- Speaker #0
Gardez votre oreille ouverte.
- Speaker #1
Bonjour et bienvenue. Chères auditrices et chers auditeurs, vous avez bien choisi d'écouter un balado des Dances Macabres d'Europe.
- Speaker #0
Dances Macabres d'Europe, le lieu de rencontre de la mort avec l'art, la littérature et l'histoire.
- Speaker #2
Nous vous proposons d'écouter Hervé Bonnert qui nous a consacré un temps pour nous raconter la naissance de sa sensibilité aux Macabres et comment, en 1987, Au détour de sa première exposition à Celeste Hart, l'art macabre est devenu une occupation sérieuse. C'est ainsi que napperons, dentelles, chemises de nuit et autres vieux tissus sont devenus des représentations rappelant notre finitude inéluctable. Des photographies, des sculptures en bois puis en marbre, en double face mort vif, des aquarelles imbuffées, sont venues compléter le besoin de poursuivre un questionnement sur la main. Autant de formes de méritement qui s'exposent en France et l'Internation.
- Speaker #1
Merci à vous de nous consacrer aujourd'hui. Un moment pour parler à la fois de ton parcours dans l'art macabre, puis un deuxième temps de ton exposition personnelle autour du... une nouvelle approche des danses macabres. On peut commencer effectivement cet entretien, de laisser ta parole pour nous expliquer ton parcours, comment effectivement l'art macabre est devenu une vraie passion, et quelles sont les matières et les œuvres sur lesquelles tu as débuté.
- Speaker #3
Oui, c'est un sujet très vaste. Quand j'ai commencé à travailler, c'est par rapport aux émotions que tu peux avoir par rapport à des lieux, tu vois, et essayer de ressortir ce que tu as eu. Mes premiers travaux, c'était il y a un moment déjà, c'était en 88 à peu près, et c'était... Après être allé à un camp de concentration au Strouthof, il y avait cette atmosphère de mort qui restait dans ce camp, et derrière ces barbelés, enfermés dans ce camp. En rentrant, j'ai eu envie de reprojeter ce que j'avais. ressenti et à l'époque on n'avait pas de moyens, on travaillait avec les moyens du bord, donc c'était du carton et des draps et j'avais pris un moulage d'un crâne en plâtre que j'avais enduit de jus de citron et j'ai fait des transferts j'ai travaillé Donc j'ai pris ces empreintes sur le gras et j'ai passé avec un décapeur thermique pour faire réapparaître comme l'encre magique ces crânes. Et j'ai rehaussé tout ça avec du goudron et j'ai recréé des barres et j'ai rajouté des barbelés. Donc ça c'est vraiment mes tout premiers travaux que j'ai fait autour de la mort. Avant ça, je pense que j'étais toujours un peu attiré, fasciné par ça. Je pense que c'est compliqué de dire comment c'est venu ou pas. Ma mère aimait bien Eleonore Fini, qui est un peu dans des thèmes un peu macabres. Et ça m'avait toujours un peu interpellé, ces tableaux-là. Alors à l'époque, je m'amusais à recopier aussi. Je pense que c'était la première personne qui m'a ouvert les yeux un peu dans ce montage. Après, il y avait... une exposition à Celesta. J'avais un petit concours où on envoyait des dossiers. J'ai envoyé ces travaux-là un peu par hasard. Et j'ai été sélectionné. Et du coup, j'ai pu exposer ce travail-là. Et c'est ce qui m'a peut-être fait vraiment continuer plus sérieusement. Après, j'ai pas de col d'art. C'est vraiment autodidacte. C'était tout de suite très gros. et il fallait revenir en arrière donc il fallait faire petit à petit, par cours. J'ai donc après commencé à faire des marchés au plus et des choses comme ça pour acheter du matériel ou des photos. La photo, c'est un support auquel j'ai vraiment travaillé parce que c'était un... ça avait un côté déjà post-mortem parce que toutes les photos qu'on trouvait, malheureusement, toutes ces personnes n'étaient déjà plus là, mais elles étaient abandonnées et chaque famille avait... Tu avais une boîte avec plein de photos dedans, et en regardant un peu dans ces photos-là, il y avait toujours aussi des photos post-mortem. C'était aussi une grosse claque, une grosse découverte, parce que dans les années 80, moi je ne connaissais pas beaucoup. C'est quelque chose qui m'a vraiment fasciné, et jusqu'à maintenant, je suis toujours encore en train de collectionner les photos. Au début, c'était très région. Et après, France, Europe, Amérique, et maintenant des cultures autres.
- Speaker #1
Des photos qui représentaient des personnes décédées.
- Speaker #3
Des personnes décédées, oui. Donc tu avais effectivement cinq, six photos dans une vie, dont la post-mortem. Et du coup, moi, ça m'a aussi... Je ne sais pas comment j'ai eu l'idée, c'était de retravailler sur ces photos de personnes vivantes et de faire réapparaître un squelette en travaillant en grattant avec un scalpel. et on réhaussa un peu avec un crayon mine de plomb. Et je me suis vraiment amusé à un moment à redonner vie à la mort, quelque part. Ça m'amuse un peu de le dire ça, mais c'était vrai parce qu'en fin de compte, quand tu accrochais ces photos-là, ça réinterpellait les gens qui ne regardaient plus ces photos et on refaisait vivre ces vieilles photos. Après, j'ai eu un peu la même démarche autour des napperons. qui étaient aussi des Nouvemeres au sort, passer des heures à tricoter ou à crocheter, voilà, c'est le mot. Et après tu retrouvais tous ces nappons à 20 cents, 10 cents ou centimes encore peut-être à l'époque. Et j'ai essayé de retravailler comme en Océanie, donc ces crânes surmodés qui sont peints. Et donc, ces naphrons, les dentelles, ainsi de suite, quand je leur donnais la forme d'un crâne, on retrouvait un peu l'idée du crâne d'Océanie. Et j'ai retravaillé aussi avec de l'amidon, ce côté éphémère aussi. Donc, si tu remouilles ton crâne, il redevient un naphron. Et en sachant qu'en fin de compte, le naphron était aminacé aussi pour mettre sous le vase. Donc, j'essaye toujours aussi de garder ces traditions et de les refaire vivre différemment. Après ça, je suis passé à la sculpture, aussi de récupérer des vieilles sculptures, des bustes où le nez était cassé, donc des marbres, des sculptures en bois, des sculptures religieuses, qui, à un moment donné, plus personne n'en voulait. Et aussi de retravailler sur le memento mori, donc un côté squelette et l'autre côté vivant, mais sur des pièces qui n'étaient pas prévues pour ça. par rapport à ce qui se passait au Moyen-Âge. L'idée, c'était d'en refaire des mémentos mourus, mais aussi d'en redonner une vie à ces pièces-là et de rappeler qu'on est mortels, parce qu'après-guerre, tout ça, ça a été effacé. Je me suis rendu compte que j'étais un des rares à travailler encore sur ce thème-là, d'une manière contemporaine, mais en réel. Je n'ai rien inventé, je ne fais que continuer ce qui s'est fait depuis presque 300 ans ou plus.
- Speaker #1
Et qu'est-ce que t'as inspiré de faire ces doubles faces, mort et livre ?
- Speaker #3
J'ai acheté des livres sur le thème, et je pense qu'en effectivement voir des sculptures du Moyen-Âge, où t'avais un côté mort, un côté vif, et je me suis dit, tiens, on pourrait peut-être voir ce que ça donne. D'abord sur du bois, et si ça marche sur le bois, on va essayer sur la pierre. Et ça fonctionne comme ça. Après, j'ai un peu réfléchi à choisir des pièces qui me semblaient plus intéressantes que d'autres, pour les re-sculpter.
- Speaker #1
Jusqu'à un buffet ?
- Speaker #3
Oui, oui, j'ai effectivement fait un grand buffet pendant le Covid. C'est un peu une de mes pièces maîtresses d'ailleurs. En fait, c'était un buffet où tu avais toute une scène d'histoire, prise de château, remise de clé. J'ai redétourné tout dans une espèce de danse macabre. Et je redonne vie aussi à ce meuble qui n'avait plus aucun intérêt en fin de compte, mais avec un travail extraordinaire. En fait, il faudrait voir des images de ce meuble, c'est un peu compliqué d'en parler comme ça, mais vous pouvez rapprocher ça d'une danse macabre, parce que la danse macabre, c'est l'issue d'épidémies, de la peste, et là, le Covid, c'est quelque part la même chose. Je ne dirais pas la chance d'avoir vécu ça, mais c'est quand même incroyable qu'on ait vécu aussi une épidémie, et qu'on s'en sort quand même plutôt bien, malgré le nombre de morts quand même. Mais c'était quand même important de laisser une pièce. D'accord,
- Speaker #1
un meuble avec une danse macabre, il joint les morts et les vifs.
- Speaker #3
Et les vifs, oui.
- Speaker #1
Alors tu as travaillé le bois, tu as travaillé la pierre,
- Speaker #3
j'ai travaillé l'œil,
- Speaker #1
et la peinture aussi.
- Speaker #3
La peinture, l'aquarelle, entre autres, encre, brunois, toujours sur le thème de la part d'un danse macabre, ou alors d'anciennes photos que j'ai détournées, des périodes où alors... travailler avec du sang, le sang c'est la mort mais c'est la vie aussi, en fin de compte l'idée c'était de juste travailler autour du martyr et du bourreau, enfin du martyr qui devient bourreau en fin de compte et l'histoire nous le montre, c'est une éternelle répétition donc on commençait par les scènes religieuses, la violation, la torture, mais on retrouve ça Après les guerres napoléoniennes, on retrouve ça avec les guerres, Première Guerre mondiale, Deuxième Guerre mondiale, les pelotons d'exécution, donc les Français ont fusillé, les Allemands ont fusillé, les Américains ont fusillé, donc les leçons qu'on a tirées, c'est discutable, mais je travaille pas mal autour du questionnement aussi, et c'est aux gens aussi de se faire leur propre lecture. Tout s'est fait aussi naturellement et par rapport à ce qu'on vit, ce qui se passe autour de nous. Ça m'a suscité des bombes. J'ai toujours eu envie de créer en fonction de ce que je découvre et des événements actuellement. Les danses macabres ont toujours été faites depuis le Moyen-Âge. C'est une tradition qui s'est toujours... qui a toujours continué. Et la mort reste la même. Le monde a évolué, donc la mort restera toujours la même. C'est seulement tout ce qui entoure qui change.
- Speaker #1
Tu veux un peu parler des placards que tu collectes, Theron ?
- Speaker #3
J'ai toujours eu trois... Il y a la peinture, la sculpture. Il y a l'univers de la musique qui est importante. Pour moi, depuis les années 80, c'était des groupes très sombres. J'ai écouté des groupes comme le Rennes 93, Pure, des groupes dits gothiques, voire industriels plutôt. Et ça m'a vraiment nourri aussi beaucoup de cette ambiance-là dans mon travail. En même temps, je collectionnais des photos post-mortem et, entre autres, un peu plus tard, Tardivement, j'ai découvert des placards qui sont des affiches qui étaient mises dans les entrées d'église pour annoncer les décès. Le plus vieil est de 1640 ou 1650 et après c'est plutôt 1720 à 1840. J'ai une belle collection et qui est sacrément étonnante. La mort est vraiment, vraiment, vraiment affichée d'une manière... très brutes, il y a des crânes sur des bois, des matrices qui sont vraiment extraordinaires. C'est une modernité en même temps. Je pense que tout l'univers des tatoueurs serait content de découvrir un peu ce... Et pas que, mais c'est vraiment dommage quand on va dans les églises, parce qu'on a retiré tous les reliquaires, tout ce qui est... catacombes. J'ai aussi travaillé sur les catacombes de Palerme, ça aussi c'est quelque chose qui m'a fasciné aussi. Palerme c'est quand même extraordinaire que les gens venaient les dimanches en famille. rendre visite à leurs morts, je crois que c'était une exception en Europe. Ça m'a nourri aussi, donc j'ai travaillé, j'ai refait des catacombes avec des vieilles chemises de nuit, des draps, et toujours avec de la médon, pour recréer un peu l'idée des catacombes de Palerme. Tu as lancé 40 ans d'activité. 30 ans, oui. Après, avant, c'est devenu plus sérieux dans les années 90. Avant, c'était un petit peu... Peut-être 3-4 dessins dans 8 années. Mais après, c'est devenu un peu plus sérieux. Mais c'est avant tout parce que j'en avais vraiment besoin.
- Speaker #1
Ta réponse à concours, à Célestin, c'était en quelle année ?
- Speaker #3
En 89. C'était Tony Ungerer qui était président des jurés, qui avait toujours, qui était peut-être précurseur un peu, ou qui pouvait peut-être détecter des choses. En tout cas, il osait prendre des gens qui étaient venus de nulle part, qui ne repétaient pas d'école. Je trouve ça quand même génial. Après, c'était un piège parce qu'une fois que tu trouves... Je me retrouve là-dedans, comme on continuait. Une fois, c'est là que c'était plus compliqué, mais ça m'a lancé, ça a été la première pierre.
- Speaker #2
Merci Hervé d'avoir consacré un temps à l'évocation du temps parcours. Vous pouvez prendre connaissance de la suite de l'entretien dans l'épisode La danse macabre, rencontre avec Hervé Bonner Cet épisode a été publié le 8 janvier 2024 dans le cadre de l'exposition qui s'est tenue à Sainte-Vivier, où le titre Dieu n'est pas avec nous s'affirme. Chères auditrices et auditeurs, merci pour votre écoute et à bientôt pour un prochain épisode. Danse Macabre d'Europe est une association de loi 1901.
- Speaker #1
Et si vous êtes intéressé par notre activité,
- Speaker #2
une adhésion, nos publications, nous vous invitons à nous retrouver sur notre site web www.dance-macabre-europe.org. Danse Macabre d'Europe est également présente sur Facebook.