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JUSTINE LÉVY : "JE NE SAIS PAS SI J'ÉCRIRAI UN AUTRE LIVRE." cover
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Conversations chez Lapérouse

JUSTINE LÉVY : "JE NE SAIS PAS SI J'ÉCRIRAI UN AUTRE LIVRE."

JUSTINE LÉVY : "JE NE SAIS PAS SI J'ÉCRIRAI UN AUTRE LIVRE."

44min |05/12/2025
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Description

Je remercie Justine Lévy pour sa douceur angoissée et sa franchise timide. Elle a écrit un livre sans la moindre rancune : "Une drôle de peine" (Stock). Elle aurait pu en vouloir à sa mère de ne pas l'avoir élevée "normalement". Au contraire, elle décrit une époque bizarre et une enfance originale avec un léger fatalisme qui est une belle preuve d'élégance.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir amis de la littérature de luxe. Ce soir je reçois un écrivain que j'apprécie particulièrement, Justine Lévy. Bonsoir. Vous publiez Une drôle de peine, chez Stock, et on retrouve dans ce livre, comme dans les six autres, votre style doux, amer, votre façon humoristique de raconter des choses très tristes, et... Alors j'aimerais savoir pourquoi c'est déjà le troisième livre sur votre mère.

  • Speaker #1

    C'est pas le troisième ?

  • Speaker #0

    Mais si.

  • Speaker #1

    Non, Le Rendez-vous, Rien de grave, c'était aussi sur ma mère, même si c'était pas le sujet principal. C'était aussi sur ma mère. Après, Il y a eu Mauvaise fille, sur ma mère, ça fait trois. La Gaîté, sur ma mère, ça fait quatre. C'est vraiment... Après, un petit livre que j'ai adoré, qui est mon livre préféré, c'est Flammarion, qui était des légendes de photos. On avait retrouvé des photos de mal, il fallait les légender. Ça parlait des mères. Après, Antonin Artaud. Ça parlait de la mère. Voilà, la mère d'Artaud. Et puis, là.

  • Speaker #0

    Donc, ça fait sept livres sur votre mère. Vous avez raison, pardon, d'avoir un petit peu sous-estimé votre œuvre. Mais alors, zéro livre sur votre père. Pourtant, c'est un bon sujet aussi, ce type en chemise blanche qui sauve le monde.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas un bon sujet, parce qu'il a un très bon père. Je n'ai rien à lui reprocher. Pas en colère contre lui, je l'aime.

  • Speaker #0

    Il faut de la colère pour écrire ?

  • Speaker #1

    Oui, il faut de la colère, il faut un peu de rancœur, il faut même un tout petit peu peut-être de mauvais espoir, il faut des mauvais sentiments, ça c'est sûr. J'en ai pas tant que ça d'ailleurs, en fait, mais j'en ai pas du tout à l'égard de mon père, donc sauf ça, ça n'intéresserait personne.

  • Speaker #0

    Ou alors vous attendez qu'il meure comme moi j'ai fait avec le mien, et là vous serez plus libre de dire toute la vérité.

  • Speaker #1

    Là je vais quitter le restaurant. Parce que je vais pleurer.

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai lu tous les livres de la rentrée sur les mers et le vôtre est le plus trash. Ça, ça me fait plaisir. Ça vous fait plaisir ? Oui, ça me fait plaisir. Parce que j'ai regardé aussi les émissions où vous étiez invité et je vous trouve très élogieuse avec Isabelle d'Outre-Ligne. Vous êtes extrêmement aimable avec elle. Mais sans doute êtes-vous plus aimable à l'oral qu'à l'écrit. C'est quelque chose qui est un phénomène fréquent. Quand on écrit, on est peut-être plus sévère. que quand on parle.

  • Speaker #1

    Non mais je ne suis pas sévère, je suis pas sévère, j'ai raconté les choses. Donc j'ai raconté si c'était à hauteur d'enfant, j'ai raconté l'appartement sans porte parce qu'il fallait que tout circule, les corps, les envies, les drogues, etc. J'ai raconté sans me cacher, sans par avant, mais je ne suis pas sévère. Non, non, je ne suis pas sévère, j'ai raconté les choses telles qu'elles... Je ne sais pas si c'est telles qu'elles étaient, mais telles que je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    c'est ma vérité.

  • Speaker #0

    Il y avait un appartement très sale. Vous dites beaucoup qu'il était sale, cet appartement. Maintenant, vous êtes obsédée par la propreté, du coup.

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, mais pas tellement obsédée par la propreté. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Non, je ne suis pas tellement hygiéniste. C'est vrai que c'est un courant, l'hygiénisme. Ce n'est pas tellement mon truc, non.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous décrivez un endroit qui était orange, avec des seringues qui traînent.

  • Speaker #1

    Ça, ce n'est pas sale. ça c'était C'était ma vie, oui, quand j'étais petite et je trouvais ça... Je ne sais pas si je trouvais ça normal ou pas, mais c'était la normalité. Je pense que j'avais conscience qu'il y avait quelque chose qui était un peu bizarre. Mais oui, j'avais confiance. J'avais confiance parce qu'à l'école, je me rendais bien compte qu'à l'école, ce n'était pas tout à fait pareil. Ma mère m'accompagnait parfois avec sa maîtresse... Violaine. Violaine, oui, je cherchais le nom que je lui ai donné dans le roman. Et je me souviens du regard de la directrice quand on était en retard, quand je m'étais habillée moi-même, sur la dégaine que j'avais, je me souviens de choses comme ça, des petits indices.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est vrai que quand on écrit des choses intimes, les journalistes vous posent des questions embarrassantes. C'est comme ça. Donc, je suis désolé, je vais insister. Est-ce que ça vous embête de lire un extrait ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Vous êtes... Alors, ce n'est pas sévère, mais vous faites un constat. sur ce que c'était que cette enfance. Parce que c'est pas une enfance banale. J'ai encerclé.

  • Speaker #1

    Ouais, je vois. Je sais pas qui a dit que l'enfance est un pays dont on aura toujours la nostalgie et blablabla, c'est n'importe quoi. Y'a pas d'enfance perdue, manquée et retrouvée. Y'a pas d'enfance du tout. Y'a des petites personnes, pas terminées, limitées, négligeables et négligées. Des trucs dans lesquelles on se prend les pieds, qu'on oublie, qu'on éduque pas. Elles vont bien d'une manière ou d'une autre devenir ce qu'elles sont. Elle va pousser toute seule, Justine, comme ces poulains tremblotant sur leurs pattes à peine nées mais déjà debout, déjà presque autonomes et qui n'emmerdent pas les chevaux adultes. Oui, à la fin des années 70, elles l'ont bien compris, maman, Viollaine et leurs copines, après tous ces siècles de temps perdus, gâchés et volés aux femmes qui ont autre chose à faire que de pondre et d'élever leurs marmots, l'éducation est un concept ringard. C'est pas sévère ça.

  • Speaker #0

    Mais c'est un constat sociologique. Il y a eu beaucoup de parents, comme on peut dire, déficients, absents, toxiques, dans les années 70.

  • Speaker #1

    C'est pas toxique. C'est plutôt défaillant, des parents pas très faits pour être parents, ou des parents qui se sont trompés un peu. Enfin, dans l'éducation, obéissaient à des règles bizarres, et puis qui changeaient tout le temps, et qui étaient renouvelées en permanence, et ça donnait un peu le tournis.

  • Speaker #0

    Mais vous trouviez ça rigolo ou pénible à l'époque, quand vous aviez 5 ans ?

  • Speaker #1

    Évidemment pas du tout rigolo. Je n'ai pas tellement de photos, moi, rigolant d'ailleurs. J'en ai cherché pour un jour des magazines, ils m'ont demandé des photos de moi enfant. J'ai plutôt l'air assez contrarié. Enfin peut-être parce que je n'aime pas être prise en photo aussi déjà. Non, ce n'est pas un constat sociologique, mais on est un peu de la même génération.

  • Speaker #0

    Oui, mais moi, les appartements n'étaient pas sales. J'avais moins de seringues par terre, mais oui, j'ai vécu des choses que peut-être les enfants ne doivent pas vivre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'ils doivent vivre le contraire ? Est-ce qu'ils doivent vivre un truc aseptisé, avec des parents sur leur dos en permanence, avec des corsetés de règles ? Je ne sais pas non plus.

  • Speaker #0

    Ça c'est intéressant, parce que là vous êtes en train de parler de vous tout d'un coup. Vous dites que vous faites le contraire de votre mère, que vous êtes presque étouffante avec vos enfants, très attentive, peut-être trop. Comme le sont beaucoup les parents aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, donc ça peut-être que c'est sociologique aussi. Après, je n'ai pas tellement de hauteur. C'est vrai que je suis assez sur mon nombril quand même. Mais peut-être que ça correspond à ce que les gens ont vécu aussi. Mais non, je sais qu'essayer d'être une trop bonne mère, c'est rater aussi. C'est être une très mauvaise mère aussi dans l'autre sens. Donc, ce n'est pas une bonne idée tout le temps de se regarder être une mère ou un père. C'est marrant.

  • Speaker #0

    Je continue à vous embarrasser en citant votre livre. Vous dites que quand même la vie de votre mère fut un désastre bref. Elle est morte à 54 ans d'un cancer. Et bon, elle était toxico, bisexuelle. Ça, c'est pas désastreux ça. Non.

  • Speaker #1

    Toxico et bisexuelle, c'est pas désastreux.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas des qualités non plus. Mais c'est pas ça qui fait qu'une vie est brève. et minuscule ou glorieuse. Ce qui fait qu'elle est brève et minuscule et glorieuse à la fois, c'est quand on la rate. Moi, je savais qu'elle allait dans des impasses. Je savais que... Quand elle prenait un chemin plus glorieux, je savais que quelque chose en elle allait faire qu'elle allait se perdre et entraîner les gens avec elle. Oui.

  • Speaker #0

    À propos d'entraîner les gens avec elle, un soir, vous gobez des pilules qui traînent. Vous avez quasiment failli mourir, elles vous ont récupéré dans votre vomi, enfin c'est spectaculaire.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous lisez comme ça, c'est trash. Mais oui c'est trash ! C'est pas comme ça que je le raconte, je trouve que c'est pas comme ça que je le raconte. Puis c'est pas elle qui me les a mis, contrairement à sa mère, elle avait une mère vraiment pour le coup toxique, ma mère dont je parle dans le livre, qui l'a initiée à la drogue par le biais des médicaments qu'on donnait dans les années, c'est les années quoi ?

  • Speaker #0

    60 je crois ? 40 !

  • Speaker #1

    Ben non, pas elle.

  • Speaker #0

    Elle est née en quelle année ?

  • Speaker #1

    Elle est née en 50, donc dans les années 60.

  • Speaker #0

    Oui, 60, oui.

  • Speaker #1

    Ah, je suis nulle en...

  • Speaker #0

    Non, non, mais ce n'est pas grave. Oui, oui, c'est les années 60, 5. Oui,

  • Speaker #1

    donc ma mère ne m'a pas donné ces médicaments.

  • Speaker #0

    Volontairement, mais...

  • Speaker #1

    Volontairement du tout. Ils étaient là dans le panier près du lit, comme moi j'ai des médicaments dans mon panier près du lit et mes enfants ne se servent pas. Donc, voilà, il y a un terrain...

  • Speaker #0

    Il y a aussi cette scène quand même... Alors, pardon, je vous rappelle vos souvenirs. C'est dans le livre. où elle vous oublie Gare du Nord et après quelques heures, elle revient, Violaine et votre mère, complètement bourrées, pour vous chercher, tout d'un coup, et se souviennent que vous existez.

  • Speaker #1

    Oui, il y a aussi des moments heureux, que je raconte aussi. En fait, elle est devenue une très bonne mère, ma mère, quand elle est tombée malade.

  • Speaker #0

    Il y avait aussi d'autres moments.

  • Speaker #1

    Après, il y a eu des bons moments. Oui, à la fin,

  • Speaker #0

    quand elle était malade, parce que là, vous vous êtes rapprochés, vous vous occupiez d'elle.

  • Speaker #1

    Non, elle s'occupait de moi aussi beaucoup. Quand j'ai été charnobilisée par un chagrin d'amour dans les années, je ne sais plus combien, il y a une bonne vingtaine d'années, elle était là, elle me faisait à manger, elle m'épluchait des légumes, elle voulait me soigner avec des omégas, je ne sais quoi, dans le poisson. Et tout à coup, elle a été une très bonne mère. Et un peu tard, mais...

  • Speaker #0

    Vous dites que c'était un mannequin révolutionnaire. C'est une sorte d'oxymoron.

  • Speaker #1

    Non, je n'ai pas dit ça.

  • Speaker #0

    C'est quoi mannequin révolutionnaire ? C'est qu'elle était à la fois très belle et elle travaillait dans ce métier. Et en même temps, c'était tout le temps un militantisme pour la révolution, changer le monde.

  • Speaker #1

    Elle aurait pu être un grand mannequin. Elle n'était pas un grand mannequin. Non, d'ailleurs, elle n'était pas un bon mannequin. Elle était mannequin. Mais elle n'en tirait aucune gloire. Elle savait très bien qu'il n'y avait absolument rien, qu'il n'y avait pas de quoi se vanter, que c'était quand même être un objet de désir, etc. Donc à la fois, elle se révoltait contre ce statut et en même temps, elle l'acceptait. Elle était pleine d'ambivalence, comme toujours, et comme tout ce qu'elle faisait. Mais en tout cas, elle n'en tirait aucune fierté. Et puis de temps en temps, elle se barrait des studios photos parce qu'elle décidait que le type l'avait regardé bizarrement ou que les... Les vêtements ne lui semblaient pas beaux, ou que je ne sais quoi, ou que c'était trop bourgeois, ou que la coiffure... Elle n'a pas été un grand mannequin pour ça, elle n'avait pas cette docilité-là.

  • Speaker #0

    Je vous définis un peu comme la Sagan des familles recomposées, c'est-à-dire que Sagan écrivait beaucoup sur des bourgeois qui tombaient amoureux, qui se trompaient. Vous, c'est plutôt sur des bourgeois qui se quittent, qui divorcent. Il y a à la fois le divorce de vos parents, mais aussi le vôtre, qui était dans rien de grave en 2004. Est-ce que vous aimez ce charme tragique de Sagan ?

  • Speaker #1

    Moi j'adore Sagan. J'avais interviewé Sagan quand je croyais que je voulais être journaliste, quand j'étais très jeune. Et c'était affreux parce qu'on était quand même deux grandes timides, enfin pas de la même manière. Elle c'était aussi un peu par flemme je pense. Et puis donc il y avait de grands silences et puis quelques onomatopées. Et puis c'était désastreux. Mais j'aime beaucoup, beaucoup ce qu'elle écrit. J'aime parce qu'elle n'a pas de... Elle ne prend pas la posture de l'écrivain. Je déteste la posture de l'écrivain. Mais ça, j'aime bien. Et puis... Oui.

  • Speaker #0

    Et puis surtout, vous parlez d'un milieu favorisé, sans culpabilité ou avec de la culpabilité, mais en assumant quand même que ces personnages vivent dans le confort. Et ça ne les empêche pas d'avoir des problèmes graves. Mais c'est vrai, ça, ça me plaît. On est chez la Pérouse, alors. C'est vrai. C'est vrai.

  • Speaker #1

    Oui, je ne vais pas inventer. Enfin, je ne vais pas inventer si je suis romancière. Donc, c'est fou ce que je viens de dire. Mais je ne vais pas... Ce n'est pas mon genre d'inventer des fractures et des malheurs. Il suffit de se baisser. Il n'y a pas besoin de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et puis, vous n'inventez pas parce que vous parlez beaucoup de votre vie, de votre famille et de votre vie. C'est arrivé une fois que vous sortiez de cet exercice avec... Son fils en 2024 sur la mère d'Antonin Artaud votre seul roman non autobiographique est-ce que c'était plus difficile comme boulot ? Déjà il a fallu vous documenter Ah ouais,

  • Speaker #1

    non déjà je pouvais pas autant je peux me permettre de délirer un tout petit peu sur mes amis parce qu'ils sont gentils, autant sur Antonin Artaud je sais qu'il y a des exégètes qui sont vraiment, qui étaient prêts à me tirer dessus à tous les coins de rue déjà que, et le donc j'ai vraiment fait très attention ... Et puis, c'est le livre dont je suis le plus contente. C'est le livre dans lequel je parle le plus de ma mère, finalement, avec ses vérités, comme vous dites, justement. Ah, c'est bien. Donc,

  • Speaker #0

    il a fallu écrire sur quelqu'un d'autre. Oui, bon, comme tout. Pour être plus libre. C'est toujours comme ça. Mais oui, c'est le... Pardon de dire des banalités. Mais bon,

  • Speaker #1

    voilà, c'est un peu matos, mais c'est comme ça. Mais ça n'a pas marché du tout. J'étais vexée comme un pouls. Personne ne l'a lu. Bah si,

  • Speaker #0

    vous voyez.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Il y a quand même des lecteurs, ça travaille ici. Il y a eu aussi la gaieté. Alors la gaieté, c'était sur la maternité, l'espoir, la résilience, un peu ce mot affreux que tout le monde emploie en ce moment, mais en fait qui veut juste dire remonter la pente. Et c'était... Oui, ça aussi, c'est un livre assez étonnant, paradoxal de dire la gaieté sur une couverture de livre. Pour vous, c'est surprenant.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un livre que j'aime tellement. C'est un livre que j'ai un peu bâclé. C'est un livre que j'ai un peu écrit pour un peu rapidement peut-être. Et ce n'est pas le livre que je conseille. Là, par exemple, on va à Brive, enfin on va dans tous les salons littéraires. J'aime bien, comme tout le monde, c'est agréable de rencontrer les gens et qu'ils vous parlent de leurs histoires, etc. Mais je ne conseille pas la gaieté aux gens. Parfois même, je le cache. Bon, c'est des prescriptions. On demande un peu de quoi vous avez revu, malheureux, rire, etc. Rire, il n'y a pas tellement, mais quel genre de malheur vous voulez lire ? Et je cache la gaieté.

  • Speaker #0

    Bonjour, quel genre de malheur ? Je peux vous retenir le prince, la mère toxique, qu'est-ce que vous voulez ?

  • Speaker #1

    C'est pour votre fille, pour votre mère.

  • Speaker #0

    Quand est-ce que vous avez senti que vous aviez trouvé votre voix, V-O-I-X, un peu entre, mettons, Ernaud et Sagan, c'est-à-dire parler de soi, dire jeu, mais avec auto-ironie ?

  • Speaker #1

    là le dernier c'est vraiment que là ? oui le dernier c'est celui que ouais c'est celui dont je suis contente voilà je sais pas si j'ai trouvé ma voix

  • Speaker #0

    A voix,

  • Speaker #1

    mais ça prend... Après, je ne sais pas si je vais écrire d'autres livres non plus, mais bon, là, je suis contente. On verra bien.

  • Speaker #0

    Vous avez lu Dorothy Parker ? Non. Lisez Dorothy Parker, parce que c'est vraiment ça. C'est-à-dire qu'elle parle toujours de ses problèmes avec les hommes, avec la vie, avec l'alcool, et avec beaucoup, beaucoup d'humour. Ça va beaucoup vous plaire. Ce qui vous caractérise aussi, et qui vous fait trancher avec l'époque, c'est le refus de la victimisation. votre enfance vous auriez pu en faire quelque chose d'épouvantable or vous regardez avec une distance avec une tranquillité des événements très traumatisant voyez on vous voit jamais vous plaindre ah bon vous avez l'impression que vous vous lamentez en permanence ouais ah ah c'est vrai non c'est vrai bah tant mieux par exemple je donne un exemple vous dites j'étais un cheveu sur la soupe de quelqu'un d'autre Ça, c'est de l'élégance de dire ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu plaintif quand même. C'est un peu, je suis un petit grain de couscous. C'est un peu, voilà. Mais non, je ne sais pas. Il n'y a pas de grande vertu à se plaindre ou à ne pas se plaindre. Il n'y a pas de grande vertu dans la pudeur non plus. Tout ça, ça ne me concerne pas tellement. J'écris les choses comme elles sont. Je fais juste un tout petit peu gaffe aux dégâts collatéraux. Par pouvoir, c'est-à-dire les enfants. mon amoureux, les amis, les quelques amis qui me restent, etc. Je fais attention. Mais sinon...

  • Speaker #0

    Les autres en prennent pour leur grade. Oui,

  • Speaker #1

    enfin...

  • Speaker #0

    Non, non d'ailleurs. Mais je ne sais pas si c'est aussi par peur du ridicule, justement, parce que...

  • Speaker #1

    Je n'ai pas peur du ridicule, moi.

  • Speaker #0

    C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Oui. Pourquoi ? Vous allez demander quoi ?

  • Speaker #0

    Le côté problème de riche. Vous pourriez avoir peur de ça. Voilà.

  • Speaker #1

    J'ai des problèmes de riche, ça je sais. Non mais c'est le cas, c'est vrai. C'est un luxe absolu de faire des dépressions, d'aller dans des endroits pour se reposer, d'avoir le temps, d'avoir des problèmes, etc. C'est un luxe inouï, mais je n'ai pas besoin de m'étaler sur le fait que c'est un luxe inouï, ça va de soi.

  • Speaker #0

    Et puis on souffre quand même, on souffre quand même quand on est obligé de se rendre des annales. Oui,

  • Speaker #1

    on souffre un peu moins que quand en plus on se tue à la mine. Des enfants braves, bon. Des enfants affamés.

  • Speaker #0

    Voilà. Est-ce que, alors, puisqu'on y est, allons dans la question tabou. Est-ce qu'être la fille de BHL, ça a plus d'avantages ou d'inconvénients ?

  • Speaker #1

    D'avantages, je pense. Encore une fois, je ne sais pas bien, parce que je ne le connais pas bien, BHL. Vous me disiez tout à l'heure, la chemise blanche, c'est... J'en ai une aussi. Voilà. Plutôt des avantages, parce que... Parce que d'abord, il est un très bon père. Il a été une très bonne mère pour moi aussi. Il a toujours été là, même au bout du monde. C'est un socle. Donc, c'est plutôt merveilleux. C'est plutôt une chance. Un avantage, oui, parce qu'il est immensément cultivé. Parce que, bon, vous voyez...

  • Speaker #0

    Oui, mais parfois, par exemple, quand vous êtes sur des listes de prix et que vous ne l'obtenez pas, peut-être qu'on vous fait payer le fait d'être la fille de cet écrivain célèbre. C'est possible. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je ne crois pas trop à toutes ces histoires de magouilles. Les gens disent les prix. Il y a quand même souvent des très bons livres qui sont récompensés. Moi, j'étais très contente d'être dans la dernière liste du Renaudot. Et la plupart des gens qui étaient sur la dernière liste du Renaudot étaient mes camarades. Il y avait...

  • Speaker #0

    Il y avait trois femmes,

  • Speaker #1

    Anne Bérest,

  • Speaker #0

    Adélaïde de Clermont-Tonnerre, que j'ai reçues ici d'ailleurs, Adélaïde et vous-même, et c'était, je crois, très bon livre.

  • Speaker #1

    Après, est-ce qu'on me fait payer des trucs ? Oui, mais ça c'est la vie.

  • Speaker #0

    Vous avez vraiment été interviewer tous les proches de votre mère, c'est-à-dire son frère par exemple, dans sa clinique. Quand même, il y a eu des dégâts de ce côté-là de votre famille. Ah ben non,

  • Speaker #1

    mais c'est vrai que c'est une famille, comment on l'appelle ça ? Vous disiez résiliente. Dysfonctionnelle. Voilà, c'est une famille dysfonctionnelle, ce mot horrible aussi. C'est une famille comme toutes les familles, mais quand on commence à enquêter, on se dit, oh là là, il y a quand même des sacrés morceaux. Et je suis allée, comme c'est une enquête ce livre-là, je suis allée, je ne sais pas, interviewer. Je suis allée rencontrer mon oncle maternel, que j'avais vu deux fois dans ma vie, une fois à l'enterrement de ma mère, et puis un peu avant, quand ma mère avait décidé de le faire sortir de sa clinique pour lui acheter une doudoune. Et voilà, je suis allée le voir dans une maison de repos dans laquelle il vit depuis toujours. Et je pensais apprendre des choses sur ma mère. Je ne sais pas ce que j'ai appris, mais je n'ai rien appris. Mais j'y suis allée.

  • Speaker #0

    Ce qui est fou, c'est que d'ailleurs tous les gens avec lesquels vous avez pris contact en voulant en savoir plus sur votre mère n'avaient rien. Même Bernard-Henri Lévy vous dit, bon, va voir un tel, va voir un tel, il n'y a pas vraiment de réponse. Et cette ex-petite amie qui vit en Indonésie, qui s'appelle Violaine, aujourd'hui elle a 78 ans, elle carrément, elle vous traite de salope. C'est pas très sympathique.

  • Speaker #1

    Ça m'a pas donné tellement envie d'aller la rejoindre en Indonésie pour aller plus loin. Mais non, puis il y a toujours un moment où j'aurais pu savoir des choses, mais j'y vais, je passe mon temps. à me dire je vais résoudre, je vais comprendre, je vais savoir qui elle était. Et puis au dernier moment, je recule le trois cases. Et un peu comme c'est le cas avec Violaine, j'avais la possibilité d'aller la voir en Indonésie. Et j'ai tout fait pour qu'elle m'insulte et que ça ne se passe pas. En fait, je n'ai peut-être pas envie de savoir. Peut-être qu'il ne faut pas savoir les choses.

  • Speaker #0

    Si vous avez écrit sept livres, c'est que franchement, ça reste un mystère probablement. Oui. Alors il y en aura d'autres ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il y aura d'autres livres. Mais s'il y en a d'autres, ils seront toujours sur ma mère. C'est un gisement inépuisable.

  • Speaker #0

    Et puis alors, j'ai l'impression que ce qui vous gênait le plus dans cette enfance décalée, c'est la nudité. Et c'est vrai qu'à l'époque, les gens se baladaient beaucoup à poil, beaucoup de naturistes et tout, et ça, franchement, ça vous dégoûtait.

  • Speaker #1

    À hauteur d'enfant, c'est vrai, vous êtes malveillé. Oui, je me souviens des... Des sexes sursuites des parents de ma mère et de sa compagne dans les années 70, c'est quelque chose qui m'a marquée et qui ne me plaît pas spécialement. Je n'aime pas les gens qui se baladent tout nus. Moi, ça me fait rougir quand je me croise devant un tiroir. Je n'aime pas ça et je n'écrirai jamais. C'est une scène de sexe. De sexe, je n'écrirai jamais. De toute façon, ça me fait rigoler. Ça me gêne, quoi.

  • Speaker #0

    C'est difficile, en tout cas, de les réutiliser. Maintenant,

  • Speaker #1

    il paraît que c'est très difficile.

  • Speaker #0

    Très difficile. Vous n'avez pas non plus basculé dans l'addiction ? Je ne crois pas. Bon, un peu de pétard, des clopes, des antidépresseurs.

  • Speaker #1

    J'étais jeune, oui, un petit peu, mais pas évidemment rien qui s'injecte. Je ne leur ai pas dû dire cette phrase.

  • Speaker #0

    Ni coke, ni héroïque, ni en pétamine. En pétamine, oui.

  • Speaker #1

    Beaucoup, quand j'étais très jeune. Parce qu'on ne savait pas vraiment que c'était des amphétamines. Je les prenais comme... J'avais piqué celle de mon père, il en prenait beaucoup pour travailler. Sauf que lui a su s'arrêter à temps. Et puis moi, j'en prenais un, deux, trois, dix. Et puis ça ne me faisait rien. J'attendais, j'attendais et puis rien. Et puis heureusement, c'est interdit à la vente. Non ? Enfin, il y a la ritaline, il paraît. Mais c'est... Enfin bref, j'ai vieilli, je ne prends plus de... Non,

  • Speaker #0

    il faut faire attention en plus. parce que François Nourricier par exemple il prenait beaucoup de Je crois, le Cap-Tagon, qui est la drogue des djihadistes, il a eu la maladie de Parkinson. Donc ça donne quand même, oui, sans doute à cause de ça. Donc ne faites pas ça chez vous. Et alors j'ai pensé, c'est marrant, j'ai pensé à ça, personne ne vous l'a dit, votre enfance, c'est absolument fabuleuse. Vous connaissez la série ? Oui,

  • Speaker #1

    mais non, n'importe quoi !

  • Speaker #0

    Je vous dis, la série, il y a Patsy et Edina, qui sont deux femmes, deux copines, qui vivent ensemble et qui élèvent une fille qui s'appelle Saffron. Et Saffron, c'est vous ! C'est-à-dire qu'elle veut être le contraire. Elles, c'est des fêtardes, elles sont droguées, elles sont alcooliques, et la fille est hyper sérieuse, raisonnable, et au petit-déjeuner, elle veut... pour qu'elle veut manger ses céréales et pas qu'on lui raconte des histoires.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je me souviens de la fille de Patsy et Machinette. Patsy et Edina. Mais en revanche, Patsy et Edina ne sont pas du tout ma mère et Violaine parce qu'elles sont immondes. Alors que ma mère, parlons peu, parlons bien, ça n'a rien à voir.

  • Speaker #0

    C'était des canons.

  • Speaker #1

    C'était des canons, oui. Non, mais ça, ce n'est pas la seule chose. C'est pas ça. Elles étaient romanesques, elles étaient plus du côté de... Je ne sais pas moi, de Georges Bataille que de Prada. C'est Prada ? Ouais.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, elles sont un peu obsédées par la mode disons. D'accord. Surtout l'une des deux, mais j'ai oublié laquelle. Je vais lire votre dédicace parce que votre dédicace me fait beaucoup rire pour Frédéric. Tu les as tous lus et tu vas trouver que je radote encore le même roman, mais comme, je n'arrive pas à lire, comme je crois. que tu les aimes bien, je t'embrasse. Vous trouvez que vous radotez ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai peur que les gens pensent que je radote alors que c'est pas du tout le même livre. Ça n'a rien à voir, mais j'ai peur que les gens se disent... Enfin, j'ai peur. Je me suis dit que les gens vont se dire « Oh là là, elle nous emmerde avec sa mère » . Mais non, je ne radote pas parce que je vais toujours un peu plus...

  • Speaker #0

    Oui, oui, différemment.

  • Speaker #1

    Différemment, etc. Non, je ne pense pas ça, mais j'anticipe toujours que les gens vont détester ce que je fais. C'est vrai, c'est comme ça. Non,

  • Speaker #0

    parce que ça marche plutôt bien. Celui-là,

  • Speaker #1

    oui. Celui-là, oui.

  • Speaker #0

    Et en plus, le fait de radoter, c'est une qualité. Chez un écrivain, Patrick Modiano, écrit toujours le même livre, sur le même univers, avec le même charme. Marguerite Duras radotait sur son amant de la Chine du Nord, qui d'ailleurs était un pédophile, au passage, parce qu'il avait 30 ans et elle 14 ou 15. Bref, le radotage est une qualité, n'ayez pas peur de radoter. C'est aussi un livre sur le fait d'être mère à son tour. Ça, vous en parlez beaucoup. Comment faire pour être mère ? Est-ce que vous êtes sûr d'être moins folle que la vôtre ? Non, je suis sûre d'être aussi folle que la mienne en miroir, en miroir inversé. Mais mes enfants ont tout compris, contrairement à moi qui n'étais pas une enfant très gaie. Mes enfants le sont très gaie. Peut-être que c'est contrebalancé par le fait que, justement, vous en parliez tout à l'heure, je ne prends pas de drogue, etc. Mais sinon, non, je ne suis pas du tout une mère sécurisante. que même si c'est ça que je voudrais leur leur donner à une impression de sécurité un socle des horaires stricts et c'est un jeu je suis finalement ça je pense que ça les angoisse terriblement m et puis en plus mais il s'est fait le rassurer moi ils vont pas dans les mêmes directions que votre mère ils sont sages ils sont ils sont formidables à merveilleux pour combiner mais je suis rassuré e j'ai

  • Speaker #1

    eu dans cette émission un jeu la devine des citations elle n'a pas pour les jeux Je sais. Vous n'avez ni les surprises, ni les jeux, ni rien d'ailleurs. Mais je vous lis des phrases tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit cette phrase. C'est un exercice de mémoire. Alors vas-y, super. Il y avait tant de monde qu'on ne connaissait pas à notre mariage. On est parti avant la fin.

  • Speaker #0

    Ça, c'est rien de grave.

  • Speaker #1

    2004.

  • Speaker #0

    2004.

  • Speaker #1

    Et je sais parce que j'y étais moi à ce mariage. C'était chez Castel. Il y avait une grande fête. Les deux mariés, c'était ceux que personne ne connaissait.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    C'est très étrange quand même. C'est une situation étrange. Est-ce que vous ne pensez pas, avec le recul, que tout simplement, vous êtes mariés trop jeunes ? Et que le premier mariage, c'est absolu, mais finalement, vous étiez trop jeunes.

  • Speaker #0

    Trop jeunes, puis surtout, c'était un connard.

  • Speaker #1

    Ah non ! Voilà,

  • Speaker #0

    je le suis.

  • Speaker #1

    Je refuse d'entendre ça. Je l'ai reçu ici, il était très bien. Autre phrase de vous. Elle le croit vraiment que je suis sa mère. Elle ne sait pas que je suis cinglée, mauvaise, une catastrophe ambulante, un bloc de culpabilité, une punition.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est dans Mauvaise Fille, parce que c'est vrai que c'est très étrange d'avoir un enfant quand on a déjà du mal à s'occuper de soi. Et ça me faisait très très peur quand ma fille est née, d'être tout pour elle. C'est un affreux sentiment, je me suis dit mais je ne peux pas être tout pour elle, il faut. Heureusement d'ailleurs il y a un papa, il y a le grand-père, etc. Mais... Cet amour inconditionnel qu'elle me portait, je le voyais bien dès le départ, me terrifiait. Et qu'elle croit que j'étais sa mère, ça me terrifiait. Ça va mieux.

  • Speaker #1

    Et est-ce que la maternité vous a fait voir autrement votre enfance à vous ? Tout d'un coup, vous vous êtes rendu compte que vraiment c'était anormal ce que vous aviez vécu ?

  • Speaker #0

    Je me suis rendu compte que je n'avais jamais joué, par exemple. Quand mes enfants me disaient « viens, on joue maman, on joue » , je ne savais pas trop comment faire. Et je n'aimais pas tellement ça d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Donc ça, je n'ai jamais joué.

  • Speaker #1

    Tu avais joué au Uno ?

  • Speaker #0

    Oui, ça, j'ai beaucoup joué. En fait, je suis devenue enfant assez tard. J'ai commencé à boire en même temps que ma fille, donc assez récemment. Et ça m'a beaucoup libérée. J'ai une vie assez légère maintenant. Je ne dis pas que c'est grâce à l'alcool, mais que c'est plutôt grâce à la vieillesse et au fait que ça y est, le pli est pris. Les enfants de la bonne humeur et de l'obstination. et de l'envie d'être heureux.

  • Speaker #1

    Quand même, vous dites plusieurs fois dans celui-là que vous avez peur qu'ils grandissent. Est-ce qu'ils vont s'en aller ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas peur, c'est que je suis d'un égoïsme monstrueux et que je voudrais bien les garder dans des petites cages pour moi parce qu'ils m'ont fait du bien. C'est affreux de dire ça, mais ils m'ont fait du bien et j'ai peur comme toutes les mères du jour où ils vont partir et ne plus avoir besoin de moi. Et en même temps, je l'anticipe et en même temps, j'en rêve.

  • Speaker #1

    Et vous n'avez pas peur du moment où l'un d'eux va écrire un livre sur vous ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que vraiment, ce n'est pas du tout leur truc. Ils vont peut-être faire des films pour moi. Que ce sera peut-être comme ma mère. J'accepterai du bout des lèvres de commenter. Et puis, je serai très flattée finalement. Et puis,

  • Speaker #1

    voilà. C'est une question que je voulais vous poser d'ailleurs. Comment elle avait réagi ? Parce qu'elle était toujours vivante au moment du rendez-vous en 1995. Ce qui était peut-être le plus dur de vos livres sur elle.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Vous étiez dans un café à la Sorbonne. Vous attendiez votre mère pendant tout le livre. Elle ne venait pas. Comment elle avait réagi ?

  • Speaker #0

    Elle avait réagi, elle m'avait donné des conseils grammaticaux,

  • Speaker #1

    des petites complications,

  • Speaker #0

    des fautes d'orthographe, parce qu'elle était comme ça en même temps aussi. Mais j'ai pris ça pour une autorisation d'écrire sur elle. Et puis après, je ne sais pas si... Je ne sais pas, je pense qu'elle aurait été contente. Elle aurait été fière. Elle a vu que... Elle a lu que le rendez-vous, mais je pense qu'elle aurait été contente.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous.

  • Speaker #0

    Allez.

  • Speaker #1

    Je suis une épouvante quand je pleure. Des vaisseaux qui éclatent dans le blanc des yeux. Le nez en chou-fleur. Des lentilles qui tombent, des hoquets, des suées, des plaques rouges sur les joues, un désastre, une flaque.

  • Speaker #0

    Ça c'est peut-être la gaieté alors. Oui, 2015,

  • Speaker #1

    vous avez tout bon depuis le début du jeu. J'ai lu cette phrase pour montrer, bien sûr l'autodérision, c'est une qualité, parce qu'il y a beaucoup d'auteurs qui se peignent, qui se mettent en valeur. Là, non. Mais surtout une écriture très fluide, avec beaucoup de virgules. Ça c'est très moderne, comme un torrent. Oui, quand on parle,

  • Speaker #0

    quoi. Après, c'est très retravaillé, mais j'aime bien écrire, donner l'illusion qu'on parle. Et puis, parfois, ça réussit, parfois pas. Là, je ne la trouve pas très bonne, cette phrase, par exemple. Si, moi,

  • Speaker #1

    je te souhaitais bien de terminer par un désastre, une plaque.

  • Speaker #0

    Une plaque, oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Ça, ça m'amuse beaucoup.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est écrit dans des carnets ? Vous prenez des notes dans des cahiers ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris sur mon téléphone, maintenant, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Non, pas tout le monde.

  • Speaker #0

    Non, vous avez incarné, vous ? Oui, je suis à l'ancienne. D'accord, d'accord. D'Age. Oui, oui. Non, moi, j'écris sur mon téléphone. Et puis après, voilà quoi.

  • Speaker #1

    Et vous arrivez après à construire, à coller un peu. Voilà, OK, d'accord. Encore de vous, je n'ai pas pu être une enfant et je ne sais pas être une adulte.

  • Speaker #0

    C'est quoi, être une adulte ?

  • Speaker #1

    C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier.

  • Speaker #1

    C'est dans Une drôle de peine, oui.

  • Speaker #0

    Vous voulez que je commente ou c'est juste pour ça ? Non,

  • Speaker #1

    je vois beaucoup de vos commentaires.

  • Speaker #0

    Bon, je ne sais pas, est-ce qu'une adulte... Vous voyez, je n'arrive même pas à vous regarder dans les yeux plus de deux secondes. Il y a un truc comme ça de... C'est vrai ? Peut-être, elles sont très grandes. Oui, c'est quoi être une adulte ? En tout cas, c'est être très responsable. Je ne sais pas tellement mon truc et j'ai abandonné du coup. Ce n'est pas très grave.

  • Speaker #1

    Moi, je pense que vous avez été adulte à trois ans. C'est ça le problème.

  • Speaker #0

    Si être adulte, c'est... Perdre un peu de son innocence, oui. Si on dit que l'enfance, c'est l'innocence, c'est sûr que je n'ai pas été très longtemps adulte. Mais être adulte...

  • Speaker #1

    Vous dormiez sur le palier, rue Caffette, vous dormiez sur le palier, à côté des poubelles.

  • Speaker #0

    Quand elle ne répondait pas ou quand elle n'était pas là, oui. Mais ce n'est pas être adulte, ça. C'est être SDF. Oui,

  • Speaker #1

    c'est être SDF. Mais non, si on élargit le propos, euh... Certains, comme Michel Houellebecq par exemple, disent qu'il n'y a plus d'adultes. Depuis les années 60, il n'y a plus d'adultes du tout, nulle part. En fait, nous sommes tous soit des enfants attardés, soit des adolescents qui refusent de vieillir.

  • Speaker #0

    C'est peut-être toujours été comme ça. Mais ça c'est vrai qu'on refuse de vieillir. Moi je refuse de vieillir, je refuse de mourir, je refuse tout. Je refuse tout en bloc. Mais je refuse le temps qui passe. Ouais, moi aussi. Mais après, je ne suis pas très bonne en analyse sociologique, etc. Vous avez l'air... C'est votre domaine, j'ai l'impression. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout.

  • Speaker #0

    Mais j'aime beaucoup Houellebecq et en effet, peut-être qu'il n'est pas vraiment adulte non plus. Parce qu'on peut considérer qu'il fait des bêtises. Voilà, il fait des bêtises.

  • Speaker #1

    Oui, oui, mais chez vous, quand même, le succès de vos livres, c'est aussi le succès d'un tableau d'une époque, qui est les années 70. où les femmes ont voulu se libérer et où elles se sont en fait aperçues que oui, c'était très bien d'être une femme libérée, mais qu'il y avait des dommages collatéraux et qui étaient souvent les enfants.

  • Speaker #0

    Je suis la fille de mon époque. C'est vrai que je suis née des espoirs et des délires et de la folie de cette époque-là. Comme vous, comme tous les gens de cette génération-là, on est nés de ça.

  • Speaker #1

    Je suis beaucoup plus vieux que vous.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Bon, enfant du siècle, quoi.

  • Speaker #1

    Autre phrase, c'est plus facile d'être vieille que d'être enfant, on attend moins de vous.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai hâte. En fait, j'ai peur de vieillir parce qu'on avance d'une case et qu'on va vers la mort. Mais finalement, quand on est vieux, on n'est pas obligé d'aller faire du pilates après l'interview pour rester en forme. On n'en a plus rien à foutre de rien. On peut donner des coups de canne dans la rue aux gens pour qu'ils vous laissent la place. À mon avis, c'est une autre forme de jeunesse qui a l'air géniale.

  • Speaker #1

    Et puis je pense que vous allez mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années.

  • Speaker #0

    Ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    Je vous ai vu hier soir au prix de flore, très en forme. Vous avez même souri une fois à 22h45. Une dernière phrase, Justine Lévy, de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci ? Je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    Ah ça c'est Le Rendez-vous. Mais il n'est pas très bon Le Rendez-vous. Je suis contente de l'avoir écrit, mais c'est un peu une longue dissertation. J'avais 20 ans. Je l'avais écrit pour plein de raisons, pour ma mère, etc. Et puis je l'avais aussi écrit parce que je voulais arrêter mes études et que mon père, un bon père, m'avait dit « Écoute, tu fais ce que tu veux, mais tu n'auras pas un sou, tu te débrouilles. » Et comme je ne savais rien faire, c'est un peu... C'est un peu prétentieux de dire ça. Mais donc je me suis mise à écrire et j'étais très contente d'avoir terminé ce livre. Ah j'ai mangé une gomme, merde.

  • Speaker #1

    Non mais ça va.

  • Speaker #0

    J'étais très contente de l'avoir terminé, c'est la première fois que je terminais quelque chose. Et j'étais rudement contente et puis je l'ai relu quelques années après et c'est pas très bon. Mais ça m'a donné confiance.

  • Speaker #1

    Moi j'aime bien cette phrase, je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    C'est ainsi que je te retrouve. Ça c'est terrible.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai ? Puisque vous continuez de parler d'elle et que vous continuez d'attendre toujours qu'elle arrive dans ce café où vous l'attendez.

  • Speaker #0

    Puis elle est vraiment beaucoup plus présente qu'avant. Elle est vraiment là tout le temps. Je n'ai jamais autant parlé d'elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que parler de ses parents quand ils ne sont plus là, c'est un moyen de les rendre toujours vivants. Moi, j'ai perdu non que mon père. Non que votre papa. Le questionnaire de Bec BD, un grand moment que...

  • Speaker #0

    Je n'ai pas révisé.

  • Speaker #1

    J'espère que si. Non mais ce n'est pas grave, vous répondez naturellement, avec le plus de mauvaise foi possible. Alors pourquoi un jeune devrait-il lire une drôle de peine plutôt que scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Moi je pense qu'il a raison de scroller sur TikTok, c'est beaucoup plus marrant.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    Des gratouilles dans le dos de mes enfants.

  • Speaker #1

    Peut-être un jour, il y aura des robots pour ça, mais pour l'instant...

  • Speaker #0

    D'ailleurs, oui, c'est vrai, je me suis acheté un robot génial, un massage de... enfin, c'est tellement pas glamour de pied, et c'est pas mal, c'est pas mal.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en écrivant votre livre qu'il ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Il ne serve à rien, les livres, ça ne sert à rien.

  • Speaker #1

    Si, ça peut émouvoir.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas le but, non, ça peut servir à soi-même, à apprendre des choses sur soi, balali, balala, et pour les... peut-être à se sentir compris, mais c'est rien ça.

  • Speaker #1

    Justine Lévy dit balali, balala.

  • Speaker #0

    On dit quoi ?

  • Speaker #1

    Vous êtes la seule au monde à dire ça. On dit patati, patata. Ah oui, patati, patata. Patati, patata. Oui, patati, patata. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense que c'est la plus grande des qualités gentilles en général dans la vie, parce que la gentillesse est généreuse, elle est belle, elle est émouvante, elle est intelligente. Il n'y a pas le méchant et toujours saut, quoi. Donc, mais en littérature, c'est une exception. Parce que sinon, c'est pas...

  • Speaker #1

    C'est chiant.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la folie ou la pauvreté ? Bon, la pauvreté dans votre cas...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous en savez ?

  • Speaker #1

    Non, j'en sais rien.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui me plaît le plus ? C'est n'importe quoi cette question.

  • Speaker #1

    Vous, par exemple, vous avez des enfants, vous avez une famille et tout, et quand vous écrivez, vous avez le droit d'être un peu seul, de vous idoler un peu dans tous les points.

  • Speaker #0

    Je le prends, et j'aime bien maintenant qu'ils sont quasiment adultes, ils ont 47 ans et...

  • Speaker #1

    Non, ils sont combien, 17 ?

  • Speaker #0

    20 ans et 16 ans. Et j'aime bien parce qu'ils me laissent partir avec soulagement, et je vais dans des hôtels avec mon ami Vanessa Schneider, on part toutes les deux et on va à Nice et on écrit, et le soir on se retrouve de plus en plus tôt pour boire un verre. Et ça, j'aime bien être écrivain dans ces cas-là. Comme ça, cette formule-là me plaît.

  • Speaker #1

    Ah oui, donc...

  • Speaker #0

    Avec une copine, dans un hôtel.

  • Speaker #1

    Ça rejoint la question suivante. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Donc quand vous buvez des coups avec une éteinte...

  • Speaker #0

    Après une bonne journée de travail. Non, mais j'ai vraiment commencé à boire à 45 ans.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ? Une perte de temps ?

  • Speaker #0

    En ce qui me concerne, c'est formidable. Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Est-ce que vous fantasmez sur Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ? Par exemple, il n'aurait pas vécu ce moment inouï.

  • Speaker #0

    Oui, mais ça va mieux maintenant. Il faut se chauffer un peu. Et c'est vrai que ça aurait été dommage.

  • Speaker #1

    Non, mais en général, vous n'aimez pas tellement ça.

  • Speaker #0

    Je n'aime pas ça, en vrai. Ah, c'est bon. Mais arrête.

  • Speaker #1

    J'adore mes sons, adorez ça, par exemple. Il y a des gens qui adorent ça.

  • Speaker #0

    On choisit chaque virgule, chaque... tout est un peu comme de l'acupuncture et tout et on vient redire en moins bien ce qu'on a passé des mois à écrire correctement et ça n'a aucun intérêt en fait ce qui est affreux c'est de paraphraser et on le fait quand même un roman doit-il réparer le monde ? c'est prétentieux un peu quand même les miens en tout cas non ils répareraient je ne suis pas très bonne vendeuse

  • Speaker #1

    Non, mais pas du tout.

  • Speaker #0

    Non, il ne répare rien.

  • Speaker #1

    Les gens qui achètent des livres en espérant être réparés, il faut qu'ils achètent des livres de développement personnel.

  • Speaker #0

    Puis qu'ils prennent un peu de Prozac et tout ça.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le chef-d'œuvre que j'ai lu qui m'a le plus...

  • Speaker #1

    Votre chef-d'œuvre à vous, de vous.

  • Speaker #0

    Mon chef-d'œuvre à moi, de moi ? Je ne sais pas. Non, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Et êtes-vous une ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    Je déteste les gens qui disent les ouin-ouin, les ouin-ouin. Je croyais que c'était des faux gens. Moi, je croyais que c'était des... Comment on appelle ça ? Des bottes ?

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Personne n'est ouin-ouin.

  • Speaker #0

    Peut-être.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oh là là, vos formules. Il n'y a pas de but à la littérature. Ça sert à mettre de l'ordre dans le désordre. Ça, c'est vrai. Et puis, sans se faire prendre, si, on se fait prendre. Parce qu'il n'y a pas une vérité. Donc, bien sûr qu'on se fait prendre. Et c'est le jeu. Et c'est gay aussi. Moi, j'aime bien me faire reprendre. J'aime bien me faire reprendre.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    J'hésite entre Houellebecq et Carrère. Je les aime tous les deux.

  • Speaker #1

    Vous allez vous faire engueuler par votre père à la maison. Enfin, c'est votre réponse. Si vous étiez très riche, cesseriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. La phrase de vous dont vous êtes le plus fière, la plus fière ?

  • Speaker #0

    Je suis ce que maman a fait de mieux. Et pourtant, c'est dans mon premier roman que je n'aime pas tellement. Mais cette phrase-là, je suis contente. C'est là que je me suis dit, oh là là, bon allez, j'y vais.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, c'est bien. La question Faranée de 451, imaginez un monde où les livres sont interdits et brûlés, lequel apprendriez-vous par cœur pour le retenir ?

  • Speaker #0

    Je lirai pour la première fois la Bible et puis je l'apprendrai par cœur. Je crois que c'est un magnifique roman d'aventure, mais il paraît, je ne l'ai pas lu moi.

  • Speaker #1

    C'est du boulot quand même d'apprendre par cœur la Bible.

  • Speaker #0

    Oui, mais du coup ça retarde le...

  • Speaker #1

    Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Le mien, rien de grave, ça m'a sauvé la vie.

  • Speaker #1

    Vous étiez au bord du suicide ?

  • Speaker #0

    Non, pas du suicide, mais j'étais au bord, c'est pas une vie, une vie dans laquelle on est malheureux, on est complètement dépossédé de soi et on n'est pas soi et c'est pas une vie. Donc ça m'a sauvé de cette vie-là qui n'est pas une vie, de la non-vie, ça m'a sauvé de la non-vie, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Présentement ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je dirais 8 ans tel que je les fantasme.

  • Speaker #1

    Et enfin, y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ?

  • Speaker #0

    Peut-être La Gaîté, justement, parce que là, pour le coup, je parlais de dommages collatéraux. Peut-être que j'ai écrit des choses que je regrette un petit peu d'avoir, de ne pas avoir coupé au montage, comme on dit quand on est François Truffaut, ce qui est pas mon gars.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien La Gaîté. Moi,

  • Speaker #0

    je sais, vous l'aviez écrit, mais il m'avait fait rudement plaisir.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Justine Lévy, d'être venue, vous voyez, finalement, parler tranquille. Justine avait très peur. Je ne vois pas de raison d'avoir peur ici, franchement. Vous voyez que je relance la mode de la pochette dans la veste. Alors, n'hésitez pas à donner votre avis. Est-ce qu'il faut avoir une pochette ou pas ? Et est-ce qu'elle doit être coordonnée avec la cravate ? Voilà, ici, on aborde les vrais sujets. Bonsoir. C'est bon.

Description

Je remercie Justine Lévy pour sa douceur angoissée et sa franchise timide. Elle a écrit un livre sans la moindre rancune : "Une drôle de peine" (Stock). Elle aurait pu en vouloir à sa mère de ne pas l'avoir élevée "normalement". Au contraire, elle décrit une époque bizarre et une enfance originale avec un léger fatalisme qui est une belle preuve d'élégance.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir amis de la littérature de luxe. Ce soir je reçois un écrivain que j'apprécie particulièrement, Justine Lévy. Bonsoir. Vous publiez Une drôle de peine, chez Stock, et on retrouve dans ce livre, comme dans les six autres, votre style doux, amer, votre façon humoristique de raconter des choses très tristes, et... Alors j'aimerais savoir pourquoi c'est déjà le troisième livre sur votre mère.

  • Speaker #1

    C'est pas le troisième ?

  • Speaker #0

    Mais si.

  • Speaker #1

    Non, Le Rendez-vous, Rien de grave, c'était aussi sur ma mère, même si c'était pas le sujet principal. C'était aussi sur ma mère. Après, Il y a eu Mauvaise fille, sur ma mère, ça fait trois. La Gaîté, sur ma mère, ça fait quatre. C'est vraiment... Après, un petit livre que j'ai adoré, qui est mon livre préféré, c'est Flammarion, qui était des légendes de photos. On avait retrouvé des photos de mal, il fallait les légender. Ça parlait des mères. Après, Antonin Artaud. Ça parlait de la mère. Voilà, la mère d'Artaud. Et puis, là.

  • Speaker #0

    Donc, ça fait sept livres sur votre mère. Vous avez raison, pardon, d'avoir un petit peu sous-estimé votre œuvre. Mais alors, zéro livre sur votre père. Pourtant, c'est un bon sujet aussi, ce type en chemise blanche qui sauve le monde.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas un bon sujet, parce qu'il a un très bon père. Je n'ai rien à lui reprocher. Pas en colère contre lui, je l'aime.

  • Speaker #0

    Il faut de la colère pour écrire ?

  • Speaker #1

    Oui, il faut de la colère, il faut un peu de rancœur, il faut même un tout petit peu peut-être de mauvais espoir, il faut des mauvais sentiments, ça c'est sûr. J'en ai pas tant que ça d'ailleurs, en fait, mais j'en ai pas du tout à l'égard de mon père, donc sauf ça, ça n'intéresserait personne.

  • Speaker #0

    Ou alors vous attendez qu'il meure comme moi j'ai fait avec le mien, et là vous serez plus libre de dire toute la vérité.

  • Speaker #1

    Là je vais quitter le restaurant. Parce que je vais pleurer.

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai lu tous les livres de la rentrée sur les mers et le vôtre est le plus trash. Ça, ça me fait plaisir. Ça vous fait plaisir ? Oui, ça me fait plaisir. Parce que j'ai regardé aussi les émissions où vous étiez invité et je vous trouve très élogieuse avec Isabelle d'Outre-Ligne. Vous êtes extrêmement aimable avec elle. Mais sans doute êtes-vous plus aimable à l'oral qu'à l'écrit. C'est quelque chose qui est un phénomène fréquent. Quand on écrit, on est peut-être plus sévère. que quand on parle.

  • Speaker #1

    Non mais je ne suis pas sévère, je suis pas sévère, j'ai raconté les choses. Donc j'ai raconté si c'était à hauteur d'enfant, j'ai raconté l'appartement sans porte parce qu'il fallait que tout circule, les corps, les envies, les drogues, etc. J'ai raconté sans me cacher, sans par avant, mais je ne suis pas sévère. Non, non, je ne suis pas sévère, j'ai raconté les choses telles qu'elles... Je ne sais pas si c'est telles qu'elles étaient, mais telles que je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    c'est ma vérité.

  • Speaker #0

    Il y avait un appartement très sale. Vous dites beaucoup qu'il était sale, cet appartement. Maintenant, vous êtes obsédée par la propreté, du coup.

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, mais pas tellement obsédée par la propreté. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Non, je ne suis pas tellement hygiéniste. C'est vrai que c'est un courant, l'hygiénisme. Ce n'est pas tellement mon truc, non.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous décrivez un endroit qui était orange, avec des seringues qui traînent.

  • Speaker #1

    Ça, ce n'est pas sale. ça c'était C'était ma vie, oui, quand j'étais petite et je trouvais ça... Je ne sais pas si je trouvais ça normal ou pas, mais c'était la normalité. Je pense que j'avais conscience qu'il y avait quelque chose qui était un peu bizarre. Mais oui, j'avais confiance. J'avais confiance parce qu'à l'école, je me rendais bien compte qu'à l'école, ce n'était pas tout à fait pareil. Ma mère m'accompagnait parfois avec sa maîtresse... Violaine. Violaine, oui, je cherchais le nom que je lui ai donné dans le roman. Et je me souviens du regard de la directrice quand on était en retard, quand je m'étais habillée moi-même, sur la dégaine que j'avais, je me souviens de choses comme ça, des petits indices.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est vrai que quand on écrit des choses intimes, les journalistes vous posent des questions embarrassantes. C'est comme ça. Donc, je suis désolé, je vais insister. Est-ce que ça vous embête de lire un extrait ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Vous êtes... Alors, ce n'est pas sévère, mais vous faites un constat. sur ce que c'était que cette enfance. Parce que c'est pas une enfance banale. J'ai encerclé.

  • Speaker #1

    Ouais, je vois. Je sais pas qui a dit que l'enfance est un pays dont on aura toujours la nostalgie et blablabla, c'est n'importe quoi. Y'a pas d'enfance perdue, manquée et retrouvée. Y'a pas d'enfance du tout. Y'a des petites personnes, pas terminées, limitées, négligeables et négligées. Des trucs dans lesquelles on se prend les pieds, qu'on oublie, qu'on éduque pas. Elles vont bien d'une manière ou d'une autre devenir ce qu'elles sont. Elle va pousser toute seule, Justine, comme ces poulains tremblotant sur leurs pattes à peine nées mais déjà debout, déjà presque autonomes et qui n'emmerdent pas les chevaux adultes. Oui, à la fin des années 70, elles l'ont bien compris, maman, Viollaine et leurs copines, après tous ces siècles de temps perdus, gâchés et volés aux femmes qui ont autre chose à faire que de pondre et d'élever leurs marmots, l'éducation est un concept ringard. C'est pas sévère ça.

  • Speaker #0

    Mais c'est un constat sociologique. Il y a eu beaucoup de parents, comme on peut dire, déficients, absents, toxiques, dans les années 70.

  • Speaker #1

    C'est pas toxique. C'est plutôt défaillant, des parents pas très faits pour être parents, ou des parents qui se sont trompés un peu. Enfin, dans l'éducation, obéissaient à des règles bizarres, et puis qui changeaient tout le temps, et qui étaient renouvelées en permanence, et ça donnait un peu le tournis.

  • Speaker #0

    Mais vous trouviez ça rigolo ou pénible à l'époque, quand vous aviez 5 ans ?

  • Speaker #1

    Évidemment pas du tout rigolo. Je n'ai pas tellement de photos, moi, rigolant d'ailleurs. J'en ai cherché pour un jour des magazines, ils m'ont demandé des photos de moi enfant. J'ai plutôt l'air assez contrarié. Enfin peut-être parce que je n'aime pas être prise en photo aussi déjà. Non, ce n'est pas un constat sociologique, mais on est un peu de la même génération.

  • Speaker #0

    Oui, mais moi, les appartements n'étaient pas sales. J'avais moins de seringues par terre, mais oui, j'ai vécu des choses que peut-être les enfants ne doivent pas vivre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'ils doivent vivre le contraire ? Est-ce qu'ils doivent vivre un truc aseptisé, avec des parents sur leur dos en permanence, avec des corsetés de règles ? Je ne sais pas non plus.

  • Speaker #0

    Ça c'est intéressant, parce que là vous êtes en train de parler de vous tout d'un coup. Vous dites que vous faites le contraire de votre mère, que vous êtes presque étouffante avec vos enfants, très attentive, peut-être trop. Comme le sont beaucoup les parents aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, donc ça peut-être que c'est sociologique aussi. Après, je n'ai pas tellement de hauteur. C'est vrai que je suis assez sur mon nombril quand même. Mais peut-être que ça correspond à ce que les gens ont vécu aussi. Mais non, je sais qu'essayer d'être une trop bonne mère, c'est rater aussi. C'est être une très mauvaise mère aussi dans l'autre sens. Donc, ce n'est pas une bonne idée tout le temps de se regarder être une mère ou un père. C'est marrant.

  • Speaker #0

    Je continue à vous embarrasser en citant votre livre. Vous dites que quand même la vie de votre mère fut un désastre bref. Elle est morte à 54 ans d'un cancer. Et bon, elle était toxico, bisexuelle. Ça, c'est pas désastreux ça. Non.

  • Speaker #1

    Toxico et bisexuelle, c'est pas désastreux.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas des qualités non plus. Mais c'est pas ça qui fait qu'une vie est brève. et minuscule ou glorieuse. Ce qui fait qu'elle est brève et minuscule et glorieuse à la fois, c'est quand on la rate. Moi, je savais qu'elle allait dans des impasses. Je savais que... Quand elle prenait un chemin plus glorieux, je savais que quelque chose en elle allait faire qu'elle allait se perdre et entraîner les gens avec elle. Oui.

  • Speaker #0

    À propos d'entraîner les gens avec elle, un soir, vous gobez des pilules qui traînent. Vous avez quasiment failli mourir, elles vous ont récupéré dans votre vomi, enfin c'est spectaculaire.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous lisez comme ça, c'est trash. Mais oui c'est trash ! C'est pas comme ça que je le raconte, je trouve que c'est pas comme ça que je le raconte. Puis c'est pas elle qui me les a mis, contrairement à sa mère, elle avait une mère vraiment pour le coup toxique, ma mère dont je parle dans le livre, qui l'a initiée à la drogue par le biais des médicaments qu'on donnait dans les années, c'est les années quoi ?

  • Speaker #0

    60 je crois ? 40 !

  • Speaker #1

    Ben non, pas elle.

  • Speaker #0

    Elle est née en quelle année ?

  • Speaker #1

    Elle est née en 50, donc dans les années 60.

  • Speaker #0

    Oui, 60, oui.

  • Speaker #1

    Ah, je suis nulle en...

  • Speaker #0

    Non, non, mais ce n'est pas grave. Oui, oui, c'est les années 60, 5. Oui,

  • Speaker #1

    donc ma mère ne m'a pas donné ces médicaments.

  • Speaker #0

    Volontairement, mais...

  • Speaker #1

    Volontairement du tout. Ils étaient là dans le panier près du lit, comme moi j'ai des médicaments dans mon panier près du lit et mes enfants ne se servent pas. Donc, voilà, il y a un terrain...

  • Speaker #0

    Il y a aussi cette scène quand même... Alors, pardon, je vous rappelle vos souvenirs. C'est dans le livre. où elle vous oublie Gare du Nord et après quelques heures, elle revient, Violaine et votre mère, complètement bourrées, pour vous chercher, tout d'un coup, et se souviennent que vous existez.

  • Speaker #1

    Oui, il y a aussi des moments heureux, que je raconte aussi. En fait, elle est devenue une très bonne mère, ma mère, quand elle est tombée malade.

  • Speaker #0

    Il y avait aussi d'autres moments.

  • Speaker #1

    Après, il y a eu des bons moments. Oui, à la fin,

  • Speaker #0

    quand elle était malade, parce que là, vous vous êtes rapprochés, vous vous occupiez d'elle.

  • Speaker #1

    Non, elle s'occupait de moi aussi beaucoup. Quand j'ai été charnobilisée par un chagrin d'amour dans les années, je ne sais plus combien, il y a une bonne vingtaine d'années, elle était là, elle me faisait à manger, elle m'épluchait des légumes, elle voulait me soigner avec des omégas, je ne sais quoi, dans le poisson. Et tout à coup, elle a été une très bonne mère. Et un peu tard, mais...

  • Speaker #0

    Vous dites que c'était un mannequin révolutionnaire. C'est une sorte d'oxymoron.

  • Speaker #1

    Non, je n'ai pas dit ça.

  • Speaker #0

    C'est quoi mannequin révolutionnaire ? C'est qu'elle était à la fois très belle et elle travaillait dans ce métier. Et en même temps, c'était tout le temps un militantisme pour la révolution, changer le monde.

  • Speaker #1

    Elle aurait pu être un grand mannequin. Elle n'était pas un grand mannequin. Non, d'ailleurs, elle n'était pas un bon mannequin. Elle était mannequin. Mais elle n'en tirait aucune gloire. Elle savait très bien qu'il n'y avait absolument rien, qu'il n'y avait pas de quoi se vanter, que c'était quand même être un objet de désir, etc. Donc à la fois, elle se révoltait contre ce statut et en même temps, elle l'acceptait. Elle était pleine d'ambivalence, comme toujours, et comme tout ce qu'elle faisait. Mais en tout cas, elle n'en tirait aucune fierté. Et puis de temps en temps, elle se barrait des studios photos parce qu'elle décidait que le type l'avait regardé bizarrement ou que les... Les vêtements ne lui semblaient pas beaux, ou que je ne sais quoi, ou que c'était trop bourgeois, ou que la coiffure... Elle n'a pas été un grand mannequin pour ça, elle n'avait pas cette docilité-là.

  • Speaker #0

    Je vous définis un peu comme la Sagan des familles recomposées, c'est-à-dire que Sagan écrivait beaucoup sur des bourgeois qui tombaient amoureux, qui se trompaient. Vous, c'est plutôt sur des bourgeois qui se quittent, qui divorcent. Il y a à la fois le divorce de vos parents, mais aussi le vôtre, qui était dans rien de grave en 2004. Est-ce que vous aimez ce charme tragique de Sagan ?

  • Speaker #1

    Moi j'adore Sagan. J'avais interviewé Sagan quand je croyais que je voulais être journaliste, quand j'étais très jeune. Et c'était affreux parce qu'on était quand même deux grandes timides, enfin pas de la même manière. Elle c'était aussi un peu par flemme je pense. Et puis donc il y avait de grands silences et puis quelques onomatopées. Et puis c'était désastreux. Mais j'aime beaucoup, beaucoup ce qu'elle écrit. J'aime parce qu'elle n'a pas de... Elle ne prend pas la posture de l'écrivain. Je déteste la posture de l'écrivain. Mais ça, j'aime bien. Et puis... Oui.

  • Speaker #0

    Et puis surtout, vous parlez d'un milieu favorisé, sans culpabilité ou avec de la culpabilité, mais en assumant quand même que ces personnages vivent dans le confort. Et ça ne les empêche pas d'avoir des problèmes graves. Mais c'est vrai, ça, ça me plaît. On est chez la Pérouse, alors. C'est vrai. C'est vrai.

  • Speaker #1

    Oui, je ne vais pas inventer. Enfin, je ne vais pas inventer si je suis romancière. Donc, c'est fou ce que je viens de dire. Mais je ne vais pas... Ce n'est pas mon genre d'inventer des fractures et des malheurs. Il suffit de se baisser. Il n'y a pas besoin de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et puis, vous n'inventez pas parce que vous parlez beaucoup de votre vie, de votre famille et de votre vie. C'est arrivé une fois que vous sortiez de cet exercice avec... Son fils en 2024 sur la mère d'Antonin Artaud votre seul roman non autobiographique est-ce que c'était plus difficile comme boulot ? Déjà il a fallu vous documenter Ah ouais,

  • Speaker #1

    non déjà je pouvais pas autant je peux me permettre de délirer un tout petit peu sur mes amis parce qu'ils sont gentils, autant sur Antonin Artaud je sais qu'il y a des exégètes qui sont vraiment, qui étaient prêts à me tirer dessus à tous les coins de rue déjà que, et le donc j'ai vraiment fait très attention ... Et puis, c'est le livre dont je suis le plus contente. C'est le livre dans lequel je parle le plus de ma mère, finalement, avec ses vérités, comme vous dites, justement. Ah, c'est bien. Donc,

  • Speaker #0

    il a fallu écrire sur quelqu'un d'autre. Oui, bon, comme tout. Pour être plus libre. C'est toujours comme ça. Mais oui, c'est le... Pardon de dire des banalités. Mais bon,

  • Speaker #1

    voilà, c'est un peu matos, mais c'est comme ça. Mais ça n'a pas marché du tout. J'étais vexée comme un pouls. Personne ne l'a lu. Bah si,

  • Speaker #0

    vous voyez.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Il y a quand même des lecteurs, ça travaille ici. Il y a eu aussi la gaieté. Alors la gaieté, c'était sur la maternité, l'espoir, la résilience, un peu ce mot affreux que tout le monde emploie en ce moment, mais en fait qui veut juste dire remonter la pente. Et c'était... Oui, ça aussi, c'est un livre assez étonnant, paradoxal de dire la gaieté sur une couverture de livre. Pour vous, c'est surprenant.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un livre que j'aime tellement. C'est un livre que j'ai un peu bâclé. C'est un livre que j'ai un peu écrit pour un peu rapidement peut-être. Et ce n'est pas le livre que je conseille. Là, par exemple, on va à Brive, enfin on va dans tous les salons littéraires. J'aime bien, comme tout le monde, c'est agréable de rencontrer les gens et qu'ils vous parlent de leurs histoires, etc. Mais je ne conseille pas la gaieté aux gens. Parfois même, je le cache. Bon, c'est des prescriptions. On demande un peu de quoi vous avez revu, malheureux, rire, etc. Rire, il n'y a pas tellement, mais quel genre de malheur vous voulez lire ? Et je cache la gaieté.

  • Speaker #0

    Bonjour, quel genre de malheur ? Je peux vous retenir le prince, la mère toxique, qu'est-ce que vous voulez ?

  • Speaker #1

    C'est pour votre fille, pour votre mère.

  • Speaker #0

    Quand est-ce que vous avez senti que vous aviez trouvé votre voix, V-O-I-X, un peu entre, mettons, Ernaud et Sagan, c'est-à-dire parler de soi, dire jeu, mais avec auto-ironie ?

  • Speaker #1

    là le dernier c'est vraiment que là ? oui le dernier c'est celui que ouais c'est celui dont je suis contente voilà je sais pas si j'ai trouvé ma voix

  • Speaker #0

    A voix,

  • Speaker #1

    mais ça prend... Après, je ne sais pas si je vais écrire d'autres livres non plus, mais bon, là, je suis contente. On verra bien.

  • Speaker #0

    Vous avez lu Dorothy Parker ? Non. Lisez Dorothy Parker, parce que c'est vraiment ça. C'est-à-dire qu'elle parle toujours de ses problèmes avec les hommes, avec la vie, avec l'alcool, et avec beaucoup, beaucoup d'humour. Ça va beaucoup vous plaire. Ce qui vous caractérise aussi, et qui vous fait trancher avec l'époque, c'est le refus de la victimisation. votre enfance vous auriez pu en faire quelque chose d'épouvantable or vous regardez avec une distance avec une tranquillité des événements très traumatisant voyez on vous voit jamais vous plaindre ah bon vous avez l'impression que vous vous lamentez en permanence ouais ah ah c'est vrai non c'est vrai bah tant mieux par exemple je donne un exemple vous dites j'étais un cheveu sur la soupe de quelqu'un d'autre Ça, c'est de l'élégance de dire ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu plaintif quand même. C'est un peu, je suis un petit grain de couscous. C'est un peu, voilà. Mais non, je ne sais pas. Il n'y a pas de grande vertu à se plaindre ou à ne pas se plaindre. Il n'y a pas de grande vertu dans la pudeur non plus. Tout ça, ça ne me concerne pas tellement. J'écris les choses comme elles sont. Je fais juste un tout petit peu gaffe aux dégâts collatéraux. Par pouvoir, c'est-à-dire les enfants. mon amoureux, les amis, les quelques amis qui me restent, etc. Je fais attention. Mais sinon...

  • Speaker #0

    Les autres en prennent pour leur grade. Oui,

  • Speaker #1

    enfin...

  • Speaker #0

    Non, non d'ailleurs. Mais je ne sais pas si c'est aussi par peur du ridicule, justement, parce que...

  • Speaker #1

    Je n'ai pas peur du ridicule, moi.

  • Speaker #0

    C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Oui. Pourquoi ? Vous allez demander quoi ?

  • Speaker #0

    Le côté problème de riche. Vous pourriez avoir peur de ça. Voilà.

  • Speaker #1

    J'ai des problèmes de riche, ça je sais. Non mais c'est le cas, c'est vrai. C'est un luxe absolu de faire des dépressions, d'aller dans des endroits pour se reposer, d'avoir le temps, d'avoir des problèmes, etc. C'est un luxe inouï, mais je n'ai pas besoin de m'étaler sur le fait que c'est un luxe inouï, ça va de soi.

  • Speaker #0

    Et puis on souffre quand même, on souffre quand même quand on est obligé de se rendre des annales. Oui,

  • Speaker #1

    on souffre un peu moins que quand en plus on se tue à la mine. Des enfants braves, bon. Des enfants affamés.

  • Speaker #0

    Voilà. Est-ce que, alors, puisqu'on y est, allons dans la question tabou. Est-ce qu'être la fille de BHL, ça a plus d'avantages ou d'inconvénients ?

  • Speaker #1

    D'avantages, je pense. Encore une fois, je ne sais pas bien, parce que je ne le connais pas bien, BHL. Vous me disiez tout à l'heure, la chemise blanche, c'est... J'en ai une aussi. Voilà. Plutôt des avantages, parce que... Parce que d'abord, il est un très bon père. Il a été une très bonne mère pour moi aussi. Il a toujours été là, même au bout du monde. C'est un socle. Donc, c'est plutôt merveilleux. C'est plutôt une chance. Un avantage, oui, parce qu'il est immensément cultivé. Parce que, bon, vous voyez...

  • Speaker #0

    Oui, mais parfois, par exemple, quand vous êtes sur des listes de prix et que vous ne l'obtenez pas, peut-être qu'on vous fait payer le fait d'être la fille de cet écrivain célèbre. C'est possible. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je ne crois pas trop à toutes ces histoires de magouilles. Les gens disent les prix. Il y a quand même souvent des très bons livres qui sont récompensés. Moi, j'étais très contente d'être dans la dernière liste du Renaudot. Et la plupart des gens qui étaient sur la dernière liste du Renaudot étaient mes camarades. Il y avait...

  • Speaker #0

    Il y avait trois femmes,

  • Speaker #1

    Anne Bérest,

  • Speaker #0

    Adélaïde de Clermont-Tonnerre, que j'ai reçues ici d'ailleurs, Adélaïde et vous-même, et c'était, je crois, très bon livre.

  • Speaker #1

    Après, est-ce qu'on me fait payer des trucs ? Oui, mais ça c'est la vie.

  • Speaker #0

    Vous avez vraiment été interviewer tous les proches de votre mère, c'est-à-dire son frère par exemple, dans sa clinique. Quand même, il y a eu des dégâts de ce côté-là de votre famille. Ah ben non,

  • Speaker #1

    mais c'est vrai que c'est une famille, comment on l'appelle ça ? Vous disiez résiliente. Dysfonctionnelle. Voilà, c'est une famille dysfonctionnelle, ce mot horrible aussi. C'est une famille comme toutes les familles, mais quand on commence à enquêter, on se dit, oh là là, il y a quand même des sacrés morceaux. Et je suis allée, comme c'est une enquête ce livre-là, je suis allée, je ne sais pas, interviewer. Je suis allée rencontrer mon oncle maternel, que j'avais vu deux fois dans ma vie, une fois à l'enterrement de ma mère, et puis un peu avant, quand ma mère avait décidé de le faire sortir de sa clinique pour lui acheter une doudoune. Et voilà, je suis allée le voir dans une maison de repos dans laquelle il vit depuis toujours. Et je pensais apprendre des choses sur ma mère. Je ne sais pas ce que j'ai appris, mais je n'ai rien appris. Mais j'y suis allée.

  • Speaker #0

    Ce qui est fou, c'est que d'ailleurs tous les gens avec lesquels vous avez pris contact en voulant en savoir plus sur votre mère n'avaient rien. Même Bernard-Henri Lévy vous dit, bon, va voir un tel, va voir un tel, il n'y a pas vraiment de réponse. Et cette ex-petite amie qui vit en Indonésie, qui s'appelle Violaine, aujourd'hui elle a 78 ans, elle carrément, elle vous traite de salope. C'est pas très sympathique.

  • Speaker #1

    Ça m'a pas donné tellement envie d'aller la rejoindre en Indonésie pour aller plus loin. Mais non, puis il y a toujours un moment où j'aurais pu savoir des choses, mais j'y vais, je passe mon temps. à me dire je vais résoudre, je vais comprendre, je vais savoir qui elle était. Et puis au dernier moment, je recule le trois cases. Et un peu comme c'est le cas avec Violaine, j'avais la possibilité d'aller la voir en Indonésie. Et j'ai tout fait pour qu'elle m'insulte et que ça ne se passe pas. En fait, je n'ai peut-être pas envie de savoir. Peut-être qu'il ne faut pas savoir les choses.

  • Speaker #0

    Si vous avez écrit sept livres, c'est que franchement, ça reste un mystère probablement. Oui. Alors il y en aura d'autres ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il y aura d'autres livres. Mais s'il y en a d'autres, ils seront toujours sur ma mère. C'est un gisement inépuisable.

  • Speaker #0

    Et puis alors, j'ai l'impression que ce qui vous gênait le plus dans cette enfance décalée, c'est la nudité. Et c'est vrai qu'à l'époque, les gens se baladaient beaucoup à poil, beaucoup de naturistes et tout, et ça, franchement, ça vous dégoûtait.

  • Speaker #1

    À hauteur d'enfant, c'est vrai, vous êtes malveillé. Oui, je me souviens des... Des sexes sursuites des parents de ma mère et de sa compagne dans les années 70, c'est quelque chose qui m'a marquée et qui ne me plaît pas spécialement. Je n'aime pas les gens qui se baladent tout nus. Moi, ça me fait rougir quand je me croise devant un tiroir. Je n'aime pas ça et je n'écrirai jamais. C'est une scène de sexe. De sexe, je n'écrirai jamais. De toute façon, ça me fait rigoler. Ça me gêne, quoi.

  • Speaker #0

    C'est difficile, en tout cas, de les réutiliser. Maintenant,

  • Speaker #1

    il paraît que c'est très difficile.

  • Speaker #0

    Très difficile. Vous n'avez pas non plus basculé dans l'addiction ? Je ne crois pas. Bon, un peu de pétard, des clopes, des antidépresseurs.

  • Speaker #1

    J'étais jeune, oui, un petit peu, mais pas évidemment rien qui s'injecte. Je ne leur ai pas dû dire cette phrase.

  • Speaker #0

    Ni coke, ni héroïque, ni en pétamine. En pétamine, oui.

  • Speaker #1

    Beaucoup, quand j'étais très jeune. Parce qu'on ne savait pas vraiment que c'était des amphétamines. Je les prenais comme... J'avais piqué celle de mon père, il en prenait beaucoup pour travailler. Sauf que lui a su s'arrêter à temps. Et puis moi, j'en prenais un, deux, trois, dix. Et puis ça ne me faisait rien. J'attendais, j'attendais et puis rien. Et puis heureusement, c'est interdit à la vente. Non ? Enfin, il y a la ritaline, il paraît. Mais c'est... Enfin bref, j'ai vieilli, je ne prends plus de... Non,

  • Speaker #0

    il faut faire attention en plus. parce que François Nourricier par exemple il prenait beaucoup de Je crois, le Cap-Tagon, qui est la drogue des djihadistes, il a eu la maladie de Parkinson. Donc ça donne quand même, oui, sans doute à cause de ça. Donc ne faites pas ça chez vous. Et alors j'ai pensé, c'est marrant, j'ai pensé à ça, personne ne vous l'a dit, votre enfance, c'est absolument fabuleuse. Vous connaissez la série ? Oui,

  • Speaker #1

    mais non, n'importe quoi !

  • Speaker #0

    Je vous dis, la série, il y a Patsy et Edina, qui sont deux femmes, deux copines, qui vivent ensemble et qui élèvent une fille qui s'appelle Saffron. Et Saffron, c'est vous ! C'est-à-dire qu'elle veut être le contraire. Elles, c'est des fêtardes, elles sont droguées, elles sont alcooliques, et la fille est hyper sérieuse, raisonnable, et au petit-déjeuner, elle veut... pour qu'elle veut manger ses céréales et pas qu'on lui raconte des histoires.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je me souviens de la fille de Patsy et Machinette. Patsy et Edina. Mais en revanche, Patsy et Edina ne sont pas du tout ma mère et Violaine parce qu'elles sont immondes. Alors que ma mère, parlons peu, parlons bien, ça n'a rien à voir.

  • Speaker #0

    C'était des canons.

  • Speaker #1

    C'était des canons, oui. Non, mais ça, ce n'est pas la seule chose. C'est pas ça. Elles étaient romanesques, elles étaient plus du côté de... Je ne sais pas moi, de Georges Bataille que de Prada. C'est Prada ? Ouais.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, elles sont un peu obsédées par la mode disons. D'accord. Surtout l'une des deux, mais j'ai oublié laquelle. Je vais lire votre dédicace parce que votre dédicace me fait beaucoup rire pour Frédéric. Tu les as tous lus et tu vas trouver que je radote encore le même roman, mais comme, je n'arrive pas à lire, comme je crois. que tu les aimes bien, je t'embrasse. Vous trouvez que vous radotez ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai peur que les gens pensent que je radote alors que c'est pas du tout le même livre. Ça n'a rien à voir, mais j'ai peur que les gens se disent... Enfin, j'ai peur. Je me suis dit que les gens vont se dire « Oh là là, elle nous emmerde avec sa mère » . Mais non, je ne radote pas parce que je vais toujours un peu plus...

  • Speaker #0

    Oui, oui, différemment.

  • Speaker #1

    Différemment, etc. Non, je ne pense pas ça, mais j'anticipe toujours que les gens vont détester ce que je fais. C'est vrai, c'est comme ça. Non,

  • Speaker #0

    parce que ça marche plutôt bien. Celui-là,

  • Speaker #1

    oui. Celui-là, oui.

  • Speaker #0

    Et en plus, le fait de radoter, c'est une qualité. Chez un écrivain, Patrick Modiano, écrit toujours le même livre, sur le même univers, avec le même charme. Marguerite Duras radotait sur son amant de la Chine du Nord, qui d'ailleurs était un pédophile, au passage, parce qu'il avait 30 ans et elle 14 ou 15. Bref, le radotage est une qualité, n'ayez pas peur de radoter. C'est aussi un livre sur le fait d'être mère à son tour. Ça, vous en parlez beaucoup. Comment faire pour être mère ? Est-ce que vous êtes sûr d'être moins folle que la vôtre ? Non, je suis sûre d'être aussi folle que la mienne en miroir, en miroir inversé. Mais mes enfants ont tout compris, contrairement à moi qui n'étais pas une enfant très gaie. Mes enfants le sont très gaie. Peut-être que c'est contrebalancé par le fait que, justement, vous en parliez tout à l'heure, je ne prends pas de drogue, etc. Mais sinon, non, je ne suis pas du tout une mère sécurisante. que même si c'est ça que je voudrais leur leur donner à une impression de sécurité un socle des horaires stricts et c'est un jeu je suis finalement ça je pense que ça les angoisse terriblement m et puis en plus mais il s'est fait le rassurer moi ils vont pas dans les mêmes directions que votre mère ils sont sages ils sont ils sont formidables à merveilleux pour combiner mais je suis rassuré e j'ai

  • Speaker #1

    eu dans cette émission un jeu la devine des citations elle n'a pas pour les jeux Je sais. Vous n'avez ni les surprises, ni les jeux, ni rien d'ailleurs. Mais je vous lis des phrases tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit cette phrase. C'est un exercice de mémoire. Alors vas-y, super. Il y avait tant de monde qu'on ne connaissait pas à notre mariage. On est parti avant la fin.

  • Speaker #0

    Ça, c'est rien de grave.

  • Speaker #1

    2004.

  • Speaker #0

    2004.

  • Speaker #1

    Et je sais parce que j'y étais moi à ce mariage. C'était chez Castel. Il y avait une grande fête. Les deux mariés, c'était ceux que personne ne connaissait.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    C'est très étrange quand même. C'est une situation étrange. Est-ce que vous ne pensez pas, avec le recul, que tout simplement, vous êtes mariés trop jeunes ? Et que le premier mariage, c'est absolu, mais finalement, vous étiez trop jeunes.

  • Speaker #0

    Trop jeunes, puis surtout, c'était un connard.

  • Speaker #1

    Ah non ! Voilà,

  • Speaker #0

    je le suis.

  • Speaker #1

    Je refuse d'entendre ça. Je l'ai reçu ici, il était très bien. Autre phrase de vous. Elle le croit vraiment que je suis sa mère. Elle ne sait pas que je suis cinglée, mauvaise, une catastrophe ambulante, un bloc de culpabilité, une punition.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est dans Mauvaise Fille, parce que c'est vrai que c'est très étrange d'avoir un enfant quand on a déjà du mal à s'occuper de soi. Et ça me faisait très très peur quand ma fille est née, d'être tout pour elle. C'est un affreux sentiment, je me suis dit mais je ne peux pas être tout pour elle, il faut. Heureusement d'ailleurs il y a un papa, il y a le grand-père, etc. Mais... Cet amour inconditionnel qu'elle me portait, je le voyais bien dès le départ, me terrifiait. Et qu'elle croit que j'étais sa mère, ça me terrifiait. Ça va mieux.

  • Speaker #1

    Et est-ce que la maternité vous a fait voir autrement votre enfance à vous ? Tout d'un coup, vous vous êtes rendu compte que vraiment c'était anormal ce que vous aviez vécu ?

  • Speaker #0

    Je me suis rendu compte que je n'avais jamais joué, par exemple. Quand mes enfants me disaient « viens, on joue maman, on joue » , je ne savais pas trop comment faire. Et je n'aimais pas tellement ça d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Donc ça, je n'ai jamais joué.

  • Speaker #1

    Tu avais joué au Uno ?

  • Speaker #0

    Oui, ça, j'ai beaucoup joué. En fait, je suis devenue enfant assez tard. J'ai commencé à boire en même temps que ma fille, donc assez récemment. Et ça m'a beaucoup libérée. J'ai une vie assez légère maintenant. Je ne dis pas que c'est grâce à l'alcool, mais que c'est plutôt grâce à la vieillesse et au fait que ça y est, le pli est pris. Les enfants de la bonne humeur et de l'obstination. et de l'envie d'être heureux.

  • Speaker #1

    Quand même, vous dites plusieurs fois dans celui-là que vous avez peur qu'ils grandissent. Est-ce qu'ils vont s'en aller ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas peur, c'est que je suis d'un égoïsme monstrueux et que je voudrais bien les garder dans des petites cages pour moi parce qu'ils m'ont fait du bien. C'est affreux de dire ça, mais ils m'ont fait du bien et j'ai peur comme toutes les mères du jour où ils vont partir et ne plus avoir besoin de moi. Et en même temps, je l'anticipe et en même temps, j'en rêve.

  • Speaker #1

    Et vous n'avez pas peur du moment où l'un d'eux va écrire un livre sur vous ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que vraiment, ce n'est pas du tout leur truc. Ils vont peut-être faire des films pour moi. Que ce sera peut-être comme ma mère. J'accepterai du bout des lèvres de commenter. Et puis, je serai très flattée finalement. Et puis,

  • Speaker #1

    voilà. C'est une question que je voulais vous poser d'ailleurs. Comment elle avait réagi ? Parce qu'elle était toujours vivante au moment du rendez-vous en 1995. Ce qui était peut-être le plus dur de vos livres sur elle.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Vous étiez dans un café à la Sorbonne. Vous attendiez votre mère pendant tout le livre. Elle ne venait pas. Comment elle avait réagi ?

  • Speaker #0

    Elle avait réagi, elle m'avait donné des conseils grammaticaux,

  • Speaker #1

    des petites complications,

  • Speaker #0

    des fautes d'orthographe, parce qu'elle était comme ça en même temps aussi. Mais j'ai pris ça pour une autorisation d'écrire sur elle. Et puis après, je ne sais pas si... Je ne sais pas, je pense qu'elle aurait été contente. Elle aurait été fière. Elle a vu que... Elle a lu que le rendez-vous, mais je pense qu'elle aurait été contente.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous.

  • Speaker #0

    Allez.

  • Speaker #1

    Je suis une épouvante quand je pleure. Des vaisseaux qui éclatent dans le blanc des yeux. Le nez en chou-fleur. Des lentilles qui tombent, des hoquets, des suées, des plaques rouges sur les joues, un désastre, une flaque.

  • Speaker #0

    Ça c'est peut-être la gaieté alors. Oui, 2015,

  • Speaker #1

    vous avez tout bon depuis le début du jeu. J'ai lu cette phrase pour montrer, bien sûr l'autodérision, c'est une qualité, parce qu'il y a beaucoup d'auteurs qui se peignent, qui se mettent en valeur. Là, non. Mais surtout une écriture très fluide, avec beaucoup de virgules. Ça c'est très moderne, comme un torrent. Oui, quand on parle,

  • Speaker #0

    quoi. Après, c'est très retravaillé, mais j'aime bien écrire, donner l'illusion qu'on parle. Et puis, parfois, ça réussit, parfois pas. Là, je ne la trouve pas très bonne, cette phrase, par exemple. Si, moi,

  • Speaker #1

    je te souhaitais bien de terminer par un désastre, une plaque.

  • Speaker #0

    Une plaque, oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Ça, ça m'amuse beaucoup.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est écrit dans des carnets ? Vous prenez des notes dans des cahiers ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris sur mon téléphone, maintenant, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Non, pas tout le monde.

  • Speaker #0

    Non, vous avez incarné, vous ? Oui, je suis à l'ancienne. D'accord, d'accord. D'Age. Oui, oui. Non, moi, j'écris sur mon téléphone. Et puis après, voilà quoi.

  • Speaker #1

    Et vous arrivez après à construire, à coller un peu. Voilà, OK, d'accord. Encore de vous, je n'ai pas pu être une enfant et je ne sais pas être une adulte.

  • Speaker #0

    C'est quoi, être une adulte ?

  • Speaker #1

    C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier.

  • Speaker #1

    C'est dans Une drôle de peine, oui.

  • Speaker #0

    Vous voulez que je commente ou c'est juste pour ça ? Non,

  • Speaker #1

    je vois beaucoup de vos commentaires.

  • Speaker #0

    Bon, je ne sais pas, est-ce qu'une adulte... Vous voyez, je n'arrive même pas à vous regarder dans les yeux plus de deux secondes. Il y a un truc comme ça de... C'est vrai ? Peut-être, elles sont très grandes. Oui, c'est quoi être une adulte ? En tout cas, c'est être très responsable. Je ne sais pas tellement mon truc et j'ai abandonné du coup. Ce n'est pas très grave.

  • Speaker #1

    Moi, je pense que vous avez été adulte à trois ans. C'est ça le problème.

  • Speaker #0

    Si être adulte, c'est... Perdre un peu de son innocence, oui. Si on dit que l'enfance, c'est l'innocence, c'est sûr que je n'ai pas été très longtemps adulte. Mais être adulte...

  • Speaker #1

    Vous dormiez sur le palier, rue Caffette, vous dormiez sur le palier, à côté des poubelles.

  • Speaker #0

    Quand elle ne répondait pas ou quand elle n'était pas là, oui. Mais ce n'est pas être adulte, ça. C'est être SDF. Oui,

  • Speaker #1

    c'est être SDF. Mais non, si on élargit le propos, euh... Certains, comme Michel Houellebecq par exemple, disent qu'il n'y a plus d'adultes. Depuis les années 60, il n'y a plus d'adultes du tout, nulle part. En fait, nous sommes tous soit des enfants attardés, soit des adolescents qui refusent de vieillir.

  • Speaker #0

    C'est peut-être toujours été comme ça. Mais ça c'est vrai qu'on refuse de vieillir. Moi je refuse de vieillir, je refuse de mourir, je refuse tout. Je refuse tout en bloc. Mais je refuse le temps qui passe. Ouais, moi aussi. Mais après, je ne suis pas très bonne en analyse sociologique, etc. Vous avez l'air... C'est votre domaine, j'ai l'impression. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout.

  • Speaker #0

    Mais j'aime beaucoup Houellebecq et en effet, peut-être qu'il n'est pas vraiment adulte non plus. Parce qu'on peut considérer qu'il fait des bêtises. Voilà, il fait des bêtises.

  • Speaker #1

    Oui, oui, mais chez vous, quand même, le succès de vos livres, c'est aussi le succès d'un tableau d'une époque, qui est les années 70. où les femmes ont voulu se libérer et où elles se sont en fait aperçues que oui, c'était très bien d'être une femme libérée, mais qu'il y avait des dommages collatéraux et qui étaient souvent les enfants.

  • Speaker #0

    Je suis la fille de mon époque. C'est vrai que je suis née des espoirs et des délires et de la folie de cette époque-là. Comme vous, comme tous les gens de cette génération-là, on est nés de ça.

  • Speaker #1

    Je suis beaucoup plus vieux que vous.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Bon, enfant du siècle, quoi.

  • Speaker #1

    Autre phrase, c'est plus facile d'être vieille que d'être enfant, on attend moins de vous.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai hâte. En fait, j'ai peur de vieillir parce qu'on avance d'une case et qu'on va vers la mort. Mais finalement, quand on est vieux, on n'est pas obligé d'aller faire du pilates après l'interview pour rester en forme. On n'en a plus rien à foutre de rien. On peut donner des coups de canne dans la rue aux gens pour qu'ils vous laissent la place. À mon avis, c'est une autre forme de jeunesse qui a l'air géniale.

  • Speaker #1

    Et puis je pense que vous allez mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années.

  • Speaker #0

    Ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    Je vous ai vu hier soir au prix de flore, très en forme. Vous avez même souri une fois à 22h45. Une dernière phrase, Justine Lévy, de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci ? Je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    Ah ça c'est Le Rendez-vous. Mais il n'est pas très bon Le Rendez-vous. Je suis contente de l'avoir écrit, mais c'est un peu une longue dissertation. J'avais 20 ans. Je l'avais écrit pour plein de raisons, pour ma mère, etc. Et puis je l'avais aussi écrit parce que je voulais arrêter mes études et que mon père, un bon père, m'avait dit « Écoute, tu fais ce que tu veux, mais tu n'auras pas un sou, tu te débrouilles. » Et comme je ne savais rien faire, c'est un peu... C'est un peu prétentieux de dire ça. Mais donc je me suis mise à écrire et j'étais très contente d'avoir terminé ce livre. Ah j'ai mangé une gomme, merde.

  • Speaker #1

    Non mais ça va.

  • Speaker #0

    J'étais très contente de l'avoir terminé, c'est la première fois que je terminais quelque chose. Et j'étais rudement contente et puis je l'ai relu quelques années après et c'est pas très bon. Mais ça m'a donné confiance.

  • Speaker #1

    Moi j'aime bien cette phrase, je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    C'est ainsi que je te retrouve. Ça c'est terrible.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai ? Puisque vous continuez de parler d'elle et que vous continuez d'attendre toujours qu'elle arrive dans ce café où vous l'attendez.

  • Speaker #0

    Puis elle est vraiment beaucoup plus présente qu'avant. Elle est vraiment là tout le temps. Je n'ai jamais autant parlé d'elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que parler de ses parents quand ils ne sont plus là, c'est un moyen de les rendre toujours vivants. Moi, j'ai perdu non que mon père. Non que votre papa. Le questionnaire de Bec BD, un grand moment que...

  • Speaker #0

    Je n'ai pas révisé.

  • Speaker #1

    J'espère que si. Non mais ce n'est pas grave, vous répondez naturellement, avec le plus de mauvaise foi possible. Alors pourquoi un jeune devrait-il lire une drôle de peine plutôt que scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Moi je pense qu'il a raison de scroller sur TikTok, c'est beaucoup plus marrant.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    Des gratouilles dans le dos de mes enfants.

  • Speaker #1

    Peut-être un jour, il y aura des robots pour ça, mais pour l'instant...

  • Speaker #0

    D'ailleurs, oui, c'est vrai, je me suis acheté un robot génial, un massage de... enfin, c'est tellement pas glamour de pied, et c'est pas mal, c'est pas mal.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en écrivant votre livre qu'il ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Il ne serve à rien, les livres, ça ne sert à rien.

  • Speaker #1

    Si, ça peut émouvoir.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas le but, non, ça peut servir à soi-même, à apprendre des choses sur soi, balali, balala, et pour les... peut-être à se sentir compris, mais c'est rien ça.

  • Speaker #1

    Justine Lévy dit balali, balala.

  • Speaker #0

    On dit quoi ?

  • Speaker #1

    Vous êtes la seule au monde à dire ça. On dit patati, patata. Ah oui, patati, patata. Patati, patata. Oui, patati, patata. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense que c'est la plus grande des qualités gentilles en général dans la vie, parce que la gentillesse est généreuse, elle est belle, elle est émouvante, elle est intelligente. Il n'y a pas le méchant et toujours saut, quoi. Donc, mais en littérature, c'est une exception. Parce que sinon, c'est pas...

  • Speaker #1

    C'est chiant.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la folie ou la pauvreté ? Bon, la pauvreté dans votre cas...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous en savez ?

  • Speaker #1

    Non, j'en sais rien.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui me plaît le plus ? C'est n'importe quoi cette question.

  • Speaker #1

    Vous, par exemple, vous avez des enfants, vous avez une famille et tout, et quand vous écrivez, vous avez le droit d'être un peu seul, de vous idoler un peu dans tous les points.

  • Speaker #0

    Je le prends, et j'aime bien maintenant qu'ils sont quasiment adultes, ils ont 47 ans et...

  • Speaker #1

    Non, ils sont combien, 17 ?

  • Speaker #0

    20 ans et 16 ans. Et j'aime bien parce qu'ils me laissent partir avec soulagement, et je vais dans des hôtels avec mon ami Vanessa Schneider, on part toutes les deux et on va à Nice et on écrit, et le soir on se retrouve de plus en plus tôt pour boire un verre. Et ça, j'aime bien être écrivain dans ces cas-là. Comme ça, cette formule-là me plaît.

  • Speaker #1

    Ah oui, donc...

  • Speaker #0

    Avec une copine, dans un hôtel.

  • Speaker #1

    Ça rejoint la question suivante. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Donc quand vous buvez des coups avec une éteinte...

  • Speaker #0

    Après une bonne journée de travail. Non, mais j'ai vraiment commencé à boire à 45 ans.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ? Une perte de temps ?

  • Speaker #0

    En ce qui me concerne, c'est formidable. Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Est-ce que vous fantasmez sur Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ? Par exemple, il n'aurait pas vécu ce moment inouï.

  • Speaker #0

    Oui, mais ça va mieux maintenant. Il faut se chauffer un peu. Et c'est vrai que ça aurait été dommage.

  • Speaker #1

    Non, mais en général, vous n'aimez pas tellement ça.

  • Speaker #0

    Je n'aime pas ça, en vrai. Ah, c'est bon. Mais arrête.

  • Speaker #1

    J'adore mes sons, adorez ça, par exemple. Il y a des gens qui adorent ça.

  • Speaker #0

    On choisit chaque virgule, chaque... tout est un peu comme de l'acupuncture et tout et on vient redire en moins bien ce qu'on a passé des mois à écrire correctement et ça n'a aucun intérêt en fait ce qui est affreux c'est de paraphraser et on le fait quand même un roman doit-il réparer le monde ? c'est prétentieux un peu quand même les miens en tout cas non ils répareraient je ne suis pas très bonne vendeuse

  • Speaker #1

    Non, mais pas du tout.

  • Speaker #0

    Non, il ne répare rien.

  • Speaker #1

    Les gens qui achètent des livres en espérant être réparés, il faut qu'ils achètent des livres de développement personnel.

  • Speaker #0

    Puis qu'ils prennent un peu de Prozac et tout ça.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le chef-d'œuvre que j'ai lu qui m'a le plus...

  • Speaker #1

    Votre chef-d'œuvre à vous, de vous.

  • Speaker #0

    Mon chef-d'œuvre à moi, de moi ? Je ne sais pas. Non, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Et êtes-vous une ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    Je déteste les gens qui disent les ouin-ouin, les ouin-ouin. Je croyais que c'était des faux gens. Moi, je croyais que c'était des... Comment on appelle ça ? Des bottes ?

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Personne n'est ouin-ouin.

  • Speaker #0

    Peut-être.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oh là là, vos formules. Il n'y a pas de but à la littérature. Ça sert à mettre de l'ordre dans le désordre. Ça, c'est vrai. Et puis, sans se faire prendre, si, on se fait prendre. Parce qu'il n'y a pas une vérité. Donc, bien sûr qu'on se fait prendre. Et c'est le jeu. Et c'est gay aussi. Moi, j'aime bien me faire reprendre. J'aime bien me faire reprendre.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    J'hésite entre Houellebecq et Carrère. Je les aime tous les deux.

  • Speaker #1

    Vous allez vous faire engueuler par votre père à la maison. Enfin, c'est votre réponse. Si vous étiez très riche, cesseriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. La phrase de vous dont vous êtes le plus fière, la plus fière ?

  • Speaker #0

    Je suis ce que maman a fait de mieux. Et pourtant, c'est dans mon premier roman que je n'aime pas tellement. Mais cette phrase-là, je suis contente. C'est là que je me suis dit, oh là là, bon allez, j'y vais.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, c'est bien. La question Faranée de 451, imaginez un monde où les livres sont interdits et brûlés, lequel apprendriez-vous par cœur pour le retenir ?

  • Speaker #0

    Je lirai pour la première fois la Bible et puis je l'apprendrai par cœur. Je crois que c'est un magnifique roman d'aventure, mais il paraît, je ne l'ai pas lu moi.

  • Speaker #1

    C'est du boulot quand même d'apprendre par cœur la Bible.

  • Speaker #0

    Oui, mais du coup ça retarde le...

  • Speaker #1

    Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Le mien, rien de grave, ça m'a sauvé la vie.

  • Speaker #1

    Vous étiez au bord du suicide ?

  • Speaker #0

    Non, pas du suicide, mais j'étais au bord, c'est pas une vie, une vie dans laquelle on est malheureux, on est complètement dépossédé de soi et on n'est pas soi et c'est pas une vie. Donc ça m'a sauvé de cette vie-là qui n'est pas une vie, de la non-vie, ça m'a sauvé de la non-vie, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Présentement ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je dirais 8 ans tel que je les fantasme.

  • Speaker #1

    Et enfin, y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ?

  • Speaker #0

    Peut-être La Gaîté, justement, parce que là, pour le coup, je parlais de dommages collatéraux. Peut-être que j'ai écrit des choses que je regrette un petit peu d'avoir, de ne pas avoir coupé au montage, comme on dit quand on est François Truffaut, ce qui est pas mon gars.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien La Gaîté. Moi,

  • Speaker #0

    je sais, vous l'aviez écrit, mais il m'avait fait rudement plaisir.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Justine Lévy, d'être venue, vous voyez, finalement, parler tranquille. Justine avait très peur. Je ne vois pas de raison d'avoir peur ici, franchement. Vous voyez que je relance la mode de la pochette dans la veste. Alors, n'hésitez pas à donner votre avis. Est-ce qu'il faut avoir une pochette ou pas ? Et est-ce qu'elle doit être coordonnée avec la cravate ? Voilà, ici, on aborde les vrais sujets. Bonsoir. C'est bon.

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Description

Je remercie Justine Lévy pour sa douceur angoissée et sa franchise timide. Elle a écrit un livre sans la moindre rancune : "Une drôle de peine" (Stock). Elle aurait pu en vouloir à sa mère de ne pas l'avoir élevée "normalement". Au contraire, elle décrit une époque bizarre et une enfance originale avec un léger fatalisme qui est une belle preuve d'élégance.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir amis de la littérature de luxe. Ce soir je reçois un écrivain que j'apprécie particulièrement, Justine Lévy. Bonsoir. Vous publiez Une drôle de peine, chez Stock, et on retrouve dans ce livre, comme dans les six autres, votre style doux, amer, votre façon humoristique de raconter des choses très tristes, et... Alors j'aimerais savoir pourquoi c'est déjà le troisième livre sur votre mère.

  • Speaker #1

    C'est pas le troisième ?

  • Speaker #0

    Mais si.

  • Speaker #1

    Non, Le Rendez-vous, Rien de grave, c'était aussi sur ma mère, même si c'était pas le sujet principal. C'était aussi sur ma mère. Après, Il y a eu Mauvaise fille, sur ma mère, ça fait trois. La Gaîté, sur ma mère, ça fait quatre. C'est vraiment... Après, un petit livre que j'ai adoré, qui est mon livre préféré, c'est Flammarion, qui était des légendes de photos. On avait retrouvé des photos de mal, il fallait les légender. Ça parlait des mères. Après, Antonin Artaud. Ça parlait de la mère. Voilà, la mère d'Artaud. Et puis, là.

  • Speaker #0

    Donc, ça fait sept livres sur votre mère. Vous avez raison, pardon, d'avoir un petit peu sous-estimé votre œuvre. Mais alors, zéro livre sur votre père. Pourtant, c'est un bon sujet aussi, ce type en chemise blanche qui sauve le monde.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas un bon sujet, parce qu'il a un très bon père. Je n'ai rien à lui reprocher. Pas en colère contre lui, je l'aime.

  • Speaker #0

    Il faut de la colère pour écrire ?

  • Speaker #1

    Oui, il faut de la colère, il faut un peu de rancœur, il faut même un tout petit peu peut-être de mauvais espoir, il faut des mauvais sentiments, ça c'est sûr. J'en ai pas tant que ça d'ailleurs, en fait, mais j'en ai pas du tout à l'égard de mon père, donc sauf ça, ça n'intéresserait personne.

  • Speaker #0

    Ou alors vous attendez qu'il meure comme moi j'ai fait avec le mien, et là vous serez plus libre de dire toute la vérité.

  • Speaker #1

    Là je vais quitter le restaurant. Parce que je vais pleurer.

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai lu tous les livres de la rentrée sur les mers et le vôtre est le plus trash. Ça, ça me fait plaisir. Ça vous fait plaisir ? Oui, ça me fait plaisir. Parce que j'ai regardé aussi les émissions où vous étiez invité et je vous trouve très élogieuse avec Isabelle d'Outre-Ligne. Vous êtes extrêmement aimable avec elle. Mais sans doute êtes-vous plus aimable à l'oral qu'à l'écrit. C'est quelque chose qui est un phénomène fréquent. Quand on écrit, on est peut-être plus sévère. que quand on parle.

  • Speaker #1

    Non mais je ne suis pas sévère, je suis pas sévère, j'ai raconté les choses. Donc j'ai raconté si c'était à hauteur d'enfant, j'ai raconté l'appartement sans porte parce qu'il fallait que tout circule, les corps, les envies, les drogues, etc. J'ai raconté sans me cacher, sans par avant, mais je ne suis pas sévère. Non, non, je ne suis pas sévère, j'ai raconté les choses telles qu'elles... Je ne sais pas si c'est telles qu'elles étaient, mais telles que je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    c'est ma vérité.

  • Speaker #0

    Il y avait un appartement très sale. Vous dites beaucoup qu'il était sale, cet appartement. Maintenant, vous êtes obsédée par la propreté, du coup.

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, mais pas tellement obsédée par la propreté. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Non, je ne suis pas tellement hygiéniste. C'est vrai que c'est un courant, l'hygiénisme. Ce n'est pas tellement mon truc, non.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous décrivez un endroit qui était orange, avec des seringues qui traînent.

  • Speaker #1

    Ça, ce n'est pas sale. ça c'était C'était ma vie, oui, quand j'étais petite et je trouvais ça... Je ne sais pas si je trouvais ça normal ou pas, mais c'était la normalité. Je pense que j'avais conscience qu'il y avait quelque chose qui était un peu bizarre. Mais oui, j'avais confiance. J'avais confiance parce qu'à l'école, je me rendais bien compte qu'à l'école, ce n'était pas tout à fait pareil. Ma mère m'accompagnait parfois avec sa maîtresse... Violaine. Violaine, oui, je cherchais le nom que je lui ai donné dans le roman. Et je me souviens du regard de la directrice quand on était en retard, quand je m'étais habillée moi-même, sur la dégaine que j'avais, je me souviens de choses comme ça, des petits indices.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est vrai que quand on écrit des choses intimes, les journalistes vous posent des questions embarrassantes. C'est comme ça. Donc, je suis désolé, je vais insister. Est-ce que ça vous embête de lire un extrait ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Vous êtes... Alors, ce n'est pas sévère, mais vous faites un constat. sur ce que c'était que cette enfance. Parce que c'est pas une enfance banale. J'ai encerclé.

  • Speaker #1

    Ouais, je vois. Je sais pas qui a dit que l'enfance est un pays dont on aura toujours la nostalgie et blablabla, c'est n'importe quoi. Y'a pas d'enfance perdue, manquée et retrouvée. Y'a pas d'enfance du tout. Y'a des petites personnes, pas terminées, limitées, négligeables et négligées. Des trucs dans lesquelles on se prend les pieds, qu'on oublie, qu'on éduque pas. Elles vont bien d'une manière ou d'une autre devenir ce qu'elles sont. Elle va pousser toute seule, Justine, comme ces poulains tremblotant sur leurs pattes à peine nées mais déjà debout, déjà presque autonomes et qui n'emmerdent pas les chevaux adultes. Oui, à la fin des années 70, elles l'ont bien compris, maman, Viollaine et leurs copines, après tous ces siècles de temps perdus, gâchés et volés aux femmes qui ont autre chose à faire que de pondre et d'élever leurs marmots, l'éducation est un concept ringard. C'est pas sévère ça.

  • Speaker #0

    Mais c'est un constat sociologique. Il y a eu beaucoup de parents, comme on peut dire, déficients, absents, toxiques, dans les années 70.

  • Speaker #1

    C'est pas toxique. C'est plutôt défaillant, des parents pas très faits pour être parents, ou des parents qui se sont trompés un peu. Enfin, dans l'éducation, obéissaient à des règles bizarres, et puis qui changeaient tout le temps, et qui étaient renouvelées en permanence, et ça donnait un peu le tournis.

  • Speaker #0

    Mais vous trouviez ça rigolo ou pénible à l'époque, quand vous aviez 5 ans ?

  • Speaker #1

    Évidemment pas du tout rigolo. Je n'ai pas tellement de photos, moi, rigolant d'ailleurs. J'en ai cherché pour un jour des magazines, ils m'ont demandé des photos de moi enfant. J'ai plutôt l'air assez contrarié. Enfin peut-être parce que je n'aime pas être prise en photo aussi déjà. Non, ce n'est pas un constat sociologique, mais on est un peu de la même génération.

  • Speaker #0

    Oui, mais moi, les appartements n'étaient pas sales. J'avais moins de seringues par terre, mais oui, j'ai vécu des choses que peut-être les enfants ne doivent pas vivre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'ils doivent vivre le contraire ? Est-ce qu'ils doivent vivre un truc aseptisé, avec des parents sur leur dos en permanence, avec des corsetés de règles ? Je ne sais pas non plus.

  • Speaker #0

    Ça c'est intéressant, parce que là vous êtes en train de parler de vous tout d'un coup. Vous dites que vous faites le contraire de votre mère, que vous êtes presque étouffante avec vos enfants, très attentive, peut-être trop. Comme le sont beaucoup les parents aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, donc ça peut-être que c'est sociologique aussi. Après, je n'ai pas tellement de hauteur. C'est vrai que je suis assez sur mon nombril quand même. Mais peut-être que ça correspond à ce que les gens ont vécu aussi. Mais non, je sais qu'essayer d'être une trop bonne mère, c'est rater aussi. C'est être une très mauvaise mère aussi dans l'autre sens. Donc, ce n'est pas une bonne idée tout le temps de se regarder être une mère ou un père. C'est marrant.

  • Speaker #0

    Je continue à vous embarrasser en citant votre livre. Vous dites que quand même la vie de votre mère fut un désastre bref. Elle est morte à 54 ans d'un cancer. Et bon, elle était toxico, bisexuelle. Ça, c'est pas désastreux ça. Non.

  • Speaker #1

    Toxico et bisexuelle, c'est pas désastreux.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas des qualités non plus. Mais c'est pas ça qui fait qu'une vie est brève. et minuscule ou glorieuse. Ce qui fait qu'elle est brève et minuscule et glorieuse à la fois, c'est quand on la rate. Moi, je savais qu'elle allait dans des impasses. Je savais que... Quand elle prenait un chemin plus glorieux, je savais que quelque chose en elle allait faire qu'elle allait se perdre et entraîner les gens avec elle. Oui.

  • Speaker #0

    À propos d'entraîner les gens avec elle, un soir, vous gobez des pilules qui traînent. Vous avez quasiment failli mourir, elles vous ont récupéré dans votre vomi, enfin c'est spectaculaire.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous lisez comme ça, c'est trash. Mais oui c'est trash ! C'est pas comme ça que je le raconte, je trouve que c'est pas comme ça que je le raconte. Puis c'est pas elle qui me les a mis, contrairement à sa mère, elle avait une mère vraiment pour le coup toxique, ma mère dont je parle dans le livre, qui l'a initiée à la drogue par le biais des médicaments qu'on donnait dans les années, c'est les années quoi ?

  • Speaker #0

    60 je crois ? 40 !

  • Speaker #1

    Ben non, pas elle.

  • Speaker #0

    Elle est née en quelle année ?

  • Speaker #1

    Elle est née en 50, donc dans les années 60.

  • Speaker #0

    Oui, 60, oui.

  • Speaker #1

    Ah, je suis nulle en...

  • Speaker #0

    Non, non, mais ce n'est pas grave. Oui, oui, c'est les années 60, 5. Oui,

  • Speaker #1

    donc ma mère ne m'a pas donné ces médicaments.

  • Speaker #0

    Volontairement, mais...

  • Speaker #1

    Volontairement du tout. Ils étaient là dans le panier près du lit, comme moi j'ai des médicaments dans mon panier près du lit et mes enfants ne se servent pas. Donc, voilà, il y a un terrain...

  • Speaker #0

    Il y a aussi cette scène quand même... Alors, pardon, je vous rappelle vos souvenirs. C'est dans le livre. où elle vous oublie Gare du Nord et après quelques heures, elle revient, Violaine et votre mère, complètement bourrées, pour vous chercher, tout d'un coup, et se souviennent que vous existez.

  • Speaker #1

    Oui, il y a aussi des moments heureux, que je raconte aussi. En fait, elle est devenue une très bonne mère, ma mère, quand elle est tombée malade.

  • Speaker #0

    Il y avait aussi d'autres moments.

  • Speaker #1

    Après, il y a eu des bons moments. Oui, à la fin,

  • Speaker #0

    quand elle était malade, parce que là, vous vous êtes rapprochés, vous vous occupiez d'elle.

  • Speaker #1

    Non, elle s'occupait de moi aussi beaucoup. Quand j'ai été charnobilisée par un chagrin d'amour dans les années, je ne sais plus combien, il y a une bonne vingtaine d'années, elle était là, elle me faisait à manger, elle m'épluchait des légumes, elle voulait me soigner avec des omégas, je ne sais quoi, dans le poisson. Et tout à coup, elle a été une très bonne mère. Et un peu tard, mais...

  • Speaker #0

    Vous dites que c'était un mannequin révolutionnaire. C'est une sorte d'oxymoron.

  • Speaker #1

    Non, je n'ai pas dit ça.

  • Speaker #0

    C'est quoi mannequin révolutionnaire ? C'est qu'elle était à la fois très belle et elle travaillait dans ce métier. Et en même temps, c'était tout le temps un militantisme pour la révolution, changer le monde.

  • Speaker #1

    Elle aurait pu être un grand mannequin. Elle n'était pas un grand mannequin. Non, d'ailleurs, elle n'était pas un bon mannequin. Elle était mannequin. Mais elle n'en tirait aucune gloire. Elle savait très bien qu'il n'y avait absolument rien, qu'il n'y avait pas de quoi se vanter, que c'était quand même être un objet de désir, etc. Donc à la fois, elle se révoltait contre ce statut et en même temps, elle l'acceptait. Elle était pleine d'ambivalence, comme toujours, et comme tout ce qu'elle faisait. Mais en tout cas, elle n'en tirait aucune fierté. Et puis de temps en temps, elle se barrait des studios photos parce qu'elle décidait que le type l'avait regardé bizarrement ou que les... Les vêtements ne lui semblaient pas beaux, ou que je ne sais quoi, ou que c'était trop bourgeois, ou que la coiffure... Elle n'a pas été un grand mannequin pour ça, elle n'avait pas cette docilité-là.

  • Speaker #0

    Je vous définis un peu comme la Sagan des familles recomposées, c'est-à-dire que Sagan écrivait beaucoup sur des bourgeois qui tombaient amoureux, qui se trompaient. Vous, c'est plutôt sur des bourgeois qui se quittent, qui divorcent. Il y a à la fois le divorce de vos parents, mais aussi le vôtre, qui était dans rien de grave en 2004. Est-ce que vous aimez ce charme tragique de Sagan ?

  • Speaker #1

    Moi j'adore Sagan. J'avais interviewé Sagan quand je croyais que je voulais être journaliste, quand j'étais très jeune. Et c'était affreux parce qu'on était quand même deux grandes timides, enfin pas de la même manière. Elle c'était aussi un peu par flemme je pense. Et puis donc il y avait de grands silences et puis quelques onomatopées. Et puis c'était désastreux. Mais j'aime beaucoup, beaucoup ce qu'elle écrit. J'aime parce qu'elle n'a pas de... Elle ne prend pas la posture de l'écrivain. Je déteste la posture de l'écrivain. Mais ça, j'aime bien. Et puis... Oui.

  • Speaker #0

    Et puis surtout, vous parlez d'un milieu favorisé, sans culpabilité ou avec de la culpabilité, mais en assumant quand même que ces personnages vivent dans le confort. Et ça ne les empêche pas d'avoir des problèmes graves. Mais c'est vrai, ça, ça me plaît. On est chez la Pérouse, alors. C'est vrai. C'est vrai.

  • Speaker #1

    Oui, je ne vais pas inventer. Enfin, je ne vais pas inventer si je suis romancière. Donc, c'est fou ce que je viens de dire. Mais je ne vais pas... Ce n'est pas mon genre d'inventer des fractures et des malheurs. Il suffit de se baisser. Il n'y a pas besoin de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et puis, vous n'inventez pas parce que vous parlez beaucoup de votre vie, de votre famille et de votre vie. C'est arrivé une fois que vous sortiez de cet exercice avec... Son fils en 2024 sur la mère d'Antonin Artaud votre seul roman non autobiographique est-ce que c'était plus difficile comme boulot ? Déjà il a fallu vous documenter Ah ouais,

  • Speaker #1

    non déjà je pouvais pas autant je peux me permettre de délirer un tout petit peu sur mes amis parce qu'ils sont gentils, autant sur Antonin Artaud je sais qu'il y a des exégètes qui sont vraiment, qui étaient prêts à me tirer dessus à tous les coins de rue déjà que, et le donc j'ai vraiment fait très attention ... Et puis, c'est le livre dont je suis le plus contente. C'est le livre dans lequel je parle le plus de ma mère, finalement, avec ses vérités, comme vous dites, justement. Ah, c'est bien. Donc,

  • Speaker #0

    il a fallu écrire sur quelqu'un d'autre. Oui, bon, comme tout. Pour être plus libre. C'est toujours comme ça. Mais oui, c'est le... Pardon de dire des banalités. Mais bon,

  • Speaker #1

    voilà, c'est un peu matos, mais c'est comme ça. Mais ça n'a pas marché du tout. J'étais vexée comme un pouls. Personne ne l'a lu. Bah si,

  • Speaker #0

    vous voyez.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Il y a quand même des lecteurs, ça travaille ici. Il y a eu aussi la gaieté. Alors la gaieté, c'était sur la maternité, l'espoir, la résilience, un peu ce mot affreux que tout le monde emploie en ce moment, mais en fait qui veut juste dire remonter la pente. Et c'était... Oui, ça aussi, c'est un livre assez étonnant, paradoxal de dire la gaieté sur une couverture de livre. Pour vous, c'est surprenant.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un livre que j'aime tellement. C'est un livre que j'ai un peu bâclé. C'est un livre que j'ai un peu écrit pour un peu rapidement peut-être. Et ce n'est pas le livre que je conseille. Là, par exemple, on va à Brive, enfin on va dans tous les salons littéraires. J'aime bien, comme tout le monde, c'est agréable de rencontrer les gens et qu'ils vous parlent de leurs histoires, etc. Mais je ne conseille pas la gaieté aux gens. Parfois même, je le cache. Bon, c'est des prescriptions. On demande un peu de quoi vous avez revu, malheureux, rire, etc. Rire, il n'y a pas tellement, mais quel genre de malheur vous voulez lire ? Et je cache la gaieté.

  • Speaker #0

    Bonjour, quel genre de malheur ? Je peux vous retenir le prince, la mère toxique, qu'est-ce que vous voulez ?

  • Speaker #1

    C'est pour votre fille, pour votre mère.

  • Speaker #0

    Quand est-ce que vous avez senti que vous aviez trouvé votre voix, V-O-I-X, un peu entre, mettons, Ernaud et Sagan, c'est-à-dire parler de soi, dire jeu, mais avec auto-ironie ?

  • Speaker #1

    là le dernier c'est vraiment que là ? oui le dernier c'est celui que ouais c'est celui dont je suis contente voilà je sais pas si j'ai trouvé ma voix

  • Speaker #0

    A voix,

  • Speaker #1

    mais ça prend... Après, je ne sais pas si je vais écrire d'autres livres non plus, mais bon, là, je suis contente. On verra bien.

  • Speaker #0

    Vous avez lu Dorothy Parker ? Non. Lisez Dorothy Parker, parce que c'est vraiment ça. C'est-à-dire qu'elle parle toujours de ses problèmes avec les hommes, avec la vie, avec l'alcool, et avec beaucoup, beaucoup d'humour. Ça va beaucoup vous plaire. Ce qui vous caractérise aussi, et qui vous fait trancher avec l'époque, c'est le refus de la victimisation. votre enfance vous auriez pu en faire quelque chose d'épouvantable or vous regardez avec une distance avec une tranquillité des événements très traumatisant voyez on vous voit jamais vous plaindre ah bon vous avez l'impression que vous vous lamentez en permanence ouais ah ah c'est vrai non c'est vrai bah tant mieux par exemple je donne un exemple vous dites j'étais un cheveu sur la soupe de quelqu'un d'autre Ça, c'est de l'élégance de dire ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu plaintif quand même. C'est un peu, je suis un petit grain de couscous. C'est un peu, voilà. Mais non, je ne sais pas. Il n'y a pas de grande vertu à se plaindre ou à ne pas se plaindre. Il n'y a pas de grande vertu dans la pudeur non plus. Tout ça, ça ne me concerne pas tellement. J'écris les choses comme elles sont. Je fais juste un tout petit peu gaffe aux dégâts collatéraux. Par pouvoir, c'est-à-dire les enfants. mon amoureux, les amis, les quelques amis qui me restent, etc. Je fais attention. Mais sinon...

  • Speaker #0

    Les autres en prennent pour leur grade. Oui,

  • Speaker #1

    enfin...

  • Speaker #0

    Non, non d'ailleurs. Mais je ne sais pas si c'est aussi par peur du ridicule, justement, parce que...

  • Speaker #1

    Je n'ai pas peur du ridicule, moi.

  • Speaker #0

    C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Oui. Pourquoi ? Vous allez demander quoi ?

  • Speaker #0

    Le côté problème de riche. Vous pourriez avoir peur de ça. Voilà.

  • Speaker #1

    J'ai des problèmes de riche, ça je sais. Non mais c'est le cas, c'est vrai. C'est un luxe absolu de faire des dépressions, d'aller dans des endroits pour se reposer, d'avoir le temps, d'avoir des problèmes, etc. C'est un luxe inouï, mais je n'ai pas besoin de m'étaler sur le fait que c'est un luxe inouï, ça va de soi.

  • Speaker #0

    Et puis on souffre quand même, on souffre quand même quand on est obligé de se rendre des annales. Oui,

  • Speaker #1

    on souffre un peu moins que quand en plus on se tue à la mine. Des enfants braves, bon. Des enfants affamés.

  • Speaker #0

    Voilà. Est-ce que, alors, puisqu'on y est, allons dans la question tabou. Est-ce qu'être la fille de BHL, ça a plus d'avantages ou d'inconvénients ?

  • Speaker #1

    D'avantages, je pense. Encore une fois, je ne sais pas bien, parce que je ne le connais pas bien, BHL. Vous me disiez tout à l'heure, la chemise blanche, c'est... J'en ai une aussi. Voilà. Plutôt des avantages, parce que... Parce que d'abord, il est un très bon père. Il a été une très bonne mère pour moi aussi. Il a toujours été là, même au bout du monde. C'est un socle. Donc, c'est plutôt merveilleux. C'est plutôt une chance. Un avantage, oui, parce qu'il est immensément cultivé. Parce que, bon, vous voyez...

  • Speaker #0

    Oui, mais parfois, par exemple, quand vous êtes sur des listes de prix et que vous ne l'obtenez pas, peut-être qu'on vous fait payer le fait d'être la fille de cet écrivain célèbre. C'est possible. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je ne crois pas trop à toutes ces histoires de magouilles. Les gens disent les prix. Il y a quand même souvent des très bons livres qui sont récompensés. Moi, j'étais très contente d'être dans la dernière liste du Renaudot. Et la plupart des gens qui étaient sur la dernière liste du Renaudot étaient mes camarades. Il y avait...

  • Speaker #0

    Il y avait trois femmes,

  • Speaker #1

    Anne Bérest,

  • Speaker #0

    Adélaïde de Clermont-Tonnerre, que j'ai reçues ici d'ailleurs, Adélaïde et vous-même, et c'était, je crois, très bon livre.

  • Speaker #1

    Après, est-ce qu'on me fait payer des trucs ? Oui, mais ça c'est la vie.

  • Speaker #0

    Vous avez vraiment été interviewer tous les proches de votre mère, c'est-à-dire son frère par exemple, dans sa clinique. Quand même, il y a eu des dégâts de ce côté-là de votre famille. Ah ben non,

  • Speaker #1

    mais c'est vrai que c'est une famille, comment on l'appelle ça ? Vous disiez résiliente. Dysfonctionnelle. Voilà, c'est une famille dysfonctionnelle, ce mot horrible aussi. C'est une famille comme toutes les familles, mais quand on commence à enquêter, on se dit, oh là là, il y a quand même des sacrés morceaux. Et je suis allée, comme c'est une enquête ce livre-là, je suis allée, je ne sais pas, interviewer. Je suis allée rencontrer mon oncle maternel, que j'avais vu deux fois dans ma vie, une fois à l'enterrement de ma mère, et puis un peu avant, quand ma mère avait décidé de le faire sortir de sa clinique pour lui acheter une doudoune. Et voilà, je suis allée le voir dans une maison de repos dans laquelle il vit depuis toujours. Et je pensais apprendre des choses sur ma mère. Je ne sais pas ce que j'ai appris, mais je n'ai rien appris. Mais j'y suis allée.

  • Speaker #0

    Ce qui est fou, c'est que d'ailleurs tous les gens avec lesquels vous avez pris contact en voulant en savoir plus sur votre mère n'avaient rien. Même Bernard-Henri Lévy vous dit, bon, va voir un tel, va voir un tel, il n'y a pas vraiment de réponse. Et cette ex-petite amie qui vit en Indonésie, qui s'appelle Violaine, aujourd'hui elle a 78 ans, elle carrément, elle vous traite de salope. C'est pas très sympathique.

  • Speaker #1

    Ça m'a pas donné tellement envie d'aller la rejoindre en Indonésie pour aller plus loin. Mais non, puis il y a toujours un moment où j'aurais pu savoir des choses, mais j'y vais, je passe mon temps. à me dire je vais résoudre, je vais comprendre, je vais savoir qui elle était. Et puis au dernier moment, je recule le trois cases. Et un peu comme c'est le cas avec Violaine, j'avais la possibilité d'aller la voir en Indonésie. Et j'ai tout fait pour qu'elle m'insulte et que ça ne se passe pas. En fait, je n'ai peut-être pas envie de savoir. Peut-être qu'il ne faut pas savoir les choses.

  • Speaker #0

    Si vous avez écrit sept livres, c'est que franchement, ça reste un mystère probablement. Oui. Alors il y en aura d'autres ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il y aura d'autres livres. Mais s'il y en a d'autres, ils seront toujours sur ma mère. C'est un gisement inépuisable.

  • Speaker #0

    Et puis alors, j'ai l'impression que ce qui vous gênait le plus dans cette enfance décalée, c'est la nudité. Et c'est vrai qu'à l'époque, les gens se baladaient beaucoup à poil, beaucoup de naturistes et tout, et ça, franchement, ça vous dégoûtait.

  • Speaker #1

    À hauteur d'enfant, c'est vrai, vous êtes malveillé. Oui, je me souviens des... Des sexes sursuites des parents de ma mère et de sa compagne dans les années 70, c'est quelque chose qui m'a marquée et qui ne me plaît pas spécialement. Je n'aime pas les gens qui se baladent tout nus. Moi, ça me fait rougir quand je me croise devant un tiroir. Je n'aime pas ça et je n'écrirai jamais. C'est une scène de sexe. De sexe, je n'écrirai jamais. De toute façon, ça me fait rigoler. Ça me gêne, quoi.

  • Speaker #0

    C'est difficile, en tout cas, de les réutiliser. Maintenant,

  • Speaker #1

    il paraît que c'est très difficile.

  • Speaker #0

    Très difficile. Vous n'avez pas non plus basculé dans l'addiction ? Je ne crois pas. Bon, un peu de pétard, des clopes, des antidépresseurs.

  • Speaker #1

    J'étais jeune, oui, un petit peu, mais pas évidemment rien qui s'injecte. Je ne leur ai pas dû dire cette phrase.

  • Speaker #0

    Ni coke, ni héroïque, ni en pétamine. En pétamine, oui.

  • Speaker #1

    Beaucoup, quand j'étais très jeune. Parce qu'on ne savait pas vraiment que c'était des amphétamines. Je les prenais comme... J'avais piqué celle de mon père, il en prenait beaucoup pour travailler. Sauf que lui a su s'arrêter à temps. Et puis moi, j'en prenais un, deux, trois, dix. Et puis ça ne me faisait rien. J'attendais, j'attendais et puis rien. Et puis heureusement, c'est interdit à la vente. Non ? Enfin, il y a la ritaline, il paraît. Mais c'est... Enfin bref, j'ai vieilli, je ne prends plus de... Non,

  • Speaker #0

    il faut faire attention en plus. parce que François Nourricier par exemple il prenait beaucoup de Je crois, le Cap-Tagon, qui est la drogue des djihadistes, il a eu la maladie de Parkinson. Donc ça donne quand même, oui, sans doute à cause de ça. Donc ne faites pas ça chez vous. Et alors j'ai pensé, c'est marrant, j'ai pensé à ça, personne ne vous l'a dit, votre enfance, c'est absolument fabuleuse. Vous connaissez la série ? Oui,

  • Speaker #1

    mais non, n'importe quoi !

  • Speaker #0

    Je vous dis, la série, il y a Patsy et Edina, qui sont deux femmes, deux copines, qui vivent ensemble et qui élèvent une fille qui s'appelle Saffron. Et Saffron, c'est vous ! C'est-à-dire qu'elle veut être le contraire. Elles, c'est des fêtardes, elles sont droguées, elles sont alcooliques, et la fille est hyper sérieuse, raisonnable, et au petit-déjeuner, elle veut... pour qu'elle veut manger ses céréales et pas qu'on lui raconte des histoires.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je me souviens de la fille de Patsy et Machinette. Patsy et Edina. Mais en revanche, Patsy et Edina ne sont pas du tout ma mère et Violaine parce qu'elles sont immondes. Alors que ma mère, parlons peu, parlons bien, ça n'a rien à voir.

  • Speaker #0

    C'était des canons.

  • Speaker #1

    C'était des canons, oui. Non, mais ça, ce n'est pas la seule chose. C'est pas ça. Elles étaient romanesques, elles étaient plus du côté de... Je ne sais pas moi, de Georges Bataille que de Prada. C'est Prada ? Ouais.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, elles sont un peu obsédées par la mode disons. D'accord. Surtout l'une des deux, mais j'ai oublié laquelle. Je vais lire votre dédicace parce que votre dédicace me fait beaucoup rire pour Frédéric. Tu les as tous lus et tu vas trouver que je radote encore le même roman, mais comme, je n'arrive pas à lire, comme je crois. que tu les aimes bien, je t'embrasse. Vous trouvez que vous radotez ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai peur que les gens pensent que je radote alors que c'est pas du tout le même livre. Ça n'a rien à voir, mais j'ai peur que les gens se disent... Enfin, j'ai peur. Je me suis dit que les gens vont se dire « Oh là là, elle nous emmerde avec sa mère » . Mais non, je ne radote pas parce que je vais toujours un peu plus...

  • Speaker #0

    Oui, oui, différemment.

  • Speaker #1

    Différemment, etc. Non, je ne pense pas ça, mais j'anticipe toujours que les gens vont détester ce que je fais. C'est vrai, c'est comme ça. Non,

  • Speaker #0

    parce que ça marche plutôt bien. Celui-là,

  • Speaker #1

    oui. Celui-là, oui.

  • Speaker #0

    Et en plus, le fait de radoter, c'est une qualité. Chez un écrivain, Patrick Modiano, écrit toujours le même livre, sur le même univers, avec le même charme. Marguerite Duras radotait sur son amant de la Chine du Nord, qui d'ailleurs était un pédophile, au passage, parce qu'il avait 30 ans et elle 14 ou 15. Bref, le radotage est une qualité, n'ayez pas peur de radoter. C'est aussi un livre sur le fait d'être mère à son tour. Ça, vous en parlez beaucoup. Comment faire pour être mère ? Est-ce que vous êtes sûr d'être moins folle que la vôtre ? Non, je suis sûre d'être aussi folle que la mienne en miroir, en miroir inversé. Mais mes enfants ont tout compris, contrairement à moi qui n'étais pas une enfant très gaie. Mes enfants le sont très gaie. Peut-être que c'est contrebalancé par le fait que, justement, vous en parliez tout à l'heure, je ne prends pas de drogue, etc. Mais sinon, non, je ne suis pas du tout une mère sécurisante. que même si c'est ça que je voudrais leur leur donner à une impression de sécurité un socle des horaires stricts et c'est un jeu je suis finalement ça je pense que ça les angoisse terriblement m et puis en plus mais il s'est fait le rassurer moi ils vont pas dans les mêmes directions que votre mère ils sont sages ils sont ils sont formidables à merveilleux pour combiner mais je suis rassuré e j'ai

  • Speaker #1

    eu dans cette émission un jeu la devine des citations elle n'a pas pour les jeux Je sais. Vous n'avez ni les surprises, ni les jeux, ni rien d'ailleurs. Mais je vous lis des phrases tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit cette phrase. C'est un exercice de mémoire. Alors vas-y, super. Il y avait tant de monde qu'on ne connaissait pas à notre mariage. On est parti avant la fin.

  • Speaker #0

    Ça, c'est rien de grave.

  • Speaker #1

    2004.

  • Speaker #0

    2004.

  • Speaker #1

    Et je sais parce que j'y étais moi à ce mariage. C'était chez Castel. Il y avait une grande fête. Les deux mariés, c'était ceux que personne ne connaissait.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    C'est très étrange quand même. C'est une situation étrange. Est-ce que vous ne pensez pas, avec le recul, que tout simplement, vous êtes mariés trop jeunes ? Et que le premier mariage, c'est absolu, mais finalement, vous étiez trop jeunes.

  • Speaker #0

    Trop jeunes, puis surtout, c'était un connard.

  • Speaker #1

    Ah non ! Voilà,

  • Speaker #0

    je le suis.

  • Speaker #1

    Je refuse d'entendre ça. Je l'ai reçu ici, il était très bien. Autre phrase de vous. Elle le croit vraiment que je suis sa mère. Elle ne sait pas que je suis cinglée, mauvaise, une catastrophe ambulante, un bloc de culpabilité, une punition.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est dans Mauvaise Fille, parce que c'est vrai que c'est très étrange d'avoir un enfant quand on a déjà du mal à s'occuper de soi. Et ça me faisait très très peur quand ma fille est née, d'être tout pour elle. C'est un affreux sentiment, je me suis dit mais je ne peux pas être tout pour elle, il faut. Heureusement d'ailleurs il y a un papa, il y a le grand-père, etc. Mais... Cet amour inconditionnel qu'elle me portait, je le voyais bien dès le départ, me terrifiait. Et qu'elle croit que j'étais sa mère, ça me terrifiait. Ça va mieux.

  • Speaker #1

    Et est-ce que la maternité vous a fait voir autrement votre enfance à vous ? Tout d'un coup, vous vous êtes rendu compte que vraiment c'était anormal ce que vous aviez vécu ?

  • Speaker #0

    Je me suis rendu compte que je n'avais jamais joué, par exemple. Quand mes enfants me disaient « viens, on joue maman, on joue » , je ne savais pas trop comment faire. Et je n'aimais pas tellement ça d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Donc ça, je n'ai jamais joué.

  • Speaker #1

    Tu avais joué au Uno ?

  • Speaker #0

    Oui, ça, j'ai beaucoup joué. En fait, je suis devenue enfant assez tard. J'ai commencé à boire en même temps que ma fille, donc assez récemment. Et ça m'a beaucoup libérée. J'ai une vie assez légère maintenant. Je ne dis pas que c'est grâce à l'alcool, mais que c'est plutôt grâce à la vieillesse et au fait que ça y est, le pli est pris. Les enfants de la bonne humeur et de l'obstination. et de l'envie d'être heureux.

  • Speaker #1

    Quand même, vous dites plusieurs fois dans celui-là que vous avez peur qu'ils grandissent. Est-ce qu'ils vont s'en aller ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas peur, c'est que je suis d'un égoïsme monstrueux et que je voudrais bien les garder dans des petites cages pour moi parce qu'ils m'ont fait du bien. C'est affreux de dire ça, mais ils m'ont fait du bien et j'ai peur comme toutes les mères du jour où ils vont partir et ne plus avoir besoin de moi. Et en même temps, je l'anticipe et en même temps, j'en rêve.

  • Speaker #1

    Et vous n'avez pas peur du moment où l'un d'eux va écrire un livre sur vous ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que vraiment, ce n'est pas du tout leur truc. Ils vont peut-être faire des films pour moi. Que ce sera peut-être comme ma mère. J'accepterai du bout des lèvres de commenter. Et puis, je serai très flattée finalement. Et puis,

  • Speaker #1

    voilà. C'est une question que je voulais vous poser d'ailleurs. Comment elle avait réagi ? Parce qu'elle était toujours vivante au moment du rendez-vous en 1995. Ce qui était peut-être le plus dur de vos livres sur elle.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Vous étiez dans un café à la Sorbonne. Vous attendiez votre mère pendant tout le livre. Elle ne venait pas. Comment elle avait réagi ?

  • Speaker #0

    Elle avait réagi, elle m'avait donné des conseils grammaticaux,

  • Speaker #1

    des petites complications,

  • Speaker #0

    des fautes d'orthographe, parce qu'elle était comme ça en même temps aussi. Mais j'ai pris ça pour une autorisation d'écrire sur elle. Et puis après, je ne sais pas si... Je ne sais pas, je pense qu'elle aurait été contente. Elle aurait été fière. Elle a vu que... Elle a lu que le rendez-vous, mais je pense qu'elle aurait été contente.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous.

  • Speaker #0

    Allez.

  • Speaker #1

    Je suis une épouvante quand je pleure. Des vaisseaux qui éclatent dans le blanc des yeux. Le nez en chou-fleur. Des lentilles qui tombent, des hoquets, des suées, des plaques rouges sur les joues, un désastre, une flaque.

  • Speaker #0

    Ça c'est peut-être la gaieté alors. Oui, 2015,

  • Speaker #1

    vous avez tout bon depuis le début du jeu. J'ai lu cette phrase pour montrer, bien sûr l'autodérision, c'est une qualité, parce qu'il y a beaucoup d'auteurs qui se peignent, qui se mettent en valeur. Là, non. Mais surtout une écriture très fluide, avec beaucoup de virgules. Ça c'est très moderne, comme un torrent. Oui, quand on parle,

  • Speaker #0

    quoi. Après, c'est très retravaillé, mais j'aime bien écrire, donner l'illusion qu'on parle. Et puis, parfois, ça réussit, parfois pas. Là, je ne la trouve pas très bonne, cette phrase, par exemple. Si, moi,

  • Speaker #1

    je te souhaitais bien de terminer par un désastre, une plaque.

  • Speaker #0

    Une plaque, oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Ça, ça m'amuse beaucoup.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est écrit dans des carnets ? Vous prenez des notes dans des cahiers ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris sur mon téléphone, maintenant, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Non, pas tout le monde.

  • Speaker #0

    Non, vous avez incarné, vous ? Oui, je suis à l'ancienne. D'accord, d'accord. D'Age. Oui, oui. Non, moi, j'écris sur mon téléphone. Et puis après, voilà quoi.

  • Speaker #1

    Et vous arrivez après à construire, à coller un peu. Voilà, OK, d'accord. Encore de vous, je n'ai pas pu être une enfant et je ne sais pas être une adulte.

  • Speaker #0

    C'est quoi, être une adulte ?

  • Speaker #1

    C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier.

  • Speaker #1

    C'est dans Une drôle de peine, oui.

  • Speaker #0

    Vous voulez que je commente ou c'est juste pour ça ? Non,

  • Speaker #1

    je vois beaucoup de vos commentaires.

  • Speaker #0

    Bon, je ne sais pas, est-ce qu'une adulte... Vous voyez, je n'arrive même pas à vous regarder dans les yeux plus de deux secondes. Il y a un truc comme ça de... C'est vrai ? Peut-être, elles sont très grandes. Oui, c'est quoi être une adulte ? En tout cas, c'est être très responsable. Je ne sais pas tellement mon truc et j'ai abandonné du coup. Ce n'est pas très grave.

  • Speaker #1

    Moi, je pense que vous avez été adulte à trois ans. C'est ça le problème.

  • Speaker #0

    Si être adulte, c'est... Perdre un peu de son innocence, oui. Si on dit que l'enfance, c'est l'innocence, c'est sûr que je n'ai pas été très longtemps adulte. Mais être adulte...

  • Speaker #1

    Vous dormiez sur le palier, rue Caffette, vous dormiez sur le palier, à côté des poubelles.

  • Speaker #0

    Quand elle ne répondait pas ou quand elle n'était pas là, oui. Mais ce n'est pas être adulte, ça. C'est être SDF. Oui,

  • Speaker #1

    c'est être SDF. Mais non, si on élargit le propos, euh... Certains, comme Michel Houellebecq par exemple, disent qu'il n'y a plus d'adultes. Depuis les années 60, il n'y a plus d'adultes du tout, nulle part. En fait, nous sommes tous soit des enfants attardés, soit des adolescents qui refusent de vieillir.

  • Speaker #0

    C'est peut-être toujours été comme ça. Mais ça c'est vrai qu'on refuse de vieillir. Moi je refuse de vieillir, je refuse de mourir, je refuse tout. Je refuse tout en bloc. Mais je refuse le temps qui passe. Ouais, moi aussi. Mais après, je ne suis pas très bonne en analyse sociologique, etc. Vous avez l'air... C'est votre domaine, j'ai l'impression. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout.

  • Speaker #0

    Mais j'aime beaucoup Houellebecq et en effet, peut-être qu'il n'est pas vraiment adulte non plus. Parce qu'on peut considérer qu'il fait des bêtises. Voilà, il fait des bêtises.

  • Speaker #1

    Oui, oui, mais chez vous, quand même, le succès de vos livres, c'est aussi le succès d'un tableau d'une époque, qui est les années 70. où les femmes ont voulu se libérer et où elles se sont en fait aperçues que oui, c'était très bien d'être une femme libérée, mais qu'il y avait des dommages collatéraux et qui étaient souvent les enfants.

  • Speaker #0

    Je suis la fille de mon époque. C'est vrai que je suis née des espoirs et des délires et de la folie de cette époque-là. Comme vous, comme tous les gens de cette génération-là, on est nés de ça.

  • Speaker #1

    Je suis beaucoup plus vieux que vous.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Bon, enfant du siècle, quoi.

  • Speaker #1

    Autre phrase, c'est plus facile d'être vieille que d'être enfant, on attend moins de vous.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai hâte. En fait, j'ai peur de vieillir parce qu'on avance d'une case et qu'on va vers la mort. Mais finalement, quand on est vieux, on n'est pas obligé d'aller faire du pilates après l'interview pour rester en forme. On n'en a plus rien à foutre de rien. On peut donner des coups de canne dans la rue aux gens pour qu'ils vous laissent la place. À mon avis, c'est une autre forme de jeunesse qui a l'air géniale.

  • Speaker #1

    Et puis je pense que vous allez mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années.

  • Speaker #0

    Ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    Je vous ai vu hier soir au prix de flore, très en forme. Vous avez même souri une fois à 22h45. Une dernière phrase, Justine Lévy, de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci ? Je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    Ah ça c'est Le Rendez-vous. Mais il n'est pas très bon Le Rendez-vous. Je suis contente de l'avoir écrit, mais c'est un peu une longue dissertation. J'avais 20 ans. Je l'avais écrit pour plein de raisons, pour ma mère, etc. Et puis je l'avais aussi écrit parce que je voulais arrêter mes études et que mon père, un bon père, m'avait dit « Écoute, tu fais ce que tu veux, mais tu n'auras pas un sou, tu te débrouilles. » Et comme je ne savais rien faire, c'est un peu... C'est un peu prétentieux de dire ça. Mais donc je me suis mise à écrire et j'étais très contente d'avoir terminé ce livre. Ah j'ai mangé une gomme, merde.

  • Speaker #1

    Non mais ça va.

  • Speaker #0

    J'étais très contente de l'avoir terminé, c'est la première fois que je terminais quelque chose. Et j'étais rudement contente et puis je l'ai relu quelques années après et c'est pas très bon. Mais ça m'a donné confiance.

  • Speaker #1

    Moi j'aime bien cette phrase, je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    C'est ainsi que je te retrouve. Ça c'est terrible.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai ? Puisque vous continuez de parler d'elle et que vous continuez d'attendre toujours qu'elle arrive dans ce café où vous l'attendez.

  • Speaker #0

    Puis elle est vraiment beaucoup plus présente qu'avant. Elle est vraiment là tout le temps. Je n'ai jamais autant parlé d'elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que parler de ses parents quand ils ne sont plus là, c'est un moyen de les rendre toujours vivants. Moi, j'ai perdu non que mon père. Non que votre papa. Le questionnaire de Bec BD, un grand moment que...

  • Speaker #0

    Je n'ai pas révisé.

  • Speaker #1

    J'espère que si. Non mais ce n'est pas grave, vous répondez naturellement, avec le plus de mauvaise foi possible. Alors pourquoi un jeune devrait-il lire une drôle de peine plutôt que scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Moi je pense qu'il a raison de scroller sur TikTok, c'est beaucoup plus marrant.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    Des gratouilles dans le dos de mes enfants.

  • Speaker #1

    Peut-être un jour, il y aura des robots pour ça, mais pour l'instant...

  • Speaker #0

    D'ailleurs, oui, c'est vrai, je me suis acheté un robot génial, un massage de... enfin, c'est tellement pas glamour de pied, et c'est pas mal, c'est pas mal.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en écrivant votre livre qu'il ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Il ne serve à rien, les livres, ça ne sert à rien.

  • Speaker #1

    Si, ça peut émouvoir.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas le but, non, ça peut servir à soi-même, à apprendre des choses sur soi, balali, balala, et pour les... peut-être à se sentir compris, mais c'est rien ça.

  • Speaker #1

    Justine Lévy dit balali, balala.

  • Speaker #0

    On dit quoi ?

  • Speaker #1

    Vous êtes la seule au monde à dire ça. On dit patati, patata. Ah oui, patati, patata. Patati, patata. Oui, patati, patata. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense que c'est la plus grande des qualités gentilles en général dans la vie, parce que la gentillesse est généreuse, elle est belle, elle est émouvante, elle est intelligente. Il n'y a pas le méchant et toujours saut, quoi. Donc, mais en littérature, c'est une exception. Parce que sinon, c'est pas...

  • Speaker #1

    C'est chiant.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la folie ou la pauvreté ? Bon, la pauvreté dans votre cas...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous en savez ?

  • Speaker #1

    Non, j'en sais rien.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui me plaît le plus ? C'est n'importe quoi cette question.

  • Speaker #1

    Vous, par exemple, vous avez des enfants, vous avez une famille et tout, et quand vous écrivez, vous avez le droit d'être un peu seul, de vous idoler un peu dans tous les points.

  • Speaker #0

    Je le prends, et j'aime bien maintenant qu'ils sont quasiment adultes, ils ont 47 ans et...

  • Speaker #1

    Non, ils sont combien, 17 ?

  • Speaker #0

    20 ans et 16 ans. Et j'aime bien parce qu'ils me laissent partir avec soulagement, et je vais dans des hôtels avec mon ami Vanessa Schneider, on part toutes les deux et on va à Nice et on écrit, et le soir on se retrouve de plus en plus tôt pour boire un verre. Et ça, j'aime bien être écrivain dans ces cas-là. Comme ça, cette formule-là me plaît.

  • Speaker #1

    Ah oui, donc...

  • Speaker #0

    Avec une copine, dans un hôtel.

  • Speaker #1

    Ça rejoint la question suivante. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Donc quand vous buvez des coups avec une éteinte...

  • Speaker #0

    Après une bonne journée de travail. Non, mais j'ai vraiment commencé à boire à 45 ans.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ? Une perte de temps ?

  • Speaker #0

    En ce qui me concerne, c'est formidable. Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Est-ce que vous fantasmez sur Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ? Par exemple, il n'aurait pas vécu ce moment inouï.

  • Speaker #0

    Oui, mais ça va mieux maintenant. Il faut se chauffer un peu. Et c'est vrai que ça aurait été dommage.

  • Speaker #1

    Non, mais en général, vous n'aimez pas tellement ça.

  • Speaker #0

    Je n'aime pas ça, en vrai. Ah, c'est bon. Mais arrête.

  • Speaker #1

    J'adore mes sons, adorez ça, par exemple. Il y a des gens qui adorent ça.

  • Speaker #0

    On choisit chaque virgule, chaque... tout est un peu comme de l'acupuncture et tout et on vient redire en moins bien ce qu'on a passé des mois à écrire correctement et ça n'a aucun intérêt en fait ce qui est affreux c'est de paraphraser et on le fait quand même un roman doit-il réparer le monde ? c'est prétentieux un peu quand même les miens en tout cas non ils répareraient je ne suis pas très bonne vendeuse

  • Speaker #1

    Non, mais pas du tout.

  • Speaker #0

    Non, il ne répare rien.

  • Speaker #1

    Les gens qui achètent des livres en espérant être réparés, il faut qu'ils achètent des livres de développement personnel.

  • Speaker #0

    Puis qu'ils prennent un peu de Prozac et tout ça.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le chef-d'œuvre que j'ai lu qui m'a le plus...

  • Speaker #1

    Votre chef-d'œuvre à vous, de vous.

  • Speaker #0

    Mon chef-d'œuvre à moi, de moi ? Je ne sais pas. Non, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Et êtes-vous une ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    Je déteste les gens qui disent les ouin-ouin, les ouin-ouin. Je croyais que c'était des faux gens. Moi, je croyais que c'était des... Comment on appelle ça ? Des bottes ?

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Personne n'est ouin-ouin.

  • Speaker #0

    Peut-être.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oh là là, vos formules. Il n'y a pas de but à la littérature. Ça sert à mettre de l'ordre dans le désordre. Ça, c'est vrai. Et puis, sans se faire prendre, si, on se fait prendre. Parce qu'il n'y a pas une vérité. Donc, bien sûr qu'on se fait prendre. Et c'est le jeu. Et c'est gay aussi. Moi, j'aime bien me faire reprendre. J'aime bien me faire reprendre.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    J'hésite entre Houellebecq et Carrère. Je les aime tous les deux.

  • Speaker #1

    Vous allez vous faire engueuler par votre père à la maison. Enfin, c'est votre réponse. Si vous étiez très riche, cesseriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. La phrase de vous dont vous êtes le plus fière, la plus fière ?

  • Speaker #0

    Je suis ce que maman a fait de mieux. Et pourtant, c'est dans mon premier roman que je n'aime pas tellement. Mais cette phrase-là, je suis contente. C'est là que je me suis dit, oh là là, bon allez, j'y vais.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, c'est bien. La question Faranée de 451, imaginez un monde où les livres sont interdits et brûlés, lequel apprendriez-vous par cœur pour le retenir ?

  • Speaker #0

    Je lirai pour la première fois la Bible et puis je l'apprendrai par cœur. Je crois que c'est un magnifique roman d'aventure, mais il paraît, je ne l'ai pas lu moi.

  • Speaker #1

    C'est du boulot quand même d'apprendre par cœur la Bible.

  • Speaker #0

    Oui, mais du coup ça retarde le...

  • Speaker #1

    Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Le mien, rien de grave, ça m'a sauvé la vie.

  • Speaker #1

    Vous étiez au bord du suicide ?

  • Speaker #0

    Non, pas du suicide, mais j'étais au bord, c'est pas une vie, une vie dans laquelle on est malheureux, on est complètement dépossédé de soi et on n'est pas soi et c'est pas une vie. Donc ça m'a sauvé de cette vie-là qui n'est pas une vie, de la non-vie, ça m'a sauvé de la non-vie, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Présentement ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je dirais 8 ans tel que je les fantasme.

  • Speaker #1

    Et enfin, y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ?

  • Speaker #0

    Peut-être La Gaîté, justement, parce que là, pour le coup, je parlais de dommages collatéraux. Peut-être que j'ai écrit des choses que je regrette un petit peu d'avoir, de ne pas avoir coupé au montage, comme on dit quand on est François Truffaut, ce qui est pas mon gars.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien La Gaîté. Moi,

  • Speaker #0

    je sais, vous l'aviez écrit, mais il m'avait fait rudement plaisir.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Justine Lévy, d'être venue, vous voyez, finalement, parler tranquille. Justine avait très peur. Je ne vois pas de raison d'avoir peur ici, franchement. Vous voyez que je relance la mode de la pochette dans la veste. Alors, n'hésitez pas à donner votre avis. Est-ce qu'il faut avoir une pochette ou pas ? Et est-ce qu'elle doit être coordonnée avec la cravate ? Voilà, ici, on aborde les vrais sujets. Bonsoir. C'est bon.

Description

Je remercie Justine Lévy pour sa douceur angoissée et sa franchise timide. Elle a écrit un livre sans la moindre rancune : "Une drôle de peine" (Stock). Elle aurait pu en vouloir à sa mère de ne pas l'avoir élevée "normalement". Au contraire, elle décrit une époque bizarre et une enfance originale avec un léger fatalisme qui est une belle preuve d'élégance.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir amis de la littérature de luxe. Ce soir je reçois un écrivain que j'apprécie particulièrement, Justine Lévy. Bonsoir. Vous publiez Une drôle de peine, chez Stock, et on retrouve dans ce livre, comme dans les six autres, votre style doux, amer, votre façon humoristique de raconter des choses très tristes, et... Alors j'aimerais savoir pourquoi c'est déjà le troisième livre sur votre mère.

  • Speaker #1

    C'est pas le troisième ?

  • Speaker #0

    Mais si.

  • Speaker #1

    Non, Le Rendez-vous, Rien de grave, c'était aussi sur ma mère, même si c'était pas le sujet principal. C'était aussi sur ma mère. Après, Il y a eu Mauvaise fille, sur ma mère, ça fait trois. La Gaîté, sur ma mère, ça fait quatre. C'est vraiment... Après, un petit livre que j'ai adoré, qui est mon livre préféré, c'est Flammarion, qui était des légendes de photos. On avait retrouvé des photos de mal, il fallait les légender. Ça parlait des mères. Après, Antonin Artaud. Ça parlait de la mère. Voilà, la mère d'Artaud. Et puis, là.

  • Speaker #0

    Donc, ça fait sept livres sur votre mère. Vous avez raison, pardon, d'avoir un petit peu sous-estimé votre œuvre. Mais alors, zéro livre sur votre père. Pourtant, c'est un bon sujet aussi, ce type en chemise blanche qui sauve le monde.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas un bon sujet, parce qu'il a un très bon père. Je n'ai rien à lui reprocher. Pas en colère contre lui, je l'aime.

  • Speaker #0

    Il faut de la colère pour écrire ?

  • Speaker #1

    Oui, il faut de la colère, il faut un peu de rancœur, il faut même un tout petit peu peut-être de mauvais espoir, il faut des mauvais sentiments, ça c'est sûr. J'en ai pas tant que ça d'ailleurs, en fait, mais j'en ai pas du tout à l'égard de mon père, donc sauf ça, ça n'intéresserait personne.

  • Speaker #0

    Ou alors vous attendez qu'il meure comme moi j'ai fait avec le mien, et là vous serez plus libre de dire toute la vérité.

  • Speaker #1

    Là je vais quitter le restaurant. Parce que je vais pleurer.

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai lu tous les livres de la rentrée sur les mers et le vôtre est le plus trash. Ça, ça me fait plaisir. Ça vous fait plaisir ? Oui, ça me fait plaisir. Parce que j'ai regardé aussi les émissions où vous étiez invité et je vous trouve très élogieuse avec Isabelle d'Outre-Ligne. Vous êtes extrêmement aimable avec elle. Mais sans doute êtes-vous plus aimable à l'oral qu'à l'écrit. C'est quelque chose qui est un phénomène fréquent. Quand on écrit, on est peut-être plus sévère. que quand on parle.

  • Speaker #1

    Non mais je ne suis pas sévère, je suis pas sévère, j'ai raconté les choses. Donc j'ai raconté si c'était à hauteur d'enfant, j'ai raconté l'appartement sans porte parce qu'il fallait que tout circule, les corps, les envies, les drogues, etc. J'ai raconté sans me cacher, sans par avant, mais je ne suis pas sévère. Non, non, je ne suis pas sévère, j'ai raconté les choses telles qu'elles... Je ne sais pas si c'est telles qu'elles étaient, mais telles que je m'en souviens.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    c'est ma vérité.

  • Speaker #0

    Il y avait un appartement très sale. Vous dites beaucoup qu'il était sale, cet appartement. Maintenant, vous êtes obsédée par la propreté, du coup.

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, mais pas tellement obsédée par la propreté. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Non, je ne suis pas tellement hygiéniste. C'est vrai que c'est un courant, l'hygiénisme. Ce n'est pas tellement mon truc, non.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous décrivez un endroit qui était orange, avec des seringues qui traînent.

  • Speaker #1

    Ça, ce n'est pas sale. ça c'était C'était ma vie, oui, quand j'étais petite et je trouvais ça... Je ne sais pas si je trouvais ça normal ou pas, mais c'était la normalité. Je pense que j'avais conscience qu'il y avait quelque chose qui était un peu bizarre. Mais oui, j'avais confiance. J'avais confiance parce qu'à l'école, je me rendais bien compte qu'à l'école, ce n'était pas tout à fait pareil. Ma mère m'accompagnait parfois avec sa maîtresse... Violaine. Violaine, oui, je cherchais le nom que je lui ai donné dans le roman. Et je me souviens du regard de la directrice quand on était en retard, quand je m'étais habillée moi-même, sur la dégaine que j'avais, je me souviens de choses comme ça, des petits indices.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est vrai que quand on écrit des choses intimes, les journalistes vous posent des questions embarrassantes. C'est comme ça. Donc, je suis désolé, je vais insister. Est-ce que ça vous embête de lire un extrait ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Vous êtes... Alors, ce n'est pas sévère, mais vous faites un constat. sur ce que c'était que cette enfance. Parce que c'est pas une enfance banale. J'ai encerclé.

  • Speaker #1

    Ouais, je vois. Je sais pas qui a dit que l'enfance est un pays dont on aura toujours la nostalgie et blablabla, c'est n'importe quoi. Y'a pas d'enfance perdue, manquée et retrouvée. Y'a pas d'enfance du tout. Y'a des petites personnes, pas terminées, limitées, négligeables et négligées. Des trucs dans lesquelles on se prend les pieds, qu'on oublie, qu'on éduque pas. Elles vont bien d'une manière ou d'une autre devenir ce qu'elles sont. Elle va pousser toute seule, Justine, comme ces poulains tremblotant sur leurs pattes à peine nées mais déjà debout, déjà presque autonomes et qui n'emmerdent pas les chevaux adultes. Oui, à la fin des années 70, elles l'ont bien compris, maman, Viollaine et leurs copines, après tous ces siècles de temps perdus, gâchés et volés aux femmes qui ont autre chose à faire que de pondre et d'élever leurs marmots, l'éducation est un concept ringard. C'est pas sévère ça.

  • Speaker #0

    Mais c'est un constat sociologique. Il y a eu beaucoup de parents, comme on peut dire, déficients, absents, toxiques, dans les années 70.

  • Speaker #1

    C'est pas toxique. C'est plutôt défaillant, des parents pas très faits pour être parents, ou des parents qui se sont trompés un peu. Enfin, dans l'éducation, obéissaient à des règles bizarres, et puis qui changeaient tout le temps, et qui étaient renouvelées en permanence, et ça donnait un peu le tournis.

  • Speaker #0

    Mais vous trouviez ça rigolo ou pénible à l'époque, quand vous aviez 5 ans ?

  • Speaker #1

    Évidemment pas du tout rigolo. Je n'ai pas tellement de photos, moi, rigolant d'ailleurs. J'en ai cherché pour un jour des magazines, ils m'ont demandé des photos de moi enfant. J'ai plutôt l'air assez contrarié. Enfin peut-être parce que je n'aime pas être prise en photo aussi déjà. Non, ce n'est pas un constat sociologique, mais on est un peu de la même génération.

  • Speaker #0

    Oui, mais moi, les appartements n'étaient pas sales. J'avais moins de seringues par terre, mais oui, j'ai vécu des choses que peut-être les enfants ne doivent pas vivre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'ils doivent vivre le contraire ? Est-ce qu'ils doivent vivre un truc aseptisé, avec des parents sur leur dos en permanence, avec des corsetés de règles ? Je ne sais pas non plus.

  • Speaker #0

    Ça c'est intéressant, parce que là vous êtes en train de parler de vous tout d'un coup. Vous dites que vous faites le contraire de votre mère, que vous êtes presque étouffante avec vos enfants, très attentive, peut-être trop. Comme le sont beaucoup les parents aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, donc ça peut-être que c'est sociologique aussi. Après, je n'ai pas tellement de hauteur. C'est vrai que je suis assez sur mon nombril quand même. Mais peut-être que ça correspond à ce que les gens ont vécu aussi. Mais non, je sais qu'essayer d'être une trop bonne mère, c'est rater aussi. C'est être une très mauvaise mère aussi dans l'autre sens. Donc, ce n'est pas une bonne idée tout le temps de se regarder être une mère ou un père. C'est marrant.

  • Speaker #0

    Je continue à vous embarrasser en citant votre livre. Vous dites que quand même la vie de votre mère fut un désastre bref. Elle est morte à 54 ans d'un cancer. Et bon, elle était toxico, bisexuelle. Ça, c'est pas désastreux ça. Non.

  • Speaker #1

    Toxico et bisexuelle, c'est pas désastreux.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas des qualités non plus. Mais c'est pas ça qui fait qu'une vie est brève. et minuscule ou glorieuse. Ce qui fait qu'elle est brève et minuscule et glorieuse à la fois, c'est quand on la rate. Moi, je savais qu'elle allait dans des impasses. Je savais que... Quand elle prenait un chemin plus glorieux, je savais que quelque chose en elle allait faire qu'elle allait se perdre et entraîner les gens avec elle. Oui.

  • Speaker #0

    À propos d'entraîner les gens avec elle, un soir, vous gobez des pilules qui traînent. Vous avez quasiment failli mourir, elles vous ont récupéré dans votre vomi, enfin c'est spectaculaire.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous lisez comme ça, c'est trash. Mais oui c'est trash ! C'est pas comme ça que je le raconte, je trouve que c'est pas comme ça que je le raconte. Puis c'est pas elle qui me les a mis, contrairement à sa mère, elle avait une mère vraiment pour le coup toxique, ma mère dont je parle dans le livre, qui l'a initiée à la drogue par le biais des médicaments qu'on donnait dans les années, c'est les années quoi ?

  • Speaker #0

    60 je crois ? 40 !

  • Speaker #1

    Ben non, pas elle.

  • Speaker #0

    Elle est née en quelle année ?

  • Speaker #1

    Elle est née en 50, donc dans les années 60.

  • Speaker #0

    Oui, 60, oui.

  • Speaker #1

    Ah, je suis nulle en...

  • Speaker #0

    Non, non, mais ce n'est pas grave. Oui, oui, c'est les années 60, 5. Oui,

  • Speaker #1

    donc ma mère ne m'a pas donné ces médicaments.

  • Speaker #0

    Volontairement, mais...

  • Speaker #1

    Volontairement du tout. Ils étaient là dans le panier près du lit, comme moi j'ai des médicaments dans mon panier près du lit et mes enfants ne se servent pas. Donc, voilà, il y a un terrain...

  • Speaker #0

    Il y a aussi cette scène quand même... Alors, pardon, je vous rappelle vos souvenirs. C'est dans le livre. où elle vous oublie Gare du Nord et après quelques heures, elle revient, Violaine et votre mère, complètement bourrées, pour vous chercher, tout d'un coup, et se souviennent que vous existez.

  • Speaker #1

    Oui, il y a aussi des moments heureux, que je raconte aussi. En fait, elle est devenue une très bonne mère, ma mère, quand elle est tombée malade.

  • Speaker #0

    Il y avait aussi d'autres moments.

  • Speaker #1

    Après, il y a eu des bons moments. Oui, à la fin,

  • Speaker #0

    quand elle était malade, parce que là, vous vous êtes rapprochés, vous vous occupiez d'elle.

  • Speaker #1

    Non, elle s'occupait de moi aussi beaucoup. Quand j'ai été charnobilisée par un chagrin d'amour dans les années, je ne sais plus combien, il y a une bonne vingtaine d'années, elle était là, elle me faisait à manger, elle m'épluchait des légumes, elle voulait me soigner avec des omégas, je ne sais quoi, dans le poisson. Et tout à coup, elle a été une très bonne mère. Et un peu tard, mais...

  • Speaker #0

    Vous dites que c'était un mannequin révolutionnaire. C'est une sorte d'oxymoron.

  • Speaker #1

    Non, je n'ai pas dit ça.

  • Speaker #0

    C'est quoi mannequin révolutionnaire ? C'est qu'elle était à la fois très belle et elle travaillait dans ce métier. Et en même temps, c'était tout le temps un militantisme pour la révolution, changer le monde.

  • Speaker #1

    Elle aurait pu être un grand mannequin. Elle n'était pas un grand mannequin. Non, d'ailleurs, elle n'était pas un bon mannequin. Elle était mannequin. Mais elle n'en tirait aucune gloire. Elle savait très bien qu'il n'y avait absolument rien, qu'il n'y avait pas de quoi se vanter, que c'était quand même être un objet de désir, etc. Donc à la fois, elle se révoltait contre ce statut et en même temps, elle l'acceptait. Elle était pleine d'ambivalence, comme toujours, et comme tout ce qu'elle faisait. Mais en tout cas, elle n'en tirait aucune fierté. Et puis de temps en temps, elle se barrait des studios photos parce qu'elle décidait que le type l'avait regardé bizarrement ou que les... Les vêtements ne lui semblaient pas beaux, ou que je ne sais quoi, ou que c'était trop bourgeois, ou que la coiffure... Elle n'a pas été un grand mannequin pour ça, elle n'avait pas cette docilité-là.

  • Speaker #0

    Je vous définis un peu comme la Sagan des familles recomposées, c'est-à-dire que Sagan écrivait beaucoup sur des bourgeois qui tombaient amoureux, qui se trompaient. Vous, c'est plutôt sur des bourgeois qui se quittent, qui divorcent. Il y a à la fois le divorce de vos parents, mais aussi le vôtre, qui était dans rien de grave en 2004. Est-ce que vous aimez ce charme tragique de Sagan ?

  • Speaker #1

    Moi j'adore Sagan. J'avais interviewé Sagan quand je croyais que je voulais être journaliste, quand j'étais très jeune. Et c'était affreux parce qu'on était quand même deux grandes timides, enfin pas de la même manière. Elle c'était aussi un peu par flemme je pense. Et puis donc il y avait de grands silences et puis quelques onomatopées. Et puis c'était désastreux. Mais j'aime beaucoup, beaucoup ce qu'elle écrit. J'aime parce qu'elle n'a pas de... Elle ne prend pas la posture de l'écrivain. Je déteste la posture de l'écrivain. Mais ça, j'aime bien. Et puis... Oui.

  • Speaker #0

    Et puis surtout, vous parlez d'un milieu favorisé, sans culpabilité ou avec de la culpabilité, mais en assumant quand même que ces personnages vivent dans le confort. Et ça ne les empêche pas d'avoir des problèmes graves. Mais c'est vrai, ça, ça me plaît. On est chez la Pérouse, alors. C'est vrai. C'est vrai.

  • Speaker #1

    Oui, je ne vais pas inventer. Enfin, je ne vais pas inventer si je suis romancière. Donc, c'est fou ce que je viens de dire. Mais je ne vais pas... Ce n'est pas mon genre d'inventer des fractures et des malheurs. Il suffit de se baisser. Il n'y a pas besoin de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et puis, vous n'inventez pas parce que vous parlez beaucoup de votre vie, de votre famille et de votre vie. C'est arrivé une fois que vous sortiez de cet exercice avec... Son fils en 2024 sur la mère d'Antonin Artaud votre seul roman non autobiographique est-ce que c'était plus difficile comme boulot ? Déjà il a fallu vous documenter Ah ouais,

  • Speaker #1

    non déjà je pouvais pas autant je peux me permettre de délirer un tout petit peu sur mes amis parce qu'ils sont gentils, autant sur Antonin Artaud je sais qu'il y a des exégètes qui sont vraiment, qui étaient prêts à me tirer dessus à tous les coins de rue déjà que, et le donc j'ai vraiment fait très attention ... Et puis, c'est le livre dont je suis le plus contente. C'est le livre dans lequel je parle le plus de ma mère, finalement, avec ses vérités, comme vous dites, justement. Ah, c'est bien. Donc,

  • Speaker #0

    il a fallu écrire sur quelqu'un d'autre. Oui, bon, comme tout. Pour être plus libre. C'est toujours comme ça. Mais oui, c'est le... Pardon de dire des banalités. Mais bon,

  • Speaker #1

    voilà, c'est un peu matos, mais c'est comme ça. Mais ça n'a pas marché du tout. J'étais vexée comme un pouls. Personne ne l'a lu. Bah si,

  • Speaker #0

    vous voyez.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Il y a quand même des lecteurs, ça travaille ici. Il y a eu aussi la gaieté. Alors la gaieté, c'était sur la maternité, l'espoir, la résilience, un peu ce mot affreux que tout le monde emploie en ce moment, mais en fait qui veut juste dire remonter la pente. Et c'était... Oui, ça aussi, c'est un livre assez étonnant, paradoxal de dire la gaieté sur une couverture de livre. Pour vous, c'est surprenant.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un livre que j'aime tellement. C'est un livre que j'ai un peu bâclé. C'est un livre que j'ai un peu écrit pour un peu rapidement peut-être. Et ce n'est pas le livre que je conseille. Là, par exemple, on va à Brive, enfin on va dans tous les salons littéraires. J'aime bien, comme tout le monde, c'est agréable de rencontrer les gens et qu'ils vous parlent de leurs histoires, etc. Mais je ne conseille pas la gaieté aux gens. Parfois même, je le cache. Bon, c'est des prescriptions. On demande un peu de quoi vous avez revu, malheureux, rire, etc. Rire, il n'y a pas tellement, mais quel genre de malheur vous voulez lire ? Et je cache la gaieté.

  • Speaker #0

    Bonjour, quel genre de malheur ? Je peux vous retenir le prince, la mère toxique, qu'est-ce que vous voulez ?

  • Speaker #1

    C'est pour votre fille, pour votre mère.

  • Speaker #0

    Quand est-ce que vous avez senti que vous aviez trouvé votre voix, V-O-I-X, un peu entre, mettons, Ernaud et Sagan, c'est-à-dire parler de soi, dire jeu, mais avec auto-ironie ?

  • Speaker #1

    là le dernier c'est vraiment que là ? oui le dernier c'est celui que ouais c'est celui dont je suis contente voilà je sais pas si j'ai trouvé ma voix

  • Speaker #0

    A voix,

  • Speaker #1

    mais ça prend... Après, je ne sais pas si je vais écrire d'autres livres non plus, mais bon, là, je suis contente. On verra bien.

  • Speaker #0

    Vous avez lu Dorothy Parker ? Non. Lisez Dorothy Parker, parce que c'est vraiment ça. C'est-à-dire qu'elle parle toujours de ses problèmes avec les hommes, avec la vie, avec l'alcool, et avec beaucoup, beaucoup d'humour. Ça va beaucoup vous plaire. Ce qui vous caractérise aussi, et qui vous fait trancher avec l'époque, c'est le refus de la victimisation. votre enfance vous auriez pu en faire quelque chose d'épouvantable or vous regardez avec une distance avec une tranquillité des événements très traumatisant voyez on vous voit jamais vous plaindre ah bon vous avez l'impression que vous vous lamentez en permanence ouais ah ah c'est vrai non c'est vrai bah tant mieux par exemple je donne un exemple vous dites j'étais un cheveu sur la soupe de quelqu'un d'autre Ça, c'est de l'élégance de dire ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu plaintif quand même. C'est un peu, je suis un petit grain de couscous. C'est un peu, voilà. Mais non, je ne sais pas. Il n'y a pas de grande vertu à se plaindre ou à ne pas se plaindre. Il n'y a pas de grande vertu dans la pudeur non plus. Tout ça, ça ne me concerne pas tellement. J'écris les choses comme elles sont. Je fais juste un tout petit peu gaffe aux dégâts collatéraux. Par pouvoir, c'est-à-dire les enfants. mon amoureux, les amis, les quelques amis qui me restent, etc. Je fais attention. Mais sinon...

  • Speaker #0

    Les autres en prennent pour leur grade. Oui,

  • Speaker #1

    enfin...

  • Speaker #0

    Non, non d'ailleurs. Mais je ne sais pas si c'est aussi par peur du ridicule, justement, parce que...

  • Speaker #1

    Je n'ai pas peur du ridicule, moi.

  • Speaker #0

    C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Oui. Pourquoi ? Vous allez demander quoi ?

  • Speaker #0

    Le côté problème de riche. Vous pourriez avoir peur de ça. Voilà.

  • Speaker #1

    J'ai des problèmes de riche, ça je sais. Non mais c'est le cas, c'est vrai. C'est un luxe absolu de faire des dépressions, d'aller dans des endroits pour se reposer, d'avoir le temps, d'avoir des problèmes, etc. C'est un luxe inouï, mais je n'ai pas besoin de m'étaler sur le fait que c'est un luxe inouï, ça va de soi.

  • Speaker #0

    Et puis on souffre quand même, on souffre quand même quand on est obligé de se rendre des annales. Oui,

  • Speaker #1

    on souffre un peu moins que quand en plus on se tue à la mine. Des enfants braves, bon. Des enfants affamés.

  • Speaker #0

    Voilà. Est-ce que, alors, puisqu'on y est, allons dans la question tabou. Est-ce qu'être la fille de BHL, ça a plus d'avantages ou d'inconvénients ?

  • Speaker #1

    D'avantages, je pense. Encore une fois, je ne sais pas bien, parce que je ne le connais pas bien, BHL. Vous me disiez tout à l'heure, la chemise blanche, c'est... J'en ai une aussi. Voilà. Plutôt des avantages, parce que... Parce que d'abord, il est un très bon père. Il a été une très bonne mère pour moi aussi. Il a toujours été là, même au bout du monde. C'est un socle. Donc, c'est plutôt merveilleux. C'est plutôt une chance. Un avantage, oui, parce qu'il est immensément cultivé. Parce que, bon, vous voyez...

  • Speaker #0

    Oui, mais parfois, par exemple, quand vous êtes sur des listes de prix et que vous ne l'obtenez pas, peut-être qu'on vous fait payer le fait d'être la fille de cet écrivain célèbre. C'est possible. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je ne crois pas trop à toutes ces histoires de magouilles. Les gens disent les prix. Il y a quand même souvent des très bons livres qui sont récompensés. Moi, j'étais très contente d'être dans la dernière liste du Renaudot. Et la plupart des gens qui étaient sur la dernière liste du Renaudot étaient mes camarades. Il y avait...

  • Speaker #0

    Il y avait trois femmes,

  • Speaker #1

    Anne Bérest,

  • Speaker #0

    Adélaïde de Clermont-Tonnerre, que j'ai reçues ici d'ailleurs, Adélaïde et vous-même, et c'était, je crois, très bon livre.

  • Speaker #1

    Après, est-ce qu'on me fait payer des trucs ? Oui, mais ça c'est la vie.

  • Speaker #0

    Vous avez vraiment été interviewer tous les proches de votre mère, c'est-à-dire son frère par exemple, dans sa clinique. Quand même, il y a eu des dégâts de ce côté-là de votre famille. Ah ben non,

  • Speaker #1

    mais c'est vrai que c'est une famille, comment on l'appelle ça ? Vous disiez résiliente. Dysfonctionnelle. Voilà, c'est une famille dysfonctionnelle, ce mot horrible aussi. C'est une famille comme toutes les familles, mais quand on commence à enquêter, on se dit, oh là là, il y a quand même des sacrés morceaux. Et je suis allée, comme c'est une enquête ce livre-là, je suis allée, je ne sais pas, interviewer. Je suis allée rencontrer mon oncle maternel, que j'avais vu deux fois dans ma vie, une fois à l'enterrement de ma mère, et puis un peu avant, quand ma mère avait décidé de le faire sortir de sa clinique pour lui acheter une doudoune. Et voilà, je suis allée le voir dans une maison de repos dans laquelle il vit depuis toujours. Et je pensais apprendre des choses sur ma mère. Je ne sais pas ce que j'ai appris, mais je n'ai rien appris. Mais j'y suis allée.

  • Speaker #0

    Ce qui est fou, c'est que d'ailleurs tous les gens avec lesquels vous avez pris contact en voulant en savoir plus sur votre mère n'avaient rien. Même Bernard-Henri Lévy vous dit, bon, va voir un tel, va voir un tel, il n'y a pas vraiment de réponse. Et cette ex-petite amie qui vit en Indonésie, qui s'appelle Violaine, aujourd'hui elle a 78 ans, elle carrément, elle vous traite de salope. C'est pas très sympathique.

  • Speaker #1

    Ça m'a pas donné tellement envie d'aller la rejoindre en Indonésie pour aller plus loin. Mais non, puis il y a toujours un moment où j'aurais pu savoir des choses, mais j'y vais, je passe mon temps. à me dire je vais résoudre, je vais comprendre, je vais savoir qui elle était. Et puis au dernier moment, je recule le trois cases. Et un peu comme c'est le cas avec Violaine, j'avais la possibilité d'aller la voir en Indonésie. Et j'ai tout fait pour qu'elle m'insulte et que ça ne se passe pas. En fait, je n'ai peut-être pas envie de savoir. Peut-être qu'il ne faut pas savoir les choses.

  • Speaker #0

    Si vous avez écrit sept livres, c'est que franchement, ça reste un mystère probablement. Oui. Alors il y en aura d'autres ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il y aura d'autres livres. Mais s'il y en a d'autres, ils seront toujours sur ma mère. C'est un gisement inépuisable.

  • Speaker #0

    Et puis alors, j'ai l'impression que ce qui vous gênait le plus dans cette enfance décalée, c'est la nudité. Et c'est vrai qu'à l'époque, les gens se baladaient beaucoup à poil, beaucoup de naturistes et tout, et ça, franchement, ça vous dégoûtait.

  • Speaker #1

    À hauteur d'enfant, c'est vrai, vous êtes malveillé. Oui, je me souviens des... Des sexes sursuites des parents de ma mère et de sa compagne dans les années 70, c'est quelque chose qui m'a marquée et qui ne me plaît pas spécialement. Je n'aime pas les gens qui se baladent tout nus. Moi, ça me fait rougir quand je me croise devant un tiroir. Je n'aime pas ça et je n'écrirai jamais. C'est une scène de sexe. De sexe, je n'écrirai jamais. De toute façon, ça me fait rigoler. Ça me gêne, quoi.

  • Speaker #0

    C'est difficile, en tout cas, de les réutiliser. Maintenant,

  • Speaker #1

    il paraît que c'est très difficile.

  • Speaker #0

    Très difficile. Vous n'avez pas non plus basculé dans l'addiction ? Je ne crois pas. Bon, un peu de pétard, des clopes, des antidépresseurs.

  • Speaker #1

    J'étais jeune, oui, un petit peu, mais pas évidemment rien qui s'injecte. Je ne leur ai pas dû dire cette phrase.

  • Speaker #0

    Ni coke, ni héroïque, ni en pétamine. En pétamine, oui.

  • Speaker #1

    Beaucoup, quand j'étais très jeune. Parce qu'on ne savait pas vraiment que c'était des amphétamines. Je les prenais comme... J'avais piqué celle de mon père, il en prenait beaucoup pour travailler. Sauf que lui a su s'arrêter à temps. Et puis moi, j'en prenais un, deux, trois, dix. Et puis ça ne me faisait rien. J'attendais, j'attendais et puis rien. Et puis heureusement, c'est interdit à la vente. Non ? Enfin, il y a la ritaline, il paraît. Mais c'est... Enfin bref, j'ai vieilli, je ne prends plus de... Non,

  • Speaker #0

    il faut faire attention en plus. parce que François Nourricier par exemple il prenait beaucoup de Je crois, le Cap-Tagon, qui est la drogue des djihadistes, il a eu la maladie de Parkinson. Donc ça donne quand même, oui, sans doute à cause de ça. Donc ne faites pas ça chez vous. Et alors j'ai pensé, c'est marrant, j'ai pensé à ça, personne ne vous l'a dit, votre enfance, c'est absolument fabuleuse. Vous connaissez la série ? Oui,

  • Speaker #1

    mais non, n'importe quoi !

  • Speaker #0

    Je vous dis, la série, il y a Patsy et Edina, qui sont deux femmes, deux copines, qui vivent ensemble et qui élèvent une fille qui s'appelle Saffron. Et Saffron, c'est vous ! C'est-à-dire qu'elle veut être le contraire. Elles, c'est des fêtardes, elles sont droguées, elles sont alcooliques, et la fille est hyper sérieuse, raisonnable, et au petit-déjeuner, elle veut... pour qu'elle veut manger ses céréales et pas qu'on lui raconte des histoires.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je me souviens de la fille de Patsy et Machinette. Patsy et Edina. Mais en revanche, Patsy et Edina ne sont pas du tout ma mère et Violaine parce qu'elles sont immondes. Alors que ma mère, parlons peu, parlons bien, ça n'a rien à voir.

  • Speaker #0

    C'était des canons.

  • Speaker #1

    C'était des canons, oui. Non, mais ça, ce n'est pas la seule chose. C'est pas ça. Elles étaient romanesques, elles étaient plus du côté de... Je ne sais pas moi, de Georges Bataille que de Prada. C'est Prada ? Ouais.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, elles sont un peu obsédées par la mode disons. D'accord. Surtout l'une des deux, mais j'ai oublié laquelle. Je vais lire votre dédicace parce que votre dédicace me fait beaucoup rire pour Frédéric. Tu les as tous lus et tu vas trouver que je radote encore le même roman, mais comme, je n'arrive pas à lire, comme je crois. que tu les aimes bien, je t'embrasse. Vous trouvez que vous radotez ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai peur que les gens pensent que je radote alors que c'est pas du tout le même livre. Ça n'a rien à voir, mais j'ai peur que les gens se disent... Enfin, j'ai peur. Je me suis dit que les gens vont se dire « Oh là là, elle nous emmerde avec sa mère » . Mais non, je ne radote pas parce que je vais toujours un peu plus...

  • Speaker #0

    Oui, oui, différemment.

  • Speaker #1

    Différemment, etc. Non, je ne pense pas ça, mais j'anticipe toujours que les gens vont détester ce que je fais. C'est vrai, c'est comme ça. Non,

  • Speaker #0

    parce que ça marche plutôt bien. Celui-là,

  • Speaker #1

    oui. Celui-là, oui.

  • Speaker #0

    Et en plus, le fait de radoter, c'est une qualité. Chez un écrivain, Patrick Modiano, écrit toujours le même livre, sur le même univers, avec le même charme. Marguerite Duras radotait sur son amant de la Chine du Nord, qui d'ailleurs était un pédophile, au passage, parce qu'il avait 30 ans et elle 14 ou 15. Bref, le radotage est une qualité, n'ayez pas peur de radoter. C'est aussi un livre sur le fait d'être mère à son tour. Ça, vous en parlez beaucoup. Comment faire pour être mère ? Est-ce que vous êtes sûr d'être moins folle que la vôtre ? Non, je suis sûre d'être aussi folle que la mienne en miroir, en miroir inversé. Mais mes enfants ont tout compris, contrairement à moi qui n'étais pas une enfant très gaie. Mes enfants le sont très gaie. Peut-être que c'est contrebalancé par le fait que, justement, vous en parliez tout à l'heure, je ne prends pas de drogue, etc. Mais sinon, non, je ne suis pas du tout une mère sécurisante. que même si c'est ça que je voudrais leur leur donner à une impression de sécurité un socle des horaires stricts et c'est un jeu je suis finalement ça je pense que ça les angoisse terriblement m et puis en plus mais il s'est fait le rassurer moi ils vont pas dans les mêmes directions que votre mère ils sont sages ils sont ils sont formidables à merveilleux pour combiner mais je suis rassuré e j'ai

  • Speaker #1

    eu dans cette émission un jeu la devine des citations elle n'a pas pour les jeux Je sais. Vous n'avez ni les surprises, ni les jeux, ni rien d'ailleurs. Mais je vous lis des phrases tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit cette phrase. C'est un exercice de mémoire. Alors vas-y, super. Il y avait tant de monde qu'on ne connaissait pas à notre mariage. On est parti avant la fin.

  • Speaker #0

    Ça, c'est rien de grave.

  • Speaker #1

    2004.

  • Speaker #0

    2004.

  • Speaker #1

    Et je sais parce que j'y étais moi à ce mariage. C'était chez Castel. Il y avait une grande fête. Les deux mariés, c'était ceux que personne ne connaissait.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    C'est très étrange quand même. C'est une situation étrange. Est-ce que vous ne pensez pas, avec le recul, que tout simplement, vous êtes mariés trop jeunes ? Et que le premier mariage, c'est absolu, mais finalement, vous étiez trop jeunes.

  • Speaker #0

    Trop jeunes, puis surtout, c'était un connard.

  • Speaker #1

    Ah non ! Voilà,

  • Speaker #0

    je le suis.

  • Speaker #1

    Je refuse d'entendre ça. Je l'ai reçu ici, il était très bien. Autre phrase de vous. Elle le croit vraiment que je suis sa mère. Elle ne sait pas que je suis cinglée, mauvaise, une catastrophe ambulante, un bloc de culpabilité, une punition.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est dans Mauvaise Fille, parce que c'est vrai que c'est très étrange d'avoir un enfant quand on a déjà du mal à s'occuper de soi. Et ça me faisait très très peur quand ma fille est née, d'être tout pour elle. C'est un affreux sentiment, je me suis dit mais je ne peux pas être tout pour elle, il faut. Heureusement d'ailleurs il y a un papa, il y a le grand-père, etc. Mais... Cet amour inconditionnel qu'elle me portait, je le voyais bien dès le départ, me terrifiait. Et qu'elle croit que j'étais sa mère, ça me terrifiait. Ça va mieux.

  • Speaker #1

    Et est-ce que la maternité vous a fait voir autrement votre enfance à vous ? Tout d'un coup, vous vous êtes rendu compte que vraiment c'était anormal ce que vous aviez vécu ?

  • Speaker #0

    Je me suis rendu compte que je n'avais jamais joué, par exemple. Quand mes enfants me disaient « viens, on joue maman, on joue » , je ne savais pas trop comment faire. Et je n'aimais pas tellement ça d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Donc ça, je n'ai jamais joué.

  • Speaker #1

    Tu avais joué au Uno ?

  • Speaker #0

    Oui, ça, j'ai beaucoup joué. En fait, je suis devenue enfant assez tard. J'ai commencé à boire en même temps que ma fille, donc assez récemment. Et ça m'a beaucoup libérée. J'ai une vie assez légère maintenant. Je ne dis pas que c'est grâce à l'alcool, mais que c'est plutôt grâce à la vieillesse et au fait que ça y est, le pli est pris. Les enfants de la bonne humeur et de l'obstination. et de l'envie d'être heureux.

  • Speaker #1

    Quand même, vous dites plusieurs fois dans celui-là que vous avez peur qu'ils grandissent. Est-ce qu'ils vont s'en aller ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas peur, c'est que je suis d'un égoïsme monstrueux et que je voudrais bien les garder dans des petites cages pour moi parce qu'ils m'ont fait du bien. C'est affreux de dire ça, mais ils m'ont fait du bien et j'ai peur comme toutes les mères du jour où ils vont partir et ne plus avoir besoin de moi. Et en même temps, je l'anticipe et en même temps, j'en rêve.

  • Speaker #1

    Et vous n'avez pas peur du moment où l'un d'eux va écrire un livre sur vous ?

  • Speaker #0

    Alors je pense que vraiment, ce n'est pas du tout leur truc. Ils vont peut-être faire des films pour moi. Que ce sera peut-être comme ma mère. J'accepterai du bout des lèvres de commenter. Et puis, je serai très flattée finalement. Et puis,

  • Speaker #1

    voilà. C'est une question que je voulais vous poser d'ailleurs. Comment elle avait réagi ? Parce qu'elle était toujours vivante au moment du rendez-vous en 1995. Ce qui était peut-être le plus dur de vos livres sur elle.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Vous étiez dans un café à la Sorbonne. Vous attendiez votre mère pendant tout le livre. Elle ne venait pas. Comment elle avait réagi ?

  • Speaker #0

    Elle avait réagi, elle m'avait donné des conseils grammaticaux,

  • Speaker #1

    des petites complications,

  • Speaker #0

    des fautes d'orthographe, parce qu'elle était comme ça en même temps aussi. Mais j'ai pris ça pour une autorisation d'écrire sur elle. Et puis après, je ne sais pas si... Je ne sais pas, je pense qu'elle aurait été contente. Elle aurait été fière. Elle a vu que... Elle a lu que le rendez-vous, mais je pense qu'elle aurait été contente.

  • Speaker #1

    Autre phrase de vous.

  • Speaker #0

    Allez.

  • Speaker #1

    Je suis une épouvante quand je pleure. Des vaisseaux qui éclatent dans le blanc des yeux. Le nez en chou-fleur. Des lentilles qui tombent, des hoquets, des suées, des plaques rouges sur les joues, un désastre, une flaque.

  • Speaker #0

    Ça c'est peut-être la gaieté alors. Oui, 2015,

  • Speaker #1

    vous avez tout bon depuis le début du jeu. J'ai lu cette phrase pour montrer, bien sûr l'autodérision, c'est une qualité, parce qu'il y a beaucoup d'auteurs qui se peignent, qui se mettent en valeur. Là, non. Mais surtout une écriture très fluide, avec beaucoup de virgules. Ça c'est très moderne, comme un torrent. Oui, quand on parle,

  • Speaker #0

    quoi. Après, c'est très retravaillé, mais j'aime bien écrire, donner l'illusion qu'on parle. Et puis, parfois, ça réussit, parfois pas. Là, je ne la trouve pas très bonne, cette phrase, par exemple. Si, moi,

  • Speaker #1

    je te souhaitais bien de terminer par un désastre, une plaque.

  • Speaker #0

    Une plaque, oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Ça, ça m'amuse beaucoup.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est écrit dans des carnets ? Vous prenez des notes dans des cahiers ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris sur mon téléphone, maintenant, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Non, pas tout le monde.

  • Speaker #0

    Non, vous avez incarné, vous ? Oui, je suis à l'ancienne. D'accord, d'accord. D'Age. Oui, oui. Non, moi, j'écris sur mon téléphone. Et puis après, voilà quoi.

  • Speaker #1

    Et vous arrivez après à construire, à coller un peu. Voilà, OK, d'accord. Encore de vous, je n'ai pas pu être une enfant et je ne sais pas être une adulte.

  • Speaker #0

    C'est quoi, être une adulte ?

  • Speaker #1

    C'est dans quel livre ?

  • Speaker #0

    C'est dans le dernier.

  • Speaker #1

    C'est dans Une drôle de peine, oui.

  • Speaker #0

    Vous voulez que je commente ou c'est juste pour ça ? Non,

  • Speaker #1

    je vois beaucoup de vos commentaires.

  • Speaker #0

    Bon, je ne sais pas, est-ce qu'une adulte... Vous voyez, je n'arrive même pas à vous regarder dans les yeux plus de deux secondes. Il y a un truc comme ça de... C'est vrai ? Peut-être, elles sont très grandes. Oui, c'est quoi être une adulte ? En tout cas, c'est être très responsable. Je ne sais pas tellement mon truc et j'ai abandonné du coup. Ce n'est pas très grave.

  • Speaker #1

    Moi, je pense que vous avez été adulte à trois ans. C'est ça le problème.

  • Speaker #0

    Si être adulte, c'est... Perdre un peu de son innocence, oui. Si on dit que l'enfance, c'est l'innocence, c'est sûr que je n'ai pas été très longtemps adulte. Mais être adulte...

  • Speaker #1

    Vous dormiez sur le palier, rue Caffette, vous dormiez sur le palier, à côté des poubelles.

  • Speaker #0

    Quand elle ne répondait pas ou quand elle n'était pas là, oui. Mais ce n'est pas être adulte, ça. C'est être SDF. Oui,

  • Speaker #1

    c'est être SDF. Mais non, si on élargit le propos, euh... Certains, comme Michel Houellebecq par exemple, disent qu'il n'y a plus d'adultes. Depuis les années 60, il n'y a plus d'adultes du tout, nulle part. En fait, nous sommes tous soit des enfants attardés, soit des adolescents qui refusent de vieillir.

  • Speaker #0

    C'est peut-être toujours été comme ça. Mais ça c'est vrai qu'on refuse de vieillir. Moi je refuse de vieillir, je refuse de mourir, je refuse tout. Je refuse tout en bloc. Mais je refuse le temps qui passe. Ouais, moi aussi. Mais après, je ne suis pas très bonne en analyse sociologique, etc. Vous avez l'air... C'est votre domaine, j'ai l'impression. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout.

  • Speaker #0

    Mais j'aime beaucoup Houellebecq et en effet, peut-être qu'il n'est pas vraiment adulte non plus. Parce qu'on peut considérer qu'il fait des bêtises. Voilà, il fait des bêtises.

  • Speaker #1

    Oui, oui, mais chez vous, quand même, le succès de vos livres, c'est aussi le succès d'un tableau d'une époque, qui est les années 70. où les femmes ont voulu se libérer et où elles se sont en fait aperçues que oui, c'était très bien d'être une femme libérée, mais qu'il y avait des dommages collatéraux et qui étaient souvent les enfants.

  • Speaker #0

    Je suis la fille de mon époque. C'est vrai que je suis née des espoirs et des délires et de la folie de cette époque-là. Comme vous, comme tous les gens de cette génération-là, on est nés de ça.

  • Speaker #1

    Je suis beaucoup plus vieux que vous.

  • Speaker #0

    Ah oui ? Bon, enfant du siècle, quoi.

  • Speaker #1

    Autre phrase, c'est plus facile d'être vieille que d'être enfant, on attend moins de vous.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai hâte. En fait, j'ai peur de vieillir parce qu'on avance d'une case et qu'on va vers la mort. Mais finalement, quand on est vieux, on n'est pas obligé d'aller faire du pilates après l'interview pour rester en forme. On n'en a plus rien à foutre de rien. On peut donner des coups de canne dans la rue aux gens pour qu'ils vous laissent la place. À mon avis, c'est une autre forme de jeunesse qui a l'air géniale.

  • Speaker #1

    Et puis je pense que vous allez mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années.

  • Speaker #0

    Ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    Je vous ai vu hier soir au prix de flore, très en forme. Vous avez même souri une fois à 22h45. Une dernière phrase, Justine Lévy, de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci ? Je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    Ah ça c'est Le Rendez-vous. Mais il n'est pas très bon Le Rendez-vous. Je suis contente de l'avoir écrit, mais c'est un peu une longue dissertation. J'avais 20 ans. Je l'avais écrit pour plein de raisons, pour ma mère, etc. Et puis je l'avais aussi écrit parce que je voulais arrêter mes études et que mon père, un bon père, m'avait dit « Écoute, tu fais ce que tu veux, mais tu n'auras pas un sou, tu te débrouilles. » Et comme je ne savais rien faire, c'est un peu... C'est un peu prétentieux de dire ça. Mais donc je me suis mise à écrire et j'étais très contente d'avoir terminé ce livre. Ah j'ai mangé une gomme, merde.

  • Speaker #1

    Non mais ça va.

  • Speaker #0

    J'étais très contente de l'avoir terminé, c'est la première fois que je terminais quelque chose. Et j'étais rudement contente et puis je l'ai relu quelques années après et c'est pas très bon. Mais ça m'a donné confiance.

  • Speaker #1

    Moi j'aime bien cette phrase, je t'attendrai toujours.

  • Speaker #0

    C'est ainsi que je te retrouve. Ça c'est terrible.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai ? Puisque vous continuez de parler d'elle et que vous continuez d'attendre toujours qu'elle arrive dans ce café où vous l'attendez.

  • Speaker #0

    Puis elle est vraiment beaucoup plus présente qu'avant. Elle est vraiment là tout le temps. Je n'ai jamais autant parlé d'elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que parler de ses parents quand ils ne sont plus là, c'est un moyen de les rendre toujours vivants. Moi, j'ai perdu non que mon père. Non que votre papa. Le questionnaire de Bec BD, un grand moment que...

  • Speaker #0

    Je n'ai pas révisé.

  • Speaker #1

    J'espère que si. Non mais ce n'est pas grave, vous répondez naturellement, avec le plus de mauvaise foi possible. Alors pourquoi un jeune devrait-il lire une drôle de peine plutôt que scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Moi je pense qu'il a raison de scroller sur TikTok, c'est beaucoup plus marrant.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire ChatGPT ?

  • Speaker #0

    Des gratouilles dans le dos de mes enfants.

  • Speaker #1

    Peut-être un jour, il y aura des robots pour ça, mais pour l'instant...

  • Speaker #0

    D'ailleurs, oui, c'est vrai, je me suis acheté un robot génial, un massage de... enfin, c'est tellement pas glamour de pied, et c'est pas mal, c'est pas mal.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en écrivant votre livre qu'il ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Il ne serve à rien, les livres, ça ne sert à rien.

  • Speaker #1

    Si, ça peut émouvoir.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas le but, non, ça peut servir à soi-même, à apprendre des choses sur soi, balali, balala, et pour les... peut-être à se sentir compris, mais c'est rien ça.

  • Speaker #1

    Justine Lévy dit balali, balala.

  • Speaker #0

    On dit quoi ?

  • Speaker #1

    Vous êtes la seule au monde à dire ça. On dit patati, patata. Ah oui, patati, patata. Patati, patata. Oui, patati, patata. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense que c'est la plus grande des qualités gentilles en général dans la vie, parce que la gentillesse est généreuse, elle est belle, elle est émouvante, elle est intelligente. Il n'y a pas le méchant et toujours saut, quoi. Donc, mais en littérature, c'est une exception. Parce que sinon, c'est pas...

  • Speaker #1

    C'est chiant.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la folie ou la pauvreté ? Bon, la pauvreté dans votre cas...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous en savez ?

  • Speaker #1

    Non, j'en sais rien.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui me plaît le plus ? C'est n'importe quoi cette question.

  • Speaker #1

    Vous, par exemple, vous avez des enfants, vous avez une famille et tout, et quand vous écrivez, vous avez le droit d'être un peu seul, de vous idoler un peu dans tous les points.

  • Speaker #0

    Je le prends, et j'aime bien maintenant qu'ils sont quasiment adultes, ils ont 47 ans et...

  • Speaker #1

    Non, ils sont combien, 17 ?

  • Speaker #0

    20 ans et 16 ans. Et j'aime bien parce qu'ils me laissent partir avec soulagement, et je vais dans des hôtels avec mon ami Vanessa Schneider, on part toutes les deux et on va à Nice et on écrit, et le soir on se retrouve de plus en plus tôt pour boire un verre. Et ça, j'aime bien être écrivain dans ces cas-là. Comme ça, cette formule-là me plaît.

  • Speaker #1

    Ah oui, donc...

  • Speaker #0

    Avec une copine, dans un hôtel.

  • Speaker #1

    Ça rejoint la question suivante. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Donc quand vous buvez des coups avec une éteinte...

  • Speaker #0

    Après une bonne journée de travail. Non, mais j'ai vraiment commencé à boire à 45 ans.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ? Une perte de temps ?

  • Speaker #0

    En ce qui me concerne, c'est formidable. Oui,

  • Speaker #1

    c'est vrai. Est-ce que vous fantasmez sur Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ? Par exemple, il n'aurait pas vécu ce moment inouï.

  • Speaker #0

    Oui, mais ça va mieux maintenant. Il faut se chauffer un peu. Et c'est vrai que ça aurait été dommage.

  • Speaker #1

    Non, mais en général, vous n'aimez pas tellement ça.

  • Speaker #0

    Je n'aime pas ça, en vrai. Ah, c'est bon. Mais arrête.

  • Speaker #1

    J'adore mes sons, adorez ça, par exemple. Il y a des gens qui adorent ça.

  • Speaker #0

    On choisit chaque virgule, chaque... tout est un peu comme de l'acupuncture et tout et on vient redire en moins bien ce qu'on a passé des mois à écrire correctement et ça n'a aucun intérêt en fait ce qui est affreux c'est de paraphraser et on le fait quand même un roman doit-il réparer le monde ? c'est prétentieux un peu quand même les miens en tout cas non ils répareraient je ne suis pas très bonne vendeuse

  • Speaker #1

    Non, mais pas du tout.

  • Speaker #0

    Non, il ne répare rien.

  • Speaker #1

    Les gens qui achètent des livres en espérant être réparés, il faut qu'ils achètent des livres de développement personnel.

  • Speaker #0

    Puis qu'ils prennent un peu de Prozac et tout ça.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le chef-d'œuvre que j'ai lu qui m'a le plus...

  • Speaker #1

    Votre chef-d'œuvre à vous, de vous.

  • Speaker #0

    Mon chef-d'œuvre à moi, de moi ? Je ne sais pas. Non, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Et êtes-vous une ouin-ouin ?

  • Speaker #0

    Je déteste les gens qui disent les ouin-ouin, les ouin-ouin. Je croyais que c'était des faux gens. Moi, je croyais que c'était des... Comment on appelle ça ? Des bottes ?

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Personne n'est ouin-ouin.

  • Speaker #0

    Peut-être.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Oh là là, vos formules. Il n'y a pas de but à la littérature. Ça sert à mettre de l'ordre dans le désordre. Ça, c'est vrai. Et puis, sans se faire prendre, si, on se fait prendre. Parce qu'il n'y a pas une vérité. Donc, bien sûr qu'on se fait prendre. Et c'est le jeu. Et c'est gay aussi. Moi, j'aime bien me faire reprendre. J'aime bien me faire reprendre.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    J'hésite entre Houellebecq et Carrère. Je les aime tous les deux.

  • Speaker #1

    Vous allez vous faire engueuler par votre père à la maison. Enfin, c'est votre réponse. Si vous étiez très riche, cesseriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. La phrase de vous dont vous êtes le plus fière, la plus fière ?

  • Speaker #0

    Je suis ce que maman a fait de mieux. Et pourtant, c'est dans mon premier roman que je n'aime pas tellement. Mais cette phrase-là, je suis contente. C'est là que je me suis dit, oh là là, bon allez, j'y vais.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, c'est bien. La question Faranée de 451, imaginez un monde où les livres sont interdits et brûlés, lequel apprendriez-vous par cœur pour le retenir ?

  • Speaker #0

    Je lirai pour la première fois la Bible et puis je l'apprendrai par cœur. Je crois que c'est un magnifique roman d'aventure, mais il paraît, je ne l'ai pas lu moi.

  • Speaker #1

    C'est du boulot quand même d'apprendre par cœur la Bible.

  • Speaker #0

    Oui, mais du coup ça retarde le...

  • Speaker #1

    Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Le mien, rien de grave, ça m'a sauvé la vie.

  • Speaker #1

    Vous étiez au bord du suicide ?

  • Speaker #0

    Non, pas du suicide, mais j'étais au bord, c'est pas une vie, une vie dans laquelle on est malheureux, on est complètement dépossédé de soi et on n'est pas soi et c'est pas une vie. Donc ça m'a sauvé de cette vie-là qui n'est pas une vie, de la non-vie, ça m'a sauvé de la non-vie, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Quel est votre âge mental ?

  • Speaker #0

    Présentement ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je dirais 8 ans tel que je les fantasme.

  • Speaker #1

    Et enfin, y a-t-il un de vos livres que vous regrettez d'avoir écrit ?

  • Speaker #0

    Peut-être La Gaîté, justement, parce que là, pour le coup, je parlais de dommages collatéraux. Peut-être que j'ai écrit des choses que je regrette un petit peu d'avoir, de ne pas avoir coupé au montage, comme on dit quand on est François Truffaut, ce qui est pas mon gars.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien La Gaîté. Moi,

  • Speaker #0

    je sais, vous l'aviez écrit, mais il m'avait fait rudement plaisir.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Justine Lévy, d'être venue, vous voyez, finalement, parler tranquille. Justine avait très peur. Je ne vois pas de raison d'avoir peur ici, franchement. Vous voyez que je relance la mode de la pochette dans la veste. Alors, n'hésitez pas à donner votre avis. Est-ce qu'il faut avoir une pochette ou pas ? Et est-ce qu'elle doit être coordonnée avec la cravate ? Voilà, ici, on aborde les vrais sujets. Bonsoir. C'est bon.

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