- Speaker #0
Aujourd'hui, et pour le septième épisode de Déclic, je suis ravie d'accueillir Valérie Archenaud. Je connais Valérie depuis longtemps, je la connais sans la connaître. De la même génération, toutes les deux photographes, nos chemins se sont croisés à diverses reprises. Chez une amie commune, aux rencontres photographiques d'Arles, ou dans les allées de Paris Photo, nous côtoyons les mêmes univers. C'est une femme dont la présence m'a toujours impressionnée. Elle est lumineuse, ou plutôt solaire, ultra solaire, elle rayonne. Il émane de chez elle une grande puissance. Quand on la rencontre, on se dit tout de suite que Valérie doit être déterminée et efficace. Regards pénétrants, cheveux dans le vent, on l'imagine parfaitement sauvageonne dévalant les flancs de montagne. C'est pourtant en plein cœur de Paris, dans le studio d'enregistrement La Poudre, que nous nous retrouvons en ce mois de juin caniculaire. À peine installée, Et pendant que le café chauffe, Valérie retire tout de suite ses sandales. Farouche, elle s'installe devant le micro. Elle fera toute l'interview debout et pieds nus. Elle fera toute l'interview souriante, les yeux pétillants et malicieux. Il y a dans son travail une atmosphère étrange, beaucoup de mystères et des influences cinématographiques. Il y a aussi des corps nus, beaucoup de corps nus et des autoportraits. Sa dernière série épanouit. Être femme sans être mère, fruit d'une longue réflexion sur le non-désir d'enfant et, de par la thématique qu'elle aborde, unique en son genre. Un livre publié par la maison d'édition féministe Hors d'atteinte vient de sortir. Au fil des pages, nous découvrons le portrait de 24 femmes qui posent nues et qui se racontent à travers des témoignages rares. Il m'a semblé non seulement évident, mais nécessaire. de donner la parole à Valéry dans des clics, pour raconter un sujet encore très peu représenté dans notre société actuelle. Dernièrement, le formidable documentaire Apollonia, Apollonia, de Léa Globe sur la peintre Apollonia Sokol, évoque très furtivement ce sujet. Les ambiances nocturnes, énigmatiques et surnaturelles des premières séries de Valéry se sont petit à petit éclipsées, pour laisser la place à un univers qui est aujourd'hui beaucoup plus lumineux, revendicatif et engagé. Au-delà des thèmes et des techniques, des sujets sérieux et profonds, ce que Valérie semble aimer par-dessus tout, c'est l'exploration avec un grand E au sens général du terme. Elle sonde la vie et ça lui permet de vivre et de nous partager les à-côtés insolites et comiques de ses mises en scène photographiques. Je crois que finalement c'est ça que je retiendrai d'elle. son rire ultra contagieux d'exploratrice je suis très heureuse de fêter les six mois d'existence de déclic en sa compagnie et de clore l'épisode par une nouvelle rubrique coup de gueule coup de coeur merci encore à vous toutes et tous de nous écouter chaque fois plus nombreux merci et bonne écoute Bonjour Valérie, je suis ravie de t'accueillir à la Cité Audacieuse, qui est un endroit que tu connais je crois d'ailleurs.
- Speaker #1
Oui je connais depuis peu, c'est mon éditrice qui m'en a parlé mais je ne connaissais pas avant. C'est marrant parce que c'est un endroit incroyable et j'en avais pas entendu parler en fait.
- Speaker #0
Pour ne pas changer des bonnes habitudes et pour commencer ce podcast, j'aimerais que tu me dises ce qui t'empêche de dormir la nuit.
- Speaker #1
Ça je ne sais pas. pas, mais j'ai beaucoup de mal à dormir. C'est un vrai sujet pour moi. J'ai même fait récemment un examen du sommeil, parce que c'est mon cas depuis toute petite, de très mal dormir, donc ça m'inquiétait un peu. Mais je pense que j'ai une hyperactivité mentale. C'est un peu ça mon problème, je crois. Et je rêve beaucoup, beaucoup. C'est le bilan de mon examen, c'est que je rêve trop.
- Speaker #0
En quoi consiste un examen du sommeil ?
- Speaker #1
Eh bien, tu peux. On passe 48 heures avec des électrodes partout sur toi, sur la tête, sur les jambes, sur des trucs dans le nez pour savoir si tu fais de l'apnée ou pas. Et on analyse tes moments de veille et tes moments de sommeil et on sait ta durée de sommeil paradoxal et ta durée de sommeil profond. Et moi, le sommeil paradoxal, qui est le moment où tu rêves, a pris trop de place et du coup mange le sommeil profond. Et donc je rêve, je rêve, je rêve. Je peux raconter cinq rêves par nuit, je pense.
- Speaker #0
le matin au réveil tu te souviens ?
- Speaker #1
la nuit je me réveille à chaque cycle et je peux raconter le rêve que je suis en train de faire presque carrément tu dors ? en demi-veille je suis dans des images presque tout le temps en fait Je ne sais pas si c'est pour ça que j'ai devenu photographe, mais peut-être. Mais en tout cas, ça a été source chez moi de mes premières images et de mes premières mises en scène. C'est très lié à ma vie nocturne, justement, les images.
- Speaker #0
D'accord, parce que j'allais justement te demander de me raconter un peu ton enfance et ton parcours. Comment tu es arrivée jusqu'à la photographie ? commencer à y répondre avec tes rêves.
- Speaker #1
En fait j'ai une famille qui n'est pas du tout du tout dans ce milieu-là, ni dans l'art, ni dans l'image. Il y avait très peu d'images, pas beaucoup de livres chez moi. Et je sais pas, j'ai pas réussi à trouver à quel moment ça a été déclenché, mais à 14 ans, j'avais un peu d'avance à 14 ans quand j'ai dû aller au lycée, je voulais absolument faire une section art plastique qui à l'époque s'appelait A3. Et j'ai insisté énormément auprès de mes parents qui ne voulaient absolument pas que je fasse ça, évidemment. Ils avaient peur puisqu'ils ne connaissaient pas. Et donc, je ne sais pas pourquoi, j'ai vraiment voulu faire cette section artistique. Et donc, j'ai fini par réussir à les convaincre. Enfin non, je les ai imposés en fait. Je ne les ai pas convaincus, j'ai imposé mon choix. Et donc, j'avais 8 heures d'heures plastiques et 10 soirs de l'art par semaine. Et c'était génial. à un moment de grand épanouissement pour moi.
- Speaker #0
C'est là que tu as découvert la photo ? Alors,
- Speaker #1
j'avais que je voulais être dans un milieu artistique et après, le truc, j'ai essayé de trouver un deal, en fait, avec, je pense, parce que tout ça, je ne sais pas si c'était vraiment réfléchi à l'époque, mais mes parents avaient peur que je sois juste artiste. Et donc la photographie était un peu l'entre-deux, où on pouvait imaginer un truc un peu commercial, voir à l'époque ouvrir un magasin de photos, ce qui était complètement inimaginable pour moi, mais en tout cas pour eux, dans leur tête, ça pouvait être ça, donc ça les rassurait un peu, et donc j'arrivais à faire un truc artistique, et en même temps rassurer mes parents avec un milieu qui pouvait être un peu commercial aussi.
- Speaker #0
Donc tu t'es lancée à ce moment-là dans la photo ? Oui. Et est-ce que justement tes nuits et tes rêves ont participé à ce lancement photographique ?
- Speaker #1
Je pense, en tout cas j'ai beaucoup d'inspiration visuelle pendant mes rêves et donc pendant la nuit et j'ai des rêves qui restent dans la journée. J'ai des images, des rêves qui restent dans la journée, je suis un peu parfois troublée d'ailleurs par est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est faux, enfin je suis assez troublée. Il y a un moment ça me faisait un peu peur d'ailleurs parce que c'est... on a l'impression qu'on devient un peu folle. Mais on sait plus si c'est vraiment arrivé ou pas, tellement le rêve est ancré en fait.
- Speaker #0
Et est-ce que t'as fait des images de ces rêves ?
- Speaker #1
Oui, au début, ma première série, en fait... Comme j'ai pas du tout étudié, j'ai pas fait les beaux-arts alors que j'aurais adoré. Et donc à 19 ans j'ai commencé à travailler, j'ai assisté des photographes pour pouvoir quitter la maison de mes parents et prendre un appart à moi. Et du coup, je ne me sentais pas légitime d'avoir un travail artistique. Je savais que c'était ok pour moi de faire des pubs, des campagnes, des portraits, etc. Mais j'ai mis très très très longtemps avant de me dire que j'étais légitime d'avoir un travail artistique.
- Speaker #0
Tu te sentais légitime en tant que photographe, rémunéré de pubs et commerciaux ?
- Speaker #1
Artisan quoi, en fait.
- Speaker #0
Artisan, mais pas légitime en tant que photographe artiste.
- Speaker #1
Ouais. J'étais ok pour être artisan, je ne sais pas s'il y a un mot féminin pour artisan d'ailleurs, mais je n'étais pas légitime pour être artiste, ce qui est très différent en fait, ce qui n'est pas du tout la même intention, de travailler pour soi, sans commande, librement, et de s'exprimer de plus profond de ton être en fait.
- Speaker #0
Du coup tu as commencé à travailler très vite avec des photographes, à être assistante, j'imagine que petit à petit tu es passé de la cistana à la photographe, et tu as travaillé en tant que photographe. Oui. Et donc, tu n'as fait que ce métier. Tu n'as pas eu d'autre vie avant. Non. Tu es photographe depuis toujours.
- Speaker #1
Depuis toujours. Depuis mes 19 ans. J'ai assisté en premier, et puis les premiers jobs, je devais avoir 21 ans. J'ai continué à assister et puis à faire les deux, parce qu'au début, c'est compliqué de vivre que des commandes, enfin, d'en un peu. En plus, je n'avais pas beaucoup confiance en moi, donc c'était d'autant plus difficile. à l'époque, et puis à l'époque il n'y avait pas beaucoup de femmes,
- Speaker #0
mais tu t'es tout de suite sentie légitime en tant que photographe. Même sans avoir fait d'école photo ?
- Speaker #1
J'ai fait une école photo, pardon, en fait j'ai fait mon bac art plastique, il y a 18 ans j'ai eu mon bac, et j'ai fait un an dans une école photo qui s'appelle Les Fêtes. Et au lieu de... j'ai passé mon CAP, au lieu de le faire en deux ans, je l'ai fait en un an en accéléré, parce que je voulais bosser. Et donc j'ai passé mon CAP, mais qui m'a jamais servi à rien. Oui,
- Speaker #0
t'es bon.
- Speaker #1
qui ne m'a jamais servi à rien. Et donc, c'était à nouveau pour valider quelque chose auprès de mes parents. Mais finalement, après, j'ai assisté des photographes et on ne m'a jamais demandé quoi que ce soit sur mon CAP. Enfin bon, mais c'est comme ça. Et puis, c'est une base de toute façon.
- Speaker #0
Je t'ai découverte en tant que photographe avec une série qui s'intitule « De tout ceci, nous savons peu de choses » . Je crois que c'était en... 2010,
- Speaker #1
2012.
- Speaker #0
Et pour la petite anecdote, je me souviens que dans ma cuisine de la rue de la Fontaine-aux-Rois, tu avais dû faire une exposition à ce moment, et il y avait une carte postale avec la photographie d'une fille de dos dans le lac, la nuit, avec une croix, un tatouage sur son dos. Donc cette photographie m'a accompagnée pour plusieurs années.
- Speaker #1
Je ne savais pas.
- Speaker #0
Ah si, c'était vraiment dans l'entrée, dès qu'on rentrait à gauche. Est-ce que tu pourrais m'en dire un peu plus sur cette première série en tant qu'artiste ? Parce que c'est comme tu disais avant, tu ne t'es pas légitime en tant qu'artiste. À ma connaissance, c'est la première série qu'on a découvert de toi.
- Speaker #1
En fait, c'est une série que j'ai réalisée pendant plusieurs années et que j'ai envoyée. C'est la première fois que j'envoyais un dossier au prix SFR. C'est la première fois que j'envoyais un dossier, que je me sentais OK pour envoyer quelque chose. à un prix, et en fait j'ai été lauréate de ce prix. Donc en fait c'est la première fois que j'en voyais et j'ai été choisie en fait. Donc ça a été assez dingue. Et donc ça m'a permis d'être exposée à Paris Photo pendant 5 jours, ce qui était complètement fou parce que c'est un peu le Graal.
- Speaker #0
C'était le prix SFR Jeune Talent ? Ouais,
- Speaker #1
tout à fait. Donc j'étais Jeune Talent mais j'avais 40 ans, donc voilà, c'était assez drôle. Mais c'était malgré tout le... tôt début de mon travail personnel. Mais effectivement, c'est une série nocturne, je pense, parce qu'inspirée de mes rêves, à nouveau. Et puis, je pense qu'il y a un côté cinématographique très fort, de David Lynch à, je ne sais pas, ce genre d'ambiance mystérieuse. En fait, j'avais envie qu'on se raconte des histoires. Ça parle beaucoup de moi, c'est très, très personnel. Ça parle de ma famille, cette photo avec la croix, par exemple, ça parle de mon baptême. J'ai toujours pas compris pourquoi on m'avait baptisée sans me demander mon avis, de m'imposer ça, je comprenais pas en fait. Donc cette croix pour moi c'est être marquée dans le dos de manière involontaire et donc c'était vraiment cette image du baptême qui pour moi était contre nature, contre ma nature en fait. Et j'ai fait aussi des mises en scène, il y a une mise en scène de groupe.
- Speaker #0
par exemple la nuit aussi sur le terrain de tennis qui est en face de chez moi c'est une photo dont je voulais te parler c'est un terrain de tennis avec une je pense qu'on dirait que c'est dans une banlieue un groupe de jeunes tous avec des capuches et éclairés au milieu alors
- Speaker #1
ça peut faire un peu peur mais en fait pour moi c'était assez positif j'avais vraiment envie de mettre en image une énergie de groupe mais qui restait très mystérieuse en fait j'ai Merci. Effectivement, dans tout le début de mon travail, on ne voit pas de visage. Je trouvais qu'on se racontait plus d'histoires à ne pas voir de visage. Donc ça fait un groupe un peu bizarre, on dirait une bande de méchants. Mais pour moi, c'était plutôt le fait de se réunir et d'avoir une énergie collective qui crée cette lumière au milieu, comme un foyer. Dans une tribu, par exemple, on se met autour du foyer, là, il y avait cette lumière au milieu, et c'est juste en face de chez moi, à Paris. C'est un immeuble, c'est vraiment urbain. C'est une image très urbaine. Et moi, ce que j'aime, c'est avoir la main sur la mise en scène, sur la lumière, sur l'ambiance que je vais créer, ce que ça va dégager, et ce que les gens vont se raconter, en fait, en voyant cette image.
- Speaker #0
On se raconte beaucoup de choses.
- Speaker #1
Tant mieux.
- Speaker #0
J'ai l'impression, en parcourant toutes tes séries, que tu parles aussi beaucoup de solitude. Oui. Et il y a une série sans nom, je crois. Oui. Avec une femme de dos et une perruque noire qui évolue dans un espace. Et puis tout d'un coup, au milieu de ces photos, alors c'est peut-être le hasard, il y a une photo avec deux personnes qui m'a interpellée, parce que tout d'un coup, il y a un groupe au milieu de cette solitude, de dos, qui regarde la mer sous une couverture. Est-ce que tu peux me raconter un peu cette image-là ? Parce qu'au milieu de cette solitude et de tous ces paysages, elle est très très différente.
- Speaker #1
C'est vrai. En fait, effectivement, il y a beaucoup de solitude, mais parce que c'est moi aussi avec ma solitude. Et donc j'avais créé ce personnage, ce sont des autoportraits, et j'ai créé ce personnage, j'ai shooté tout à la chambre, avec des amis qui étaient avec moi, n'importe qui, à ce moment-là. Je leur apprenais à mettre le châssis, à manipuler la chambre. Je faisais tous les réglages et donc je me mettais en place. Et donc j'ai déambulé avec ce personnage sur, je ne sais pas, j'ai fait une dizaine d'images, je n'ai pas tout gardé parce qu'il y a forcément des déchets. Et cette image, c'est un peu des jumeaux-jumelles. Je ne sais pas, il y a aussi un côté un peu nostalgique, je crois. Je ne sais pas, peut-être je parle d'un jumeau ou d'une jumelle disparue, d'un alter-ego, d'une âme-sœur, je ne sais pas, quelque chose comme ça, je pense.
- Speaker #0
Après toutes ces images à la perruque noire, chronologiquement, tu as réalisé une série qui s'appelle Ectoplasme. Et ça, c'est aussi une particularité de toi. C'est que même les titres de tes séries sont énigmatiques.
- Speaker #1
Je ne le fais pas exprès, je te jure. C'est hyper énigmatique. Oui, parce que c'est un terme que assez peu de monde connaît, je pense. Ectoplasme. Ah oui, c'est pour ça que tu me...
- Speaker #0
Tu me dis ce que ça veut dire ?
- Speaker #1
En fait, c'est des médiums, il y a un ou deux siècles, qui prétendaient avoir des genres de formes blanches qui leur sortaient d'eux pendant la trance. C'est très particulier. En fait, moi, tous les trucs un peu mystérieux, tous les trucs de spiritisme, de spirituel en général, ça m'intrigue, ça m'amuse beaucoup en fait. Je ne suis pas non plus à fond là-dedans, mais j'aime bien aller, je ne sais pas... les magnétiseurs, tout ce genre de personnes qui ont une attention différente sur l'humain, sur les énergies, sur les visions. Je trouve que ça ouvre beaucoup de portes et je trouve ça hyper intéressant. Moi, ça m'amuse beaucoup. Je suis très curieuse, en fait. Ça m'est arrivé d'aller voir une chamane. J'aime bien. Après, je n'y vais pas de manière régulière du tout, mais je trouve que c'est tout d'un coup un angle. un peu différent et dans mes images je pense qu'il y a de ça aussi ça amène une autre dimension à la vie qui n'est pas que rationnelle loin de là, tout à fait et d'où ce titre Ectoplasme et comme je t'ai mis dans l'email qu'on a échangé aussi il y a la photographie spirit, je ne sais pas si tu connaissais aussi mais c'est pareil c'est au tout début de la photographie en fait Toutes ces images un peu floues qui étaient accidentelles, en fait, elles créaient tout d'un coup comme des personnages qui étaient derrière. Par exemple, si quelqu'un ne bougeait pas et quelqu'un d'autre passait ou bougeait un peu trop, on pouvait avoir l'impression que c'était un esprit qui était derrière. Et donc, il y a eu tout un délire là-dessus, où tout d'un coup, ils se sont mis à imaginer qu'autour d'un personnage, d'un portrait d'une personne, On pouvait voir ses ancêtres, il y a eu des histoires. En fait, ils ont inventé des histoires avec des images, mais qui au début, ils n'avaient pas vraiment la main dessus, c'était de manière empirique. Et donc, moi, c'est des trucs que j'adore.
- Speaker #0
C'est un peu ce que tu recréais avec Ectoplasm, dans cette série que tu as réalisée en Finlande ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Ou la fumée, je ne sais pas si c'est de la fumée, de la buée ? ultra présente, c'est un peu justement fantomatique.
- Speaker #1
En fait, je suis allée plusieurs fois en Finlande. Pendant ce prix SFR, on était quatre lauréats et lauréates, et j'ai rencontré une photographe finlandaise, Nihlom, que j'adore et qui est devenue mon amie depuis. Et je suis allée beaucoup de fois en Finlande chez elle, et donc on a pratiqué, on était beaucoup dans le sauna quotidiennement. Et je me suis rendue compte, parce que parfois on était dans la nature, donc tu sors du sauna et t'es dans la neige, et donc t'as une fumée qui se dégage de toi qui est impressionnante. Ça dépend des personnes. Et donc j'ai essayé de travailler là-dessus, j'ai fait des tests à Paris pour savoir à quelle température il fallait être, à quelle humidité et tout ça, mais en même temps t'as pas la main sur la nature, donc c'était comme ça. Et puis avec mon ami Jérémy Zacharias, on est partis, il m'a aidé, il fait de la production, on est partis tous les deux. On avait réservé une maison au bord d'un lac, avec un sauna, et je voulais capturer l'aura des gens, de ce qui se dégageait de leur corps en fait. Donc je les mettais dans le sauna, je mettais de l'eau sur eux, parce qu'il fallait quand même que ça fume. Et j'étais là pour le coup, j'avais pas forcément envie que ça soit nocturne, mais pour visualiser la fumée, il fallait absolument qu'il y ait une lumière, et que ça soit sur un fond sombre, et donc il fallait que la fumée... apparaissent en fait. Si t'es en plein jour, tu la vois pas la fumée. Donc là, il y avait tout un truc un peu technique qui m'obligeait de faire des photos nocturnes.
- Speaker #0
Cette série-là est hyper cinématographique.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Très, très, très cinématographique. Il y a la voiture qui fume. Ouais. Il y a une image qui, on a dû te le dire ou pas, qui m'a rappelé beaucoup Grégory Croutson.
- Speaker #1
Ouais.
- Speaker #0
Je ne sais pas si tu aimes bien ce photographe ou pas, mais c'est vrai qu'il y a une image concrète d'une femme qui est derrière des vitres la nuit et qui regarde à roulement. C'est vraiment des mises en scène très cinématographiques.
- Speaker #1
On me l'a beaucoup dit, mais je ne m'en inspire pas du tout, c'est marrant. Mais on me l'a beaucoup dit que mon travail pouvait ressembler à Grégory Crutzen. Après, je le trouve très dépressif et c'est le truc qui peut me gêner dans son travail. Mais c'est mon avis, évidemment. Mais il y a un truc très dépressif chez lui qui me gêne un peu. Il y a toujours des femmes à moitié nues.
- Speaker #0
Monocorne.
- Speaker #1
On est violés. Je ne suis pas du tout là-dedans, je crois. Mais il y a un truc commun quand même. Dans l'ambiance peut-être, dans les lumières.
- Speaker #0
Vous êtes super différent. Mais c'est vrai que cette photo-là, concrètement...
- Speaker #1
C'est vrai.
- Speaker #0
Et c'est une femme d'ailleurs,
- Speaker #1
parce que tu es une femme. C'est moi d'ailleurs.
- Speaker #0
Et moi, je pensais que c'était toi, mais je n'étais pas sûre.
- Speaker #1
C'est la seule image, c'est moi d'ailleurs. On s'embêtait et il n'y avait pas de modèle. Et du coup, j'ai dit, vas-y, je vais dans la véranda.
- Speaker #0
La nuit, mais sans fumée.
- Speaker #1
Voilà, si il n'y a que de la fumée dans la véranda, mais on la voit très bien. C'est juste qu'on perd le visage.
- Speaker #0
J'aimerais bien qu'on parle maintenant de tes deux dernières séries. On va parler beaucoup plus longuement d'Épanoui, qui est ta dernière série. Mais juste avant Épanoui, tu as fait Anima. C'est à nouveau une série d'autoportraits ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Nus ? En fait, l'autoportrait et la nudité sont aussi hyper présentes dans ton travail. Il y a des thématiques récurrentes, le mystère. la nuit et il y a l'autoportrait et la nudité et Anima c'est toi dans des paysages au Canary je crois dans les îles Canary peintes en bleu, peintes en noir colliées en blanc c'est des images super belles esthétiquement parlant, très peu nocturnes d'ailleurs je pense que c'est partir de là c'est peut-être le déclic est-ce que c'est un déclic Anima ?
- Speaker #1
Ouais je pense Merci. J'avais vraiment envie de sortir de la cave, de la caverne. Donc effectivement, volontairement, je suis allée vers un truc très solaire. Et aussi, j'allais chercher un lieu tellurique très puissant, un lieu volcanique. J'avais vraiment envie de ça en fait. Donc Lanzarote, c'était parfait. En fait, dans cette série, je n'ai pas envie qu'on me reconnaisse. Effectivement, on me reconnaît parce que de toute façon, c'est une série d'autoportraits. Mais j'avais envie de m'amuser à inventer des personnages étranges, des chimères.
- Speaker #0
Pardon Valérie, je précise parce qu'on te reconnaît, mais pas forcément, parce qu'en fait, on ne le voit pas. Non. Parce que c'est aussi une particularité de ton travail, c'est qu'on voit très très peu, jusqu'à épanoui, jusqu'à ta dernière série, qu'on voit très très peu souvent le visage, ton visage ou le visage des autres. Et que là, effectivement, c'est des autoportraits, mais t'es de dos et nu, donc on peut ne pas savoir que c'est toi.
- Speaker #1
C'est vrai. Parfois même on me dit, on dirait un corps d'homme. Mais c'est ça que j'aime bien, je trouve ça super. Parce que si je le dis... pas, les gens mentionnent pas que c'est la même personne et que c'est le même corps et que en fait je suis au service du personnage qui va apparaître et ça ça m'éclate en fait, je trouve ça génial et j'adore, j'avais un coffre rempli de choses, j'avais effectivement du coup à Lanzarote il n'y a rien c'est une île, il n'y a rien, tu ne peux pas acheter là-bas des choses, il y a très peu de magasins, il y a des épiceries et des trucs Mais au niveau matos, j'avais besoin d'apporter les pigments, d'apporter des voiles, d'apporter... de la peinture pour corps, d'apporter n'importe quoi, tous les trucs avec lesquels j'avais envie de me transformer. C'est presque une performance photographiée, cette série, parce que j'avais envie de me frotter à ça. C'est un peu ouvrir le coffre de la bagnole et me retrouver enfant avec plein de jeux dans un coffre à jeux, et de me dire, tiens ce lieu, il m'inspire ça. Et je vais me mettre là, comme ça, dans cette posture, de cette couleur. J'avais beaucoup préparé, évidemment, parce que tu imagines bien. Oui,
- Speaker #0
je crois que la photo est très étudiée, très préparée en amont. Oui,
- Speaker #1
et puis en partant qu'une semaine, c'est un investissement financier. Donc il faut vraiment amortir. Je ne parte pas en vacances. On partait vraiment travailler. Donc je suis partie avec une amie, Mélie. Et on a toutes les deux... Elle m'a photographiée. Je mettais tout en place, comme d'habitude. Et puis elle prenait part un peu aux pauses, mais la base de la posture, je la décidais à l'avance, c'est la lumière surtout.
- Speaker #0
Et pourquoi le corps nu ?
- Speaker #1
Eh bien le corps nu, parce que...
- Speaker #0
Je peux m'en répondre pourquoi pas.
- Speaker #1
Parce qu'en fait, de nature, j'ai du mal à solliciter les autres pour m'aider. J'ai grandi en faisant tout toute seule et donc j'ai encore un peu des traces de ça, même si j'essaye de changer, mais j'ai vraiment du mal à demander de l'aide. Et là, j'aurais eu éventuellement une costumière ou quelque chose, tu vois. Là, il y a par exemple une image en noir et blanc d'un être un peu tribal avec des fils. On dirait vraiment une image de tribu. Ça c'est moi qui l'ai fait, avec ma machine à coudre, j'ai collé des fils de laine et j'ai tout cousu sur une combinaison. C'était délire, j'ai fait ça en deux jours avant de partir dans le sud chez ma sœur et je voulais absolument faire cette photo. Et en même temps je suis un peu impulsive, donc des fois j'ai une idée deux jours avant, je ne peux pas solliciter quelqu'un en deux jours. Je me dis, fais-le toi-même et puis ça existera ou ça n'existera pas. mais en tout cas j'essaye de... que les choses existent. J'aime bien aller vite, en fait. Je ne sais pas, j'aime l'urgence, j'aime l'adrénaline d'un moment. Et par exemple, cette photo là où je me suis peinte en noir, on était donc à Lanzarote, il faisait 30 degrés, la peinture avait fondu dans la voiture. Tu sais, c'est des petits pots ronds pour se peindre le corps. Donc ça avait fondu, donc c'était tout bileux. Le corps est très brillant, je ne sais pas si tu te souviens. Donc je me suis huilée le corps, il fallait ensuite que je déplace le flash, que je lui monte le dos sur le blad, etc. J'avais du noir plein les mains. Et puis en même temps, tout d'un coup, j'ai eu une émotion que j'adore et que je n'avais jamais eue avant. J'ai vu mes bras, j'ai vu mon corps comme si j'étais noire. Ça m'a fait un effet, je ne sais même pas comment expliquer l'effet que ça m'a fait. Et je me suis dit en fait... mon corps j'ai la peau noire c'était fou c'était presque comme si ça allait rester comme ça ça m'a vraiment bouleversé ce moment je sais pas c'est bête mais mais en fait je pense que tout le monde devrait vivre ce moment je sais pas ça m'a transporté dans un truc où ça trouble un peu l'identité forcément tu vois c'est ça joue sur plein de facteurs émotionnels en fait le fait de se grimer De se transformer, quoi. Et d'être autre. Et c'est hyper intéressant comme expérience. Ça m'a appris ça, en tout cas. Aussi, sur moi. Sur cette envie, peut-être, d'être autre. En fait, je pense que ça parle de ça, aussi. D'être, je sais pas, différente.
- Speaker #0
Ou d'explorer.
- Speaker #1
Ou d'explorer, ou d'être multiple, peut-être plus que autre.
- Speaker #0
Ça va dans le même sens que ton attrait ou ta curiosité pour tout ce qui est chamanique,
- Speaker #1
spirituel, spirituel.
- Speaker #0
Et c'est l'exploration aussi, c'est l'exploration. Mais ça, tu ne t'y attendais pas du tout, à vivre tout ça ? Non,
- Speaker #1
je ne m'y attendais pas. Après, je vais te raconter un truc super drôle. Je voulais absolument faire une image d'un corps qui flotte sur l'eau, un peu comme...
- Speaker #0
J'aime bien l'idée des apparitions, je parle beaucoup de ça en fait, des êtres un peu flottants comme ça, j'aime beaucoup. Et donc je voulais créer un corps flottant sur l'eau et donc j'ai essayé trois fois des techniques différentes pour pouvoir flotter sur l'eau. Super dur, je vais se tomber. Donc déjà tu te dis bon il faut qu'il y ait du sel dans l'eau, ça va m'aider à flotter. Deux fois de suite j'ai quand même acheté des frites de piscine et des petits matelas. que je me suis collée dans tout le dos, sur les jambes et tout, avec du cellophane entouré pour que les trucs tiennent, avec du double face. Et il y a une photo de moi avant de rentrer dans l'eau, à Lanzarote, c'était un lieu super touristique en plus. Et donc j'étais à poil, avec des frites collées dans tout le dos, on dirait une knacki géante. Et donc les gens, ils me prenaient en photo. Je disais non, non, non, non, vous ne mettez pas ça sur Instagram. Non, mais laisse tomber, en plus, le lieu était sublime. Et il y avait moi au milieu avec mes frites dans le dos et mon cellophraie emballée. Et j'en pouvais plus. Et en plus, ça n'a pas marché. J'ai resté trois fois cette photo à des endroits différents. J'ai fait une fois dans le sud avec ma sœur et une autre fois, je ne sais plus où. Ah oui, dans la mer, j'avais essayé. Et en fait, la photo, elle est nulle. Mais c'est drôle quand même parce que je me suis dit, bon, allez, au bout de trois fois, j'arrête. j'arrête, c'est fini, j'arrête, je ne flotterai pas sur l'eau j'avais envie de vraiment survoler je trouvais ça hyper beau la lévitation en fait, c'est un truc que j'adorerais faire,
- Speaker #1
la lévitation pour Chlor sur Anima, il y a une photo où t'es peinte en blanc on dirait une danseuse je trouve que qu'il y a quelque chose de sublime dans cette photo. Le paysage, la posture, le corps, tout. Et t'es toujours de dos, on ne voit pas ton visage, mais t'as l'air hyper forte et hyper conquérante. Et je trouvais que c'était une belle transition pour passer à Épanoui. Je ne sais pas si c'était la dernière photo de Anima, mais en tout cas, juste après, il y a Épanoui, qui est ta dernière série.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Très différente des autres. On sort très clairement de l'étrange et de l'anonymat. Et épanoui se lit comme une revendication immense. C'est comme si tu disais « regardez-moi, regardez-nous » . Donc pour résumer épanoui, tu m'en parles là parce que tu vas le faire beaucoup mieux que moi. C'est une série de portraits de femmes nues qui sont épanouies sans avoir eu d'enfant. Et c'est des portraits qui sont accompagnés de textes. Quant au non-désir d'enfant, il y a une préface de Charlotte Debest, qui est sociologue spécialiste entre autres du non-désir d'enfant, et un avant-propos où tu décortiques l'origine de ce travail et où tu dis « J'ai ressenti très tôt que je ne voudrais pas d'enfant et que je serais en cela à contre-courant. » Est-ce que tu peux m'expliquer cette conviction que tu as eue dès l'enfance ou dès la jeunesse, qui a l'air très forte quand tu le... quand tu l'expliques dans le livre ?
- Speaker #0
Effectivement, j'ai ressenti ça très très jeune, je crois. Après, ce n'était pas conscientisé, ce n'était pas réfléchi, mais j'avais ce sentiment-là très fort. Après, comme je l'explique, dans le livre, c'est quand même beaucoup lié à mon enfance, je pense. J'ai eu un modèle parental très patriarcal. Et puis j'étais donc la troisième fille d'une fratrie que de soeurs. Et mes parents étaient, mon père était très très déçu déjà pour la deuxième et encore plus pour la troisième. Je pense que j'ai senti ça même dans le ventre de ma mère qu'ils allaient être déçus. Je suis sortie en me disant qu'il fallait que je leur fasse plaisir et que je devais être un garçon. J'ai eu cette conviction pendant très longtemps que j'étais un garçon et que... Il fallait que je plaise à mes parents parce qu'ils étaient trop déçus d'avoir encore une fille. Donc j'étais très androgyne, je déteste l'expression « garçon manqué » parce que c'est très très négatif et je ne veux plus entendre cette expression-là, je la trouve vraiment laide en fait. Je la trouve à nouveau péjorative et négative et donc je ne la dis plus. Mais en tout cas j'étais très androgyne, je m'habillais comme un garçon, je faisais tout comme un garçon. Et donc à l'adolescence ça a été très compliqué. Mais en tout cas, de toute façon, j'ai fait tout un travail pour acquérir ma féminité, la mienne, avec tout ce mélange de cette histoire d'enfance. Et la maternité était vraiment quelque chose de contre-nature, totalement contre-nature pour moi. C'était impossible de m'imaginer avoir un enfant. Donc j'ai pas mal été chez le psy, j'ai beaucoup travaillé et puis je suis tombée enceinte à 30 et quelques années, 30, non 28. Et ça m'a bouleversée en fait, ça a bouleversé cette vision que j'avais de moi qui était de ne pas pouvoir enfanter. Et rien que le fait d'être enceinte, ça n'a pas duré longtemps, j'étais enceinte 15 jours et puis voilà, je m'en suis occupée. Mais en tout cas, ça a bouleversé le fait que j'avais un corps de femme et c'était très clair et mon corps me le disait. Heureusement, en fait, que je suis tombée enceinte. Je pense que j'aurais été très différente si je n'étais pas tombée enceinte à ce moment-là. Mais donc, pour revenir à Épanouie, ça fait très longtemps que je me dis que je n'ai pas eu de modèle autour de moi étant jeune. étant en tout cas dans ma... période de potentiel de devenir maman, je n'ai pas eu de modèle autour de moi de femme qui avait choisi de ne pas avoir d'enfant. J'avais personne à qui parler de cette pensée-là, tu vois. Donc je me disais, c'est quand même fou, il n'y en a pas. Les femmes qui n'avaient pas d'enfant autour de moi, c'est qu'elles n'avaient pas pu ou... Enfin, tu vois, pas pu, mais avec une certaine déception, frustration, tristesse. Et moi, je n'étais pas du tout dans la tristesse et je me disais, c'est fou quand même. Moi, je l'assume et ça fait longtemps. Et donc, comment rencontrer ces femmes et les interroger en fait, et leur dire, tu n'es pas toute seule. Parce que moi, en fait, je n'ai jamais été interrogée là-dessus, même mes parents ne m'avaient jamais demandé en fait, avant ce début de livre, il y a deux ans. Mes parents ne m'avaient jamais demandé pourquoi je n'avais pas eu d'enfant. Pourquoi je n'en avais pas voulu en fait ? Je pense qu'ils savaient que je n'en avais pas voulu, mais ils n'avaient jamais demandé la question. Donc j'avais 50 ans et je leur dis, vous vous rendez compte que vous ne m'avez jamais demandé ? On n'en a jamais parlé en fait. C'est super bizarre. C'est comme si c'était un tabou, même intrafamilial. C'est fou en fait.
- Speaker #1
Et ce qui continue plus que jamais, c'est de devoir justifier. Je crois que c'est une des personnes qui est photographiée qui dit « Mais on doit toujours justifier pourquoi on a fait le choix de ne pas avoir d'enfants. » Mais ça serait beaucoup plus logique de justifier pourquoi on fait le choix d'avoir des enfants.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Surtout à l'époque actuelle avec la... Tout ce qui se passe dans le monde au niveau climatique, au niveau guerre, au niveau... Et c'est dingue que ça soit encore un sujet tabou aujourd'hui. Et comment tu les as... Comment tu as approché ces femmes ? Comment tu les as connues ? Parce que j'imagine que tu ne les connaissais pas toutes. Ce n'est pas que des gens qui t'entourent.
- Speaker #0
Non, pas du tout. Parce que je n'en avais pas assez autour de moi.
- Speaker #1
Oui, tu en as beaucoup.
- Speaker #0
J'en connais vraiment deux ou trois, c'est tout, dans le livre. Eh bien, allez... À l'époque, j'avais un chéri qui avait deux amis très proches qui n'avaient pas voulu d'enfant. Et donc, il m'a dit, viens, de toute façon, on part cet été, elles sont dans le sud, on les rencontre. Et puis, tu fais tes premiers portraits et ça va être génial. Et ça faisait quelques années que j'y pensais, mais à nouveau, je ne me sentais pas légitime de m'occuper des textes. Parce que c'est un exercice que... qui m'est assez éloignée. Et donc, j'ai mis du temps à digérer le truc. En fait, je devais être seule. Parce que c'est tellement intime, super intime, en fait. Tout ce qu'elles me racontent, c'est vraiment leur histoire de A à Z, de l'enfance à maintenant, de leurs compagnons, leur sexualité, leur vie. On ne pouvait pas être une journaliste et moi. Ça aurait été très différent, je pense.
- Speaker #1
Et tu les as... Tu as pris une photo ? Des photos, parce que pour avoir une bonne photo, il faut en faire plusieurs. Et tu les as interviewées après ?
- Speaker #0
Non, je faisais l'interview d'abord, mais je leur demandais aussi de trouver un lieu, de participer à l'image en fait. De trouver un lieu, de me dire quel élément elles aimaient, dans lequel elles se sentaient bien, dans lequel elles se sentaient épanouies. C'était pas le premier titre d'ailleurs.
- Speaker #1
Quel était le premier titre ?
- Speaker #0
Le choix de Vénus, c'était le premier titre. et que je trouvais très beau mais ça a amené d'autres images en fait un peu plus plus fermé je pense là c'est plus contemporain je pense et c'est pas énigmatique en l'occurrence c'est pas énigmatique c'est clair en plus je voulais un truc très positif j'avais vraiment envie que ce soit positif et que ce soit estampillée positive parce que en fait c'est un vrai choix et c'est pour ça qu'elles sont épanouies c'est parce qu'elles ont été jusqu'au bout de leur choix et en fait c'est finalement assez rare dans nos sociétés que les femmes aillent jusqu'au bout de leur choix qu'ils soient d'ailleurs que ce soit à la maternité ou pas mais il y a plein de femmes qui m'ont écrit en fait après, dont une récemment qui m'a dit j'avais l'impression d'être seule et en lisant ces histoires ça me bouleverse parce que je me dis que toutes ces questions que j'ai eues de toute ma vie sur est-ce que je suis bizarre, parce qu'on entend ça, qu'on est bizarre en fait, que c'est pas normal de pas avoir cette envie-là, que c'est anormal, c'est comme si tout d'un coup on était des êtres à part, alors on l'est forcément, mais donc cette femme m'a dit, en fait ça m'a fait un bien fou de lire ces histoires de femmes comme moi en fait, qu'il y avait d'autres histoires, mais avec la même... La même intention de vie, le même choix de vie, c'est un choix de vie.
- Speaker #1
C'est pour ça que je les trouve fortes, puissantes, par rapport aux autres séries que tu as faites. Il y a un anonymat, il y a une espèce d'affirmation.
- Speaker #0
Oui, de soi. On m'a beaucoup posé la question quand je cherchais un éditeur ou une éditrice. J'étais confrontée à des femmes nues en ce moment, avec MeToo, c'est compliqué. Mais en fait, le nu, il est venu... Déjà, je ne l'ai pas choisi au début. Je n'avais pas demandé qu'elle soit nue. Les trois premières, elles ont voulu être nues. En fait, la première, elle me dit, moi, je voudrais avoir de l'eau qui explose de mon ventre. Tu vois l'image ? Donc, elle avait trouvé la cascade. C'est elle qui s'est le plus impliquée dans l'image. J'ai adoré, c'était génial. Et on en a beaucoup parlé. Elle avait fait des essais de remplir des ballons d'eau. de les exploser pour que ça fasse une explosion et qu'on ne voit que l'explosion de l'eau. Et donc voilà, elle a vraiment tout mis en place et on a fait l'image et c'était génial. Et ça impliquait d'être nue. En fait, sa photo, elle impliquait d'être nue dans la cascade. Et elle ne pouvait pas être habillée avec de l'eau qui lui explose du ventre. Enfin, c'était vraiment pas possible. Et donc la deuxième, pareil, elle a grandi dans un séparant ouvert. un village nudiste, voilà, donc elle était dans un univers très nudiste, il faisait beau, elle me dit moi je veux être sur mon rocher, elle a son rocher là-bas favori avec un genre de point de vue magnifique, un paysage dingue, et donc voilà c'est la Vénus sur son rocher et donc elle était nue aussi et puis donc je me suis dit mais en fait qu'est-ce que je vais mettre comme vêtement parce que le vêtement dit beaucoup de choses aussi tu vois, il dit une épouse, époque, il dit une intention, est-ce qu'elle se met en robe, est-ce qu'elle se met en pantalon, qu'est-ce que ça va dire, le vêtement, qu'est-ce qu'il va dire en fait dans l'image, dans le portrait. Et puis je me suis dit, en fait aussi, elle se dévoile totalement à moi, à nous, tu vois, dans la vision du livre futur, elle se dévoilait au monde et dans leurs paroles, c'était fou, quoi, c'était... Moi ça m'a bouleversée, à chaque fois j'étais bouleversée par leur récit et par... Tout ce qu'elle me disait, il n'y avait pas de limite en fait, elle n'avait pas de barrière. Et donc le nu, ce n'est pas de barrière non plus. Pour une fois, on va les voir en fait, et on va les entendre. Et elles sont puissantes, et ce choix du corps que les femmes sont obligées de... Dans nos sociétés, on nous impose beaucoup de choses sur le corps, et donc là, tout d'un coup, c'est des femmes qui ont choisi. d'avoir cette vie avec leur corps notamment, puisque la maternité c'est très très lié au physique et au corps. Et donc, elles se montraient telles qu'elles, dans leur puissance de femme et dans leur liberté de choix. Et donc ça devenait très cohérent, c'était inimaginable de ne pas les faire nues.
- Speaker #1
Il y a une jeune femme qui s'est fait faire une ligature de trompe, et qui explique... Si j'ai bien compris, qu'elle a eu besoin de l'autorisation de son conjoint. Et alors ça, je...
- Speaker #0
Mais on entend des trucs hallucinants, en fait. Déjà, de toute façon, la ligature des trompes, elle est encore aujourd'hui, elle est légale depuis une vingtaine d'années, je crois. Et encore aujourd'hui, c'est super compliqué. Les noms des chirurgiens et chirurgiennes qui pratiquent ça se refilent sur des pages Facebook de ligature des trompes, etc. Donc c'est très compliqué. Et là, Nathalie, elle n'était donc pas mariée. Et elle a été voir un médecin gynéco à qui elle a demandé de faire cette opération parce qu'elle en avait marre de prendre la pilule tout en sachant qu'elle ne voulait pas d'enfant. Ce qui est logique. Et donc, on lui a demandé l'accord de son compagnon. Et elle n'était pas mariée. Enfin, déjà, mariée, c'est absurde. En fait, c'est à nouveau... Je te parlais du...
- Speaker #1
Légalement ? Enfin, légalement, elle avait besoin de...
- Speaker #0
Non,
- Speaker #1
non.
- Speaker #0
C'est ce médecin-là. Non, légalement, évidemment. C'est une loi, on a le droit, c'est comme l'avortement en fait, l'allégature des trompes. Tu ne demandes pas à tes parents ou tu ne demandes pas à tes compagnons, enfin tu vois.
- Speaker #1
C'est le médecin qui lui a demandé.
- Speaker #0
C'est le médecin, mais je dis mais tu aurais dû porter plainte, tu aurais dû le signaler à l'ordre des médecins parce que c'est vraiment dingue. En fait c'est dingue. On dirait les années 40 quoi, 50. Il y a des choses qu'on ne peut pas imaginer, c'est malgré tout la réalité, mais c'est à nouveau vraiment toute cette pression sur le corps des femmes, cette pression du patriarcat, en fait, sur imposer de faire des enfants, imposer de ne pas se ligaturer les trompes, imposer de... Enfin, tu vois, toutes ces injonctions, elles sont très puissantes, en fait.
- Speaker #1
Continuelles. Ouais. Valérie, est-ce que pour finir cette conversation tu peux... peux me partager ton coup de gueule et ton coup de cœur de la semaine ou du mois ?
- Speaker #0
Alors, je viens de terminer un livre qui est un coup de cœur. C'est Adèle Lyon. Mon vrai nom est Élisabeth. C'est un coup de cœur parce que je trouvais ça génial que cette femme aille chercher l'histoire de son arrière-grand-mère comme ça. Et en même temps, c'est mon coup de gueule parce que je ne savais pas. ce que dans le milieu psychiatrique ce qu'on faisait aux femmes. En fait, j'ai découvert cette horreur du milieu psychiatrique il y a une cinquantaine d'années, voire plus, depuis Charcot. Je connaissais Charcot, mais je ne connaissais pas l'ampleur de ces femmes qui ouvraient leur gueule et qu'on mettait à l'HP parce qu'elles saoulaient, quoi. Elles saoulaient tout le monde. Parce qu'elles existaient. Parce qu'elles voulaient juste dire ce qu'elles pensaient et dire ce qu'elles avaient envie de faire. Et qu'elles étaient totalement empêchées d'être qui elles avaient envie d'être. Donc c'est en même temps mon coup de cœur et en même temps mon coup de gueule. Parce que je n'avais pas imaginé cette ampleur des choses. Avant, on les mettait au couvent. Je pense qu'il y en a eu beaucoup où ils sont partis. Celles qui voulaient un peu trop dire, tu vois. Et puis après, il y a eu l'HP. C'est une longue histoire des femmes empêchées.
- Speaker #1
Pour finir, je tiens juste à revendiquer « Lisez, épanouis » et « Lisez, mon vrai nom est Elisabeth » parce que c'est deux livres hyper importants. Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci, Maud. Merci.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté cet épisode. J'espère qu'il vous a plu. Si c'est le cas, partagez-le autour de vous et sur les réseaux sociaux. N'hésitez pas non plus à laisser un avis positif sur vos applications de podcast. Pour ne rien manquer de déclic, suivez-moi à atmaudebernose sur Instagram. Si vous avez des compliments, des critiques ou des réflexions, n'hésitez pas non plus, ça aide toujours. Merci enfin à la Cité Audacieuse pour son studio d'enregistrement. A bientôt !