimez ? I like dogs. Mais qu'est-ce que vous aimez, James Owen ? I like dogs.

  • Speaker #1

    Et enfin, pour conclure, le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, le livre que je lis en ce moment...

  • Speaker #1

    C'est pris sur la table, vous en avez apporté.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    j'ai amené des livres de Chateaubriand,

  • Speaker #0

    Les mémoires d'Errol Flynn, le livre le plus anti-Walk de l'histoire de la littérature, L'âge d'homme de l'hérisse. Il dit qu'il a peur des femmes. et qu'il a une grosse tête par rapport à un petit corps. Évidemment, quand j'étais jeune, l'écume des jours de vie. Mais ce que je lis en ce moment, c'est les égéries des années 60 de Fabrice Guigui. Ah oui,

  • Speaker #1

    très bien, qui est ressorti, augmenté. Voilà. Oui, ça, ça ne m'étonne pas.

  • Speaker #0

    Et c'est très joli et Fabrice est un type formidable.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume Durand, d'être venu vous déshabiller dans cette émission.

  • Speaker #0

    Mais c'est bien que vous ayez, comment dirais-je, compacté des phrases. que j'ai rédigé parce que je n'en suis absolument pas conscient.

  • Speaker #1

    Et voilà, mais je vous le dis, c'est important de reconnaître le talent quand il est là, même s'il est accidentel parfois. Cette émission vous était présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, excellent journal. Je rappelle, bande à part de Guillaume Durand aux éditions Plon. L'ingénieur du son, oui.

  • Speaker #0

    Oui, il faut quand même montrer cette photo de Frédéric Becbédé. avec moi sur cette émission un interviewer et un auteur jeune c'est Guillaume Durand avec mon ex-beau-père l'ingénieur du son

  • Speaker #1

    Guillaume Pagelacce merci Guillaume merci beaucoup à Chloé Beigbeder pour la réalisation vidéo et le montage non le montage est de Manon Mestre et n'oubliez pas lisez tous des livres sinon vous mourrez Complètement idiot, seul et abandonné dans une ruelle déserte.

Description

2025 démarre en fanfare avec cette Conversation à bâtons rompus avec Guillaume Durand sur son enfance traumatisée, l'art intimidant, la littérature impossible et les hommes politiques détruits par le pouvoir. Un entretien rempli de scoops nonchalants !!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez peut-être, cher invité, que cette émission est sponsorisée par des éditeurs. Et ils m'achètent, enfin ils m'aident à vivre, ils m'aident à vivre, à faire cette émission. Et cette semaine, l'émission, elle est sponsorisée par le roman des artistes de Dan Franck, chez Grasset. Vous avez lu déjà un livre de Dan Franck ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tout ce qu'il a écrit sur Montparnasse.

  • Speaker #0

    Ah ben voilà, c'était extraordinaire. Le temps des bohèmes, c'était fabuleux. Et là, il fait la même chose, mais sur le XIXe. Donc après avoir fait le XXe siècle, il fait le XIXe siècle. Ça commence avec Alexandre Dumas, et puis il y a tout le monde, Chateaubriand, Balzac, Musset, ils défilent tous, Charles Baudelaire, et on voit le XIXe comme si c'était des copains en train de se murger la tronche dans des endroits comme la Pérouse, parce qu'ils sont tous venus ici. Et je dirais que Dan Franck, c'est le roi de la vulgarisation non vulgaire, de la pédagogie agréable. On se cultive en s'amusant. Et je recommande ce livre, même si je suis payé pour le faire, c'est quand même sincère. Je rappelle que je ne fais jamais de la pub pour un livre que je n'aime pas. Ça n'arrive pas. Et Guillaume Durand, qui est un spécialiste de l'art, ne peut qu'aimer le temps des artistes. Le roman des artistes de Dan Frank aux éditions Grasset. Fin de la publicité. Bonsoir, toi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    C'est Conversations chez la Pérouse, une émission située chez la Pérouse, animée par moi et avec ce soir, comme invité,

  • Speaker #1

    Guillaume Durand,

  • Speaker #0

    pour son livre,

  • Speaker #1

    bande à part, aux éditions au plomb, comme le général de Gaulle, mais moi je suis réformé du service militaire P4.

  • Speaker #0

    Guillaume Durand, vous êtes journaliste, vous avez été journaliste à TF1, LCI, Canal+, Europe 1 et Radio Classique. Mais aujourd'hui, on va surtout s'intéresser à l'écrivain. Oui ? Je le dis, depuis l'an 2000, vous faites une sorte d'œuvre d'écrivain. Alors, je vais citer les livres par ordre chronologique. Il y a eu La Peur bleue en l'an 2000, Mémoire d'un... arithmique en 2015, Déjeunons sur l'herbe en 2022, qui a obtenu le prix Renaudot de l'essai, et vous publiez ces jours-ci, bande à part. Je vais les prendre dans l'ordre, ce que je ne fais pas d'habitude. D'habitude, je commence par la promo, c'est-à-dire le dernier, puis après je remonte dans l'oeuvre, mais là, je voudrais quand même bien établir les choses parce que vous êtes un petit peu trop humble et que vous n'aimez pas. Quand on vous considère comme un auteur, vous avez cette humilité ou fausse modestie ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est très lié à deux choses. La première chose vient de cette incapacité à ce qu'Apollinaire dans le Calligrave appelait l'exil intérieur. Quand j'étais jeune, c'est le moment d'envie d'écrire, à l'âge des enfants, le spectacle qui existait en bas de chez mes parents dans la galerie était phénoménal. Il y avait Warhol, Marguerite Durance, Solers qui courait, David Hockney et tous ces gens-là qui étaient en la rue, Sartre qui n'était pas loin, ma mère croisait Simone de Beauvoir à la BNP du boulevard Saint-Germain qu'elle détestait d'ailleurs. Et tous ces gens-là, je les voyais. Donc je faisais la queue avec eux, chez le marchand de fleurs.

  • Speaker #0

    Et le fait de croiser tous ces génies, ça vous a paralysé ?

  • Speaker #1

    Non mais ça m'a paralysé parce que je me suis tout de suite dit, je suis un enfant, je vois Aragon. Par exemple, Aragon touchait les cravates de mon père et il disait, Lucien, d'où vient-elle celle-là ? Ma mère a été folle de rage que ce reste de centois se contente de parler de cravates avec mon père. Ça m'a complètement paralysé pour une deuxième raison, c'est que le spectacle... qu'on vivait à cette époque-là. C'est-à-dire 68, l'arrivée des pros à Roland-Garros, plus Led Zeppelin à Centrale. C'était tellement fort. que j'étais totalement incapable de revenir justement à ce que Apollinaire appelle l'exil intérieur, c'est à m'enfermer dans ma chambre et travailler. C'est-à-dire que j'ai tout envoyé en l'air, l'après-pachecé, l'agrégation d'histoire, tout ce que je devais faire a été explosé par la vie de tous les jours.

  • Speaker #0

    Après, vous êtes devenu un journaliste peut-être par accident ? Pas du tout,

  • Speaker #1

    parce que j'allais extrêmement mal, j'étais prof, j'avais envie de tuer mes élèves, j'étais bouleversé par ce que me racontaient des gosses dans les boîtes. privé parce que j'avais pas une thune.

  • Speaker #0

    C'était quelle école ? Vous étiez prof d'histoire géo ?

  • Speaker #1

    Oui j'ai fait Balzac, le lycée, j'ai fait l'école Pascal, j'ai fait Alfred de Musset, c'est là que j'ai rencontré le fils de Belmondo.

  • Speaker #0

    Là vous aviez quel âge ?

  • Speaker #1

    J'avais 24 ans. J'avais les cheveux hyper longs, je me prenais pour Robert Plante et... Et les jeunes filles dans l'escalier de mes parents, me retrouvaient parce que je vivais dans une chambre de bonne en me disant Monsieur, j'aimerais bien jouer du pipeau avec vous Vous voyez l'ambiance.

  • Speaker #0

    Mais on ne peut pas avoir, enfin je veux dire, ce n'est pas interdit d'aimer la vie et d'écrire. Vous auriez pu faire des...

  • Speaker #1

    Non, inhibé par la proximité de gens...

  • Speaker #0

    Parce que vous êtes le fils de Lucien Durand, j'ai précisé.

  • Speaker #1

    Parce que mes parents étaient amis avec un milieu très intellectuel. En même temps, c'était un mélange entre Beckett et Arletty. mon père et ma mère. Et ça m'impressionnait. Je ne pouvais pas me projeter dans l'idée d'écrire quelque chose quand je voyais Aragon sortir de la galerie. Ça a été un blocage total. Jusqu'en l'an 2000. Et puis il y avait une deuxième raison pour ça aussi, puisqu'il en faut toujours deux, c'est que j'avais deux copains, dont un, je vous ai amené la photo, qui est Julien Clerc d'enfance, et l'autre que vous avez bien connu, qui était Jean-Marc Robert. Ils avaient 17, 18, 19, 20 ans, ils sont devenus brutalement célèbres. Oui, et ça, ça m'a assis. Je me suis dit je ne pourrai jamais faire comme Julien, qui est devenu célèbre à 20 ans. Et Jean-Marc, je crois que dès son premier roman, il était partout chez Pivot, etc. Et donc, j'étais écrasé par ça, déprimé. Et il a fallu que je me sente très, très mal au bout d'un certain temps. Au fond, pour tout d'un coup me dire bon, maintenant, ça suffit de la plaisanterie.

  • Speaker #0

    c'est ce que j'ai envie de faire j'ai essayé d'en placer une quand même dans l'émission c'est que c'était donc en l'an 2000 avec La Peur Bleue alors La Peur Bleue c'est là où c'est un livre assez étonnant puisque c'est un premier livre qui est à la première personne et c'est un livre de traumatisés bien avant la mode de la victimisation actuelle où tout le monde dès que quelqu'un a un rhume il fait 400 pages là c'était pas du tout ça, c'est un homme qui a devant vous quand vous aviez l'âge de 10 ans à Belle-Île-en-Mer qui a poignardé votre père, vous avez vu votre père euh... qui était en mourant, couvert de sang. Et vous-même, il a essayé de vous tuer, cet homme. C'est un aliené, un fou, un marin ?

  • Speaker #1

    Un marin ivre, au bord d'une plage, pas loin des aiguilles de porc-coton, par monnet, qui est arrivé au bout de la lande avec un couteau comme ça, qui a voulu me tuer. Comme il était ir, j'ai couru plus vite. Je suis allé voir mon père, qui était dans une bâtisse où il était en train de lire. Je lui ai dit, papa, il y a un type qui veut me tuer. Il ne m'a pas cru. Je suis rentré dans la maison et j'ai vu le type poignarder mon père, qui coulait... Plein de sang.

  • Speaker #0

    Il l'a poignardé dans la poitrine ? Non,

  • Speaker #1

    il l'a poignardé. Mon père lui a mis les pieds dans la figure. Du coup, il n'arrivait pas à le poignarder par devant. Donc, il l'a poignardé par derrière. Donc, il lui a lacéré tout dans le dos, les cuisses, etc. J'ai vu ça. Et j'ai vu ma mère, qui était une petite dame, alors que mon père était plutôt une sorte de personnage très élégant, assez chic, etc. Ma mère l'emmenait dans une AMG verte. Il l'a ramenée en urgence à Paris, passer le bateau. Et le sang coulait et donc ça a été pour moi quelque chose d'effroyable. Bien sûr. D'effroyable. Et tout ça, ça fait partie aussi de ces choses où on refoule, on refoule, on refoule. On trouve que tout va très bien. On reste du côté de l'Atlantique. On ne veut pas découvrir la Méditerranée. Et puis, deux années après, boum.

  • Speaker #0

    Et ce livre, où vous révélez ce traumatisme d'enfance, en même temps... Ce traumatisme a été réveillé par votre départ de Nulle part ailleurs en 1999, que vous avez appris dans Voici. C'est-à-dire qu'un jour vous tombez dans la presse et vous apprenez que vous êtes viré de votre boulot.

  • Speaker #1

    Mais qu'il faut continuer. C'est ce qui est atroce.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Parce que la saison n'était pas terminée.

  • Speaker #1

    Elle était loin d'être terminée, c'était quasiment au début. Il fallait tenir et...

  • Speaker #0

    Soir, sourire et continuer d'animer une émission.

  • Speaker #1

    Non mais la faire marcher surtout ! Parce qu'on peut la s'aborder, on peut dire je m'en fous de ce film, etc. Pas du tout, j'avais un certain bonheur par moments avec les uns et plutôt des malheurs avec les autres. Mais il fallait tenir le truc, il regardait les cours d'audience. Et donc il y avait ce mélange, encore que quelque chose de totalement superficiel. Et en même temps, cette affaire qui revenait et qui se matérialisait, parce que c'est ce qui est au cœur un peu du retour de ce que j'ai planqué pendant des années. c'est que j'avais la phobie des couteaux. C'est-à-dire que quand j'allais éventuellement dîner chez des amis, il fallait planquer les couteaux. Quand je louais une maison, il fallait planquer les couteaux. Quand j'allais en vacances, il fallait faire évacuer, virer tous les couteaux de cuisine, pas de cuisine, etc. Parce qu'il est revenu comme une phobie violente à 40 ans.

  • Speaker #0

    Oui, je ne savais pas ça. C'est intéressant parce que c'est très surprenant de la part de quelqu'un qui était extrêmement célèbre, qui est toujours d'ailleurs. D'écrire quelque chose d'aussi personnel, d'aussi intime, tout d'un coup...

  • Speaker #1

    Mais avec des bonnes joues, enfin le type, on lui dit... Le mec il a l'air gentil, un peu con-con,

  • Speaker #0

    il a une tête de thé... Non, j'ai pas dit ça, j'ai pas dit ça, mais...

  • Speaker #1

    Non mais moi je vous le dis, je sais ce qu'on pense de moi, donc... Mais qui c'est ce type ? Enfin tout d'un coup il vit psychose et en même temps...

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, c'est psychose. Et alors, bon, alors donc, 15 ans passent, et il y a un deuxième livre, Mémoire d'un arithmique. Et où on est toujours entre Hervé Guibert, Annie Ernaux et un peu Tom Wolfe pour le côté satirique. Et là encore, autobiographie très exhibitionniste et en même temps satire des pouvoirs du moment. Et là, vous parlez de vos problèmes cardiaques en 2007. Vous vous retrouvez avec une tachycardie à 180 bpm. Donc ceux qui ne vont pas dans des raves techno ne savent pas ce que veut dire 180 battements par minute. Mais dans un cœur, c'est beaucoup.

  • Speaker #1

    C'est beaucoup. C'est la tempête absolue et c'est là que j'ai compris qu'en fait, puisqu'on parlait de la nécessité de l'écriture, l'âge d'homme, j'ai beaucoup aimé quand j'étais jeune ce livre de Michel Deris, c'est arrivé quand je me suis rendu compte que j'avais la mort aux trousses et que tout d'un coup, c'était un peu ça le fil de ma vie d'homme vivant, c'était cette mort aux trousses qui me poussait à prendre un crayon et écrire.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça en fait, à chaque fois que vous êtes menacé de mort, vous avez envie de le raconter. Et dans Mémoire d'un arythmique, ce qui est original... C'est aussi qu'il y a déjà des photos d'œuvres d'art, de Bacon, de Giacometti, ce que vous allez refaire ensuite, en 2022, dans Déjeunons sur l'herbe. C'est-à-dire mélanger l'autobiographie, le traumatisme et la peinture. Et avec ce livre qui a obtenu le prix Renaudot quasiment à l'unanimité, qui est une autobiographie d'amateur d'art, ou de quelqu'un qui est plein de désirs pour la peinture depuis... sa naissance.

  • Speaker #1

    Je suis fasciné par ça. Depuis la naissance, qu'il s'agisse du déjeuner sur l'herbe de Manet, des demoiselles d'Avignon, des grands tableaux abstraits de Barnett Newman, tout ça est quelque chose qui fait partie de ma vie. Alors ça fait... Quand j'ai raconté ça, dans le mémoire d'un arithmique, au début, à mes copains, etc., j'ai tout de suite passé pour un snob, un fils de riche. C'est épouvantable parce que si vous aimez une sonate, personne ne va vous engueuler. Si vous dites Dostoyevsky est mon héros, personne ne va vous engueuler. Mais si jamais vous avez le malheur d'expliquer que vous aimez les femmes de Rubens qui volent à deux mètres, on vous explique que vous avez un Rubens dans le salon, vous êtes un héritier des frères Villot. Donc c'est assez particulier, c'est très mal porté. On est dans un pays littéraire et c'est assez mal porté à cette époque-là en tout cas.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas d'accord parce que vous avez eu le prix Renaudot tout de suite et que vous avez été salué.

  • Speaker #1

    Renaudot, moi je parle de cette passion pour l'art, c'était considéré pendant des années et des années.

  • Speaker #0

    Ah oui, peut-être comme un truc d'enfant gâté.

  • Speaker #1

    Pour le fric.

  • Speaker #0

    Vous avez réellement une vie qui était entourée d'œuvres d'art de toutes les époques, mais surtout de la peinture contemporaine. Et moi,

  • Speaker #1

    le livre d'Orey vous offrait un manet, mais malheureusement...

  • Speaker #0

    Le livre est donc centré sur le déjeuner sur l'herbe de 1863 d'Edouard Manet. Mais moi, ce livre, quand je l'ai reçu, honnêtement, je me disais qu'est-ce qui lui prend ? Il nous parle d'une part de son cancer. Alors là, ce n'était plus le cœur, c'était la mâchoire. Il nous parle de la mort de son père, le grand galeriste, collectionneur de tableaux, Lucien Durand. Et puis, en fait, il fait comme les derniers essais de Malraux. Les derniers essais de Malraux, le musée imaginaire ou la Voix du silence, il y avait des photos d'œuvres d'art et il faisait comme ça une promenade subjective entre les époques, en mariant des choses qui ne vont pas ensemble. Alors dans votre cas, c'était Led Zeppelin avec Le déjeuner sur l'herbe. Mais c'était un projet assez surprenant de votre part, mon cher. Donc arrêtez d'être humble et dites-nous en quoi la mort de votre père a déclenché cette écriture.

  • Speaker #1

    D'abord, quand il s'agissait de mes battements, je me suis dit, il faut quand même que je témoigne pour mes enfants et que je raconte ce qui m'est arrivé, dans la vie en général et ce que j'ai vécu. Et quand mon père est parti, il fallait que j'explique ô combien tout ça était important et faisait partie de quelque chose de très intime pour moi. Parce qu'en fait, je ne suis capable d'écrire qu'avec le chagrin chevillé au cœur. C'est-à-dire que l'espèce de type un peu jovial, le présentateur de télé simple, etc. C'est un dépressif. Non, je pense que je suis... D'abord, c'est très agréable de parler de toi, mais c'est en même temps fondamental pour essayer d'y voir clair. Je suis un type confus, mais que le chagrin éclaircit.

  • Speaker #0

    Oui, c'est bien ça.

  • Speaker #1

    Et quand ce chagrin est là, tout d'un coup, je suis capable de faire des choses extrêmement sophistiquées, qui sont inimaginables si je n'étais que la bulle de champagne que j'ai été professionnellement pendant des années. Mais en même temps, ça m'a passionné. Parce que si vous voulez, moi j'appartiens à la génération CNN, et donc je me tais. Non, non,

  • Speaker #0

    mais on va en parler de ça, parce qu'on va parler du livre suivant après. Mais c'est vrai que c'est toute une carrière de rencontres incroyables avec des chefs d'État, des grands artistes. Mais ce que je voulais, je voulais juste conclure sur ce truc. Chaque fois qu'il y a un malheur dans votre vie, vous avez sorti un livre et vous avez eu ce courage d'employer la première personne du singulier. Ce que ne font pas les animateurs de télé classiques. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça, je pense qu'au bord du Ravin, on fera tous la même chose.

  • Speaker #0

    Je ne crois pas. Regardez, j'ai reçu Michel Deniso. Il sort un livre.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'a jamais vu un Ravin de sa vie.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais pas si je pense peut-être qu'il a une pudeur.

  • Speaker #1

    Il est adorable.

  • Speaker #0

    Il est différent. Mais lui, son livre, c'est collecter des témoignages de gens de Canal+, qui rappellent comment ils sont arrivés. Je l'ai lu. D'ailleurs, vous êtes dedans. Moi aussi. Mais on est très fiers d'être dedans. Mais ce n'est pas du tout du Annie Ernaux.

  • Speaker #1

    Oui, mais il n'y a pas de Ravin. Il n'y a pas de Ravin. Moi, j'ai vu des copains mourir très jeunes, complètement défoncés. C'est une génération particulière, des types perdus. des gens triomphants et je pense que ça me... ça... c'est l'histoire d'une génération quand même.

  • Speaker #0

    Comme si tous vos livres, vous aviez besoin d'attendre une urgence pour les écrire.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est vrai. Sinon,

  • Speaker #0

    s'il n'y a pas une nécessité, ben c'est pas la peine.

  • Speaker #1

    Il doit y avoir quelque chose qui est du domaine de la paresse, mais c'est aussi parce que je lis énormément. Donc en fait... la pulsion d'écrivain se consume dans la littérature des autres.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas une paresse, c'est juste d'attendre d'avoir de l'inspiration.

  • Speaker #1

    Oui, mais peut-être que je suis trop... Je suis parfois trop... Enfin, je veux dire, quand je lis Billy Summers de Stephen King ou des livres qui m'enthousiasment ces derniers temps, je passe mon tour.

  • Speaker #0

    Oui, ça, on l'a tous ressenti, ce truc-là. Alors, passons maintenant à Bandapar. qui est sorti il y a un mois, ce sont des portraits. Là, c'est autre chose. Il y a un peu plus d'effacement, mais quand même, il y a de la première personne et vous êtes présent dans le livre, c'est vos souvenirs avec nostalgie de toutes ces rencontres incroyables de votre carrière de journaliste. Alors j'en cite une, par exemple, au début, il y a Chirac au restaurant, dans un restaurant thaïlandais ou chinois.

  • Speaker #1

    Rue Jean Mermoz à Paris c'est des copains qui m'invitent à dîner avec lui j'y vais je le connais très bien parce que je l'ai interviewé de nombreuses fois il vient d'avoir son AVC et je vous assiste à une soirée gelée parce que personne ne nous a parlé avec un type qui était très diminué, très beau parce qu'il était très beau en vrai Chirac Et je le regarde comme ça et je vois qu'il ne me reconnaît pas, il était comme Shrek. Il tournait la tête à gauche, il tournait la tête à droite, etc. Et puis pour essayer d'ouvrir une conversation, à côté de moi, il y avait le plus de garde du corps, le moins bodybuildé de l'histoire des gardes du corps, car il n'avait comme seule vocation de tenir et de protéger le bichon de Mme Chirac, qui elle-même n'était pas là. Chirac disait d'ailleurs à propos de sa femme, quand on lui posait la question, il disait pas pressé Et je lui dis, monsieur le président, pour essayer d'ouvrir la conversation, vous avez vu que Dominique Strauss-Kahn a été arrêté à New York, etc. Il me regarde et il me dit, mardi, on va manger des moules. Et alors là, j'étais totalement terrifié par quelque chose que je ressentais depuis que je travaillais sur la politique, c'est-à-dire le rapport immédiat entre la politique et la mort. C'est-à-dire des gens... qui font quelque chose qui va les pousser au bout de leurs propres limites. Peut-être est-ce mon obsession à moi, puisqu'on en évoquait tout à l'heure.

  • Speaker #0

    Dès qu'il a quitté le pouvoir, il est tombé malade immédiatement.

  • Speaker #1

    Il était encore président, mais j'ai eu le même sentiment lors d'un déjeuner avec François Mitterrand à la Tché un an avant sa mort. où j'étais dans sa bibliothèque, il était à côté de moi, il était avec ses cancers, et on était tous les deux dans la bibliothèque, et puis d'un coup, comme une sorte de sarcophage vivant, il tombe en arrière et je ne vois plus le moindre air sortir de son nez. Je me dis, putain, je me suis enfermé dans la bibliothèque avec François Mitterrand, il est en train de mourir devant moi, on sort de table, et je ne sais pas quoi faire, est-ce que je dois appeler... et collègues.

  • Speaker #0

    Le 15, je signale si un problème comme ça vous arrive, vous appelez le 15.

  • Speaker #1

    Et donc ça m'a beaucoup frappé, je me suis dit on va récupérer tous ces personnages politiques, tous les gens comme Valls, on revient là aux personnages en hiver.

  • Speaker #0

    Oui mais il y a aussi François Hollande, Nicolas Sarkozy,

  • Speaker #1

    le livre. Voilà, tous ces gens-là, mais que vont-ils chercher dans cette recherche du pouvoir qui aboutit toujours à quelque chose, non pas de tragique parce que ça c'est banal de le dire. mais quelque chose d'assez mortifère. Mortifère.

  • Speaker #0

    Mortifère.

  • Speaker #1

    Donc, passionnant.

  • Speaker #0

    Vous dites beaucoup de choses assez dures sur le métier de journaliste. Vous dites que c'est une grande part de vie par procuration. Complètement. En fait, on s'intéresse aux gens importants pour éviter de s'intéresser à soi. C'est cohérent avec ce que vous avez dit auparavant. Vous dites, nos visages et nos mots n'ont aucune postérité.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que vous écrivez ?

  • Speaker #1

    Évidemment.

  • Speaker #0

    Oui. C'est pour prouver aux cons que vous êtes intelligent ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, parce que tout à l'heure, je parlais de la confusion et je pense qu'à partir du moment où ça devient extrêmement compliqué, je ne suis pas là. Il n'y a plus de durand. Donc, il vaut mieux aller du côté des sentiments, où là, je me sens très à l'aise, mais la complexité absolue... ne fait pas partie de mon monde. Je sens la limite me concernant dans ce domaine.

  • Speaker #0

    Il y a un portrait de Marine Le Pen à l'aventure qui est surréaliste, ce qui est une boîte de nuit avenue Victor Hugo à Paris.

  • Speaker #1

    Oui absolument, qui est celle où on avait notamment repéré que Strauss-Kahn s'amusait avec quelques amis. Et elle me dit à un moment, mais vous savez, la dame qui s'envoie en l'air, enfin c'est pas moi... Je me suis beaucoup amusé là, c'est là que j'ai rencontré mon mari, à l'époque c'était Louis Alliou, enfin c'est vrai que moi je la croisais au bain-douche, à la peine. Elle avait des cuissardes comme Brigitte Bardot, et il y a toute une récolte assez amusante dans le livre de ces hasards qui font que j'ai connu elle au bain-douche, mais je l'ai croisée, pas connue, Sarkozy était fleuriste à Neuilly, Macron, sa femme, était la prof de mon fils à Franklin. à Franklin et un jour je vais acheter une voiture pour aller à Biarritz parce qu'on n'avait plus de voiture, tout tombait en panne, c'était une période catastrophique. Et le téléphone sonne, je décroche le téléphone et elle me dit oui c'est Brigitte Macron Je dis Brigitte, qu'est-ce qui se passe ? Elle me dit écoute, Emmanuel ne sait absolument pas quoi dire à François Hollande, il va se présenter aux présidentielles

  • Speaker #0

    Emmanuel était ministre de l'économie.

  • Speaker #1

    Il était ministre de l'économie, moi j'étais dans le 15ème en train d'acheter une bagnole d'occasion et on me demande ce qu'il faut dire au président en place pour le travailler.

  • Speaker #0

    Bah du coup il lui a jamais dit. Non, ça, les gens ne le savent pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a quelque chose d'assez particulier, c'est que vous m'avez gentiment défini quand même comme atypique. Et vis-à-vis de moi, ils ne se sentent pas en danger parce que, un, je ne balance pas. Deux, je n'ai que...

  • Speaker #0

    Sauf par le livre.

  • Speaker #1

    Non, mais après, par exemple, Mitterrand...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a beaucoup de choses qui sont des révélations qui ne sont jamais sorties nulle part.

  • Speaker #1

    Par exemple, le déjeuner avec Mitterrand, c'était en 95, on est en 2024. Oui,

  • Speaker #0

    il y a prescription.

  • Speaker #1

    Il y a complètement prescription. Et deuxièmement, je pense qu'aussi, ils s'intéressent comme moi à Conrad et à Rolf Linn ou à François Sagan. Et moi, je ne leur parle pas de politique toute la journée. Donc ça les détend un peu, si vous voulez.

  • Speaker #0

    L'entretien avec Sarkozy et celui avec Hollande, ils sont vraiment très originaux, les deux.

  • Speaker #1

    Mais Sarkozy parle de sa carrière présidentielle comme celle d'un romancier qui aurait de l'inspiration. Il ne sait pas pourquoi il a fait de la politique, sauf que ça lui a poussé. dans le dos, comme une sorte de vent, je ne sais pas s'il est bon ou mauvais, mais il est allé vers ça comme une inspiration de son héros littéraire, qui est Romain Garry. C'est-à-dire qu'il a cette impression, il n'a aucune explication rationnelle.

  • Speaker #0

    C'est assez émouvant ce qu'il dit, tout ce qu'il dit. Il faut lire le livre.

  • Speaker #1

    Le genre, il est toujours totalement caricaturé. C'est assez amusant de voir ça, parce que Nemo Hollande, ces gens-là, depuis une quinzaine d'années, sont extrêmement caricaturés. Et ils sont finalement pas très loin de la destruction, souvent détruits, mais beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît. Ils ne sont que huit, quand même, tous ces braves gens.

  • Speaker #0

    Les huit présidents de la Ve République. Vous les avez tous connus ?

  • Speaker #1

    À part le général de Gaulle, oui.

  • Speaker #0

    Un jour, vous dînez chez Alain Duhamel, avec Alfred Grosser, grand spécialiste de l'Allemagne, et il y a une pintade au chou, et vous vous apercevez qu'Alfred Grosser, qui est le grand grand spécialiste de l'Allemagne, ne connaît aucun peintre allemand contemporain. Oui,

  • Speaker #1

    qui sont les plus grands peintres du monde avec les Américains. C'est-à-dire Richter, Baselitz, Paul Keu, etc.

  • Speaker #0

    Hans-Telm Kieffer.

  • Speaker #1

    Hans-Telm Kieffer et les autres, et qui n'en connaît pas un. Donc c'est là aussi où je me suis rendu compte qu'il y avait dans la... Dans la culture française, c'est quelque chose qui n'est pas du tout... qui explique beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    C'est qu'on apprend de la littérature,

  • Speaker #1

    mais pas de la peinture. En Allemagne, ils ont la musique, nous on a la littérature, les Américains ont les images, c'est pour ça qu'ils ont des peintres énormes, ils ont leur cinéma, qui est extraordinaire. Dans mon appart, je parle beaucoup d'Apocalypse Now. Et nous, on a ce manque...

  • Speaker #0

    De culture artistique.

  • Speaker #1

    Oui, même de curiosité. C'est un peu comme si on demandait, je sais pas, à un Eskimo s'il connaît Platini. Enfin, donc au gros cerf, c'est un Eskimo. Les Eskimos jouent pas au foot, donc lui, il a jamais entendu parler de peinture et ça l'intéresse pas. Et de toute façon, son truc, c'est Ficht, Hegel, et voilà.

  • Speaker #0

    Vous êtes un des rares défenseurs de l'art contemporain. C'est un peu à la mode de se moquer de Jeff Koons, mais aussi de Rothko, de Pollock, etc. Bon, vous reconnaissez qu'il y a quand même du foutage de gueule, parfois, dans l'art contemporain ?

  • Speaker #1

    Je dirais pas qu'il y a du foutage de gueule, il y a des gens qui n'ont aucun talent. C'est exactement comme chez les romanciers, il y a des gens qui se répètent, il y a des gens qui sont magiques et d'autres qui n'ont rien inventé. C'est aussi simple que ça.

  • Speaker #0

    Par exemple, vous, vous dites Warhol, oui, Basquiat, oui, mais à qui vous dites non ? Par exemple, je ne sais pas, la banane de Maurizio Catalan, ça vous fait rire ?

  • Speaker #1

    Ça ne me passionne pas, mais...

  • Speaker #0

    En même temps, c'est une démarche analogue à celle de Marcel Duchamp.

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a une chose, par exemple, quand est arrivé l'art américain des années 50, Pollock, Barnett Newman, etc. Barnett Newman était candidat anarchiste à la Myriade New York et il disait ce qu'il faut pour nous, Américains, c'est détruire la culture occidentale européenne. C'est pour ça qu'il a fait ces grands tableaux abstraits. Donc si vous voulez, c'était, et d'ailleurs Manet avait commencé, français, on ne peut plus français, ça suffit avec la renaissance, ça suffit avec la perspective, ça suffit avec le dessin avant de mettre de la couleur, ça suffit avec la ressemblance, parce qu'il y a la photo pour ça, c'est quelque chose d'autre qu'on doit exprimer. Et dans cette expression qui est donc assez proche du jazz finalement, et personne ne va remettre en cause Charlie Parker. Les peintres ont inventé quelque chose. Il y a des très mauvais jazzmans, des types absolument prodigieux, comme Ice Davis qui invente un son. Il y a des gens qui inventent une couleur, comme Klein, qui inventent un tracé, comme John Mitchell, qui inventent une poésie, comme Bacon, un enfer absolu, comme Francis Bacon. Et donc, voilà. Et puis, à part ça, il y a des tas de suiveurs qui n'ont aucun intérêt.

  • Speaker #0

    Il y a un jeu dans cette émission. Devine tes citations. Je vous lis des phrases de vous. que vous avez écrite dans un de vos quatre livres. Et il faut reconnaître dans lequel.

  • Speaker #1

    Allons-y.

  • Speaker #0

    C'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes.

  • Speaker #1

    Mémoire dans la rythmique.

  • Speaker #0

    Exact, 2015. Pourquoi c'est un destin que d'avoir des emmerdements jeunes ?

  • Speaker #1

    Parce que vous connaissez Hitchcock, La mort aux trousses. C'est un truc que quand vous êtes à moitié assassiné à 10 ans et demi, ce n'est pas tout à fait pareil que d'aller au jardin d'acclimatation. C'est peut-être un peu plombant ? Non, non,

  • Speaker #0

    non, pas du tout, c'est au contraire. Vous avez...

  • Speaker #1

    C'est ça qui est amusant, c'est que moi je me suis beaucoup amusé.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, j'ai vécu avec ça. J'avais une sorte de fardeau. C'est comme dans les textes avriles. J'ai vécu, je suis sorti, j'ai eu une vie amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous vous trouviez au-dessus du vide.

  • Speaker #0

    Et puis en même temps, j'avais toujours ce truc-là.

  • Speaker #1

    Comme Bip Bip et le Coyote.

  • Speaker #0

    Et vous savez qu'on l'avoue très peu, ces histoires-là. J'avais beaucoup de mal à dire ça. C'est pour ça qu'il a fallu écrire.

  • Speaker #1

    On a un souvenir commun. C'est qu'on était chez vous. Vous aviez loué une maison à Saint-Jean-de-Luz. Il y avait Roman Polanski qui a allumé un feu d'artifice dans le jardin. Oui,

  • Speaker #0

    je me souviens tellement.

  • Speaker #1

    C'était à Sibourg, je crois. Et c'est à ce moment-là qu'il nous a raconté qu'il jouait avec des grenades à Cracovie, juste après la guerre. C'est pour ça qu'il aimait bien les feux d'artifice, ça lui rappelait son enfance.

  • Speaker #0

    Et les gosses qui mouraient parce que justement les gosses jouaient avec les grenades comme si c'était des jeux et puis d'un coup les grenades leur pétaient la figure. L'enfance de Roman c'est quelque chose, alors je sais que beaucoup de gens parlent de lui. actuellement, mais le livre Romane, cet enfant, son père qu'il croise, emmené par les nazis et tout ça, et lui qui s'enfuit dans la forêt pour aller vivre et faire une carrière pareille, plus après sa femme, sa première épouse, donc qui a été éventrée, il y a même le film de Tarantino que tout le monde connaît maintenant, qui est une sorte de merveille allégorique sur ce sujet. C'est une vie que je suis un peu à genoux devant lui.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que vous avez cette chose en commun. d'avoir... Lui, c'est la Shoah, mais cette chose en commun d'avoir une enfance avec un choc. Lui, c'était peut-être, bien sûr...

  • Speaker #0

    Il y a une chose dont on n'a pas beaucoup parlé, parce que ça concerne moins les jeunes aujourd'hui, mais moi, je suis né en 52. Et donc, même ces parents que j'admirais beaucoup, Beckett, Arletti, etc., on ne pouvait pas s'empêcher de leur poser, à eux et à tous ceux qui traînaient dans le quartier, puisqu'on est à Saint-Germain, et... Dis-nous, papa, maman, ton cousin, mon beau-père, mais qu'est-ce que tu as fait pendant la guerre exactement ? Parce que l'autre jour, je voyais pour les Jeux Olympiques, on a fait toute cette bataille, j'en parle dans la part, entre Yann Amakamoua et Edith Piaf, en disant c'est un scandale, quel genre d'Édith Piaf ! Mais la salope des deux, c'était Edith Piaf. Edith Piaf vivait pendant la guerre dans un bordel à l'avenue Clébert où elle en sauvait toute la bande de la rue de Royston. Et elle a failli être frappée d'indignité nationale, comme beaucoup d'autres. Et on l'a un peu oublié, mais c'était très présent en 52-45. Moi, je n'ai aucune conscience. Mais quand j'ai 10 ans et en 62, la guerre n'est pas très très loin.

  • Speaker #1

    Très proche. C'est marrant parce que dans La Maume, qui est un bon film par ailleurs, Olivier Dahan passe assez vite sur la période de la guerre.

  • Speaker #0

    Mais tout le monde.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous, Guillaume Durand. Il faut avancer. J'arrive au temps des échéances. J'ai dépensé ma vie, qui n'est jamais qu'un prêt, qu'il faut rendre à la mort usurière.

  • Speaker #0

    Alors c'est assez marrant que vous me lisiez cette phrase parce que c'est à peu près symptomatique de ce que je suis capable de faire, qui n'est quand même pas totalement nul, alors que si j'étais dans un état normal, je serais incapable.

  • Speaker #1

    C'est dans Mémoire d'un arrière-mètre.

  • Speaker #0

    Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Et cette phrase, moi, alors pour le coup, pourquoi je l'ai choisie ? Pour montrer aux gens le style qu'il y a, c'est un style d'ailleurs proche de celui des hussards. J'arrive au temps des échéances, j'ai dépensé ma vie qui n'est jamais qu'un prêt. qu'il faut rendre à la mort usurière. Ça pourrait être du blondin. Mais alors...

  • Speaker #0

    Que j'ai bien connu. Pour Rubens. Il prenait au Rubens, c'était le café qui était juste à côté de la galerie de mon père. Il était bourré.

  • Speaker #1

    Rue Mazarine.

  • Speaker #0

    Rue Mazarine. 19. Et il tanguait au bar, comme ça.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, il a dit un jour, si je suis jamais allé à l'académie, qui est au bout de la rue, c'est parce qu'il y a trop de bars dans la rue Mazarine. Entre chez moi et... et la coupole. Autre phrase, vous savez, ce que j'ai rencontré de plus primitif dans ma vie, c'est de très loin la télévision. C'est Claude Lévi-Strauss qui vous a dit ça. Alors, lui qui a vécu chez les indiens Bororo d'Amazonie considère que le plus primitif, c'est la télévision. C'est dans Bande à part.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai été l'interviewer chez lui, on discute, il m'aimait bien parce que je ne faisais pas un numéro de structuraliste, je lui posais des questions simples, il me disait surtout... Ne me demandez pas de résumer le structuralisme en 10 minutes. Et le réalisateur, comme la compétente Chloé qui est avec nous, était un type, tenez-vous bien, qui était réalisateur du journal du Hard sur Canal. Et donc, il avait câblé entièrement l'appartement de Lévi-Strauss, donc appartement Boro-Boro, version ethnologique sommité mondiale. Il était complètement en sueur, il ne savait pas très bien s'il avait affaire à Pamela Popo ou à Madame Lévi-Strauss. qu'il avait complètement coincé dans la cuisine. Et c'est tellement surréaliste comme situation que je ne lui ai pas avoué, mais que ça a amené cette phrase. Quand il nous voyait, évidemment, nous occuper.

  • Speaker #1

    Une autre phrase qui, à mon avis, rejoint quelque chose dont on a parlé précédemment. La politique est un prolongement de la littérature. Vous dites ça, un grand bandapart. Et en fond, ce qui vous fascinait chez les hommes politiques, c'est que c'est des personnages de romans. Et eux-mêmes se perçoivent comme ça.

  • Speaker #0

    Autrement, il n'y a pas moyen d'y aller. Comme je vous l'ai dit, ça aboutit à quelque chose de très désastreux.

  • Speaker #1

    Par exemple, Macron, que vous connaissez bien. Vous pensez que là, comment il est là ? Ça doit être... Franchement, là,

  • Speaker #0

    il a perdu le contrôle.

  • Speaker #1

    Mais il a complètement perdu le contrôle. Là, il devient vraiment romanesque.

  • Speaker #0

    Vous savez que le jour où on enregistre cette émission ensemble, le soir même, il doit y avoir... Une grande agence américaine qui doit noter la France. Donc tout ce que Macron a eu comme idée, c'était de relancer l'économie pour essayer de relancer le pays. Principale idée de son début de quinquennat, après la prise du pouvoir qui ressemblait un peu à Ocean Eleven, alors que généralement les autres prenaient leur temps. Et puis cette idée, elle est complètement détruite par tous ceux qui veulent lui succéder ou qui lui succèdent actuellement. Donc quelque chose se défait complètement. Je ne préfère pas être à sa place, seul dans son palais.

  • Speaker #1

    Tout est possible. Franchement, vous avez déjà connu une situation aussi instable. Je trouve qu'elle est tout vue.

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, je n'ai pas tout vu. Instabilité, oui. Je pense que c'est quand même quelque chose que nous a légué le général de Gaulle, qui est une sorte de pièce shakespearienne et il n'y aurait plus d'acteur pour la jouer. Et c'est ça le problème majeur. C'est-à-dire que de Gaulle a laissé la Ve République. Et puis, où est Laurence Olivier ? Où est Richard Burton ?

  • Speaker #1

    Vous trouvez qu'ils ne sont pas tous à la hauteur du rôle ?

  • Speaker #0

    Mais c'est-à-dire qu'il faut avoir une assaise totale. Ne pas gagner d'argent, prendre des risques avec sa vie, ne pas dormir, ne pas avoir de vie personnelle, ne pas avoir de maîtresse, ne pas avoir d'amant, manger peu, encaisser des calages horaires absolument monumentaux, parler quatre mois...

  • Speaker #1

    Et être jugé en permanence et caricaturer tous les jours sur des centaines de médias.

  • Speaker #0

    Et regardez, Sarkozy, il a été élu assez bien, détesté le lendemain. Hollande, il a été élu, il avait l'Assemblée nationale, le Sénat, il y a toutes les régions. Le lendemain, il va rue du Cirque faire un tour pour voir quelqu'un. Il est ridicule et détesté par les Français.

  • Speaker #1

    Mais pas le lendemain. Il y a eu quelques semaines.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même... Quand vous entendez les gens parler d'un homme politique, on dit De Gaulle, deuxième mandat, il était gâteux. Pompidou, il est mort. Giscard, il était hautain. Mitterrand, c'était un Machiavel. Chirac, c'est un bon à rien.

  • Speaker #1

    C'était lequel le plus intéressant de tous ? Pour vous, quand même.

  • Speaker #0

    De ceux que j'ai connus, celui qui était le plus intense, c'était Mitterrand, parce qu'on avait l'impression qu'il y avait justement toute l'œuvre de Modiano dans son attitude. C'est-à-dire des hommes partout.

  • Speaker #1

    Oui, des mystères pendant la guerre.

  • Speaker #0

    Et puis surtout une autorité naturelle qui était aussi forte sur les adultes que sur les enfants qu'il rencontrait.

  • Speaker #1

    Je continue.

  • Speaker #0

    Je vous en prie.

  • Speaker #1

    Mon père était un personnage de Manet. Bon, c'est facile. C'est vrai. C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    Ben probablement effectivement dans Des Jeunons sur l'herbe. Des Jeunons sur l'herbe, 2022. Mon père était très élégant, il considérait que c'était très important.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il était un personnage de Manet parce qu'il portait des cravates ou parce qu'il y avait une fille nue sur l'herbe ?

  • Speaker #0

    Je pense essentiellement pour le côté costume. Costume noir,

  • Speaker #1

    chemise blanche ?

  • Speaker #0

    Non pas du tout, il était beaucoup plus carreau mais c'était un louche-soc. comme l'ont été les gens de cette génération. Il avait racheté une maison de curé à la campagne quand on était petit. Plus louer le cimetière en face, virer les tombes, il en avait gardé deux. Et sur les deux tombes qu'il avait gardées, il faisait des barbecues.

  • Speaker #1

    Donc, si vous voulez... On voit comment a grandi Guillaume Durand. Une autre phrase que j'aime beaucoup, là encore, on voit le style. Peindre le malheur comme une forme élaborée de la gloire. C'est dans Autriche, les Jeunons sur l'herbe. Oui, ça c'est une phrase qui vous a valu le prix Renaudot. Le malheur comme une forme élaborée de la gloire. Est-ce que cette lucidité-là, elle est compatible avec le métier d'animateur, amuseur des médias ? C'est ça le paradoxe de Durand.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est-à-dire qu'enfermé dans ma chambre et tout seul en train d'écrire, je pense que quelque part, cette mélancolie de l'enfance revient. et donne des textes qui peuvent être acceptables, merci de le remarquer. À partir de ça, le rôle public que je joue est un rôle qui fait que je suis dans une sorte de contresens absolu total. Les gens ne peuvent pas prendre au sérieux un type...

  • Speaker #1

    On s'en fout, les gens...

  • Speaker #0

    Non mais moi aussi !

  • Speaker #1

    On s'en fout de ce que pensent les gens. En plus, ce qu'il y a de bien dans un podcast, c'est qu'on peut dire ce qu'on veut, et puis on s'en fout de l'audience. On s'en fout, on n'a pas de patrouille. Oui,

  • Speaker #0

    mais vous savez, quand vous avez un rôle public... Par exemple, tout à l'heure, vous parliez de... Comment il s'appelle ? De Roman Polanski. Vous savez que le rêve de De Funès, c'est de tourner avec Polanski. Ça paraît complètement dément.

  • Speaker #1

    Il aurait pu tourner dans le dernier qui se passe dans le palace de Gstaad.

  • Speaker #0

    C'était son rêve absolu, c'est que Polanski lui téléphone. Donc, quelquefois, on est totalement à côté de sa vie. C'est comme ça.

  • Speaker #1

    Il faut lire la dernière phrase pour donner comme ça une idée de ce que c'est que la voix. Le dernier paragraphe.

  • Speaker #0

    Des années de matinale, des milliers de journées sans sieste, d'extrêmes fatigues qu'on ne voit pas arriver, les rendez-vous, les papiers en retard, les amis, la famille. Avant la catastrophe, pourquoi aurais-je blâmé ma vie ? Il ne suffit pas de se réveiller le matin et attendre la nuit. Vivre est un métier.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Guillaume Durand, d'être venu dans cette émission. Et nous allons faire maintenant les conseils de lecture. C'est une rubrique qui est destinée à buzzer sur Insta. Donc, il faut regarder la caméra. Et moi, je ne suis pas là. D'accord. Alors, un livre qui donne envie de pleurer.

  • Speaker #0

    Alors, Callie Graham, le recueil des poèmes d'Apollinaire, parce que justement il est sous les bombes, et il ressent et il explique ce besoin pour écrire des poèmes de l'exil intérieur. Et donc ça donne envie de pleurer, parce qu'il y arrive.

  • Speaker #1

    Et un livre pour arrêter de pleurer ?

  • Speaker #0

    Billy Summers de Stephen King. On est au milieu des Etats-Unis, c'est un tueur à gages qui a comme objectif de passer toute sa vie et toute sa carrière de tueur comme pour un con absolu, alors qu'en fait il lit Thérèse Raquin entre deux contrats.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Adolphe.

  • Speaker #1

    Oh non ! Vous n'avez pas aimé Adolphe de Benjamin Constant ? C'est un chef-d'oeuvre !

  • Speaker #0

    C'est un chef-d'oeuvre, mais c'est un chef-d'oeuvre qui m'emmerde.

  • Speaker #1

    Ah non, il faut le relire phrase par phrase.

  • Speaker #0

    Je vais le refaire. Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est très bien. Un livre pour crâner dans la rue ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours la recherche. C'est obligatoire, et en plus, c'est l'avantage d'être universel. Vous crânez en Australie, vous crânez au Groenland, vous crânez au Boulard Saint-Germain, vous crânez partout.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est Triste Tropique d'Olivier Strauss. Je veux aller voyager et les explorer à l'heure, parce que la manière poétique dont il parle justement de tout ça, c'est un agrégé de philo qui s'emmerde et qui décide de partir au Brésil en prenant un bateau avec André Breton, les trafiquants de drogue, les gens qui fuient l'épuration pour se lancer dans une aventure, et qui en plus devient une gloire mondiale. de l'ethnologie c'était quand même extraordinaire et c'est écrit, c'est sublimement bien écrit un livre pour séduire ça je pense que c'est n'importe quel Fitzgerald,

  • Speaker #1

    même les nouvelles ah oui, surtout les nouvelles un livre que je regrette d'avoir lu

  • Speaker #0

    Mars de Fritz Zorn qui est un très grand livre sur le cancer je le connais parce que je l'ai eu le cancer Et je déteste ce qu'il essaye de nous faire croire, à savoir qu'il l'a mérité. Parce que ce qui m'est arrivé est une loterie phénoménale. J'ai rarement bu, jamais fumé, à part quelques pétards à l'époque de Led Zeppelin qu'on évoquait tout à l'heure. Et je me suis quand même tapé le cancer de Freud, c'est le cancer de la mâchoire qui fait un mal de chien.

  • Speaker #1

    Oui, mais alors, attends, pardon. Je ne suis pas sûr que Fritz Zorn dise qu'il l'a mérité. Il dit que sa famille lui a donné le cancer.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est pareil.

  • Speaker #1

    C'est pas vrai ça ? On peut pas attraper le cancer à cause de ses problèmes ?

  • Speaker #0

    Vous avez reçu lors de la même journée que moi une jeune femme qui fait des recherches. S'il y avait la moindre explication à certains cancers, les gens iraient beaucoup mieux, ne serait-ce que parce qu'ils auraient la force de se battre et peut-être même d'expier les conneries qu'ils ont fait. Mais il y en a tellement qui maintenant attrapent ça à 30 ans sans avoir jamais rien fait de leur vie. pas avoir le temps de vivre, que je ne peux pas supporter cette idée. Donc je le laisse où il est. Au revoir, Fritz.

  • Speaker #1

    Au revoir, Fritz. Un livre que je fais semblant d'avoir fini.

  • Speaker #0

    La recherche encore.

  • Speaker #1

    Toutes les semaines, je pose cette question. C'est d'ailleurs une question...

  • Speaker #0

    C'est vrai parce qu'on se rue d'abord sur Sodome et Gomorre, puis après on commence par le début, puis après on y a faim, et puis après on se dit merde...

  • Speaker #1

    Je ne sais pas par quel bout il faut commencer. Peut-être Albertine disparaît. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. C'est marrant parce que... J'ai quand même fini par y arriver, mais dans le désordre.

  • Speaker #1

    Le livre que j'aurais aimé écrire ?

  • Speaker #0

    Euh... Je crois que c'est une vague de rêve d'Aragon.

  • Speaker #1

    Ah, je connais pas.

  • Speaker #0

    Alors, Aragon, avant le manifeste du parti... Enfin, le manifeste surréaliste de Breton, en 1924, il a écrit une vague de rêve, donc lui aussi, on l'a complètement oublié, mais il était à la guerre avec Breton. Il a l'air évaporé, que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre, que serais-je sans toi qui inclinait au bois dormant. qu'une rareté au cadre de la montre, etc. Une vague de rêves, c'est une espèce d'énorme poème à la vie de ce jeune type qui, vous le savez, était le fils naturel d'un préfet et en même temps plus ou moins médecin qui allait devenir... le plus grand styliste français après Chateaubriand, bien que légèrement stalinien sur les bords.

  • Speaker #1

    Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ?

  • Speaker #0

    Alors le pire livre que j'ai jamais lu, je vais vous donner une version positive du pire. C'est Les Enchanteurs que je viens de lire de...

  • Speaker #1

    Nabokov ?

  • Speaker #0

    Non, de James Ellroy.

  • Speaker #1

    Ah oui, j'ai pas aimé moi.

  • Speaker #0

    Non mais c'est parce que c'est le pire au sens où franchement s'il y a un livre aujourd'hui qui incarne le côté d'Ostoyevski contemporain, la saloperie absolue, la baston, c'est quand même fascinant.

  • Speaker #1

    Il est abject.

  • Speaker #0

    Parce qu'il est du Joe Pesci.

  • Speaker #1

    Oui, il est abject. Et ce qu'il fait à Marilyn, je ne trouve pas admissible. Je préfère la version Truman Capote.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais bien sûr. Mais bon, il le fait exprès. I like dogs. Je me souviens, un jour, je l'avais interviewé. Je lui ai dit, mais qu'est-ce que vous aimez ? I like dogs. Mais qu'est-ce que vous aimez, James Owen ? I like dogs.

  • Speaker #1

    Et enfin, pour conclure, le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, le livre que je lis en ce moment...

  • Speaker #1

    C'est pris sur la table, vous en avez apporté.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    j'ai amené des livres de Chateaubriand,

  • Speaker #0

    Les mémoires d'Errol Flynn, le livre le plus anti-Walk de l'histoire de la littérature, L'âge d'homme de l'hérisse. Il dit qu'il a peur des femmes. et qu'il a une grosse tête par rapport à un petit corps. Évidemment, quand j'étais jeune, l'écume des jours de vie. Mais ce que je lis en ce moment, c'est les égéries des années 60 de Fabrice Guigui. Ah oui,

  • Speaker #1

    très bien, qui est ressorti, augmenté. Voilà. Oui, ça, ça ne m'étonne pas.

  • Speaker #0

    Et c'est très joli et Fabrice est un type formidable.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume Durand, d'être venu vous déshabiller dans cette émission.

  • Speaker #0

    Mais c'est bien que vous ayez, comment dirais-je, compacté des phrases. que j'ai rédigé parce que je n'en suis absolument pas conscient.

  • Speaker #1

    Et voilà, mais je vous le dis, c'est important de reconnaître le talent quand il est là, même s'il est accidentel parfois. Cette émission vous était présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, excellent journal. Je rappelle, bande à part de Guillaume Durand aux éditions Plon. L'ingénieur du son, oui.

  • Speaker #0

    Oui, il faut quand même montrer cette photo de Frédéric Becbédé. avec moi sur cette émission un interviewer et un auteur jeune c'est Guillaume Durand avec mon ex-beau-père l'ingénieur du son

  • Speaker #1

    Guillaume Pagelacce merci Guillaume merci beaucoup à Chloé Beigbeder pour la réalisation vidéo et le montage non le montage est de Manon Mestre et n'oubliez pas lisez tous des livres sinon vous mourrez Complètement idiot, seul et abandonné dans une ruelle déserte.

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