- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans cet épisode du podcast Dans mon cours. Je suis Estelle Gouze et je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Marie-Françoise Courteau.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Ensemble, nous travaillons au Centre d'innovation pédagogique de PSL. L'idée de ce podcast est simple, c'est de partir à la rencontre des enseignantes et enseignants de PSL afin qu'ils nous partagent des pratiques pédagogiques qu'ils ont mis en place dans leurs cours. Et alors aujourd'hui pour cet épisode, on va s'intéresser à l'approche programme basée sur ce qu'on appelle l'approche par compétence. Vous en avez sûrement entendu parler, notamment avec l'HCERES, donc c'est le Haut Conseil en France, qui évalue l'ensemble des formations de l'enseignement supérieur et de la recherche, et qui a auditionné nos établissements il y a quelques mois maintenant.
- Speaker #2
Et ils ont d'ailleurs émis comme recommandation de développer ces approches dans nos formations ici à PSL.
- Speaker #0
Oui, et on va voir qu'il va y avoir donc une nouvelle vague APSL dans quatre ans. Pour en parler, nous sommes ravis d'accueillir Emmanuelle Bermès, qui enseigne à l'École Nationale des Chartes. Bonjour Emmanuelle.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Merci d'avoir accepté de venir partager votre expérience et votre vécu sur ce sujet. Vous avez choisi une démarche d'approche par compétence comme levier pour refondre les maquettes de votre master. Pour diverses raisons, on va le voir, notamment un besoin de... rééquilibrer la charge de travail des étudiants, mais de aussi répondre aux besoins des employeurs. Donc on va parler de tout ça, mais tout d'abord, est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots ?
- Speaker #1
Merci, je suis Emmanuelle Bermès, j'enseigne depuis deux ans maintenant à l'École nationale des chartes, où je suis responsable pédagogique d'un master qui s'appelle Technologie numérique appliquée à l'histoire qui est un master qui est sous la mention Archive Dans ce master, on forme des personnes qui vont travailler surtout dans les institutions patrimoniales, donc dans les bibliothèques, les archives, les musées, ou dans les laboratoires de recherche en histoire ou en sciences humaines éventuellement. Et en fait, je viens d'un autre parcours, puisque j'ai moi-même étudié à l'école Deschartes quand j'étais plus jeune. Et ensuite, j'ai une carrière comme conservatrice de bibliothèque, essentiellement à la Bibliothèque Nationale de France. Donc dans mon enseignement... Et dans le pilotage du master, j'apporte des choses que j'ai pratiquées en tant que professionnelle avant de passer à l'enseignement supérieur.
- Speaker #0
Avant d'aller plus loin, on a quelques questions pour toi, Marie-Françoise, car tu accompagnes les enseignants sur cette thématique depuis plusieurs mois maintenant. La première question, c'est quoi une compétence ?
- Speaker #2
Alors, la compétence, c'est un terme qui est extrêmement polysémique. Et nous, dans l'équipe, on se base sur le cadre théorique de Jacques Tardif. un pédagogue spécialisé dans la pédagogie de l'enseignement supérieur au Québec. Et lui, il considère la compétence comme un savoir-agir complexe, donc on se situe ici dans l'action, qui prend appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces de ressources internes à l'individu, c'est-à-dire ses savoirs, ses savoir-faire, ses savoir-être, et externes, donc dans l'environnement, les informations qu'il va pouvoir puiser dans l'environnement, à l'intérieur d'une famille de situations. Il existe d'autres définitions et d'autres courants théoriques qui, eux, mettent plutôt l'accent sur la régulation par l'individu de son action, par la réflexivité.
- Speaker #0
Donc, par exemple, conduire dans un trafic dense, c'est une compétence ?
- Speaker #2
Oui, parce que ça va mobiliser des ressources internes, donc des savoirs, le code de la route, des savoir-faire, le maniement de la voiture, passer les vitesses, gérer les pédales, et des savoir-être, la courtoisie, si possible. On va aussi observer l'attitude des autres conducteurs. On va prendre des informations dans l'environnement et on va réagir différemment suivant cette prise d'informations. Et c'est la mobilisation et la combinaison de cet ensemble de ressources dans une situation donnée, ici le trafic dense, qui va faire la compétence, qui fait le savoir agir complexe.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que l'approche par compétence ?
- Speaker #2
L'approche par compétence, c'est en fait une conception des programmes qui s'articulent autour du développement des compétences. Et pour résumer, on va généralement commencer par définir des profils de sortie. le profil de sortie des diplômés, puis on va élaborer un référentiel de compétences et enfin on va concevoir des situations d'apprentissage et d'évaluation qui vont permettre de développer et d'évaluer ces compétences.
- Speaker #0
Merci Marie-France Foisse pour ces éclaircissements, car ce n'est pas un sujet facile. On va revenir à l'école des chartes et avec vous Emmanuel, où un travail a été entamé il y a deux ans à l'échelle de votre master. Pourquoi s'être relancé dans une démarche d'approche par compétences ?
- Speaker #1
En fait, c'est parti d'un besoin qui était exprimé assez fortement par notamment les employeurs des diplômés qui souhaitaient qu'on réforme la maquette du master pour qu'elle réponde mieux à leurs besoins. Donc au moment où je suis arrivée à l'École Nationale des Chartes, s'est posée la question de cette refonte qui s'inscrivait plus largement aussi dans une réflexion de l'établissement sur la refonte de ces différents cursus. Et comme l'objectif c'était de travailler sur l'employabilité et l'adéquation de la formation avec les postes en sortie, dans un contexte qui, voilà qu'on travaille sur les technologies numériques, c'est vrai que c'est un contexte qui est assez mouvant et qu'il faut régulièrement, voire annuellement, se reposer la question de savoir si ce qu'on enseigne correspond bien à ce qui est nécessaire sur le marché du travail. On était vraiment dans cette démarche de partir des profils de sortie qui a été décrite par Marie-Françoise pour réfléchir à la façon dont on allait organiser les enseignements et aux compétences qu'on souhaitait développer. Il se trouve qu'à ce moment-là, j'ai rencontré les collègues du CIP et que je leur ai parlé de mon projet et tout de suite l'idée de travailler avec l'approche par compétences a émergé.
- Speaker #2
Vous pouvez nous décrire un petit peu les étapes par lesquelles cet accompagnement est passé ? Comment ça s'est déroulé, la mise en place de cette démarche ?
- Speaker #1
On a commencé par organiser des ateliers. L'idée, c'était d'avoir un temps un peu collectif qui implique les parties prenantes, des étudiants, plutôt des anciens ou des anciennes du master, des jeunes diplômés. qui implique aussi des représentants et des représentances des fameux employeurs qui demandaient ces évolutions, et puis qui implique aussi bien sûr des enseignants et des enseignantes. L'enjeu, c'était donc de se pencher ensemble sur des exemples de fiches de poste réelles. On a pris des fiches de poste qui avaient été publiées récemment, qui ont été notamment apportées par les participants et participantes des ateliers. Et en repartant de ces fiches de poste, donc collectivement, en petits groupes, on a essayé de faire émerger des profils type. Et en fait, un des questionnements que j'avais en amont de cette opération, c'était de savoir si c'était toujours pertinent de séparer, comme c'était le cas par le passé, des filières par type d'institution. C'est-à-dire que je mentionnais au début que nos étudiants vont après travailler dans les bibliothèques, les archives et les musées. Et il y a eu une époque où... où le master était organisé suivant ces trois filières. Or, mon hypothèse de travail, c'était qu'avec les technologies numériques et ce qu'on enseigne dans le master, on était plutôt sur de la transversale et des choses qui vont s'appliquer dans ces trois domaines, peut-être avec des nuances, mais en tout cas qui sont communes. Et donc je voulais essayer de voir si on faisait émerger un tronc commun et peut-être des spécialités, ce qui aurait pu être une piste pour réformer la maquette, sachant que, j'en ai pas parlé, mais... Et un des attendus aussi que je pouvais avoir, c'était de savoir comment on pouvait alléger un peu la quantité des enseignements, notamment dans la deuxième année du master, qui était perçue par les étudiantes et les étudiants comme difficiles, voire invivables. Donc il y avait aussi une préoccupation de bien-être pour les étudiants. Donc on a fait ces ateliers, ça nous a permis de faire émerger des profils type, et ensuite ces profils, on les a décortiqués, entre guillemets, en compétences. Et on a regardé si ces compétences s'alignaient avec ce qui était enseigné dans le cadre du master. Et ensuite, j'ai utilisé ça pour faire évoluer la maquette.
- Speaker #0
Donc ça, c'était la première étape ?
- Speaker #2
On a fait un premier atelier où on a analysé effectivement les fiches de poste. Et dans le deuxième atelier, on a convié le même type de public, mais les gens étaient différents. Et donc, on leur a demandé finalement de critiquer de manière constructive, évidemment, ce qui s'était passé dans le premier atelier. Et ensuite, on a cartographié. Pour chaque compétence qui avait émergé, on a cartographié les fameuses ressources, savoir, savoir-faire, savoir-être, qui en fait se retrouvent finalement dans la formation et que la formation se doit finalement d'apporter. Donc ça permet aussi de vérifier que les enseignements de la maquette sont aussi utiles et développent bien les compétences qu'on a identifiées comme nécessaires pour chacun des profils.
- Speaker #1
Et effectivement, après, il y a eu un deuxième temps où là, on a travaillé sur le référentiel de compétences. L'idée c'était de repartir de cette cartographie qu'on a réalisée ensemble pour vraiment identifier les savoirs à agir complexes et les nommer. Donc ça, ça a été une tâche assez complexe de se mettre d'accord. Là, on était du coup sur... Une partie de l'équipe pédagogique, des représentants de l'équipe pédagogique, a essayé de trouver les bons termes pour désigner les savoirs et les apprentissages qui étaient nécessaires pour ces profils.
- Speaker #0
Comment ça s'est traduit tout ce travail concrètement dans la maquette ? Qu'est-ce qui a changé ?
- Speaker #1
Le principal point, c'est que ça a fait émerger des compétences. Je ne sais pas si c'est des compétences au sens où tu l'entends Marie-Françoise, mais tu complèteras éventuellement. Mais en tout cas, ça a fait émerger des attentes ou des compétences qui étaient reconnues comme étant les principaux atouts des diplômés du master, pour lesquels on n'avait pas véritablement de méthode très claire, ni pour les acquérir, ni pour les évaluer. C'était en particulier des choses qui ne relèvent pas des connaissances ou des savoirs, mais qui relèvent plutôt de savoir-faire ou de savoir-être. En particulier, il y en avait deux qui ont fortement émergé des ateliers, qui étaient l'autonomie et la capacité à poursuivre les apprentissages au-delà du diplôme, c'est-à-dire l'auto-apprentissage en quelque sorte. C'est-à-dire que ce qui était le plus valorisé par les employeurs chez nos diplômés, c'était qu'ils avaient une capacité à se débrouiller en fait. Et ça a soulevé la question de savoir, cette capacité, comment est-ce qu'on l'acquiert finalement ? Est-ce qu'on peut... Le risque, finalement, surtout dans une école comme l'école Deschartes, qui est assez sélective à l'entrée, c'est finalement de se retrouver avec une formation extrêmement exigeante. Et finalement, ceux qui sont déjà autonomes et qui sont déjà capables d'identifier les compétences qu'ils doivent développer, de se débrouiller pour les acquérir, ils vont s'en sortir et ils auront des excellents résultats. Mais ceux qui ne sont pas, dès l'entrée, déjà capables de faire ça, Qu'est-ce qu'on fait pour les accompagner ? Qu'est-ce qu'on leur propose comme enseignement et comme dispositif d'évaluation pour les accompagner sur ces compétences-là ?
- Speaker #2
C'est là qu'on voit que l'approche par compétence, c'est un moyen aussi de questionner. Ça suscite des vrais questionnements pédagogiques. En fait, cet effort de clarification, parce qu'il y a quand même cet aspect-là dans ces Ausha, il permet quand même de vraiment mettre à plat ce qu'on fait, pourquoi on le fait, en définissant les exigences, finalement, ces compétences vers lesquelles on veut amener les étudiants. On va réanalyser et réévaluer les moyens qu'on met en face. Et effectivement, là, c'était vraiment intéressant de voir toute l'équipe se poser cette question en se disant mais finalement, comment on les forme ? Comment on forme à l'auto-apprentissage ? Comment on forme effectivement à l'autonomie ?
- Speaker #1
Et finalement, si on revient à ce que ça a changé dans la maquette, ça a assez peu fait changer les disciplines qu'on enseigne, que ce soit en Master 1 ou en Master 2. Elles ont plutôt été réorganisées en unités d'enseignement et peut-être rééquilibrées un petit peu. Il y a quand même un peu plus de méthodologie maintenant dans le Master 1 et un rééquilibrage aussi du numérique entre les deux années, mais qui est essentiellement lié justement à la progression pédagogique et à l'évolution des dispositifs d'évaluation sur les deux années. Donc c'est plutôt ça qui a changé la maquette en termes de contenu. Elle n'est pas si différente que ça, mais c'est la manière dont on travaille avec les étudiants et les étudiantes qui a un petit peu évolué.
- Speaker #0
Donc du coup, vous parlez d'évaluation et c'est la deuxième partie de cet épisode. La question, comment on évalue une compétence ? Alors là,
- Speaker #2
Emmanuel a fait un gros travail de scénarisation de ce qu'on appelle, on évalue la compétence en fait en action, vu que c'est un savoir agir. Forcément, il faut mettre les étudiants en activité. On essaye, comme la compétence, elle est quand même professionnelle, de les mettre dans des situations qui permettent de simuler un environnement professionnel. en tout cas qu'ils aient effectué des tâches qui ressemblent à ce qu'ils vont rencontrer dans leur vie professionnelle plus tard. Et donc on appelle ça une situation d'apprentissage et d'évaluation, puisqu'on développe la compétence en action et en même temps on va aller évaluer si cette compétence a bien été acquise. Emmanuelle, si tu veux bien nous décrire le travail que tu as fait.
- Speaker #1
La problématique qu'on a rencontrée et qu'on essayait de résoudre avec l'évolution des évaluations, c'était donc comment est-ce qu'on peut aider les étudiants à gagner en autonomie. et à être capable de développer une capacité d'auto-apprentissage, donc de compléter ce qu'on leur apporte par les enseignements, par les cours, dans le cadre de leur pratique. Pour moi, il y avait une première chose qui était que la plupart des matières un peu spécifiques qu'on enseigne dans ce master, notamment les matières numériques, mais pas seulement, sont des matières à gestes, c'est-à-dire que ce sont des matières qui demandent de la pratique. On peut expliquer les choses de manière théorique autant de fois qu'on veut, tant qu'on ne pratique pas. Donc tant qu'on n'est pas dans l'action, la compétence n'est pas vraiment acquise. Donc là, c'est là que les situations d'évaluation, comme des travaux de groupe par exemple, sont extrêmement importantes. Donc on avait en Master 2 déjà des travaux de groupe dans plusieurs domaines. Ce que ça a conduit à faire cette approche par compétence, c'est à les consolider. Donc il y a vraiment cette notion de savoir agir. complexes, c'est-à-dire qu'on ne va pas chercher à évaluer les matières les unes à côté des autres en silos, mais on va plutôt essayer de réfléchir à comment tout ça s'articule pour ressembler à une situation professionnelle. Il faut savoir que chez nous, dans le Master 2, la mise en situation professionnelle a une grande part dans la formation et dans l'évaluation, puisque le quatrième semestre du Master est entièrement consacré à un stage professionnel qui donne lieu, en fin de stage, à la rédaction d'un mémoire et à la remise d'un ou plusieurs livrables techniques. Donc l'idée c'était de mieux préparer les étudiants. qui ne passent pas directement d'une situation où ils n'ont eu que des apprentissages théoriques et tutorés à je suis en stage et je dois me dévoyer pour produire mes livrables techniques et atteindre mes objectifs dans un temps limité ce qui est très difficile. Donc pour assurer une meilleure transition entre les deux, on les fait travailler en groupe dans des situations où on simule ce qui va se passer dans l'environnement professionnel, c'est-à-dire vous êtes plusieurs, vous n'avez pas forcément choisi avec qui vous travaillez, ça c'est un point très important parce qu'avant on les laissait choisir. leur groupe, à partir du moment où on est passé dans ce mode SAE, je me permets d'utiliser le jargon.
- Speaker #0
On va peut-être préciser, du coup, SAE,
- Speaker #2
Situation d'apprentissage et d'évaluation.
- Speaker #1
Donc à partir du moment où on passe dans ce mode, j'ai beaucoup plus facilement assumé que c'était moi qui composais les groupes parce que ça fait partie de la mise en situation de se retrouver avec des gens qu'on n'a pas forcément choisis. Et ensuite, on leur demande de s'organiser en mode projet, qui est un des enseignements, pour traiter des données. qui est un autre enseignement, afin de réaliser une application qui est un troisième enseignement et en utilisant, mobilisant des outils qui sont encore dans deux ou trois autres modules différents. Donc il y a vraiment une part entière de l'équipe pédagogique qui est rassemblée autour de cette évaluation qui dure tout le premier semestre. Donc c'est vraiment quelque chose d'assez important. Et avec cet enjeu de le groupe doit s'organiser, définir ses propres objectifs, se répartir le travail. Et donc tout ça permet de commencer à construire les compétences qui vont être solidifiées après dans le cadre du stage. J'ai commencé par la fin, mais dans l'approche par compétence, c'est logique, parce qu'on part de l'emploi et on remonte vers les compétences qu'il faut acquérir. Donc ça, c'était pour le Master 2. Et en fait, du coup, j'ai aussi développé une situation d'apprentissage et d'évaluation en Master 1, qui sert du coup à préparer le Master 2, puisque... Une des problématiques que rencontraient les étudiantes et les étudiants de Master 2, c'était la rédaction du mémoire de fin d'études qui arrive après le stage, dans un délai extrêmement restreint. Et finalement, la compétence de production d'un travail académique un peu conséquent, dans lequel sont reflétés finalement tous les apprentissages de ces deux années. C'était quelque chose qui avait besoin d'être acquis dès le Master 1. Donc en Master 1 aussi, l'enjeu ça a été de sortir d'un mode de fonctionnement qui était plutôt d'évaluer chaque discipline séparément avec chaque enseignant qui décidait d'évaluer sa discipline de la manière qui lui convenait. Donc de sortir de cette logique-là pour se dire qu'on a un objectif global sur cette année qui est que l'étudiant soit capable de rédiger un travail académique. qui tient la route, ça mobilise plusieurs cours et donc on leur demande maintenant en Master 1 de développer un projet personnalisé, donc c'est une UE à part entière en fait, une unité d'enseignement qui est consacrée à ça. Et dans cette unité d'enseignement, les étudiantes et les étudiants choisissent un sujet de mini-mémoire donc ils ont cet exercice de rédaction, mais ils ont aussi un cours d'option qu'ils et elles doivent choisir. soit dans les cours de l'école, soit dans les cours de PSL, et un stage professionnel qui est un peu moins long que le stage de Master 2. Et donc, la construction même de ce projet personnalisé, qui est complètement tutoré, je tutore ça à travers un cours dans Moodle, avec des étapes, etc., c'est les préparer à ce qu'ils vont devoir faire l'année suivante, c'est-à-dire construire leur propre projet, choisir leur stage. Savoir pourquoi ils choisissent ce stage, savoir quels cours et quels ateliers, quelles options ils doivent prendre pour que ça alimente leur réflexion pour le stage. Et donc, on le joue une première fois, de façon très accompagnée, très tutorée en Master 1. Et il faut commencer par pratiquer dans des situations simples, tutorées, avec des objectifs très atteignables. Et puis, au fur et à mesure, on monte la barre. En Master 2, là, ils doivent un peu plus faire leur choix par eux-mêmes. et notamment gérer le cadencement de ces choix au fil de l'année. Et ensuite, une fois qu'ils seront dans le monde professionnel, ils l'auront déjà fait deux fois. Donc on peut espérer qu'ils auront développé cette compétence qui consiste à être réflexifs sur les apprentissages, savoir ce qu'ils ont comme compétences et ce qui leur manque, et à être autonomes dans l'organisation de leur parcours et de leur mode de travail.
- Speaker #2
Et en fait, du coup, vu que vous avez mutualisé finalement en quelque sorte l'évaluation, est-ce que certains enseignants ont abandonné les évaluations qu'ils faisaient dans leurs cours ou ça s'est superposé ? Comment ça s'est passé en fait ? Comment vous avez pu vous organiser ?
- Speaker #1
Alors c'était effectivement la contrepartie. C'était de dégager du temps aux étudiants pour qu'ils puissent se consacrer à leur projet personnalisé. plutôt que de multiplier des évaluations qui étaient par discipline. Ça, comme conséquence, très concrètement, on leur apporte des apprentissages sur les sources, les documents, les collections, les fonds d'archives de toutes les périodes du Moyen-Âge à nos jours. C'est très vaste. Ils ont donc beaucoup de cours là-dessus. Et auparavant, ils étaient évalués sur chaque type de période ou de document. Et maintenant, ils en choisissent une qui correspond à leur projet personnalisé et ils ne sont plus évalués sur les autres.
- Speaker #0
Et comment on jauge la progression d'une compétence, l'acquisition d'une compétence ? Vous aviez des grilles critériées ? Comment ça se passait ?
- Speaker #1
De mon côté, la grille critériée, c'est vraiment un outil que j'aime beaucoup. Je ne sais pas si vous avez un podcast sur ce sujet. C'est une bonne idée. Mais en tout cas, moi, je trouve que c'est un outil vraiment très pratique. pour moi c'était un gros questionnement comment est-ce qu'on fait une évaluation qui est juste, qui est équitable qui est aussi objective que possible, même si on sait bien que l'objectivité n'est pas de ce monde mais en tout cas qui réunit un maximum de critères pour s'en approcher donc c'est un outil que j'aime beaucoup mais que j'utilise à des moments clés en fait par exemple on a une grille critériée pour évaluer le mémoire de fin d'études, la soutenance etc. vraiment à la toute fin du Master 2. Mais sinon, pour moi, c'était plutôt des outils qui permettaient de ne pas tant d'évaluer... Enfin, je sais que les étudiants sont toujours très préoccupés de comment on les évalue, et c'est apparemment ce qui détermine le plus la façon dont ils vont agir dans le cadre de leurs études. Mais de mon côté, c'est plutôt d'observer la progression et de vérifier qu'ils passent par un certain nombre d'étapes. Notamment dans cette situation d'apprentissage autour du mémoire, dans la première année de master, parce que je sais qu'ils devront repasser par ces étapes l'année prochaine et qu'ensuite, ils les rencontreront de nouveau dans leur vie professionnelle. Pour moi, l'important, c'est qu'ils aient l'occasion de le faire plusieurs fois.
- Speaker #2
Et donc, ces étudiants, parce qu'il y a quand même une culture... C'est vrai que c'est un peu nouveau l'approche par compétence, et les étudiants, comment ils l'ont reçu finalement de travailler dans ces situations d'apprentissage et d'évaluation ?
- Speaker #1
Je vais parler en particulier de ce qu'on a mis en place avec le mini-mémoire et le projet personnalisé en Master 1. Je dois dire qu'ils ont été incroyablement enthousiastes, ça a été vraiment un énorme ressort de motivation, mais je pense que c'est aussi lié à la transparence du dispositif, c'est-à-dire qu'en début d'année, je leur ai expliqué ce que c'était que cette évaluation, pourquoi on avait mis ça en place, qu'est-ce que ça remplaçait et qu'est-ce qu'on en attendait. Je leur ai vraiment expliqué ce qu'on vient de se dire, il faut que vous développiez telle et telle compétence et ce dispositif sert à ça. Et ils ont été extrêmement enthousiastes, donc par exemple, pour vous donner un exemple concret de ça, dans le projet personnalisé, je leur demandais de choisir un cours d'options à hauteur de 20 heures. La plupart ont choisi au moins deux, trois parfois. plus cours d'options alors que ce n'était pas du tout obligatoire.
- Speaker #0
On va maintenant parler du collectif enseignant, car c'est quand même un gros travail d'équipe, mais on sait que ce n'est pas toujours facile d'embarquer ses collègues par manque de temps, mais aussi peut-être par habitude de travailler un peu en silo disciplinaire. Comment vous avez fait, vous, pour instaurer une dynamique d'équipe ?
- Speaker #1
De mon causé, j'ai la chance de travailler dans un petit établissement où on a des réunions pédagogiques très régulières. On se réunit à peu près tous les mois avec l'équipe pédagogique et la direction pour discuter à la fois de sujets courants, mais c'est aussi l'occasion d'aborder des questions comme ça qui portent un peu sur des modifications de fond. En plus, là, on était en train de refondre l'ensemble des cursus, pas seulement mon master. Donc l'avantage, c'est qu'on était tous dans cette dynamique. d'évolution un petit peu globale. Donc on a pu en discuter plusieurs fois au fil de l'année où ces évolutions se sont faites. Il y a évidemment des questions qui se sont posées sur l'impact que ça aurait par exemple de ne pas évaluer certaines disciplines puisque comme je l'expliquais tout à l'heure les étudiants choisissent une des disciplines historiques pour faire leur projet personnalisé du coup ils ne sont pas évalués dans les autres. On s'est interrogé collectivement sur l'impact que ça aurait et on a décidé de mettre en place cette situation d'évaluation comme une expérimentation. On s'est rassuré en quelque sorte en s'autorisant le retour arrière si on se rendait compte que ça n'atteignait pas les objectifs qu'on espérait ou que ça avait des effets négatifs qu'on n'aurait pas forcément anticipés. Et une autre préoccupation qui a été soulevée par mes collègues, c'était la question de la charge de travail, que ça peut représenter quand on refond des cours, qu'on refond des évaluations, qu'on a des choses... nouvelles à corriger ou des étudiants à suivre individuellement, ce qui n'était pas le cas auparavant. Mais comme l'équipe s'est bien mobilisée collectivement, on a réussi, je pense, cette année à bien répartir la charge. Et c'est pareil, c'est quelque chose qu'on évalue, je pense, sur plusieurs années. En Master 2, c'est un peu différent parce qu'on a une équipe pédagogique qui est essentiellement composée d'intervenants professionnels. Donc c'est des gens qui... qui sont en poste dans des labos ou dans des institutions patrimoniales et qui viennent enseigner les matières techniques. Là aussi, il a fallu peut-être se re-solidifier un peu, ce qui n'était pas vraiment un collectif auparavant, donc essayer d'avoir des réunions un peu plus régulières, notamment autour de la question de l'évaluation, qui croisait plusieurs unités d'enseignement, mais il y avait vraiment une demande pour ça. Je crois que tout le monde était très content de pouvoir échanger et de pouvoir... En fait, ça a solidifié finalement l'équipe pédagogique. C'est-à-dire que là où on avait des gens qui ont assez peu de temps à consacrer à la formation parce qu'ils font ça en plus de leur activité professionnelle et qui, du coup, n'avaient pas forcément de visibilité sur l'ensemble du cursus, autour de cette évaluation, ils ont beaucoup plus d'aperçu sur ce qu'ils peuvent avoir des dépendances avec leurs cours. Et je trouve que ça contribue finalement, ça met de la cohérence pour les étudiants dans la façon dont on les évalue. Ça met de la cohérence dans l'évaluation qui est plus proche d'une situation professionnelle, mais ça met aussi de la cohérence dans l'équipe pédagogique et du coup dans les cours.
- Speaker #0
Rien à ajouter ?
- Speaker #2
Non, non, non, c'est parfait. C'est très clair. C'est un des plus de l'approche programme, de créer cette dynamique d'équipe et d'instaurer un dialogue entre les enseignants pour justement repérer s'il y a des redondances, les complémentarités entre les cours et organiser tout ce programme de manière plus cohérente. plus lisible pour tout le monde, en fait, aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants.
- Speaker #1
Non, c'est sûr que ça demande de l'investissement et que la contrepartie de ça, c'est qu'on détecte beaucoup plus les incohérences, les redondances, les problématiques qui peuvent y avoir. Donc, ça demande un effort de sortir, effectivement, de juste je prépare mon cours, je fais mon cours. Ça demande un investissement de la part de tout le monde. Mais quand le bénéfice est clair, je pense qu'on peut y arriver.
- Speaker #0
Et alors, le bilan, pour finir, quel bilan après une première année de mise en place de la nouvelle maquette ?
- Speaker #1
Le bilan, du point de vue en tout cas des étudiants et des étudiantes, pour moi, il est extrêmement positif. J'ai pu voir à quel point le fait d'exposer de façon très transparente, dès le début de l'année, l'enjeu qu'il pouvait y avoir derrière les évaluations qu'on proposait, les compétences qu'on essaye de développer. De leur expliquer aussi comment ces compétences vont leur servir dans la vie professionnelle ensuite. Ça les mobilise beaucoup plus. On a aussi, dans la partie projet personnalisé en Master 1 et dans la partie travaux de groupe en Master 2, on leur donne la main pour choisir sur quel thème ils vont travailler, pour s'organiser, organiser leur temps, organiser leur travail. Et ça, ça conduit à une grande motivation. qu'en particulier les compétences qu'on cherchait à développer en master 1 et notamment l'acquisition progressive de plus d'autonomie et la réflexivité étaient vraiment au rendez-vous. C'est-à-dire que quand on a fait la présentation orale du projet personnalisé en fin d'année, les étudiants et les étudiantes devaient expliquer comment ils étaient partis de leur parcours avant le master, quels objectifs ils avaient. comment ils ont construit leur projet personnalisé, comment ces différents éléments ont entré en cohérence et qu'est-ce que ça leur avait apporté. Et j'ai trouvé qu'ils étaient effectivement au rendez-vous sur cette réflexivité et qu'ils ont vraiment réussi à poser un regard avec du recul sur leur propre apprentissage pendant une année de master. Et ça c'est vrai que je trouve que c'est un énorme apport parce qu'ils ne se sont pas contentés de... de suivre la maquette, les cours, et puis d'arriver à la fin de l'année, de passer les évaluations. Mais ils étaient beaucoup plus engagés dans quelque chose dont on sentait que c'était important pour eux. Et le master, c'est le moment où on fait une transition de la vie scolaire, universitaire, à la vie professionnelle. C'est un moment extrêmement important dans la vie des jeunes. Et j'ai senti que ça leur permettait de réfléchir à ça, et de comment ils allaient faire cette transition.
- Speaker #2
C'est ça aussi, de sortir de cette logique silotée et disciplinaire. C'est-à-dire que... Là, en fait, ils voient vraiment à quoi servent tous les cours finalement et comment ils se répondent entre eux. Ça donne du sens finalement à ce qu'ils font. Quand on comprend le sens de ce qu'on fait, on s'y engage forcément plus. Donc, c'est un levier aussi de motivation.
- Speaker #0
Et justement, si vous deviez convaincre des collègues qui hésitent à se lancer dans cette démarche, que leur diriez-vous ?
- Speaker #1
Alors évidemment, ça dépend peut-être des formations. mais se préoccuper davantage à l'université des débouchés et des situations professionnelles concrètes que les étudiants vont rencontrer. C'est extrêmement important, mais c'est aussi extrêmement bénéfique. C'est-à-dire que là, on voit bien que les étudiants perçoivent tout à fait, en fait, quand on fait cet effort, ce que ça va leur apporter. Ils deviennent partie prenante de la formation. Ils ne se contentent pas de... d'assister ou de recevoir des cours, des enseignements. Ils prennent leur part dans le déroulé de la formation. Et c'est vrai que, peut-être particulièrement dans les sciences humaines, mais il n'y a pas toujours un lien très évident qui est fait entre les matières qu'on enseigne et les métiers qui seront proposés ou sur lesquels les étudiants seront susceptibles de candidater quand ils auront leur diplôme. Donc faire davantage ce lien. Ça nous invite aussi à réfléchir différemment à nos disciplines, à notre utilité sociale d'une façon générale, et je trouve que c'est bénéfique.
- Speaker #2
Est-ce que d'autres évolutions sont envisagées pour la maquette ?
- Speaker #1
Moi j'ai deux problèmes par rapport à ça. Le premier c'est que je ne suis incapable de ne pas changer les choses, donc je suis tout le temps en train de changer les choses, et je pense qu'il y a toujours moyen de s'améliorer. Par ailleurs, c'est vrai qu'on est sur des matières, des domaines qui évoluent très très vite. Donc on est obligé de se re-questionner chaque année sur l'adéquation entre ce qu'on fait et le monde professionnel. Et là, on a un cadre pour le faire, donc c'est bien. C'est à la fois chaque année réfléchir à ce qu'on peut améliorer au dispositif, voir un petit peu quelles sont les évolutions du monde professionnel. qui ont pu se produire, enfin là en ce moment c'est l'intelligence artificielle, clairement pour nous c'est un énorme sujet et qui a été introduit dans la maquette en parallèle de cette réflexion. Mais ça s'est fait assez naturellement. C'est un cadre qui finalement est très flexible, c'est-à-dire qu'à l'intérieur de ce cadre, on peut bouger un peu l'importance qu'on donne à telle discipline, ou apporter quelque chose de nouveau, une nouvelle technologie qui aurait émergé ou des choses comme ça, mais ça ne remet pas en cause le cadre. Donc je pense que là on est bien pour quelques années et on va pouvoir, avec un peu plus de recul, peut-être 3-4 ans de recul, faire vraiment le bilan de ce dispositif et voir ce que ça aura apporté au master.
- Speaker #0
Le mot de la fin que nous poserons à tous nos invités. Quel conseil auriez-vous aimé avoir quand vous avez commencé à enseigner et lequel voudriez-vous donner à quelqu'un qui débute ? Donc là, c'est plutôt de façon générale dans le métier d'enseignant.
- Speaker #1
Alors, le conseil que j'aurais aimé qu'on me donne, peut-être, c'est qu'on est dans un métier où on fixe ses propres objectifs et donc il faut être raisonnable. Le conseil que j'aurais aimé recevoir, je pense, c'est de bien gérer mon temps, notamment sur la première année, où c'était un peu un hasard, mais j'ai effectivement eu cette refonte APC des maquettes, mais aussi l'auto-évaluation HCRS, et c'était ma première année de cours, donc c'était une année assez intense. Et le conseil que je voudrais donner, il est très simple, et j'espère qu'il va vous faire plaisir, mais c'est de ne pas hésiter à solliciter l'aide du CIP, parce que c'est vrai que ça m'a énormément aidée. Je ne vous aurais pas rencontré si on n'avait pas ce séminaire de rentrée, vous accueilliez les nouveaux enseignants, et qui pour moi était un moment très agréable de découverte de l'équipe et de ce que vous proposez. Et je n'aurais pas pu accomplir ce travail, en tout cas pas de cette manière-là, sans avoir votre soutien, à la fois ce que vous apportez en matière de... en apport théorique, en fait, sur la pédagogie, dont on manque cruellement. Et aussi le fait de pouvoir travailler en équipe sur ces questions difficiles.
- Speaker #2
Ça nous va droit de vos cœurs.
- Speaker #0
Eh bien, c'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup, Emmanuel, pour ce partage d'expérience. Merci à tous de nous avoir écoutés. Vous trouverez un lien des ressources sur les pratiques pédagogiques que nous venons d'aborder. Merci à Félix Vatton pour la réalisation, le montage et le mixage. N'hésitez pas à partager ce podcast et si vous souhaitez faire évoluer votre cours via une approche par compétence, sachez que le Centre d'innovation pédagogique de PSL peut vous accompagner. À bientôt pour un prochain épisode. À bientôt,
- Speaker #1
au revoir. Merci, au revoir.