- Speaker #0
Bonjour Evelyne, aujourd'hui on se pose une question qui a l'air toute simple. Pour les CCI, les sociétés civiles immobilières, est-ce que pour savoir combien vaut une part, il suffit de prendre la valeur de l'immeuble et hop, on divise par le nombre de parts ? C'est mathématique non ? Ah,
- Speaker #1
ça c'est l'idée reçue classique, tellement fréquente. Mais justement le guide pratique qu'on a là, celui d'Adeline et Marine Destuillier sur l'évaluation des parts, il met vraiment en garde contre ça. C'est une des erreurs, disons, typiques. La réalité, elle est plus complexe.
- Speaker #0
Ah d'accord, intéressant. Bon, alors, allons voir pourquoi ce calcul tout simple ne marche pas. C'est quoi notre mission là ?
- Speaker #1
Essayer de démystifier un peu cette évaluation.
- Speaker #0
C'est ça. Alors, si diviser la valeur de l'immeuble, ce n'est pas la bonne méthode. Qu'est-ce qu'on oublie dans ce calcul un peu trop rapide ?
- Speaker #1
En fait, ce calcul oublie que la SCI, ce n'est pas juste des murs. C'est une entité qui vit avec ses propres finances, ses propres règles. Le guide est clair. La valorisation des parts, ça va bien au-delà de l'estimation de l'immobilier seul.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Il faut intégrer d'autres dimensions qui sont vraiment cruciales.
- Speaker #0
Ok, alors décortiquons ça. Quelles sont ces dimensions ? La première, ce serait quoi ? Le financier.
- Speaker #1
Exactement. Les éléments financiers propres à la SCI. Bien sûr, il y a l'actif, l'immeuble. Mais il y a aussi le passif.
- Speaker #0
Le passif, c'est-à-dire ?
- Speaker #1
Les dettes de la société. typiquement les emprunts bancaires pour acheter l'immeuble ou faire des travaux.
- Speaker #0
Logique.
- Speaker #1
Il faut aussi penser aux comptes courants d'associés. Ça, c'est l'argent que les associés ont pu avancer à la société. C'est une dette de la SCI envers eux.
- Speaker #0
Ah oui, d'accord.
- Speaker #1
Et puis, il y a la trésorerie disponible, l'argent qu'il y a en caisse ou en banque. Tout ça, ça change directement ce qui revient vraiment aux associés au final.
- Speaker #0
Je vois. Donc, valeur de l'immeuble, moins les dettes, plus la trésorerie. Déjà, ça change la donne par rapport à la valeur brute de l'immeuble. Bon. Et après, le financier.
- Speaker #1
Après, il y a tout l'aspect juridique.
- Speaker #0
Et statutaire ?
- Speaker #1
Les statuts de la SI, ce n'est pas juste un document administratif.
- Speaker #0
C'est important comment ?
- Speaker #1
Ils peuvent contenir des clauses qui limitent la vente des parts. La plus connue, c'est la clause d'agrément. Elle est même prévue par le Code civil, article 1861.
- Speaker #0
La clause d'agrément, ça veut dire qu'il faut l'accord des autres associés pour vendre ?
- Speaker #1
C'est ça, pour vendre à quelqu'un d'extérieur à la SI, souvent. Et une part qui est difficile à vendre, qui n'est pas liquide ?
- Speaker #0
Elle vaut moins.
- Speaker #1
Exactement. Elle n'a pas la même valeur qu'une... part qu'on peut céder librement. Le guide explique bien que ces restrictions, ça justifie d'appliquer ce qu'on appelle des décotes.
- Speaker #0
Des décotes, donc une réduction de la valeur à cause de ces clauses. C'est un point important, ça.
- Speaker #1
Très important. Et ça peut être significatif, parfois 10% ou plus, juste pour l'agrément. Et puis, il y a aussi la fiscalité de la SCI. Est-ce qu'elle est à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ? Ça aussi, ça joue sur la valeur nette pour un acheteur.
- Speaker #0
D'accord. Finance interne, check. Règles juridiques et statutaires, check. Mais une part, ça vaut aussi ce que le marché est prêt à donner, non ?
- Speaker #1
Tout à fait. C'est le troisième grand aspect, les contraintes du marché. Quelle est la liquidité réelle de ces parts ? Est-ce qu'elles sont faciles à vendre, là, maintenant ? Sont-elles attractives pour un investisseur ?
- Speaker #0
Et ça, comment on l'évalue ?
- Speaker #1
C'est plus subjectif, mais essentiel. Le guide rappelle d'ailleurs une position de la Cour de cassation. La valeur doit tenir compte de tous les éléments. pour estimer ce que donnerait la rencontre de l'offre et de la demande dans un marché réel.
- Speaker #0
Même si sur le papier tout est bon, si personne ne veut acheter ces parts-là, dans cet estilat, la valeur théorique reste un peu théorique.
- Speaker #1
Ok, donc si je résume, on part de la valeur de l'immeuble, oui, mais on ajuste avec les finances de la SI, dette, trésorerie, les comptes courants d'associés. Ensuite, on regarde les règles du jeu, internes, comme ces clauses d'agrément qui peuvent freiner une vente. Et enfin, on regarde si... Et concrètement, sur le marché, il y a des acheteurs intéressés. C'est beaucoup plus fin qu'une simple division en effet.
- Speaker #0
Exactement. Ce qui nous ramène à la question de départ.
- Speaker #1
Et la réponse est clairement non. La valeur d'une art de SCI, ce n'est pas juste l'immeuble divisé par le nombre de parts. C'est le résultat d'une analyse bien plus complète qui intègre le financier, le juridique et le marché.
- Speaker #0
Et comme le dit le guide, ce n'est pas une science exacte.
- Speaker #1
Ah non, pas du tout. C'est pour ça que souvent, l'évaluation aboutit à une fourchette de valeurs. plutôt qu'un chiffre unique et précis. Ça reflète mieux les incertitudes.
- Speaker #0
Il fourchette, oui, ça me semble plus réaliste.
- Speaker #1
C'est une approche plus prudente et plus juste.
- Speaker #0
Ça m'amène à une dernière petite réflexion, peut-être pour laisser nos auditeurs méditer là-dessus. Si l'évaluation dépend de tous ces facteurs, les finances, les clauses, la facilité de vente, est-ce que le contexte même dans lequel on fait l'évaluation ?
- Speaker #1
C'est-à-dire ?
- Speaker #0
Ben, imaginons, est-ce qu'on évalue les parts pour une vente tranquille, entre associés qui s'entendent bien ? Ou est-ce que c'est dans le cadre d'une succession hyper conflictuelle ou d'un divorce ? Est-ce que ça, ça pourrait influencer le poids qu'on donne à chaque facteur ? La décote pour manque de liquidité, par exemple, est-ce qu'elle sera perçue de la même manière ?
- Speaker #1
C'est une excellente question et elle ouvre la porte à encore plus de nuances dans l'évaluation. Ça dépendra sans doute de l'objectif et des parties prenantes.
- Speaker #0
Voilà, une piste à creuser. Merci beaucoup pour cet éclairage très précis.
- Speaker #1
Avec plaisir.
- Speaker #0
Et merci à tous de nous avoir écoutés pour cette analyse. A très bientôt.