- Speaker #0
Bonjour, bienvenue dans le podcast des mots au corps qui parle de thérapie psychocorporelle et notamment de la psychologie biodynamique. Mes invités sont des thérapeutes formés à cette approche et apportent des éclairages sur les thématiques phares de la thérapie. Je suis Violaine Didier, thérapeute psychocorporelle biodynamique et hôte de ce podcast. Que vous soyez thérapeute ou client, ou tout simplement curieux, j'espère que ces échanges vous apporteront des clés pour avancer sur votre chemin personnel et professionnel. Mon invitée du jour s'appelle Sabine Seguin. Elle est thérapeute psychocorporelle biodynamique, artiste et formatrice. Elle s'est spécialisée depuis 2012 dans l'accompagnement des personnes qui ont vécu des violences physiques, psychiques et sexuelles. Notamment, elle utilise l'approche de la somatic experiencing pour transformer l'expérience traumatique. Basée à Paris, elle accompagne des enfants, adolescents et adultes en individuel ou en groupe à travers ses ateliers Résilience. Bonjour Sabine.
- Speaker #1
Bonjour Violaine.
- Speaker #0
Merci de ta présence aujourd'hui. Je suis ravie de t'accueillir dans ce nouvel épisode du podcast Des mots au corps.
- Speaker #1
Merci pour ton invitation.
- Speaker #0
Avec plaisir. Aujourd'hui, nous avons choisi de plonger ensemble dans l'univers complexe des mémoires traumatiques. Des souvenirs parfois flous, fragmentés, des images qui ressurgissent sans prévenir, des émotions incompréhensibles et envahissantes, ou encore des manifestations incontrôlées du corps et des maladies sans nom. En somme, des empreintes laissées dans le corps et la psyché par des événements passés profondément marquants. Parmi les événements traumatisants, potentiellement, on pourrait citer bien sûr les catastrophes naturelles, les guerres, les attentats, les accidents, les maladies graves, les agressions. Et bien sûr, toutes les formes de violences physiques, psychiques ou encore sexuelles, qu'on en soit victime ou encore témoin. Mais parfois, des événements qui semblent plus anodins peuvent également être traumatisants. Alors comment le cerveau enregistre-t-il le trauma ? Pourquoi certains souvenirs semblent disparaître, puis reviennent avec force des années plus tard ? Pourquoi certaines personnes sont plus marquées que d'autres par des événements ? Et surtout, comment peut-on vivre et traverser ses mémoires pour trouver ou retrouver une vie plus apaisée ? Voilà, c'est un petit peu ce dont nous allons discuter aujourd'hui. Alors Sabine, pour démarrer cet échange, est-ce que tu pourrais déjà nous expliquer ce qu'on entend réellement par traumatisme ?
- Speaker #1
Le traumatisme, c'est la marque que laissent à l'intérieur de nous, au niveau physique et psychique, les violences, les traumatismes, les traumas que nous avons vécus. Alors évidemment, il y a... La différence entre trauma et traumatisme, c'est trauma, c'est ce qu'on a vécu. Traumatisme, c'est ce que ça a laissé, en fait. D'accord,
- Speaker #0
il y a une différence déjà dans les deux mots. Ça, je ne savais pas. Ok. Donc, le trauma, est-ce que tu peux répéter ? Le trauma, c'est ce qui reste et le traumatisme, c'est ce qui a été vécu. Non, c'est l'inverse.
- Speaker #1
Peu importe. En fait, peu importe l'aspect technique de ces deux mots. Moi, je ne suis pas psychiatre. Et je ne m'attache pas à tout ça. Pour moi, ce qui compte, c'est que les mémoires traumatiques, c'est elles qu'on a gardées dans le corps et aussi qui nous empêchent au jour le jour de vivre notre plus belle vie. Donc, c'est ça qui compte.
- Speaker #0
C'est les traces qui restent de l'événement passé, c'est ça ?
- Speaker #1
Voilà. Les traces qui restent sont les mémoires traumatiques.
- Speaker #0
D'accord. Et ce qu'on appelle syndrome du stress post-traumatique, par exemple, qu'est-ce que c'est ?
- Speaker #1
Eh bien, un syndrome, c'est un ensemble de mécanismes, à la fois les mécanismes de défense, les traces, les symptômes et aussi les mémoires elles-mêmes. C'est tout ça ensemble qui forme ce syndrome. Il y a déjà tout un ensemble, tout un tableau de symptômes qui permet de reconnaître les traces d'un traumatisme.
- Speaker #0
D'accord. Et parmi ces symptômes, qu'est-ce qu'on retrouve ? Est-ce qu'il y a des choses qu'on retrouve le plus souvent ?
- Speaker #1
La plupart du temps, quand on a vécu un traumatisme, on va avoir tendance à se figer et à se dissocier. Parce qu'au moment du traumatisme, au moment du choc traumatique, le corps, pour nous sauver la vie, va faire se disjoncter au niveau du cerveau. Il y a une disjonction entre, en gros, je dis en gros, le cerveau préfrontal, notre cerveau, celui dont on se sert au quotidien pour penser, on va dire, celui-là va être disjoncté et surtout l'amidale dans le cerveau limbique, c'est-à-dire le cerveau émotionnel, va aussi être disjonctés, parce que ça évite de savoir et de sentir, de se rendre compte qu'on sent quelque chose de vraiment très violent. Et en fait, ça, c'est un effet du cerveau reptilien qui évalue, en un quart de seconde, évalue si on va pouvoir ou pas supporter en quelque sorte ce qui nous arrive. Et pour finalement faire une sorte d'anesthésie à la fois physique et émotionnel et psychologique, je dirais, on va être tout d'un coup coupé de ces sensations, émotions, et même cognitions, parfois, ce qui provoque aussi l'amnésie post-traumatique, quand c'est vraiment trop fort. Et en fait, c'est un système qui nous protège, qui nous sauve la vie. Et pourquoi ça nous sauve la vie ? Parce que si ça ne se produisait pas, la... l'accès, en fait, le cortisol et l'adrénaline qui seraient envoyés dans notre organisme pourraient, par exemple, provoquer un arrêt du cœur. Ça serait vraiment trop violent. Donc, hop, une petite disjonction, une anesthésie générale et hop, ça y est, on peut passer le cap. On peut rester vivant parce que c'est ça le but du cerveau reptilien, c'est de nous maintenir vivants.
- Speaker #0
De garder la vie. De préserver la vie, en tout cas. C'est ça,
- Speaker #1
préserver la vie.
- Speaker #0
Quelles que soient les répercussions qu'il peut y avoir derrière.
- Speaker #1
Oui, ça bien sûr que si le loup nous mange complètement, on ne peut rien faire. Mais si on ne bouge pas, parce que la plupart du temps, c'est ce qui se passe dans un trauma, c'est que le corps nous fige complètement. C'est-à-dire que si on ne peut ni fuir ni combattre, on va se soumettre et ou se figer. Les deux, la plupart du temps.
- Speaker #0
D'accord. Mais dans le cas, justement, où on a la capacité d'agir, donc tu parlais de combat ou de fuite, à ce moment-là, l'événement ?
- Speaker #1
Il n'y a pas de traumatisme.
- Speaker #0
Il n'y a pas de traumatisme, d'accord. Oui, c'est ça.
- Speaker #1
C'est assez simple, en fait. Si on peut fuir ou combattre, il n'y a pas de traumatisme. Puisque, en fait, le traumatisme, ce qui est constitué, ce qui est finalement gardé en mémoire dans le corps, C'est tous les mouvements de fuite et de combat que nous n'avons pas pu faire parce qu'ils ont été figés.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Et donc, si on a pu fuir ou combattre, tous ces mouvements-là, ils ont pu se réaliser, on a pu les faire, et ça ne nous bloque pas dans notre vie.
- Speaker #0
D'accord. Ça peut rester marquant en souvenir.
- Speaker #1
Ça peut rester marquant, mais c'est plus facile à digérer.
- Speaker #0
Oui, d'accord.
- Speaker #1
Parce qu'il y a eu une fin heureuse, parce qu'on a pu fuir, parce qu'on a gagné le combat. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on va faire avec la somatique experiencing, c'est de vivre ce combat victorieux. C'est ce qu'on va tenter de faire.
- Speaker #0
Ok. Donc, là, tu viens de commencer à parler de la somatique experiencing et justement du travail qu'il peut y avoir dans le cabinet de thérapie. Donc, justement, dans le cas où, quand tu reçois des personnes qui ont vécu des événements traumatiques ou... ou au contraire qui ne s'en rappellent pas, mais qui ont des symptômes un peu divers et variés, comment est-ce que tu les accompagnes ? Quelles sont les choses qu'on peut faire et qu'on ne peut pas faire avec une personne qui a des mémoires traumatiques ?
- Speaker #1
Comme il s'agit de traumas complexes, le plus difficile, c'est de construire l'alliance.
- Speaker #0
Alors, attends, juste un trauma complexe, qu'est-ce que c'est un trauma complexe ?
- Speaker #1
le trauma complexe c'est justement ce genre de traumatisme qui parce que par exemple c'est des gens qui ont vécu un choc traumatique une fois c'est pas pareil que si c'est quelque chose qui est comme une ambiance quelque chose qui a été vécu énormément au cours de l'enfance ou dans toute la vie ça s'est répété mille fois ça constitue une sorte de de nœud qui est composé de plein de fils différents.
- Speaker #0
Par exemple, si tu simplifies, un accident de voiture, ça va être un trauma simple ? Oui,
- Speaker #1
c'est un choc traumatique simple.
- Speaker #0
C'est un choc qui arrive une fois, et par contre, je ne sais pas, un climat incestuel dans une famille, ça va être un trauma complexe, parce que c'est sur la durée, c'est ça ?
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
D'accord. Ok, c'est bon, merci pour la précision. Donc du coup, dans le cas des traumas complexes, tu venais de commencer à dire, c'est l'alliance...
- Speaker #1
Oui. L'Alliance est... Une des choses les plus difficiles à faire, en fait, parce que comme c'est un traumatisme relationnel, puisque ça a impacté la relation avec une personne qui était au départ une personne de confiance, parce que dans beaucoup, beaucoup de cas, c'est avec une personne proche, une personne de confiance, que ça s'est passé. Ou même si c'est une personne éloignée, c'est quand même avec un autre être humain, on a tendance au départ à faire… plutôt confiance, si on s'est laissé approcher, voilà, c'est rarement quand même, par exemple pour les viols, c'est beaucoup plus rarement le type qui passe dans la rue le soir alors qu'il finit, c'est le plus souvent quand même quelqu'un qu'on connaît, quelqu'un qui est proche, quelqu'un qui est dans notre entourage, donc quelqu'un en qui on a confiance. Donc comme c'est un traumatisme relationnel, c'est cette confiance qu'il va falloir rétablir pour pouvoir Bon. entrer dans l'alliance thérapeutique et en ayant créé cette confiance de pouvoir avancer main dans la main, enfin pas tout de suite main dans la main, on ne va pas tout de suite pouvoir toucher la personne, mais enfin en tout cas symboliquement main dans la main, on va avancer ensemble sur ce chemin. Et donc en fait, on va accompagner la personne parce qu'on ne va pas faire le chemin pour elle, on va accompagner la personne pour qu'elle fasse le chemin pour aller vers un retour à elle-même en confiance. dans la relation.
- Speaker #0
D'accord, donc la confiance, la création de l'alliance thérapeutique, c'est déjà la première étape dans le travail avec des personnes qui ont des mémoires traumatiques.
- Speaker #1
Absolument. Comme en biodynamique, on parle de l'accueil, c'est très important l'accueil, c'est un accueil plus, plus, plus. Un accueil avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de respect, beaucoup d'écoute, et... Beaucoup de temps, on ralentit le temps un peu.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui permet de créer cette confiance ? Tu viens de parler de l'accueil, est-ce qu'il y a d'autres éléments qui permettent de créer ce climat de confiance avec la personne ?
- Speaker #1
Déjà, peut-être que si la personne sait que vous êtes à même d'entendre et d'écouter, d'accueillir ce genre de traumatisme, Ça va être plus facile. Donc, si vous vous affichez comme étant capable de recevoir ce genre de confidence, ça va être plus facile pour elle. Parce qu'elle sait que déjà, elle est dans un endroit où on va prendre en compte ce qu'elle a vécu. Moi, je recommande de le dire, tout simplement. même si la personne a subi un... une amnésie post-traumatique, le fait qu'elle sache que vous êtes en capacité de recevoir ce genre de confidences, oui, parce que c'est quelque chose de difficile à dire, ça va être plus facile. Même si, justement, moi je dis assez vite, vous n'avez pas besoin de me raconter. Je ne demande pas aux gens de me raconter leur histoire traumatique. D'ailleurs, plus on la raconte, plus ça va... réactiver au niveau du système nerveux toutes les défenses, donc il vaut mieux, au contraire, ne pas trop les raconter. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas les raconter du tout, mais j'invite à ne pas raconter l'histoire en détail. Parce que souvent, les gens arrivent et racontent complètement coupés de leur corps et de leurs émotions, donc ils peuvent raconter l'histoire, mais ils ne se rendent pas compte à quel point c'est, en fait, grâce à ce mécanisme de dissociation qu'ils peuvent le faire. Si on ralentit et qu'on leur demande de vraiment sentir ce que ça leur fait de dire, là, ils vont beaucoup moins avoir envie de raconter. Donc, l'idée, c'est de toujours se tourner vers la ressource. Et moi, je construis d'abord la sécurité dans la relation. La sécurité, la sécurité, la sécurité. Tous les outils que je vais mettre en place dès le départ sont des outils qui amènent de la sécurité.
- Speaker #0
Donc, ça veut dire que dans ce travail, on ne vient pas… répéter, tourner autour de ce qui s'est passé, de l'événement en lui-même, mais parce qu'en fait on n'a pas forcément besoin de savoir l'histoire pour travailler sur ce qu'il en reste.
- Speaker #1
On n'a pas besoin, exactement, on n'a pas besoin du tout de savoir, il y a beaucoup de personnes pour qui c'est une sorte d'objectif, je veux savoir ce qui s'est passé, je veux comprendre, mais en fait, savoir et comprendre ne sert à rien. Enfin, j'exagère un peu, mais c'est vrai que ça ne sert pas. On peut savoir très bien ce qui nous est arrivé et galérer pendant 20 ans pour essayer de s'en remettre. C'est se tourner vers la ressource.
- Speaker #0
Qu'est-ce que c'est la ressource ?
- Speaker #1
La ressource, quand on a subi des violences, on a manqué de protection, on a manqué de sécurité. Donc on va rétablir sécurité et protection, d'abord.
- Speaker #0
D'accord, donc c'est des ressources, quand tu parles de ressources, on parle de ressources intérieures, de ressources extérieures, de ressources… Tu vois, qu'est-ce que tu entends finalement par ressources, parce que c'est très large ?
- Speaker #1
C'est quelque chose qu'on expérimente dans l'ici et maintenant. On a besoin de vivre les choses dans l'ici et maintenant. On ne peut pas revenir en arrière. Les mémoires traumatiques, elles, elles viennent du passé, en quelque sorte. Elles sont engrammées dans notre corps. Elles se font passer pour du présent alors que ce qu'elles sont passées. Donc, il va falloir, dans le présent, vivre des expériences. de sécurité que, quelque part, on va pouvoir utiliser pour résoudre, résorber ces mémoires traumatiques. C'est-à-dire qu'en fait, quand on amène de la ressource, on parle de pendulation en somatique experiencing. On va penduler entre la ressources et les mémoires traumatiques. Dès qu'on a suffisamment de ressources, et c'est la plupart du temps, c'est là que justement les gens sortent d'amnésie post-traumatique, dès qu'on a assez de ressources… et bien les mémoires traumatiques se pointent pour être traitée tiens coucou, toc toc toc on a besoin d'être traité parce que nous, notre corps tout notre organisme, notre psyché on n'a qu'un seul but en fait c'est de vivre plus pleinement, de vivre plus vivant et donc tout ce qui vient nous empêcher de vivre pleinement, c'est à dire les mémoires traumatiques ont envie d'être résolues donc quand on a assez de ressources .Par exemple, quand on vit en thérapie, on va aller à la recherche de ressources, une aide, celle du thérapeute, mais aussi toutes les connaissances que ce thérapeute a. Et donc, voilà, par exemple, des exercices, des mises en situation. Et ça peut être, comme au départ, tout au début, comme on le fait en somatique experiencing, se tourner vers ce qui est là autour de nous, ici et maintenant. Regarder autour de soi. et trouver une chose, par exemple, je ne sais pas, moi là j'ai à côté de moi une plante verte, et souvent c'est ce vers quoi les gens se tournent, aller en face du canapé où mes patients se trouvent, et quand vous regardez cette plante verte, qu'est-ce que vous sentez ? Qu'est-ce qui se passe en vous ? En fait, ça les ancre, ça les reconnaît, à l'ici et maintenant, dans leurs sens, dans tout leurs sens. En général, c'est plutôt la vue qu'on utilise, c'est plus facile, mais ça peut être aussi le son, ça peut être aussi le toucher. C'est déjà revenir dans l'instant présent, dans l'ici et maintenant, dans les cinq sens. C'est ça qui est le remède absolu, c'est de revenir dans l'instant. Parce que les mémoires traumatiques, elles appartiennent au passé. Si on est absolument reconnecté à nous, dans l'instant, dans les cinq sens, les mémoires traumatiques, elles sont remises à leur place.
- Speaker #0
D'accord, donc cette capacité à revenir dans l'ici et maintenant, ça c'est déjà un exemple de ressources qu'on peut travailler.
- Speaker #1
Tout à fait. Oui, mais ça s'apprend. Parce qu'en fait, comme au niveau du système, quand le retour des mémoires traumatiques se fait, sortie d'amnésie ou quand on est réactivé par différentes choses, parce qu'en fait, quelquefois, juste être en relation avec quelqu'un, ça réactive les mémoires traumatiques, puisque ça s'est passé avec quelqu'un. Donc, parfois, juste le fait d'être là. en relation avec moi dans une pièce seule, ça réactive les mémoires traumatiques.
- Speaker #0
Là, c'est vraiment dans le cas de violences psychiques ou sexuelles, c'est ça ? Ou physiques ? Ou physiques ?
- Speaker #1
Oui, ça se passe en relation. Évidemment, mais même si c'est un accident de voiture, l'accident de voiture, il s'est passé avec quelqu'un.
- Speaker #0
Pas toujours.
- Speaker #1
Ok, ça peut être juste soi-même avec un arbre ou avec... Oui, bien sûr. évidemment, mais je ne vais pas parler des chocs traumatiques comme les accidents ou comme les opérations, parce qu'on peut aussi les considérer comme des chocs traumatiques. Moi, je suis beaucoup plus spécialisée dans les violences qui impliquent une autre personne dans une relation. Donc, voilà, c'est la ressource, c'est la personne qui est en face de vous qui va pouvoir reconstruire avec vous la relation. dans un cadre sécurisé. Donc, on va amener des paroles, des gestes, on va refléter la personne comme on le fait naturellement dans la vie. On va se mettre à faire les mêmes gestes au même moment, en face d'elle, en miroir, et ce qui va déjà lui faire sentir qu'elle est comprise, qu'elle est entendue, parce qu'elle est reflétée. Donc ça, c'est un des moyens de lui faire sentir qu'elle existe aussi. Oui, bien sûr.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Déjà, si on se met à l'écoute, si on lui pose des questions, si on la regarde, ça fait déjà beaucoup de choses. Donc, elle va se sentir considérée. Et puis, mon fauteuil se trouve à une distance respectueuse du canapé où se trouvent mes patients. Ça aussi, le respect… du territoire intime, c'est très important. C'est-à-dire qu'en fait, elle peut être là en sécurité dans son territoire intime. Et donc, je fais aussi bien sûr des exercices, et c'est un des premiers exercices que je propose, pour reconstituer les frontières de ce territoire intime.
- Speaker #0
Donc en première étape, la confiance, et en deuxième, on va dire plutôt les ressources et la construction du territoire intime.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
C'est ça. C'est les premières étapes, en tout cas, pour aller vers dans ce chemin de... de résilience, je crois que tu parles beaucoup de résilience.
- Speaker #1
Oui, c'est un mot que Boris Cyrulnik a remis au goût du jour et je l'ai trouvé vraiment très pertinent. Ça parle vraiment d'une reprise de la croissance après qu'elle ait été stoppée par un traumatisme.
- Speaker #0
D'accord, c'est ça la définition de la résilience, c'est la reprise de la croissance.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Enfin, vous pourrez aller écouter Boris Cyrulnik qui en parle très bien depuis très longtemps maintenant.
- Speaker #0
Très bien. Alors, comment est-ce qu'on reconstruit les frontières du territoire intime ? Parce que tu m'en avais commencé à parler de ça.
- Speaker #1
Oui, j'ai commencé à en parler parce que ça, c'est vraiment quelque chose de très important. Moi, j'utilise une petite cordelette. C'est une des formatrices de l'école de psychologie biodynamique qui m'a fait vivre ça. Et pour moi, ça a été… Il y a eu un avant et un après cet exercice-là. Et c'est pour ça que je l'ai intégré au tout début de ce cycle des ateliers Résilience, et je le fais aussi en individuel dès le départ, parce que ça permet de vraiment visualiser, symboliser, voir, sentir, toucher, sentir dans son corps les effets d'avoir enfin droit à un espace à soi. Virginia Woolf parle d'une chambre à soi, là c'est un espace à soi, tout autour de soi, il y a un espace dans lequel on est chez soi, c'est notre royaume. Donc ce territoire-là, déjà, voir que l'autre peut voir qu'il y a des limites, qu'il y a des frontières à ce territoire et qu'elles peuvent être respectées, c'est déjà une étape essentielle. Donc évidemment, moi en tant que thérapeute, en face de la personne, je mets aussi mon propre cordon de sécurité. Parce que si moi je n'avais pas en face d'elle, ça voudrait dire, puisqu'on prend cette convention que ce cordon, cette cordelette représente les frontières, eh bien moi aussi en face de cette personne qui vient me voir, je dois les poser parce que sinon ça voudrait dire que moi je n'ai pas de frontières, je suis partout autour d'elle. Donc, il faut faire très attention avec le symbole, avec les conventions qu'on met en place. C'est très précis. C'est pour ça que je fais des formations. C'est parce que c'est extrêmement précis tout ça. Il ne faut pas n'importe quoi.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui peut se passer si on fait n'importe quoi ? Bien sûr qu'il y a des conséquences, qu'il y ait trauma ou pas trauma. Mais est-ce qu'il y a des précautions particulières quand il y a traumatisme ?
- Speaker #1
Il y a énormément de précautions particulières à prendre tout le temps. Il faut être très à l'affût, très à l'écoute de tous les petits signaux verbaux et non-verbaux que la personne va envoyer pour montrer là où elle en est. Donc, il faut y aller lentement et expliquer tout bien avant de le faire et pendant qu'on le fait. Donc, ça demande beaucoup de patience, mais ça vaut la peine parce que parfois, en une séance, on peut déjà reconstruire. énormément de sécurité, mais il faut prendre le temps de le faire pas par pas, pas à pas. Et prendre le temps de respirer, demander régulièrement comment ça se passe, regarder les signes, observer et lui faire observer certaines choses. Par exemple, quand on pose cette cordelette autour de soi, parfois il y a des personnes qui vont la poser, mais qui vont la laisser un peu ouverte. de proposer, de dire, et si vous refermiez les deux boules de cordon là, s'ils se rejoignaient, qu'est-ce que ça fait ? Est-ce que c'est différent ? Sentez comment ça fait. etc. évidemment c'est tout un apprentissage rien que ça c'est déjà un gros soulagement en fait pour beaucoup de gens parce que là on parle d'un territoire intime qui va au-delà des frontières du corps c'est
- Speaker #0
vraiment un espace au-delà des frontières du corps qui sont déjà des frontières oui,
- Speaker #1
en fait j'ai récemment vu une parution, un poste d'un américain qui parle de biofield. Le biofield, c'est-à-dire qu'en fait, nous sommes des êtres électromagnétiques. On peut imaginer que notre rayonnement, ce que nous sommes, ça va bien au-delà de juste notre corps. Ça va jusqu'à au moins le bout de nos bras. Alors, si on fait devant, derrière, dessus, sur les côtés, c'est vraiment un espace qui est… Quand une personne s'approche de nous, on sent que quand elle rentre dans cet espace-là, elle est chez nous. Quand on est dans le métro et qu'on est entassé, ces frontières-là, on vient les condenser très proche de son corps et on les durcit un petit peu pour pouvoir se sentir quand même à l'abri, même dans une foule. Mais en fait, ce biofield, cette membrane, moi j'aime bien appeler ça la membrane, cette membrane, elle est tout autour de nous comme une bulle. Donc cette bulle-là, il y a besoin de la reformer, de la refermer, de la réparer. Donc d'abord on le fait au sol avec cette cordelette et puis après on le fait aussi en 3D tout autour de la personne. Et on va l'aider à boucher les fissures.
- Speaker #0
Donc c'est repositionner des limites.
- Speaker #1
C'est ça. Les limites c'est le premier thème de mes ateliers.
- Speaker #0
D'accord. Donc la confiance, les ressources, les limites.
- Speaker #1
Là c'est un peu dans le désordre parce que... Il faudrait pouvoir tout faire en même temps. Mais on est obligé de faire quand même un thème après l'autre, de faire un exercice après l'autre. Donc, moi, le premier thème, en réalité, c'est limites et territoires intimes. Les frontières.
- Speaker #0
Oui, j'imagine qu'en effet, ce n'est pas étape 1. Aujourd'hui, on va faire tel exercice et qu'en effet, il doit y avoir des recoupements et peut-être même des retours en arrière parfois pour venir retravailler le lien thérapeutique. ou l'alliance, on sent qu'elle s'effrite peut-être de venir la retravailler. Enfin voilà, c'est un peu itératif, on va dire.
- Speaker #1
Tout à fait, tout à fait.
- Speaker #0
Donc limites et territoires intimes. Et ensuite, qu'est-ce qu'il y a dans les grandes thématiques ?
- Speaker #1
L'ancrage. L'ancrage. Reprendre pied en soi, reprendre pied dans son territoire, revenir à sa place. Et à sa place, c'est ici, maintenant. Et donc, où est-ce qu'on le sent le mieux ? C'est quand on sent ses pieds par terre, quand on est bien dans ses jambes, quand on est bien dans son bassin, dans sa respiration abdominale. Donc ça, c'est hyper important. C'est tout le socle, le socle de notre posture, de notre position, c'est l'ancrage. L'ancrage, c'est aussi comment je me sens sur cette terre, quelle est ma relation avec le socle qui est dessous. Parce qu'en fait, Quand on perd pied, on perd littéralement pied. C'est-à-dire qu'on ne sent plus notre présence, notre conscience à quitter notre corps. Et d'autant plus nos pieds, nos jambes. Donc, quand on sent que ça monte, c'est qu'on va s'envoler là, qu'on va sortir de soi, parce que c'est ce qui se passe dans la dissociation. C'est un peu comme si on sortait de soi. Eh bien, on va ramener notre présence, notre conscience dans nos pieds, dans nos jambes, dans notre bassin. Voilà. On va... être vraiment là et se camper.
- Speaker #0
Donc c'est reprendre pied dans le réel, mais aussi reprendre pied dans notre propre corps.
- Speaker #1
Oui, on fait l'un avec l'autre. On reprend pied dans le réel quand on reprend pied dans notre propre corps.
- Speaker #0
Il y a plusieurs fois qu'on parle de dissociation et je me dis que ça pourrait être intéressant pour nos auditeurs de redéfinir, peut-être de définir qu'est-ce que c'est la dissociation ou comment ça se manifeste. Parce qu'on peut avoir cette idée très... on va dire figé, peut-être la dissociation, c'est les personnes qui, à un moment donné, je ne sais pas, se voient collées au plafond. Mais il y a des formes beaucoup plus fines. Je trouve ça intéressant de les nommer.
- Speaker #1
Il y a des dissociations que tout le monde a vécues plus ou moins, déjà, même quand on est petit. Même quand on est petit, par exemple, on se fait tourner la tête dans un tourniquet, par exemple. ça nous rend un petit peu léger quand on est dans une sorte de rêverie aussi, on n'est plus vraiment là et on est dans la lune on n'est pas là mais il y a les dissociations qui sont plus recherchées par exemple par la consommation d'alcool ou de drogue on se dissocie il y a les médicaments les antidépresseurs, les anxiolytiques ce sont des dissociations chimiques Il y a plein de moyens de se dissocier et qui sont recherchés. Par exemple, quand on va voir un film d'horreur, ça nous fait peur et hop, on se dissocie. C'est-à-dire qu'en fait, on est dans l'activation de ces mécanismes de défense du corps qui tendent à nous anesthésier.
- Speaker #0
Donc c'est anesthésier le corps, c'est-à-dire qu'on ne sent plus ce qui se passe dans le corps ou presque. et l'esprit par ailleurs.
- Speaker #1
C'est ça. Oui.
- Speaker #0
À peu près.
- Speaker #1
C'est-à-dire que, oui, c'est ça, l'esprit. Moi, j'aime bien comparer ça à un pilote de chasse dans un avion qui est impacté par un projectile et le siège éjectable éjecte le pilote. Donc, il n'y a plus de pilote dans l'avion. On est envoyé en l'air. C'est un petit peu ça. Mais on s'en voit en l'air de plein de manières différentes.
- Speaker #0
D'accord. Donc, l'avion étant le corps et le siège éjectable étant la psyché qui part. C'est ça, qui part.
- Speaker #1
Oui, c'est le mécanisme de dissociation.
- Speaker #0
Oui, donc on comprend bien que pour que le pilote revienne dans l'avion, il faut que l'avion soit...
- Speaker #1
réparer ou en tout cas qu'il y ait quelque chose qui soit rassurant pour revenir que l'avion soit posé qu'autour on voit qu'il n'y ait plus d'ennemis qu'on peut se replacer dans le siège parce que si effectivement si c'est un pilote qui a été impacté dans un choc comme ça, si le pilote revient dans le siège, il va à nouveau sentir son corps trembler de peur donc il va falloir qu'il se rendre compte que voilà, nous... tout va bien, la guerre est finie la guerre est finie ici et maintenant dans ce cockpit là je me sens en sécurité et je vois qu'autour de moi il n'y a plus d'autres il n'y a plus d'ennemis dans le ciel qui cherchent à me tuer c'est vraiment revenir dans la sensation de sécurité parce que ici et maintenant effectivement la plupart du temps quand les gens en tout cas sont dans mon cabinet ou dans la rue le danger est passé, il est fini. Et donc, il faut juste dire à tout l'organisme, au corps et à la tête, que c'est terminé, en fait. Pour pouvoir le convaincre, convaincre la personne dans toutes ses dimensions, que c'est fini, que le traumatisme est passé, il va falloir lui faire éprouver et le convaincre. Voilà.
- Speaker #0
Parce que finalement, la sécurité, la sécurité avant tout, c'est un ressenti. Alors oui, il peut y avoir des environnements insécurisants, mais finalement, c'est avant tout un ressenti. On peut se sentir en sécurité ou ne pas se sentir en sécurité. Mais bien sûr. Selon les personnes, dans un même lieu, certaines vont se sentir en sécurité et d'autres non.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Donc ce que j'entends, c'est qu'il y a vraiment cette idée de retrouver la sensation de sécurité.
- Speaker #1
C'est ça. Parce qu'en fait, dans les mêmes circonstances, une personne va se sentir complètement en insécurité et les autres vont se sentir très bien. Et donc, la personne qui se sent en insécurité, c'est parce que ses mémoires sont réactivées. C'est un peu comme si, dans telle ou telle circonstance, les mémoires, parce que le cerveau fonctionne par analogie. Si, par exemple, je croise un type aux yeux bleus et que mon agresseur avait les yeux bleus, pim, hop, je me sens en alerte. si Je me suis fait agresser la dernière fois quand j'étais dans une foule. Hop, je suis dans une foule. La mémoire se réactive. En fait, c'est à chaque fois qu'une circonstance appuie sur le bouton, on appelle ça le trigger en anglais, réactivation, ça rallume. la mémoire traumatique. Et donc, il faut arriver à l'éteindre.
- Speaker #0
Ça rallume la mémoire et puis les réactions face à cette mémoire.
- Speaker #1
Bien sûr, oui.
- Speaker #0
La manière de réagir.
- Speaker #1
C'est ça. Qui dit rallumer les mémoires traumatiques, dit aussi que le corps reprend là où il en était au moment où il a vécu ce traumatisme, c'est-à-dire la peur, le figement, la dissociation, tout. Et les tremblements, s'ils ont lieu, c'est très bien. Nous, on cherche à se débarrasser. du figement et donc ça se passe par les tremblements je vais un peu rapidement mais en fait dans la nature quand le danger est passé les animaux tremblent mais nous humains pourquoi on reste dans le figement et que quand la mémoire se réactive on est à nouveau dans le figement c'est qu'on n'a pas pu trembler et se débarrasser de tout ce qui était resté contenu
- Speaker #0
Alors, les tremblements servent à décharger l'énergie qui a été mobilisée, c'est ça, pendant la partie danger. Ce que j'avais lu, je crois que c'est dans le livre de Peter Levin, qui en parle, donc Peter Levin qui est le fondateur de la somatic experiencing, qui explique que l'être humain a bien sûr une part animale, mais par le langage est entré aussi dans le symbolique. et donc C'est aussi pour ça que juste un tremblement ne va pas forcément résoudre toutes les mémoires comme peuvent le faire les animaux qui peuvent trembler un petit coup et puis repartir dans la vie comme avant.
- Speaker #1
Et oui, c'est ça la complexité de l'être humain. C'est qu'il ne suffit pas de trembler. Il faut aussi entendre, comprendre, admettre que maintenant, ici, on est en sécurité. Et comment est-ce qu'on va pouvoir le prouver ? Comment on va pouvoir prouver à cette personne ou la personne va pouvoir se prouver à elle-même qu'elle est en sécurité ? C'est que maintenant aussi, on peut lui faire vivre des expériences qu'elle est capable de repousser, elle est capable de dire non, elle est capable de se défendre, alors qu'elle ne l'a pas été à ce moment-là.
- Speaker #0
Donc,
- Speaker #1
ça va être plein d'expériences. D'ailleurs, on va l'amener à des expériences de, le mot à la mode actuellement, c'est empowerment, on dit ça en anglais, mais c'est de montrer qu'on peut, aujourd'hui, on peut, ce qu'on n'a pas pu au moment du traumatisme.
- Speaker #0
Donc, par exemple, ça va passer par quoi ?
- Speaker #1
par exemple, ça va passer par pouvoir gentiment et tranquillement repousser une personne qui vient vers nous. Et ça fait ressentir... à la personne dans son corps qu'elle peut maintenant repousser.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Elle peut dire non. Elle peut se défendre, tout simplement. Et donc, que ce soit avec la biodynamique, je le fais vraiment pour de vrai. Face à mon patient, je lui propose de me repousser, là aussi dans un protocole très précis. Mais ça peut être aussi en somatic experiencing, de l'imaginer et de laisser se dérouler les mouvements de combat qui ont été retenus. Et là aussi, c'est un guidage, c'est trois ans de formation la somatic experiencing. Donc il faut être précis là aussi.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous parler justement un petit peu de la somatic experiencing et finalement de sa particularité ?
- Speaker #1
Sa particularité, c'est que c'est venu finalement Euh... sur les nouvelles recherches au niveau du système nerveux, jusqu'à un certain moment, on croyait qu'il n'y avait que deux branches du sympathique et parasympathique. C'était parasympathique ventrale, c'est-à-dire on est dans le lieu de la négociation, tout va bien, on est dans le parasympathique ventral, ou bien il y avait l'orthosympathique, c'est-à-dire justement, fuite combat, le mode Action, quoi ! Mais on a découvert, c'est Porges qui a découvert ça, qu'il y avait une troisième branche du système nerveux qu'il a appelée le parasympathique dorsal.
- Speaker #0
On parle ici du système nerveux autonome.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Peut-être pour préciser, je précise juste pour nos auditeurs. Oui,
- Speaker #1
excuse-moi, je m'adresse comme si tout le monde connaissait tout ça.
- Speaker #0
Et j'en profite également pour préciser, donc tu parles de Porges, donc Stéphane Porges, qui est le père de la théorie polyvagale, pour ceux qui connaissent, qui nous écoutent.
- Speaker #1
C'est vrai. Moi, je ne suis pas quelqu'un de très didactique de ce point de vue-là, je suis désolée. Mais en fait, maintenant... Il y a tellement d'infos partout, tout le monde en parle, elle est à la radio, dans les journaux. Maintenant, quand j'ai commencé, c'était moins connu, maintenant ça y est, tout le monde sait un petit peu ça. Mais je redis, parce que le parasympathique dorsal, c'est justement cet endroit au niveau du système nerveux où tous les mouvements sont retenus, sont contenus, et du coup, le dos est tendu, les bras sont retenus. La respiration se restreint, le cœur bat très vite. C'est tout cet endroit où on est à la fois comme si on appuyait à fond sur l'accélérateur et à fond sur le frein. C'est la façon dont mon professeur Michel Chitekat le décrit et c'est très parlant. On est à fond sur l'accélérateur, c'est-à-dire je veux m'enfuir ou je veux combattre, et en même temps on est à fond sur le frein, mais il vaut mieux. que je reste tranquille parce que sinon je vais me faire manger.
- Speaker #0
D'où le figement.
- Speaker #1
D'où le figement. On fait le mort, littéralement, on fait le mort. Donc tout est tendu, presque dans une imitation de l'arrêteur cadavérique, genre je fais le mort, je n'y suis plus. Parce qu'évidemment, pour un prédateur, une victime, on va dire, oui, une proie. qui est déjà morte, on la laisse tranquille. Puis, ça peut donner une occasion à cette proie de se redresser et de partir en un quart de seconde. On peut profiter que le prédateur tourne ma tête pour s'en aller. Ça, c'est dans la nature. Parce qu'en vérité, chez les humains, on a rarement l'occasion de pouvoir fuir. Mais bon, on le tente quand même.
- Speaker #0
On peut essayer.
- Speaker #1
On peut toujours essayer. Moi, j'estime que ce sont des images. On utilise toutes ces images pour se représenter ce que c'est que d'être finalement empêchée de réagir, mais de façon naturelle. C'est-à-dire qu'en fait, ce n'est pas parce qu'on est nulle, ce n'est pas parce qu'on veut bien, ce n'est pas parce que… Je ne sais pas. Beaucoup de personnes, quand elles ont subi des violences, se sentent coupables. Ça, c'est un des grands thèmes. La culpabilité, elle réside dans le fait que la plupart du temps, les gens pensent qu'ils auraient dû faire quelque chose, ils auraient dû crier, ils auraient dû partir, mais on ne peut pas. On ne peut pas. C'est tout notre système de survie qui est en mode survie et qui nous empêche de partir. Parce que se figer, c'est le meilleur moyen de rester en vie. Et c'est ça qui peut permettre de sortir de la culpabilité. Et ça, c'est super important. Je dirais que ça, c'est un des items les plus importants, c'est de pouvoir sortir de la culpabilité et de savoir qu'on est victime de ce que l'on a subi. On est victime, on n'est pas coupable. Et pour pouvoir sortir de l'état de victime, il faut d'abord y entrer. Ça, c'est super important. Il y a des gens qui disent, oui, c'est d'accord. Il y a des gens qui ne veulent pas être victime. Non, non, je ne suis pas victime. Du coup... Ils portent la culpabilité de ce qui leur est arrivé, muettement, en secret, et ils luttent contre l'état de victime, alors qu'en fait, il faut y entrer pour en sortir.
- Speaker #0
Il faut se reconnaître victime pour pouvoir ensuite travailler là-dessus.
- Speaker #1
C'est ça. C'est très important.
- Speaker #0
Les personnes qui ne se reconnaissent pas victime ne vont pas forcément... Enfin, est-ce qu'elles consultent ?
- Speaker #1
Elles consultent, mais... Elles minimisent, elles sont dans le déni, elles sont dans l'amnésie. Donc, il y a parfois, moi, parfois, ça m'est arrivé de recevoir quelqu'un pour Burnout, par exemple, qui, au bout de deux ans et demi, a fini par me dire que quand elle était petite, un monsieur, devant une vitrine de boulanger, lui a demandé si elle voulait des bonbons et puis, finalement, l'a emmené dans un petit coin et puis lui a baissé sa culotte. Enfin, voilà, des choses, le truc archétypal, quoi. le vieux monsieur et les bonbons. Ça lui était arrivé et elle l'avait minimisé, en fait. Elle ne m'en parlait pas. Il a fallu attendre deux ans et demi après qu'on ait parlé beaucoup de son burn-out et de trouver des ressources pour en sortir pour qu'elle puisse me parler de cela.
- Speaker #0
À partir de là... Comment ça s'est passé pour elle ?
- Speaker #1
À partir de là, on avait déjà amené beaucoup de ressources par rapport au burn-out. Mais burn-out, c'est on a dépassé ses limites et on a été poussé à dépasser ses limites. Donc, souvent le burn-out, c'est quand même un des symptômes qu'auparavant, d'autres personnes ont dépassé nos limites. On n'a pas appris à protéger nos limites et on n'a pas pu. protéger nos limites. Parce que là, en l'occurrence, elle était petite, elle ne pouvait pas. C'était un adulte face à un enfant. Souvent, les enfants sont soumis aux adultes. Et c'est ça qui est aussi assez terrible. C'est qu'on apprend aux enfants, on a longtemps fait ça, à être soumis aux adultes. Donc voilà, ils ont beaucoup de mal à se défendre. Donc déjà, ils sont plus petits, ils ont moins de force. Et en plus, on leur apprend à se soumettre. Donc voilà.
- Speaker #0
Est-ce que les enfants se sentent plus particulièrement coupables de ce qui leur arrive ?
- Speaker #1
Pour un enfant, en tout cas, par exemple, quand il s'agit des parents, d'autant plus, mais de n'importe quel adulte, les adultes, c'est comme des dieux, c'est eux qui ont raison, c'est des géants. Donc, c'est eux qui sont en charge de subvenir à leurs besoins et donc, c'est une relation qu'ils ne peuvent pas mettre en danger. Donc, ce n'est pas eux qui peuvent être responsables, ce n'est pas les parents qui peuvent être responsables. de tout ce qu'ils vivent, ils se sentent coupables et responsables, eux, parce que, tout simplement, ils ne peuvent pas remettre en question les adultes, puisque c'est d'eux que la vie de l'enfant dépend.
- Speaker #0
Que leur sécurité dépend, finalement.
- Speaker #1
Et leur sécurité dépend des parents. Donc forcément, s'il y a quelque chose qui ne va pas, ils ne se disent pas que c'est de la faute des parents. Ils se disent, c'est de ma faute, je n'ai pas dû faire assez bien. Et c'est là où ça s'intrigue avec, justement, toutes les problématiques. autour du style d'attachement et tout ça aussi. Ça sera peut-être un autre épisode.
- Speaker #0
C'est ça. Il y a beaucoup à dire, en effet.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
Est-ce que tu aurais quelques... des souvenirs ou des anecdotes un peu marquantes, soit qui te concernent, en fait, dans ton parcours vers la guérison de ces traumas, ou concernant tes clients, par exemple, et que tu pourrais nous partager, bien sûr.
- Speaker #1
Oui, il y a une anecdote que j'aime beaucoup citer qui concerne justement le territoire intime, parce que ça, c'est vraiment une étape très importante. Et il s'agissait d'une jeune femme qui avait vécu dans un climat incestuel, vraiment, avec des parents qui étaient naturistes et qui ne respectaient absolument aucunement l'espace de leur fille, qui ne lui avaient donné aucun espace à elle, en fait. et en fait Le jour où je lui ai proposé de faire cet exercice avec la cordelette, elle a pris un petit moment et quand je lui ai proposé la question de ce qu'elle ressentait, elle me disait « mais c'est exotique » .
- Speaker #0
Exotique.
- Speaker #1
Exotique. C'est-à-dire qu'en fait, c'était tellement inconnu pour elle, elle n'avait tellement jamais connu cette sensation d'avoir un espace à elle qu'elle a utilisé ce mot d'exotique. Pour moi, ça a été vraiment fort. C'était à Montpellier, quand je pratiquais à Montpellier. Aussi à Montpellier, il y a eu une autre personne au même moment. J'ai proposé cet exercice de la cordelette et en fait, elle l'a mis tout autour de la pièce, la cordelette. Elle en a utilisé plusieurs, de manière à ce que ça fasse tout autour de la pièce. Et elle m'a demandé de sortir. Et on a fermé la porte. Et à partir de là, on a pu... travailler ensemble pour, petit à petit, à travers la porte d'abord, puis après, j'ai réussi à lui proposer de me faire une petite place et de resserrer la cordelette de manière à pouvoir petit à petit être avec moi dans la même pièce en ayant, elle, un espace à elle dans cette pièce. Enfin, ça a été toutes plusieurs séances jusqu'à ce qu'elle puisse être avec moi dans la même pièce avec chacune de sa cordelette, voilà, autour d'elle. Donc ça, c'était aussi quelque chose d'important.
- Speaker #0
D'accord. Oui, ça peut prendre du temps. Je pense que c'est important de le dire, que parfois, il peut y avoir des déclics, comme avec cette patiente qui a dit que c'était exotique, et donc, quelque part, qui a senti ce qui se passait, et puis, un peu plus long, comme avec l'autre personne que tu décris et qui a eu besoin de plusieurs séances. Je pense que c'est important de le rappeler, parce que, alors, dans le précédent... épisode où on était avec Marc Bramy, on a beaucoup discuté du changement en thérapie et donc sur le fait que justement ça peut être... Voilà, il peut y avoir des choses un peu déclic, des choses rapides, mais il peut y avoir aussi des choses qui prennent du temps. Et comme tu l'as dit tout à l'heure, finalement, il y a des choses qui émergent quand on est prêt à les accueillir et à les traverser.
- Speaker #1
Tout à fait. On ne peut pas pousser ou tirer. C'est vraiment un accueil de ce qui se passe. Et en même temps, moi, je suis quand même dans des thérapies d'exposition. C'est-à-dire qu'en fait, je vais aller quand même proposer des choses qui vont aller un peu plus... provoquer, mais tout en offrant les ressources pour pouvoir engager la métabolisation de l'expérience traumatique. Donc en fait, il y a besoin de un peu pousser, parce que sinon, si on ne fait rien, ça ne bouge pas. C'est-à-dire qu'on continue à vivre ces mémoires traumatiques régulièrement qui sont réactivées, il y a la revictimisation, ou bien sur... être confronté encore et encore à des problèmes de dépassement des limites, de violence, enfin, verbales, psychiques, sexuelles, ça se reproduit parce que, aussi, non pas consciemment, mais inconsciemment, on va chercher à se redissocier par la retraumatisation. C'est-à-dire qu'en fait, on va être ambu avec les mêmes problématiques, plus ou moins, on va dire. déclinés différemment. Ça peut être aussi bien une spoliation d'héritage, ça peut être du harcèlement au travail, ça peut être des mauvais traitements dans une relation de couple, mais qui ne vont pas forcément être toujours sexuels, qui peuvent être autres. Donc, en fait, ça, c'est... Ça peut être... Moi, dans mon propre parcours, j'ai vécu de manière déclinée toutes les formes de violence possibles. sauf les violences physiques parce que là, ça, je ne sais pas pourquoi j'étais en mode combat mais il y a des violences qui sont beaucoup plus insidieuses et que j'ai vécues parce que on a nos points de fragilité et les points de fragilité ça peut être face à quelqu'un de très gentil par exemple on peut ne pas savoir dire non face à quelqu'un dont on attend l'amour, l'intimité etc. On peut céder à tout, parce que, tout simplement, là, il faut à nouveau faire référence au style d'attachement, on peut avoir des difficultés à savoir et à être certaine qu'on mérite d'être aimé. Voilà. Donc ça, ça fait partie des failles qui peuvent amener aussi à une sorte de porosité, et non pas qu'on va provoquer les violences des autres.
- Speaker #0
mais ils vont sentir qu'on est plus attrapable d'accord voilà merci Sabine on se dirige tout doucement vers la fin de l'épisode déjà d'accord oui et ce que j'aime bien demander à la fin de chaque épisode c'est je dirais pas que c'est un résumé mais finalement c'est s'il y a vraiment un message que tu aimerais que les auditeurs retiennent ça serait lequel de tout cet échange
- Speaker #1
On en a parlé tout à l'heure déjà, se reconnaître victime pour pouvoir en sortir. Et le deuxième, c'est qu'on ne sort du figement que par le réflexe de combat. Il faut arriver à rendre la charge violente, symboliquement ou par le corps, à ceux qui nous ont agressés. Il faut savoir que ce qu'on contient, ce qui est contenu dans les mémoires traumatiques, c'est une charge violente. C'est un peu comme une charge électrique. Il faut décharger. Donc, il y a plein de manières de décharger, mais il faut le faire dans une relation, en toute sécurité. Et dans un groupe, c'est encore mieux. C'est pour ça que je fais du groupe. J'organise des groupes, des ateliers résilience en groupe.
- Speaker #0
D'accord. Merci. Et pour les personnes qui aimeraient aller plus loin, est-ce qu'il y a des choses que tu conseilles ? Donc, ça peut être des livres, ou des livres, des vidéos, des stages ? pour aller plus loin sur la thématique des mémoires traumatiques ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Il y a le site de Muriel Salmona, memoire-traumatique.com, je crois. Il y a le livre de François Louboff que j'aime beaucoup qui s'appelle « Guérir d'un abus sexuel » . Tous les livres de Violaine Guérin, dont certains sont accessibles sur le site Stop aux violences sexuelles. Moi, je vais mettre aussi le mien, sans doute, accessible sur mon site, mais ça, c'est en cours, parce que je suis en train de monter une école qui sera vraiment une école pratique de résilience. Donc, je pense que je mettrai à disposition tout simplement ce livre, parce que j'ai décrit tous les exercices et tout, parce que ça a besoin d'être accessible à tous au plus grand nombre, parce qu'aujourd'hui, on a besoin de thérapeutes qui sachent. faire face à ce genre de personnes et les aider surtout qu'ils puissent vraiment être à côté avec des outils efficaces il y a la petite fille sur la banquise d'Adélaïde le consentement bien sûr de Vanessa Springora Triste Tigre il y a aussi des romans C'est ça,
- Speaker #0
hein ?
- Speaker #1
Oui. Moi, je trouve que les romans, c'est très bien.
- Speaker #0
C'est juste pour préciser.
- Speaker #1
Oui, ce sont des romans. La Familia Grande. Au théâtre et au cinéma, il y a eu Les Chatouilles. Il y a aussi, plus récemment, j'ai vu un film il n'y a pas très longtemps, c'est une jeune femme qui a vécu l'inceste avec son frère. C'était un très joli film. Ça y est, il est déjà parti de l'affiche. On ne fait pas recette avec ça. Mais en fait, heureusement, il y a deux... de plus en plus de films et de livres sur ce sujet. Mais bien sûr qu'il y a Boris Cyrulnik qui a bien sûr parlé de ce sujet très très bien. « La nuit, j'écrirai des soleils » , côté ressources. « La psychothérapie de Dieu » , côté ressources. Parce que moi, je suis plutôt côté ressources. Il y a Moussana Bati, « Guérir son enfant intérieur » ou « Le bonheur d'être soi » , Moussana Bati, extraordinaire. et aussi pour les enfants. Moi, j'aime beaucoup ce qu'a écrit Mylan Shapiron, Le loup, et C'est mon corps. Parce que je reçois des enfants, donc j'ai des livres à disposition pour eux.
- Speaker #0
D'accord, donc toutes ces références seront, je les mettrai dans la description du podcast, donc vous pouvez les retrouver en dessous de l'épisode. Oui,
- Speaker #1
et bien sûr, Réveiller le tigre de Peter Levin, et pour revenir à un autre roman, Delphine de Vigan parle de sa mère, Rien ne s'oppose à la nuit. Mais en fait, c'est important de savoir que les violences sexuelles dans le transgénérationnel, elles se transmettent à la fois dans l'ADN et aussi dans le comportement. Donc c'est important. Moi, je travaille beaucoup l'aspect transgénérationnel du trauma.
- Speaker #0
D'accord. Également accessible à tous, il y a le site des ateliers Résilience. Et puis pour les thérapeutes, il y a également ta formation Parcours de Résilience qui se passe sur six jours.
- Speaker #1
Je fais ça chaque année. Et là, j'ouvre aussi un cycle qui sera vraiment une formation certifiante RNCP avec Qualiopi sur l'accompagnement des personnes qui ont subi des violences. Et ça s'appellera l'école de l'être. L'école que je monte, c'est l'école de l'être. Mais ce parcours-là, qui est vraiment l'école pratique de résilience, ça aura lieu d'octobre à juin.
- Speaker #0
Très bien, c'est noté. Et il est temps de se dire au revoir, déjà. Merci beaucoup. Merci beaucoup Sabine pour ces échanges.
- Speaker #1
Merci Violaine. J'espère que j'ai été assez claire et de toute façon sur mon site il y a plein de vidéos. C'est pas difficile de me joindre par téléphone, par mail. Je suis très facile, je suis très joignable.
- Speaker #0
Je pense qu'on aurait pu en parler encore pendant de longues heures. Malheureusement on avait à peu près une heure pour cet échange et j'espère qu'en effet ça a été suffisamment clair pour tout le monde. En tout cas moi j'ai trouvé ça très riche.
- Speaker #1
Merci beaucoup Violaine.
- Speaker #0
Au revoir Sabine
- Speaker #1
Au revoir
- Speaker #0
Vous venez d'écouter un épisode du podcast Des mots au corps Vous pouvez retrouver tous les épisodes sur vos plateformes de podcast favorites Ou sur mon site nova-biodynamique.fr Merci de votre écoute Et à bientôt