- Speaker #0
Bonjour et bienvenue.
- Speaker #1
Aujourd'hui,
- Speaker #0
on se penche sur une question assez fondamentale pour ceux qui s'intéressent aux sociétés civiles immobilières. Est-ce qu'il existe vraiment un marché où on peut acheter ou vendre facilement des parts de SCI ? Est-ce que c'est aussi, disons, fluide que d'acheter une action en bourse ? Pour explorer ça, on va s'appuyer sur le guide pratique d'évaluation des parts de SCI d'Adeline et Marine Destuyer.
- Speaker #2
Bonjour. Oui, et c'est une excellente question parce que l'évaluation de ces parts, C'est souvent plus complexe qu'on ne le pense. Une erreur assez fréquente, c'est de croire que la valeur des parts, c'est juste la valeur de l'immeuble divisé par le nombre de parts. Or, la réalité est bien plus nuancée. Il y a des contraintes de marché tout à fait spécifiques.
- Speaker #3
Exactement. Alors notre mission aujourd'hui, essayer de démystifier un peu ce marché des parts de SCI. C'est parti, on regarde ça de plus près.
- Speaker #2
Alors pour commencer, le point de départ juridique est intéressant. La Cour de cassation nous dit que la valeur des titres qui ne sont pas cotés, comme les parts de SCI, doit être estimée au plus près de ce que donnerait une confrontation de l'offre et de la demande dans un marché réel. C'est vraiment le principe de base posé par la jurisprudence.
- Speaker #3
Un marché réel. D'accord, mais ce terme de marché réel, ça suggère une certaine facilité d'échange, non ? Pourtant, le guide que vous avez cité, il souligne bien que les parts de SCI ne sont pas librement négociables. Pourquoi cette différence ?
- Speaker #2
Oui, c'est là toute la question. En fait, ça tient essentiellement aux restrictions. Celles prévues par la loi,
- Speaker #4
bien sûr,
- Speaker #2
mais surtout, surtout, celles qui sont inscrites dans les statuts de la SCI elle-même, ou parfois dans des pactes d'associés à côté. Par exemple, l'article 1861 du Code civil, il impose par défaut l'accord unanime des associés pour pouvoir céder ses parts à un tiers,
- Speaker #4
quelqu'un d'extérieur.
- Speaker #3
L'unanimité ! Ah oui, ça change tout ! Ça veut dire qu'on ne peut pas juste décider de vendre ses parts comme ça à n'importe qui ?
- Speaker #2
C'est exactement ça.
- Speaker #4
Enfin, par défaut.
- Speaker #2
Bien sûr, les statuts peuvent prévoir des règles un peu plus souples, une majorité des deux tiers, l'accord du gérant seulement, etc.
- Speaker #4
Mais très souvent,
- Speaker #2
on trouve quand même des clauses qui viennent, disons, verrouiller un peu la circulation des parts.
- Speaker #1
Ah, comme par exemple ?
- Speaker #2
La plus connue, c'est la clause d'agrément. C'est l'obligation d'obtenir le feu vert, l'accord des autres associés,
- Speaker #4
avant de pouvoir vendre.
- Speaker #1
D'accord,
- Speaker #5
la clause d'agrément. Et il y a aussi la clause de préemption, c'est ça, exact ?
- Speaker #4
Tout à fait.
- Speaker #2
La préemption, ça veut dire que si vous voulez vendre, les associés qui sont déjà là ont la priorité pour acheter vos parts au prix proposé. D'accord.
- Speaker #4
Et parfois, on va même plus loin.
- Speaker #2
On peut trouver une clause d'inaliénabilité.
- Speaker #5
Inaliénabilité, c'est-à-dire ?
- Speaker #4
Ça veut dire qu'on interdit carrément de vendre les parts pendant une certaine durée.
- Speaker #2
Ça peut être plusieurs années.
- Speaker #5
Ah oui, effectivement. Avec... Avec tout ça, l'agrément, la préemption, voire l'interdiction de vendre, on imagine mal un marché très dynamique. J'imagine que toutes ces barrières, ça a un impact direct sur la facilité à vendre et donc sur la valeur des parts.
- Speaker #4
Absolument, c'est direct. Toutes ces restrictions, elles réduisent considérablement ce qu'on appelle la liquidité des parts, c'est-à-dire la facilité à les transformer en argent rapidement. Le marché est décrit dans le guide comme étroit et non organisé. C'est très juste. Et c'est précisément pour ça que les évaluateurs, les experts, ils appliquent presque systématiquement ce qu'on appelle une décote pour illiquidité ou non-liquidité.
- Speaker #1
Une décote, donc on baisse la valeur calculée.
- Speaker #4
Exactement. On part de la valeur théorique, souvent basée sur l'actif net réévalué, et on applique une réduction pour tenir compte de cette difficulté à vendre. C'est une façon de refléter le temps et l'incertitude liée à la recherche d'un acheteur qui sera agréé, etc.
- Speaker #3
Et cette décote,
- Speaker #1
elle est de... Quel ordre ? On a une idée ?
- Speaker #4
Alors, l'administration fiscale, elle suggère souvent autour de 10%. Mais la jurisprudence,
- Speaker #2
les tribunaux,
- Speaker #4
ils ont validé des décodes qui peuvent aller jusqu'à 20%, voire un peu plus dans certains cas très contraints.
- Speaker #1
10 à 20% de moins, juste parce que c'est difficile à vendre ? C'est énorme ! Oui,
- Speaker #4
c'est très significatif. Et attention, cette décode pour illiquidité, elle peut parfois se cumuler avec d'autres décodes. Par exemple, si vous détenez une... petite participation sans pouvoir de contrôle on peut aussi appliquer une décote de minorité.
- Speaker #1
Donc on comprend bien qu'évaluer une part de SCI ce n'est vraiment pas juste regarder la valeur des murs et diviser. Il faut intégrer toutes ces contraintes. La liquidité, le juridique, les clauses spécifiques, c'est un vrai travail d'analyse ?
- Speaker #4
Tout à fait. C'est une approche multicritère. Oublier l'aspect négociabilité ou liquidité, c'est passer à côté d'un élément essentiel de la valeur réelle.
- Speaker #1
Alors si on revient à notre question du début... Un marché réel pour les parts de SCI, oui ou non ? La réponse semble être oui en théorie pour le calcul de la valeur, mais non en pratique pour la facilité des échanges.
- Speaker #4
C'est une bonne synthèse, oui. Le droit nous pousse à raisonner comme s'il y avait un marché pour déterminer une valeur juste. Mais la réalité des transactions montre un système très encadré, très peu liquide, où les règles de jeu sont définies à l'intérieur de l'SI. Donc oui, vendre ou acheter, ce n'est clairement pas aussi simple qu'une action.
- Speaker #1
Le point clé à retenir finalement, c'est que la valeur d'une part de SCI, ça reflète l'immobilier détenu, bien sûr, mais aussi et peut-être surtout la difficulté potentielle à la transmettre.
- Speaker #4
Exactement. Ce concept de marché réel, il sert de référence théorique, mais il est quasi systématiquement corrigé, ajusté à la baisse, par ces fameuses décotes qui prennent en compte les contraintes bien réelles.
- Speaker #1
Et ça soulève une dernière question, peut-être pour ouvrir la réflexion. Si vendre est si compliqué, si la valeur est souvent diminuée par ces décotes, qu'est-ce qui motive vraiment les gens à investir dans des parts de SI, en dehors peut-être des montages familiaux très spécifiques ou des successions ? Quelle est la véritable... attractivité de ce marché si particulier, si on peut l'appeler marché. Voilà, une question à méditer. Merci beaucoup de nous avoir éclairé sur ce sujet.
- Speaker #4
Merci à vous.
- Speaker #1
Et merci à tous de nous avoir écoutés pour cette analyse.