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MICHEL ONFRAY : "JE SUIS INTERDIT DE SERVICE PUBLIC DEPUIS DIX ANS." cover
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Conversations chez Lapérouse

MICHEL ONFRAY : "JE SUIS INTERDIT DE SERVICE PUBLIC DEPUIS DIX ANS."

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50min |12/12/2025
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50min |12/12/2025
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Description

Parler avec Michel Onfray de philosophie antique est un délice. Pédagogue hors pair, le penseur de Normandie est surtout un anarchiste depuis que sa mère l'a mis en internat à l'âge de 10 ans. Le premier tome de son "Histoire philosophique de l'Occident" est l'occasion de parler de Diogene, Démocrite, Heraclite et Parmenide, ses vieux camarades...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir, bienvenue chez La Pérouse. Cette semaine, nous sommes parrainés par les éditions Assouline, qui sont un peu l'équivalent littéraire du Père Noël. Et le cadeau de Noël idéal, c'est bien sûr ce livre, Biarritz Basque, dont j'ai l'honneur d'avoir écrit le texte. Il y a des images magnifiques de la côte basque, de Biarritz, des surfeuses, des chipirons, des couchers de soleil. On a vraiment tout le pays. où vous devriez habiter, M. le Normand, Michel Onfray, venez plus au sud-ouest, descendez plus bas.

  • Speaker #1

    Je peux pas te faire un message à M. et Mme Assouline, là, quand même ? Parce que s'ils veulent faire la même chose avec la Normandie, je suis leur repos. Ah,

  • Speaker #0

    voilà, très bonne idée.

  • Speaker #1

    Mais bon, j'irai.

  • Speaker #0

    C'est le joyeux Noël. Bonsoir, Michel Onfray, je suis très heureux de vous re-recevoir, parce que vous étiez déjà venu il y a quelques années, dans Conversations chez la Pérouse. Mais première question, pourquoi êtes-vous boycotté par certains médias ? C'est vrai, là c'est un projet immense d'écrire une histoire philosophique de l'Occident, en commençant bien sûr par l'antiquité gréco-romaine. Et en quoi est-ce un problème de vous recevoir par exemple sur France Inter ou France 2 ou je ne sais quoi ?

  • Speaker #1

    Alors là vous me posez une question à laquelle je n'ai pas de réponse parce que je ne sais pas. Vraiment, je constate simplement que je suis interdit de service public. Enfin, ici ou là, on a pu m'inviter une fois sur France Inter pour me demander de parler des huîtres dans l'émission de François-Régis Godin. C'est arrivé. Donc on pourrait dire, mais de quoi vous plaignez-vous ? Vous avez été invité une fois ici et une autre fois là. Donc deux ou trois fois, il y a eu des gens qui ont pris quelques risques et qui m'ont laissé la parole, mais je ne sais pas pourquoi. Non, vraiment, je ne sais pas pourquoi. Alors, est-ce que c'est parce que j'ai écrit des choses désagréables sur M. Macron ? Est-ce que c'est parce que je... Je dis des choses désagréables sur l'Europe. Je pense que ça, c'est... Il y a quand même des gens, je ne dirai leur nom, mais il y a quand même des gens qui ont des émissions depuis 30 ans sur le service public à France Culture, qui ont dit des choses un peu terribles, qui ont compté le nombre de Noirs dans l'équipe de France de football, qui ont toujours pignon sur rue à France Culture. Moi, j'ai été viré du jour au lendemain, alors que les diffusions de mon cours d'université populaire faisaient un million de podcasts. Oui, oui. Paul-Yves Poivre d'Arvore qui m'avait donné cette information. Donc non, vraiment, je n'ai pas d'explication. Sauf peut-être pour faire plaisir au prince.

  • Speaker #0

    Oui, il vous en veut encore pour un pamphlet ?

  • Speaker #1

    Ah non, même pas, parce que le pamphlet est arrivé après. C'est-à-dire qu'en 2017 ou 2018, je crois, il fait savoir, c'est Sylvain Fort, sa plume, qui le fait savoir au journal du dimanche, le Parisien reprend l'information, que mon influence sur le récit national est trop importante, ce qui exagère un peu mon importance. Mais qu'il a donc dépêché une cohorte d'intellectuels pour lutter contre ce récit national. Et il a donné deux noms d'ailleurs, de gens qui sont morts depuis, Michel Serres et Pierre Nora, en disant il faut lutter contre Michel Onfray. Et quelques mois plus tard, la diffusion de mon cours à France Culture est supprimée. J'ai juste un texto de Sandrine Trenner, qui à l'époque était la patronne, qui est envoyé à Frémaux, qui est mon éditeur sonore à l'époque. Moi, je n'ai jamais eu de contact avec elle. Elle a juste dit par la suite qu'elle était obligée d'annuler mon émission parce qu'elle n'arrivait pas à me joindre. Tout le monde comprend que quand on a aujourd'hui des téléphones portables, mon épouse qui elle aussi avait été en relation avec tous ces gens-là, il y avait des numéros de téléphone, il y avait des adresses nettes, et personne ne peut croire que j'étais injoignable. Et que, en fait, de mon injoignabilité, on ait pu me virer.

  • Speaker #0

    En tout cas, on est heureux de vous recevoir sur le regard télé et chez La Pérouse, dans Conversation, qui est une émission libre et qui est sur toutes les plateformes. Et par conséquent, voilà, j'espère qu'on rattrape cette censure. C'est le mot que je cherchais. Donc, c'est une histoire philosophique de l'Occident qui commence par déambuler dans les ruines des philosophes de l'Antiquité. C'est d'ailleurs assez intéressant parce que les ruines... vous en parlez, c'est-à-dire que c'est un moyen, le fait de voir par exemple le Colisée à Rome ou de voir le Parthénon à Athènes, c'est un moyen justement de réactualiser ces penseurs-là puisqu'il reste quand même quelque chose en dehors de leurs écrits.

  • Speaker #1

    Oui, alors les ruines, ce sont des ruines philosophiques aussi, c'est-à-dire que Épicure par exemple a publié 300 livres, il nous reste trois lettres.

  • Speaker #0

    C'est incroyable !

  • Speaker #1

    Voilà, comme si vous aviez... C'est des papyrus, je crois. Oui, on en retrouve quelques-uns, que la nomme, puisque le Vésu va griller tout ça, calciner tout ça, et l'intelligence artificielle permet de développer virtuellement, et on va découvrir probablement des textes inédits, puisque c'était la ville d'Épison, que c'était un épicurien qui avait cette bibliothèque épicurienne, donc on va probablement découvrir des choses extraordinaires. Mais il nous reste très peu de choses, c'est-à-dire que quand vous avez trois lettres... dont deux sont consacrés à des choses, je ne vais pas dire inutiles, mais enfin la cosmogonie par exemple ou la physique. Donc juste une lettre à Ménécé qui est la lettre morale sur l'éthique, on se dit mais toute une résistance au christianisme s'est constituée sur quatre pages, cinq pages quoi. Donc oui ce sont des ruines, pendant que d'autres sont restés des monuments debout. Je veux dire tous les monuments qui sont Platon ou Aristote par exemple. Tous les gens qui sont compatibles avec le christianisme ont été préservés. Et tous les gens qui étaient susceptibles d'être des ennemis, des adversaires intellectuels du christianisme ont été détruits. Comme on a détruit les monuments. D'ailleurs, quand Constantin se convertit au christianisme, il détruit les temples. Et si vous allez à Rome aujourd'hui et que vous êtes devant l'arc de Constantin, il est fait de débris qui ont été prélevés sur les temples. Donc c'est pas que le temps qui a fait son office, c'est aussi la volonté humaine. Ce qu'on ne dit pas.

  • Speaker #0

    Donc vous faites ici, dans ce livre, ce que vous faites. le mieux, c'est-à-dire vulgariser la philosophie et c'est pas un mot dévalorisant, c'est de la pédagogie, comme dans votre Contre-Histoire de la Philosophie et comme à l'Université Populaire de Caen de 2002 à 2015 où vous aviez vraiment fait ce travail d'essayer d'apporter, d'expliquer, de simplifier mais de manière quand même exigeante l'histoire de la philosophie. D'où vous est venu ce goût Merci. Pour la pédagogie, parce que vous étiez prof ? Oui,

  • Speaker #1

    20 ans dans un lycée technique privé, ce que je souhaitais vraiment faire, parce que quand j'ai soutenu ma thèse, ma directrice de thèse qui était Mme Goyard m'a dit « Maintenant vous allez apprendre l'allemand en Suisse parce que vous êtes nul en allemand, l'anglais à Ottawa parce que vous êtes nul en anglais » , elle avait raison, et je le suis toujours. Et puis après vous reviendrez dans une fac française, puis après vous serez prof à la fac de Caen. Et donc, cette dame a été extrêmement importante pour moi. Je ne sais plus pourquoi je vous parle de Mme Goyard.

  • Speaker #0

    Parce que je vous demandais d'où venait ce goût pour le partage et la transmission.

  • Speaker #1

    Et elle, elle était très pédagogue, au sens noble du terme. C'est-à-dire que c'était de la philosophie politique et juridique. Elle prenait une thématique, souvent la loi, souvent le droit, et elle faisait des tranches. Le droit, elle l'adressait chez Hobbes, chez Kant, chez Locke, chez Nietzsche, je ne sais pas si tout le monde. Et je me disais, les livres importants, denses, compliqués, elle les transmet bien et on les comprend véritablement. Et puis Jacques Fagnon, qui a été mon vieux maître, alors lui, pour le coup, un maître de sagesse personnelle, et qui m'a enseigné la philosophie antique. Et quand il était à son bureau, il nous racontait comme si on y était. Donc on entendait les bruits de robes, on voyait les prostituées passer, on sentait quasiment l'odeur des foulons.

  • Speaker #0

    Il y a de ça dans des emulations dans les ruines. Vous rendez tous ces gens humains. C'est une grande qualité, franchement.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais, c'est que les humains puissent rencontrer d'autres humains. C'est-à-dire qu'un chauffeur de taxi, j'en vois de temps en temps qui me dit, ah, j'ai goûté vos cours, etc., puisse retrouver leur compte à un chapitre sur... Nous parlions, vous me disiez, moi, juste avant cette émission de Plotin. Ce n'est pas quelque chose que votre père disait. J'ai lu votre beau livre. Et ce n'est pas facile, Plotin. Et j'ai eu un cours sur Plotin par Jeff Fagnon, qui nous a dit un jour, bon, alors là, préparez-vous, ça va être le noyau dur. Je vais vous expliquer les hypostases, la dialectique ascendante. J'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Suivre seul vers l'un, c'est ça l'idée. Et qu'est-ce que ça signifie ? Il faut partir vers l'unité de l'âme et de l'univers.

  • Speaker #1

    Il y a un bien qui, en grec, peut être dit aussi le logos, c'est-à-dire la raison. En fait, c'est Dieu, c'est le Dieu d'avant les chrétiens. Et c'est un dieu qui n'est pas anthropomorphe. Il n'a pas une barbe comme vous, il n'a pas votre beauté, il n'a pas votre intelligence. Le dieu de Platon, c'est une espèce de puissance créatrice, c'est la puissance qui veut les puissances, etc. Et c'est situé hors le temps, hors l'espace. Et un platonicien, et Plotin était un néo-platonicien, nous dit, « Dépouillez-vous de tout ce qui vous embarrasse. Être sur Terre, le corps, les désirs, les passions, les pulsions. » la chair, etc. Débarrassez-vous de tout ça. Et il y a en vous quelque chose qui s'appelle l'âme, qui est immatérielle, qui est susceptible d'entrer en relation avec le principe immatériel du monde. C'est-à-dire que vous avez une ligne directe avec l'absolu, qui est votre âme. Donc laissez tomber tout ce qui est corporel, magnifiez votre âme, et votre âme, elle va grimper vers l'un bien. Et quand vous connaîtrez l'union, enfin quand vous aurez une union avec cet un bien, vous connaîtrez l'extase. Donc c'est une mystique, c'est une pensée mystique. Il l'a connu quatre fois dans son existence, alors qu'il a passé sa vie à ne pas boire, à ne pas manger, pas de sexualité, à ne pas laver son corps, à détruire son corps, à salir son corps.

  • Speaker #0

    L'idée de désirer la douleur, c'est quand même une phrase un peu masochiste.

  • Speaker #1

    Complètement. C'est Platon. Le corps nous entrave, l'âme nous sauve. Et si vous voulez vraiment sauver complètement votre âme, méprisez votre propre corps. Vous imaginez bien que le christianisme...

  • Speaker #0

    Vous ne l'avez pas vraiment mis en pratique parce que vous êtes plutôt un matérialiste hédoniste. Quand avez-vous... J'ai lu votre oeuvre.

  • Speaker #1

    Oui, non, moi je ne suis pas platonien, je ne suis pas platonicien. Je ne pense pas que ce soit la voie royale en philosophie de détester la seule vie que nous ayons à disposition.

  • Speaker #0

    Mais enfin, vous l'avez très bien expliqué. Donc, le projet...

  • Speaker #1

    C'est pédagogique pour que vous compreniez votre père.

  • Speaker #0

    Oui, merci, vous m'avez aidé à mieux comprendre mon père, pourquoi il voulait me fuir. Stolz, Berlin. Cette idée de toujours vouloir recommencer, recommencer à résumer toute l'histoire de la pensée. occidentale. D'où elle vous vient ? Pourquoi sans cesse ? Parce que vous l'avez déjà fait. Et là, vous repartez à zéro. Vous pensez, je ne sais pas, que la civilisation occidentale est menacée, qu'elle doit revenir aux sources ?

  • Speaker #1

    En 2002, j'ai créé l'Université Populaire de Caen parce que Jean-Marie Le Pen était présente au second tour des présidentielles et que je me suis dit, on peut descendre dans la rue en disant, le fascisme ne passera pas, ça ne suffit pas, c'est trop facile. de mettre les gens dans la douleur, dans la souffrance et dans la misère en défendant le capitalisme, le libéralisme, etc. Et puis de dire après, tous les gens qui disent on n'en peut plus, vous êtes juste des fascistes. Et j'ai créé à l'époque l'université populaire sur le principe de celle qui avait été créée au 19ème siècle, à l'époque de l'affaire Dreyfus. En disant l'ennemi c'est l'antisémitisme, c'est le pétinisme, c'est le vichisme, etc. Il se fait que cette université populaire a été détruite aussi bien par France Culture, Macron que le maire de Caen à l'époque. J'avais 1200 personnes à chacun de mes cours et du jour au lendemain on m'a dit il n'y a plus de place pour vous. Ça s'est arrêté en 2015 ? Oui je crois, je ne sais pas les souvenirs des dates. Et donc je me suis dit je vais refaire une université populaire parce qu'il y a à nouveau un danger, que le nouveau danger il est antisémite toujours et qu'il s'appelle Jean-Luc Mélenchon. Et qu'il faut lutter contre l'antisémitisme qui a pris la forme aujourd'hui de l'antisionisme. Et là j'avais un autre projet qui était de créer une université populaire dans mon village natal, Chamboy dans l'Orne. et je voulais là pour le coup essayer d'être un girondin c'est à dire de dire Dans un village comme ça, on peut refaire un café, un restaurant, une librairie, avec mon vieil ami d'école Giselin Gondouin qui vend des livres anciens dans notre village, qui fait 500 habitants, et puis de redynamiser le village. Il se fait que j'ai à nouveau rencontré des difficultés avec le maire, catholique, pratiquant, etc. qui lui ne m'a pas donné d'autorisation, de permis de construire, donc il n'y aura pas d'université populaire à Chamboy.

  • Speaker #0

    Mais il y a ce livre.

  • Speaker #1

    Et donc, comme je ne voulais pas être pris au dépourvu, je me suis dit, j'écris le cours. de cette université populaire qui n'aura pas lieu, et c'était effectivement le cours que je proposais, une histoire philosophique de l'Occident. Alors pour quelle raison ? Parce que moi, mon vieux maître Lucien Gerfagnon m'a sauvé, avec les idées, avec les livres, etc. D'où je venais, c'était quand même très improbable, et que je me proposais, non pas tant de sauver les gens, mais de leur dire, vous pouvez écouter de la philosophie, penser, discuter, débattre, vous faire un avis. par vous-même, parce que j'ai même vu qu'une historienne récemment disait que le judéo-christianisme était une imposture. Alors quand des professionnels de l'histoire nous disent que le judéo-christianisme est une imposture, l'heure est venue d'écrire l'histoire, non pas de cette imposture, mais de ce judéo-christianisme.

  • Speaker #0

    De toute façon, dès le début du livre, je vais vous demander de lire un extrait, on voit que vous expliquez que l'histoire de l'Occident, c'est une contradiction permanente. Il y a toujours d'un côté Apollon et de l'autre Dionysos. Alors. Je vous demande de lire ce passage parce que c'est assez vivant et on comprend bien que ce que vous cherchez, ce n'est pas à imposer une théorie, mais plutôt de décrire les choix qui s'offrent à nous.

  • Speaker #1

    Les tensions, bien sûr, les tensions, les combats, oui. Alors, le dualisme est aussi une forme dialectique occidentale majeure qui permet d'envisager le réel de façon contradictoire. Le vrai et le faux, le beau et le laid, la droite et la gauche, le haut et le bas, le noir et le blanc, le bien et le mal, l'homme et la femme, l'enfant et l'adulte, le sage et le fou. La raison et la déraison, l'Orient et l'Occident, le corps et l'âme, l'esprit et la chair, le jour et la nuit, la vie et la mort, la nature et la culture, la présence et l'absence, l'oral et l'écrit, l'ici et l'ailleurs, civilisé et sauvage, sujet et objet, le solide et le liquide, l'ici-bas et l'au-delà, le normal et le pathologique. Et puis un petit peu plus loin, d'un point de vue anatomique, ce sont deux yeux qui permettent la vision, deux narines qui permettent l'olfaction, deux oreilles qui permettent l'audition. Deux mains qui permettent la palpation de jambes, qui permettent la locomotion. Deux bras qui permettent l'appréhension. Deux poumons qui permettent la respiration. Deux testicules, la génération. Vous êtes au courant ? Deux hémisphères cérébraux, la cognition. Deux reins, la filtration. Deux ventricules du cœur, la circulation. Deux sphincters, la nutrition.

  • Speaker #0

    Tout va par deux. En fait, ce que vous défendez, c'est simplement le débat. Le débat des moutrages. Bien sûr. Et qu'on puisse s'engueuler, qu'on puisse discuter. sans se censurer les uns les autres quand on n'est pas d'accord.

  • Speaker #1

    C'est ça qui est terrible. Vous avez raison, c'est-à-dire de dire, j'ai un avis, vous en avez un autre, c'est pas le mien, qu'est-ce qui fait qu'on va se couper la gorge ? Vous n'êtes pas mon ennemi. Oui, voilà, l'adversaire, c'est celui avec lequel on doit pouvoir débattre en disant, moi je défends le jour, vous vous défendez la nuit, moi je défends la droite, vous vous défendez la gauche. Mais ça, c'est le vieux schéma français qui est le schéma de la guerre civile, c'est le schéma de la guerre des religions, c'est le schéma de la terreur. des Girondins, des Jacobins, c'est le schéma des monarchistes et des socialistes au XIXe siècle, c'est des pétinistes... De la haine, en fait. Oui.

  • Speaker #0

    L'élimination de la personne qui n'est pas d'accord. Absolument. Si on doit vous donner une étiquette, je sais que vous détestez ça, mais imaginons que vous aviez le choix, je vous en donne plusieurs, êtes-vous un humaniste, un conservateur, un hédoniste, un réactionnaire, un fasciste, un matérialiste, ou rien de tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, fasciste, je dirais. ça fait partie des insultes comme extrême droite etc.

  • Speaker #0

    on l'entend beaucoup, on vous dit ça pour vous disqualifier oui bien sûr,

  • Speaker #1

    pour ne pas lire, pour ne pas penser pour ne pas réfléchir, pour ne pas débattre aussi surtout si quelqu'un est d'extrême droite ou fasciste qu'est-ce que vous allez vouloir débattre avec quelqu'un qui est d'extrême droite si vous faites tout ce travail là,

  • Speaker #0

    c'est justement pour répondre à ça c'est à dire pour dire, moi je crois plutôt vous êtes plutôt comme Montaigne, un humaniste ou un honnête homme ... Oui,

  • Speaker #1

    ça se peut. Non mais moi je reste... Vous savez, il y a 17 ans j'ai découvert Proudhon et je suis toujours proudhonien. Et donc on ne me donne pas l'occasion de me demander pourquoi je l'étais, pourquoi je le suis toujours. Pourquoi êtes-vous proudhonien ? Mais parce que c'est une gauche anti-marxiste, une gauche anti-communiste, c'est une gauche anti-libérale, c'est une gauche qui propose des... solution concrète, vraiment, pas du tout de la théorie comme chez Marx.

  • Speaker #0

    Vous êtes un social-démocrate ? Beaucoup de lecteurs seront déçus.

  • Speaker #1

    Non, surtout pas social-démocrate. Les sociodémocrates sont des libéraux. Je ne suis pas libéral. Il y a ça de constant chez moi depuis toujours. Plutôt souverainiste de gauche.

  • Speaker #0

    Chevenement, par là ?

  • Speaker #1

    Chevenement, c'est compliqué. Lui-même se perd un peu. Le dernier chevenement se met à célébrer Macron. Ça devient difficile. Il nous dit qu'il n'est pas souverainiste. Il ne veut pas qu'on utilise le mot islamo-gauchiste. Bon, il y a eu plusieurs événements.

  • Speaker #0

    D'accord, mais en fait, vous êtes contre l'Europe tout en étant...

  • Speaker #1

    Contre l'Europe maastrichtienne. Social. Vous êtes social. Oui, c'est un minimum, c'est d'avoir le souci du peuple. Et de se dire, si la démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, ce que je crois, je suis ce démocrate-là. Celui qui dit demander au peuple. Alors populiste, disent aussi mes ennemis. Mais ça m'est assez égal. Je veux dire que moi, j'ai un... j'ai un cap dans ma vie qui est celui que m'a donné mon père qui était ouvrier agricole, qui n'est plus là. Et je ne plierai que sous le regard de mon père qui me dirait, ce n'est pas bien ce que tu fais. Et ce n'est pas bien ce que tu dis, ce n'est pas bien ta façon de te comporter, ou je ne sais quoi. Et le reste, je me moque qu'il y ait des double pages dans Libération, le monde, je ne sais quoi, qui traite de fasciste.

  • Speaker #0

    On a un peu de temps, on peut s'amuser à les passer en revue, les penseurs dont vous parlez, les présocratiques. Donc, par exemple, Héraclite. Héraclite, 500 ans avant Jésus-Christ. Il dit, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Alors, qu'est-ce que ça signifie exactement ?

  • Speaker #1

    Si vous dites, je me suis baigné dans la Seine, et bien il vous dit, et la deuxième fois c'était quand ? Et vous dites, hier, et puis aujourd'hui, il vous dira, c'est pas le même fleuve, c'est pas la même eau. Elle a changé l'identité de ce fleuve. Donc on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Parce que le temps passe. Parce que l'eau passe comme le temps passe et qu'on ne retrouve jamais ce qui a eu lieu la veille.

  • Speaker #0

    Et qu'on n'est plus le même soi-même.

  • Speaker #1

    Et qu'on n'est plus le même. Vous avez raison d'ajouter que ce qui aura transformé le fleuve nous aura transformé nous-mêmes. Donc c'est une pensée du flux. C'est une pensée du mouvement. Et Héraclite nous dit, voilà, tout change, tout bouge. Alors on se dit, mais tout ça est une banalité confondante. Sauf si on met ça en relation avec Parménide, qui est son grand adversaire, qui lui nous dit exactement le contraire. en nous disant « mais non, l'idée du fleuve est toujours la même » . pour reprendre l'image du fleuve. Et lui parle d'une espèce de sphère qui serait sans entrée, sans sortie, d'une grande perfection inaccessible. L'ontologie,

  • Speaker #0

    alors vous avez trop compris, mais ça veut dire « il est » , sa grande phrase c'est « il est » par Ménide.

  • Speaker #1

    Alors l'ontologie c'est très simple, nous avons devant nous un verre, et ce verre il est constitué de... Absolument. Ce verre... Il est constitué de... C'est du sable fondant ? Absolument, avec une forme, etc. Donc ça, ce sont les attributs du verre. Si maintenant, nous n'avons pas de verre et que je parle du verre, par exemple, on a pas de bateau dans la pièce, là, la scène juste à côté, et que je dis bateau, tout le monde conçoit bien ce que je dis. Eh bien, l'idée, c'est le nom d'une chose qui existe en l'absence de cette propre chose. Donc vous avez l'amitié, vous avez l'amour, vous avez la bonté, ou je ne sais quoi, enfin, la beauté. Et donc ça, ce sont des idées. Donc on n'a pas besoin du réel pour que l'idée existe, mais l'idée, elle se fabrique à partir du réel. L'idée de verre n'a pas besoin de la réalité du verre. Eh bien, l'ontologie, c'est l'art de disserter sur la substance des choses sans leur matière. C'est-à-dire, quand je vous dis une table, vous pouvez avoir des grandes tables, des petites tables, des tables en bois, des tables en verre, des tables qui sont basses, des tables qui sont grosses, etc. Mais tout le monde entend bien que quand vous avez quatre pattes et un plateau, vous avez une table. Eh bien, l'essence des choses, ce sont leurs idées, et l'ontologie, c'est l'art de disserter sur les idées.

  • Speaker #0

    Démocrite. Démocrite, alors lui il était riche et célèbre. J'ai appris ça. C'était une star à l'époque. qui est à peu près la même, à peu près 500 ans avant Jésus-Christ, et il a préféré vivre dans une cabane. Ça, ça en fait une sorte de Sylvain Tesson de l'Antiquité.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quelqu'un qui est vraiment extrêmement connu à l'époque, c'est vraiment une vedette absolue, et Platon ne le cite jamais. C'est son grand ennemi.

  • Speaker #0

    Ah, voilà. Et donc quand on a... Ça commence déjà... Déjà à l'époque, il y avait des gens censurés ?

  • Speaker #1

    C'était des idées qui s'opposaient déjà, et pas dans la... Dans l'élégance, parce que Platon aurait très bien pu dire que Démocrite disait ceci, qu'il n'était pas d'accord avec Démocrite, etc. Pas du tout. Il ne le dit pas. Il dit simplement, il y a les amis de la Terre, donc les gens qui aiment la réalité, la matière, les atomes, etc. Et puis les autres qui sont les amis des idées, qui eux sont dans le vrai, etc. Et donc, oui, ce sont deux visions du monde, riches, célèbres, etc. Puis pour Démocrite... Et puis, il dit, mais tout ça, c'est rien du tout. Je me construis une cabane au fond du jardin, et je vis dans cette cabane au fond du jardin. Alors, c'est un peu comme Taureau. C'est-à-dire que ça dure quelques temps dans sa vie, mais donc, il retrouve, là, je parle de Taureau, pour le coup, il va chercher maman, qui lui fait des tométilles, et puis, il va se réchauffer chez elle, qui lui recousse ses vêtements, etc. Donc, ce n'est pas vraiment une vie sauvage. c'est-à-dire les gens qui vivent vraiment une vie sauvage Ils ne viennent pas expliquer à la télévision qu'ils vivent des vies sauvages. Ils sont dans la vie sauvage et on ne sait pas qu'ils sont dans la vie sauvage.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant parce que déjà à l'époque, il y avait cette idée de sortir du matériel, etc. Et c'est drôle, vous opposez le rire de Démocrite aux larmes d'Héraclite. Alors qu'en fait, il y en a un qui est plus joyeux que l'autre. C'est celui qui justement fuit la matière. C'est ça.

  • Speaker #1

    c'est à dire que C'est un truc qu'on trouve dans l'histoire de la peinture. Dès que vous avez un Démocrite et un Héraclite, il y en a un qui rigole et il y en a un autre qui... Parce qu'on nous dit, le rire de Démocrite, c'est ce qui permet aux matérialistes, aux gens qui nous disent qu'il n'y a que de la matière et des agencements d'atomes, de dire, c'est ainsi. Arrêtez de déplorer le monde en disant, il faudrait le changer. Non, c'est ainsi, ça ne peut pas être autrement. Donc rigolez. C'est ce qu'on retrouve chez Montaigne, c'est ce qu'on retrouve chez Nietzsche, c'est pas mal de... Disciple, je dirais, pour aller vite, de Démocrite. Et puis vous avez Raclite qui pleure et qui dit mais le monde est terrible et désespérant, tout pas. On va mourir, le temps perdu, le temps passé, etc. Et de fait, il faut être soit du côté du rire de Démocrite, jusqu'à Foucault où on rigole, jusqu'à Nietzsche qui rit aussi, qui fait des éloges du rire, et puis d'autres qui déplorent tout le temps. Spinoza est aussi un grand amateur de rire, il ne déplore pas. Puis vous avez ceux qui déplorent. Comme Rousseau, par exemple. Ah, c'est pas bien, c'est le suicide, c'est le blague. Les djikobs sur les sciences et les arts. Il faut arrêter l'opéra, il faut arrêter les livres, il faut arrêter l'imprimerie, il faut arrêter la gastronomie, il faut boire de l'eau du ruisseau, il faut manger des framboises dans la forêt.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu des deux, parce que vous êtes parfois très critiques avec la vie contemporaine, tout en étant joyeux. Et donc, ça prouve qu'on peut être à la fois démocrite et héraclite.

  • Speaker #1

    Je suis critique non pas sur la modernité parce qu'elle est modernité. Je suis critique sur des modernités quand elles détruisent l'homme. Par exemple, vous dites que l'intelligence artificielle peut le meilleur et le pire. Vous pouvez aujourd'hui diagnostiquer des types de cancers et donc trouver des types de thérapies à ces cancers parce qu'un type qui aura travaillé à Melbourne aura fait une analyse d'une radio qui aura été faite à Tokyo et d'une radio d'un cancer et qui dira mais il y a déjà eu ce protocole. qui a été utilisé au Mexique avec des bons succès, et dans votre petit petit hôpital de sous-préfecture, vous avez une information qui sauve quelqu'un. Donc ça c'est formidable. Et puis vous avez aussi une intelligence artificielle qui dit aux gamins qui ont 13 ans, si vous voulez faire la rédaction que vous propose votre prof, demandez à l'intelligence artificielle. Et là ils ne travaillent pas. La prof qui elle-même demandera à l'intelligence artificielle de corriger la copie, et personne n'aura rien fait, et vous aurez tout de même une note qui aura été donnée à une copie qui n'aura pas été faite par quelqu'un. Donc vous voyez qu'entre ces deux extrémités, il faut dire évidemment la fameuse phrase sur laquelle tout le monde a souffert à un moment donné dans sa vie de Rabelais, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » . Donc on ne peut pas condamner la science sous prétexte qu'elle pourrait être sans conscience. Le philosophe doit dire « allons-y pour la science, mais n'oubliez pas la conscience » .

  • Speaker #0

    Votre livre est construit par thème, c'est-à-dire il y a le couple, la vérité, la nourriture, le bonheur, le plaisir. Ce qui est une manière aussi de revisiter les connaissances et de simplifier la lecture. Donc ça, c'est vraiment, merci pour ça. Mais quand même, j'ai envie de continuer d'énumérer les penseurs, parce que c'est assez passionnant comment vous arrivez à les rendre vivants. Et il y en a un, alors un, on sent que vous le préférez, à tous les autres, c'est Diogène. Franchement, on sent là, d'ailleurs c'était le titre de votre premier livre, qui s'appelait, en fait c'était le titre... que l'éditeur a refusé dans le premier livre. Il s'appelait Diogène Cannibale. Diogène Cannibale, oui.

  • Speaker #1

    Il a été transformé par mon éditeur en Le Ventre des Fulotes.

  • Speaker #0

    C'est pas le même livre. D'abord, c'est un cynique. Il se masturbe en public. Il urine sur les statues. On connaît sa phrase à Alexandre Le Grand, « Au toit de mon soleil » . Il y a quand même des histoires fascinantes sur Diogène depuis 2500 ans. Mais moi, je ne savais pas qu'il était cannibale. Il a vraiment mangé de la viande humaine.

  • Speaker #1

    Non, ça c'est la philosophie othique. C'est-à-dire qu'on raconte des histoires pour faire comprendre aux gens. Des choses qui seraient plus compliquées s'il fallait les faire passer par un livre. Ça ne veut pas dire que Diogène n'a jamais existé. Il y a un nombre de faux savants qui nous disent qu'il n'a jamais rien écrit. Non, il ne reste rien de lui, mais ce n'est pas parce qu'il ne reste rien de lui qu'il n'a rien écrit.

  • Speaker #0

    Il reste notamment toutes ces anecdotes.

  • Speaker #1

    Alors toutes ces anecdotes qui ont été rapportées par des gens. C'est-à-dire ce qu'on sait de Diogène, c'est Machin a dit de Diogène que... Et Machin nous rapporte que Diogène se comportait ainsi.

  • Speaker #0

    Alors dis-toi cette histoire de cannibale. Il a vraiment prôné ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors il dit, nous sommes trop civilisés. Alors, il faut penser à la Grèce de cette époque-là, il ne s'agit pas d'aujourd'hui. Il dit qu'il faut retrouver le sens de la nature en nous, que nous avons perdu, et prenons modèle sur les animaux. Et il dit, par exemple, les chiens, c'est formidable, regardez comment se comportent les chiens et faisons comme les chiens. Et les philosophes se réunissaient dans des endroits où on pouvait les entendre, l'académie de Platon, le lycée d'Aristote, le portique des stoïciens. Et lui dit, moi je m'en vais au cimetière pour chiens, et ça s'appelait le Cynosarge. Il dit qu'il faut se comporter comme des chiens, c'est-à-dire copuler sur la place publique, manger la main de celui qui nous nourrit, insulter les gens, aboyer après eux, etc. Alors évidemment, tout ça c'est très métaphorique. Mais comme il va jusqu'au bout de sa pensée qu'il veut vraiment toucher les gens, il est là en train de dire des trucs sur l'agora et les gens passent, et il veut absolument arrêter le regard et surtout la pensée, forcer à penser les gens. Il fait des choses, notamment se masturber sur la place publique, puis il dit « mais vous le faites bien chez vous » . Et pourquoi est-ce que moi je ne pourrais pas le faire dehors ? Vous le faites en cachette et vous me le reprochez de le faire en public. C'est quoi le problème ? Et là il dit, vous voyez, c'est la question de la civilisation. Il dénonce l'hypocrisie en fait. D'ailleurs quand il meurt, il y a une épitaphe qui est faite et qui dit « Il dénuda nos chimères » . Et ça j'aimerais bien que ça puisse être la mienne.

  • Speaker #0

    Oui c'est beau.

  • Speaker #1

    Mais effectivement il dénudait les chimères. Et il dit, sur la question de l'alimentation, « Évidemment vous allez cuire » . Vous allez assaisonner, vous allez poivrer, saler, vous allez boucaner, fumer, vous allez apprêter la nourriture que vous allez manger. Donc vous allez mettre de la civilisation dans la nature. Et lui il dit, mais mangez de la chair naturelle comme ça, ce sera très bien, pas besoin de la culture. Du cru plutôt que du cuit. Et il appelle ça, nous après, les gens qui font de l'analyse là-dessus, de l'homophagie. L'apostrophe O-M-O. Il ne s'agit pas de H-M-O, de manger des homosexuels, mais de manger de la chair crue. Et nous, nous en faisons, nous la pratiquons l'homophagie comme nous mangeons des huîtres. Une huître, c'est une espérance vide d'une huître, c'est 20 minutes dans un estomac. Mais c'est vivant quand nous gobons l'huître. Et donc lui il dit, faisons des choses naturelles, la sexualité... Quand vous voyez Alexandre et qu'il vient, il dit « Ah, tu es Diogène, tu es formidable, tu m'en dois ce que tu veux. » Et on dit que dans son tonneau, ce n'est pas un tonneau, le tonneau a été inventé par les Gaulois. Donc après, mais dans son amphore. « Fumé habité dans son amphore. » En gros, tire-toi de là. La traduction, c'est « tire-toi de là » . « Au-delà de mon soleil » , parce qu'il veut rester au soleil. L'important, c'est d'avoir la chaleur du soleil, ce n'est pas d'avoir la visite d'Alexandre. C'est une fille qui vient vous voir chez vous, vous dites « Excusez-moi, mais c'est l'heure des chiffres et des lettres. » Il n'y a pas de chose à faire que de vous écouter. Non,

  • Speaker #0

    mais en fait, ce qui vous plaît chez Diogène, c'est qu'il les provoque.

  • Speaker #1

    Non ? C'est sa liberté. C'est la provocation que, justement, dès l'échimère, moi je vois au bout du compte, avec 150 livres écrits, etc., que sans savoir, j'ai fait un trajet diogénien. C'est-à-dire de démythologisation. Vous êtes quand même habillé,

  • Speaker #0

    je précise. Pour les gens qui nous écoutent à la radio.

  • Speaker #1

    Vous voulez que je me déshabille, je peux le faire. Mais sur la psychanalyse, sur Sade, sur Saint-Germain-des-Prés, sur... Et sur le mythe de Sartre, de Saint-Germain-des-Prés, etc., etc. Et puis en même temps, ça ne veut pas dire que je ne fais que détruire. Je dis aussi du bien de plein de gens à côté de tout ça. Si je dis du mal de Sartre, c'est parce que je dis du bien de Camus. Si je dis du mal de Freud, c'est parce que je dis du bien, par exemple, de Pierre Jeannet ou de la psychanalyse existentielle, etc. Mais on ne voit que la négativité chez moi. On dit, il n'y a que ça chez Onfray. Le jour où je fais un livre de 500 pages sur la politique de Camus, on me dit, encore un livre contre Sartre. On ne s'est pas fait un livre contre Sartre, on s'est fait un livre pour Camus.

  • Speaker #0

    Lequel a votre préférence ? Il y a Diogène, vous parlez de Platon, je n'arrive pas à savoir. Vous dites que c'est un idéaliste, c'est un hindouiste un peu. Il est influencé peut-être par la philosophie qui l'a précédé de l'Inde.

  • Speaker #1

    D'abord, il est influencé par Pythagore, qui lui-même est influencé par les Indiens. Enfin, les gens qu'on appelait les gymnosophistes, c'est-à-dire les sages nus. Et moi, j'en ai vu sur le bord du Gange des gymnosophistes, des gens qui sont toujours nus, qui sont là, ils arrivent avec le lever du soleil, ils repartent avec le coucher du soleil. Et ils passent leur journée à prier.

  • Speaker #0

    Et ça, ça pourrait vous plaire, puisqu'ils sont complètement libres. Et en même temps, vous n'aimez pas trop les idéalistes. Non. C'est quoi ? Pour vous, c'est des mythomanes ?

  • Speaker #1

    Mais on va mourir une fois, et c'est pour toujours, et l'idée de mourir de son vivant n'est pas terrible. Donc, on me disait, quand je les ai vus à Bénarès, que le soir, d'abord c'était un Allemand, ce type qui passait sa journée à invoquer le soleil en hindouiste, il est venu un jour, il n'est jamais reparti, et il dit, ça fait 40 ans qu'on le connaît, il est là, il fait ça, et puis voilà. Et puis il boit un bol de lait de chèvre le soir, et puis basta, le lendemain il recommence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est heureux comme ça ?

  • Speaker #1

    J'espère pour lui. Vraiment, j'espère pour lui. Elle soit dans la détestation de tout ce qui donne du goût à la vie.

  • Speaker #0

    On trouve ça aussi chez l'empereur Marc Aurel. Vous en parlez longuement et très bien. C'est le stoïcisme, l'endurance de Marc Aurel. C'est pareil, c'est un peu masochiste. Non,

  • Speaker #1

    Marc Aurel nous dit qu'il y a deux choses. Il y a ce sur quoi tu as du pouvoir et ce sur quoi tu n'as pas de pouvoir. Ni vous ni moi. Oui, un peu, oui. Mais ni vous ni moi n'avons de pouvoir sur le fait de vieillir. Mais nous avons du pouvoir sur la façon que nous aurons d'accepter le vieillissement. Et ça, ce n'est pas la même chose. Donc plutôt que de dire, oh là là, je vieillis, je n'arrive pas, je ne mets pas ça au-dessus de moi, etc. Marcoel dirait, c'est saut, c'est débile. Tu perds ton temps. Il perd son temps à ne pas vouloir vieillir alors que c'est dans la nature des choses que nous vieillissions. Et les stoïciens disaient, mais maintenant, fais quelque chose de ta vieillesse. Et là, tu as du pouvoir là-dessus. Tu n'as pas le pouvoir de ne pas vieillir, mais tu as le pouvoir de bien vivre ou de mal vivre ta vieillesse. Et donc quand on a déjà ce principe... sélectif qui nous permet de dire, ben oui, je ne vais pas m'énerver contre le fait qu'il pleuve quand je sors le matin, ça ne changera rien. Mais en revanche, j'ai la possibilité de sortir avec un parapluie.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même chez Marc Aurel aussi l'idée de vertu. Alors là, pour le coup, c'est un peu moralisateur. C'est qu'il vaut mieux se comporter vertueusement que...

  • Speaker #1

    Mais il y a un hédonisme chez Marc Aurel, c'est-à-dire qu'au bout du compte, ce qu'il veut, c'est une vie heureuse. Quand il dit, tu vas rencontrer, lève-toi le matin en sachant que tu vas rencontrer un fourbe, un imbécile, un envieux, un prétentieux, etc. On dit, ah là là, c'est quand même plutôt noir, cette façon de voir les choses. Mais non, parce qu'en fin de journée, on sait qu'il a eu raison de nous prévenir et qu'il nous dit, en gros, ne t'énerve pas contre l'imbécile, le prétentieux, le suffisant, tu l'as rencontré, tu le savais le matin que tu le rencontrerais.

  • Speaker #0

    Mais la vertu stoïcienne, est-ce que ce n'est pas aussi, tout simplement, de se dire, Si je fais le mal, je vais m'attirer des ennuis, alors il vaut mieux faire le bien parce qu'à ce moment-là, j'aurai moins de problèmes, donc ma vie sera plus agréable.

  • Speaker #1

    Non, parce que ça c'est chrétien. La civilisation de la culpabilité, ce n'est pas la civilisation de l'honneur. La civilisation de la culpabilité, c'est le christianisme. C'est le péché originel, la faute, etc. Chez ces gens-là, chez les gens d'avant, je dirais, il y a le sens de l'honneur. Il n'est pas honorable de se plaindre parce qu'on est malheureux. De gémir, de gindre, de dire... Ça n'existe pas chez les Grecs. C'est pour moi. C'est toute mon œuvre qui est par terre. Non, je ne crois pas que ce soit le sens de votre... Ce qui vaut la tête, ça. Mais je comprends. Et donc la sagesse romaine, c'est ça. C'est de dire, fais le nécessaire, construis-toi comme une citadelle intérieure. C'est une expression de Marc Aurel. Il dit, fais-toi comme une citadelle intérieure impénétrable. Il dit même, sois comme le rocher qui est en plein milieu de la mer alors qu'il est il est frappé par des vagues, il est tabassé par le vent, etc. va rester solide et sera construit. Construis-toi comme une citadelle intérieure et sois inaccessible à tout ce qui advient de l'extérieur. On veut te détruire, on veut te faire du mal, ne sois pas jaloux, ne sois pas envieux, ne sois pas dans le ressentiment, ça ne sert à rien. Et c'est pour ça qu'il faut pardonner, non pas parce que Dieu... nous en sera gré le jour du jugement dernier, on peut croire en ça, mais moi j'y crois pas, mais simplement parce que si quelqu'un vous a fait du mal, et que sans cesse, vous vous dites qu'il vous a fait du mal, c'est qu'il vous fait du mal tous les jours. Il vous a fait mal une fois, et vous vous faites de telle sorte qu'il vous fait mal dix mille fois. Et il faut dire, eh bien, tu ne m'auras fait mal qu'une fois, et encore, quand j'y pense aujourd'hui, ça ne me fait pas si mal que ça, finalement. Et donc c'est une sagesse qui permet de se construire... Heureux, je dirais, on peut utiliser le mot, heureux dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce que le tome suivant, évidemment, sera sur la chrétienté, sur le christianisme. Il s'appellera « Construction d'une cathédrale » . Évidemment, là, vous aborderez la question judéo-chrétienne.

  • Speaker #1

    Et le passage, pour le coup, d'une civilisation de l'honneur, c'est-à-dire c'est déshonorant de dire « j'ai mal, je souffre » , etc., à une morale de la culpabilité, du genre « je suis coupable de toute façon, quoi qu'il arrive » . C'est Adam un jour qui a commis une faute qu'il m'a transmise depuis et c'est dans l'ordre des choses.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes toujours athée ?

  • Speaker #1

    Oui, plus que jamais.

  • Speaker #0

    Et pourtant vous allez consacrer 500 pages à Jésus ?

  • Speaker #1

    Non, pas tant à Jésus qu'au christianisme. Mais Jésus, de toute façon, je lui ai réglé son compte dans un livre qui s'appelle « Les théories de Jésus » et je raconte que c'est un concept. Oui, oui, mais c'est sûr. Maintenant, c'est pas un petit Jésus. C'est devenu parabolique, c'est devenu... Oui, le problème, c'est qu'on ne veut pas penser la construction de notre Jésus, comment il a été construit. Et ensuite, on ne veut pas penser la construction non plus de notre Occident. Or, il y a... 10 siècles, c'est le prochain volume, 10 siècles de ce qu'on appelle la patristique, les pères de l'Église que personne ne lit, c'est-à-dire les Grégoire de Naziance, les Méthodes d'Olympe, les Dorothées de Gaza, les Paulins de Nol, enfin tous ces gens qui... Là je lis Justin de Naplouse, par exemple, qui pourrait même donner un faux nom, et puis on ne va s'apercevrer même pas. Et pourtant, tous ces gens-là, il y a une collection qui s'appelle Sources Chrétiennes, qui est l'équivalent de la collection Budée pour les Grecs et les Latins. qui prend une place considérable dans une bibliothèque, on ne lit pas ces gens-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est vrai qu'entre Jésus, c'est en l'an 0, et puis l'Église telle qu'on la connaît, il s'est passé 10, 11, 12 siècles.

  • Speaker #1

    Alors, entre Jésus et l'Église, il s'est passé de 33 à 313. C'est-à-dire que de la crucifixion du fameux Jésus à 312, 313, enfin, les moments où Constantin se convertit au christianisme et dit « mais moi je convertis l'essentiel de l'Empire au christianisme » . Et là, pour le coup, il arrête un christianisme. Pour le coup, à l'époque, il y a autant de chrétiens, de christianisme via de chrétiens. Et lui, il dit, voilà, maintenant, le christianisme, c'est ça. Et il y a des conciles, et ça devient autoritaire. Puis après, l'Église arrête, avec des conciles, les pensées sur ceci, sur cela, ce que, par exemple, pouvait être, en même temps, père-fils et saint-esprit. La Sainte Trinité, c'est quand même un drôle de truc. Vous dites, ah, mais le bon sens... Ah oui,

  • Speaker #0

    ça je n'ai jamais compris. Et pourtant je suis catholique, mais je n'ai jamais compris la Crénité.

  • Speaker #1

    On l'a expliqué sur le bord. Oui, il y a une image qu'on crée au Moyen-Âge, qui est un enfant qui est en train de creuser sur une plage, il fait un trou dans la plage, et il veut vider l'eau de la mer, et il y a Augustin Quélin qui dit, mais tu n'y parviendras pas, enfin, c'est pas possible. Il lui dit, mais pas plus que tu ne saurais prouver que la Sainte Trinité est une vérité. Et de fait, si vous dites, je suis le Père, et bien, manquablement, le Fils arrive après. Si vous êtes le Père, vous avez généré le Fils. Mais là, on vous dit, ah non, le Père et le Fils, ils sont consubstantiels. Et vous ajoutez à ça le Saint-Esprit. Et donc, c'est un article de foi. C'est compliqué. Simplement, ça se construit. Jésus, si vous cherchez dans les évangiles, il n'est pas question de la Sainte Trinité. C'est par la suite. Et ça va être la même chose avec l'Immaculée Conception. Ça va être la même chose avec ce qu'on appelle la transsubstantiation. Le corps du Christ est-il dans l'hostie ? Le sang du Christ est-il dans le calice dans lequel se trouve du vin blanc ?

  • Speaker #0

    Non, mais c'est passionnant. après j'ai une question une question qui me vient qui n'est pas forcément agréable Quand je vous entends parler de philosophie, vous êtes vraiment très brillant et très accessible. Mais vous vous exprimez beaucoup sur l'actualité, dans des émissions, sur CNews, ailleurs, même si vous êtes boycotté par pas mal de chaînes. Mais vous ne pensez pas quand même que votre vrai rôle, ce serait plutôt de rester philosophe avant tout ? Pourquoi avez-vous toujours ce désir de participer ? au débat contemporain, parfois un peu vain, et du coup, on vous pose des questions qui peut-être vous intéressent moins, en plus. Oui,

  • Speaker #1

    je suis convaincu de ça. Mais il n'y a pas de philosophe chez lesquels il n'y avait pas de dimension, je dirais intellectuelle, enfin, vous voyez, dans le sens 19e siècle, c'est-à-dire intervention dans la cité. Tous les philosophes sont intervenus dans la cité. Alors je ne dis pas que les philosophes n'ont laissé leur nom que dans l'intervention dans la cité. Mais regardez Bergson, il écrit, je ne sais pas, matière et mémoire, énergie spirituelle, mais en même temps, il combat au moment de la première guerre mondiale contre les Allemands. Il a d'ailleurs un prix Nobel de littérature parce qu'on ne peut pas lui donner un prix Nobel de la paix. Mais parce qu'il est impliqué. Regardez Sartre et Camus, ils s'impliquent dans la question du communisme, du marxisme, du goulag, etc. Et puis prenez-les tous, Voltaire par exemple, Sir Calas, Sir Venn et autres. Rousseau qui lui-même, etc. Enfin, tous se sont impliqués dans leur temps. Est-ce que c'est ça qu'on retient de quelqu'un ? Je ne sais pas. Mais c'est vrai que les gens ne lisent plus la Henriade de Voltaire, alors que Voltaire pensait qu'il laisserait un an pour cette tragédie. Et se souviennent en revanche de l'affaire Callas, ou du rôle de l'intellectuel, etc. Et que je ne peux pas, d'autre réponse, je ne peux pas laisser le monde comme il est, aller comme il va, sans donner mon grain de sel. simplement c'est ceux qui pensent que je ne suis que là qui se trompent peut-être un peu. J'ai fait une vingtaine de livres consacrés à des auteurs, à des peintres et à des artistes, personne n'en parle. j'ai publié une dizaine de recueils de poèmes

  • Speaker #0

    personne n'en parle. C'est-à-dire, on ne dit pas « Ah, la poésie de Michel... » Alors, on a le droit d'aimer ou pas aimer, mais de dire « La poésie de Michel Onfray » , personne n'en parle.

  • Speaker #1

    Mais elle peut publier ce livre-là, c'est peut-être justement une manière de répondre et de dire « Regardez, je fais quand même aussi ce travail-là. » Non,

  • Speaker #0

    ça ne suffira pas. Non, mais parce que je vois bien, je ne lis pas ce qui s'écrit sur moi, mais je vois bien comment Libé pourrait dire « Regardez comment, avec son histoire philosophique de l'Occident, il défend les idées d'extrême-droite, l'Occident chrétien qui était là. Non, mais je suis d'accord. Non, puisque ce n'est pas encore le temps. Je vous dis ce que dirait la Fédération, ou peut-être dit d'ailleurs, j'en sais rien, ou Le Monde ou France Inter. Les gens qui ne veulent pas m'aimer, ont toutes les raisons du monde de ne pas m'aimer, et les trouveront partout. Si je me tais, c'est parce que je suis vaincu, si je parle, c'est que j'ai tort, je suis 10 ans interdit de service public, et personne ne dit que c'est anormal, et j'interviens avec Laurence Ferrari sur CNews pour une émission où je suis totalement libre, et on me dit que je suis passé du côté de l'extrême droite, etc. Ça, il faut laisser parler. Oui, exactement. Il faut porter comme Marc Aurel. Oui, oui. Marc Aurel,

  • Speaker #1

    ça coule sur les plumes d'un canard. Alors, devine tes citations, Michel. C'est le jeu de l'émission. Je vais vous lire des phrases de vous. Vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit ceci. Il faut accélérer malheureusement, parce qu'on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Alors, j'ai 17 ans. C'est le plus bel âge de la vie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est facile pour moi de répondre, parce que j'ai reçu les épreuves de mon prochain livre. et vous acheter un coup d'œil dessus. Donc c'est le prochain qui s'appelle l'anarchie positive et qu'un éloge de Proudhon.

  • Speaker #1

    De Proudhon, voilà, exactement. Donc vous en avez parlé tout à l'heure. Mais en même temps, cette insipide, c'est un hommage à la célèbre phrase de Paul Nisan, dans Aden Arabi, j'avais 20 ans et je ne laisse personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Là, à 17 ans, vous pensez le plus bel âge de votre vie. Pour moi, oui. Est-ce que vous étiez enfin sorti du pensionnat ?

  • Speaker #0

    Il y a ça, et puis il y a le fait que je quitte aussi le lycée, j'ai mon bac en 1976, j'ai donc 17 ans. Et là, j'entre à la fac et c'est un moment pour moi de... Je découvre une lecture forcenée. Je lis 12-15 heures par jour, enfin tout le temps, quoi. Les cours à la fac, les séances chez un vieux libraire d'occasion que j'aimais beaucoup.

  • Speaker #1

    Revenons sur ce pensionnat deux secondes. Parce que vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé au moment de l'affaire Bétarra, mais c'est quand même un peu aussi votre enfance. Vous étiez dans ce que vous appeliez un cloaque anthropophage, un endroit chez les prêtres salésiens à Giel. de 1969 à 1974, où vous avez vraiment connu les châtiments corporels, les tabassages, la faim, le froid, la saleté, une douche par semaine.

  • Speaker #0

    Oui, et du sport tous les jours.

  • Speaker #1

    Et du sport tous les jours.

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas connu personnellement les passages à tabac, mais j'ai assisté à ça. Ça pouvait nous arriver, puisqu'on voyait que quelqu'un qui finissait sa phrase... Alors qu'on nous avait demandé le silence, se faisait tirer par les cheveux, mettre à terre et traverser le réfectoire à coups de pied et laisser des traces de sang parce qu'il saignait du nez sur la totalité du carrelage. Oui,

  • Speaker #1

    par tous les hurlements.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Donc ça j'ai connu. Les curés qui tripotaient les petits garçons, mais moi ça ne m'est jamais arrivé. Mais y compris, moi j'étais dans un club photo où le mercredi après-midi, dans une chambre obscure, je me trouvais avec un curé pédophile qui ne m'a jamais touché. Mais je savais pourtant qu'il en touchait d'autres, qu'il en tripotait d'autres. Donc moi j'ai vécu dans la terreur d'une pédophilie qui ne m'a pas concerné vraiment. À la fin, il y avait un prof de musique, j'étais au premier rang, il nous mettait au dernier rang, et puis au dernier rang, parce qu'il n'était pas vu, il mettait la main dans le cou des gamins, il tripotait le cou des enfants. Ça, ça m'est arrivé personnellement, mais je ne vais pas non plus en faire dix livres comme Christine Angot, encore que... Non, mais peut-être que... C'est pas la même chose. Mais en disant j'ai été abusé, ça m'a détruit, vous vous rendez compte, etc. Mais d'autres ont été, oui, tripotés sexuellement. On savait qu'elles étaient des curés. Mais moi, j'ai juste devenu ami après avec ceux qui ont été mes profs laïcs dans cet endroit et qui m'ont dit qu'on ne savait pas ce que tu as raconté. On ne le savait pas. C'était très hermétique. Il y avait les profs qui n'étaient pas des prêtres. Puis les prêtres, ils se côtoyaient, mais personne ne savait la violence qu'il y avait dans ces endroits-là.

  • Speaker #1

    Mais pardon de faire une analyse freudienne, puisque vous n'aimez pas Freud. Mais quand même, quand on a vécu ça enfant, ensuite, ça peut expliquer pourquoi on est rebelle, qu'on veut absolument défendre toujours la liberté, et Diogène, et tout ça.

  • Speaker #0

    Vous avez raison. Psychoanalyse de bazar, mais elle a quand même mieux chez la Pérouse. Non, ça s'appelle de la psychologie, plus qu'une psychoanalyse. Et j'ai le projet d'écrire un... L'équivalent d'un pourquoi et comment suis-je devenu ce que je suis devenu pour montrer comment. Alors vous avez raison sur ça. L'espèce de... Vous savez, De Gaulle disait qu'il était l'homme de personne. Et j'aime beaucoup cette formule, être l'homme de personne. Et ça explique aussi une autre... En fait, c'était une prison. Vous étiez dans une prison. Voilà, comme Montclair. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Vous étiez en prison. Et en plus, vous ne rentriez même pas chez vous le week-end.

  • Speaker #0

    Non. Toutes les trois semaines.

  • Speaker #1

    Pendant combien d'années ? Quatre ?

  • Speaker #0

    Quatre ans. entre 10 et 14 ans et puis surtout la détestation La détestation de l'intelligence, des livres, de la culture. C'est-à-dire que j'ai des amis jésuites, enfin pas jésuites, mais qui ont été éduqués chez les jésuites, c'est pas du tout la même chose. On aime les livres, on apprend le grec, le latin... Là, ce sont des salésiens. Là, ce sont des salésiens pour qui l'essentiel consiste à vous donner un métier pour pouvoir subvenir à vos propres besoins. Donc au moins on voulait par exemple que je sois tourneur-fraiseur. Et on m'a dit, tu vas jusqu'en troisième, et puis après, tu rentres faire un CAP de tourneur-fraiseur. Et comme je le disais, que j'aimais lire, j'étais un PD, selon l'expression consacrée, entre guillemets. C'est ce que tu disais, oui. Oui, détestation des intellectuels, de l'intelligence, de la lecture. Alors, il se fait que j'étais bon en sport, mais que je n'aimais pas le sport. Alors ça, c'était un péché mortel.

  • Speaker #1

    Et on pouvait vous punir pour une lecture.

  • Speaker #0

    M'humilier. pas me punir mais me humilier oui Par exemple, je lisais beaucoup et tout ce qui me tombait sous la main, il y avait la sélection du Rider Digest, vous savez, si ça existe encore. Et un jour, je lisais ça parce que ça traînait dans une bibliothèque de l'orphelinat, parce que ça s'appelait un orphelinat. Et le soir, il y avait toujours un mot du soir, et le curé qui voulait m'humilier, il s'appelait le Père Moal, que Dieu qui n'existe pas est son âme. Mais il commence à lire ce texte et là, pour m'humilier, il me dit « Ah, toi ! » qui dit tout le temps qu'il n'aime pas le sport, etc. C'est de qui cette phrase ?

  • Speaker #1

    Ah, ils posaient, ils faisaient devine tes citations comme moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et donc, il se fait que, et là probablement Dieu s'est mis à mon côté ce soir-là. Parce qu'il n'existe pas. Oui, j'avais lu cette phrase, j'avais lu cet article.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Et je lui ai dit, alors évidemment j'ai 12-13 ans, et là je dis c'est de Pierre Teilhard de Chardin Et alors là, il s'est dit, mais qu'est-ce qui se passe ? Vraiment, comment il a fait ? C'était pas compliqué, j'avais lu le livre trois jours avant lui, il avait été laissé quelque part, il avait retrouvé... Enfin voilà, il n'y a pas de mystère à ça. Mais si vous voulez vraiment comprendre pourquoi je suis devenu ce que je suis devenu, ça s'est fait avec un livre qui s'appelle... que vous connaissez évidemment... très très bien qui est de diminuer le vihom et la mer et ça pue dans ce dortoir où on est 120 120 c'est 240 chaussettes c'est 120 slips c'est tout le monde qui pue qui sale qui est tous les jours du sport et là je découvre qu'en ouvrant ce livre je suis au milieu de la mer et que ça sent la mer et que je suis en train de pêcher le marlin et que je ferme le livre ça sent mauvais jour le livre je découvre la magie du livre Et là, je commande un petit carnet, on avait la possibilité de commander des fournitures, comme on disait à l'époque, pour moi-même. Et là, le monsieur qui s'occupait de ça, qui s'appelait Monsieur Naturel, me dit, mais pourquoi tu veux un petit carnet ? Qui demande ça ? Et je dis, c'est moi, c'est pour faire un répertoire pour l'anglais. Mais on t'a demandé ça ? Je dis, non, c'est moi qui ai envie. Il m'a dit, c'est une excellente idée. En fait, ce n'est pas vrai, j'avais juste envie d'écrire une histoire. Pourquoi je suis nul en anglais ? Il m'a dit, n'importe quel répertoire. Et j'écris une fiction. J'avais entre 10 et 11 ans. et là je raconte c'est un petit roman que j'ai ouais Il y a un cahier de Lerne qui m'a été consacré, on a publié ce petit texte-là, que je n'ai pas pu relire d'ailleurs, avant publication. Mais donc je comprends à ce moment-là que le salut vient de l'écriture et de la lecture. Donc oui, vous avez raison, ça fait de moi, je ne vais pas dire un insoumis, le mot est préempté, mais un dissident, un rebelle, un anarchiste au sens... au donien du terme, et puis une espèce de cinglé de l'écriture et de la lecture, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et s'il y a des parents qui nous regardent, qui se demandent quel livre faire lire à leurs enfants, Le Vieil Homme et la Mer, Demingway, c'est une merveille. Mais oui. C'est à court, et c'est vraiment, il y a tout l'univers dedans. On doit encore accélérer, je suis navré, c'est passionnant. Une autre phrase de vous, ne trichez pas.

  • Speaker #0

    Ah non ?

  • Speaker #1

    Où avez-vous écrit Le Monothéisme sort du sable ?

  • Speaker #0

    Traité de la théologie.

  • Speaker #1

    Exact, 2006. encore, où avez-vous écrit mon père est mort dans mes bras 20 minutes après le début de la nuit de l'Avent c'est la première ligne de Cosmos première phrase de Cosmos, encore réussie une dernière que j'aime j'écris mes livres contrairement à quelques ennemis c'est une preuve en hiver, pour ce motif futile d'une conversation à voix basse les coupables ne se dénonçant pas le dortoir se retrouve dehors 120 enfants en pyjama dans la nuit noire la lumière bleue de la lune ... colorant les plaques de neige restées dans la cour.

  • Speaker #0

    C'est dans la préface à La Puissance d'Exister.

  • Speaker #1

    La Puissance d'Exister 2008. Bon, vous avez tout gagné. Merci infiniment. J'ai pas entendu tout écrire. Vous auriez pu aussi avoir la maladie d'Alzheimer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Voilà. Et vous avez une bonne mémoire.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas souvenir d'avoir une mauvaise mémoire.

  • Speaker #1

    Bravo. Merci en tout cas. Merci beaucoup d'être venu. Je suis très heureux qu'on ait pu parler d'autre chose que de politique. Moi aussi. Merci infiniment. Je voudrais conclure avec ce que je dis toutes les semaines, et vous allez sûrement être d'accord, la littérature est à l'esprit ce que le sport est au corps.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce que la littérature ça met de côté la philosophie, et moi ce n'est pas tant la littérature qui m'aura sauvé dans la vie, sauf Hemingway, que les livres, je dirais plutôt les livres. C'est-à-dire, il faut ajouter les essais, la psychologie, la philosophie, la philosophie antique, etc.

  • Speaker #1

    Mais l'idée que lire un livre... C'est aussi un sport pour le cerveau, c'est ça que j'essaie de dire dans ma phrase.

  • Speaker #0

    Ah oui, mais les mots mêlés aussi. C'est parce que je retiens, c'est-à-dire que je retiens l'idée que des idées peuvent changer le monde, peuvent changer aussi la vie, et qu'on peut les trouver dans des excellents romans, et qu'on peut parfois ne pas les trouver dans des mauvais livres de philo. Oui,

  • Speaker #1

    et parfois on peut aussi être sauvé par un mauvais roman, ça peut arriver.

  • Speaker #0

    Possible.

  • Speaker #1

    Oui. Je vous ordonne...

  • Speaker #0

    Pensez à quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai beaucoup. de lire le premier tome de l'histoire de la philosophie occidentale par Michel Onfray, intitulé « Déambulation de l'Occident » . Ah oui, pardon, oui. « Histoire philosophique de l'Occident » . Soyons précis. Intitulé « Déambulation dans les ruines » , car il faut déambuler dans les ruines, même si on ne se baigne jamais deux fois dans le même flasque.

  • Speaker #0

    On ne déambule jamais deux fois dans la même ruine.

  • Speaker #1

    Dans la même ruine. Sous-titrage

Description

Parler avec Michel Onfray de philosophie antique est un délice. Pédagogue hors pair, le penseur de Normandie est surtout un anarchiste depuis que sa mère l'a mis en internat à l'âge de 10 ans. Le premier tome de son "Histoire philosophique de l'Occident" est l'occasion de parler de Diogene, Démocrite, Heraclite et Parmenide, ses vieux camarades...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir, bienvenue chez La Pérouse. Cette semaine, nous sommes parrainés par les éditions Assouline, qui sont un peu l'équivalent littéraire du Père Noël. Et le cadeau de Noël idéal, c'est bien sûr ce livre, Biarritz Basque, dont j'ai l'honneur d'avoir écrit le texte. Il y a des images magnifiques de la côte basque, de Biarritz, des surfeuses, des chipirons, des couchers de soleil. On a vraiment tout le pays. où vous devriez habiter, M. le Normand, Michel Onfray, venez plus au sud-ouest, descendez plus bas.

  • Speaker #1

    Je peux pas te faire un message à M. et Mme Assouline, là, quand même ? Parce que s'ils veulent faire la même chose avec la Normandie, je suis leur repos. Ah,

  • Speaker #0

    voilà, très bonne idée.

  • Speaker #1

    Mais bon, j'irai.

  • Speaker #0

    C'est le joyeux Noël. Bonsoir, Michel Onfray, je suis très heureux de vous re-recevoir, parce que vous étiez déjà venu il y a quelques années, dans Conversations chez la Pérouse. Mais première question, pourquoi êtes-vous boycotté par certains médias ? C'est vrai, là c'est un projet immense d'écrire une histoire philosophique de l'Occident, en commençant bien sûr par l'antiquité gréco-romaine. Et en quoi est-ce un problème de vous recevoir par exemple sur France Inter ou France 2 ou je ne sais quoi ?

  • Speaker #1

    Alors là vous me posez une question à laquelle je n'ai pas de réponse parce que je ne sais pas. Vraiment, je constate simplement que je suis interdit de service public. Enfin, ici ou là, on a pu m'inviter une fois sur France Inter pour me demander de parler des huîtres dans l'émission de François-Régis Godin. C'est arrivé. Donc on pourrait dire, mais de quoi vous plaignez-vous ? Vous avez été invité une fois ici et une autre fois là. Donc deux ou trois fois, il y a eu des gens qui ont pris quelques risques et qui m'ont laissé la parole, mais je ne sais pas pourquoi. Non, vraiment, je ne sais pas pourquoi. Alors, est-ce que c'est parce que j'ai écrit des choses désagréables sur M. Macron ? Est-ce que c'est parce que je... Je dis des choses désagréables sur l'Europe. Je pense que ça, c'est... Il y a quand même des gens, je ne dirai leur nom, mais il y a quand même des gens qui ont des émissions depuis 30 ans sur le service public à France Culture, qui ont dit des choses un peu terribles, qui ont compté le nombre de Noirs dans l'équipe de France de football, qui ont toujours pignon sur rue à France Culture. Moi, j'ai été viré du jour au lendemain, alors que les diffusions de mon cours d'université populaire faisaient un million de podcasts. Oui, oui. Paul-Yves Poivre d'Arvore qui m'avait donné cette information. Donc non, vraiment, je n'ai pas d'explication. Sauf peut-être pour faire plaisir au prince.

  • Speaker #0

    Oui, il vous en veut encore pour un pamphlet ?

  • Speaker #1

    Ah non, même pas, parce que le pamphlet est arrivé après. C'est-à-dire qu'en 2017 ou 2018, je crois, il fait savoir, c'est Sylvain Fort, sa plume, qui le fait savoir au journal du dimanche, le Parisien reprend l'information, que mon influence sur le récit national est trop importante, ce qui exagère un peu mon importance. Mais qu'il a donc dépêché une cohorte d'intellectuels pour lutter contre ce récit national. Et il a donné deux noms d'ailleurs, de gens qui sont morts depuis, Michel Serres et Pierre Nora, en disant il faut lutter contre Michel Onfray. Et quelques mois plus tard, la diffusion de mon cours à France Culture est supprimée. J'ai juste un texto de Sandrine Trenner, qui à l'époque était la patronne, qui est envoyé à Frémaux, qui est mon éditeur sonore à l'époque. Moi, je n'ai jamais eu de contact avec elle. Elle a juste dit par la suite qu'elle était obligée d'annuler mon émission parce qu'elle n'arrivait pas à me joindre. Tout le monde comprend que quand on a aujourd'hui des téléphones portables, mon épouse qui elle aussi avait été en relation avec tous ces gens-là, il y avait des numéros de téléphone, il y avait des adresses nettes, et personne ne peut croire que j'étais injoignable. Et que, en fait, de mon injoignabilité, on ait pu me virer.

  • Speaker #0

    En tout cas, on est heureux de vous recevoir sur le regard télé et chez La Pérouse, dans Conversation, qui est une émission libre et qui est sur toutes les plateformes. Et par conséquent, voilà, j'espère qu'on rattrape cette censure. C'est le mot que je cherchais. Donc, c'est une histoire philosophique de l'Occident qui commence par déambuler dans les ruines des philosophes de l'Antiquité. C'est d'ailleurs assez intéressant parce que les ruines... vous en parlez, c'est-à-dire que c'est un moyen, le fait de voir par exemple le Colisée à Rome ou de voir le Parthénon à Athènes, c'est un moyen justement de réactualiser ces penseurs-là puisqu'il reste quand même quelque chose en dehors de leurs écrits.

  • Speaker #1

    Oui, alors les ruines, ce sont des ruines philosophiques aussi, c'est-à-dire que Épicure par exemple a publié 300 livres, il nous reste trois lettres.

  • Speaker #0

    C'est incroyable !

  • Speaker #1

    Voilà, comme si vous aviez... C'est des papyrus, je crois. Oui, on en retrouve quelques-uns, que la nomme, puisque le Vésu va griller tout ça, calciner tout ça, et l'intelligence artificielle permet de développer virtuellement, et on va découvrir probablement des textes inédits, puisque c'était la ville d'Épison, que c'était un épicurien qui avait cette bibliothèque épicurienne, donc on va probablement découvrir des choses extraordinaires. Mais il nous reste très peu de choses, c'est-à-dire que quand vous avez trois lettres... dont deux sont consacrés à des choses, je ne vais pas dire inutiles, mais enfin la cosmogonie par exemple ou la physique. Donc juste une lettre à Ménécé qui est la lettre morale sur l'éthique, on se dit mais toute une résistance au christianisme s'est constituée sur quatre pages, cinq pages quoi. Donc oui ce sont des ruines, pendant que d'autres sont restés des monuments debout. Je veux dire tous les monuments qui sont Platon ou Aristote par exemple. Tous les gens qui sont compatibles avec le christianisme ont été préservés. Et tous les gens qui étaient susceptibles d'être des ennemis, des adversaires intellectuels du christianisme ont été détruits. Comme on a détruit les monuments. D'ailleurs, quand Constantin se convertit au christianisme, il détruit les temples. Et si vous allez à Rome aujourd'hui et que vous êtes devant l'arc de Constantin, il est fait de débris qui ont été prélevés sur les temples. Donc c'est pas que le temps qui a fait son office, c'est aussi la volonté humaine. Ce qu'on ne dit pas.

  • Speaker #0

    Donc vous faites ici, dans ce livre, ce que vous faites. le mieux, c'est-à-dire vulgariser la philosophie et c'est pas un mot dévalorisant, c'est de la pédagogie, comme dans votre Contre-Histoire de la Philosophie et comme à l'Université Populaire de Caen de 2002 à 2015 où vous aviez vraiment fait ce travail d'essayer d'apporter, d'expliquer, de simplifier mais de manière quand même exigeante l'histoire de la philosophie. D'où vous est venu ce goût Merci. Pour la pédagogie, parce que vous étiez prof ? Oui,

  • Speaker #1

    20 ans dans un lycée technique privé, ce que je souhaitais vraiment faire, parce que quand j'ai soutenu ma thèse, ma directrice de thèse qui était Mme Goyard m'a dit « Maintenant vous allez apprendre l'allemand en Suisse parce que vous êtes nul en allemand, l'anglais à Ottawa parce que vous êtes nul en anglais » , elle avait raison, et je le suis toujours. Et puis après vous reviendrez dans une fac française, puis après vous serez prof à la fac de Caen. Et donc, cette dame a été extrêmement importante pour moi. Je ne sais plus pourquoi je vous parle de Mme Goyard.

  • Speaker #0

    Parce que je vous demandais d'où venait ce goût pour le partage et la transmission.

  • Speaker #1

    Et elle, elle était très pédagogue, au sens noble du terme. C'est-à-dire que c'était de la philosophie politique et juridique. Elle prenait une thématique, souvent la loi, souvent le droit, et elle faisait des tranches. Le droit, elle l'adressait chez Hobbes, chez Kant, chez Locke, chez Nietzsche, je ne sais pas si tout le monde. Et je me disais, les livres importants, denses, compliqués, elle les transmet bien et on les comprend véritablement. Et puis Jacques Fagnon, qui a été mon vieux maître, alors lui, pour le coup, un maître de sagesse personnelle, et qui m'a enseigné la philosophie antique. Et quand il était à son bureau, il nous racontait comme si on y était. Donc on entendait les bruits de robes, on voyait les prostituées passer, on sentait quasiment l'odeur des foulons.

  • Speaker #0

    Il y a de ça dans des emulations dans les ruines. Vous rendez tous ces gens humains. C'est une grande qualité, franchement.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais, c'est que les humains puissent rencontrer d'autres humains. C'est-à-dire qu'un chauffeur de taxi, j'en vois de temps en temps qui me dit, ah, j'ai goûté vos cours, etc., puisse retrouver leur compte à un chapitre sur... Nous parlions, vous me disiez, moi, juste avant cette émission de Plotin. Ce n'est pas quelque chose que votre père disait. J'ai lu votre beau livre. Et ce n'est pas facile, Plotin. Et j'ai eu un cours sur Plotin par Jeff Fagnon, qui nous a dit un jour, bon, alors là, préparez-vous, ça va être le noyau dur. Je vais vous expliquer les hypostases, la dialectique ascendante. J'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Suivre seul vers l'un, c'est ça l'idée. Et qu'est-ce que ça signifie ? Il faut partir vers l'unité de l'âme et de l'univers.

  • Speaker #1

    Il y a un bien qui, en grec, peut être dit aussi le logos, c'est-à-dire la raison. En fait, c'est Dieu, c'est le Dieu d'avant les chrétiens. Et c'est un dieu qui n'est pas anthropomorphe. Il n'a pas une barbe comme vous, il n'a pas votre beauté, il n'a pas votre intelligence. Le dieu de Platon, c'est une espèce de puissance créatrice, c'est la puissance qui veut les puissances, etc. Et c'est situé hors le temps, hors l'espace. Et un platonicien, et Plotin était un néo-platonicien, nous dit, « Dépouillez-vous de tout ce qui vous embarrasse. Être sur Terre, le corps, les désirs, les passions, les pulsions. » la chair, etc. Débarrassez-vous de tout ça. Et il y a en vous quelque chose qui s'appelle l'âme, qui est immatérielle, qui est susceptible d'entrer en relation avec le principe immatériel du monde. C'est-à-dire que vous avez une ligne directe avec l'absolu, qui est votre âme. Donc laissez tomber tout ce qui est corporel, magnifiez votre âme, et votre âme, elle va grimper vers l'un bien. Et quand vous connaîtrez l'union, enfin quand vous aurez une union avec cet un bien, vous connaîtrez l'extase. Donc c'est une mystique, c'est une pensée mystique. Il l'a connu quatre fois dans son existence, alors qu'il a passé sa vie à ne pas boire, à ne pas manger, pas de sexualité, à ne pas laver son corps, à détruire son corps, à salir son corps.

  • Speaker #0

    L'idée de désirer la douleur, c'est quand même une phrase un peu masochiste.

  • Speaker #1

    Complètement. C'est Platon. Le corps nous entrave, l'âme nous sauve. Et si vous voulez vraiment sauver complètement votre âme, méprisez votre propre corps. Vous imaginez bien que le christianisme...

  • Speaker #0

    Vous ne l'avez pas vraiment mis en pratique parce que vous êtes plutôt un matérialiste hédoniste. Quand avez-vous... J'ai lu votre oeuvre.

  • Speaker #1

    Oui, non, moi je ne suis pas platonien, je ne suis pas platonicien. Je ne pense pas que ce soit la voie royale en philosophie de détester la seule vie que nous ayons à disposition.

  • Speaker #0

    Mais enfin, vous l'avez très bien expliqué. Donc, le projet...

  • Speaker #1

    C'est pédagogique pour que vous compreniez votre père.

  • Speaker #0

    Oui, merci, vous m'avez aidé à mieux comprendre mon père, pourquoi il voulait me fuir. Stolz, Berlin. Cette idée de toujours vouloir recommencer, recommencer à résumer toute l'histoire de la pensée. occidentale. D'où elle vous vient ? Pourquoi sans cesse ? Parce que vous l'avez déjà fait. Et là, vous repartez à zéro. Vous pensez, je ne sais pas, que la civilisation occidentale est menacée, qu'elle doit revenir aux sources ?

  • Speaker #1

    En 2002, j'ai créé l'Université Populaire de Caen parce que Jean-Marie Le Pen était présente au second tour des présidentielles et que je me suis dit, on peut descendre dans la rue en disant, le fascisme ne passera pas, ça ne suffit pas, c'est trop facile. de mettre les gens dans la douleur, dans la souffrance et dans la misère en défendant le capitalisme, le libéralisme, etc. Et puis de dire après, tous les gens qui disent on n'en peut plus, vous êtes juste des fascistes. Et j'ai créé à l'époque l'université populaire sur le principe de celle qui avait été créée au 19ème siècle, à l'époque de l'affaire Dreyfus. En disant l'ennemi c'est l'antisémitisme, c'est le pétinisme, c'est le vichisme, etc. Il se fait que cette université populaire a été détruite aussi bien par France Culture, Macron que le maire de Caen à l'époque. J'avais 1200 personnes à chacun de mes cours et du jour au lendemain on m'a dit il n'y a plus de place pour vous. Ça s'est arrêté en 2015 ? Oui je crois, je ne sais pas les souvenirs des dates. Et donc je me suis dit je vais refaire une université populaire parce qu'il y a à nouveau un danger, que le nouveau danger il est antisémite toujours et qu'il s'appelle Jean-Luc Mélenchon. Et qu'il faut lutter contre l'antisémitisme qui a pris la forme aujourd'hui de l'antisionisme. Et là j'avais un autre projet qui était de créer une université populaire dans mon village natal, Chamboy dans l'Orne. et je voulais là pour le coup essayer d'être un girondin c'est à dire de dire Dans un village comme ça, on peut refaire un café, un restaurant, une librairie, avec mon vieil ami d'école Giselin Gondouin qui vend des livres anciens dans notre village, qui fait 500 habitants, et puis de redynamiser le village. Il se fait que j'ai à nouveau rencontré des difficultés avec le maire, catholique, pratiquant, etc. qui lui ne m'a pas donné d'autorisation, de permis de construire, donc il n'y aura pas d'université populaire à Chamboy.

  • Speaker #0

    Mais il y a ce livre.

  • Speaker #1

    Et donc, comme je ne voulais pas être pris au dépourvu, je me suis dit, j'écris le cours. de cette université populaire qui n'aura pas lieu, et c'était effectivement le cours que je proposais, une histoire philosophique de l'Occident. Alors pour quelle raison ? Parce que moi, mon vieux maître Lucien Gerfagnon m'a sauvé, avec les idées, avec les livres, etc. D'où je venais, c'était quand même très improbable, et que je me proposais, non pas tant de sauver les gens, mais de leur dire, vous pouvez écouter de la philosophie, penser, discuter, débattre, vous faire un avis. par vous-même, parce que j'ai même vu qu'une historienne récemment disait que le judéo-christianisme était une imposture. Alors quand des professionnels de l'histoire nous disent que le judéo-christianisme est une imposture, l'heure est venue d'écrire l'histoire, non pas de cette imposture, mais de ce judéo-christianisme.

  • Speaker #0

    De toute façon, dès le début du livre, je vais vous demander de lire un extrait, on voit que vous expliquez que l'histoire de l'Occident, c'est une contradiction permanente. Il y a toujours d'un côté Apollon et de l'autre Dionysos. Alors. Je vous demande de lire ce passage parce que c'est assez vivant et on comprend bien que ce que vous cherchez, ce n'est pas à imposer une théorie, mais plutôt de décrire les choix qui s'offrent à nous.

  • Speaker #1

    Les tensions, bien sûr, les tensions, les combats, oui. Alors, le dualisme est aussi une forme dialectique occidentale majeure qui permet d'envisager le réel de façon contradictoire. Le vrai et le faux, le beau et le laid, la droite et la gauche, le haut et le bas, le noir et le blanc, le bien et le mal, l'homme et la femme, l'enfant et l'adulte, le sage et le fou. La raison et la déraison, l'Orient et l'Occident, le corps et l'âme, l'esprit et la chair, le jour et la nuit, la vie et la mort, la nature et la culture, la présence et l'absence, l'oral et l'écrit, l'ici et l'ailleurs, civilisé et sauvage, sujet et objet, le solide et le liquide, l'ici-bas et l'au-delà, le normal et le pathologique. Et puis un petit peu plus loin, d'un point de vue anatomique, ce sont deux yeux qui permettent la vision, deux narines qui permettent l'olfaction, deux oreilles qui permettent l'audition. Deux mains qui permettent la palpation de jambes, qui permettent la locomotion. Deux bras qui permettent l'appréhension. Deux poumons qui permettent la respiration. Deux testicules, la génération. Vous êtes au courant ? Deux hémisphères cérébraux, la cognition. Deux reins, la filtration. Deux ventricules du cœur, la circulation. Deux sphincters, la nutrition.

  • Speaker #0

    Tout va par deux. En fait, ce que vous défendez, c'est simplement le débat. Le débat des moutrages. Bien sûr. Et qu'on puisse s'engueuler, qu'on puisse discuter. sans se censurer les uns les autres quand on n'est pas d'accord.

  • Speaker #1

    C'est ça qui est terrible. Vous avez raison, c'est-à-dire de dire, j'ai un avis, vous en avez un autre, c'est pas le mien, qu'est-ce qui fait qu'on va se couper la gorge ? Vous n'êtes pas mon ennemi. Oui, voilà, l'adversaire, c'est celui avec lequel on doit pouvoir débattre en disant, moi je défends le jour, vous vous défendez la nuit, moi je défends la droite, vous vous défendez la gauche. Mais ça, c'est le vieux schéma français qui est le schéma de la guerre civile, c'est le schéma de la guerre des religions, c'est le schéma de la terreur. des Girondins, des Jacobins, c'est le schéma des monarchistes et des socialistes au XIXe siècle, c'est des pétinistes... De la haine, en fait. Oui.

  • Speaker #0

    L'élimination de la personne qui n'est pas d'accord. Absolument. Si on doit vous donner une étiquette, je sais que vous détestez ça, mais imaginons que vous aviez le choix, je vous en donne plusieurs, êtes-vous un humaniste, un conservateur, un hédoniste, un réactionnaire, un fasciste, un matérialiste, ou rien de tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, fasciste, je dirais. ça fait partie des insultes comme extrême droite etc.

  • Speaker #0

    on l'entend beaucoup, on vous dit ça pour vous disqualifier oui bien sûr,

  • Speaker #1

    pour ne pas lire, pour ne pas penser pour ne pas réfléchir, pour ne pas débattre aussi surtout si quelqu'un est d'extrême droite ou fasciste qu'est-ce que vous allez vouloir débattre avec quelqu'un qui est d'extrême droite si vous faites tout ce travail là,

  • Speaker #0

    c'est justement pour répondre à ça c'est à dire pour dire, moi je crois plutôt vous êtes plutôt comme Montaigne, un humaniste ou un honnête homme ... Oui,

  • Speaker #1

    ça se peut. Non mais moi je reste... Vous savez, il y a 17 ans j'ai découvert Proudhon et je suis toujours proudhonien. Et donc on ne me donne pas l'occasion de me demander pourquoi je l'étais, pourquoi je le suis toujours. Pourquoi êtes-vous proudhonien ? Mais parce que c'est une gauche anti-marxiste, une gauche anti-communiste, c'est une gauche anti-libérale, c'est une gauche qui propose des... solution concrète, vraiment, pas du tout de la théorie comme chez Marx.

  • Speaker #0

    Vous êtes un social-démocrate ? Beaucoup de lecteurs seront déçus.

  • Speaker #1

    Non, surtout pas social-démocrate. Les sociodémocrates sont des libéraux. Je ne suis pas libéral. Il y a ça de constant chez moi depuis toujours. Plutôt souverainiste de gauche.

  • Speaker #0

    Chevenement, par là ?

  • Speaker #1

    Chevenement, c'est compliqué. Lui-même se perd un peu. Le dernier chevenement se met à célébrer Macron. Ça devient difficile. Il nous dit qu'il n'est pas souverainiste. Il ne veut pas qu'on utilise le mot islamo-gauchiste. Bon, il y a eu plusieurs événements.

  • Speaker #0

    D'accord, mais en fait, vous êtes contre l'Europe tout en étant...

  • Speaker #1

    Contre l'Europe maastrichtienne. Social. Vous êtes social. Oui, c'est un minimum, c'est d'avoir le souci du peuple. Et de se dire, si la démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, ce que je crois, je suis ce démocrate-là. Celui qui dit demander au peuple. Alors populiste, disent aussi mes ennemis. Mais ça m'est assez égal. Je veux dire que moi, j'ai un... j'ai un cap dans ma vie qui est celui que m'a donné mon père qui était ouvrier agricole, qui n'est plus là. Et je ne plierai que sous le regard de mon père qui me dirait, ce n'est pas bien ce que tu fais. Et ce n'est pas bien ce que tu dis, ce n'est pas bien ta façon de te comporter, ou je ne sais quoi. Et le reste, je me moque qu'il y ait des double pages dans Libération, le monde, je ne sais quoi, qui traite de fasciste.

  • Speaker #0

    On a un peu de temps, on peut s'amuser à les passer en revue, les penseurs dont vous parlez, les présocratiques. Donc, par exemple, Héraclite. Héraclite, 500 ans avant Jésus-Christ. Il dit, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Alors, qu'est-ce que ça signifie exactement ?

  • Speaker #1

    Si vous dites, je me suis baigné dans la Seine, et bien il vous dit, et la deuxième fois c'était quand ? Et vous dites, hier, et puis aujourd'hui, il vous dira, c'est pas le même fleuve, c'est pas la même eau. Elle a changé l'identité de ce fleuve. Donc on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Parce que le temps passe. Parce que l'eau passe comme le temps passe et qu'on ne retrouve jamais ce qui a eu lieu la veille.

  • Speaker #0

    Et qu'on n'est plus le même soi-même.

  • Speaker #1

    Et qu'on n'est plus le même. Vous avez raison d'ajouter que ce qui aura transformé le fleuve nous aura transformé nous-mêmes. Donc c'est une pensée du flux. C'est une pensée du mouvement. Et Héraclite nous dit, voilà, tout change, tout bouge. Alors on se dit, mais tout ça est une banalité confondante. Sauf si on met ça en relation avec Parménide, qui est son grand adversaire, qui lui nous dit exactement le contraire. en nous disant « mais non, l'idée du fleuve est toujours la même » . pour reprendre l'image du fleuve. Et lui parle d'une espèce de sphère qui serait sans entrée, sans sortie, d'une grande perfection inaccessible. L'ontologie,

  • Speaker #0

    alors vous avez trop compris, mais ça veut dire « il est » , sa grande phrase c'est « il est » par Ménide.

  • Speaker #1

    Alors l'ontologie c'est très simple, nous avons devant nous un verre, et ce verre il est constitué de... Absolument. Ce verre... Il est constitué de... C'est du sable fondant ? Absolument, avec une forme, etc. Donc ça, ce sont les attributs du verre. Si maintenant, nous n'avons pas de verre et que je parle du verre, par exemple, on a pas de bateau dans la pièce, là, la scène juste à côté, et que je dis bateau, tout le monde conçoit bien ce que je dis. Eh bien, l'idée, c'est le nom d'une chose qui existe en l'absence de cette propre chose. Donc vous avez l'amitié, vous avez l'amour, vous avez la bonté, ou je ne sais quoi, enfin, la beauté. Et donc ça, ce sont des idées. Donc on n'a pas besoin du réel pour que l'idée existe, mais l'idée, elle se fabrique à partir du réel. L'idée de verre n'a pas besoin de la réalité du verre. Eh bien, l'ontologie, c'est l'art de disserter sur la substance des choses sans leur matière. C'est-à-dire, quand je vous dis une table, vous pouvez avoir des grandes tables, des petites tables, des tables en bois, des tables en verre, des tables qui sont basses, des tables qui sont grosses, etc. Mais tout le monde entend bien que quand vous avez quatre pattes et un plateau, vous avez une table. Eh bien, l'essence des choses, ce sont leurs idées, et l'ontologie, c'est l'art de disserter sur les idées.

  • Speaker #0

    Démocrite. Démocrite, alors lui il était riche et célèbre. J'ai appris ça. C'était une star à l'époque. qui est à peu près la même, à peu près 500 ans avant Jésus-Christ, et il a préféré vivre dans une cabane. Ça, ça en fait une sorte de Sylvain Tesson de l'Antiquité.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quelqu'un qui est vraiment extrêmement connu à l'époque, c'est vraiment une vedette absolue, et Platon ne le cite jamais. C'est son grand ennemi.

  • Speaker #0

    Ah, voilà. Et donc quand on a... Ça commence déjà... Déjà à l'époque, il y avait des gens censurés ?

  • Speaker #1

    C'était des idées qui s'opposaient déjà, et pas dans la... Dans l'élégance, parce que Platon aurait très bien pu dire que Démocrite disait ceci, qu'il n'était pas d'accord avec Démocrite, etc. Pas du tout. Il ne le dit pas. Il dit simplement, il y a les amis de la Terre, donc les gens qui aiment la réalité, la matière, les atomes, etc. Et puis les autres qui sont les amis des idées, qui eux sont dans le vrai, etc. Et donc, oui, ce sont deux visions du monde, riches, célèbres, etc. Puis pour Démocrite... Et puis, il dit, mais tout ça, c'est rien du tout. Je me construis une cabane au fond du jardin, et je vis dans cette cabane au fond du jardin. Alors, c'est un peu comme Taureau. C'est-à-dire que ça dure quelques temps dans sa vie, mais donc, il retrouve, là, je parle de Taureau, pour le coup, il va chercher maman, qui lui fait des tométilles, et puis, il va se réchauffer chez elle, qui lui recousse ses vêtements, etc. Donc, ce n'est pas vraiment une vie sauvage. c'est-à-dire les gens qui vivent vraiment une vie sauvage Ils ne viennent pas expliquer à la télévision qu'ils vivent des vies sauvages. Ils sont dans la vie sauvage et on ne sait pas qu'ils sont dans la vie sauvage.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant parce que déjà à l'époque, il y avait cette idée de sortir du matériel, etc. Et c'est drôle, vous opposez le rire de Démocrite aux larmes d'Héraclite. Alors qu'en fait, il y en a un qui est plus joyeux que l'autre. C'est celui qui justement fuit la matière. C'est ça.

  • Speaker #1

    c'est à dire que C'est un truc qu'on trouve dans l'histoire de la peinture. Dès que vous avez un Démocrite et un Héraclite, il y en a un qui rigole et il y en a un autre qui... Parce qu'on nous dit, le rire de Démocrite, c'est ce qui permet aux matérialistes, aux gens qui nous disent qu'il n'y a que de la matière et des agencements d'atomes, de dire, c'est ainsi. Arrêtez de déplorer le monde en disant, il faudrait le changer. Non, c'est ainsi, ça ne peut pas être autrement. Donc rigolez. C'est ce qu'on retrouve chez Montaigne, c'est ce qu'on retrouve chez Nietzsche, c'est pas mal de... Disciple, je dirais, pour aller vite, de Démocrite. Et puis vous avez Raclite qui pleure et qui dit mais le monde est terrible et désespérant, tout pas. On va mourir, le temps perdu, le temps passé, etc. Et de fait, il faut être soit du côté du rire de Démocrite, jusqu'à Foucault où on rigole, jusqu'à Nietzsche qui rit aussi, qui fait des éloges du rire, et puis d'autres qui déplorent tout le temps. Spinoza est aussi un grand amateur de rire, il ne déplore pas. Puis vous avez ceux qui déplorent. Comme Rousseau, par exemple. Ah, c'est pas bien, c'est le suicide, c'est le blague. Les djikobs sur les sciences et les arts. Il faut arrêter l'opéra, il faut arrêter les livres, il faut arrêter l'imprimerie, il faut arrêter la gastronomie, il faut boire de l'eau du ruisseau, il faut manger des framboises dans la forêt.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu des deux, parce que vous êtes parfois très critiques avec la vie contemporaine, tout en étant joyeux. Et donc, ça prouve qu'on peut être à la fois démocrite et héraclite.

  • Speaker #1

    Je suis critique non pas sur la modernité parce qu'elle est modernité. Je suis critique sur des modernités quand elles détruisent l'homme. Par exemple, vous dites que l'intelligence artificielle peut le meilleur et le pire. Vous pouvez aujourd'hui diagnostiquer des types de cancers et donc trouver des types de thérapies à ces cancers parce qu'un type qui aura travaillé à Melbourne aura fait une analyse d'une radio qui aura été faite à Tokyo et d'une radio d'un cancer et qui dira mais il y a déjà eu ce protocole. qui a été utilisé au Mexique avec des bons succès, et dans votre petit petit hôpital de sous-préfecture, vous avez une information qui sauve quelqu'un. Donc ça c'est formidable. Et puis vous avez aussi une intelligence artificielle qui dit aux gamins qui ont 13 ans, si vous voulez faire la rédaction que vous propose votre prof, demandez à l'intelligence artificielle. Et là ils ne travaillent pas. La prof qui elle-même demandera à l'intelligence artificielle de corriger la copie, et personne n'aura rien fait, et vous aurez tout de même une note qui aura été donnée à une copie qui n'aura pas été faite par quelqu'un. Donc vous voyez qu'entre ces deux extrémités, il faut dire évidemment la fameuse phrase sur laquelle tout le monde a souffert à un moment donné dans sa vie de Rabelais, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » . Donc on ne peut pas condamner la science sous prétexte qu'elle pourrait être sans conscience. Le philosophe doit dire « allons-y pour la science, mais n'oubliez pas la conscience » .

  • Speaker #0

    Votre livre est construit par thème, c'est-à-dire il y a le couple, la vérité, la nourriture, le bonheur, le plaisir. Ce qui est une manière aussi de revisiter les connaissances et de simplifier la lecture. Donc ça, c'est vraiment, merci pour ça. Mais quand même, j'ai envie de continuer d'énumérer les penseurs, parce que c'est assez passionnant comment vous arrivez à les rendre vivants. Et il y en a un, alors un, on sent que vous le préférez, à tous les autres, c'est Diogène. Franchement, on sent là, d'ailleurs c'était le titre de votre premier livre, qui s'appelait, en fait c'était le titre... que l'éditeur a refusé dans le premier livre. Il s'appelait Diogène Cannibale. Diogène Cannibale, oui.

  • Speaker #1

    Il a été transformé par mon éditeur en Le Ventre des Fulotes.

  • Speaker #0

    C'est pas le même livre. D'abord, c'est un cynique. Il se masturbe en public. Il urine sur les statues. On connaît sa phrase à Alexandre Le Grand, « Au toit de mon soleil » . Il y a quand même des histoires fascinantes sur Diogène depuis 2500 ans. Mais moi, je ne savais pas qu'il était cannibale. Il a vraiment mangé de la viande humaine.

  • Speaker #1

    Non, ça c'est la philosophie othique. C'est-à-dire qu'on raconte des histoires pour faire comprendre aux gens. Des choses qui seraient plus compliquées s'il fallait les faire passer par un livre. Ça ne veut pas dire que Diogène n'a jamais existé. Il y a un nombre de faux savants qui nous disent qu'il n'a jamais rien écrit. Non, il ne reste rien de lui, mais ce n'est pas parce qu'il ne reste rien de lui qu'il n'a rien écrit.

  • Speaker #0

    Il reste notamment toutes ces anecdotes.

  • Speaker #1

    Alors toutes ces anecdotes qui ont été rapportées par des gens. C'est-à-dire ce qu'on sait de Diogène, c'est Machin a dit de Diogène que... Et Machin nous rapporte que Diogène se comportait ainsi.

  • Speaker #0

    Alors dis-toi cette histoire de cannibale. Il a vraiment prôné ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors il dit, nous sommes trop civilisés. Alors, il faut penser à la Grèce de cette époque-là, il ne s'agit pas d'aujourd'hui. Il dit qu'il faut retrouver le sens de la nature en nous, que nous avons perdu, et prenons modèle sur les animaux. Et il dit, par exemple, les chiens, c'est formidable, regardez comment se comportent les chiens et faisons comme les chiens. Et les philosophes se réunissaient dans des endroits où on pouvait les entendre, l'académie de Platon, le lycée d'Aristote, le portique des stoïciens. Et lui dit, moi je m'en vais au cimetière pour chiens, et ça s'appelait le Cynosarge. Il dit qu'il faut se comporter comme des chiens, c'est-à-dire copuler sur la place publique, manger la main de celui qui nous nourrit, insulter les gens, aboyer après eux, etc. Alors évidemment, tout ça c'est très métaphorique. Mais comme il va jusqu'au bout de sa pensée qu'il veut vraiment toucher les gens, il est là en train de dire des trucs sur l'agora et les gens passent, et il veut absolument arrêter le regard et surtout la pensée, forcer à penser les gens. Il fait des choses, notamment se masturber sur la place publique, puis il dit « mais vous le faites bien chez vous » . Et pourquoi est-ce que moi je ne pourrais pas le faire dehors ? Vous le faites en cachette et vous me le reprochez de le faire en public. C'est quoi le problème ? Et là il dit, vous voyez, c'est la question de la civilisation. Il dénonce l'hypocrisie en fait. D'ailleurs quand il meurt, il y a une épitaphe qui est faite et qui dit « Il dénuda nos chimères » . Et ça j'aimerais bien que ça puisse être la mienne.

  • Speaker #0

    Oui c'est beau.

  • Speaker #1

    Mais effectivement il dénudait les chimères. Et il dit, sur la question de l'alimentation, « Évidemment vous allez cuire » . Vous allez assaisonner, vous allez poivrer, saler, vous allez boucaner, fumer, vous allez apprêter la nourriture que vous allez manger. Donc vous allez mettre de la civilisation dans la nature. Et lui il dit, mais mangez de la chair naturelle comme ça, ce sera très bien, pas besoin de la culture. Du cru plutôt que du cuit. Et il appelle ça, nous après, les gens qui font de l'analyse là-dessus, de l'homophagie. L'apostrophe O-M-O. Il ne s'agit pas de H-M-O, de manger des homosexuels, mais de manger de la chair crue. Et nous, nous en faisons, nous la pratiquons l'homophagie comme nous mangeons des huîtres. Une huître, c'est une espérance vide d'une huître, c'est 20 minutes dans un estomac. Mais c'est vivant quand nous gobons l'huître. Et donc lui il dit, faisons des choses naturelles, la sexualité... Quand vous voyez Alexandre et qu'il vient, il dit « Ah, tu es Diogène, tu es formidable, tu m'en dois ce que tu veux. » Et on dit que dans son tonneau, ce n'est pas un tonneau, le tonneau a été inventé par les Gaulois. Donc après, mais dans son amphore. « Fumé habité dans son amphore. » En gros, tire-toi de là. La traduction, c'est « tire-toi de là » . « Au-delà de mon soleil » , parce qu'il veut rester au soleil. L'important, c'est d'avoir la chaleur du soleil, ce n'est pas d'avoir la visite d'Alexandre. C'est une fille qui vient vous voir chez vous, vous dites « Excusez-moi, mais c'est l'heure des chiffres et des lettres. » Il n'y a pas de chose à faire que de vous écouter. Non,

  • Speaker #0

    mais en fait, ce qui vous plaît chez Diogène, c'est qu'il les provoque.

  • Speaker #1

    Non ? C'est sa liberté. C'est la provocation que, justement, dès l'échimère, moi je vois au bout du compte, avec 150 livres écrits, etc., que sans savoir, j'ai fait un trajet diogénien. C'est-à-dire de démythologisation. Vous êtes quand même habillé,

  • Speaker #0

    je précise. Pour les gens qui nous écoutent à la radio.

  • Speaker #1

    Vous voulez que je me déshabille, je peux le faire. Mais sur la psychanalyse, sur Sade, sur Saint-Germain-des-Prés, sur... Et sur le mythe de Sartre, de Saint-Germain-des-Prés, etc., etc. Et puis en même temps, ça ne veut pas dire que je ne fais que détruire. Je dis aussi du bien de plein de gens à côté de tout ça. Si je dis du mal de Sartre, c'est parce que je dis du bien de Camus. Si je dis du mal de Freud, c'est parce que je dis du bien, par exemple, de Pierre Jeannet ou de la psychanalyse existentielle, etc. Mais on ne voit que la négativité chez moi. On dit, il n'y a que ça chez Onfray. Le jour où je fais un livre de 500 pages sur la politique de Camus, on me dit, encore un livre contre Sartre. On ne s'est pas fait un livre contre Sartre, on s'est fait un livre pour Camus.

  • Speaker #0

    Lequel a votre préférence ? Il y a Diogène, vous parlez de Platon, je n'arrive pas à savoir. Vous dites que c'est un idéaliste, c'est un hindouiste un peu. Il est influencé peut-être par la philosophie qui l'a précédé de l'Inde.

  • Speaker #1

    D'abord, il est influencé par Pythagore, qui lui-même est influencé par les Indiens. Enfin, les gens qu'on appelait les gymnosophistes, c'est-à-dire les sages nus. Et moi, j'en ai vu sur le bord du Gange des gymnosophistes, des gens qui sont toujours nus, qui sont là, ils arrivent avec le lever du soleil, ils repartent avec le coucher du soleil. Et ils passent leur journée à prier.

  • Speaker #0

    Et ça, ça pourrait vous plaire, puisqu'ils sont complètement libres. Et en même temps, vous n'aimez pas trop les idéalistes. Non. C'est quoi ? Pour vous, c'est des mythomanes ?

  • Speaker #1

    Mais on va mourir une fois, et c'est pour toujours, et l'idée de mourir de son vivant n'est pas terrible. Donc, on me disait, quand je les ai vus à Bénarès, que le soir, d'abord c'était un Allemand, ce type qui passait sa journée à invoquer le soleil en hindouiste, il est venu un jour, il n'est jamais reparti, et il dit, ça fait 40 ans qu'on le connaît, il est là, il fait ça, et puis voilà. Et puis il boit un bol de lait de chèvre le soir, et puis basta, le lendemain il recommence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est heureux comme ça ?

  • Speaker #1

    J'espère pour lui. Vraiment, j'espère pour lui. Elle soit dans la détestation de tout ce qui donne du goût à la vie.

  • Speaker #0

    On trouve ça aussi chez l'empereur Marc Aurel. Vous en parlez longuement et très bien. C'est le stoïcisme, l'endurance de Marc Aurel. C'est pareil, c'est un peu masochiste. Non,

  • Speaker #1

    Marc Aurel nous dit qu'il y a deux choses. Il y a ce sur quoi tu as du pouvoir et ce sur quoi tu n'as pas de pouvoir. Ni vous ni moi. Oui, un peu, oui. Mais ni vous ni moi n'avons de pouvoir sur le fait de vieillir. Mais nous avons du pouvoir sur la façon que nous aurons d'accepter le vieillissement. Et ça, ce n'est pas la même chose. Donc plutôt que de dire, oh là là, je vieillis, je n'arrive pas, je ne mets pas ça au-dessus de moi, etc. Marcoel dirait, c'est saut, c'est débile. Tu perds ton temps. Il perd son temps à ne pas vouloir vieillir alors que c'est dans la nature des choses que nous vieillissions. Et les stoïciens disaient, mais maintenant, fais quelque chose de ta vieillesse. Et là, tu as du pouvoir là-dessus. Tu n'as pas le pouvoir de ne pas vieillir, mais tu as le pouvoir de bien vivre ou de mal vivre ta vieillesse. Et donc quand on a déjà ce principe... sélectif qui nous permet de dire, ben oui, je ne vais pas m'énerver contre le fait qu'il pleuve quand je sors le matin, ça ne changera rien. Mais en revanche, j'ai la possibilité de sortir avec un parapluie.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même chez Marc Aurel aussi l'idée de vertu. Alors là, pour le coup, c'est un peu moralisateur. C'est qu'il vaut mieux se comporter vertueusement que...

  • Speaker #1

    Mais il y a un hédonisme chez Marc Aurel, c'est-à-dire qu'au bout du compte, ce qu'il veut, c'est une vie heureuse. Quand il dit, tu vas rencontrer, lève-toi le matin en sachant que tu vas rencontrer un fourbe, un imbécile, un envieux, un prétentieux, etc. On dit, ah là là, c'est quand même plutôt noir, cette façon de voir les choses. Mais non, parce qu'en fin de journée, on sait qu'il a eu raison de nous prévenir et qu'il nous dit, en gros, ne t'énerve pas contre l'imbécile, le prétentieux, le suffisant, tu l'as rencontré, tu le savais le matin que tu le rencontrerais.

  • Speaker #0

    Mais la vertu stoïcienne, est-ce que ce n'est pas aussi, tout simplement, de se dire, Si je fais le mal, je vais m'attirer des ennuis, alors il vaut mieux faire le bien parce qu'à ce moment-là, j'aurai moins de problèmes, donc ma vie sera plus agréable.

  • Speaker #1

    Non, parce que ça c'est chrétien. La civilisation de la culpabilité, ce n'est pas la civilisation de l'honneur. La civilisation de la culpabilité, c'est le christianisme. C'est le péché originel, la faute, etc. Chez ces gens-là, chez les gens d'avant, je dirais, il y a le sens de l'honneur. Il n'est pas honorable de se plaindre parce qu'on est malheureux. De gémir, de gindre, de dire... Ça n'existe pas chez les Grecs. C'est pour moi. C'est toute mon œuvre qui est par terre. Non, je ne crois pas que ce soit le sens de votre... Ce qui vaut la tête, ça. Mais je comprends. Et donc la sagesse romaine, c'est ça. C'est de dire, fais le nécessaire, construis-toi comme une citadelle intérieure. C'est une expression de Marc Aurel. Il dit, fais-toi comme une citadelle intérieure impénétrable. Il dit même, sois comme le rocher qui est en plein milieu de la mer alors qu'il est il est frappé par des vagues, il est tabassé par le vent, etc. va rester solide et sera construit. Construis-toi comme une citadelle intérieure et sois inaccessible à tout ce qui advient de l'extérieur. On veut te détruire, on veut te faire du mal, ne sois pas jaloux, ne sois pas envieux, ne sois pas dans le ressentiment, ça ne sert à rien. Et c'est pour ça qu'il faut pardonner, non pas parce que Dieu... nous en sera gré le jour du jugement dernier, on peut croire en ça, mais moi j'y crois pas, mais simplement parce que si quelqu'un vous a fait du mal, et que sans cesse, vous vous dites qu'il vous a fait du mal, c'est qu'il vous fait du mal tous les jours. Il vous a fait mal une fois, et vous vous faites de telle sorte qu'il vous fait mal dix mille fois. Et il faut dire, eh bien, tu ne m'auras fait mal qu'une fois, et encore, quand j'y pense aujourd'hui, ça ne me fait pas si mal que ça, finalement. Et donc c'est une sagesse qui permet de se construire... Heureux, je dirais, on peut utiliser le mot, heureux dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce que le tome suivant, évidemment, sera sur la chrétienté, sur le christianisme. Il s'appellera « Construction d'une cathédrale » . Évidemment, là, vous aborderez la question judéo-chrétienne.

  • Speaker #1

    Et le passage, pour le coup, d'une civilisation de l'honneur, c'est-à-dire c'est déshonorant de dire « j'ai mal, je souffre » , etc., à une morale de la culpabilité, du genre « je suis coupable de toute façon, quoi qu'il arrive » . C'est Adam un jour qui a commis une faute qu'il m'a transmise depuis et c'est dans l'ordre des choses.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes toujours athée ?

  • Speaker #1

    Oui, plus que jamais.

  • Speaker #0

    Et pourtant vous allez consacrer 500 pages à Jésus ?

  • Speaker #1

    Non, pas tant à Jésus qu'au christianisme. Mais Jésus, de toute façon, je lui ai réglé son compte dans un livre qui s'appelle « Les théories de Jésus » et je raconte que c'est un concept. Oui, oui, mais c'est sûr. Maintenant, c'est pas un petit Jésus. C'est devenu parabolique, c'est devenu... Oui, le problème, c'est qu'on ne veut pas penser la construction de notre Jésus, comment il a été construit. Et ensuite, on ne veut pas penser la construction non plus de notre Occident. Or, il y a... 10 siècles, c'est le prochain volume, 10 siècles de ce qu'on appelle la patristique, les pères de l'Église que personne ne lit, c'est-à-dire les Grégoire de Naziance, les Méthodes d'Olympe, les Dorothées de Gaza, les Paulins de Nol, enfin tous ces gens qui... Là je lis Justin de Naplouse, par exemple, qui pourrait même donner un faux nom, et puis on ne va s'apercevrer même pas. Et pourtant, tous ces gens-là, il y a une collection qui s'appelle Sources Chrétiennes, qui est l'équivalent de la collection Budée pour les Grecs et les Latins. qui prend une place considérable dans une bibliothèque, on ne lit pas ces gens-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est vrai qu'entre Jésus, c'est en l'an 0, et puis l'Église telle qu'on la connaît, il s'est passé 10, 11, 12 siècles.

  • Speaker #1

    Alors, entre Jésus et l'Église, il s'est passé de 33 à 313. C'est-à-dire que de la crucifixion du fameux Jésus à 312, 313, enfin, les moments où Constantin se convertit au christianisme et dit « mais moi je convertis l'essentiel de l'Empire au christianisme » . Et là, pour le coup, il arrête un christianisme. Pour le coup, à l'époque, il y a autant de chrétiens, de christianisme via de chrétiens. Et lui, il dit, voilà, maintenant, le christianisme, c'est ça. Et il y a des conciles, et ça devient autoritaire. Puis après, l'Église arrête, avec des conciles, les pensées sur ceci, sur cela, ce que, par exemple, pouvait être, en même temps, père-fils et saint-esprit. La Sainte Trinité, c'est quand même un drôle de truc. Vous dites, ah, mais le bon sens... Ah oui,

  • Speaker #0

    ça je n'ai jamais compris. Et pourtant je suis catholique, mais je n'ai jamais compris la Crénité.

  • Speaker #1

    On l'a expliqué sur le bord. Oui, il y a une image qu'on crée au Moyen-Âge, qui est un enfant qui est en train de creuser sur une plage, il fait un trou dans la plage, et il veut vider l'eau de la mer, et il y a Augustin Quélin qui dit, mais tu n'y parviendras pas, enfin, c'est pas possible. Il lui dit, mais pas plus que tu ne saurais prouver que la Sainte Trinité est une vérité. Et de fait, si vous dites, je suis le Père, et bien, manquablement, le Fils arrive après. Si vous êtes le Père, vous avez généré le Fils. Mais là, on vous dit, ah non, le Père et le Fils, ils sont consubstantiels. Et vous ajoutez à ça le Saint-Esprit. Et donc, c'est un article de foi. C'est compliqué. Simplement, ça se construit. Jésus, si vous cherchez dans les évangiles, il n'est pas question de la Sainte Trinité. C'est par la suite. Et ça va être la même chose avec l'Immaculée Conception. Ça va être la même chose avec ce qu'on appelle la transsubstantiation. Le corps du Christ est-il dans l'hostie ? Le sang du Christ est-il dans le calice dans lequel se trouve du vin blanc ?

  • Speaker #0

    Non, mais c'est passionnant. après j'ai une question une question qui me vient qui n'est pas forcément agréable Quand je vous entends parler de philosophie, vous êtes vraiment très brillant et très accessible. Mais vous vous exprimez beaucoup sur l'actualité, dans des émissions, sur CNews, ailleurs, même si vous êtes boycotté par pas mal de chaînes. Mais vous ne pensez pas quand même que votre vrai rôle, ce serait plutôt de rester philosophe avant tout ? Pourquoi avez-vous toujours ce désir de participer ? au débat contemporain, parfois un peu vain, et du coup, on vous pose des questions qui peut-être vous intéressent moins, en plus. Oui,

  • Speaker #1

    je suis convaincu de ça. Mais il n'y a pas de philosophe chez lesquels il n'y avait pas de dimension, je dirais intellectuelle, enfin, vous voyez, dans le sens 19e siècle, c'est-à-dire intervention dans la cité. Tous les philosophes sont intervenus dans la cité. Alors je ne dis pas que les philosophes n'ont laissé leur nom que dans l'intervention dans la cité. Mais regardez Bergson, il écrit, je ne sais pas, matière et mémoire, énergie spirituelle, mais en même temps, il combat au moment de la première guerre mondiale contre les Allemands. Il a d'ailleurs un prix Nobel de littérature parce qu'on ne peut pas lui donner un prix Nobel de la paix. Mais parce qu'il est impliqué. Regardez Sartre et Camus, ils s'impliquent dans la question du communisme, du marxisme, du goulag, etc. Et puis prenez-les tous, Voltaire par exemple, Sir Calas, Sir Venn et autres. Rousseau qui lui-même, etc. Enfin, tous se sont impliqués dans leur temps. Est-ce que c'est ça qu'on retient de quelqu'un ? Je ne sais pas. Mais c'est vrai que les gens ne lisent plus la Henriade de Voltaire, alors que Voltaire pensait qu'il laisserait un an pour cette tragédie. Et se souviennent en revanche de l'affaire Callas, ou du rôle de l'intellectuel, etc. Et que je ne peux pas, d'autre réponse, je ne peux pas laisser le monde comme il est, aller comme il va, sans donner mon grain de sel. simplement c'est ceux qui pensent que je ne suis que là qui se trompent peut-être un peu. J'ai fait une vingtaine de livres consacrés à des auteurs, à des peintres et à des artistes, personne n'en parle. j'ai publié une dizaine de recueils de poèmes

  • Speaker #0

    personne n'en parle. C'est-à-dire, on ne dit pas « Ah, la poésie de Michel... » Alors, on a le droit d'aimer ou pas aimer, mais de dire « La poésie de Michel Onfray » , personne n'en parle.

  • Speaker #1

    Mais elle peut publier ce livre-là, c'est peut-être justement une manière de répondre et de dire « Regardez, je fais quand même aussi ce travail-là. » Non,

  • Speaker #0

    ça ne suffira pas. Non, mais parce que je vois bien, je ne lis pas ce qui s'écrit sur moi, mais je vois bien comment Libé pourrait dire « Regardez comment, avec son histoire philosophique de l'Occident, il défend les idées d'extrême-droite, l'Occident chrétien qui était là. Non, mais je suis d'accord. Non, puisque ce n'est pas encore le temps. Je vous dis ce que dirait la Fédération, ou peut-être dit d'ailleurs, j'en sais rien, ou Le Monde ou France Inter. Les gens qui ne veulent pas m'aimer, ont toutes les raisons du monde de ne pas m'aimer, et les trouveront partout. Si je me tais, c'est parce que je suis vaincu, si je parle, c'est que j'ai tort, je suis 10 ans interdit de service public, et personne ne dit que c'est anormal, et j'interviens avec Laurence Ferrari sur CNews pour une émission où je suis totalement libre, et on me dit que je suis passé du côté de l'extrême droite, etc. Ça, il faut laisser parler. Oui, exactement. Il faut porter comme Marc Aurel. Oui, oui. Marc Aurel,

  • Speaker #1

    ça coule sur les plumes d'un canard. Alors, devine tes citations, Michel. C'est le jeu de l'émission. Je vais vous lire des phrases de vous. Vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit ceci. Il faut accélérer malheureusement, parce qu'on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Alors, j'ai 17 ans. C'est le plus bel âge de la vie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est facile pour moi de répondre, parce que j'ai reçu les épreuves de mon prochain livre. et vous acheter un coup d'œil dessus. Donc c'est le prochain qui s'appelle l'anarchie positive et qu'un éloge de Proudhon.

  • Speaker #1

    De Proudhon, voilà, exactement. Donc vous en avez parlé tout à l'heure. Mais en même temps, cette insipide, c'est un hommage à la célèbre phrase de Paul Nisan, dans Aden Arabi, j'avais 20 ans et je ne laisse personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Là, à 17 ans, vous pensez le plus bel âge de votre vie. Pour moi, oui. Est-ce que vous étiez enfin sorti du pensionnat ?

  • Speaker #0

    Il y a ça, et puis il y a le fait que je quitte aussi le lycée, j'ai mon bac en 1976, j'ai donc 17 ans. Et là, j'entre à la fac et c'est un moment pour moi de... Je découvre une lecture forcenée. Je lis 12-15 heures par jour, enfin tout le temps, quoi. Les cours à la fac, les séances chez un vieux libraire d'occasion que j'aimais beaucoup.

  • Speaker #1

    Revenons sur ce pensionnat deux secondes. Parce que vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé au moment de l'affaire Bétarra, mais c'est quand même un peu aussi votre enfance. Vous étiez dans ce que vous appeliez un cloaque anthropophage, un endroit chez les prêtres salésiens à Giel. de 1969 à 1974, où vous avez vraiment connu les châtiments corporels, les tabassages, la faim, le froid, la saleté, une douche par semaine.

  • Speaker #0

    Oui, et du sport tous les jours.

  • Speaker #1

    Et du sport tous les jours.

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas connu personnellement les passages à tabac, mais j'ai assisté à ça. Ça pouvait nous arriver, puisqu'on voyait que quelqu'un qui finissait sa phrase... Alors qu'on nous avait demandé le silence, se faisait tirer par les cheveux, mettre à terre et traverser le réfectoire à coups de pied et laisser des traces de sang parce qu'il saignait du nez sur la totalité du carrelage. Oui,

  • Speaker #1

    par tous les hurlements.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Donc ça j'ai connu. Les curés qui tripotaient les petits garçons, mais moi ça ne m'est jamais arrivé. Mais y compris, moi j'étais dans un club photo où le mercredi après-midi, dans une chambre obscure, je me trouvais avec un curé pédophile qui ne m'a jamais touché. Mais je savais pourtant qu'il en touchait d'autres, qu'il en tripotait d'autres. Donc moi j'ai vécu dans la terreur d'une pédophilie qui ne m'a pas concerné vraiment. À la fin, il y avait un prof de musique, j'étais au premier rang, il nous mettait au dernier rang, et puis au dernier rang, parce qu'il n'était pas vu, il mettait la main dans le cou des gamins, il tripotait le cou des enfants. Ça, ça m'est arrivé personnellement, mais je ne vais pas non plus en faire dix livres comme Christine Angot, encore que... Non, mais peut-être que... C'est pas la même chose. Mais en disant j'ai été abusé, ça m'a détruit, vous vous rendez compte, etc. Mais d'autres ont été, oui, tripotés sexuellement. On savait qu'elles étaient des curés. Mais moi, j'ai juste devenu ami après avec ceux qui ont été mes profs laïcs dans cet endroit et qui m'ont dit qu'on ne savait pas ce que tu as raconté. On ne le savait pas. C'était très hermétique. Il y avait les profs qui n'étaient pas des prêtres. Puis les prêtres, ils se côtoyaient, mais personne ne savait la violence qu'il y avait dans ces endroits-là.

  • Speaker #1

    Mais pardon de faire une analyse freudienne, puisque vous n'aimez pas Freud. Mais quand même, quand on a vécu ça enfant, ensuite, ça peut expliquer pourquoi on est rebelle, qu'on veut absolument défendre toujours la liberté, et Diogène, et tout ça.

  • Speaker #0

    Vous avez raison. Psychoanalyse de bazar, mais elle a quand même mieux chez la Pérouse. Non, ça s'appelle de la psychologie, plus qu'une psychoanalyse. Et j'ai le projet d'écrire un... L'équivalent d'un pourquoi et comment suis-je devenu ce que je suis devenu pour montrer comment. Alors vous avez raison sur ça. L'espèce de... Vous savez, De Gaulle disait qu'il était l'homme de personne. Et j'aime beaucoup cette formule, être l'homme de personne. Et ça explique aussi une autre... En fait, c'était une prison. Vous étiez dans une prison. Voilà, comme Montclair. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Vous étiez en prison. Et en plus, vous ne rentriez même pas chez vous le week-end.

  • Speaker #0

    Non. Toutes les trois semaines.

  • Speaker #1

    Pendant combien d'années ? Quatre ?

  • Speaker #0

    Quatre ans. entre 10 et 14 ans et puis surtout la détestation La détestation de l'intelligence, des livres, de la culture. C'est-à-dire que j'ai des amis jésuites, enfin pas jésuites, mais qui ont été éduqués chez les jésuites, c'est pas du tout la même chose. On aime les livres, on apprend le grec, le latin... Là, ce sont des salésiens. Là, ce sont des salésiens pour qui l'essentiel consiste à vous donner un métier pour pouvoir subvenir à vos propres besoins. Donc au moins on voulait par exemple que je sois tourneur-fraiseur. Et on m'a dit, tu vas jusqu'en troisième, et puis après, tu rentres faire un CAP de tourneur-fraiseur. Et comme je le disais, que j'aimais lire, j'étais un PD, selon l'expression consacrée, entre guillemets. C'est ce que tu disais, oui. Oui, détestation des intellectuels, de l'intelligence, de la lecture. Alors, il se fait que j'étais bon en sport, mais que je n'aimais pas le sport. Alors ça, c'était un péché mortel.

  • Speaker #1

    Et on pouvait vous punir pour une lecture.

  • Speaker #0

    M'humilier. pas me punir mais me humilier oui Par exemple, je lisais beaucoup et tout ce qui me tombait sous la main, il y avait la sélection du Rider Digest, vous savez, si ça existe encore. Et un jour, je lisais ça parce que ça traînait dans une bibliothèque de l'orphelinat, parce que ça s'appelait un orphelinat. Et le soir, il y avait toujours un mot du soir, et le curé qui voulait m'humilier, il s'appelait le Père Moal, que Dieu qui n'existe pas est son âme. Mais il commence à lire ce texte et là, pour m'humilier, il me dit « Ah, toi ! » qui dit tout le temps qu'il n'aime pas le sport, etc. C'est de qui cette phrase ?

  • Speaker #1

    Ah, ils posaient, ils faisaient devine tes citations comme moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et donc, il se fait que, et là probablement Dieu s'est mis à mon côté ce soir-là. Parce qu'il n'existe pas. Oui, j'avais lu cette phrase, j'avais lu cet article.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Et je lui ai dit, alors évidemment j'ai 12-13 ans, et là je dis c'est de Pierre Teilhard de Chardin Et alors là, il s'est dit, mais qu'est-ce qui se passe ? Vraiment, comment il a fait ? C'était pas compliqué, j'avais lu le livre trois jours avant lui, il avait été laissé quelque part, il avait retrouvé... Enfin voilà, il n'y a pas de mystère à ça. Mais si vous voulez vraiment comprendre pourquoi je suis devenu ce que je suis devenu, ça s'est fait avec un livre qui s'appelle... que vous connaissez évidemment... très très bien qui est de diminuer le vihom et la mer et ça pue dans ce dortoir où on est 120 120 c'est 240 chaussettes c'est 120 slips c'est tout le monde qui pue qui sale qui est tous les jours du sport et là je découvre qu'en ouvrant ce livre je suis au milieu de la mer et que ça sent la mer et que je suis en train de pêcher le marlin et que je ferme le livre ça sent mauvais jour le livre je découvre la magie du livre Et là, je commande un petit carnet, on avait la possibilité de commander des fournitures, comme on disait à l'époque, pour moi-même. Et là, le monsieur qui s'occupait de ça, qui s'appelait Monsieur Naturel, me dit, mais pourquoi tu veux un petit carnet ? Qui demande ça ? Et je dis, c'est moi, c'est pour faire un répertoire pour l'anglais. Mais on t'a demandé ça ? Je dis, non, c'est moi qui ai envie. Il m'a dit, c'est une excellente idée. En fait, ce n'est pas vrai, j'avais juste envie d'écrire une histoire. Pourquoi je suis nul en anglais ? Il m'a dit, n'importe quel répertoire. Et j'écris une fiction. J'avais entre 10 et 11 ans. et là je raconte c'est un petit roman que j'ai ouais Il y a un cahier de Lerne qui m'a été consacré, on a publié ce petit texte-là, que je n'ai pas pu relire d'ailleurs, avant publication. Mais donc je comprends à ce moment-là que le salut vient de l'écriture et de la lecture. Donc oui, vous avez raison, ça fait de moi, je ne vais pas dire un insoumis, le mot est préempté, mais un dissident, un rebelle, un anarchiste au sens... au donien du terme, et puis une espèce de cinglé de l'écriture et de la lecture, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et s'il y a des parents qui nous regardent, qui se demandent quel livre faire lire à leurs enfants, Le Vieil Homme et la Mer, Demingway, c'est une merveille. Mais oui. C'est à court, et c'est vraiment, il y a tout l'univers dedans. On doit encore accélérer, je suis navré, c'est passionnant. Une autre phrase de vous, ne trichez pas.

  • Speaker #0

    Ah non ?

  • Speaker #1

    Où avez-vous écrit Le Monothéisme sort du sable ?

  • Speaker #0

    Traité de la théologie.

  • Speaker #1

    Exact, 2006. encore, où avez-vous écrit mon père est mort dans mes bras 20 minutes après le début de la nuit de l'Avent c'est la première ligne de Cosmos première phrase de Cosmos, encore réussie une dernière que j'aime j'écris mes livres contrairement à quelques ennemis c'est une preuve en hiver, pour ce motif futile d'une conversation à voix basse les coupables ne se dénonçant pas le dortoir se retrouve dehors 120 enfants en pyjama dans la nuit noire la lumière bleue de la lune ... colorant les plaques de neige restées dans la cour.

  • Speaker #0

    C'est dans la préface à La Puissance d'Exister.

  • Speaker #1

    La Puissance d'Exister 2008. Bon, vous avez tout gagné. Merci infiniment. J'ai pas entendu tout écrire. Vous auriez pu aussi avoir la maladie d'Alzheimer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Voilà. Et vous avez une bonne mémoire.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas souvenir d'avoir une mauvaise mémoire.

  • Speaker #1

    Bravo. Merci en tout cas. Merci beaucoup d'être venu. Je suis très heureux qu'on ait pu parler d'autre chose que de politique. Moi aussi. Merci infiniment. Je voudrais conclure avec ce que je dis toutes les semaines, et vous allez sûrement être d'accord, la littérature est à l'esprit ce que le sport est au corps.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce que la littérature ça met de côté la philosophie, et moi ce n'est pas tant la littérature qui m'aura sauvé dans la vie, sauf Hemingway, que les livres, je dirais plutôt les livres. C'est-à-dire, il faut ajouter les essais, la psychologie, la philosophie, la philosophie antique, etc.

  • Speaker #1

    Mais l'idée que lire un livre... C'est aussi un sport pour le cerveau, c'est ça que j'essaie de dire dans ma phrase.

  • Speaker #0

    Ah oui, mais les mots mêlés aussi. C'est parce que je retiens, c'est-à-dire que je retiens l'idée que des idées peuvent changer le monde, peuvent changer aussi la vie, et qu'on peut les trouver dans des excellents romans, et qu'on peut parfois ne pas les trouver dans des mauvais livres de philo. Oui,

  • Speaker #1

    et parfois on peut aussi être sauvé par un mauvais roman, ça peut arriver.

  • Speaker #0

    Possible.

  • Speaker #1

    Oui. Je vous ordonne...

  • Speaker #0

    Pensez à quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai beaucoup. de lire le premier tome de l'histoire de la philosophie occidentale par Michel Onfray, intitulé « Déambulation de l'Occident » . Ah oui, pardon, oui. « Histoire philosophique de l'Occident » . Soyons précis. Intitulé « Déambulation dans les ruines » , car il faut déambuler dans les ruines, même si on ne se baigne jamais deux fois dans le même flasque.

  • Speaker #0

    On ne déambule jamais deux fois dans la même ruine.

  • Speaker #1

    Dans la même ruine. Sous-titrage

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Description

Parler avec Michel Onfray de philosophie antique est un délice. Pédagogue hors pair, le penseur de Normandie est surtout un anarchiste depuis que sa mère l'a mis en internat à l'âge de 10 ans. Le premier tome de son "Histoire philosophique de l'Occident" est l'occasion de parler de Diogene, Démocrite, Heraclite et Parmenide, ses vieux camarades...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir, bienvenue chez La Pérouse. Cette semaine, nous sommes parrainés par les éditions Assouline, qui sont un peu l'équivalent littéraire du Père Noël. Et le cadeau de Noël idéal, c'est bien sûr ce livre, Biarritz Basque, dont j'ai l'honneur d'avoir écrit le texte. Il y a des images magnifiques de la côte basque, de Biarritz, des surfeuses, des chipirons, des couchers de soleil. On a vraiment tout le pays. où vous devriez habiter, M. le Normand, Michel Onfray, venez plus au sud-ouest, descendez plus bas.

  • Speaker #1

    Je peux pas te faire un message à M. et Mme Assouline, là, quand même ? Parce que s'ils veulent faire la même chose avec la Normandie, je suis leur repos. Ah,

  • Speaker #0

    voilà, très bonne idée.

  • Speaker #1

    Mais bon, j'irai.

  • Speaker #0

    C'est le joyeux Noël. Bonsoir, Michel Onfray, je suis très heureux de vous re-recevoir, parce que vous étiez déjà venu il y a quelques années, dans Conversations chez la Pérouse. Mais première question, pourquoi êtes-vous boycotté par certains médias ? C'est vrai, là c'est un projet immense d'écrire une histoire philosophique de l'Occident, en commençant bien sûr par l'antiquité gréco-romaine. Et en quoi est-ce un problème de vous recevoir par exemple sur France Inter ou France 2 ou je ne sais quoi ?

  • Speaker #1

    Alors là vous me posez une question à laquelle je n'ai pas de réponse parce que je ne sais pas. Vraiment, je constate simplement que je suis interdit de service public. Enfin, ici ou là, on a pu m'inviter une fois sur France Inter pour me demander de parler des huîtres dans l'émission de François-Régis Godin. C'est arrivé. Donc on pourrait dire, mais de quoi vous plaignez-vous ? Vous avez été invité une fois ici et une autre fois là. Donc deux ou trois fois, il y a eu des gens qui ont pris quelques risques et qui m'ont laissé la parole, mais je ne sais pas pourquoi. Non, vraiment, je ne sais pas pourquoi. Alors, est-ce que c'est parce que j'ai écrit des choses désagréables sur M. Macron ? Est-ce que c'est parce que je... Je dis des choses désagréables sur l'Europe. Je pense que ça, c'est... Il y a quand même des gens, je ne dirai leur nom, mais il y a quand même des gens qui ont des émissions depuis 30 ans sur le service public à France Culture, qui ont dit des choses un peu terribles, qui ont compté le nombre de Noirs dans l'équipe de France de football, qui ont toujours pignon sur rue à France Culture. Moi, j'ai été viré du jour au lendemain, alors que les diffusions de mon cours d'université populaire faisaient un million de podcasts. Oui, oui. Paul-Yves Poivre d'Arvore qui m'avait donné cette information. Donc non, vraiment, je n'ai pas d'explication. Sauf peut-être pour faire plaisir au prince.

  • Speaker #0

    Oui, il vous en veut encore pour un pamphlet ?

  • Speaker #1

    Ah non, même pas, parce que le pamphlet est arrivé après. C'est-à-dire qu'en 2017 ou 2018, je crois, il fait savoir, c'est Sylvain Fort, sa plume, qui le fait savoir au journal du dimanche, le Parisien reprend l'information, que mon influence sur le récit national est trop importante, ce qui exagère un peu mon importance. Mais qu'il a donc dépêché une cohorte d'intellectuels pour lutter contre ce récit national. Et il a donné deux noms d'ailleurs, de gens qui sont morts depuis, Michel Serres et Pierre Nora, en disant il faut lutter contre Michel Onfray. Et quelques mois plus tard, la diffusion de mon cours à France Culture est supprimée. J'ai juste un texto de Sandrine Trenner, qui à l'époque était la patronne, qui est envoyé à Frémaux, qui est mon éditeur sonore à l'époque. Moi, je n'ai jamais eu de contact avec elle. Elle a juste dit par la suite qu'elle était obligée d'annuler mon émission parce qu'elle n'arrivait pas à me joindre. Tout le monde comprend que quand on a aujourd'hui des téléphones portables, mon épouse qui elle aussi avait été en relation avec tous ces gens-là, il y avait des numéros de téléphone, il y avait des adresses nettes, et personne ne peut croire que j'étais injoignable. Et que, en fait, de mon injoignabilité, on ait pu me virer.

  • Speaker #0

    En tout cas, on est heureux de vous recevoir sur le regard télé et chez La Pérouse, dans Conversation, qui est une émission libre et qui est sur toutes les plateformes. Et par conséquent, voilà, j'espère qu'on rattrape cette censure. C'est le mot que je cherchais. Donc, c'est une histoire philosophique de l'Occident qui commence par déambuler dans les ruines des philosophes de l'Antiquité. C'est d'ailleurs assez intéressant parce que les ruines... vous en parlez, c'est-à-dire que c'est un moyen, le fait de voir par exemple le Colisée à Rome ou de voir le Parthénon à Athènes, c'est un moyen justement de réactualiser ces penseurs-là puisqu'il reste quand même quelque chose en dehors de leurs écrits.

  • Speaker #1

    Oui, alors les ruines, ce sont des ruines philosophiques aussi, c'est-à-dire que Épicure par exemple a publié 300 livres, il nous reste trois lettres.

  • Speaker #0

    C'est incroyable !

  • Speaker #1

    Voilà, comme si vous aviez... C'est des papyrus, je crois. Oui, on en retrouve quelques-uns, que la nomme, puisque le Vésu va griller tout ça, calciner tout ça, et l'intelligence artificielle permet de développer virtuellement, et on va découvrir probablement des textes inédits, puisque c'était la ville d'Épison, que c'était un épicurien qui avait cette bibliothèque épicurienne, donc on va probablement découvrir des choses extraordinaires. Mais il nous reste très peu de choses, c'est-à-dire que quand vous avez trois lettres... dont deux sont consacrés à des choses, je ne vais pas dire inutiles, mais enfin la cosmogonie par exemple ou la physique. Donc juste une lettre à Ménécé qui est la lettre morale sur l'éthique, on se dit mais toute une résistance au christianisme s'est constituée sur quatre pages, cinq pages quoi. Donc oui ce sont des ruines, pendant que d'autres sont restés des monuments debout. Je veux dire tous les monuments qui sont Platon ou Aristote par exemple. Tous les gens qui sont compatibles avec le christianisme ont été préservés. Et tous les gens qui étaient susceptibles d'être des ennemis, des adversaires intellectuels du christianisme ont été détruits. Comme on a détruit les monuments. D'ailleurs, quand Constantin se convertit au christianisme, il détruit les temples. Et si vous allez à Rome aujourd'hui et que vous êtes devant l'arc de Constantin, il est fait de débris qui ont été prélevés sur les temples. Donc c'est pas que le temps qui a fait son office, c'est aussi la volonté humaine. Ce qu'on ne dit pas.

  • Speaker #0

    Donc vous faites ici, dans ce livre, ce que vous faites. le mieux, c'est-à-dire vulgariser la philosophie et c'est pas un mot dévalorisant, c'est de la pédagogie, comme dans votre Contre-Histoire de la Philosophie et comme à l'Université Populaire de Caen de 2002 à 2015 où vous aviez vraiment fait ce travail d'essayer d'apporter, d'expliquer, de simplifier mais de manière quand même exigeante l'histoire de la philosophie. D'où vous est venu ce goût Merci. Pour la pédagogie, parce que vous étiez prof ? Oui,

  • Speaker #1

    20 ans dans un lycée technique privé, ce que je souhaitais vraiment faire, parce que quand j'ai soutenu ma thèse, ma directrice de thèse qui était Mme Goyard m'a dit « Maintenant vous allez apprendre l'allemand en Suisse parce que vous êtes nul en allemand, l'anglais à Ottawa parce que vous êtes nul en anglais » , elle avait raison, et je le suis toujours. Et puis après vous reviendrez dans une fac française, puis après vous serez prof à la fac de Caen. Et donc, cette dame a été extrêmement importante pour moi. Je ne sais plus pourquoi je vous parle de Mme Goyard.

  • Speaker #0

    Parce que je vous demandais d'où venait ce goût pour le partage et la transmission.

  • Speaker #1

    Et elle, elle était très pédagogue, au sens noble du terme. C'est-à-dire que c'était de la philosophie politique et juridique. Elle prenait une thématique, souvent la loi, souvent le droit, et elle faisait des tranches. Le droit, elle l'adressait chez Hobbes, chez Kant, chez Locke, chez Nietzsche, je ne sais pas si tout le monde. Et je me disais, les livres importants, denses, compliqués, elle les transmet bien et on les comprend véritablement. Et puis Jacques Fagnon, qui a été mon vieux maître, alors lui, pour le coup, un maître de sagesse personnelle, et qui m'a enseigné la philosophie antique. Et quand il était à son bureau, il nous racontait comme si on y était. Donc on entendait les bruits de robes, on voyait les prostituées passer, on sentait quasiment l'odeur des foulons.

  • Speaker #0

    Il y a de ça dans des emulations dans les ruines. Vous rendez tous ces gens humains. C'est une grande qualité, franchement.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais, c'est que les humains puissent rencontrer d'autres humains. C'est-à-dire qu'un chauffeur de taxi, j'en vois de temps en temps qui me dit, ah, j'ai goûté vos cours, etc., puisse retrouver leur compte à un chapitre sur... Nous parlions, vous me disiez, moi, juste avant cette émission de Plotin. Ce n'est pas quelque chose que votre père disait. J'ai lu votre beau livre. Et ce n'est pas facile, Plotin. Et j'ai eu un cours sur Plotin par Jeff Fagnon, qui nous a dit un jour, bon, alors là, préparez-vous, ça va être le noyau dur. Je vais vous expliquer les hypostases, la dialectique ascendante. J'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Suivre seul vers l'un, c'est ça l'idée. Et qu'est-ce que ça signifie ? Il faut partir vers l'unité de l'âme et de l'univers.

  • Speaker #1

    Il y a un bien qui, en grec, peut être dit aussi le logos, c'est-à-dire la raison. En fait, c'est Dieu, c'est le Dieu d'avant les chrétiens. Et c'est un dieu qui n'est pas anthropomorphe. Il n'a pas une barbe comme vous, il n'a pas votre beauté, il n'a pas votre intelligence. Le dieu de Platon, c'est une espèce de puissance créatrice, c'est la puissance qui veut les puissances, etc. Et c'est situé hors le temps, hors l'espace. Et un platonicien, et Plotin était un néo-platonicien, nous dit, « Dépouillez-vous de tout ce qui vous embarrasse. Être sur Terre, le corps, les désirs, les passions, les pulsions. » la chair, etc. Débarrassez-vous de tout ça. Et il y a en vous quelque chose qui s'appelle l'âme, qui est immatérielle, qui est susceptible d'entrer en relation avec le principe immatériel du monde. C'est-à-dire que vous avez une ligne directe avec l'absolu, qui est votre âme. Donc laissez tomber tout ce qui est corporel, magnifiez votre âme, et votre âme, elle va grimper vers l'un bien. Et quand vous connaîtrez l'union, enfin quand vous aurez une union avec cet un bien, vous connaîtrez l'extase. Donc c'est une mystique, c'est une pensée mystique. Il l'a connu quatre fois dans son existence, alors qu'il a passé sa vie à ne pas boire, à ne pas manger, pas de sexualité, à ne pas laver son corps, à détruire son corps, à salir son corps.

  • Speaker #0

    L'idée de désirer la douleur, c'est quand même une phrase un peu masochiste.

  • Speaker #1

    Complètement. C'est Platon. Le corps nous entrave, l'âme nous sauve. Et si vous voulez vraiment sauver complètement votre âme, méprisez votre propre corps. Vous imaginez bien que le christianisme...

  • Speaker #0

    Vous ne l'avez pas vraiment mis en pratique parce que vous êtes plutôt un matérialiste hédoniste. Quand avez-vous... J'ai lu votre oeuvre.

  • Speaker #1

    Oui, non, moi je ne suis pas platonien, je ne suis pas platonicien. Je ne pense pas que ce soit la voie royale en philosophie de détester la seule vie que nous ayons à disposition.

  • Speaker #0

    Mais enfin, vous l'avez très bien expliqué. Donc, le projet...

  • Speaker #1

    C'est pédagogique pour que vous compreniez votre père.

  • Speaker #0

    Oui, merci, vous m'avez aidé à mieux comprendre mon père, pourquoi il voulait me fuir. Stolz, Berlin. Cette idée de toujours vouloir recommencer, recommencer à résumer toute l'histoire de la pensée. occidentale. D'où elle vous vient ? Pourquoi sans cesse ? Parce que vous l'avez déjà fait. Et là, vous repartez à zéro. Vous pensez, je ne sais pas, que la civilisation occidentale est menacée, qu'elle doit revenir aux sources ?

  • Speaker #1

    En 2002, j'ai créé l'Université Populaire de Caen parce que Jean-Marie Le Pen était présente au second tour des présidentielles et que je me suis dit, on peut descendre dans la rue en disant, le fascisme ne passera pas, ça ne suffit pas, c'est trop facile. de mettre les gens dans la douleur, dans la souffrance et dans la misère en défendant le capitalisme, le libéralisme, etc. Et puis de dire après, tous les gens qui disent on n'en peut plus, vous êtes juste des fascistes. Et j'ai créé à l'époque l'université populaire sur le principe de celle qui avait été créée au 19ème siècle, à l'époque de l'affaire Dreyfus. En disant l'ennemi c'est l'antisémitisme, c'est le pétinisme, c'est le vichisme, etc. Il se fait que cette université populaire a été détruite aussi bien par France Culture, Macron que le maire de Caen à l'époque. J'avais 1200 personnes à chacun de mes cours et du jour au lendemain on m'a dit il n'y a plus de place pour vous. Ça s'est arrêté en 2015 ? Oui je crois, je ne sais pas les souvenirs des dates. Et donc je me suis dit je vais refaire une université populaire parce qu'il y a à nouveau un danger, que le nouveau danger il est antisémite toujours et qu'il s'appelle Jean-Luc Mélenchon. Et qu'il faut lutter contre l'antisémitisme qui a pris la forme aujourd'hui de l'antisionisme. Et là j'avais un autre projet qui était de créer une université populaire dans mon village natal, Chamboy dans l'Orne. et je voulais là pour le coup essayer d'être un girondin c'est à dire de dire Dans un village comme ça, on peut refaire un café, un restaurant, une librairie, avec mon vieil ami d'école Giselin Gondouin qui vend des livres anciens dans notre village, qui fait 500 habitants, et puis de redynamiser le village. Il se fait que j'ai à nouveau rencontré des difficultés avec le maire, catholique, pratiquant, etc. qui lui ne m'a pas donné d'autorisation, de permis de construire, donc il n'y aura pas d'université populaire à Chamboy.

  • Speaker #0

    Mais il y a ce livre.

  • Speaker #1

    Et donc, comme je ne voulais pas être pris au dépourvu, je me suis dit, j'écris le cours. de cette université populaire qui n'aura pas lieu, et c'était effectivement le cours que je proposais, une histoire philosophique de l'Occident. Alors pour quelle raison ? Parce que moi, mon vieux maître Lucien Gerfagnon m'a sauvé, avec les idées, avec les livres, etc. D'où je venais, c'était quand même très improbable, et que je me proposais, non pas tant de sauver les gens, mais de leur dire, vous pouvez écouter de la philosophie, penser, discuter, débattre, vous faire un avis. par vous-même, parce que j'ai même vu qu'une historienne récemment disait que le judéo-christianisme était une imposture. Alors quand des professionnels de l'histoire nous disent que le judéo-christianisme est une imposture, l'heure est venue d'écrire l'histoire, non pas de cette imposture, mais de ce judéo-christianisme.

  • Speaker #0

    De toute façon, dès le début du livre, je vais vous demander de lire un extrait, on voit que vous expliquez que l'histoire de l'Occident, c'est une contradiction permanente. Il y a toujours d'un côté Apollon et de l'autre Dionysos. Alors. Je vous demande de lire ce passage parce que c'est assez vivant et on comprend bien que ce que vous cherchez, ce n'est pas à imposer une théorie, mais plutôt de décrire les choix qui s'offrent à nous.

  • Speaker #1

    Les tensions, bien sûr, les tensions, les combats, oui. Alors, le dualisme est aussi une forme dialectique occidentale majeure qui permet d'envisager le réel de façon contradictoire. Le vrai et le faux, le beau et le laid, la droite et la gauche, le haut et le bas, le noir et le blanc, le bien et le mal, l'homme et la femme, l'enfant et l'adulte, le sage et le fou. La raison et la déraison, l'Orient et l'Occident, le corps et l'âme, l'esprit et la chair, le jour et la nuit, la vie et la mort, la nature et la culture, la présence et l'absence, l'oral et l'écrit, l'ici et l'ailleurs, civilisé et sauvage, sujet et objet, le solide et le liquide, l'ici-bas et l'au-delà, le normal et le pathologique. Et puis un petit peu plus loin, d'un point de vue anatomique, ce sont deux yeux qui permettent la vision, deux narines qui permettent l'olfaction, deux oreilles qui permettent l'audition. Deux mains qui permettent la palpation de jambes, qui permettent la locomotion. Deux bras qui permettent l'appréhension. Deux poumons qui permettent la respiration. Deux testicules, la génération. Vous êtes au courant ? Deux hémisphères cérébraux, la cognition. Deux reins, la filtration. Deux ventricules du cœur, la circulation. Deux sphincters, la nutrition.

  • Speaker #0

    Tout va par deux. En fait, ce que vous défendez, c'est simplement le débat. Le débat des moutrages. Bien sûr. Et qu'on puisse s'engueuler, qu'on puisse discuter. sans se censurer les uns les autres quand on n'est pas d'accord.

  • Speaker #1

    C'est ça qui est terrible. Vous avez raison, c'est-à-dire de dire, j'ai un avis, vous en avez un autre, c'est pas le mien, qu'est-ce qui fait qu'on va se couper la gorge ? Vous n'êtes pas mon ennemi. Oui, voilà, l'adversaire, c'est celui avec lequel on doit pouvoir débattre en disant, moi je défends le jour, vous vous défendez la nuit, moi je défends la droite, vous vous défendez la gauche. Mais ça, c'est le vieux schéma français qui est le schéma de la guerre civile, c'est le schéma de la guerre des religions, c'est le schéma de la terreur. des Girondins, des Jacobins, c'est le schéma des monarchistes et des socialistes au XIXe siècle, c'est des pétinistes... De la haine, en fait. Oui.

  • Speaker #0

    L'élimination de la personne qui n'est pas d'accord. Absolument. Si on doit vous donner une étiquette, je sais que vous détestez ça, mais imaginons que vous aviez le choix, je vous en donne plusieurs, êtes-vous un humaniste, un conservateur, un hédoniste, un réactionnaire, un fasciste, un matérialiste, ou rien de tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, fasciste, je dirais. ça fait partie des insultes comme extrême droite etc.

  • Speaker #0

    on l'entend beaucoup, on vous dit ça pour vous disqualifier oui bien sûr,

  • Speaker #1

    pour ne pas lire, pour ne pas penser pour ne pas réfléchir, pour ne pas débattre aussi surtout si quelqu'un est d'extrême droite ou fasciste qu'est-ce que vous allez vouloir débattre avec quelqu'un qui est d'extrême droite si vous faites tout ce travail là,

  • Speaker #0

    c'est justement pour répondre à ça c'est à dire pour dire, moi je crois plutôt vous êtes plutôt comme Montaigne, un humaniste ou un honnête homme ... Oui,

  • Speaker #1

    ça se peut. Non mais moi je reste... Vous savez, il y a 17 ans j'ai découvert Proudhon et je suis toujours proudhonien. Et donc on ne me donne pas l'occasion de me demander pourquoi je l'étais, pourquoi je le suis toujours. Pourquoi êtes-vous proudhonien ? Mais parce que c'est une gauche anti-marxiste, une gauche anti-communiste, c'est une gauche anti-libérale, c'est une gauche qui propose des... solution concrète, vraiment, pas du tout de la théorie comme chez Marx.

  • Speaker #0

    Vous êtes un social-démocrate ? Beaucoup de lecteurs seront déçus.

  • Speaker #1

    Non, surtout pas social-démocrate. Les sociodémocrates sont des libéraux. Je ne suis pas libéral. Il y a ça de constant chez moi depuis toujours. Plutôt souverainiste de gauche.

  • Speaker #0

    Chevenement, par là ?

  • Speaker #1

    Chevenement, c'est compliqué. Lui-même se perd un peu. Le dernier chevenement se met à célébrer Macron. Ça devient difficile. Il nous dit qu'il n'est pas souverainiste. Il ne veut pas qu'on utilise le mot islamo-gauchiste. Bon, il y a eu plusieurs événements.

  • Speaker #0

    D'accord, mais en fait, vous êtes contre l'Europe tout en étant...

  • Speaker #1

    Contre l'Europe maastrichtienne. Social. Vous êtes social. Oui, c'est un minimum, c'est d'avoir le souci du peuple. Et de se dire, si la démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, ce que je crois, je suis ce démocrate-là. Celui qui dit demander au peuple. Alors populiste, disent aussi mes ennemis. Mais ça m'est assez égal. Je veux dire que moi, j'ai un... j'ai un cap dans ma vie qui est celui que m'a donné mon père qui était ouvrier agricole, qui n'est plus là. Et je ne plierai que sous le regard de mon père qui me dirait, ce n'est pas bien ce que tu fais. Et ce n'est pas bien ce que tu dis, ce n'est pas bien ta façon de te comporter, ou je ne sais quoi. Et le reste, je me moque qu'il y ait des double pages dans Libération, le monde, je ne sais quoi, qui traite de fasciste.

  • Speaker #0

    On a un peu de temps, on peut s'amuser à les passer en revue, les penseurs dont vous parlez, les présocratiques. Donc, par exemple, Héraclite. Héraclite, 500 ans avant Jésus-Christ. Il dit, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Alors, qu'est-ce que ça signifie exactement ?

  • Speaker #1

    Si vous dites, je me suis baigné dans la Seine, et bien il vous dit, et la deuxième fois c'était quand ? Et vous dites, hier, et puis aujourd'hui, il vous dira, c'est pas le même fleuve, c'est pas la même eau. Elle a changé l'identité de ce fleuve. Donc on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Parce que le temps passe. Parce que l'eau passe comme le temps passe et qu'on ne retrouve jamais ce qui a eu lieu la veille.

  • Speaker #0

    Et qu'on n'est plus le même soi-même.

  • Speaker #1

    Et qu'on n'est plus le même. Vous avez raison d'ajouter que ce qui aura transformé le fleuve nous aura transformé nous-mêmes. Donc c'est une pensée du flux. C'est une pensée du mouvement. Et Héraclite nous dit, voilà, tout change, tout bouge. Alors on se dit, mais tout ça est une banalité confondante. Sauf si on met ça en relation avec Parménide, qui est son grand adversaire, qui lui nous dit exactement le contraire. en nous disant « mais non, l'idée du fleuve est toujours la même » . pour reprendre l'image du fleuve. Et lui parle d'une espèce de sphère qui serait sans entrée, sans sortie, d'une grande perfection inaccessible. L'ontologie,

  • Speaker #0

    alors vous avez trop compris, mais ça veut dire « il est » , sa grande phrase c'est « il est » par Ménide.

  • Speaker #1

    Alors l'ontologie c'est très simple, nous avons devant nous un verre, et ce verre il est constitué de... Absolument. Ce verre... Il est constitué de... C'est du sable fondant ? Absolument, avec une forme, etc. Donc ça, ce sont les attributs du verre. Si maintenant, nous n'avons pas de verre et que je parle du verre, par exemple, on a pas de bateau dans la pièce, là, la scène juste à côté, et que je dis bateau, tout le monde conçoit bien ce que je dis. Eh bien, l'idée, c'est le nom d'une chose qui existe en l'absence de cette propre chose. Donc vous avez l'amitié, vous avez l'amour, vous avez la bonté, ou je ne sais quoi, enfin, la beauté. Et donc ça, ce sont des idées. Donc on n'a pas besoin du réel pour que l'idée existe, mais l'idée, elle se fabrique à partir du réel. L'idée de verre n'a pas besoin de la réalité du verre. Eh bien, l'ontologie, c'est l'art de disserter sur la substance des choses sans leur matière. C'est-à-dire, quand je vous dis une table, vous pouvez avoir des grandes tables, des petites tables, des tables en bois, des tables en verre, des tables qui sont basses, des tables qui sont grosses, etc. Mais tout le monde entend bien que quand vous avez quatre pattes et un plateau, vous avez une table. Eh bien, l'essence des choses, ce sont leurs idées, et l'ontologie, c'est l'art de disserter sur les idées.

  • Speaker #0

    Démocrite. Démocrite, alors lui il était riche et célèbre. J'ai appris ça. C'était une star à l'époque. qui est à peu près la même, à peu près 500 ans avant Jésus-Christ, et il a préféré vivre dans une cabane. Ça, ça en fait une sorte de Sylvain Tesson de l'Antiquité.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quelqu'un qui est vraiment extrêmement connu à l'époque, c'est vraiment une vedette absolue, et Platon ne le cite jamais. C'est son grand ennemi.

  • Speaker #0

    Ah, voilà. Et donc quand on a... Ça commence déjà... Déjà à l'époque, il y avait des gens censurés ?

  • Speaker #1

    C'était des idées qui s'opposaient déjà, et pas dans la... Dans l'élégance, parce que Platon aurait très bien pu dire que Démocrite disait ceci, qu'il n'était pas d'accord avec Démocrite, etc. Pas du tout. Il ne le dit pas. Il dit simplement, il y a les amis de la Terre, donc les gens qui aiment la réalité, la matière, les atomes, etc. Et puis les autres qui sont les amis des idées, qui eux sont dans le vrai, etc. Et donc, oui, ce sont deux visions du monde, riches, célèbres, etc. Puis pour Démocrite... Et puis, il dit, mais tout ça, c'est rien du tout. Je me construis une cabane au fond du jardin, et je vis dans cette cabane au fond du jardin. Alors, c'est un peu comme Taureau. C'est-à-dire que ça dure quelques temps dans sa vie, mais donc, il retrouve, là, je parle de Taureau, pour le coup, il va chercher maman, qui lui fait des tométilles, et puis, il va se réchauffer chez elle, qui lui recousse ses vêtements, etc. Donc, ce n'est pas vraiment une vie sauvage. c'est-à-dire les gens qui vivent vraiment une vie sauvage Ils ne viennent pas expliquer à la télévision qu'ils vivent des vies sauvages. Ils sont dans la vie sauvage et on ne sait pas qu'ils sont dans la vie sauvage.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant parce que déjà à l'époque, il y avait cette idée de sortir du matériel, etc. Et c'est drôle, vous opposez le rire de Démocrite aux larmes d'Héraclite. Alors qu'en fait, il y en a un qui est plus joyeux que l'autre. C'est celui qui justement fuit la matière. C'est ça.

  • Speaker #1

    c'est à dire que C'est un truc qu'on trouve dans l'histoire de la peinture. Dès que vous avez un Démocrite et un Héraclite, il y en a un qui rigole et il y en a un autre qui... Parce qu'on nous dit, le rire de Démocrite, c'est ce qui permet aux matérialistes, aux gens qui nous disent qu'il n'y a que de la matière et des agencements d'atomes, de dire, c'est ainsi. Arrêtez de déplorer le monde en disant, il faudrait le changer. Non, c'est ainsi, ça ne peut pas être autrement. Donc rigolez. C'est ce qu'on retrouve chez Montaigne, c'est ce qu'on retrouve chez Nietzsche, c'est pas mal de... Disciple, je dirais, pour aller vite, de Démocrite. Et puis vous avez Raclite qui pleure et qui dit mais le monde est terrible et désespérant, tout pas. On va mourir, le temps perdu, le temps passé, etc. Et de fait, il faut être soit du côté du rire de Démocrite, jusqu'à Foucault où on rigole, jusqu'à Nietzsche qui rit aussi, qui fait des éloges du rire, et puis d'autres qui déplorent tout le temps. Spinoza est aussi un grand amateur de rire, il ne déplore pas. Puis vous avez ceux qui déplorent. Comme Rousseau, par exemple. Ah, c'est pas bien, c'est le suicide, c'est le blague. Les djikobs sur les sciences et les arts. Il faut arrêter l'opéra, il faut arrêter les livres, il faut arrêter l'imprimerie, il faut arrêter la gastronomie, il faut boire de l'eau du ruisseau, il faut manger des framboises dans la forêt.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu des deux, parce que vous êtes parfois très critiques avec la vie contemporaine, tout en étant joyeux. Et donc, ça prouve qu'on peut être à la fois démocrite et héraclite.

  • Speaker #1

    Je suis critique non pas sur la modernité parce qu'elle est modernité. Je suis critique sur des modernités quand elles détruisent l'homme. Par exemple, vous dites que l'intelligence artificielle peut le meilleur et le pire. Vous pouvez aujourd'hui diagnostiquer des types de cancers et donc trouver des types de thérapies à ces cancers parce qu'un type qui aura travaillé à Melbourne aura fait une analyse d'une radio qui aura été faite à Tokyo et d'une radio d'un cancer et qui dira mais il y a déjà eu ce protocole. qui a été utilisé au Mexique avec des bons succès, et dans votre petit petit hôpital de sous-préfecture, vous avez une information qui sauve quelqu'un. Donc ça c'est formidable. Et puis vous avez aussi une intelligence artificielle qui dit aux gamins qui ont 13 ans, si vous voulez faire la rédaction que vous propose votre prof, demandez à l'intelligence artificielle. Et là ils ne travaillent pas. La prof qui elle-même demandera à l'intelligence artificielle de corriger la copie, et personne n'aura rien fait, et vous aurez tout de même une note qui aura été donnée à une copie qui n'aura pas été faite par quelqu'un. Donc vous voyez qu'entre ces deux extrémités, il faut dire évidemment la fameuse phrase sur laquelle tout le monde a souffert à un moment donné dans sa vie de Rabelais, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » . Donc on ne peut pas condamner la science sous prétexte qu'elle pourrait être sans conscience. Le philosophe doit dire « allons-y pour la science, mais n'oubliez pas la conscience » .

  • Speaker #0

    Votre livre est construit par thème, c'est-à-dire il y a le couple, la vérité, la nourriture, le bonheur, le plaisir. Ce qui est une manière aussi de revisiter les connaissances et de simplifier la lecture. Donc ça, c'est vraiment, merci pour ça. Mais quand même, j'ai envie de continuer d'énumérer les penseurs, parce que c'est assez passionnant comment vous arrivez à les rendre vivants. Et il y en a un, alors un, on sent que vous le préférez, à tous les autres, c'est Diogène. Franchement, on sent là, d'ailleurs c'était le titre de votre premier livre, qui s'appelait, en fait c'était le titre... que l'éditeur a refusé dans le premier livre. Il s'appelait Diogène Cannibale. Diogène Cannibale, oui.

  • Speaker #1

    Il a été transformé par mon éditeur en Le Ventre des Fulotes.

  • Speaker #0

    C'est pas le même livre. D'abord, c'est un cynique. Il se masturbe en public. Il urine sur les statues. On connaît sa phrase à Alexandre Le Grand, « Au toit de mon soleil » . Il y a quand même des histoires fascinantes sur Diogène depuis 2500 ans. Mais moi, je ne savais pas qu'il était cannibale. Il a vraiment mangé de la viande humaine.

  • Speaker #1

    Non, ça c'est la philosophie othique. C'est-à-dire qu'on raconte des histoires pour faire comprendre aux gens. Des choses qui seraient plus compliquées s'il fallait les faire passer par un livre. Ça ne veut pas dire que Diogène n'a jamais existé. Il y a un nombre de faux savants qui nous disent qu'il n'a jamais rien écrit. Non, il ne reste rien de lui, mais ce n'est pas parce qu'il ne reste rien de lui qu'il n'a rien écrit.

  • Speaker #0

    Il reste notamment toutes ces anecdotes.

  • Speaker #1

    Alors toutes ces anecdotes qui ont été rapportées par des gens. C'est-à-dire ce qu'on sait de Diogène, c'est Machin a dit de Diogène que... Et Machin nous rapporte que Diogène se comportait ainsi.

  • Speaker #0

    Alors dis-toi cette histoire de cannibale. Il a vraiment prôné ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors il dit, nous sommes trop civilisés. Alors, il faut penser à la Grèce de cette époque-là, il ne s'agit pas d'aujourd'hui. Il dit qu'il faut retrouver le sens de la nature en nous, que nous avons perdu, et prenons modèle sur les animaux. Et il dit, par exemple, les chiens, c'est formidable, regardez comment se comportent les chiens et faisons comme les chiens. Et les philosophes se réunissaient dans des endroits où on pouvait les entendre, l'académie de Platon, le lycée d'Aristote, le portique des stoïciens. Et lui dit, moi je m'en vais au cimetière pour chiens, et ça s'appelait le Cynosarge. Il dit qu'il faut se comporter comme des chiens, c'est-à-dire copuler sur la place publique, manger la main de celui qui nous nourrit, insulter les gens, aboyer après eux, etc. Alors évidemment, tout ça c'est très métaphorique. Mais comme il va jusqu'au bout de sa pensée qu'il veut vraiment toucher les gens, il est là en train de dire des trucs sur l'agora et les gens passent, et il veut absolument arrêter le regard et surtout la pensée, forcer à penser les gens. Il fait des choses, notamment se masturber sur la place publique, puis il dit « mais vous le faites bien chez vous » . Et pourquoi est-ce que moi je ne pourrais pas le faire dehors ? Vous le faites en cachette et vous me le reprochez de le faire en public. C'est quoi le problème ? Et là il dit, vous voyez, c'est la question de la civilisation. Il dénonce l'hypocrisie en fait. D'ailleurs quand il meurt, il y a une épitaphe qui est faite et qui dit « Il dénuda nos chimères » . Et ça j'aimerais bien que ça puisse être la mienne.

  • Speaker #0

    Oui c'est beau.

  • Speaker #1

    Mais effectivement il dénudait les chimères. Et il dit, sur la question de l'alimentation, « Évidemment vous allez cuire » . Vous allez assaisonner, vous allez poivrer, saler, vous allez boucaner, fumer, vous allez apprêter la nourriture que vous allez manger. Donc vous allez mettre de la civilisation dans la nature. Et lui il dit, mais mangez de la chair naturelle comme ça, ce sera très bien, pas besoin de la culture. Du cru plutôt que du cuit. Et il appelle ça, nous après, les gens qui font de l'analyse là-dessus, de l'homophagie. L'apostrophe O-M-O. Il ne s'agit pas de H-M-O, de manger des homosexuels, mais de manger de la chair crue. Et nous, nous en faisons, nous la pratiquons l'homophagie comme nous mangeons des huîtres. Une huître, c'est une espérance vide d'une huître, c'est 20 minutes dans un estomac. Mais c'est vivant quand nous gobons l'huître. Et donc lui il dit, faisons des choses naturelles, la sexualité... Quand vous voyez Alexandre et qu'il vient, il dit « Ah, tu es Diogène, tu es formidable, tu m'en dois ce que tu veux. » Et on dit que dans son tonneau, ce n'est pas un tonneau, le tonneau a été inventé par les Gaulois. Donc après, mais dans son amphore. « Fumé habité dans son amphore. » En gros, tire-toi de là. La traduction, c'est « tire-toi de là » . « Au-delà de mon soleil » , parce qu'il veut rester au soleil. L'important, c'est d'avoir la chaleur du soleil, ce n'est pas d'avoir la visite d'Alexandre. C'est une fille qui vient vous voir chez vous, vous dites « Excusez-moi, mais c'est l'heure des chiffres et des lettres. » Il n'y a pas de chose à faire que de vous écouter. Non,

  • Speaker #0

    mais en fait, ce qui vous plaît chez Diogène, c'est qu'il les provoque.

  • Speaker #1

    Non ? C'est sa liberté. C'est la provocation que, justement, dès l'échimère, moi je vois au bout du compte, avec 150 livres écrits, etc., que sans savoir, j'ai fait un trajet diogénien. C'est-à-dire de démythologisation. Vous êtes quand même habillé,

  • Speaker #0

    je précise. Pour les gens qui nous écoutent à la radio.

  • Speaker #1

    Vous voulez que je me déshabille, je peux le faire. Mais sur la psychanalyse, sur Sade, sur Saint-Germain-des-Prés, sur... Et sur le mythe de Sartre, de Saint-Germain-des-Prés, etc., etc. Et puis en même temps, ça ne veut pas dire que je ne fais que détruire. Je dis aussi du bien de plein de gens à côté de tout ça. Si je dis du mal de Sartre, c'est parce que je dis du bien de Camus. Si je dis du mal de Freud, c'est parce que je dis du bien, par exemple, de Pierre Jeannet ou de la psychanalyse existentielle, etc. Mais on ne voit que la négativité chez moi. On dit, il n'y a que ça chez Onfray. Le jour où je fais un livre de 500 pages sur la politique de Camus, on me dit, encore un livre contre Sartre. On ne s'est pas fait un livre contre Sartre, on s'est fait un livre pour Camus.

  • Speaker #0

    Lequel a votre préférence ? Il y a Diogène, vous parlez de Platon, je n'arrive pas à savoir. Vous dites que c'est un idéaliste, c'est un hindouiste un peu. Il est influencé peut-être par la philosophie qui l'a précédé de l'Inde.

  • Speaker #1

    D'abord, il est influencé par Pythagore, qui lui-même est influencé par les Indiens. Enfin, les gens qu'on appelait les gymnosophistes, c'est-à-dire les sages nus. Et moi, j'en ai vu sur le bord du Gange des gymnosophistes, des gens qui sont toujours nus, qui sont là, ils arrivent avec le lever du soleil, ils repartent avec le coucher du soleil. Et ils passent leur journée à prier.

  • Speaker #0

    Et ça, ça pourrait vous plaire, puisqu'ils sont complètement libres. Et en même temps, vous n'aimez pas trop les idéalistes. Non. C'est quoi ? Pour vous, c'est des mythomanes ?

  • Speaker #1

    Mais on va mourir une fois, et c'est pour toujours, et l'idée de mourir de son vivant n'est pas terrible. Donc, on me disait, quand je les ai vus à Bénarès, que le soir, d'abord c'était un Allemand, ce type qui passait sa journée à invoquer le soleil en hindouiste, il est venu un jour, il n'est jamais reparti, et il dit, ça fait 40 ans qu'on le connaît, il est là, il fait ça, et puis voilà. Et puis il boit un bol de lait de chèvre le soir, et puis basta, le lendemain il recommence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est heureux comme ça ?

  • Speaker #1

    J'espère pour lui. Vraiment, j'espère pour lui. Elle soit dans la détestation de tout ce qui donne du goût à la vie.

  • Speaker #0

    On trouve ça aussi chez l'empereur Marc Aurel. Vous en parlez longuement et très bien. C'est le stoïcisme, l'endurance de Marc Aurel. C'est pareil, c'est un peu masochiste. Non,

  • Speaker #1

    Marc Aurel nous dit qu'il y a deux choses. Il y a ce sur quoi tu as du pouvoir et ce sur quoi tu n'as pas de pouvoir. Ni vous ni moi. Oui, un peu, oui. Mais ni vous ni moi n'avons de pouvoir sur le fait de vieillir. Mais nous avons du pouvoir sur la façon que nous aurons d'accepter le vieillissement. Et ça, ce n'est pas la même chose. Donc plutôt que de dire, oh là là, je vieillis, je n'arrive pas, je ne mets pas ça au-dessus de moi, etc. Marcoel dirait, c'est saut, c'est débile. Tu perds ton temps. Il perd son temps à ne pas vouloir vieillir alors que c'est dans la nature des choses que nous vieillissions. Et les stoïciens disaient, mais maintenant, fais quelque chose de ta vieillesse. Et là, tu as du pouvoir là-dessus. Tu n'as pas le pouvoir de ne pas vieillir, mais tu as le pouvoir de bien vivre ou de mal vivre ta vieillesse. Et donc quand on a déjà ce principe... sélectif qui nous permet de dire, ben oui, je ne vais pas m'énerver contre le fait qu'il pleuve quand je sors le matin, ça ne changera rien. Mais en revanche, j'ai la possibilité de sortir avec un parapluie.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même chez Marc Aurel aussi l'idée de vertu. Alors là, pour le coup, c'est un peu moralisateur. C'est qu'il vaut mieux se comporter vertueusement que...

  • Speaker #1

    Mais il y a un hédonisme chez Marc Aurel, c'est-à-dire qu'au bout du compte, ce qu'il veut, c'est une vie heureuse. Quand il dit, tu vas rencontrer, lève-toi le matin en sachant que tu vas rencontrer un fourbe, un imbécile, un envieux, un prétentieux, etc. On dit, ah là là, c'est quand même plutôt noir, cette façon de voir les choses. Mais non, parce qu'en fin de journée, on sait qu'il a eu raison de nous prévenir et qu'il nous dit, en gros, ne t'énerve pas contre l'imbécile, le prétentieux, le suffisant, tu l'as rencontré, tu le savais le matin que tu le rencontrerais.

  • Speaker #0

    Mais la vertu stoïcienne, est-ce que ce n'est pas aussi, tout simplement, de se dire, Si je fais le mal, je vais m'attirer des ennuis, alors il vaut mieux faire le bien parce qu'à ce moment-là, j'aurai moins de problèmes, donc ma vie sera plus agréable.

  • Speaker #1

    Non, parce que ça c'est chrétien. La civilisation de la culpabilité, ce n'est pas la civilisation de l'honneur. La civilisation de la culpabilité, c'est le christianisme. C'est le péché originel, la faute, etc. Chez ces gens-là, chez les gens d'avant, je dirais, il y a le sens de l'honneur. Il n'est pas honorable de se plaindre parce qu'on est malheureux. De gémir, de gindre, de dire... Ça n'existe pas chez les Grecs. C'est pour moi. C'est toute mon œuvre qui est par terre. Non, je ne crois pas que ce soit le sens de votre... Ce qui vaut la tête, ça. Mais je comprends. Et donc la sagesse romaine, c'est ça. C'est de dire, fais le nécessaire, construis-toi comme une citadelle intérieure. C'est une expression de Marc Aurel. Il dit, fais-toi comme une citadelle intérieure impénétrable. Il dit même, sois comme le rocher qui est en plein milieu de la mer alors qu'il est il est frappé par des vagues, il est tabassé par le vent, etc. va rester solide et sera construit. Construis-toi comme une citadelle intérieure et sois inaccessible à tout ce qui advient de l'extérieur. On veut te détruire, on veut te faire du mal, ne sois pas jaloux, ne sois pas envieux, ne sois pas dans le ressentiment, ça ne sert à rien. Et c'est pour ça qu'il faut pardonner, non pas parce que Dieu... nous en sera gré le jour du jugement dernier, on peut croire en ça, mais moi j'y crois pas, mais simplement parce que si quelqu'un vous a fait du mal, et que sans cesse, vous vous dites qu'il vous a fait du mal, c'est qu'il vous fait du mal tous les jours. Il vous a fait mal une fois, et vous vous faites de telle sorte qu'il vous fait mal dix mille fois. Et il faut dire, eh bien, tu ne m'auras fait mal qu'une fois, et encore, quand j'y pense aujourd'hui, ça ne me fait pas si mal que ça, finalement. Et donc c'est une sagesse qui permet de se construire... Heureux, je dirais, on peut utiliser le mot, heureux dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce que le tome suivant, évidemment, sera sur la chrétienté, sur le christianisme. Il s'appellera « Construction d'une cathédrale » . Évidemment, là, vous aborderez la question judéo-chrétienne.

  • Speaker #1

    Et le passage, pour le coup, d'une civilisation de l'honneur, c'est-à-dire c'est déshonorant de dire « j'ai mal, je souffre » , etc., à une morale de la culpabilité, du genre « je suis coupable de toute façon, quoi qu'il arrive » . C'est Adam un jour qui a commis une faute qu'il m'a transmise depuis et c'est dans l'ordre des choses.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes toujours athée ?

  • Speaker #1

    Oui, plus que jamais.

  • Speaker #0

    Et pourtant vous allez consacrer 500 pages à Jésus ?

  • Speaker #1

    Non, pas tant à Jésus qu'au christianisme. Mais Jésus, de toute façon, je lui ai réglé son compte dans un livre qui s'appelle « Les théories de Jésus » et je raconte que c'est un concept. Oui, oui, mais c'est sûr. Maintenant, c'est pas un petit Jésus. C'est devenu parabolique, c'est devenu... Oui, le problème, c'est qu'on ne veut pas penser la construction de notre Jésus, comment il a été construit. Et ensuite, on ne veut pas penser la construction non plus de notre Occident. Or, il y a... 10 siècles, c'est le prochain volume, 10 siècles de ce qu'on appelle la patristique, les pères de l'Église que personne ne lit, c'est-à-dire les Grégoire de Naziance, les Méthodes d'Olympe, les Dorothées de Gaza, les Paulins de Nol, enfin tous ces gens qui... Là je lis Justin de Naplouse, par exemple, qui pourrait même donner un faux nom, et puis on ne va s'apercevrer même pas. Et pourtant, tous ces gens-là, il y a une collection qui s'appelle Sources Chrétiennes, qui est l'équivalent de la collection Budée pour les Grecs et les Latins. qui prend une place considérable dans une bibliothèque, on ne lit pas ces gens-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est vrai qu'entre Jésus, c'est en l'an 0, et puis l'Église telle qu'on la connaît, il s'est passé 10, 11, 12 siècles.

  • Speaker #1

    Alors, entre Jésus et l'Église, il s'est passé de 33 à 313. C'est-à-dire que de la crucifixion du fameux Jésus à 312, 313, enfin, les moments où Constantin se convertit au christianisme et dit « mais moi je convertis l'essentiel de l'Empire au christianisme » . Et là, pour le coup, il arrête un christianisme. Pour le coup, à l'époque, il y a autant de chrétiens, de christianisme via de chrétiens. Et lui, il dit, voilà, maintenant, le christianisme, c'est ça. Et il y a des conciles, et ça devient autoritaire. Puis après, l'Église arrête, avec des conciles, les pensées sur ceci, sur cela, ce que, par exemple, pouvait être, en même temps, père-fils et saint-esprit. La Sainte Trinité, c'est quand même un drôle de truc. Vous dites, ah, mais le bon sens... Ah oui,

  • Speaker #0

    ça je n'ai jamais compris. Et pourtant je suis catholique, mais je n'ai jamais compris la Crénité.

  • Speaker #1

    On l'a expliqué sur le bord. Oui, il y a une image qu'on crée au Moyen-Âge, qui est un enfant qui est en train de creuser sur une plage, il fait un trou dans la plage, et il veut vider l'eau de la mer, et il y a Augustin Quélin qui dit, mais tu n'y parviendras pas, enfin, c'est pas possible. Il lui dit, mais pas plus que tu ne saurais prouver que la Sainte Trinité est une vérité. Et de fait, si vous dites, je suis le Père, et bien, manquablement, le Fils arrive après. Si vous êtes le Père, vous avez généré le Fils. Mais là, on vous dit, ah non, le Père et le Fils, ils sont consubstantiels. Et vous ajoutez à ça le Saint-Esprit. Et donc, c'est un article de foi. C'est compliqué. Simplement, ça se construit. Jésus, si vous cherchez dans les évangiles, il n'est pas question de la Sainte Trinité. C'est par la suite. Et ça va être la même chose avec l'Immaculée Conception. Ça va être la même chose avec ce qu'on appelle la transsubstantiation. Le corps du Christ est-il dans l'hostie ? Le sang du Christ est-il dans le calice dans lequel se trouve du vin blanc ?

  • Speaker #0

    Non, mais c'est passionnant. après j'ai une question une question qui me vient qui n'est pas forcément agréable Quand je vous entends parler de philosophie, vous êtes vraiment très brillant et très accessible. Mais vous vous exprimez beaucoup sur l'actualité, dans des émissions, sur CNews, ailleurs, même si vous êtes boycotté par pas mal de chaînes. Mais vous ne pensez pas quand même que votre vrai rôle, ce serait plutôt de rester philosophe avant tout ? Pourquoi avez-vous toujours ce désir de participer ? au débat contemporain, parfois un peu vain, et du coup, on vous pose des questions qui peut-être vous intéressent moins, en plus. Oui,

  • Speaker #1

    je suis convaincu de ça. Mais il n'y a pas de philosophe chez lesquels il n'y avait pas de dimension, je dirais intellectuelle, enfin, vous voyez, dans le sens 19e siècle, c'est-à-dire intervention dans la cité. Tous les philosophes sont intervenus dans la cité. Alors je ne dis pas que les philosophes n'ont laissé leur nom que dans l'intervention dans la cité. Mais regardez Bergson, il écrit, je ne sais pas, matière et mémoire, énergie spirituelle, mais en même temps, il combat au moment de la première guerre mondiale contre les Allemands. Il a d'ailleurs un prix Nobel de littérature parce qu'on ne peut pas lui donner un prix Nobel de la paix. Mais parce qu'il est impliqué. Regardez Sartre et Camus, ils s'impliquent dans la question du communisme, du marxisme, du goulag, etc. Et puis prenez-les tous, Voltaire par exemple, Sir Calas, Sir Venn et autres. Rousseau qui lui-même, etc. Enfin, tous se sont impliqués dans leur temps. Est-ce que c'est ça qu'on retient de quelqu'un ? Je ne sais pas. Mais c'est vrai que les gens ne lisent plus la Henriade de Voltaire, alors que Voltaire pensait qu'il laisserait un an pour cette tragédie. Et se souviennent en revanche de l'affaire Callas, ou du rôle de l'intellectuel, etc. Et que je ne peux pas, d'autre réponse, je ne peux pas laisser le monde comme il est, aller comme il va, sans donner mon grain de sel. simplement c'est ceux qui pensent que je ne suis que là qui se trompent peut-être un peu. J'ai fait une vingtaine de livres consacrés à des auteurs, à des peintres et à des artistes, personne n'en parle. j'ai publié une dizaine de recueils de poèmes

  • Speaker #0

    personne n'en parle. C'est-à-dire, on ne dit pas « Ah, la poésie de Michel... » Alors, on a le droit d'aimer ou pas aimer, mais de dire « La poésie de Michel Onfray » , personne n'en parle.

  • Speaker #1

    Mais elle peut publier ce livre-là, c'est peut-être justement une manière de répondre et de dire « Regardez, je fais quand même aussi ce travail-là. » Non,

  • Speaker #0

    ça ne suffira pas. Non, mais parce que je vois bien, je ne lis pas ce qui s'écrit sur moi, mais je vois bien comment Libé pourrait dire « Regardez comment, avec son histoire philosophique de l'Occident, il défend les idées d'extrême-droite, l'Occident chrétien qui était là. Non, mais je suis d'accord. Non, puisque ce n'est pas encore le temps. Je vous dis ce que dirait la Fédération, ou peut-être dit d'ailleurs, j'en sais rien, ou Le Monde ou France Inter. Les gens qui ne veulent pas m'aimer, ont toutes les raisons du monde de ne pas m'aimer, et les trouveront partout. Si je me tais, c'est parce que je suis vaincu, si je parle, c'est que j'ai tort, je suis 10 ans interdit de service public, et personne ne dit que c'est anormal, et j'interviens avec Laurence Ferrari sur CNews pour une émission où je suis totalement libre, et on me dit que je suis passé du côté de l'extrême droite, etc. Ça, il faut laisser parler. Oui, exactement. Il faut porter comme Marc Aurel. Oui, oui. Marc Aurel,

  • Speaker #1

    ça coule sur les plumes d'un canard. Alors, devine tes citations, Michel. C'est le jeu de l'émission. Je vais vous lire des phrases de vous. Vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit ceci. Il faut accélérer malheureusement, parce qu'on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Alors, j'ai 17 ans. C'est le plus bel âge de la vie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est facile pour moi de répondre, parce que j'ai reçu les épreuves de mon prochain livre. et vous acheter un coup d'œil dessus. Donc c'est le prochain qui s'appelle l'anarchie positive et qu'un éloge de Proudhon.

  • Speaker #1

    De Proudhon, voilà, exactement. Donc vous en avez parlé tout à l'heure. Mais en même temps, cette insipide, c'est un hommage à la célèbre phrase de Paul Nisan, dans Aden Arabi, j'avais 20 ans et je ne laisse personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Là, à 17 ans, vous pensez le plus bel âge de votre vie. Pour moi, oui. Est-ce que vous étiez enfin sorti du pensionnat ?

  • Speaker #0

    Il y a ça, et puis il y a le fait que je quitte aussi le lycée, j'ai mon bac en 1976, j'ai donc 17 ans. Et là, j'entre à la fac et c'est un moment pour moi de... Je découvre une lecture forcenée. Je lis 12-15 heures par jour, enfin tout le temps, quoi. Les cours à la fac, les séances chez un vieux libraire d'occasion que j'aimais beaucoup.

  • Speaker #1

    Revenons sur ce pensionnat deux secondes. Parce que vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé au moment de l'affaire Bétarra, mais c'est quand même un peu aussi votre enfance. Vous étiez dans ce que vous appeliez un cloaque anthropophage, un endroit chez les prêtres salésiens à Giel. de 1969 à 1974, où vous avez vraiment connu les châtiments corporels, les tabassages, la faim, le froid, la saleté, une douche par semaine.

  • Speaker #0

    Oui, et du sport tous les jours.

  • Speaker #1

    Et du sport tous les jours.

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas connu personnellement les passages à tabac, mais j'ai assisté à ça. Ça pouvait nous arriver, puisqu'on voyait que quelqu'un qui finissait sa phrase... Alors qu'on nous avait demandé le silence, se faisait tirer par les cheveux, mettre à terre et traverser le réfectoire à coups de pied et laisser des traces de sang parce qu'il saignait du nez sur la totalité du carrelage. Oui,

  • Speaker #1

    par tous les hurlements.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Donc ça j'ai connu. Les curés qui tripotaient les petits garçons, mais moi ça ne m'est jamais arrivé. Mais y compris, moi j'étais dans un club photo où le mercredi après-midi, dans une chambre obscure, je me trouvais avec un curé pédophile qui ne m'a jamais touché. Mais je savais pourtant qu'il en touchait d'autres, qu'il en tripotait d'autres. Donc moi j'ai vécu dans la terreur d'une pédophilie qui ne m'a pas concerné vraiment. À la fin, il y avait un prof de musique, j'étais au premier rang, il nous mettait au dernier rang, et puis au dernier rang, parce qu'il n'était pas vu, il mettait la main dans le cou des gamins, il tripotait le cou des enfants. Ça, ça m'est arrivé personnellement, mais je ne vais pas non plus en faire dix livres comme Christine Angot, encore que... Non, mais peut-être que... C'est pas la même chose. Mais en disant j'ai été abusé, ça m'a détruit, vous vous rendez compte, etc. Mais d'autres ont été, oui, tripotés sexuellement. On savait qu'elles étaient des curés. Mais moi, j'ai juste devenu ami après avec ceux qui ont été mes profs laïcs dans cet endroit et qui m'ont dit qu'on ne savait pas ce que tu as raconté. On ne le savait pas. C'était très hermétique. Il y avait les profs qui n'étaient pas des prêtres. Puis les prêtres, ils se côtoyaient, mais personne ne savait la violence qu'il y avait dans ces endroits-là.

  • Speaker #1

    Mais pardon de faire une analyse freudienne, puisque vous n'aimez pas Freud. Mais quand même, quand on a vécu ça enfant, ensuite, ça peut expliquer pourquoi on est rebelle, qu'on veut absolument défendre toujours la liberté, et Diogène, et tout ça.

  • Speaker #0

    Vous avez raison. Psychoanalyse de bazar, mais elle a quand même mieux chez la Pérouse. Non, ça s'appelle de la psychologie, plus qu'une psychoanalyse. Et j'ai le projet d'écrire un... L'équivalent d'un pourquoi et comment suis-je devenu ce que je suis devenu pour montrer comment. Alors vous avez raison sur ça. L'espèce de... Vous savez, De Gaulle disait qu'il était l'homme de personne. Et j'aime beaucoup cette formule, être l'homme de personne. Et ça explique aussi une autre... En fait, c'était une prison. Vous étiez dans une prison. Voilà, comme Montclair. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Vous étiez en prison. Et en plus, vous ne rentriez même pas chez vous le week-end.

  • Speaker #0

    Non. Toutes les trois semaines.

  • Speaker #1

    Pendant combien d'années ? Quatre ?

  • Speaker #0

    Quatre ans. entre 10 et 14 ans et puis surtout la détestation La détestation de l'intelligence, des livres, de la culture. C'est-à-dire que j'ai des amis jésuites, enfin pas jésuites, mais qui ont été éduqués chez les jésuites, c'est pas du tout la même chose. On aime les livres, on apprend le grec, le latin... Là, ce sont des salésiens. Là, ce sont des salésiens pour qui l'essentiel consiste à vous donner un métier pour pouvoir subvenir à vos propres besoins. Donc au moins on voulait par exemple que je sois tourneur-fraiseur. Et on m'a dit, tu vas jusqu'en troisième, et puis après, tu rentres faire un CAP de tourneur-fraiseur. Et comme je le disais, que j'aimais lire, j'étais un PD, selon l'expression consacrée, entre guillemets. C'est ce que tu disais, oui. Oui, détestation des intellectuels, de l'intelligence, de la lecture. Alors, il se fait que j'étais bon en sport, mais que je n'aimais pas le sport. Alors ça, c'était un péché mortel.

  • Speaker #1

    Et on pouvait vous punir pour une lecture.

  • Speaker #0

    M'humilier. pas me punir mais me humilier oui Par exemple, je lisais beaucoup et tout ce qui me tombait sous la main, il y avait la sélection du Rider Digest, vous savez, si ça existe encore. Et un jour, je lisais ça parce que ça traînait dans une bibliothèque de l'orphelinat, parce que ça s'appelait un orphelinat. Et le soir, il y avait toujours un mot du soir, et le curé qui voulait m'humilier, il s'appelait le Père Moal, que Dieu qui n'existe pas est son âme. Mais il commence à lire ce texte et là, pour m'humilier, il me dit « Ah, toi ! » qui dit tout le temps qu'il n'aime pas le sport, etc. C'est de qui cette phrase ?

  • Speaker #1

    Ah, ils posaient, ils faisaient devine tes citations comme moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et donc, il se fait que, et là probablement Dieu s'est mis à mon côté ce soir-là. Parce qu'il n'existe pas. Oui, j'avais lu cette phrase, j'avais lu cet article.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Et je lui ai dit, alors évidemment j'ai 12-13 ans, et là je dis c'est de Pierre Teilhard de Chardin Et alors là, il s'est dit, mais qu'est-ce qui se passe ? Vraiment, comment il a fait ? C'était pas compliqué, j'avais lu le livre trois jours avant lui, il avait été laissé quelque part, il avait retrouvé... Enfin voilà, il n'y a pas de mystère à ça. Mais si vous voulez vraiment comprendre pourquoi je suis devenu ce que je suis devenu, ça s'est fait avec un livre qui s'appelle... que vous connaissez évidemment... très très bien qui est de diminuer le vihom et la mer et ça pue dans ce dortoir où on est 120 120 c'est 240 chaussettes c'est 120 slips c'est tout le monde qui pue qui sale qui est tous les jours du sport et là je découvre qu'en ouvrant ce livre je suis au milieu de la mer et que ça sent la mer et que je suis en train de pêcher le marlin et que je ferme le livre ça sent mauvais jour le livre je découvre la magie du livre Et là, je commande un petit carnet, on avait la possibilité de commander des fournitures, comme on disait à l'époque, pour moi-même. Et là, le monsieur qui s'occupait de ça, qui s'appelait Monsieur Naturel, me dit, mais pourquoi tu veux un petit carnet ? Qui demande ça ? Et je dis, c'est moi, c'est pour faire un répertoire pour l'anglais. Mais on t'a demandé ça ? Je dis, non, c'est moi qui ai envie. Il m'a dit, c'est une excellente idée. En fait, ce n'est pas vrai, j'avais juste envie d'écrire une histoire. Pourquoi je suis nul en anglais ? Il m'a dit, n'importe quel répertoire. Et j'écris une fiction. J'avais entre 10 et 11 ans. et là je raconte c'est un petit roman que j'ai ouais Il y a un cahier de Lerne qui m'a été consacré, on a publié ce petit texte-là, que je n'ai pas pu relire d'ailleurs, avant publication. Mais donc je comprends à ce moment-là que le salut vient de l'écriture et de la lecture. Donc oui, vous avez raison, ça fait de moi, je ne vais pas dire un insoumis, le mot est préempté, mais un dissident, un rebelle, un anarchiste au sens... au donien du terme, et puis une espèce de cinglé de l'écriture et de la lecture, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et s'il y a des parents qui nous regardent, qui se demandent quel livre faire lire à leurs enfants, Le Vieil Homme et la Mer, Demingway, c'est une merveille. Mais oui. C'est à court, et c'est vraiment, il y a tout l'univers dedans. On doit encore accélérer, je suis navré, c'est passionnant. Une autre phrase de vous, ne trichez pas.

  • Speaker #0

    Ah non ?

  • Speaker #1

    Où avez-vous écrit Le Monothéisme sort du sable ?

  • Speaker #0

    Traité de la théologie.

  • Speaker #1

    Exact, 2006. encore, où avez-vous écrit mon père est mort dans mes bras 20 minutes après le début de la nuit de l'Avent c'est la première ligne de Cosmos première phrase de Cosmos, encore réussie une dernière que j'aime j'écris mes livres contrairement à quelques ennemis c'est une preuve en hiver, pour ce motif futile d'une conversation à voix basse les coupables ne se dénonçant pas le dortoir se retrouve dehors 120 enfants en pyjama dans la nuit noire la lumière bleue de la lune ... colorant les plaques de neige restées dans la cour.

  • Speaker #0

    C'est dans la préface à La Puissance d'Exister.

  • Speaker #1

    La Puissance d'Exister 2008. Bon, vous avez tout gagné. Merci infiniment. J'ai pas entendu tout écrire. Vous auriez pu aussi avoir la maladie d'Alzheimer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Voilà. Et vous avez une bonne mémoire.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas souvenir d'avoir une mauvaise mémoire.

  • Speaker #1

    Bravo. Merci en tout cas. Merci beaucoup d'être venu. Je suis très heureux qu'on ait pu parler d'autre chose que de politique. Moi aussi. Merci infiniment. Je voudrais conclure avec ce que je dis toutes les semaines, et vous allez sûrement être d'accord, la littérature est à l'esprit ce que le sport est au corps.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce que la littérature ça met de côté la philosophie, et moi ce n'est pas tant la littérature qui m'aura sauvé dans la vie, sauf Hemingway, que les livres, je dirais plutôt les livres. C'est-à-dire, il faut ajouter les essais, la psychologie, la philosophie, la philosophie antique, etc.

  • Speaker #1

    Mais l'idée que lire un livre... C'est aussi un sport pour le cerveau, c'est ça que j'essaie de dire dans ma phrase.

  • Speaker #0

    Ah oui, mais les mots mêlés aussi. C'est parce que je retiens, c'est-à-dire que je retiens l'idée que des idées peuvent changer le monde, peuvent changer aussi la vie, et qu'on peut les trouver dans des excellents romans, et qu'on peut parfois ne pas les trouver dans des mauvais livres de philo. Oui,

  • Speaker #1

    et parfois on peut aussi être sauvé par un mauvais roman, ça peut arriver.

  • Speaker #0

    Possible.

  • Speaker #1

    Oui. Je vous ordonne...

  • Speaker #0

    Pensez à quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai beaucoup. de lire le premier tome de l'histoire de la philosophie occidentale par Michel Onfray, intitulé « Déambulation de l'Occident » . Ah oui, pardon, oui. « Histoire philosophique de l'Occident » . Soyons précis. Intitulé « Déambulation dans les ruines » , car il faut déambuler dans les ruines, même si on ne se baigne jamais deux fois dans le même flasque.

  • Speaker #0

    On ne déambule jamais deux fois dans la même ruine.

  • Speaker #1

    Dans la même ruine. Sous-titrage

Description

Parler avec Michel Onfray de philosophie antique est un délice. Pédagogue hors pair, le penseur de Normandie est surtout un anarchiste depuis que sa mère l'a mis en internat à l'âge de 10 ans. Le premier tome de son "Histoire philosophique de l'Occident" est l'occasion de parler de Diogene, Démocrite, Heraclite et Parmenide, ses vieux camarades...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir, bienvenue chez La Pérouse. Cette semaine, nous sommes parrainés par les éditions Assouline, qui sont un peu l'équivalent littéraire du Père Noël. Et le cadeau de Noël idéal, c'est bien sûr ce livre, Biarritz Basque, dont j'ai l'honneur d'avoir écrit le texte. Il y a des images magnifiques de la côte basque, de Biarritz, des surfeuses, des chipirons, des couchers de soleil. On a vraiment tout le pays. où vous devriez habiter, M. le Normand, Michel Onfray, venez plus au sud-ouest, descendez plus bas.

  • Speaker #1

    Je peux pas te faire un message à M. et Mme Assouline, là, quand même ? Parce que s'ils veulent faire la même chose avec la Normandie, je suis leur repos. Ah,

  • Speaker #0

    voilà, très bonne idée.

  • Speaker #1

    Mais bon, j'irai.

  • Speaker #0

    C'est le joyeux Noël. Bonsoir, Michel Onfray, je suis très heureux de vous re-recevoir, parce que vous étiez déjà venu il y a quelques années, dans Conversations chez la Pérouse. Mais première question, pourquoi êtes-vous boycotté par certains médias ? C'est vrai, là c'est un projet immense d'écrire une histoire philosophique de l'Occident, en commençant bien sûr par l'antiquité gréco-romaine. Et en quoi est-ce un problème de vous recevoir par exemple sur France Inter ou France 2 ou je ne sais quoi ?

  • Speaker #1

    Alors là vous me posez une question à laquelle je n'ai pas de réponse parce que je ne sais pas. Vraiment, je constate simplement que je suis interdit de service public. Enfin, ici ou là, on a pu m'inviter une fois sur France Inter pour me demander de parler des huîtres dans l'émission de François-Régis Godin. C'est arrivé. Donc on pourrait dire, mais de quoi vous plaignez-vous ? Vous avez été invité une fois ici et une autre fois là. Donc deux ou trois fois, il y a eu des gens qui ont pris quelques risques et qui m'ont laissé la parole, mais je ne sais pas pourquoi. Non, vraiment, je ne sais pas pourquoi. Alors, est-ce que c'est parce que j'ai écrit des choses désagréables sur M. Macron ? Est-ce que c'est parce que je... Je dis des choses désagréables sur l'Europe. Je pense que ça, c'est... Il y a quand même des gens, je ne dirai leur nom, mais il y a quand même des gens qui ont des émissions depuis 30 ans sur le service public à France Culture, qui ont dit des choses un peu terribles, qui ont compté le nombre de Noirs dans l'équipe de France de football, qui ont toujours pignon sur rue à France Culture. Moi, j'ai été viré du jour au lendemain, alors que les diffusions de mon cours d'université populaire faisaient un million de podcasts. Oui, oui. Paul-Yves Poivre d'Arvore qui m'avait donné cette information. Donc non, vraiment, je n'ai pas d'explication. Sauf peut-être pour faire plaisir au prince.

  • Speaker #0

    Oui, il vous en veut encore pour un pamphlet ?

  • Speaker #1

    Ah non, même pas, parce que le pamphlet est arrivé après. C'est-à-dire qu'en 2017 ou 2018, je crois, il fait savoir, c'est Sylvain Fort, sa plume, qui le fait savoir au journal du dimanche, le Parisien reprend l'information, que mon influence sur le récit national est trop importante, ce qui exagère un peu mon importance. Mais qu'il a donc dépêché une cohorte d'intellectuels pour lutter contre ce récit national. Et il a donné deux noms d'ailleurs, de gens qui sont morts depuis, Michel Serres et Pierre Nora, en disant il faut lutter contre Michel Onfray. Et quelques mois plus tard, la diffusion de mon cours à France Culture est supprimée. J'ai juste un texto de Sandrine Trenner, qui à l'époque était la patronne, qui est envoyé à Frémaux, qui est mon éditeur sonore à l'époque. Moi, je n'ai jamais eu de contact avec elle. Elle a juste dit par la suite qu'elle était obligée d'annuler mon émission parce qu'elle n'arrivait pas à me joindre. Tout le monde comprend que quand on a aujourd'hui des téléphones portables, mon épouse qui elle aussi avait été en relation avec tous ces gens-là, il y avait des numéros de téléphone, il y avait des adresses nettes, et personne ne peut croire que j'étais injoignable. Et que, en fait, de mon injoignabilité, on ait pu me virer.

  • Speaker #0

    En tout cas, on est heureux de vous recevoir sur le regard télé et chez La Pérouse, dans Conversation, qui est une émission libre et qui est sur toutes les plateformes. Et par conséquent, voilà, j'espère qu'on rattrape cette censure. C'est le mot que je cherchais. Donc, c'est une histoire philosophique de l'Occident qui commence par déambuler dans les ruines des philosophes de l'Antiquité. C'est d'ailleurs assez intéressant parce que les ruines... vous en parlez, c'est-à-dire que c'est un moyen, le fait de voir par exemple le Colisée à Rome ou de voir le Parthénon à Athènes, c'est un moyen justement de réactualiser ces penseurs-là puisqu'il reste quand même quelque chose en dehors de leurs écrits.

  • Speaker #1

    Oui, alors les ruines, ce sont des ruines philosophiques aussi, c'est-à-dire que Épicure par exemple a publié 300 livres, il nous reste trois lettres.

  • Speaker #0

    C'est incroyable !

  • Speaker #1

    Voilà, comme si vous aviez... C'est des papyrus, je crois. Oui, on en retrouve quelques-uns, que la nomme, puisque le Vésu va griller tout ça, calciner tout ça, et l'intelligence artificielle permet de développer virtuellement, et on va découvrir probablement des textes inédits, puisque c'était la ville d'Épison, que c'était un épicurien qui avait cette bibliothèque épicurienne, donc on va probablement découvrir des choses extraordinaires. Mais il nous reste très peu de choses, c'est-à-dire que quand vous avez trois lettres... dont deux sont consacrés à des choses, je ne vais pas dire inutiles, mais enfin la cosmogonie par exemple ou la physique. Donc juste une lettre à Ménécé qui est la lettre morale sur l'éthique, on se dit mais toute une résistance au christianisme s'est constituée sur quatre pages, cinq pages quoi. Donc oui ce sont des ruines, pendant que d'autres sont restés des monuments debout. Je veux dire tous les monuments qui sont Platon ou Aristote par exemple. Tous les gens qui sont compatibles avec le christianisme ont été préservés. Et tous les gens qui étaient susceptibles d'être des ennemis, des adversaires intellectuels du christianisme ont été détruits. Comme on a détruit les monuments. D'ailleurs, quand Constantin se convertit au christianisme, il détruit les temples. Et si vous allez à Rome aujourd'hui et que vous êtes devant l'arc de Constantin, il est fait de débris qui ont été prélevés sur les temples. Donc c'est pas que le temps qui a fait son office, c'est aussi la volonté humaine. Ce qu'on ne dit pas.

  • Speaker #0

    Donc vous faites ici, dans ce livre, ce que vous faites. le mieux, c'est-à-dire vulgariser la philosophie et c'est pas un mot dévalorisant, c'est de la pédagogie, comme dans votre Contre-Histoire de la Philosophie et comme à l'Université Populaire de Caen de 2002 à 2015 où vous aviez vraiment fait ce travail d'essayer d'apporter, d'expliquer, de simplifier mais de manière quand même exigeante l'histoire de la philosophie. D'où vous est venu ce goût Merci. Pour la pédagogie, parce que vous étiez prof ? Oui,

  • Speaker #1

    20 ans dans un lycée technique privé, ce que je souhaitais vraiment faire, parce que quand j'ai soutenu ma thèse, ma directrice de thèse qui était Mme Goyard m'a dit « Maintenant vous allez apprendre l'allemand en Suisse parce que vous êtes nul en allemand, l'anglais à Ottawa parce que vous êtes nul en anglais » , elle avait raison, et je le suis toujours. Et puis après vous reviendrez dans une fac française, puis après vous serez prof à la fac de Caen. Et donc, cette dame a été extrêmement importante pour moi. Je ne sais plus pourquoi je vous parle de Mme Goyard.

  • Speaker #0

    Parce que je vous demandais d'où venait ce goût pour le partage et la transmission.

  • Speaker #1

    Et elle, elle était très pédagogue, au sens noble du terme. C'est-à-dire que c'était de la philosophie politique et juridique. Elle prenait une thématique, souvent la loi, souvent le droit, et elle faisait des tranches. Le droit, elle l'adressait chez Hobbes, chez Kant, chez Locke, chez Nietzsche, je ne sais pas si tout le monde. Et je me disais, les livres importants, denses, compliqués, elle les transmet bien et on les comprend véritablement. Et puis Jacques Fagnon, qui a été mon vieux maître, alors lui, pour le coup, un maître de sagesse personnelle, et qui m'a enseigné la philosophie antique. Et quand il était à son bureau, il nous racontait comme si on y était. Donc on entendait les bruits de robes, on voyait les prostituées passer, on sentait quasiment l'odeur des foulons.

  • Speaker #0

    Il y a de ça dans des emulations dans les ruines. Vous rendez tous ces gens humains. C'est une grande qualité, franchement.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais, c'est que les humains puissent rencontrer d'autres humains. C'est-à-dire qu'un chauffeur de taxi, j'en vois de temps en temps qui me dit, ah, j'ai goûté vos cours, etc., puisse retrouver leur compte à un chapitre sur... Nous parlions, vous me disiez, moi, juste avant cette émission de Plotin. Ce n'est pas quelque chose que votre père disait. J'ai lu votre beau livre. Et ce n'est pas facile, Plotin. Et j'ai eu un cours sur Plotin par Jeff Fagnon, qui nous a dit un jour, bon, alors là, préparez-vous, ça va être le noyau dur. Je vais vous expliquer les hypostases, la dialectique ascendante. J'ai jamais rien compris.

  • Speaker #0

    Suivre seul vers l'un, c'est ça l'idée. Et qu'est-ce que ça signifie ? Il faut partir vers l'unité de l'âme et de l'univers.

  • Speaker #1

    Il y a un bien qui, en grec, peut être dit aussi le logos, c'est-à-dire la raison. En fait, c'est Dieu, c'est le Dieu d'avant les chrétiens. Et c'est un dieu qui n'est pas anthropomorphe. Il n'a pas une barbe comme vous, il n'a pas votre beauté, il n'a pas votre intelligence. Le dieu de Platon, c'est une espèce de puissance créatrice, c'est la puissance qui veut les puissances, etc. Et c'est situé hors le temps, hors l'espace. Et un platonicien, et Plotin était un néo-platonicien, nous dit, « Dépouillez-vous de tout ce qui vous embarrasse. Être sur Terre, le corps, les désirs, les passions, les pulsions. » la chair, etc. Débarrassez-vous de tout ça. Et il y a en vous quelque chose qui s'appelle l'âme, qui est immatérielle, qui est susceptible d'entrer en relation avec le principe immatériel du monde. C'est-à-dire que vous avez une ligne directe avec l'absolu, qui est votre âme. Donc laissez tomber tout ce qui est corporel, magnifiez votre âme, et votre âme, elle va grimper vers l'un bien. Et quand vous connaîtrez l'union, enfin quand vous aurez une union avec cet un bien, vous connaîtrez l'extase. Donc c'est une mystique, c'est une pensée mystique. Il l'a connu quatre fois dans son existence, alors qu'il a passé sa vie à ne pas boire, à ne pas manger, pas de sexualité, à ne pas laver son corps, à détruire son corps, à salir son corps.

  • Speaker #0

    L'idée de désirer la douleur, c'est quand même une phrase un peu masochiste.

  • Speaker #1

    Complètement. C'est Platon. Le corps nous entrave, l'âme nous sauve. Et si vous voulez vraiment sauver complètement votre âme, méprisez votre propre corps. Vous imaginez bien que le christianisme...

  • Speaker #0

    Vous ne l'avez pas vraiment mis en pratique parce que vous êtes plutôt un matérialiste hédoniste. Quand avez-vous... J'ai lu votre oeuvre.

  • Speaker #1

    Oui, non, moi je ne suis pas platonien, je ne suis pas platonicien. Je ne pense pas que ce soit la voie royale en philosophie de détester la seule vie que nous ayons à disposition.

  • Speaker #0

    Mais enfin, vous l'avez très bien expliqué. Donc, le projet...

  • Speaker #1

    C'est pédagogique pour que vous compreniez votre père.

  • Speaker #0

    Oui, merci, vous m'avez aidé à mieux comprendre mon père, pourquoi il voulait me fuir. Stolz, Berlin. Cette idée de toujours vouloir recommencer, recommencer à résumer toute l'histoire de la pensée. occidentale. D'où elle vous vient ? Pourquoi sans cesse ? Parce que vous l'avez déjà fait. Et là, vous repartez à zéro. Vous pensez, je ne sais pas, que la civilisation occidentale est menacée, qu'elle doit revenir aux sources ?

  • Speaker #1

    En 2002, j'ai créé l'Université Populaire de Caen parce que Jean-Marie Le Pen était présente au second tour des présidentielles et que je me suis dit, on peut descendre dans la rue en disant, le fascisme ne passera pas, ça ne suffit pas, c'est trop facile. de mettre les gens dans la douleur, dans la souffrance et dans la misère en défendant le capitalisme, le libéralisme, etc. Et puis de dire après, tous les gens qui disent on n'en peut plus, vous êtes juste des fascistes. Et j'ai créé à l'époque l'université populaire sur le principe de celle qui avait été créée au 19ème siècle, à l'époque de l'affaire Dreyfus. En disant l'ennemi c'est l'antisémitisme, c'est le pétinisme, c'est le vichisme, etc. Il se fait que cette université populaire a été détruite aussi bien par France Culture, Macron que le maire de Caen à l'époque. J'avais 1200 personnes à chacun de mes cours et du jour au lendemain on m'a dit il n'y a plus de place pour vous. Ça s'est arrêté en 2015 ? Oui je crois, je ne sais pas les souvenirs des dates. Et donc je me suis dit je vais refaire une université populaire parce qu'il y a à nouveau un danger, que le nouveau danger il est antisémite toujours et qu'il s'appelle Jean-Luc Mélenchon. Et qu'il faut lutter contre l'antisémitisme qui a pris la forme aujourd'hui de l'antisionisme. Et là j'avais un autre projet qui était de créer une université populaire dans mon village natal, Chamboy dans l'Orne. et je voulais là pour le coup essayer d'être un girondin c'est à dire de dire Dans un village comme ça, on peut refaire un café, un restaurant, une librairie, avec mon vieil ami d'école Giselin Gondouin qui vend des livres anciens dans notre village, qui fait 500 habitants, et puis de redynamiser le village. Il se fait que j'ai à nouveau rencontré des difficultés avec le maire, catholique, pratiquant, etc. qui lui ne m'a pas donné d'autorisation, de permis de construire, donc il n'y aura pas d'université populaire à Chamboy.

  • Speaker #0

    Mais il y a ce livre.

  • Speaker #1

    Et donc, comme je ne voulais pas être pris au dépourvu, je me suis dit, j'écris le cours. de cette université populaire qui n'aura pas lieu, et c'était effectivement le cours que je proposais, une histoire philosophique de l'Occident. Alors pour quelle raison ? Parce que moi, mon vieux maître Lucien Gerfagnon m'a sauvé, avec les idées, avec les livres, etc. D'où je venais, c'était quand même très improbable, et que je me proposais, non pas tant de sauver les gens, mais de leur dire, vous pouvez écouter de la philosophie, penser, discuter, débattre, vous faire un avis. par vous-même, parce que j'ai même vu qu'une historienne récemment disait que le judéo-christianisme était une imposture. Alors quand des professionnels de l'histoire nous disent que le judéo-christianisme est une imposture, l'heure est venue d'écrire l'histoire, non pas de cette imposture, mais de ce judéo-christianisme.

  • Speaker #0

    De toute façon, dès le début du livre, je vais vous demander de lire un extrait, on voit que vous expliquez que l'histoire de l'Occident, c'est une contradiction permanente. Il y a toujours d'un côté Apollon et de l'autre Dionysos. Alors. Je vous demande de lire ce passage parce que c'est assez vivant et on comprend bien que ce que vous cherchez, ce n'est pas à imposer une théorie, mais plutôt de décrire les choix qui s'offrent à nous.

  • Speaker #1

    Les tensions, bien sûr, les tensions, les combats, oui. Alors, le dualisme est aussi une forme dialectique occidentale majeure qui permet d'envisager le réel de façon contradictoire. Le vrai et le faux, le beau et le laid, la droite et la gauche, le haut et le bas, le noir et le blanc, le bien et le mal, l'homme et la femme, l'enfant et l'adulte, le sage et le fou. La raison et la déraison, l'Orient et l'Occident, le corps et l'âme, l'esprit et la chair, le jour et la nuit, la vie et la mort, la nature et la culture, la présence et l'absence, l'oral et l'écrit, l'ici et l'ailleurs, civilisé et sauvage, sujet et objet, le solide et le liquide, l'ici-bas et l'au-delà, le normal et le pathologique. Et puis un petit peu plus loin, d'un point de vue anatomique, ce sont deux yeux qui permettent la vision, deux narines qui permettent l'olfaction, deux oreilles qui permettent l'audition. Deux mains qui permettent la palpation de jambes, qui permettent la locomotion. Deux bras qui permettent l'appréhension. Deux poumons qui permettent la respiration. Deux testicules, la génération. Vous êtes au courant ? Deux hémisphères cérébraux, la cognition. Deux reins, la filtration. Deux ventricules du cœur, la circulation. Deux sphincters, la nutrition.

  • Speaker #0

    Tout va par deux. En fait, ce que vous défendez, c'est simplement le débat. Le débat des moutrages. Bien sûr. Et qu'on puisse s'engueuler, qu'on puisse discuter. sans se censurer les uns les autres quand on n'est pas d'accord.

  • Speaker #1

    C'est ça qui est terrible. Vous avez raison, c'est-à-dire de dire, j'ai un avis, vous en avez un autre, c'est pas le mien, qu'est-ce qui fait qu'on va se couper la gorge ? Vous n'êtes pas mon ennemi. Oui, voilà, l'adversaire, c'est celui avec lequel on doit pouvoir débattre en disant, moi je défends le jour, vous vous défendez la nuit, moi je défends la droite, vous vous défendez la gauche. Mais ça, c'est le vieux schéma français qui est le schéma de la guerre civile, c'est le schéma de la guerre des religions, c'est le schéma de la terreur. des Girondins, des Jacobins, c'est le schéma des monarchistes et des socialistes au XIXe siècle, c'est des pétinistes... De la haine, en fait. Oui.

  • Speaker #0

    L'élimination de la personne qui n'est pas d'accord. Absolument. Si on doit vous donner une étiquette, je sais que vous détestez ça, mais imaginons que vous aviez le choix, je vous en donne plusieurs, êtes-vous un humaniste, un conservateur, un hédoniste, un réactionnaire, un fasciste, un matérialiste, ou rien de tout ça ?

  • Speaker #1

    Oui, fasciste, je dirais. ça fait partie des insultes comme extrême droite etc.

  • Speaker #0

    on l'entend beaucoup, on vous dit ça pour vous disqualifier oui bien sûr,

  • Speaker #1

    pour ne pas lire, pour ne pas penser pour ne pas réfléchir, pour ne pas débattre aussi surtout si quelqu'un est d'extrême droite ou fasciste qu'est-ce que vous allez vouloir débattre avec quelqu'un qui est d'extrême droite si vous faites tout ce travail là,

  • Speaker #0

    c'est justement pour répondre à ça c'est à dire pour dire, moi je crois plutôt vous êtes plutôt comme Montaigne, un humaniste ou un honnête homme ... Oui,

  • Speaker #1

    ça se peut. Non mais moi je reste... Vous savez, il y a 17 ans j'ai découvert Proudhon et je suis toujours proudhonien. Et donc on ne me donne pas l'occasion de me demander pourquoi je l'étais, pourquoi je le suis toujours. Pourquoi êtes-vous proudhonien ? Mais parce que c'est une gauche anti-marxiste, une gauche anti-communiste, c'est une gauche anti-libérale, c'est une gauche qui propose des... solution concrète, vraiment, pas du tout de la théorie comme chez Marx.

  • Speaker #0

    Vous êtes un social-démocrate ? Beaucoup de lecteurs seront déçus.

  • Speaker #1

    Non, surtout pas social-démocrate. Les sociodémocrates sont des libéraux. Je ne suis pas libéral. Il y a ça de constant chez moi depuis toujours. Plutôt souverainiste de gauche.

  • Speaker #0

    Chevenement, par là ?

  • Speaker #1

    Chevenement, c'est compliqué. Lui-même se perd un peu. Le dernier chevenement se met à célébrer Macron. Ça devient difficile. Il nous dit qu'il n'est pas souverainiste. Il ne veut pas qu'on utilise le mot islamo-gauchiste. Bon, il y a eu plusieurs événements.

  • Speaker #0

    D'accord, mais en fait, vous êtes contre l'Europe tout en étant...

  • Speaker #1

    Contre l'Europe maastrichtienne. Social. Vous êtes social. Oui, c'est un minimum, c'est d'avoir le souci du peuple. Et de se dire, si la démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, ce que je crois, je suis ce démocrate-là. Celui qui dit demander au peuple. Alors populiste, disent aussi mes ennemis. Mais ça m'est assez égal. Je veux dire que moi, j'ai un... j'ai un cap dans ma vie qui est celui que m'a donné mon père qui était ouvrier agricole, qui n'est plus là. Et je ne plierai que sous le regard de mon père qui me dirait, ce n'est pas bien ce que tu fais. Et ce n'est pas bien ce que tu dis, ce n'est pas bien ta façon de te comporter, ou je ne sais quoi. Et le reste, je me moque qu'il y ait des double pages dans Libération, le monde, je ne sais quoi, qui traite de fasciste.

  • Speaker #0

    On a un peu de temps, on peut s'amuser à les passer en revue, les penseurs dont vous parlez, les présocratiques. Donc, par exemple, Héraclite. Héraclite, 500 ans avant Jésus-Christ. Il dit, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Alors, qu'est-ce que ça signifie exactement ?

  • Speaker #1

    Si vous dites, je me suis baigné dans la Seine, et bien il vous dit, et la deuxième fois c'était quand ? Et vous dites, hier, et puis aujourd'hui, il vous dira, c'est pas le même fleuve, c'est pas la même eau. Elle a changé l'identité de ce fleuve. Donc on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Parce que le temps passe. Parce que l'eau passe comme le temps passe et qu'on ne retrouve jamais ce qui a eu lieu la veille.

  • Speaker #0

    Et qu'on n'est plus le même soi-même.

  • Speaker #1

    Et qu'on n'est plus le même. Vous avez raison d'ajouter que ce qui aura transformé le fleuve nous aura transformé nous-mêmes. Donc c'est une pensée du flux. C'est une pensée du mouvement. Et Héraclite nous dit, voilà, tout change, tout bouge. Alors on se dit, mais tout ça est une banalité confondante. Sauf si on met ça en relation avec Parménide, qui est son grand adversaire, qui lui nous dit exactement le contraire. en nous disant « mais non, l'idée du fleuve est toujours la même » . pour reprendre l'image du fleuve. Et lui parle d'une espèce de sphère qui serait sans entrée, sans sortie, d'une grande perfection inaccessible. L'ontologie,

  • Speaker #0

    alors vous avez trop compris, mais ça veut dire « il est » , sa grande phrase c'est « il est » par Ménide.

  • Speaker #1

    Alors l'ontologie c'est très simple, nous avons devant nous un verre, et ce verre il est constitué de... Absolument. Ce verre... Il est constitué de... C'est du sable fondant ? Absolument, avec une forme, etc. Donc ça, ce sont les attributs du verre. Si maintenant, nous n'avons pas de verre et que je parle du verre, par exemple, on a pas de bateau dans la pièce, là, la scène juste à côté, et que je dis bateau, tout le monde conçoit bien ce que je dis. Eh bien, l'idée, c'est le nom d'une chose qui existe en l'absence de cette propre chose. Donc vous avez l'amitié, vous avez l'amour, vous avez la bonté, ou je ne sais quoi, enfin, la beauté. Et donc ça, ce sont des idées. Donc on n'a pas besoin du réel pour que l'idée existe, mais l'idée, elle se fabrique à partir du réel. L'idée de verre n'a pas besoin de la réalité du verre. Eh bien, l'ontologie, c'est l'art de disserter sur la substance des choses sans leur matière. C'est-à-dire, quand je vous dis une table, vous pouvez avoir des grandes tables, des petites tables, des tables en bois, des tables en verre, des tables qui sont basses, des tables qui sont grosses, etc. Mais tout le monde entend bien que quand vous avez quatre pattes et un plateau, vous avez une table. Eh bien, l'essence des choses, ce sont leurs idées, et l'ontologie, c'est l'art de disserter sur les idées.

  • Speaker #0

    Démocrite. Démocrite, alors lui il était riche et célèbre. J'ai appris ça. C'était une star à l'époque. qui est à peu près la même, à peu près 500 ans avant Jésus-Christ, et il a préféré vivre dans une cabane. Ça, ça en fait une sorte de Sylvain Tesson de l'Antiquité.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quelqu'un qui est vraiment extrêmement connu à l'époque, c'est vraiment une vedette absolue, et Platon ne le cite jamais. C'est son grand ennemi.

  • Speaker #0

    Ah, voilà. Et donc quand on a... Ça commence déjà... Déjà à l'époque, il y avait des gens censurés ?

  • Speaker #1

    C'était des idées qui s'opposaient déjà, et pas dans la... Dans l'élégance, parce que Platon aurait très bien pu dire que Démocrite disait ceci, qu'il n'était pas d'accord avec Démocrite, etc. Pas du tout. Il ne le dit pas. Il dit simplement, il y a les amis de la Terre, donc les gens qui aiment la réalité, la matière, les atomes, etc. Et puis les autres qui sont les amis des idées, qui eux sont dans le vrai, etc. Et donc, oui, ce sont deux visions du monde, riches, célèbres, etc. Puis pour Démocrite... Et puis, il dit, mais tout ça, c'est rien du tout. Je me construis une cabane au fond du jardin, et je vis dans cette cabane au fond du jardin. Alors, c'est un peu comme Taureau. C'est-à-dire que ça dure quelques temps dans sa vie, mais donc, il retrouve, là, je parle de Taureau, pour le coup, il va chercher maman, qui lui fait des tométilles, et puis, il va se réchauffer chez elle, qui lui recousse ses vêtements, etc. Donc, ce n'est pas vraiment une vie sauvage. c'est-à-dire les gens qui vivent vraiment une vie sauvage Ils ne viennent pas expliquer à la télévision qu'ils vivent des vies sauvages. Ils sont dans la vie sauvage et on ne sait pas qu'ils sont dans la vie sauvage.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant parce que déjà à l'époque, il y avait cette idée de sortir du matériel, etc. Et c'est drôle, vous opposez le rire de Démocrite aux larmes d'Héraclite. Alors qu'en fait, il y en a un qui est plus joyeux que l'autre. C'est celui qui justement fuit la matière. C'est ça.

  • Speaker #1

    c'est à dire que C'est un truc qu'on trouve dans l'histoire de la peinture. Dès que vous avez un Démocrite et un Héraclite, il y en a un qui rigole et il y en a un autre qui... Parce qu'on nous dit, le rire de Démocrite, c'est ce qui permet aux matérialistes, aux gens qui nous disent qu'il n'y a que de la matière et des agencements d'atomes, de dire, c'est ainsi. Arrêtez de déplorer le monde en disant, il faudrait le changer. Non, c'est ainsi, ça ne peut pas être autrement. Donc rigolez. C'est ce qu'on retrouve chez Montaigne, c'est ce qu'on retrouve chez Nietzsche, c'est pas mal de... Disciple, je dirais, pour aller vite, de Démocrite. Et puis vous avez Raclite qui pleure et qui dit mais le monde est terrible et désespérant, tout pas. On va mourir, le temps perdu, le temps passé, etc. Et de fait, il faut être soit du côté du rire de Démocrite, jusqu'à Foucault où on rigole, jusqu'à Nietzsche qui rit aussi, qui fait des éloges du rire, et puis d'autres qui déplorent tout le temps. Spinoza est aussi un grand amateur de rire, il ne déplore pas. Puis vous avez ceux qui déplorent. Comme Rousseau, par exemple. Ah, c'est pas bien, c'est le suicide, c'est le blague. Les djikobs sur les sciences et les arts. Il faut arrêter l'opéra, il faut arrêter les livres, il faut arrêter l'imprimerie, il faut arrêter la gastronomie, il faut boire de l'eau du ruisseau, il faut manger des framboises dans la forêt.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu des deux, parce que vous êtes parfois très critiques avec la vie contemporaine, tout en étant joyeux. Et donc, ça prouve qu'on peut être à la fois démocrite et héraclite.

  • Speaker #1

    Je suis critique non pas sur la modernité parce qu'elle est modernité. Je suis critique sur des modernités quand elles détruisent l'homme. Par exemple, vous dites que l'intelligence artificielle peut le meilleur et le pire. Vous pouvez aujourd'hui diagnostiquer des types de cancers et donc trouver des types de thérapies à ces cancers parce qu'un type qui aura travaillé à Melbourne aura fait une analyse d'une radio qui aura été faite à Tokyo et d'une radio d'un cancer et qui dira mais il y a déjà eu ce protocole. qui a été utilisé au Mexique avec des bons succès, et dans votre petit petit hôpital de sous-préfecture, vous avez une information qui sauve quelqu'un. Donc ça c'est formidable. Et puis vous avez aussi une intelligence artificielle qui dit aux gamins qui ont 13 ans, si vous voulez faire la rédaction que vous propose votre prof, demandez à l'intelligence artificielle. Et là ils ne travaillent pas. La prof qui elle-même demandera à l'intelligence artificielle de corriger la copie, et personne n'aura rien fait, et vous aurez tout de même une note qui aura été donnée à une copie qui n'aura pas été faite par quelqu'un. Donc vous voyez qu'entre ces deux extrémités, il faut dire évidemment la fameuse phrase sur laquelle tout le monde a souffert à un moment donné dans sa vie de Rabelais, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » . Donc on ne peut pas condamner la science sous prétexte qu'elle pourrait être sans conscience. Le philosophe doit dire « allons-y pour la science, mais n'oubliez pas la conscience » .

  • Speaker #0

    Votre livre est construit par thème, c'est-à-dire il y a le couple, la vérité, la nourriture, le bonheur, le plaisir. Ce qui est une manière aussi de revisiter les connaissances et de simplifier la lecture. Donc ça, c'est vraiment, merci pour ça. Mais quand même, j'ai envie de continuer d'énumérer les penseurs, parce que c'est assez passionnant comment vous arrivez à les rendre vivants. Et il y en a un, alors un, on sent que vous le préférez, à tous les autres, c'est Diogène. Franchement, on sent là, d'ailleurs c'était le titre de votre premier livre, qui s'appelait, en fait c'était le titre... que l'éditeur a refusé dans le premier livre. Il s'appelait Diogène Cannibale. Diogène Cannibale, oui.

  • Speaker #1

    Il a été transformé par mon éditeur en Le Ventre des Fulotes.

  • Speaker #0

    C'est pas le même livre. D'abord, c'est un cynique. Il se masturbe en public. Il urine sur les statues. On connaît sa phrase à Alexandre Le Grand, « Au toit de mon soleil » . Il y a quand même des histoires fascinantes sur Diogène depuis 2500 ans. Mais moi, je ne savais pas qu'il était cannibale. Il a vraiment mangé de la viande humaine.

  • Speaker #1

    Non, ça c'est la philosophie othique. C'est-à-dire qu'on raconte des histoires pour faire comprendre aux gens. Des choses qui seraient plus compliquées s'il fallait les faire passer par un livre. Ça ne veut pas dire que Diogène n'a jamais existé. Il y a un nombre de faux savants qui nous disent qu'il n'a jamais rien écrit. Non, il ne reste rien de lui, mais ce n'est pas parce qu'il ne reste rien de lui qu'il n'a rien écrit.

  • Speaker #0

    Il reste notamment toutes ces anecdotes.

  • Speaker #1

    Alors toutes ces anecdotes qui ont été rapportées par des gens. C'est-à-dire ce qu'on sait de Diogène, c'est Machin a dit de Diogène que... Et Machin nous rapporte que Diogène se comportait ainsi.

  • Speaker #0

    Alors dis-toi cette histoire de cannibale. Il a vraiment prôné ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors il dit, nous sommes trop civilisés. Alors, il faut penser à la Grèce de cette époque-là, il ne s'agit pas d'aujourd'hui. Il dit qu'il faut retrouver le sens de la nature en nous, que nous avons perdu, et prenons modèle sur les animaux. Et il dit, par exemple, les chiens, c'est formidable, regardez comment se comportent les chiens et faisons comme les chiens. Et les philosophes se réunissaient dans des endroits où on pouvait les entendre, l'académie de Platon, le lycée d'Aristote, le portique des stoïciens. Et lui dit, moi je m'en vais au cimetière pour chiens, et ça s'appelait le Cynosarge. Il dit qu'il faut se comporter comme des chiens, c'est-à-dire copuler sur la place publique, manger la main de celui qui nous nourrit, insulter les gens, aboyer après eux, etc. Alors évidemment, tout ça c'est très métaphorique. Mais comme il va jusqu'au bout de sa pensée qu'il veut vraiment toucher les gens, il est là en train de dire des trucs sur l'agora et les gens passent, et il veut absolument arrêter le regard et surtout la pensée, forcer à penser les gens. Il fait des choses, notamment se masturber sur la place publique, puis il dit « mais vous le faites bien chez vous » . Et pourquoi est-ce que moi je ne pourrais pas le faire dehors ? Vous le faites en cachette et vous me le reprochez de le faire en public. C'est quoi le problème ? Et là il dit, vous voyez, c'est la question de la civilisation. Il dénonce l'hypocrisie en fait. D'ailleurs quand il meurt, il y a une épitaphe qui est faite et qui dit « Il dénuda nos chimères » . Et ça j'aimerais bien que ça puisse être la mienne.

  • Speaker #0

    Oui c'est beau.

  • Speaker #1

    Mais effectivement il dénudait les chimères. Et il dit, sur la question de l'alimentation, « Évidemment vous allez cuire » . Vous allez assaisonner, vous allez poivrer, saler, vous allez boucaner, fumer, vous allez apprêter la nourriture que vous allez manger. Donc vous allez mettre de la civilisation dans la nature. Et lui il dit, mais mangez de la chair naturelle comme ça, ce sera très bien, pas besoin de la culture. Du cru plutôt que du cuit. Et il appelle ça, nous après, les gens qui font de l'analyse là-dessus, de l'homophagie. L'apostrophe O-M-O. Il ne s'agit pas de H-M-O, de manger des homosexuels, mais de manger de la chair crue. Et nous, nous en faisons, nous la pratiquons l'homophagie comme nous mangeons des huîtres. Une huître, c'est une espérance vide d'une huître, c'est 20 minutes dans un estomac. Mais c'est vivant quand nous gobons l'huître. Et donc lui il dit, faisons des choses naturelles, la sexualité... Quand vous voyez Alexandre et qu'il vient, il dit « Ah, tu es Diogène, tu es formidable, tu m'en dois ce que tu veux. » Et on dit que dans son tonneau, ce n'est pas un tonneau, le tonneau a été inventé par les Gaulois. Donc après, mais dans son amphore. « Fumé habité dans son amphore. » En gros, tire-toi de là. La traduction, c'est « tire-toi de là » . « Au-delà de mon soleil » , parce qu'il veut rester au soleil. L'important, c'est d'avoir la chaleur du soleil, ce n'est pas d'avoir la visite d'Alexandre. C'est une fille qui vient vous voir chez vous, vous dites « Excusez-moi, mais c'est l'heure des chiffres et des lettres. » Il n'y a pas de chose à faire que de vous écouter. Non,

  • Speaker #0

    mais en fait, ce qui vous plaît chez Diogène, c'est qu'il les provoque.

  • Speaker #1

    Non ? C'est sa liberté. C'est la provocation que, justement, dès l'échimère, moi je vois au bout du compte, avec 150 livres écrits, etc., que sans savoir, j'ai fait un trajet diogénien. C'est-à-dire de démythologisation. Vous êtes quand même habillé,

  • Speaker #0

    je précise. Pour les gens qui nous écoutent à la radio.

  • Speaker #1

    Vous voulez que je me déshabille, je peux le faire. Mais sur la psychanalyse, sur Sade, sur Saint-Germain-des-Prés, sur... Et sur le mythe de Sartre, de Saint-Germain-des-Prés, etc., etc. Et puis en même temps, ça ne veut pas dire que je ne fais que détruire. Je dis aussi du bien de plein de gens à côté de tout ça. Si je dis du mal de Sartre, c'est parce que je dis du bien de Camus. Si je dis du mal de Freud, c'est parce que je dis du bien, par exemple, de Pierre Jeannet ou de la psychanalyse existentielle, etc. Mais on ne voit que la négativité chez moi. On dit, il n'y a que ça chez Onfray. Le jour où je fais un livre de 500 pages sur la politique de Camus, on me dit, encore un livre contre Sartre. On ne s'est pas fait un livre contre Sartre, on s'est fait un livre pour Camus.

  • Speaker #0

    Lequel a votre préférence ? Il y a Diogène, vous parlez de Platon, je n'arrive pas à savoir. Vous dites que c'est un idéaliste, c'est un hindouiste un peu. Il est influencé peut-être par la philosophie qui l'a précédé de l'Inde.

  • Speaker #1

    D'abord, il est influencé par Pythagore, qui lui-même est influencé par les Indiens. Enfin, les gens qu'on appelait les gymnosophistes, c'est-à-dire les sages nus. Et moi, j'en ai vu sur le bord du Gange des gymnosophistes, des gens qui sont toujours nus, qui sont là, ils arrivent avec le lever du soleil, ils repartent avec le coucher du soleil. Et ils passent leur journée à prier.

  • Speaker #0

    Et ça, ça pourrait vous plaire, puisqu'ils sont complètement libres. Et en même temps, vous n'aimez pas trop les idéalistes. Non. C'est quoi ? Pour vous, c'est des mythomanes ?

  • Speaker #1

    Mais on va mourir une fois, et c'est pour toujours, et l'idée de mourir de son vivant n'est pas terrible. Donc, on me disait, quand je les ai vus à Bénarès, que le soir, d'abord c'était un Allemand, ce type qui passait sa journée à invoquer le soleil en hindouiste, il est venu un jour, il n'est jamais reparti, et il dit, ça fait 40 ans qu'on le connaît, il est là, il fait ça, et puis voilà. Et puis il boit un bol de lait de chèvre le soir, et puis basta, le lendemain il recommence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est heureux comme ça ?

  • Speaker #1

    J'espère pour lui. Vraiment, j'espère pour lui. Elle soit dans la détestation de tout ce qui donne du goût à la vie.

  • Speaker #0

    On trouve ça aussi chez l'empereur Marc Aurel. Vous en parlez longuement et très bien. C'est le stoïcisme, l'endurance de Marc Aurel. C'est pareil, c'est un peu masochiste. Non,

  • Speaker #1

    Marc Aurel nous dit qu'il y a deux choses. Il y a ce sur quoi tu as du pouvoir et ce sur quoi tu n'as pas de pouvoir. Ni vous ni moi. Oui, un peu, oui. Mais ni vous ni moi n'avons de pouvoir sur le fait de vieillir. Mais nous avons du pouvoir sur la façon que nous aurons d'accepter le vieillissement. Et ça, ce n'est pas la même chose. Donc plutôt que de dire, oh là là, je vieillis, je n'arrive pas, je ne mets pas ça au-dessus de moi, etc. Marcoel dirait, c'est saut, c'est débile. Tu perds ton temps. Il perd son temps à ne pas vouloir vieillir alors que c'est dans la nature des choses que nous vieillissions. Et les stoïciens disaient, mais maintenant, fais quelque chose de ta vieillesse. Et là, tu as du pouvoir là-dessus. Tu n'as pas le pouvoir de ne pas vieillir, mais tu as le pouvoir de bien vivre ou de mal vivre ta vieillesse. Et donc quand on a déjà ce principe... sélectif qui nous permet de dire, ben oui, je ne vais pas m'énerver contre le fait qu'il pleuve quand je sors le matin, ça ne changera rien. Mais en revanche, j'ai la possibilité de sortir avec un parapluie.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même chez Marc Aurel aussi l'idée de vertu. Alors là, pour le coup, c'est un peu moralisateur. C'est qu'il vaut mieux se comporter vertueusement que...

  • Speaker #1

    Mais il y a un hédonisme chez Marc Aurel, c'est-à-dire qu'au bout du compte, ce qu'il veut, c'est une vie heureuse. Quand il dit, tu vas rencontrer, lève-toi le matin en sachant que tu vas rencontrer un fourbe, un imbécile, un envieux, un prétentieux, etc. On dit, ah là là, c'est quand même plutôt noir, cette façon de voir les choses. Mais non, parce qu'en fin de journée, on sait qu'il a eu raison de nous prévenir et qu'il nous dit, en gros, ne t'énerve pas contre l'imbécile, le prétentieux, le suffisant, tu l'as rencontré, tu le savais le matin que tu le rencontrerais.

  • Speaker #0

    Mais la vertu stoïcienne, est-ce que ce n'est pas aussi, tout simplement, de se dire, Si je fais le mal, je vais m'attirer des ennuis, alors il vaut mieux faire le bien parce qu'à ce moment-là, j'aurai moins de problèmes, donc ma vie sera plus agréable.

  • Speaker #1

    Non, parce que ça c'est chrétien. La civilisation de la culpabilité, ce n'est pas la civilisation de l'honneur. La civilisation de la culpabilité, c'est le christianisme. C'est le péché originel, la faute, etc. Chez ces gens-là, chez les gens d'avant, je dirais, il y a le sens de l'honneur. Il n'est pas honorable de se plaindre parce qu'on est malheureux. De gémir, de gindre, de dire... Ça n'existe pas chez les Grecs. C'est pour moi. C'est toute mon œuvre qui est par terre. Non, je ne crois pas que ce soit le sens de votre... Ce qui vaut la tête, ça. Mais je comprends. Et donc la sagesse romaine, c'est ça. C'est de dire, fais le nécessaire, construis-toi comme une citadelle intérieure. C'est une expression de Marc Aurel. Il dit, fais-toi comme une citadelle intérieure impénétrable. Il dit même, sois comme le rocher qui est en plein milieu de la mer alors qu'il est il est frappé par des vagues, il est tabassé par le vent, etc. va rester solide et sera construit. Construis-toi comme une citadelle intérieure et sois inaccessible à tout ce qui advient de l'extérieur. On veut te détruire, on veut te faire du mal, ne sois pas jaloux, ne sois pas envieux, ne sois pas dans le ressentiment, ça ne sert à rien. Et c'est pour ça qu'il faut pardonner, non pas parce que Dieu... nous en sera gré le jour du jugement dernier, on peut croire en ça, mais moi j'y crois pas, mais simplement parce que si quelqu'un vous a fait du mal, et que sans cesse, vous vous dites qu'il vous a fait du mal, c'est qu'il vous fait du mal tous les jours. Il vous a fait mal une fois, et vous vous faites de telle sorte qu'il vous fait mal dix mille fois. Et il faut dire, eh bien, tu ne m'auras fait mal qu'une fois, et encore, quand j'y pense aujourd'hui, ça ne me fait pas si mal que ça, finalement. Et donc c'est une sagesse qui permet de se construire... Heureux, je dirais, on peut utiliser le mot, heureux dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce que le tome suivant, évidemment, sera sur la chrétienté, sur le christianisme. Il s'appellera « Construction d'une cathédrale » . Évidemment, là, vous aborderez la question judéo-chrétienne.

  • Speaker #1

    Et le passage, pour le coup, d'une civilisation de l'honneur, c'est-à-dire c'est déshonorant de dire « j'ai mal, je souffre » , etc., à une morale de la culpabilité, du genre « je suis coupable de toute façon, quoi qu'il arrive » . C'est Adam un jour qui a commis une faute qu'il m'a transmise depuis et c'est dans l'ordre des choses.

  • Speaker #0

    Mais vous êtes toujours athée ?

  • Speaker #1

    Oui, plus que jamais.

  • Speaker #0

    Et pourtant vous allez consacrer 500 pages à Jésus ?

  • Speaker #1

    Non, pas tant à Jésus qu'au christianisme. Mais Jésus, de toute façon, je lui ai réglé son compte dans un livre qui s'appelle « Les théories de Jésus » et je raconte que c'est un concept. Oui, oui, mais c'est sûr. Maintenant, c'est pas un petit Jésus. C'est devenu parabolique, c'est devenu... Oui, le problème, c'est qu'on ne veut pas penser la construction de notre Jésus, comment il a été construit. Et ensuite, on ne veut pas penser la construction non plus de notre Occident. Or, il y a... 10 siècles, c'est le prochain volume, 10 siècles de ce qu'on appelle la patristique, les pères de l'Église que personne ne lit, c'est-à-dire les Grégoire de Naziance, les Méthodes d'Olympe, les Dorothées de Gaza, les Paulins de Nol, enfin tous ces gens qui... Là je lis Justin de Naplouse, par exemple, qui pourrait même donner un faux nom, et puis on ne va s'apercevrer même pas. Et pourtant, tous ces gens-là, il y a une collection qui s'appelle Sources Chrétiennes, qui est l'équivalent de la collection Budée pour les Grecs et les Latins. qui prend une place considérable dans une bibliothèque, on ne lit pas ces gens-là.

  • Speaker #0

    Parce que c'est vrai qu'entre Jésus, c'est en l'an 0, et puis l'Église telle qu'on la connaît, il s'est passé 10, 11, 12 siècles.

  • Speaker #1

    Alors, entre Jésus et l'Église, il s'est passé de 33 à 313. C'est-à-dire que de la crucifixion du fameux Jésus à 312, 313, enfin, les moments où Constantin se convertit au christianisme et dit « mais moi je convertis l'essentiel de l'Empire au christianisme » . Et là, pour le coup, il arrête un christianisme. Pour le coup, à l'époque, il y a autant de chrétiens, de christianisme via de chrétiens. Et lui, il dit, voilà, maintenant, le christianisme, c'est ça. Et il y a des conciles, et ça devient autoritaire. Puis après, l'Église arrête, avec des conciles, les pensées sur ceci, sur cela, ce que, par exemple, pouvait être, en même temps, père-fils et saint-esprit. La Sainte Trinité, c'est quand même un drôle de truc. Vous dites, ah, mais le bon sens... Ah oui,

  • Speaker #0

    ça je n'ai jamais compris. Et pourtant je suis catholique, mais je n'ai jamais compris la Crénité.

  • Speaker #1

    On l'a expliqué sur le bord. Oui, il y a une image qu'on crée au Moyen-Âge, qui est un enfant qui est en train de creuser sur une plage, il fait un trou dans la plage, et il veut vider l'eau de la mer, et il y a Augustin Quélin qui dit, mais tu n'y parviendras pas, enfin, c'est pas possible. Il lui dit, mais pas plus que tu ne saurais prouver que la Sainte Trinité est une vérité. Et de fait, si vous dites, je suis le Père, et bien, manquablement, le Fils arrive après. Si vous êtes le Père, vous avez généré le Fils. Mais là, on vous dit, ah non, le Père et le Fils, ils sont consubstantiels. Et vous ajoutez à ça le Saint-Esprit. Et donc, c'est un article de foi. C'est compliqué. Simplement, ça se construit. Jésus, si vous cherchez dans les évangiles, il n'est pas question de la Sainte Trinité. C'est par la suite. Et ça va être la même chose avec l'Immaculée Conception. Ça va être la même chose avec ce qu'on appelle la transsubstantiation. Le corps du Christ est-il dans l'hostie ? Le sang du Christ est-il dans le calice dans lequel se trouve du vin blanc ?

  • Speaker #0

    Non, mais c'est passionnant. après j'ai une question une question qui me vient qui n'est pas forcément agréable Quand je vous entends parler de philosophie, vous êtes vraiment très brillant et très accessible. Mais vous vous exprimez beaucoup sur l'actualité, dans des émissions, sur CNews, ailleurs, même si vous êtes boycotté par pas mal de chaînes. Mais vous ne pensez pas quand même que votre vrai rôle, ce serait plutôt de rester philosophe avant tout ? Pourquoi avez-vous toujours ce désir de participer ? au débat contemporain, parfois un peu vain, et du coup, on vous pose des questions qui peut-être vous intéressent moins, en plus. Oui,

  • Speaker #1

    je suis convaincu de ça. Mais il n'y a pas de philosophe chez lesquels il n'y avait pas de dimension, je dirais intellectuelle, enfin, vous voyez, dans le sens 19e siècle, c'est-à-dire intervention dans la cité. Tous les philosophes sont intervenus dans la cité. Alors je ne dis pas que les philosophes n'ont laissé leur nom que dans l'intervention dans la cité. Mais regardez Bergson, il écrit, je ne sais pas, matière et mémoire, énergie spirituelle, mais en même temps, il combat au moment de la première guerre mondiale contre les Allemands. Il a d'ailleurs un prix Nobel de littérature parce qu'on ne peut pas lui donner un prix Nobel de la paix. Mais parce qu'il est impliqué. Regardez Sartre et Camus, ils s'impliquent dans la question du communisme, du marxisme, du goulag, etc. Et puis prenez-les tous, Voltaire par exemple, Sir Calas, Sir Venn et autres. Rousseau qui lui-même, etc. Enfin, tous se sont impliqués dans leur temps. Est-ce que c'est ça qu'on retient de quelqu'un ? Je ne sais pas. Mais c'est vrai que les gens ne lisent plus la Henriade de Voltaire, alors que Voltaire pensait qu'il laisserait un an pour cette tragédie. Et se souviennent en revanche de l'affaire Callas, ou du rôle de l'intellectuel, etc. Et que je ne peux pas, d'autre réponse, je ne peux pas laisser le monde comme il est, aller comme il va, sans donner mon grain de sel. simplement c'est ceux qui pensent que je ne suis que là qui se trompent peut-être un peu. J'ai fait une vingtaine de livres consacrés à des auteurs, à des peintres et à des artistes, personne n'en parle. j'ai publié une dizaine de recueils de poèmes

  • Speaker #0

    personne n'en parle. C'est-à-dire, on ne dit pas « Ah, la poésie de Michel... » Alors, on a le droit d'aimer ou pas aimer, mais de dire « La poésie de Michel Onfray » , personne n'en parle.

  • Speaker #1

    Mais elle peut publier ce livre-là, c'est peut-être justement une manière de répondre et de dire « Regardez, je fais quand même aussi ce travail-là. » Non,

  • Speaker #0

    ça ne suffira pas. Non, mais parce que je vois bien, je ne lis pas ce qui s'écrit sur moi, mais je vois bien comment Libé pourrait dire « Regardez comment, avec son histoire philosophique de l'Occident, il défend les idées d'extrême-droite, l'Occident chrétien qui était là. Non, mais je suis d'accord. Non, puisque ce n'est pas encore le temps. Je vous dis ce que dirait la Fédération, ou peut-être dit d'ailleurs, j'en sais rien, ou Le Monde ou France Inter. Les gens qui ne veulent pas m'aimer, ont toutes les raisons du monde de ne pas m'aimer, et les trouveront partout. Si je me tais, c'est parce que je suis vaincu, si je parle, c'est que j'ai tort, je suis 10 ans interdit de service public, et personne ne dit que c'est anormal, et j'interviens avec Laurence Ferrari sur CNews pour une émission où je suis totalement libre, et on me dit que je suis passé du côté de l'extrême droite, etc. Ça, il faut laisser parler. Oui, exactement. Il faut porter comme Marc Aurel. Oui, oui. Marc Aurel,

  • Speaker #1

    ça coule sur les plumes d'un canard. Alors, devine tes citations, Michel. C'est le jeu de l'émission. Je vais vous lire des phrases de vous. Vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit ceci. Il faut accélérer malheureusement, parce qu'on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Alors, j'ai 17 ans. C'est le plus bel âge de la vie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est facile pour moi de répondre, parce que j'ai reçu les épreuves de mon prochain livre. et vous acheter un coup d'œil dessus. Donc c'est le prochain qui s'appelle l'anarchie positive et qu'un éloge de Proudhon.

  • Speaker #1

    De Proudhon, voilà, exactement. Donc vous en avez parlé tout à l'heure. Mais en même temps, cette insipide, c'est un hommage à la célèbre phrase de Paul Nisan, dans Aden Arabi, j'avais 20 ans et je ne laisse personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Là, à 17 ans, vous pensez le plus bel âge de votre vie. Pour moi, oui. Est-ce que vous étiez enfin sorti du pensionnat ?

  • Speaker #0

    Il y a ça, et puis il y a le fait que je quitte aussi le lycée, j'ai mon bac en 1976, j'ai donc 17 ans. Et là, j'entre à la fac et c'est un moment pour moi de... Je découvre une lecture forcenée. Je lis 12-15 heures par jour, enfin tout le temps, quoi. Les cours à la fac, les séances chez un vieux libraire d'occasion que j'aimais beaucoup.

  • Speaker #1

    Revenons sur ce pensionnat deux secondes. Parce que vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé au moment de l'affaire Bétarra, mais c'est quand même un peu aussi votre enfance. Vous étiez dans ce que vous appeliez un cloaque anthropophage, un endroit chez les prêtres salésiens à Giel. de 1969 à 1974, où vous avez vraiment connu les châtiments corporels, les tabassages, la faim, le froid, la saleté, une douche par semaine.

  • Speaker #0

    Oui, et du sport tous les jours.

  • Speaker #1

    Et du sport tous les jours.

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas connu personnellement les passages à tabac, mais j'ai assisté à ça. Ça pouvait nous arriver, puisqu'on voyait que quelqu'un qui finissait sa phrase... Alors qu'on nous avait demandé le silence, se faisait tirer par les cheveux, mettre à terre et traverser le réfectoire à coups de pied et laisser des traces de sang parce qu'il saignait du nez sur la totalité du carrelage. Oui,

  • Speaker #1

    par tous les hurlements.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Donc ça j'ai connu. Les curés qui tripotaient les petits garçons, mais moi ça ne m'est jamais arrivé. Mais y compris, moi j'étais dans un club photo où le mercredi après-midi, dans une chambre obscure, je me trouvais avec un curé pédophile qui ne m'a jamais touché. Mais je savais pourtant qu'il en touchait d'autres, qu'il en tripotait d'autres. Donc moi j'ai vécu dans la terreur d'une pédophilie qui ne m'a pas concerné vraiment. À la fin, il y avait un prof de musique, j'étais au premier rang, il nous mettait au dernier rang, et puis au dernier rang, parce qu'il n'était pas vu, il mettait la main dans le cou des gamins, il tripotait le cou des enfants. Ça, ça m'est arrivé personnellement, mais je ne vais pas non plus en faire dix livres comme Christine Angot, encore que... Non, mais peut-être que... C'est pas la même chose. Mais en disant j'ai été abusé, ça m'a détruit, vous vous rendez compte, etc. Mais d'autres ont été, oui, tripotés sexuellement. On savait qu'elles étaient des curés. Mais moi, j'ai juste devenu ami après avec ceux qui ont été mes profs laïcs dans cet endroit et qui m'ont dit qu'on ne savait pas ce que tu as raconté. On ne le savait pas. C'était très hermétique. Il y avait les profs qui n'étaient pas des prêtres. Puis les prêtres, ils se côtoyaient, mais personne ne savait la violence qu'il y avait dans ces endroits-là.

  • Speaker #1

    Mais pardon de faire une analyse freudienne, puisque vous n'aimez pas Freud. Mais quand même, quand on a vécu ça enfant, ensuite, ça peut expliquer pourquoi on est rebelle, qu'on veut absolument défendre toujours la liberté, et Diogène, et tout ça.

  • Speaker #0

    Vous avez raison. Psychoanalyse de bazar, mais elle a quand même mieux chez la Pérouse. Non, ça s'appelle de la psychologie, plus qu'une psychoanalyse. Et j'ai le projet d'écrire un... L'équivalent d'un pourquoi et comment suis-je devenu ce que je suis devenu pour montrer comment. Alors vous avez raison sur ça. L'espèce de... Vous savez, De Gaulle disait qu'il était l'homme de personne. Et j'aime beaucoup cette formule, être l'homme de personne. Et ça explique aussi une autre... En fait, c'était une prison. Vous étiez dans une prison. Voilà, comme Montclair. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Vous étiez en prison. Et en plus, vous ne rentriez même pas chez vous le week-end.

  • Speaker #0

    Non. Toutes les trois semaines.

  • Speaker #1

    Pendant combien d'années ? Quatre ?

  • Speaker #0

    Quatre ans. entre 10 et 14 ans et puis surtout la détestation La détestation de l'intelligence, des livres, de la culture. C'est-à-dire que j'ai des amis jésuites, enfin pas jésuites, mais qui ont été éduqués chez les jésuites, c'est pas du tout la même chose. On aime les livres, on apprend le grec, le latin... Là, ce sont des salésiens. Là, ce sont des salésiens pour qui l'essentiel consiste à vous donner un métier pour pouvoir subvenir à vos propres besoins. Donc au moins on voulait par exemple que je sois tourneur-fraiseur. Et on m'a dit, tu vas jusqu'en troisième, et puis après, tu rentres faire un CAP de tourneur-fraiseur. Et comme je le disais, que j'aimais lire, j'étais un PD, selon l'expression consacrée, entre guillemets. C'est ce que tu disais, oui. Oui, détestation des intellectuels, de l'intelligence, de la lecture. Alors, il se fait que j'étais bon en sport, mais que je n'aimais pas le sport. Alors ça, c'était un péché mortel.

  • Speaker #1

    Et on pouvait vous punir pour une lecture.

  • Speaker #0

    M'humilier. pas me punir mais me humilier oui Par exemple, je lisais beaucoup et tout ce qui me tombait sous la main, il y avait la sélection du Rider Digest, vous savez, si ça existe encore. Et un jour, je lisais ça parce que ça traînait dans une bibliothèque de l'orphelinat, parce que ça s'appelait un orphelinat. Et le soir, il y avait toujours un mot du soir, et le curé qui voulait m'humilier, il s'appelait le Père Moal, que Dieu qui n'existe pas est son âme. Mais il commence à lire ce texte et là, pour m'humilier, il me dit « Ah, toi ! » qui dit tout le temps qu'il n'aime pas le sport, etc. C'est de qui cette phrase ?

  • Speaker #1

    Ah, ils posaient, ils faisaient devine tes citations comme moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et donc, il se fait que, et là probablement Dieu s'est mis à mon côté ce soir-là. Parce qu'il n'existe pas. Oui, j'avais lu cette phrase, j'avais lu cet article.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Et je lui ai dit, alors évidemment j'ai 12-13 ans, et là je dis c'est de Pierre Teilhard de Chardin Et alors là, il s'est dit, mais qu'est-ce qui se passe ? Vraiment, comment il a fait ? C'était pas compliqué, j'avais lu le livre trois jours avant lui, il avait été laissé quelque part, il avait retrouvé... Enfin voilà, il n'y a pas de mystère à ça. Mais si vous voulez vraiment comprendre pourquoi je suis devenu ce que je suis devenu, ça s'est fait avec un livre qui s'appelle... que vous connaissez évidemment... très très bien qui est de diminuer le vihom et la mer et ça pue dans ce dortoir où on est 120 120 c'est 240 chaussettes c'est 120 slips c'est tout le monde qui pue qui sale qui est tous les jours du sport et là je découvre qu'en ouvrant ce livre je suis au milieu de la mer et que ça sent la mer et que je suis en train de pêcher le marlin et que je ferme le livre ça sent mauvais jour le livre je découvre la magie du livre Et là, je commande un petit carnet, on avait la possibilité de commander des fournitures, comme on disait à l'époque, pour moi-même. Et là, le monsieur qui s'occupait de ça, qui s'appelait Monsieur Naturel, me dit, mais pourquoi tu veux un petit carnet ? Qui demande ça ? Et je dis, c'est moi, c'est pour faire un répertoire pour l'anglais. Mais on t'a demandé ça ? Je dis, non, c'est moi qui ai envie. Il m'a dit, c'est une excellente idée. En fait, ce n'est pas vrai, j'avais juste envie d'écrire une histoire. Pourquoi je suis nul en anglais ? Il m'a dit, n'importe quel répertoire. Et j'écris une fiction. J'avais entre 10 et 11 ans. et là je raconte c'est un petit roman que j'ai ouais Il y a un cahier de Lerne qui m'a été consacré, on a publié ce petit texte-là, que je n'ai pas pu relire d'ailleurs, avant publication. Mais donc je comprends à ce moment-là que le salut vient de l'écriture et de la lecture. Donc oui, vous avez raison, ça fait de moi, je ne vais pas dire un insoumis, le mot est préempté, mais un dissident, un rebelle, un anarchiste au sens... au donien du terme, et puis une espèce de cinglé de l'écriture et de la lecture, ça c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et s'il y a des parents qui nous regardent, qui se demandent quel livre faire lire à leurs enfants, Le Vieil Homme et la Mer, Demingway, c'est une merveille. Mais oui. C'est à court, et c'est vraiment, il y a tout l'univers dedans. On doit encore accélérer, je suis navré, c'est passionnant. Une autre phrase de vous, ne trichez pas.

  • Speaker #0

    Ah non ?

  • Speaker #1

    Où avez-vous écrit Le Monothéisme sort du sable ?

  • Speaker #0

    Traité de la théologie.

  • Speaker #1

    Exact, 2006. encore, où avez-vous écrit mon père est mort dans mes bras 20 minutes après le début de la nuit de l'Avent c'est la première ligne de Cosmos première phrase de Cosmos, encore réussie une dernière que j'aime j'écris mes livres contrairement à quelques ennemis c'est une preuve en hiver, pour ce motif futile d'une conversation à voix basse les coupables ne se dénonçant pas le dortoir se retrouve dehors 120 enfants en pyjama dans la nuit noire la lumière bleue de la lune ... colorant les plaques de neige restées dans la cour.

  • Speaker #0

    C'est dans la préface à La Puissance d'Exister.

  • Speaker #1

    La Puissance d'Exister 2008. Bon, vous avez tout gagné. Merci infiniment. J'ai pas entendu tout écrire. Vous auriez pu aussi avoir la maladie d'Alzheimer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Voilà. Et vous avez une bonne mémoire.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas souvenir d'avoir une mauvaise mémoire.

  • Speaker #1

    Bravo. Merci en tout cas. Merci beaucoup d'être venu. Je suis très heureux qu'on ait pu parler d'autre chose que de politique. Moi aussi. Merci infiniment. Je voudrais conclure avec ce que je dis toutes les semaines, et vous allez sûrement être d'accord, la littérature est à l'esprit ce que le sport est au corps.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas forcément d'accord parce que la littérature ça met de côté la philosophie, et moi ce n'est pas tant la littérature qui m'aura sauvé dans la vie, sauf Hemingway, que les livres, je dirais plutôt les livres. C'est-à-dire, il faut ajouter les essais, la psychologie, la philosophie, la philosophie antique, etc.

  • Speaker #1

    Mais l'idée que lire un livre... C'est aussi un sport pour le cerveau, c'est ça que j'essaie de dire dans ma phrase.

  • Speaker #0

    Ah oui, mais les mots mêlés aussi. C'est parce que je retiens, c'est-à-dire que je retiens l'idée que des idées peuvent changer le monde, peuvent changer aussi la vie, et qu'on peut les trouver dans des excellents romans, et qu'on peut parfois ne pas les trouver dans des mauvais livres de philo. Oui,

  • Speaker #1

    et parfois on peut aussi être sauvé par un mauvais roman, ça peut arriver.

  • Speaker #0

    Possible.

  • Speaker #1

    Oui. Je vous ordonne...

  • Speaker #0

    Pensez à quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Oui, j'en ai beaucoup. de lire le premier tome de l'histoire de la philosophie occidentale par Michel Onfray, intitulé « Déambulation de l'Occident » . Ah oui, pardon, oui. « Histoire philosophique de l'Occident » . Soyons précis. Intitulé « Déambulation dans les ruines » , car il faut déambuler dans les ruines, même si on ne se baigne jamais deux fois dans le même flasque.

  • Speaker #0

    On ne déambule jamais deux fois dans la même ruine.

  • Speaker #1

    Dans la même ruine. Sous-titrage

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