- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans cet épisode du podcast Dans mon cours. Je suis Estelle Gouze et je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Martina Salema. Bonjour. Ensemble, nous travaillons au Centre d'innovation pédagogique de PSL. L'idée de ce podcast est simple, c'est de partir à la rencontre des enseignantes et enseignants afin qu'ils nous partagent des pratiques pédagogiques qu'ils ont mis en place dans leurs cours. Notre dernier épisode portait sur l'approche par compétences et aujourd'hui on va s'intéresser à ce qu'on appelle les compétences douces ou autrement dit les soft skills. Pour en parler, nous sommes ravis d'accueillir David Abono qui enseigne à l'université Paris-Dauphine. Bonjour David.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Merci d'avoir accepté de venir partager votre expérience sur ce sujet. Vous avez créé un cours pour justement accompagner les étudiants dans le développement de ces compétences douces et Martina, ici présente, a été un soutien dans ce projet. Donc on va parler de tout ça, mais tout d'abord, est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots ?
- Speaker #1
Oui, je suis David Abono, je suis enseignant-chercheur à l'université Paris-Dauphine. J'enseigne principalement la gestion des ressources humaines. départements LSO, MSO et puis en formation continue. Je suis responsable d'un executive master qui s'appelle Management & Coaching et dans le cadre de mes travaux de recherche, je m'intéresse principalement à l'accompagnement, la formation et puis plus récemment à l'inclusion des jeunes décrocheurs, notamment par les SAS Skills.
- Speaker #0
On les appelle les compétences douces, donc l'intelligence émotionnelle, l'empathie, l'écoute, la créativité, la prise de recul. En introduction de votre cours, vous dites que ces compétences douces sont dépendantes de notre personnalité, mais qu'elles souffrent de deux préjugés. Le premier, le fait qu'elles ne s'acquièrent pas. Et le deuxième, qu'elles ne se mesurent pas. C'est une des raisons pour lesquelles vous avez créé ce cours, pour accompagner les étudiants de licence dans le développement de ces aptitudes personnelles, mais aussi relationnelles.
- Speaker #2
Il faut savoir aussi que ces soft skills ont un impact sur l'insertion professionnelle des étudiants. puisqu'on parle notamment d'une insertion plus rapide, d'un niveau de rémunération plus élevé, et aussi de responsabilités plus importantes et plus rapidement. Avant de voir ensemble comment vous accompagnez les étudiants dans ces apprentissages-là, on aimerait définir plus précisément de quoi on parle, parce que plusieurs termes sont souvent employés, on a déjà parlé de compétences douces, on a utilisé aussi le terme de soft skills, on peut retrouver aussi le terme de compétences transversales, il y a aussi les math skills qui existent. Donc en préparant cet épisode, on avoue, on était un petit peu perdus. Donc, la première question pour vous David, c'est, à quoi est-ce que ça fait référence ?
- Speaker #1
Oui, alors c'est normal que vous étiez un petit peu perdus en préparant ce podcast, parce qu'en réalité, il n'y a pas vraiment de consensus ni sur la dénomination. On entend parler de compétence comportementale, de compétence douce, compétence générale, et il y a encore d'autres dénominations qui sont utilisées. Il n'y a pas de consensus non plus sur leur nature, la nature de ces compétences. D'ailleurs, on ne sait pas vraiment si ce sont des compétences ou des aptitudes ou des dispositions. Et il n'y a pas non plus de consensus sur ce que ça recouvre exactement cette notion de soft skills. Néanmoins, il y a quand même des points d'entente dans la littérature. En particulier, on distingue les soft skills des hard skills. Donc l'idée, c'est qu'il y aurait des compétences techniques. et que les soft skills seraient différentes de ses compétences techniques. Donc une compétence technique, c'est par exemple un charpentier, s'il doit construire une structure bois, il va devoir façonner des pièces, soit de manière traditionnelle, soit en atelier. Ça, ça relève évidemment de compétences techniques, de hard skills. Mais s'il veut mettre en œuvre ses compétences techniques, il faudra qu'il fasse dans un environnement professionnel, où il va devoir collaborer. La charpente, c'est un métier qui est très collectif. Il va avoir coopéré au sein d'une équipe et c'est très important dans la mise en œuvre de ses compétences techniques de les compléter finalement par des compétences générales ou des compétences transversales. Ça c'est un premier point d'entente sur ce que signifie la notion de soft skills par opposition aux hard skills. Il y a un autre point qui est intéressant à souligner, c'est que contrairement aux compétences techniques, les compétences transversales ou générales sont des compétences qui ne se limitent pas aux situations professionnelles. qu'on sait qu'on peut mobiliser ces compétences dans d'autres environnements, personnels, universitaires notamment. Et d'ailleurs, on travaille beaucoup sur ces compétences générales pour notamment faciliter l'insertion de publics décrocheurs, dans le cadre de dispositifs d'inclusion. Certains disent même que les compétences douces sont utiles pour gérer des situations professionnelles ou personnelles, mais également utiles pour être heureux.
- Speaker #0
Est-ce que vous avez des exemples de soft skills là, si on doit ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Dans les soft skills qui sont les plus plébiscités, il y a évidemment le travail en équipe, la coopération, le management, le leadership. Ça sont plutôt des compétences relationnelles. Et après, il y a des compétences qu'on dit personnelles ou intrapersonnelles. La gestion du stress, l'organisation du travail, la gestion des priorités. Ça relève de ce qu'on appelle les soft skills. Et puis, outre-Atlantique, dans la littérature anglo-saxonne. Même l'éthique est considérée comme une compétence comportementale.
- Speaker #2
Mais comment est-ce que vous avez pris conscience de l'importance de ces soft skills pour des étudiants en licence ?
- Speaker #1
Alors oui, il y a plusieurs choses. En particulier, les soft skills doivent être mobilisés en environnement professionnel, mais elles sont mobilisées directement dans le cadre de la formation initiale, donc en environnement universitaire, on va dire les choses de cette manière-là. J'ai évoqué à l'instant l'organisation du travail, la gestion des priorités. On imagine bien que nos étudiants doivent mobiliser ce type de compétences s'ils veulent réussir leur cursus. On peut dire la même chose de la gestion du stress, la résistance à la pression, qui sont des éléments quand même importants dans le cadre de formations exigeantes. Et puis on demande quand même à nos étudiants aussi de beaucoup travailler en mode collaboratif, en coopération, dans le cadre de travaux de groupe. Et ça, ça nécessite aussi de mobiliser des compétences comportementales dont nos étudiants ne disposent pas toujours. Donc il y a un intérêt, je dirais, immédiat à travailler sur cette notion de soft skills pour nos étudiants. Et puis évidemment, dans un cadre plus professionnel, à mon sens, il faut les préparer justement pour qu'ils puissent s'adapter plus rapidement à des situations professionnelles, parce que les soft skills, elles sont de plus en plus recherchées par les employeurs, elles sont de plus en plus testées. par les recruteurs, et donc ça me paraît important que nos étudiants soient préparés à ces processus de recrutement, et soient aussi préparés à mobiliser ces compétences en situation professionnelle, dès les premiers stages, dès les expériences en apprentissage, et puis évidemment on se projette sur l'insertion professionnelle à l'issue de leur formation, et puis de manière, je dirais, en termes d'analyse de l'environnement externe, on va dire les choses de cette manière-là. Beaucoup d'institutions, d'écoles de commerce, d'universités ont mis en place des programmes de ce type-là qui visent à développer les soft skills. C'est quelque chose qui est beaucoup évoqué aussi quand on travaille à améliorer nos formations, notamment dans le cadre des comités de perfectionnement. On a des professionnels qui participent à la réflexion sur l'amélioration de nos programmes et ils nous parlent très souvent des problématiques des jeunes entrants qui... ne maîtrisent pas totalement un certain nombre de compétences, sauf notamment pour travailler en mode collaboratif dans le cadre de projets. Et puis si on regarde aussi dans la littérature sur le leadership, sur le management, la notion de réflexivité est de plus en plus évoquée, elle est de plus en plus centrale dans ces travaux-là. Et puis je rappelle qu'à Dauphine en particulier, on forme beaucoup des managers, donc ils vont avoir besoin de ces compétences comportementales, et on sait que la réflexivité, c'est une manière de les développer.
- Speaker #0
C'est vrai qu'il y a souvent beaucoup de travail de groupe à l'université, mais c'est vrai qu'on ne les outille pas forcément les étudiants. Et pareil, est-ce que savoir s'exprimer à l'oral, est-ce que c'est une soft skills ?
- Speaker #1
Oui, la communication écrite, la communication orale, la présentation de soi de manière générale, c'est considéré effectivement comme étant du domaine des compétences comportementales.
- Speaker #0
C'est vrai qu'il y a beaucoup d'universités d'examen oraux. Chaque enseignant se dit que les années précédentes, ils ont dû, à un moment donné, avoir des conseils sur comment se présenter à l'oral, comment s'exprimer, comment faire passer ses idées. Sauf que souvent, ce n'est pas forcément le cas, en fait.
- Speaker #1
Oui, c'est clair. On leur dit que c'est important, mais on ne leur donne pas nécessairement de ressources pour se préparer, pour se former, pour s'améliorer. Et puis on l'évalue rarement en tant que telle aussi, cette maîtrise des compétences comportementales.
- Speaker #0
Ces compétences douces, ça touche quand même à des choses assez personnelles, sur la manière dont on fonctionne en tant qu'individu, à notre caractère, à nos réactions, à nos actions. Du coup, pour développer ces aptitudes, il faut quand même avoir une bonne connaissance de soi et d'être finalement capable de prendre du recul sur nos actions, de les analyser, de les évaluer. comment développer cette posture chez des étudiants en licence ?
- Speaker #1
Alors le premier point que vous mentionnez est intéressant parce qu'effectivement la notion de soft skills, elle déborde de l'environnement de formation universitaire ou d'environnement professionnel. C'est effectivement très personnel parce que ça traite de la notion de personnalité, notre personnalité. On dit parfois nos préférences comportementales, ce qui nous met à l'aise, ce qui nous met moins à l'aise d'un point de vue interaction sociale en particulier. Ça traite aussi de la façon dont on prend des décisions, la façon dont on se représente de monde, dont on voit notre environnement. Ça traite aussi de la façon dont on interagit avec les autres. Mais je pense qu'il faut faire, et moi j'étais très attentif, ne pas tomber dans ce piège-là, qui est pour moi un écueil important quand on travaille sur la notion de soft skills. C'est-à-dire de ne pas tomber dans le développement personnel. À mon sens, à l'université, nous enseignants, notre rôle n'est pas... pas de travailler au développement personnel des étudiants, mais vraiment se concentrer sur le développement professionnel. Donc ça, ça a été un premier point dans la façon de concevoir ce cours, c'est vraiment de se focaliser sur le développement professionnel et essayer d'évacuer des choses qui pourraient être trop personnelles, trop intrusives et qui, à mon sens, ce n'est pas notre rôle de travailler sur ces sujets. Donc on est vraiment sur la connaissance de soi, mais en environnement universitaire. ou en environnement professionnel. Les questions personnelles sont évacuées, même si ça n'empêche pas les étudiants de réfléchir aussi sur cette dimension-là, mais ce n'est absolument pas nécessaire. Et donc, la connaissance de soi, c'est évidemment important pour connaître ses points forts et ses points faibles. On a finalement, les étudiants, mais nous aussi, peu de moments où on a l'occasion de réfléchir à ce qui nous met à l'aise, sur quoi on est moins à l'aise, ce qui relève de points forts ou de points faibles dans le domaine de nos comportements. Et l'idée, c'est aussi que cette prise de recul, elle permette de mieux valoriser ses points forts dans le cadre de ses expériences universitaires ou de ses expériences professionnelles, et puis de se donner les moyens de travailler sur ses points faibles, une fois qu'on les a identifiés. Et à mon avis, c'est ça la fonction de la prise de recul, c'est mettre des mots sur ses points faibles, sur ses points forts, et puis pouvoir créer un programme, en quelque sorte, de développement professionnel. pour travailler ses points faibles et puis essayer de valoriser ses points forts. Et à mon avis, on n'habitue pas beaucoup nos étudiants à cette démarche dans le cadre de cours conventionnels. Et pourtant, c'est central en entreprise. On a d'être confronté à des problématiques, à des difficultés qui relèvent des soft skills et d'essayer d'identifier des solutions. Donc, c'est un des objets de ce cours autour des soft skills.
- Speaker #2
Et donc, dans cette optique, vous avez construit un cours qui s'appelle Soft Skills et qui concerne toute une licence à dauphine. De la L1 à la L2, donc plus de 200 étudiants, quels sont les objectifs d'un tel cours ?
- Speaker #1
C'est, je crois, plus de 1200.
- Speaker #2
Plus de 1200 ? On était loin du compte.
- Speaker #1
Oui, ils sont très nombreux. 1200, ok. Oui, les objectifs, enfin si on prend la L1 et la L2, les objectifs ils sont alignés avec les enjeux que vous avez mentionnés tout à l'heure, qui sont les enjeux qui sont décrits par les employeurs. C'est-à-dire qu'en premier lieu, quand on parle de soft skills, on ne sait pas tellement de quoi ça parle. On a bien des intuitions sur le fait que ça concerne le travail en équipe, ça concerne la gestion du stress, mais on n'a pas une vision vraiment complète de ce que signifie la notion de soft skills. Donc le premier objectif, c'est vraiment d'amener les étudiants à comprendre ce que ça signifie en mobilisant des grilles de lecture qui sont académiques, parce qu'on est des universitaires, on a des choses à dire intéressantes, fiables d'un point de vue scientifique sur ce sujet. Donc des grilles académiques qui sont issues du champ de la psychologie, de la psychologie sociale, de la gestion du management. Donc on parle évidemment de personnalité, on évoque les approches cognitives, on aborde aussi la notion d'efficacité collective en équipe, le management, le leadership. Donc ça c'est le premier enjeu, c'est que les étudiants aient une idée claire de ce que recouvre la notion de soft skills et ce que ça signifie. Le deuxième objectif, c'est que nos étudiants soient en capacité, on en a parlé à l'instant, de prendre du recul sur leurs expériences, en particulier leurs expériences professionnelles ou associatives, par exemple, à partir de ces grilles de lecture. Donc ça passe par plusieurs méthodes, on va dire les choses de cette manière-là. D'abord la scénarisation, j'en reparlerai tout à l'heure, mais l'idée c'est qu'ils suivent le parcours d'une étudiante fictive qui leur ressemble un peu, j'espère. ça passe aussi par des sessions qui sont dédiées à la réflexivité. On va vraiment provoquer ces moments de réflexivité et puis de manière accompagnée. La notion de réflexivité accompagnée, à mon avis, elle est importante dans le cadre de cet enseignement. Et puis ça passe aussi par un test de positionnement à l'issue du parcours, où ils peuvent, de manière un petit peu plus à la manière de test de personnalité, se positionner pour avoir une cartographie de leurs points forts et de leurs points faibles. Et le troisième objectif, il est tourné vers l'action. C'est de bâtir un plan d'action ou un plan de développement. C'est à la discrétion des étudiants, évidemment, mais une fois que les points faibles et les points forts sont identifiés... Avoir un plan d'action pour valoriser, pour développer les soft skills, que ce soit dans le contexte universitaire ou dans le contexte professionnel.
- Speaker #2
Est-ce que vous avez observé des freins, des résistances de la part des étudiants quand ils doivent prendre du recul ?
- Speaker #1
Non, je ne crois pas qu'il y ait de freins, il y ait de résistances au moment de la prise de recul. Parce que comme on l'a évoqué ensemble, au contraire, je dirais que les étudiants ont une vraie appétence pour ces moments de prise de recul, où ils peuvent revisiter leurs expériences de vie. alors. Souvent les expériences universitaires, des expériences en stage, des expériences associatives, parfois des expériences sportives ou artistiques, parce qu'on peut effectivement prendre appui sur des expériences qui sont très différentes les unes des autres et expériences pour lesquelles la notion de soft skills est pertinente. Et moi, ce que j'observe, au contraire, c'est la grande sincérité dans les retours que font les étudiants quand on leur demande cette prise de recul. et qui, à mon avis, est un signal. C'est-à-dire que ça signifie qu'ils sont contents d'avoir cette opportunité de prendre du recul et de mettre des mots sur des situations, sur des forces, des faiblesses, puis de réfléchir un petit peu à la façon de résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans le domaine des compétences comportementales.
- Speaker #0
Je discutais avec une étudiante qui a suivi votre cours, justement, et elle avait vraiment apprécié le test de positionnement où ils doivent... faire du lien avec leurs expériences et les lier au développement de différentes soft skills. Et je pense effectivement que les étudiants sont assez demandeurs de ces petits moments réflexifs.
- Speaker #1
Oui, il y a très peu de moments qui sont dédiés à cette réflexivité. On propose très peu de moments à nos étudiants. On leur dit qu'il faut le faire, mais je pense que si ce n'est pas accompagné, c'est pour ça que je parle de réflexivité accompagnée, si ce n'est pas structuré, si on n'identifie pas des moments pour le faire, si on ne donne pas une méthode. finalement, ce travail réflexif, il n'est pas opéré par les étudiants. Donc, c'est aussi un des enjeux, c'est de créer ces moments de prise de recul.
- Speaker #0
C'est qu'on ne les banalise pas assez dans les maquettes.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Je reviens sur quelque chose que vous avez dit, sur le fait que le rôle de l'enseignant était avant tout le développement professionnel et non le développement personnel de l'étudiant. C'est vrai que fut un temps, le but de l'université, c'était de former ses futurs pères. C'était réservé finalement à une certaine élite. Aujourd'hui, il y a une massification du public étudiant, il y a une hétérogénéité des profils. 80% des bacheliers poursuivent en enseignement supérieur. Il y a un enjeu d'insertion sur le marché du travail, une volonté même ministérielle de professionnaliser à l'université. Et on n'est plus centré sur l'enseignement, mais plutôt sur la production d'apprentissage, sur le développement de compétences. Cette approche, elle n'est pas toujours bien perçue par les enseignants, parce qu'elle ne doit pas se faire au détriment des connaissances théoriques à acquérir. Et si c'est bien fait, ce n'est pas le cas. Les savoirs ont tout à fait leur place et sont nécessaires au développement des compétences. Mais pour vous, est-ce que ça a été simple de proposer ce cours de soft skills dans ce contexte ?
- Speaker #1
Oui, simple. Je ne sais pas si ça a été simple. Mais néanmoins, moi je suis enseignant en gestion, donc on a une vision de la notion de compétence qui est peut-être un peu différente par rapport à d'autres disciplines. Ce qui est certain, c'est qu'on peut poser la question à l'envers sur le rôle de l'université dans le développement de compétences professionnelles, et pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, de compétences soft, de compétences douces. Si on pose le problème à l'envers, on peut se dire, mais finalement, il y a de très grandes inégalités entre les étudiants qui entrent dans le système universitaire, même à résultats scolaires identiques, par exemple nos étudiants qui entrent à Dauphine, la maîtrise des soft skills, elle est très variable. notamment selon l'origine sociale les expériences qu'ont pu avoir les étudiants avant d'entrer à l'université donc à mon avis c'est quand même dans le rôle la fonction de l'université de travailler à la réduction de ces inégalités et on a vu en ce qui concerne les soft skills ça a été dit tout à l'heure il y a des études qui ont été conduites notamment par le CEREC et qui montrent que les soft skills font la différence à diplôme égal Voilà. La maîtrise des soft skills font la différence en termes de rémunération, de rapidité d'insertion sur le marché de l'emploi, sur le niveau de responsabilité à la prise de poste. Donc à mon sens, les soft skills, elles n'ont pas été suffisamment prises en compte à l'université en tant que compétences. Et ça pose un vrai problème en termes d'inégalité d'accès ensuite sur le marché du travail. Et je pense que c'est une autre manière de poser la question. C'est de se dire, est-ce que c'est le rôle de l'université de réduire ces qui sont très fortement socialement connotés, on va dire, les choses de cette manière-là. Et moi, à titre personnel, mais c'est vraiment strictement personnel, je pense que ça fait partie de notre rôle à l'université de manière générale, qu'on soit enseignant ou peu importe ce qu'on fait à l'université, d'accompagner les étudiants et notamment dans une logique de réduction des inégalités, d'accès à l'emploi, aux responsabilités, etc.
- Speaker #2
J'ai une autre question. Là, on a surtout parlé du module Soft Skills de L1 et L2. Est-ce que vous mettez en place quelque chose pour les L3 ?
- Speaker #1
Oui, ça a été fait dans un premier temps, en troisième année de licence en gestion. C'est une licence qui s'appelle Management et gestion des organisations. Donc j'ai été responsable quatre ans. J'étais notamment responsable d'un cours d'une UE, qui s'appelle l'UE de pré-professionnalisation. Et là, on a affaire à des étudiants qui ont acquis une expérience suffisante pour avoir... vraiment une prise de recul, je dirais, intéressante et riche sur la notion de soft skills. Parce qu'ils ont suivi un stage obligatoire entre la première année et la deuxième année, c'est un stage de cinq semaines minimum. Entre la deuxième et la troisième année, donc avant de rentrer en troisième année de licence, ils ont suivi un stage de quatre semaines. Et puis nos étudiants, parfois de manière beaucoup plus proactive, au-delà de les obligations d'expérience professionnelle, ils ont pu suivre encore d'autres stages, ou travailler en CDD, etc. Et en troisième année, on leur demande finalement de revisiter ces expériences-là pour se positionner sur un certain nombre de domaines qui relèvent des compétences comportementales. Donc il y a douze familles, par exemple on a évoqué la communication, la gestion du stress, la gestion des conflits, le travail en équipe, la créativité. Enfin bon voilà, il y a douze familles de ce type-là, et je passe un petit peu de temps à leur expliquer les compétences comportementales qui relèvent de ces douze familles. Et pour chacune de ces douze familles, ils doivent citer une expérience un peu marquante, souvent issue d'un stage, et raconter cette expérience pour mettre en avant un point fort ou un point faible. Et à l'issue de ce positionnement qui est très qualitatif, ils vont pouvoir faire un bilan dans le point fort et le point faible, et puis créer un programme, c'est-à-dire se dire, ma prochaine expérience professionnelle, si je veux travailler mes points faibles, il faudra que j'aille vers... tel ou tel type de tâche, de mission, de responsabilité, de projet. Et si je veux vraiment valoriser mes points forts, je vais pouvoir me concentrer sur tel ou tel type de mission. Ça leur permet aussi de se préparer à ce type de questions qui sont de plus en plus mobilisées dans le cadre des entretiens de recrutement. Par exemple, on va vous poser une question, typiquement des questions comportementales. On va vous dire, donnez-moi un exemple de situation où vous avez dû gérer un conflit. Et comment avez-vous fait ? C'est une manière... prédictif, comme on dit, de mesurer le niveau d'acquisition des soft skills pour les candidats et les candidates. Et ça, ce sont des questions qui sont de plus en plus posées dans le cadre d'entretiens de recrutement, parce que les recruteurs sont très attentifs aux soft skills désormais. Donc, ce travail que je leur propose en troisième année, c'est leur permettre de se préparer à ce type d'échange. Et ils ont aussi un questionnaire quantitatif, un test qui complète pour avoir un mapping de leurs points forts et de leurs points faibles. Et ça... Ça clôt un cycle qui est un cycle de licence où, durant deux années, ils travaillent sur les soft skills. La troisième année, ils font le bilan sur tout ce qu'ils ont appris en prenant du recul sur leurs expériences professionnelles en stage.
- Speaker #0
J'ai une question sur comment on mesure l'acquisition de ces soft skills. C'est vrai qu'en tant qu'enseignant, ça ne doit pas être évident d'évaluer, de mesurer l'acquisition de ce type d'attitude. Comment vous avez fait ?
- Speaker #1
Il y a deux manières. Alors la mesure, elle est surtout à la disposition des étudiants, à nouveau. Cette prise de recul, elle sert, eux, à se faire une idée de leur niveau dans un certain nombre de domaines. Est-ce qu'ils sont à l'aise en communication orale ? Est-ce qu'ils sont à l'aise en gestion des conflits, en gestion du stress, etc. Ça, on le fait via les webinaires de prise de recul, où ils sont amenés sur les notions qui ont été dues en cours à se positionner. On le fait aussi via le test en troisième année que je viens d'évoquer. Mais c'est sûr que c'est très difficile de mesurer le niveau d'acquisition de compétences dites générales ou comportementales. Ce qui est certain, c'est qu'en tant qu'enseignant, mon rôle n'est pas de mesurer le développement des soft skills, mais d'évaluer, au sens d'évaluation universitaire, le développement des soft skills des étudiants. plutôt d'évaluer leur assiduité et le fait qu'ils se soient vraiment engagés dans cette démarche de réflexivité.
- Speaker #0
En fait, c'est plus les outiller pour que justement, eux, soient capables de mesurer un peu leur progression entre la L1 et la L3, finalement.
- Speaker #1
Ça, c'est très difficile à dire. En revanche, ce qui est assez saisissant en troisième année... c'est de voir la richesse des expériences qu'ils ont vécues et qui témoignent effectivement de la mobilisation de soft skills. On a des étudiants, vraiment, dont on ne mesure pas la variété des expériences professionnelles auxquelles ils ont été confrontés. Et ces temps de prise de recul, justement, permettent de se faire une idée de la façon dont les situations professionnelles... par lesquelles ils passent, les ont forgés ou leur ont permis de développer des compétences comportementales.
- Speaker #0
Donc on arrive bientôt à la fin de cet épisode. On va passer un petit peu au bilan. Est-ce que vous avez eu des retours des étudiants sur ce cours ?
- Speaker #1
Oui, on a eu des retours sur... Les étudiants ont pu donner leur avis sur ce cours. C'était d'autant plus important que c'est un format qui est quand même très atypique, en tout cas au regard de la façon dont les étudiants travaillent habituellement à Dauphine. Alors au global, on a quand même des retours qui sont très positifs. Je pense que ce qui est très apprécié par les étudiants sont les modalités, parce qu'ils sont habitués à avoir beaucoup de cours, beaucoup de cours, on va dire, conventionnels. Là, le format est quand même très particulier. Je pense qu'ils ont apprécié le fait d'être... très autonome puisque c'est un cours qui est dispensé de manière asynchrone. Ils ont la possibilité de suivre les modules quand ils le souhaitent, même s'il y a un cadrage sur le calendrier. Donc ça, c'est quelque chose qui est vraiment apprécié. Le micro-learning aussi est beaucoup apprécié par les étudiants. C'est-à-dire, l'idée, ça a quand même été de découper le cours en petites unités d'enseignement. Un module, c'est 10 minutes, un quart d'heure, pas plus pour pouvoir le suivre. Ça, je pense que ça facilite beaucoup l'apprentissage parce qu'on est sur des temps de concentration qui sont brefs, mais c'est aussi quelque chose que les étudiants apprécient. C'est-à-dire ne pas avoir à suivre un cours sur des longues périodes, on va dire, de concentration. Ce qu'ils ont apprécié aussi, c'est la mise en situation. Alors ça, c'était quand même un pari pour moi parce que j'ai créé une étudiante fictive qui s'appelle Linda. qui entre à Dauphine en première année. C'est assez synchronisé avec l'expérience des étudiants quand ils suivent les modules, qu'ils recherchent un stage, qu'ils vont être en stage à peu près au même moment que les étudiants vont l'être entre la première année et la deuxième année. Et quand on crée ce type de persona, il y a toujours un petit peu la crainte que ça soit tellement fictif, que ça soit déconnecté de l'expérience réelle des étudiants, qui est maintenant un peu lointaine pour moi. Et les retours, c'est quand même qu'ils sont... quand même pas mal identifiés. Sur les points d'amélioration, parce qu'évidemment, il y en a également, je pense que les étudiants souhaiteraient qu'on aille encore un peu plus loin dans la refonte des formats. En particulier, la façon dont j'ai construit les modules fait qu'il y a beaucoup d'éléments qui sont écrits, et notamment sur les notions qui sont présentées. Ils aimeraient, par exemple, plus de vidéos, ils aimeraient plus d'interactivité, donc ça, c'est des points sur lesquels, à mon avis, il faudra travailler par la suite. Mais voilà, à titre personnel, j'ai été plutôt agréablement surpris par la réception qui a été faite de ce cours, même s'il y a des choses à améliorer néanmoins, évidemment.
- Speaker #2
Et quelles sont les perspectives d'évolution ? Alors là, vous parlez surtout du module Soski L1 et L2, et pour les L3 ?
- Speaker #1
Perspective d'évolution, j'ai envie de dire que ça concerne l'année 1, l'année 2 et l'année 3. C'est-à-dire que ce qui nous manque aujourd'hui, alors évidemment on parle beaucoup d'intelligence artificielle actuellement, Mais je crois que sur des sujets de ce type-là, on aurait vraiment un intérêt à développer des choses à partir de l'intelligence artificielle, on va dire les choses de cette manière-là. Je suis quand même assez lointain des étudiants, ils sont 1200, ils suivent les cours en asynchrone, je les rencontre dans le cadre de webinaires, mais c'est quand même très anonyme. Et ce qui manque, c'est quelque chose de plus personnalisé, étant donné l'effectif des promotions et les modalités qui ont été choisies. Une bonne option, à mon avis, serait de créer quelque chose de l'ordre d'un tuteur, d'un compagnon IA, qui serait aussi là pour répondre à un certain nombre de questions qu'ils pourraient avoir, qui seraient là pour challenger leur plan d'action, d'amélioration en termes de développement des soft skills, pour accompagner une réflexivité d'une manière plus personnalisée, plus one-to-one, parce que moi, en tant qu'enseignant, étant donné l'effectif des promotions, je ne peux pas être dans cet accompagnement individualisé. Et là, je crois qu'il y a quelque chose à faire. Et toujours sur l'IA, on a des systèmes de quiz pour valider l'assiduité et puis le fait que les modules ont été bien suivis. On gagnerait à avoir des quiz un peu aléatoires, générés de manière complètement différente pour chaque étudiant, pour chaque module. Et ça, c'est des choses, dans les années à venir, ça m'intéresserait de pouvoir travailler sur ces sujets-là dans le cadre de ce...
- Speaker #0
de cette UE SOSKILLS.
- Speaker #1
J'ai lu un article récemment justement sur la possibilité de développer des tuteurs d'apprentissage avec l'IA et c'est vrai que les résultats étaient plutôt positifs pour tout ce qui concerne le contenu disciplinaire et que l'IA avait encore des progrès à faire concernant l'accompagnement un peu socio-affectif. C'est-à-dire qu'elle n'est pas forcément dans l'émotion, elle n'est pas forcément dans l'empathie. C'est parfois des aspects que les étudiants recherchent justement quand ils... quand ils veulent avoir un tutorat.
- Speaker #0
En tout cas, si vous voulez travailler sur ce sujet, je serais ravi de le faire.
- Speaker #2
On serait ravis aussi. Ah oui ? C'est sûr. J'avais une dernière question que je m'étais notée. Là, on a beaucoup parlé de réflexivité, prise de recul des étudiants. Dans le premier épisode du podcast, on avait parlé aussi du métier d'enseignant. Donc, pour vous, est-ce qu'il y a une prise de recul dans le métier d'enseignant ? Et si oui, si elle a lieu, comment se traduit-elle ?
- Speaker #0
Pour qu'il y ait prise de recul, il faut aussi avoir un peu de temps et un peu de recul sur ce qui a été fait. Et c'est vrai que j'ai passé deux ans à développer ces modules, parce qu'il y a quand même 24 modules en première année, 24 modules en deuxième année. C'était assez lourd en termes de développement. C'est la première année qu'ils sont tous mis à la disposition des étudiants. C'est vrai qu'il faudra que vienne le temps aussi pour moi de prendre du recul sur mes pratiques. mais ce qui est certain à ce stade là c'est que C'est un processus d'apprentissage, c'est ça que j'apprécie beaucoup dans l'innovation pédagogique, c'est qu'on voit complètement la façon de construire un cours, notamment via le micro-learning, le découpage d'un cours en petites unités compatibles avec des séquences d'apprentissage de 10-15 minutes, c'est une manière complètement différente de structurer un cours. C'est aussi une autre façon évidemment de l'animer, puisque là on est en asynchrone. Et puis, c'est aussi un autre rapport aux étudiants, parce qu'ils sont beaucoup plus autonomes, et puis ils viennent vers nous pour des choses assez différentes par rapport à d'autres cours. Mais il me faudra effectivement un petit peu plus de temps pour une meilleure prise de recul, et puis savoir en particulier comment je peux encore améliorer ces contenus, cet enseignement.
- Speaker #3
Le mot de la fin que nous poserons à tous nos invités... Quel conseil auriez-vous aimé avoir quand vous avez commencé à enseigner et lequel voudriez-vous donner à quelqu'un qui débute ?
- Speaker #0
Alors ça, c'est une question qui n'est pas simple. Moi, j'aurais aimé qu'on me dise, quand j'ai commencé à enseigner, qu'on me dise de me libérer des formats que j'avais connus, des formats d'enseignant que j'avais connus en tant qu'étudiant. Et que les étudiants, ils gagnent à avoir des formats différenciés. Donc l'idée, par exemple, ne pas tout faire en distanciel ou en asynchrone, etc., mais avoir les formats pédagogiques les plus différenciés possibles au sein d'une même formation. Je trouve qu'on n'encourage pas suffisamment les nouveaux enseignants et on ne valorise pas suffisamment, même si à Dauphine, il y a un gros travail qui a été fait réellement sur ce sujet, on ne valorise pas et on n'encourage pas suffisamment la rupture, on va dire, en termes de modalité pédagogique portant. On est particulièrement aujourd'hui dans une période où les choses vont extrêmement vite. Et si on ne veut pas être dans des fictions pédagogiques, ce que j'appelle des fictions pédagogiques, c'est qu'on imagine la façon dont les étudiants travaillent notre cours. Et en fait, les étudiants travaillent de manière complètement différente. Je ne vais pas parler de l'IA maintenant, on l'a déjà fait, mais ça bouscule quand même beaucoup les manières de travailler. Si on ne veut pas être dans des fictions pédagogiques, il faut avancer au même rythme que notre environnement et que la pratique de nos étudiants. Et je ne crois pas qu'on le fasse suffisamment. Et je ne crois pas qu'on ait un discours suffisamment percutant pour les nouveaux entrants, les nouveaux collègues sur ce sujet-là.
- Speaker #3
Eh bien, c'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup, David, pour ce partage d'expérience.
- Speaker #0
Merci beaucoup.
- Speaker #3
Merci à tous de nous avoir écoutés. Vous trouverez en lien des ressources sur les pratiques pédagogiques que nous venons d'aborder. Merci à Iseo Furudoy pour la réalisation, le montage et le mixage. N'hésitez pas à partager ce podcast et si vous souhaitez faire évoluer votre cours, sachez que le Centre d'innovation pédagogique de PSL peut vous accompagner. A bientôt pour un prochain épisode.