- Speaker #0
Le Musée Sacerbe présente un podcast créé et dialogué par Vanessa Bertrand. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Vers l'infini et au-delà !
- Speaker #1
Vers l'infini et au-delà. Ça vous dit quelque chose ? Dans la version québécoise, Buzz l'éclair, le héros de Toy Story, s'écrit vers l'infini et plus loin encore. Comme quoi, vous mettez deux dialoguistes face à quatre mots, vous aurez deux versions. On va s'intéresser à l'auteur de la première version, Philippe Wittcock. Philippe, dans le métier, c'est une légende, un mystère, un homme qui écrit beaucoup et parle peu. Passionné depuis l'enfance par l'écriture de chansons, par la recherche du dialogue juste, et par les personnages de Disney. Il nous reçoit dans son antre. Je suis très émue de l'entendre parler de notre métier depuis l'endroit même où il a écrit les adaptations de Matrix, de Pirates des Caraïbes, Peter Pan, Aladdin, Pocahontas, Edouard aux mains d'argent, La chute du faucon noir, Le silence des agneaux ou encore Men in Black, Barton Fink, Miller's Crossing,
- Speaker #2
Heat, Mars Attacks, Elle est confidential. Un jour sans fin, Starship Troopers, Un poisson nommé Vanda, La famille Adams, Le temps des gitans, Pocahontas 2, Anastasia, Batman Forever, Batman et Robin, L'étrange Noël de Monsieur Jack, Godzilla, Doctor Dolittle, Wild Wild West, Le voyage de Shihiro, Spider-Man, Spider-Man 2, Hellboy, Oceans 11, Oceans 12, Oceans 13, Twilight chapitre 1, chapitre 2, chapitre 3, Iron Man, Iron Man 2, La princesse et la grenouille, Le retour de Mary Poppins, Avengers, The Story 3, Matrix Reloaded. Ma formation me destinait à l'enseignement, lettres classiques, français, latin, grec, anglais, première langue. Et j'étais dans la filière pour devenir prof. Je suis monté au CAPES, que j'ai tenté deux fois. Et puis parallèlement, j'étais passionné par le cinéma et je connaissais l'équipe de Disney France de l'époque, qui un beau jour m'a appelé en ayant besoin d'un attaché de presse. Donc j'ai sauté sur l'occasion et je suis monté à Paris, puisque je suis breton en fait au départ, je viens de Rennes, pour m'occuper des relations presse et être l'assistant du directeur de publicité. Et j'ai fait ça pendant 7 ans à Paris. J'ai ensuite passé 2 ans à Londres où on m'a promu directeur de la publicité pour l'Europe et le Moyen-Orient. Donc ça a été une expérience un peu compliquée et riche.
- Speaker #1
Et tu as beaucoup voyagé. J'ai beaucoup voyagé. Je voyageais, on allait dans les pays. Je faisais deux pays par jour en moyenne quand je voyageais. C'est-à-dire que je partais très tôt le matin de Londres. Je partais dans un pays, je repartais après déjeuner. J'en faisais un autre et je revenais au bureau le soir. Ça cranche avec ta vie d'adaptateur qui est assez sédentaire. Complètement. Mais alors, ce qui se passe, c'est que je gardais l'idée d'adapter dans un coin de ma tête. Parce que quand j'étais à Paris, comme j'avais cette formation de l'être classique, il m'avait un petit peu balancé, superviseur entre guillemets, des dialogues français, des doublages français. Donc j'avais des relations avec les Duterts à l'époque, Fred Safdie, Claude Rigalensou déjà, Natacha Nahon. Et c'est moi qui relisais les textes, qui allais éventuellement en plateau, qui leur faisais des observations, y compris sur les chansons des premiers films dont je m'étais occupé, c'était Peter Elliot le dragon en version animée. Et il s'est trouvé qu'au bout des deux ans à Londres, je suis revenu en France, la nouvelle équipe était arrivée à Eisner Katzenberg, et ils ont décidé de modifier totalement la structure des bureaux, de fermer le bureau français, et donc j'en ai profité, puisque j'étais comme tout le monde licencié à cette époque-là, pour me lancer dans le doublage, donc ça a commencé en 87. Ma première adaptation, c'était un Disney à l'époque qui s'appelle... J'ai oublié le titre, je ne sais plus. C'était un petit film mineur pour me faire la main. Mais très vite ensuite, j'ai eu des gens qui m'ont confié des films. Et on m'a confié un petit film en me disant c'est un petit film pas terrible qu'on ne va pas sortir en France. Mais bon, à titre d'essai, on va te le donner. Bon, il s'avérait que c'était un poisson nommé Vanda. Ce qui est dire la clairvoyance des distributeurs de l'époque. Et donc, effectivement, à partir de là, ça fait une carte de visite et les choses s'enchaînent assez vite. Du coup, ta formation, on va dire que ça a été une transmission directe par d'autres auteurs.
- Speaker #0
Alors oui, oui, et j'utilisais déjà de toute façon les doublages dans mon apprentissage de l'anglais. Quand j'étais jeune, j'étais passionné par les chansons, l'adaptation des chansons déjà à l'époque, et j'achetais les disques des chansons en VO sur certains films et le disque de la chanson en VF. Et je comparais les deux, je me disais mais comment ça marche ? Voilà, et puis ça m'aidait à apprendre l'anglais, à avoir un bon accent, voilà. augmenter mon vocabulaire. Donc effectivement oui, dans le cadre, presque dans le cadre de l'enseignement, je regardais un petit peu comment fonctionnait, comment pouvait fonctionner l'adaptation synchrone. Il y a un côté magique à la synchro quand on ne sait pas comment ça marche. Donc voilà oui, ça m'a toujours intéressé.
- Speaker #1
Comment tu décrirais ta journée du lever au coucher ?
- Speaker #0
Donc une journée type, c'est un peu Enfin c'est assez souvent une cavalcade. Donc, tout dépend des projets, mais effectivement, on reçoit, quand on a la chance encore de pouvoir travailler à domicile, ce qui n'est pas toujours le cas pour certains films, il faut être sur place à cause des craintes de piratage. Mais on reçoit des copies, souvent avec un password, ou on travaille sur un site en ligne pour le sous-titrage, où il faut être accrédité, avoir un password. se connecter avec son téléphone à la main pour pouvoir entrer un code temporaire. On travaille dans des sortes de coffres forts. De toute façon, qu'on soit chez soi ou à l'extérieur, c'est un peu un coffre fort. Moi, j'aime bien faire une journée complète, rester immergé dans le film. Donc c'est vrai que je ne fais pas énormément de pauses. Mais j'ai remarqué le côté magique de faire une pause. Quelquefois, on bute sur une difficulté pendant une heure, on va boire un café, on lit le journal, et d'un seul coup, on a trouvé la solution, la formule qu'on recherchait. Donc ça, c'est toujours très marrant. Mais c'est vrai que j'aime faire des journées assez longues, effectivement. Et dès que la fatigue se fait ressentir, il est temps de passer à autre chose. C'est toujours assez difficile à expliquer ce qu'on fait. C'est comme un cuisinier à qui on demande comment il fait sa tambouille. Il finit par être obligé de réfléchir en se disant « oui, c'est vrai, comment je fais ? » Ça devient naturel. C'est une chose qui… On ne se pose pas la question, en fait. On jongle avec le français beaucoup plus qu'avec l'anglais. Ce n'est pas compliqué de comprendre un texte anglais. Ce qui est compliqué, c'est de trouver la bonne formule qui va respecter la musicalité de l'anglais, le vocabulaire, l'humour éventuellement. Et il faut pouvoir dire la même chose de 15 façons différentes avant de trouver la bonne. Et justement, quand tu as un dîner en ville avec des gens que tu ne connais pas, Quand je parle de mon métier, quand je dis que je travaille dans le doublage, je fais de l'adaptation, ah bon, tu fais les voix ? Oui, toujours. De toute façon, ça a commencé très tôt, quand j'ai dit, oui, moi je travaille chez Disney, ah bon, tu dessines quoi ? Donc voilà, c'est exactement la même chose, mais bon, c'est normal. C'est normal parce que de toute façon, n'importe quel reportage à la télé, sur le doublage, c'est les comédiens qui sont... C'est la vitrine, voilà, c'est les voix connues, avec la voix de... un peu n'importe qui pour pouvoir avoir de la publicité. Mais bon, quelquefois, ça a du bon. Il y a des rencontres qui se font aussi. Il y a des voix qui collent parfaitement, des voix connues. Mais bon, c'est un procédé. qui est un peu une affaire de marketing, plus qu'une affaire artistique. Un inconnu, rencontré au cours d'un dîner, tu lui décris comment, en quelques mots ? En quelques mots, c'est j'écris les dialogues, j'écris les sous-titres, je rends le film accessible pour le public français, du mieux possible. Ça, c'est en quelques mots, effectivement. Et après, si on sent l'envie. Mais j'évite de parler boutique, sincèrement. À un moment donné, on fait ça toute la journée. On ne va pas passer notre vie non plus à raconter ce qu'on fait. Mais si on sent un intérêt, oui, on peut expliquer un petit peu comment ça marche sur les dialogues, les chansons, comment on arrive à restituer... un film, à rendre invisible son travail. Le but, c'est d'être le plus invisible possible, de rester un peu dans l'ombre. de s'effacer et de faire croire que le film a été tourné en français alors qu'il ne l'a pas été. Une de tes particularités, c'est que tu diriges aussi. Alors, j'ai dirigé très longtemps. J'ai arrêté il y a bien longtemps déjà, maintenant. Les deux derniers films que j'avais dirigés, c'était L.A. Confidential et Hit de Michael Mann, que j'adaptais également. Bon, c'est une école formidable parce que... c'est là qu'on voit le décalage qu'il peut y avoir entre ce qu'on pense avoir fait et la façon dont les autres le reçoivent. C'est-à-dire qu'en plateau, on peut voir les acteurs buter sur un truc alors qu'on ne s'était pas du tout dit que ça poserait problème. On comprend un peu mieux leurs difficultés, leur mauvaise foi aussi, quand ils font semblant de buter, d'accuser le texte alors que c'est pas forcément le texte le responsable. On fait des rencontres et moi je recommande à tous les adaptateurs d'aller au moins assister à des plateaux pour se rendre compte de la façon dont le texte est utilisé, respecté, dans les meilleurs des cas. Mais c'est très très très utile de s'apercevoir dès le départ aussi quand on commence, si on a écrit dans le bon rythme, si on n'a pas mis trop de texte ou pas assez de texte. textes. Il faut arriver à penser comédien. Et quand on écrit après, on joue aussi pour soi. On se relie, on essaie de voir si tout ça va rentrer dans le moule, dans la chaussure de l'acteur original.
- Speaker #1
Justement, cette étape qui est la vérification, comment tu la vis, toi ? Parce que c'est pas évident pour un adaptateur. Déjà, on doit lire tous les personnages.
- Speaker #0
Et ce qui est compliqué, c'est d'arriver à lâcher prise aussi. De ne pas être... totalement accro à son texte. On a beaucoup travaillé sur un texte. Les gens avec qui on vérifie sous-estiment un peu, je pense, aussi le travail. On s'est beaucoup donné, on a beaucoup travaillé et on a tendance à ne pas toujours être très ouvert à des demandes de modifications. Certaines sont justifiées, mais certaines sont très subjectives aussi. Chaque client a aussi d'ailleurs des demandes tout à fait différentes. Il y a des mots qu'il faut éviter avec un tel et qui passent avec un autre. Il y a des vérifs qui ne sont pas toujours très faciles. Ça dépend aussi de l'attitude des gens qu'on a en face de soi. Il y a des distributeurs, des directeurs artistiques qui préparent très très bien une vérif, qui sont très très au courant de telles nuances, de telles... Voilà, très à l'écoute et qui savent à l'avance où vont être les difficultés, pourquoi c'est difficile. Donc tout dépend des gens à qui on a affaire, tout dépend aussi de sa propre capacité à prendre un peu de recul sur son travail.
- Speaker #1
Tu t'es déjà battu pour garder une formulation qui dérive ?
- Speaker #0
Oui, mais si tu me demandes des exemples, ça va être compliqué. Oui, certainement, bien sûr. Bien sûr, parce qu'il y a des choses...
- Speaker #1
On prend les choses à cœur. Oui, mais il y a des choses auxquelles on tient, il y a des choses auxquelles on est attaché. Donc oui, je me suis souvent... battus aussi, quelques fois à tort d'ailleurs, après on se dit, mais bon, finalement pourquoi je me suis accroché à ça ? Donc c'est là où il faut effectivement, où il faut arriver à prendre du recul c'est ce qui est le plus difficile, je pense. Quel est le film que tu as préféré écrire ? Pas ton film préféré dans ceux que tu as écrits.
Il y en a deux pour des raisons similaires. Les films qui posent le plus de difficultés, quelque part, sont ceux qui marquent le plus. Effectivement, ça doit être L'étrange Noël de M. Jack et Le retour de Mary Poppins, très récemment, parce qu'ils comportent quand même 40 à 45 minutes de chansons synchrones, en plus du dialogue. Et que là, il faut avoir le temps. temps évidemment, mais là c'est une vraie bagarre de chaque phrase pour arriver à trouver comment arriver à restituer à la fois la musicalité, la prosodie, les rimes, en faire quelque chose qui coule de source, qui ne sent pas le travail, qui ne sent pas... Ça, c'est des souvenirs forcément marquants. Tout ce qui est chanson, tout ce qui est dialogue au bout d'un certain temps, effectivement on a aussi ses recettes, on a aussi ses facilités, on a des films qui posent plus ou moins de difficultés, mais ceux qui marquent vraiment, c'est ceux où il y a tous ces problèmes réunis, comme dans les chansons synchrones, c'est vraiment ce qu'il y a de plus difficile je pense.
- Speaker #0
Comment tu vas décider que des personnages se vouvoient ou se tutoient ? Parce qu'en anglais Alors ça, c'est un de mes gros problèmes. C'est un de mes gros problèmes et je m'oublie en cours de route. C'est-à-dire qu'en fonction des scènes et des rapports des personnages, on est tenté, enfin il y a une espèce de naturel à utiliser le tutoiement ou le vouvoiement. Mais il faut que je sois très... Ça, c'est souvent un de mes problèmes. C'est inconsciemment de passer de l'un à l'autre. Il faut arriver à prendre des notes ou se relire soigneusement et se dire au fait. Sur des personnages qui ont des rapports d'autorité, c'est pas compliqué. Il y a peu de personnages qui posent vraiment des problèmes. La difficulté, c'est de passer du vous au tu. Trouver l'endroit où de toute façon, il va falloir passer du vous au tu en dehors des conventions. Ça y est, ils ont couché ensemble, donc c'est tu. Mais ils ne couchent pas toujours ensemble. Donc à un moment donné, il faut trouver Le moment où ça bascule entre le vouvoiement et le tutoiement, ça c'est pas non plus toujours évident. Je crois que là, c'est un peu chacun pour soi. C'est une des questions métier qui m'intéresse le plus, parce que ça oblige, quand on se pose cette question, pour savoir si on va opter pour le tuyau ou le vous, ça oblige à réfléchir sur les relations entre les personnages. Et on avance déjà dans son boulot d'écriture quand on réfléchit à tout ça. Le scénariste national, lui, ne s'est pas posé la question. Non, mais en français, ça modifie beaucoup de choses. Il faut faire ça très prudemment, il faut y réfléchir. Parfois, on peut opter pour la mauvaise solution. Parfois, les deux peuvent être de bonnes solutions. On propose soi-même sa version, elle peut être discutée par la suite. Oui, on n'a pas forcément toujours raison. Le synchronisme. Moi, à chaque fois, on me dit, ah, ça ne doit pas être facile de coller. Bizarrement, ce n'est pas toujours ce qui est le plus difficile. Et je pense, j'ai réfléchi à ça, je pense que quand c'est très gros plan, c'est parfois moins difficile parce qu'on a moins d'options. On est obligé, on va droit au but, et on trouve assez rapidement quand même, en général, ce que... Mais le synchronisme, non, c'est un jeu de langues, de mots. Super, moi j'adore ça. Mais la difficulté quand on débute, c'est de ne pas être accroché à ça, de ne pas commencer par ça. Moi c'est la chose dont je m'occupe en dernier en fait, dans l'écriture. Je commence par m'occuper de ce que disent les gens, de quelle façon ils le disent, sur quel ton, avec quel vocabulaire, avec quel rang social, etc. Et une fois qu'on a à peu près démoulé tout ça, qu'on a une version, là je me dis, bon, il va falloir rendre ça synchrone. De quelle manière est-ce que je peux dire légèrement différemment, employer un autre mot ? Et le synchronisme, moi je le construis plutôt à la fin. Si on commence par le synchronisme, on écrit un texte qui est un peu esclave, qui est un peu esclave de l'original, qui est un peu bancal parfois, un peu lourd, il me semble. Donc moi, ce n'est pas la première chose à laquelle je m'attache. Derrière toi, il y a des figurines de toute taille, de Mickey, Minnie. Donc, en fait, les personnages te poursuivent jusque dans ton quotidien.
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Non, mais c'est un personnage que j'aime depuis mon enfance. Et puis, voilà, au fil du temps, je me suis dit, mais c'est amusant. Il y a quand même eu beaucoup de choses depuis les années 30. Beaucoup de petites maquettes, mais il y en a qui sont formidables. C'est des petites pages d'histoire. J'ai des petits Mickey en porcelaine d'avant le Troisième Reich en Allemagne, qui ont été bannis par Hitler à son arrivée. Mais ils étaient accros à Mickey eux aussi. Donc il y a plein de choses. Enfin oui, j'ai des petites figurines qui remontent aux années, à la naissance de Mickey, parce que j'ai le premier. J'ai un, je ne sais pas combien il y en a dans le monde, mais enfin c'est un des premiers... Un des premiers modèles de Mickey fait pour voir si ça allait, au titre de test en fait, pour voir si ça allait être intéressant sur le marché. Donc c'est vraiment le tout premier. Moi je collectionne, j'ai un peu la collectionnité.
- Speaker #0
Et t'es un fan de Disney alors ? Ah oui, toujours, oui. T'es un peu dégâté quand tu travailles sur Disney.
- Speaker #1
Mais j'ai commencé par ça, mais j'ai commencé par ça. L'Ami Public n°1 à l'époque, qui était une émission de Pierre Tchernia, qui montrait des petits bouts de films, puis il n'y avait pas la vidéo, il n'y avait pas... Il y avait une chose formidable à l'époque, c'est qu'on savait attendre. C'est-à-dire qu'on savait qu'un film allait arriver dans 8 mois, dans 6 mois, dans 4 mois. Bon, maintenant, on a tout, tout de suite, en plateforme, en téléphone. Et je trouve ça formidable techniquement, mais c'est dommage. Moi, j'adorais attendre. Non, mais il y a un plaisir à anticiper, le plaisir qu'on va avoir à voir un film qu'on a attendu. Et ça, c'est un truc qui manque, je crois, aux jeunes aujourd'hui. Enfin, en tout cas, moi, j'aime...
- Speaker #0
Comme les photos, on attendait qu'elles soient développées, tirées.
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Et on les avait pas... On savait à se rendre. On savait attendre. Il n'y avait pas l'immédiateté permanente qui se traduit dans le métier par l'immédiateté de... C'est pour hier, il faut rendre tout de suite. Voilà, il y a cette espèce de course permanente qui est quand même fatigante à la longue. C'est là aussi où je dis toujours, prenons du recul. Prenons du recul et faisons. Heureusement avec le métier, on arrive à s'adapter à des horaires de plus en plus serrés parce qu'on arrive à travailler un peu plus vite qu'au début. Les premiers films qu'on fait sont quand même... Plus laborieux, le travail est plus difficile, on n'ose pas poser le crayon. Moi, les premiers films, je n'osais même pas écrire un truc. Je me disais, ça va être définitif, c'est terrible, je n'osais pas écrire une phrase.
- Speaker #0
Tu viens de parler du crayon, justement.
- Speaker #1
Oui, c'était au crayon.
- Speaker #0
Tu as commencé en traditionnel. Oui, en rythme. Comment tu as vécu le passage à cette bourre virtuelle ?
- Speaker #1
Avec plaisir en fait, parce que je n'ai jamais décroché de l'informatique, de l'ordinateur. J'ai toujours eu la dernière version. Donc j'ai vu ces deux mondes se rencontrer avec plaisir. Parce que le crayon, l'arithmo, les traces de crayon, les doigts, les bobines qu'il fallait tourner à la main, à la manivelle, les boucles qui s'étalaient, le celluloïde qui s'étalait sur le plancher. Bon, ça va un moment, mais il y a un côté facile avec l'arithmo électronique. C'est formidable. La facilité de recevoir et d'envoyer le matériel. Moi, avant, j'avais... Sur un film, on avait un coursier qui venait le matin, ou alors il fallait aller chercher au studio des bouts de trucs, et puis tourner le lendemain. C'était pesant. L'organisation était plus pesante. Ce qui était amusant, c'est qu'on faisait ça à la main. Il y avait un côté artisanal qui était sympathique. Le cœur du métier n'a pas changé. La difficulté de fournir un bon travail a augmenté. C'est plus difficile. L'arithmioélectronique, on n'est plus tenté d'écrire un peu à droite à gauche. C'est peut-être parfois un peu moins synchrone, un peu moins... Tout dépend de la détection qu'on a, tout dépend. Mais avec la bande, il y avait une précision qui est peut-être moindre. Il faut être très vigilant avec l'arithmioélectronique. pour les attaques, pour les fins de phrases, il ne faut pas se laisser tenter à aller jusqu'au bout du truc, parce qu'en fait, ça a été détecté trop large, par exemple. Ou ça attaque trop tôt. Oui, et dans les 35, il y a un truc où on se laisse prendre assez souvent, c'est que les détections dans les scènes de dialogue, les phrases se chevauchent allègrement, alors que dans l'original, un film américain est très, très rare qu'une réplique morde sur une autre.
- Speaker #0
Et tu travailles en binôme avec certains détecteurs ?
- Speaker #1
Non, moi je fais confiance aux détecteurs. Bon, on voit, il y en a qui sont plus rapides, meilleurs que d'autres. On a plus de plaisir. Sur certains films, il m'est arrivé de demander un détecteur. Quand c'est vraiment... Ou une série, quand vraiment les trucs sont très serrés, très pressés. C'est vrai que là, oui, je dis, ce serait bien que... Qu'un tel le fasse, parce que j'aurais le truc plus vite, quoi. Je pourrais attaquer... Moi, j'aime bien commencer à travailler quand j'ai tout le matériel. Je ne sais pas pourquoi. C'est mon truc. Parce qu'on peut recevoir ça maintenant en plusieurs morceaux, en plusieurs... Je trouve qu'il y a une motivation supplémentaire quand on a tout d'un seul coup et on se dit ça y est, c'est parti, j'ai tout, il faut que j'y aille, il n'y a pas de choix. Quand on a ça morceau par morceau, on se dit bon, bah oui, on verra bien, j'aurai le reste à un moment donné. Donc bon, ça c'est un truc.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que tu attends d'une bonne détection justement pour être super à l'aise et te dire que tu n'as même pas à t'en préoccuper, tu peux faire confiance à ta détection et il n'y a plus que ton adaptation ?
- Speaker #1
Je sais pas, c'est une question compliquée. Moi j'ai toujours beaucoup travaillé à l'image. Parce qu'en fait quand je travaillais avec les rythmos traditionnels, j'ai jamais eu une machine synchrone. J'ai toujours travaillé à plat, c'est-à-dire que j'avais l'image d'un côté, alors ça a été des cassettes VHS, ça a été du DVD, mais j'avais l'image séparée de la rythmo. Donc de toute façon je me préoccupais moins de la détection que de l'image. Je regardais l'image. J'écoutais l'image, je me répétais les phrases avec l'image et je les couchais à la fin. Donc je retrouvais sur la bande ce que j'avais vu à l'image. Si je ne le retrouvais pas, je savais où il fallait caser la phrase. Donc je ne dis pas du tout que la détection n'est pas utile, c'est indispensable. Il faut qu'elle soit le plus précis possible. Mais je n'ai jamais eu de difficultés particulières avec une détection.
- Speaker #0
Quand tu as travaillé sur des séries Donc tu étais avec un ou deux autres auteurs ?
- Speaker #1
Généralement, non en fait. J'aime bien... Non, sur Flash, j'ai pris toute la série. Sur Flash, tu l'as pris ? Je prends l'ensemble. Oui, oui, je prends l'ensemble. Je n'aime pas du tout... C'est arrivé sur des petites séries où il y avait déjà des auteurs qui me demandaient d'en faire un ou deux pour rendre service. Donc bon, il faut se coordonner. On se dit, je vais écrire une bêtise. Puis ils n'ont pas forcément mis ça. Et puis c'est... Ça demande beaucoup de temps de se dire, de s'appeler. C'est un côté sympathique aussi, mais quand tout ça est pressé, non, moi je préfère garder ma cohérence sur la série, faire l'ensemble. Ce n'est pas du tout pour enlever du boulot aux autres, c'est que c'est plus facile de rester cohérent quand on a fait son propre univers, son donner le ton au personnage. Je trouve que ça peut apporter quelque chose à la série d'être... d'avoir une seule main derrière. Mais je n'ai pas d'avis là-dessus, je ne suis pas spécialiste des séries, j'en fais un peu plus depuis quelques années, effectivement, comme tout le monde, mais ça n'a pas été mon boulot principal sur une vingtaine d'années.
- Speaker #0
Et tu n'as jamais travaillé en tandem, comme par exemple l'éditaire ? ou Juliette Vigoureau, Alain Cassar ?
- Speaker #1
Non, pas vraiment. En sous-titrage, oui, c'est arrivé qu'il y ait un projet commencé par quelqu'un, qu'on finit, ou l'inverse. C'est une question de temps aussi, d'un projet. On ne maîtrise plus maintenant les dates d'arrivée du matériel. Donc on peut s'engager sur un truc qui arrive 15 jours plus tard, alors qu'on est sur autre chose, et donc il faut arranger les choses. On est obligé soit de laisser tomber un truc, soit on l'a déjà attaqué, mais il faut qu'on passe à autre chose. Donc ça, c'est arrivé, oui, de bosser à deux comme ça sur un projet particulier, mais c'est assez rare. Mais c'est vrai que j'aime bien être un peu maître à bord de ce que je fais, en fait. Donc il y a un plaisir à ça aussi.
- Speaker #0
Oui, puis est-ce que tu as besoin d'être justement très isolé quand tu travailles ?
- Speaker #1
Isoler, oui, mais bizarrement, je ne peux pas travailler dans le silence. Donc je travaille, mais avec la radio, assez fort, toujours. Et ça peut attirer mon attention de temps en temps, et je m'aperçois qu'inconsciemment, ça aide à réfléchir. Moi, je travaille toujours dans mon bruit, à moi. Je ne travaille pas dans le bruit des voitures, des pompiers, des machins. de la distraction permanente, mais je ne peux pas travailler dans le silence complet. Mais bon, je ne sais pas pourquoi, c'est comme ça.
- Speaker #0
Alors, dans ta filmographie, que j'ai relue avant de venir, il n'y a pas un film qu'on ne connaît pas. Je me crois,
- Speaker #1
si, quand même.
- Speaker #0
Tu es passé du blockbuster Godzilla à la comédie, tu parlais d'un poisson nommé Vanda, les dessins animés comme les Toy Story ou les films d'auteurs comme Le Temps des Gitans. Est-ce qu'il y a un genre de film ?
- Speaker #1
Non, je revendique... le besoin d'ailleurs de faire des films très différents les uns des autres parce que c'est ça qui nous sauve de la monotonie, c'est ça qui nous permet de jongler, de switcher d'un truc à un autre d'un vocabulaire à un autre de ne pas s'en croûter et à tel point que par moments c'est rigolo, je me suis fait la réflexion je bossais sur le Loup de Wall Street de Martin Scorsese et en même temps j'avais mais vraiment en même temps j'alternais avec La Fée Clochette pour Disney. Et je me disais, là, il y a un grand écart qui est quand même intéressant. Donc ça, c'est génial. Il faut pouvoir jongler avec tout ça.
- Speaker #0
C'est une super téléportation, ça. Dans la même journée d'un univers à l'univers.
- Speaker #1
Alors,
- Speaker #0
tu as aussi fait du musical ?
- Speaker #1
En musical, oui. L'étrange noël de Monsieur Jack et le retour de Mary Poppins. Mais il y en a eu d'autres, des petites chansons à droite à gauche, dans plein de films. L'adaptation de chansons, je ne le recommande pas forcément aux débutants, mais je le recommande. C'est quelque chose de formidable à faire, d'extrêmement difficile par moment. Il y a toujours un truc sur lequel on se prend la tête pendant parfois des semaines. Mary Poppins, il y avait 45 minutes, il y avait 9 chansons. J'ai pris, heureusement, en parlant avec Disney, j'ai réussi à obtenir une copie très très très très tôt. Uniquement avec les chansons, j'avais pas du tout le film, j'avais pas l'image, mais j'avais les séquences chantées. Le film sortait en décembre, j'ai dû avoir ça fin mai, début juin je crois. Et j'ai eu jusqu'au mois d'août pour les rendre, donc ça a été... J'y ai travaillé, pas constamment, mais ça revenait sur le tapis, ça revenait sur le feu pendant plusieurs mois, enfin deux mois disons, deux mois. Mais il faut ça pour les chansons, c'est... Et alors ça crée des rencontres aussi, des trucs amusants. Parce que j'avais fait les chansons d'un dessin animé Dreamworks qui s'appelait Spirit, les talons des plaines, qui étaient des chansons de Bryan Adams et qu'il chantait lui-même en version française. Donc, une petite pression de plus. Et ça s'est super bien passé. Il était très content. Et le film va à Cannes et il chante à Cannes avant la projection, une des chansons en français dans la salle. Wow ! Il était ravi parce qu'en fait, les chansons ont très bien marché au Canada. C'est rentré au box-office en français. Et du coup, six mois après, il m'appelle et me dit, j'ai un nouvel album, qui n'a plus rien à voir avec le film. J'ai un nouvel album, je veux que tu me le fasses en entier en français. Je dis, bon, allons-y. Donc, j'ai adapté un album entier de Brian Adams en français, pour pas grand-chose, parce qu'il n'a pas enregistré. parce qu'il n'est pas canadien francophone, il est canadien anglophone. Mais il m'a dit, tiens, je passe à Paris, j'ai envie d'en enregistrer une pour voir. On va faire un essai, etc. Tu peux venir. Bon, ben, j'ai passé le week-end avec Brian Adams. Et à un moment donné, il y a eu un truc très drôle. Il butait, alors bizarrement, alors qu'il ne bute pas en anglais, évidemment, il sait ce qu'il a écrit, comment il l'a fait. Mais avec le français, il butait sur une attaque. Il attaquait trop tôt. Je lui disais non, non, je lui disais non, c'est pas. Elle me disait mais si, c'est pas là. Et son technicien confirme, mais c'est pas là. Elle me dit ah bon, fais-moi voir. Il prend sa guitare et il me demande de chanter. Je me suis dit mais qu'est-ce que je fais là ? Et je lui ai fait son attaque là où il fallait. C'était très drôle.
- Speaker #0
Donc là, c'est tes rêves d'adolescence qui ont été complets ? Oui,
- Speaker #1
c'est des rencontres qu'on fait. Oui,
- Speaker #0
mais parce que tu m'as dit que dès l'adolescence, tu t'intéressais à l'adaptation de chansons. Oui,
- Speaker #1
oui, tout à fait. Mais il y a un plaisir à voir les chansons. Il y a toujours un plaisir à voir ce qu'on a fait après. Mais voir ce qu'on a fait en chansons, c'est puissance 10 quand même. Effectivement, quand ça tient la route, quand on n'a pas honte de ce qu'on a fait. Il vaut mieux assurer un peu. Non mais il y a des rencontres formidables, même en direction, parce qu'avec le hasard des choses, j'ai travaillé avec Jodie Foster sur quatre films, puisqu'elle se double elle-même, donc ça c'est des moments passionnants. On discute aussi de plein de choses, on a le temps de se parler toute la journée, de parler du métier, de comment elle voit les choses, c'est des vraies rencontres formidables.
- Speaker #0
T'as pas eu trop souvent sur les plateaux des « c'est pas ça qu'il dit en anglais » ? Des choses comme ça ?
- Speaker #1
Oh ! Si, ça arrive. Ça arrive. Oui, oui. L'acteur bilingue qui... Ah oui, c'est pas ça. Ouais, il faut être ouvert aussi. Moi, je leur dis quelquefois... Enfin, au début, c'est pareil que la vérif. Pardon. C'est pareil que la vérif. Il faut avoir du recul. Il faut pouvoir lâcher prise un peu sur ce qu'on a fait. Quand on dirige, parce que si on est vraiment accro totalement, ça peut bloquer un peu les comédiens. Donc il ne faut pas leur lâcher prise complètement, mais s'ils ont une intuition, s'ils ont un truc, je dis « bon bah essaie, on verra bien » . Il m'est arrivé de dire « bah oui, ok, c'est bon, on fait ça » . Il y a des auteurs qui font de la direction comme ça, enfin je ne les ai pas vus travailler, je sais que Jean-Marc Pintier est très... Très ouvert aussi à l'écoute des comédiens. Ça va dans les deux sens. C'est un travail collectif. Les comédiens ont envie souvent de s'approprier un peu le texte, mais ça fait partie aussi de leur insécurité quelque part. Ils ont quand même envie aussi d'être à l'aise avec ce qu'ils disent, ce qu'ils arrivent. Ils ne connaissent pas le texte, ils sont censés dire un truc de quelqu'un d'autre sur quelqu'un d'autre encore qui a parlé dans une autre langue. Il faut se mettre aussi à leur place. il faut... Il faut les aider à rentrer dans l'image. C'est vraiment passionnant, c'est très intéressant. Jusqu'au moment où ça devient too much. Il faut choisir. Dans mon cas, j'écrivais beaucoup, je dirigeais beaucoup. À un moment donné, je me dis que je ne peux pas continuer à faire les deux. Il faut choisir.
- Speaker #0
Portez quelque chose. Je n'ai pas ta collection de Mickey. Moi,
- Speaker #1
c'est ça.
- Speaker #0
J'en ai, mais je les ai tous, les personnages.
- Speaker #1
Toy Story, oui.
- Speaker #0
Même lui, je l'ai sous trois formes différentes. Je n'ai apporté que lui. Mais voilà.
- Speaker #1
Woody.
- Speaker #0
Alors déjà, merci de m'avoir fait rire.
- Speaker #1
Pleurer.
- Speaker #0
Non, mais pour moi, c'est culte.
- Speaker #1
Ah oui ? Bah écoute,
- Speaker #0
tant mieux. Avant que j'ai des enfants. Oui, oui. Rien à voir.
- Speaker #1
J'ai fait deux et trois.
- Speaker #0
Tu fais parler ces petits jouets, ce monsieur patate, comment on les fait parler ? Est-ce que tu les abordes comme des humains ? Comment tu mets face à un dessin animé ?
- Speaker #1
Il faut les aborder comme des humains, les comédiens aussi. Quand on fait un dessin animé, le pire que puisse faire un comédien, c'est de faire du dessin animé. Ce n'est pas des voix de dessin animé, il faut jouer ça très sérieusement. Oui, il faut être... Il faut les adopter comme des petits hommes, des petits bons hommes qui ont leur propre logique, qui sont des enfants déguisés aussi, enthousiastes, énergiques, etc. Mais je ne me suis pas vraiment posé la question. Buzz l'éclair, évidemment, il a...
- Speaker #0
Il est extrêmement touchant,
- Speaker #1
ce personnage. Oui, oui, oui. En même temps, il a cette espèce de redomontade.
- Speaker #0
Il y en a plein des comme lui, et c'est pas unique.
- Speaker #1
Non, mais moi, je félicite les auteurs originaux, en fait, parce que tout est dans l'original. On n'a pas de mérite. On a le mérite de restituer ce qu'on peut de ce qu'on nous donne. Ce qu'on nous donne est formidable. Ils ont créé tout un univers avec des acteurs exceptionnels. et voilà Il faut s'adapter à ça. Je n'ai pas le sentiment d'avoir... Enfin, j'espère avoir apporté ce que j'ai apporté, mais je n'ai pas la mesure, je ne peux pas te dire, je n'ai pas réfléchi à tout ça. Vers l'infini et au-delà,
- Speaker #0
même si c'est assez proche. Mais quand même, ça aurait pu être...
- Speaker #1
Je crois qu'il me semble qu'au Canada... Il y a d'autres versions. Ah non, non, vers l'infini et au-delà. Ça s'est mis comme ça. Oui, Buzz l'éclair aussi. Oui,
- Speaker #0
justement.
- Speaker #1
Buzz Lightyear, mais Année Lumière, on ne pouvait pas l'utiliser. Il y avait dit l'éclair, donc ça m'a semblé évident. Ça vient assez vite. Mais vers l'infini ou au-delà, il me semble, je fais peut-être erreur, je crois qu'au Canada, avec la synchro de Beyond, tout Infinity and Beyond, ils ont mis vers l'infini et plus loin encore, je crois. Et je crois que ça retombe, ça fait retomber le truc. Il faut vers l'infini et au-delà. Alors ça, c'est peut-être un peu aussi mes années de marketing, de publicité, où je cherchais des slogans, je cherchais des... J'avais aussi cette casquette-là, il fallait vendre les produits. Ah oui. Voilà. Donc c'est pour ça que les films annonces, en général, je n'ai pas trop non plus de difficultés, parce que je sais comment ça marche. Il faut arriver à trouver la formule.
- Speaker #0
La réplique qui accroche.
- Speaker #1
Et c'est des jouets, donc c'est du... Voilà, ils parlent pas comme du marketing, mais enfin, les formules sont ce qu'on peut voir sur une boîte de jouets, quoi, vers l'infini et au-delà. Voilà. Mais honnêtement, non, je peux pas... C'est pareil que tout à l'heure, j'ai pas réfléchi à tout ça de façon... Non, les jeux de mots, il y en a un, je m'en souviens toujours, dans les difficultés d'adapter des jeux de mots, des choses comme ça, c'est dans Un poisson nommé Vanda, où à propos de Kevin Kline, John Cleese disait « He's so dumb, he thinks the Gettysburg address is the place where Lincoln lives » . C'est-à-dire que « adresse » dans le sens discours, le discours de Gettysburg, il le prend pour l'adresse de Lincoln. Et avec ça, t'es censé faire un truc français. Mais dans ces cas-là, il y a une chose par contre que j'essaie de ne jamais faire, c'est de faire du franco-français, c'est-à-dire de mettre dedans...
- Speaker #0
Le franchouillard.
- Speaker #1
Oui, mais du truc français que le personnage ne peut absolument pas dire, c'est évident. Donc j'ai cherché longtemps et j'ai trouvé mon équivalent à moi, c'était il est tellement crétin ou tellement idiot qu'il croit que Pearl Harbour est une actrice de cinéma. À un moment donné, j'ai pensé à ça. Je me suis dit, bon, c'est à peu près du même niveau, ça fonctionne, c'est bon, et puis voilà. Donc ça, je m'en souviens, parce que je sais que celui-là m'a pris la tête un peu, celui-là. Ça, ça a été un peu difficile à trouver.
- Speaker #0
Tu écris aussi les sous-titres, parfois ?
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Ça n'a rien à voir dans la façon de travailler. C'est-à-dire que dans le doublage, en français, on a besoin d'un peu plus de mots. En sous-titres, on a besoin de moins de mots. Donc l'exercice est totalement inverse. Il faut respecter le temps de lecture. Il faut aussi restituer le sens, le ton, l'émotion d'une phrase éventuellement, mais dans un temps de lecture imparti. C'est un jonglage différent avec les mots. C'est complètement autre chose. On n'a pas le choix qu'on peut avoir de temps en temps dans le doublage de s'éloigner un petit peu. C'est plus strict. Il faut vraiment respecter. Il y a beaucoup de gens bilingues qui vont voir les films. Donc on ne peut pas sous-titrer n'importe quoi. Sauf dans l'humour, encore une fois, on est obligé d'adapter et tout le monde le comprend. Mais c'est un exercice passionnant aussi, mais ce n'est pas répétitif. Même quand on sous-titre un film qu'on a déjà dialogué, on n'a pas l'impression de remettre sur le tapis tout ce qu'on a fait. On est obligé de réadapter tout, de trouver d'autres solutions. Et alors le côté frustrant, c'est qu'on arrive à trouver un sous-titrage, une solution. on se dit, ah mais... Ça, c'est mieux que ce que j'avais trouvé en dialogue. Ben oui, mais trop tard. Bon, ben tant pis. Voilà, quelquefois, on se dit, oh là là, j'avais tourné autour de cette phrase longtemps, mais c'était pourtant simple. Mais bon, je ne conseille pas de revoir toujours ce qu'on a fait, en fait, trop longtemps après. Parce qu'à un moment donné, on ne voit plus que les défauts. On se dit, mais qu'est-ce que j'étais mauvais en ce temps-là. Si je le refaisais aujourd'hui, je n'écrirais pas du tout la même chose. Mais on se fait du mal, aussi.
- Speaker #0
Par rapport à la crise Covid, le métier a quand même été un petit peu...
- Speaker #1
Oui, parmi tant d'autres.
- Speaker #0
Est-ce que tu as continué d'écrire pendant le confinement ?
- Speaker #1
Alors oui, j'ai continué parce que j'écris pour les plateformes, mais que là, rien n'a changé, bien au contraire. Donc il faut les fournir. Il y a une demande d'ailleurs, je ne sais pas à long terme, quelle va être l'influence des plateformes sur le... Merci. Les sorties en salle, parce que les gens vont vraiment s'habituer à de plus en plus consommer à la maison. Donc c'est très dur pour le cinéma. Les projets cinéma sur lesquels je travaillais sont repoussés de six mois à un an. Voilà, ils sont toujours là et ils arriveront. en temps utile, on verra bien, on ne sait pas pour combien de temps on en a, donc accrochons-nous tous, je pense surtout aux jeunes qui démarrent, il y a beaucoup d'adaptateurs qui rament plus que moi probablement en ce moment, donc je ne pense pas tellement à moi dans l'histoire, mais c'est vrai que je suis content de pouvoir continuer à travailler, mais c'est par plaisir aussi, le mot-clé du métier c'est quand même le plaisir. de travailler.
- Speaker #0
Un jeune qui débuterait aujourd'hui, il lui dirait quoi ?
- Speaker #1
Je lui dirais qu'en gros, le métier, c'est toujours le même. C'est restituer au mieux un film dans une autre langue, avec tous les paramètres que ça comporte. Maintenant, la façon de le faire appartient à chacun, je crois. La technique appartient à chacun. Les choses ont énormément changé. Lui, il va trouver naturel les délais qu'on a, finalement. Nous, on les a eus se rétrécir au fil des ans. Et on a vu ce changement s'opérer, mais bon, la langue a changé beaucoup, elle change. C'est pour ça qu'à un moment donné, on s'accroche un certain temps. Mais moi, j'écris classique, j'écris à l'ancienne. Je m'adapte jusqu'à un certain point, mais je n'écris pas comme un gamin de 22 ans ou 23 ans, c'est évident.
- Speaker #0
Le vocabulaire ne peut pas être un vocabulaire mode.
- Speaker #1
Non, alors ça c'est le danger, oui, c'est toujours le danger. Quelquefois c'est le classique qui va surnager, parce que c'est intemporel, disons. Voilà, j'écris intemporel ! Non, j'en sais rien, mais oui, il faut se méfier de toutes les modes linguistiques qui datent les films. C'est comme les vêtements dans les films, à l'image. C'est comme tout ce qui est à l'image. Dans les films contemporains, je veux dire, c'est vrai que tout de suite, on voit, on se dit, « Oh là, ça, ça a pris un coup de vieux, quoi. » Ben nous aussi, nos textes, ils vont prendre un coup de vieux. Le jeu des acteurs a changé aussi. Mais bon, il faut s'y faire. La langue évolue, la façon de parler évolue, les mots changent. Et c'est très bien, c'est vivant.
- Speaker #0
C'est vivant.
- Speaker #1
Philippe Wittcock résume ainsi l'esprit d'un bon dialogue.
- Speaker #2
Les répliques qu'il a écrites pour des films que nous avons tous vus nous ont fait trembler,
- Speaker #3
rire et pleurer.
- Speaker #4
Retrouvez ces témoignages dans les autres podcasts de la série « Deux films qui viennent d'oublier » .