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Devine qui vient doubler ?

Doublage ou sous-titrage, une cuisine sans gras - Devine qui vient doubler ?

Doublage ou sous-titrage, une cuisine sans gras - Devine qui vient doubler ?

18min |17/12/2020
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Description

Vous êtes plutôt VO ou VF ? Doublage ou sous-titrage ? Affaire de goût direz-vous... Ce qui est sûr, c'est que dans les deux cas, un auteur ou une autrice se cache derrière l'alchimie entre texte et action. 

Vanessa Bertran rencontre Isabelle Audinot, qui écrit pour le doublage et le sous-titrage. Elle explique, avec passion, les différences d'approche et d'écriture pour ces deux techniques. 

Bienvenue dans la petite cuisine interne de celle qui a travaillé sur des films aussi variés que ceux de Darren Aronofsky, d'Abel Ferrara, Robert Zemeckis, Spike Jonze, Michael Moore ou Stephen Frears. Une grande richesse d'ingrédients, beaucoup d'épices, pour une cuisine toujours sans gras !

En savoir plus :

Une exposition en ligne sur le site du Musée de la Sacem va vous faire découvrir l’histoire du doublage ainsi que les dialoguistes emblématiques qui se cachent derrière les films que nous connaissons tous. 

Partez également à la découverte du métier aujourd’hui. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacerbe présente un podcast créé et dialogué par Vanessa Bertrand. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Comme le prod' d'Avec. J'ai un but. Le musée sacerbe. Devine qui vient doubler. Pour voir un film étranger, vous avez le choix entre sa version doublée ou sa version sous-titrée. Alors c'est une question de goût, on ne va pas rentrer dans la polémique, même si beaucoup de spectateurs ont un avis tranché. On peut aussi aimer voir des films en VO sous-titrés au cinéma, mais préférer une VF à la télé ou sur un écran de téléphone. Le propos de ce podcast, c'est de comprendre comment on écrit des sous-titres à la fois techniquement et selon quels choix artistiques, et quelles sont les grandes différences avec le doublage. Nous avons pour cela rencontré Isabelle Audineau, qui présente la particularité d'exercer les deux activités, même si elle a commencé le sous-titrage.

  • Speaker #1

    J'ai toujours adoré le cinéma, j'ai toujours regardé le ciné-club de Brion tous les dimanches ce soir. Et comme j'étais assez bonne en langue et que j'aimais le cinéma, ça s'est fait naturellement. J'ai fait ça, j'ai fait une maîtrise d'anglais à la Sorbonne et ensuite j'ai fait un à l'époque ça s'appelait 2SS. de sous-titrage, doublage à Lille. Et ça m'a mis le pied à l'étrier parce que ça m'a permis d'aller dans un laboratoire, de devenir relectrice, simulatrice. J'ai fait ce boulot-là pendant trois ans avant de me lancer en freelance. La plupart du temps, on est soit dialoguiste, soit auteur de sous-titres. Mais il y a toujours eu, et il y a encore, quelques rares auteurs qui font les deux. Les auteurs de sous-titres sont un peu les descendants des auteurs de carton, puisque leur texte est écrit. contrairement au texte de doublage qui est destiné à être interprété à l'oral. C'est d'ailleurs la différence majeure. Mais dans les cartons, même s'il y avait déjà quelques répliques écrites, il s'agissait surtout de résumer des situations dramatiques. L'idée était de pallier un défaut technique, à savoir l'impossibilité d'avoir des dialogues sur une bande-son. Aujourd'hui, l'auteur de sous-titres a pour mission première de traduire. puis de transmettre du sens en respectant un certain nombre de contraintes. On lui demande une création complexe qui exige une attention toute particulière à l'image, au sens des répliques, au jeu des comédiens et au changement de plan. Inventé pour le cinéma, le sous-titrage s'est étendu à la télévision, au DVD et il a connu une véritable explosion à l'apparition de la version multilingue. possibilité pour le spectateur de choisir en quelle langue il veut regarder un programme, quelle langue doublée et quelle langue sous-titrée. Pour commencer, qui commande des sous-titres à qui ? C'est le distributeur français qui est le commanditaire, qui appelle en direct la personne qui va faire la traduction, le sous-titrage, en tout cas pour le cinéma. En vidéo ou pour la télé, c'est plutôt le laboratoire qui choisit pour le client. Donc à partir de ce moment-là, le laboratoire nous appelle et nous dit. On va vous envoyer un repérage.

  • Speaker #0

    L'une des contraintes les plus évidentes, c'est la durée du sous-titre, qui implique sa longueur. Déterminer à quel moment du film interviendra chaque sous-titre, combien de caractères il comportera, c'est ce qu'on appelle le repérage, qui est effectué par un technicien en amont de l'écriture.

  • Speaker #1

    15 caractères par seconde, c'est la vitesse de lisibilité moyenne du public, c'est-à-dire que la personne qui repère regarde le film et puis a un script qui la note. Alors après, maintenant, ça peut être... De plus en plus, en fait, il n'adote pas le script. Il repère à la volée, c'est-à-dire que le personnage commence à parler, donc il met un point d'entrée. Il considère que là, il s'arrête soit à cause d'un changement de plan, soit parce qu'il s'arrête vraiment, soit parce qu'il respire, soit parce qu'il fait une énorme tirade, mais qu'il faut couper en deux. Et c'est lui, en fait, qui décide vraiment du découpage des sous-titres. Aujourd'hui, de plus en plus, on fait ce qu'on appelle des templates. C'est-à-dire que pour le monde entier, on fait un seul repérage, pour toutes les langues. Ce qui est pour moi vraiment une absurdité, parce qu'en fonction de la grammaire de la langue d'arrivée, en fonction du rythme, en fonction de plein de critères, on ne peut pas faire un seul repérage.

  • Speaker #0

    Ensuite, l'auteur des sous-titres entre en scène.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde le film une fois pour le plaisir, pour me mettre dans l'ambiance, comprendre un peu tous les enjeux. je le regarde une seconde fois avec le script. Et puis ensuite, alors moi, j'ai une façon de travailler qui n'est pas celle de tout le monde, c'est que je fais un premier jet très rapide pour tout mettre dans ma tête et ensuite je laisse mijoter et je fais quatre relectures. C'est-à-dire que je fais une relecture avec le film. Alors, je travaille avec le film, c'est-à-dire en regardant sur le logiciel, chaque réplique, je ne regarde pas le script, j'écoute. Je vois aussi, je regarde les personnages, je regarde, je prends en compte l'image, je veux dire. Je traduis, je sous-titre et puis ensuite, je relis avec le film. C'est-à-dire que je regarde le film, voilà. Et puis là, je me rends compte qu'il y a plein de choses qui ne vont pas ou que j'ai laissé de côté. Et plus ça va et plus je relis. en m'éloignant de l'original ou plutôt en me rapprochant de la langue cible. Donc je relis une fois sans le film, sur écran, ensuite je relis une fois sur papier, parce que quand on relit sur papier, on ne voit pas du tout les mêmes choses que quand on relit case par case, on a plus une globalité.

  • Speaker #0

    L'un des plus grands défis du sous-titrage, c'est de rendre à l'écrit un texte oral, sans faire littéraire, tout en retirant tous ces petits mots qu'on pourrait dire désémantisés. Vous savez, tous les... « Écoute, eh bien, enfin, tu vois, qu'ils sont souvent de trop dans les sous-titres. » Essentiellement parce que le spectateur les entend.

  • Speaker #1

    Une des grandes contraintes par rapport au doublage, c'est qu'on traduit de l'oral à l'écrit. Et en fait, notre traduction, elle est lue. En plus, elle est lue sous haute surveillance puisque la VO, elle reste. Donc le spectateur, non seulement il voit, il est obligé de lire du dialogue. qui n'est pas appuyé par le jeu des comédiens, par toute autre sorte de choses, qui est de l'ordre de l'oral. Il n'y a pas de notes de traducteur, on ne peut pas revenir en arrière, il faut vraiment que tout de suite ça claque.

  • Speaker #0

    Et une des caractéristiques de l'oralité, c'est la familiarité, voire la grossièreté de certaines répliques. Alors comment rendre tout ça à l'écrit sans passer le style à la moulinette et que le sous-titre ne soit pas fade ? Là ? On est dans le jugement, dans le discernement, dans le talent de l'auteur.

  • Speaker #1

    J'avais traduit en sous-titre un film qui s'appelait Projet X, qui est un film extrêmement grossier, en plus d'ados. Donc je m'étais fait en plus aider par des ados, parce que la langue évolue et moi, vraiment, j'étais un peu perplexe. Et j'avais fait un premier jet où je respectais toutes les grossièretés. J'avais même mis du verlan. J'avais même... Et en fait, je me suis rendue compte que par rapport à une version doublée, où j'aurais pu faire tout ça. tranquillement parce que les comédiens seraient venus appuyer ce que j'avais écrit. Là, en fait, le verlan, les renois, ça ne marchait absolument pas parce que ça demande un effort pour le cerveau de se dire « Alors, renois, c'est du verlan. » Le temps de se dire tout ça, en fait, ça ne coule pas, ce n'est pas fluide du tout. C'était il y a un certain nombre d'années, Projet X, il y a dix ans peut-être. Et aujourd'hui, peut-être que les choses évoluent, parce que le sous-titrage, il évolue. On s'habitue à certains mots qui, tout à coup, sont acceptables parce qu'on les a lus plusieurs fois, il faut les lire plusieurs fois. Finalement, j'avais pris le parti de mettre des petites touches de vulgarité et de grossièreté, mais de faire un truc plus neutre pour que la lecture ne soit pas toujours arrêtée. Si j'avais écrit une veuve, je n'aurais pas du tout fait ça de la même manière. J'y serais allée carrément parce que je savais qu'après... Le comédien, il vient apporter le ton, il vient apporter l'accent, il vient apporter... Il peut être tonitruant, il peut être doux, il peut être... Et avec cette... Voilà, ça, c'est vraiment un truc qu'on n'a pas en sous-titrage. On est obligé de rester un peu aussi en retrait pour être compris.

  • Speaker #0

    Dans quelles limites on peut rendre l'oralité d'un dialogue à l'écrit ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est une vraie question. ben Je pense qu'il faut être très humble, qu'il faut élaguer un maximum pour garder vraiment la substantifique moelle du sens. Il n'y a pas de gras, c'est une cuisine sans gras, le sous-titrage. Je ne veux pas dire par là que le doublage c'est gras, je veux dire que c'est plus riche. C'est une cuisine un peu plus riche. Mais là, vraiment, on garde... Oui, on garde l'essentiel.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on fait pour écrire dans la même année, avec la même exactitude, un film qui se passe dans l'univers du basket, un autre qui se passe dans les bureaux de la NSA, un autre sur un camp militaire ? Et à chaque fois, être vraisemblable et exact.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve que c'est tout l'intérêt de ce travail, c'est qu'en fait, on s'intéresse à des tas de choses. alors après on a plus ou moins d'intérêt à à certains sujets, mais on va chercher des professionnels et il y a toujours des personnes qui sont prêtes à nous aider et qui sont très, très enthousiastes. Je me souviens sur San Andreas, où il y avait un hélicoptère, il y avait un terme de manœuvre d'hélicoptère que je ne comprenais pas et j'avais trouvé quelqu'un de formidable qui m'avait aidée, mais vraiment très sympathique, qui m'avait aidée et quand je lui avais fait écouter... La scène, il m'avait dit, déjà là, le bruit de l'hélicoptère, c'est impossible. C'est-à-dire que le moteur ne peut pas faire ce bruit-là. Donc, on fait appel à des spécialistes. Ça m'est arrivé aussi sur Contrebande d'avoir un capitaine de la marine marchande. En ce moment, je traduis un film de Joe Pénin qui s'appelle Stowaway, qui se passe dans l'espace. Et là aussi, j'ai quelqu'un de très savant, qui est prêt à m'aider, qui est tellement enthousiaste. Et donc, on apprend beaucoup. Et puis aussi, on se rend compte que les gens sont prêts à nous faire profiter de leurs savoirs. Et ça, c'est assez chouette.

  • Speaker #0

    Et puis, avant que le sous-titre soit exploité, il reste encore une étape, la simulation.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je fais une pré-simulation avec quelqu'un avec qui je travaille tout le temps, qui lui pointe tout ce que pourra me demander le client en simulation. Donc, cette étape où on se retrouve au laboratoire avec... Une personne qui a la technique, qui est notre première spectatrice, en général c'est une femme, et puis le commanditaire et moi, et on discute. Et quand ça ne va pas, on s'arrête. Le film est sous-titré, mais en fait, tout est virtuel, donc on peut tout changer. Évidemment, les questions de sens, les coquilles, les ponctuations, le fait de rassembler les sous-titres ou pas, parfois la vitesse de lecture... Parfois, on trouve que ça va trop vite ou il y a un mot qui accroche. C'est une étape assez fondamentale qui est vachement intéressante.

  • Speaker #0

    Malgré ces différentes étapes, la fabrication d'un sous-titrage est beaucoup moins coûteuse qu'un doublage qui implique des frais supplémentaires de studios, de comédiens et de différents techniciens du son. C'est ce qui explique que dans certains pays, comme la Grèce ou les Pays-Bas, on se contente de sous-titrer les films. La simplicité de la technique du sous-titrage est une des premières choses qui m'a permis de faire ce que je fais. Donne d'ailleurs l'illusion que c'est facile, qu'on peut s'improviser sous-titreur.

  • Speaker #1

    Le fansubbing, c'est comme son nom l'indique, des fans qui sous-titrent gratuitement, souvent des séries, c'est couplé au piratage en fait. Les gens qui piratent et qui ont envie d'avoir un sous-titrage vont chercher des fichiers piratés, parce que c'est également illégal d'être fansubbeur. Des gens qui, en plus de leur travail comme ça, par passion, sous-titrent des films alors que ce n'est pas leur métier et ne sont pas rémunérés pour ça. Au début, c'était peut-être il y a 15 ans, on a essayé et de leur parler, et de leur expliquer, et puis peut-être aussi de se défendre parce qu'on se rendait compte qu'il y avait des sous-titrages qui sortaient comme ça, qui étaient piratés, couplés avec des œuvres piratées. Mais je ne sais pas maintenant, en fait, on n'a pas tellement réussi à s'entendre, évidemment, c'est normal. Donc, je dirais qu'un des effets bénéfiques, je crois, et j'en suis sûre, c'est que la VOST est beaucoup plus regardée par les pirates, puisqu'il y a de plus en plus de gens qui piratent. Et ils ne piratent pas des VF, ils piratent des VO. Et donc, ils les regardent sous-titrés, souvent mal sous-titrés. Je trouve que la VO a progressé dans les jeunes générations. Et je pense que c'est grâce à ça. Je pense que c'est grâce au piratage.

  • Speaker #0

    Beaucoup plus que le doublage, le sous-titrage a subi des tentatives de délocalisation. Vous savez, comme les centres d'appel qui vous téléphonent depuis l'étranger pour vous vendre des fenêtres. Mais dans le sous-titrage, comme dans le doublage, il faut de la proximité. On s'adresse à un public cible, qui a ses propres référentiels. C'est d'ailleurs le but de la traduction. Les tentatives de délocalisation ne sont donc pas toujours des plus heureuses, même si elles permettent des coûts moindres. Isabelle regrette que depuis quelques années, la concurrence entre laboratoires et tirer les tarifs vers le bas, ce qui a mené à une baisse d'exigence.

  • Speaker #1

    Il y a de moins en moins d'argent, il y a de moins en moins d'exigence aussi, de qualité. Moi, je commence à entendre, oh écoute, il faut que ce soit, ça va quoi, il faut que ce soit acceptable.

  • Speaker #0

    Idem, beaucoup voient dans l'intelligence artificielle une aubaine pour ne plus payer d'auteur. Est-ce une révolution inéluctable qui préfigure la disparition annoncée du métier d'auteur de sous-titres ?

  • Speaker #1

    En ce moment, on en parle pas mal. Il y a une société qui s'appelle Médiasolutions qui a décidé de, ça y est. d'utiliser l'intelligence artificielle pour faire du sous-titrage. C'est un vrai problème, effectivement. En fait, je pense que là, on est dans un vrai changement de modèle. Ce type de traduction automatique existe déjà dans la traduction technique depuis des années et on voit ce que ça a donné. C'est-à-dire qu'en fait, le traducteur devient un relecteur, devient un éditeur et il corrige la machine qui travaille mal. Et particulièrement là, au niveau des textes littéraires et des textes de cinéma, des histoires de fiction, c'est très compliqué pour une machine de faire la part des choses. Et beaucoup moins facile, en tout cas, qu'en traduction technique. Et je pense qu'en fait, la machine va très mal travailler. Mais c'est aux auteurs de refuser de devenir des relecteurs. Parce que là, on est en train de complètement... perdre ce qui fait la spécificité de notre métier, c'est de traduire. Je ne sais pas comment ça va se passer. On nous fait croire que tout est prêt, que l'intelligence artificielle, c'est formidable. C'est faux. La traduction automatique qui vient, c'est pour moi un peu la limite de notre pratique. Ça n'a plus aucun intérêt de relire une traduction affreuse faite par une machine. En plus, moi, je pense qu'en fait, quand c'est raté, c'est raté. On n'améliore pas une mauvaise traduction. Voilà, tu peux changer dans le détail. Mais c'est comme un vêtement qui est raté dès le départ. Si tu as donné un coup de ciseau, tu ne peux plus faire un truc bien. Et pour moi, je pense que c'est pareil, la traduction. On traduit du sens, on ne traduit pas des mots.

  • Speaker #0

    Bien que les auteurs de doublage et de sous-titrage n'aient pas tout à fait le même métier, quand on leur demande ce qu'est un bon texte, Ils nous font à peu près la même réponse.

  • Speaker #1

    La qualité majeure, c'est de se mettre au service, non pas de se faire plaisir et d'étaler sa science, mais de se mettre en retrait et de servir vraiment le propos. On est là pour transmettre, on n'est pas là pour briller. Et donc, on doit être invisible. Pour moi, je suis ravie quand on me dit « je n'ai pas du tout regardé les sous-titres » .

  • Speaker #0

    C'est aussi ce que le dialoguiste Philippe Wittcock dit en substance.

  • Speaker #1

    Le but, c'est d'être... Le plus invisible possible, de rester un peu dans l'ombre.

  • Speaker #0

    Pas facile pourtant de raboter l'image en lui superposant deux lignes de texte, d'un jaune qui claque, ou côté doublage, trafiquer la bande-son. Tout ça en créant l'illusion que le film a été tourné comme ça, pour comporter ses sous-titres ou ses voix françaises qui se font oublier. Mais quand le texte est bon, ça marche. La preuve, c'est que les gens qui vont voir les films sous-titrés ont l'impression d'être bilingues, alors que souvent, ils auraient du mal à indiquer à un touriste de prendre la première à droite et la deuxième à gauche. En gros, plus le spectateur a eu l'illusion de ne pas avoir eu besoin de sous-titres, meilleur étaient ces derniers.

  • Speaker #1

    C'est une illusion, c'est de la prestidigitation. On fait croire au public qu'il ne lise pas les sous-titres. C'est vraiment être le plus en retrait possible et le plus humble possible.

  • Speaker #0

    C'est exactement ce que nous confirme le dialoguiste et comédien Hubert Drac. Moi, je peux regarder un film, si j'ai le sous-titrage dessous, même en anglais, j'ai l'impression vraiment de comprendre très bien l'anglais. On me l'enlève, je perds cinq mots sur dix. En conclusion, écrire pour le sous-titrage, c'est un métier. Un métier compliqué qui demande de décrypter le film, de s'en imprégner, de maîtriser parfaitement le français, de comprendre le sens des dialogues d'origine, de trouver des répliques chocs, et tout ça dans des délais rarement confortables. Si vous êtes adepte du sous-titrage, il en est aussi question dans plusieurs autres podcasts de cette série. Alors, devine qui vient doubler ?

Chapters

  • Introduction au monde du sous-titrage et du doublage

    00:00

  • Rencontre avec Isabelle Audineau : parcours et expériences

    00:44

  • Processus de création des sous-titres : contraintes et techniques

    02:57

  • Les défis de la traduction orale à l'écrit

    05:49

  • L'impact de l'intelligence artificielle sur le sous-titrage

    10:50

  • Conclusion : l'art du sous-titrage et sa complexité

    18:09

Description

Vous êtes plutôt VO ou VF ? Doublage ou sous-titrage ? Affaire de goût direz-vous... Ce qui est sûr, c'est que dans les deux cas, un auteur ou une autrice se cache derrière l'alchimie entre texte et action. 

Vanessa Bertran rencontre Isabelle Audinot, qui écrit pour le doublage et le sous-titrage. Elle explique, avec passion, les différences d'approche et d'écriture pour ces deux techniques. 

Bienvenue dans la petite cuisine interne de celle qui a travaillé sur des films aussi variés que ceux de Darren Aronofsky, d'Abel Ferrara, Robert Zemeckis, Spike Jonze, Michael Moore ou Stephen Frears. Une grande richesse d'ingrédients, beaucoup d'épices, pour une cuisine toujours sans gras !

En savoir plus :

Une exposition en ligne sur le site du Musée de la Sacem va vous faire découvrir l’histoire du doublage ainsi que les dialoguistes emblématiques qui se cachent derrière les films que nous connaissons tous. 

Partez également à la découverte du métier aujourd’hui. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacerbe présente un podcast créé et dialogué par Vanessa Bertrand. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Comme le prod' d'Avec. J'ai un but. Le musée sacerbe. Devine qui vient doubler. Pour voir un film étranger, vous avez le choix entre sa version doublée ou sa version sous-titrée. Alors c'est une question de goût, on ne va pas rentrer dans la polémique, même si beaucoup de spectateurs ont un avis tranché. On peut aussi aimer voir des films en VO sous-titrés au cinéma, mais préférer une VF à la télé ou sur un écran de téléphone. Le propos de ce podcast, c'est de comprendre comment on écrit des sous-titres à la fois techniquement et selon quels choix artistiques, et quelles sont les grandes différences avec le doublage. Nous avons pour cela rencontré Isabelle Audineau, qui présente la particularité d'exercer les deux activités, même si elle a commencé le sous-titrage.

  • Speaker #1

    J'ai toujours adoré le cinéma, j'ai toujours regardé le ciné-club de Brion tous les dimanches ce soir. Et comme j'étais assez bonne en langue et que j'aimais le cinéma, ça s'est fait naturellement. J'ai fait ça, j'ai fait une maîtrise d'anglais à la Sorbonne et ensuite j'ai fait un à l'époque ça s'appelait 2SS. de sous-titrage, doublage à Lille. Et ça m'a mis le pied à l'étrier parce que ça m'a permis d'aller dans un laboratoire, de devenir relectrice, simulatrice. J'ai fait ce boulot-là pendant trois ans avant de me lancer en freelance. La plupart du temps, on est soit dialoguiste, soit auteur de sous-titres. Mais il y a toujours eu, et il y a encore, quelques rares auteurs qui font les deux. Les auteurs de sous-titres sont un peu les descendants des auteurs de carton, puisque leur texte est écrit. contrairement au texte de doublage qui est destiné à être interprété à l'oral. C'est d'ailleurs la différence majeure. Mais dans les cartons, même s'il y avait déjà quelques répliques écrites, il s'agissait surtout de résumer des situations dramatiques. L'idée était de pallier un défaut technique, à savoir l'impossibilité d'avoir des dialogues sur une bande-son. Aujourd'hui, l'auteur de sous-titres a pour mission première de traduire. puis de transmettre du sens en respectant un certain nombre de contraintes. On lui demande une création complexe qui exige une attention toute particulière à l'image, au sens des répliques, au jeu des comédiens et au changement de plan. Inventé pour le cinéma, le sous-titrage s'est étendu à la télévision, au DVD et il a connu une véritable explosion à l'apparition de la version multilingue. possibilité pour le spectateur de choisir en quelle langue il veut regarder un programme, quelle langue doublée et quelle langue sous-titrée. Pour commencer, qui commande des sous-titres à qui ? C'est le distributeur français qui est le commanditaire, qui appelle en direct la personne qui va faire la traduction, le sous-titrage, en tout cas pour le cinéma. En vidéo ou pour la télé, c'est plutôt le laboratoire qui choisit pour le client. Donc à partir de ce moment-là, le laboratoire nous appelle et nous dit. On va vous envoyer un repérage.

  • Speaker #0

    L'une des contraintes les plus évidentes, c'est la durée du sous-titre, qui implique sa longueur. Déterminer à quel moment du film interviendra chaque sous-titre, combien de caractères il comportera, c'est ce qu'on appelle le repérage, qui est effectué par un technicien en amont de l'écriture.

  • Speaker #1

    15 caractères par seconde, c'est la vitesse de lisibilité moyenne du public, c'est-à-dire que la personne qui repère regarde le film et puis a un script qui la note. Alors après, maintenant, ça peut être... De plus en plus, en fait, il n'adote pas le script. Il repère à la volée, c'est-à-dire que le personnage commence à parler, donc il met un point d'entrée. Il considère que là, il s'arrête soit à cause d'un changement de plan, soit parce qu'il s'arrête vraiment, soit parce qu'il respire, soit parce qu'il fait une énorme tirade, mais qu'il faut couper en deux. Et c'est lui, en fait, qui décide vraiment du découpage des sous-titres. Aujourd'hui, de plus en plus, on fait ce qu'on appelle des templates. C'est-à-dire que pour le monde entier, on fait un seul repérage, pour toutes les langues. Ce qui est pour moi vraiment une absurdité, parce qu'en fonction de la grammaire de la langue d'arrivée, en fonction du rythme, en fonction de plein de critères, on ne peut pas faire un seul repérage.

  • Speaker #0

    Ensuite, l'auteur des sous-titres entre en scène.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde le film une fois pour le plaisir, pour me mettre dans l'ambiance, comprendre un peu tous les enjeux. je le regarde une seconde fois avec le script. Et puis ensuite, alors moi, j'ai une façon de travailler qui n'est pas celle de tout le monde, c'est que je fais un premier jet très rapide pour tout mettre dans ma tête et ensuite je laisse mijoter et je fais quatre relectures. C'est-à-dire que je fais une relecture avec le film. Alors, je travaille avec le film, c'est-à-dire en regardant sur le logiciel, chaque réplique, je ne regarde pas le script, j'écoute. Je vois aussi, je regarde les personnages, je regarde, je prends en compte l'image, je veux dire. Je traduis, je sous-titre et puis ensuite, je relis avec le film. C'est-à-dire que je regarde le film, voilà. Et puis là, je me rends compte qu'il y a plein de choses qui ne vont pas ou que j'ai laissé de côté. Et plus ça va et plus je relis. en m'éloignant de l'original ou plutôt en me rapprochant de la langue cible. Donc je relis une fois sans le film, sur écran, ensuite je relis une fois sur papier, parce que quand on relit sur papier, on ne voit pas du tout les mêmes choses que quand on relit case par case, on a plus une globalité.

  • Speaker #0

    L'un des plus grands défis du sous-titrage, c'est de rendre à l'écrit un texte oral, sans faire littéraire, tout en retirant tous ces petits mots qu'on pourrait dire désémantisés. Vous savez, tous les... « Écoute, eh bien, enfin, tu vois, qu'ils sont souvent de trop dans les sous-titres. » Essentiellement parce que le spectateur les entend.

  • Speaker #1

    Une des grandes contraintes par rapport au doublage, c'est qu'on traduit de l'oral à l'écrit. Et en fait, notre traduction, elle est lue. En plus, elle est lue sous haute surveillance puisque la VO, elle reste. Donc le spectateur, non seulement il voit, il est obligé de lire du dialogue. qui n'est pas appuyé par le jeu des comédiens, par toute autre sorte de choses, qui est de l'ordre de l'oral. Il n'y a pas de notes de traducteur, on ne peut pas revenir en arrière, il faut vraiment que tout de suite ça claque.

  • Speaker #0

    Et une des caractéristiques de l'oralité, c'est la familiarité, voire la grossièreté de certaines répliques. Alors comment rendre tout ça à l'écrit sans passer le style à la moulinette et que le sous-titre ne soit pas fade ? Là ? On est dans le jugement, dans le discernement, dans le talent de l'auteur.

  • Speaker #1

    J'avais traduit en sous-titre un film qui s'appelait Projet X, qui est un film extrêmement grossier, en plus d'ados. Donc je m'étais fait en plus aider par des ados, parce que la langue évolue et moi, vraiment, j'étais un peu perplexe. Et j'avais fait un premier jet où je respectais toutes les grossièretés. J'avais même mis du verlan. J'avais même... Et en fait, je me suis rendue compte que par rapport à une version doublée, où j'aurais pu faire tout ça. tranquillement parce que les comédiens seraient venus appuyer ce que j'avais écrit. Là, en fait, le verlan, les renois, ça ne marchait absolument pas parce que ça demande un effort pour le cerveau de se dire « Alors, renois, c'est du verlan. » Le temps de se dire tout ça, en fait, ça ne coule pas, ce n'est pas fluide du tout. C'était il y a un certain nombre d'années, Projet X, il y a dix ans peut-être. Et aujourd'hui, peut-être que les choses évoluent, parce que le sous-titrage, il évolue. On s'habitue à certains mots qui, tout à coup, sont acceptables parce qu'on les a lus plusieurs fois, il faut les lire plusieurs fois. Finalement, j'avais pris le parti de mettre des petites touches de vulgarité et de grossièreté, mais de faire un truc plus neutre pour que la lecture ne soit pas toujours arrêtée. Si j'avais écrit une veuve, je n'aurais pas du tout fait ça de la même manière. J'y serais allée carrément parce que je savais qu'après... Le comédien, il vient apporter le ton, il vient apporter l'accent, il vient apporter... Il peut être tonitruant, il peut être doux, il peut être... Et avec cette... Voilà, ça, c'est vraiment un truc qu'on n'a pas en sous-titrage. On est obligé de rester un peu aussi en retrait pour être compris.

  • Speaker #0

    Dans quelles limites on peut rendre l'oralité d'un dialogue à l'écrit ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est une vraie question. ben Je pense qu'il faut être très humble, qu'il faut élaguer un maximum pour garder vraiment la substantifique moelle du sens. Il n'y a pas de gras, c'est une cuisine sans gras, le sous-titrage. Je ne veux pas dire par là que le doublage c'est gras, je veux dire que c'est plus riche. C'est une cuisine un peu plus riche. Mais là, vraiment, on garde... Oui, on garde l'essentiel.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on fait pour écrire dans la même année, avec la même exactitude, un film qui se passe dans l'univers du basket, un autre qui se passe dans les bureaux de la NSA, un autre sur un camp militaire ? Et à chaque fois, être vraisemblable et exact.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve que c'est tout l'intérêt de ce travail, c'est qu'en fait, on s'intéresse à des tas de choses. alors après on a plus ou moins d'intérêt à à certains sujets, mais on va chercher des professionnels et il y a toujours des personnes qui sont prêtes à nous aider et qui sont très, très enthousiastes. Je me souviens sur San Andreas, où il y avait un hélicoptère, il y avait un terme de manœuvre d'hélicoptère que je ne comprenais pas et j'avais trouvé quelqu'un de formidable qui m'avait aidée, mais vraiment très sympathique, qui m'avait aidée et quand je lui avais fait écouter... La scène, il m'avait dit, déjà là, le bruit de l'hélicoptère, c'est impossible. C'est-à-dire que le moteur ne peut pas faire ce bruit-là. Donc, on fait appel à des spécialistes. Ça m'est arrivé aussi sur Contrebande d'avoir un capitaine de la marine marchande. En ce moment, je traduis un film de Joe Pénin qui s'appelle Stowaway, qui se passe dans l'espace. Et là aussi, j'ai quelqu'un de très savant, qui est prêt à m'aider, qui est tellement enthousiaste. Et donc, on apprend beaucoup. Et puis aussi, on se rend compte que les gens sont prêts à nous faire profiter de leurs savoirs. Et ça, c'est assez chouette.

  • Speaker #0

    Et puis, avant que le sous-titre soit exploité, il reste encore une étape, la simulation.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je fais une pré-simulation avec quelqu'un avec qui je travaille tout le temps, qui lui pointe tout ce que pourra me demander le client en simulation. Donc, cette étape où on se retrouve au laboratoire avec... Une personne qui a la technique, qui est notre première spectatrice, en général c'est une femme, et puis le commanditaire et moi, et on discute. Et quand ça ne va pas, on s'arrête. Le film est sous-titré, mais en fait, tout est virtuel, donc on peut tout changer. Évidemment, les questions de sens, les coquilles, les ponctuations, le fait de rassembler les sous-titres ou pas, parfois la vitesse de lecture... Parfois, on trouve que ça va trop vite ou il y a un mot qui accroche. C'est une étape assez fondamentale qui est vachement intéressante.

  • Speaker #0

    Malgré ces différentes étapes, la fabrication d'un sous-titrage est beaucoup moins coûteuse qu'un doublage qui implique des frais supplémentaires de studios, de comédiens et de différents techniciens du son. C'est ce qui explique que dans certains pays, comme la Grèce ou les Pays-Bas, on se contente de sous-titrer les films. La simplicité de la technique du sous-titrage est une des premières choses qui m'a permis de faire ce que je fais. Donne d'ailleurs l'illusion que c'est facile, qu'on peut s'improviser sous-titreur.

  • Speaker #1

    Le fansubbing, c'est comme son nom l'indique, des fans qui sous-titrent gratuitement, souvent des séries, c'est couplé au piratage en fait. Les gens qui piratent et qui ont envie d'avoir un sous-titrage vont chercher des fichiers piratés, parce que c'est également illégal d'être fansubbeur. Des gens qui, en plus de leur travail comme ça, par passion, sous-titrent des films alors que ce n'est pas leur métier et ne sont pas rémunérés pour ça. Au début, c'était peut-être il y a 15 ans, on a essayé et de leur parler, et de leur expliquer, et puis peut-être aussi de se défendre parce qu'on se rendait compte qu'il y avait des sous-titrages qui sortaient comme ça, qui étaient piratés, couplés avec des œuvres piratées. Mais je ne sais pas maintenant, en fait, on n'a pas tellement réussi à s'entendre, évidemment, c'est normal. Donc, je dirais qu'un des effets bénéfiques, je crois, et j'en suis sûre, c'est que la VOST est beaucoup plus regardée par les pirates, puisqu'il y a de plus en plus de gens qui piratent. Et ils ne piratent pas des VF, ils piratent des VO. Et donc, ils les regardent sous-titrés, souvent mal sous-titrés. Je trouve que la VO a progressé dans les jeunes générations. Et je pense que c'est grâce à ça. Je pense que c'est grâce au piratage.

  • Speaker #0

    Beaucoup plus que le doublage, le sous-titrage a subi des tentatives de délocalisation. Vous savez, comme les centres d'appel qui vous téléphonent depuis l'étranger pour vous vendre des fenêtres. Mais dans le sous-titrage, comme dans le doublage, il faut de la proximité. On s'adresse à un public cible, qui a ses propres référentiels. C'est d'ailleurs le but de la traduction. Les tentatives de délocalisation ne sont donc pas toujours des plus heureuses, même si elles permettent des coûts moindres. Isabelle regrette que depuis quelques années, la concurrence entre laboratoires et tirer les tarifs vers le bas, ce qui a mené à une baisse d'exigence.

  • Speaker #1

    Il y a de moins en moins d'argent, il y a de moins en moins d'exigence aussi, de qualité. Moi, je commence à entendre, oh écoute, il faut que ce soit, ça va quoi, il faut que ce soit acceptable.

  • Speaker #0

    Idem, beaucoup voient dans l'intelligence artificielle une aubaine pour ne plus payer d'auteur. Est-ce une révolution inéluctable qui préfigure la disparition annoncée du métier d'auteur de sous-titres ?

  • Speaker #1

    En ce moment, on en parle pas mal. Il y a une société qui s'appelle Médiasolutions qui a décidé de, ça y est. d'utiliser l'intelligence artificielle pour faire du sous-titrage. C'est un vrai problème, effectivement. En fait, je pense que là, on est dans un vrai changement de modèle. Ce type de traduction automatique existe déjà dans la traduction technique depuis des années et on voit ce que ça a donné. C'est-à-dire qu'en fait, le traducteur devient un relecteur, devient un éditeur et il corrige la machine qui travaille mal. Et particulièrement là, au niveau des textes littéraires et des textes de cinéma, des histoires de fiction, c'est très compliqué pour une machine de faire la part des choses. Et beaucoup moins facile, en tout cas, qu'en traduction technique. Et je pense qu'en fait, la machine va très mal travailler. Mais c'est aux auteurs de refuser de devenir des relecteurs. Parce que là, on est en train de complètement... perdre ce qui fait la spécificité de notre métier, c'est de traduire. Je ne sais pas comment ça va se passer. On nous fait croire que tout est prêt, que l'intelligence artificielle, c'est formidable. C'est faux. La traduction automatique qui vient, c'est pour moi un peu la limite de notre pratique. Ça n'a plus aucun intérêt de relire une traduction affreuse faite par une machine. En plus, moi, je pense qu'en fait, quand c'est raté, c'est raté. On n'améliore pas une mauvaise traduction. Voilà, tu peux changer dans le détail. Mais c'est comme un vêtement qui est raté dès le départ. Si tu as donné un coup de ciseau, tu ne peux plus faire un truc bien. Et pour moi, je pense que c'est pareil, la traduction. On traduit du sens, on ne traduit pas des mots.

  • Speaker #0

    Bien que les auteurs de doublage et de sous-titrage n'aient pas tout à fait le même métier, quand on leur demande ce qu'est un bon texte, Ils nous font à peu près la même réponse.

  • Speaker #1

    La qualité majeure, c'est de se mettre au service, non pas de se faire plaisir et d'étaler sa science, mais de se mettre en retrait et de servir vraiment le propos. On est là pour transmettre, on n'est pas là pour briller. Et donc, on doit être invisible. Pour moi, je suis ravie quand on me dit « je n'ai pas du tout regardé les sous-titres » .

  • Speaker #0

    C'est aussi ce que le dialoguiste Philippe Wittcock dit en substance.

  • Speaker #1

    Le but, c'est d'être... Le plus invisible possible, de rester un peu dans l'ombre.

  • Speaker #0

    Pas facile pourtant de raboter l'image en lui superposant deux lignes de texte, d'un jaune qui claque, ou côté doublage, trafiquer la bande-son. Tout ça en créant l'illusion que le film a été tourné comme ça, pour comporter ses sous-titres ou ses voix françaises qui se font oublier. Mais quand le texte est bon, ça marche. La preuve, c'est que les gens qui vont voir les films sous-titrés ont l'impression d'être bilingues, alors que souvent, ils auraient du mal à indiquer à un touriste de prendre la première à droite et la deuxième à gauche. En gros, plus le spectateur a eu l'illusion de ne pas avoir eu besoin de sous-titres, meilleur étaient ces derniers.

  • Speaker #1

    C'est une illusion, c'est de la prestidigitation. On fait croire au public qu'il ne lise pas les sous-titres. C'est vraiment être le plus en retrait possible et le plus humble possible.

  • Speaker #0

    C'est exactement ce que nous confirme le dialoguiste et comédien Hubert Drac. Moi, je peux regarder un film, si j'ai le sous-titrage dessous, même en anglais, j'ai l'impression vraiment de comprendre très bien l'anglais. On me l'enlève, je perds cinq mots sur dix. En conclusion, écrire pour le sous-titrage, c'est un métier. Un métier compliqué qui demande de décrypter le film, de s'en imprégner, de maîtriser parfaitement le français, de comprendre le sens des dialogues d'origine, de trouver des répliques chocs, et tout ça dans des délais rarement confortables. Si vous êtes adepte du sous-titrage, il en est aussi question dans plusieurs autres podcasts de cette série. Alors, devine qui vient doubler ?

Chapters

  • Introduction au monde du sous-titrage et du doublage

    00:00

  • Rencontre avec Isabelle Audineau : parcours et expériences

    00:44

  • Processus de création des sous-titres : contraintes et techniques

    02:57

  • Les défis de la traduction orale à l'écrit

    05:49

  • L'impact de l'intelligence artificielle sur le sous-titrage

    10:50

  • Conclusion : l'art du sous-titrage et sa complexité

    18:09

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Description

Vous êtes plutôt VO ou VF ? Doublage ou sous-titrage ? Affaire de goût direz-vous... Ce qui est sûr, c'est que dans les deux cas, un auteur ou une autrice se cache derrière l'alchimie entre texte et action. 

Vanessa Bertran rencontre Isabelle Audinot, qui écrit pour le doublage et le sous-titrage. Elle explique, avec passion, les différences d'approche et d'écriture pour ces deux techniques. 

Bienvenue dans la petite cuisine interne de celle qui a travaillé sur des films aussi variés que ceux de Darren Aronofsky, d'Abel Ferrara, Robert Zemeckis, Spike Jonze, Michael Moore ou Stephen Frears. Une grande richesse d'ingrédients, beaucoup d'épices, pour une cuisine toujours sans gras !

En savoir plus :

Une exposition en ligne sur le site du Musée de la Sacem va vous faire découvrir l’histoire du doublage ainsi que les dialoguistes emblématiques qui se cachent derrière les films que nous connaissons tous. 

Partez également à la découverte du métier aujourd’hui. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacerbe présente un podcast créé et dialogué par Vanessa Bertrand. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Comme le prod' d'Avec. J'ai un but. Le musée sacerbe. Devine qui vient doubler. Pour voir un film étranger, vous avez le choix entre sa version doublée ou sa version sous-titrée. Alors c'est une question de goût, on ne va pas rentrer dans la polémique, même si beaucoup de spectateurs ont un avis tranché. On peut aussi aimer voir des films en VO sous-titrés au cinéma, mais préférer une VF à la télé ou sur un écran de téléphone. Le propos de ce podcast, c'est de comprendre comment on écrit des sous-titres à la fois techniquement et selon quels choix artistiques, et quelles sont les grandes différences avec le doublage. Nous avons pour cela rencontré Isabelle Audineau, qui présente la particularité d'exercer les deux activités, même si elle a commencé le sous-titrage.

  • Speaker #1

    J'ai toujours adoré le cinéma, j'ai toujours regardé le ciné-club de Brion tous les dimanches ce soir. Et comme j'étais assez bonne en langue et que j'aimais le cinéma, ça s'est fait naturellement. J'ai fait ça, j'ai fait une maîtrise d'anglais à la Sorbonne et ensuite j'ai fait un à l'époque ça s'appelait 2SS. de sous-titrage, doublage à Lille. Et ça m'a mis le pied à l'étrier parce que ça m'a permis d'aller dans un laboratoire, de devenir relectrice, simulatrice. J'ai fait ce boulot-là pendant trois ans avant de me lancer en freelance. La plupart du temps, on est soit dialoguiste, soit auteur de sous-titres. Mais il y a toujours eu, et il y a encore, quelques rares auteurs qui font les deux. Les auteurs de sous-titres sont un peu les descendants des auteurs de carton, puisque leur texte est écrit. contrairement au texte de doublage qui est destiné à être interprété à l'oral. C'est d'ailleurs la différence majeure. Mais dans les cartons, même s'il y avait déjà quelques répliques écrites, il s'agissait surtout de résumer des situations dramatiques. L'idée était de pallier un défaut technique, à savoir l'impossibilité d'avoir des dialogues sur une bande-son. Aujourd'hui, l'auteur de sous-titres a pour mission première de traduire. puis de transmettre du sens en respectant un certain nombre de contraintes. On lui demande une création complexe qui exige une attention toute particulière à l'image, au sens des répliques, au jeu des comédiens et au changement de plan. Inventé pour le cinéma, le sous-titrage s'est étendu à la télévision, au DVD et il a connu une véritable explosion à l'apparition de la version multilingue. possibilité pour le spectateur de choisir en quelle langue il veut regarder un programme, quelle langue doublée et quelle langue sous-titrée. Pour commencer, qui commande des sous-titres à qui ? C'est le distributeur français qui est le commanditaire, qui appelle en direct la personne qui va faire la traduction, le sous-titrage, en tout cas pour le cinéma. En vidéo ou pour la télé, c'est plutôt le laboratoire qui choisit pour le client. Donc à partir de ce moment-là, le laboratoire nous appelle et nous dit. On va vous envoyer un repérage.

  • Speaker #0

    L'une des contraintes les plus évidentes, c'est la durée du sous-titre, qui implique sa longueur. Déterminer à quel moment du film interviendra chaque sous-titre, combien de caractères il comportera, c'est ce qu'on appelle le repérage, qui est effectué par un technicien en amont de l'écriture.

  • Speaker #1

    15 caractères par seconde, c'est la vitesse de lisibilité moyenne du public, c'est-à-dire que la personne qui repère regarde le film et puis a un script qui la note. Alors après, maintenant, ça peut être... De plus en plus, en fait, il n'adote pas le script. Il repère à la volée, c'est-à-dire que le personnage commence à parler, donc il met un point d'entrée. Il considère que là, il s'arrête soit à cause d'un changement de plan, soit parce qu'il s'arrête vraiment, soit parce qu'il respire, soit parce qu'il fait une énorme tirade, mais qu'il faut couper en deux. Et c'est lui, en fait, qui décide vraiment du découpage des sous-titres. Aujourd'hui, de plus en plus, on fait ce qu'on appelle des templates. C'est-à-dire que pour le monde entier, on fait un seul repérage, pour toutes les langues. Ce qui est pour moi vraiment une absurdité, parce qu'en fonction de la grammaire de la langue d'arrivée, en fonction du rythme, en fonction de plein de critères, on ne peut pas faire un seul repérage.

  • Speaker #0

    Ensuite, l'auteur des sous-titres entre en scène.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde le film une fois pour le plaisir, pour me mettre dans l'ambiance, comprendre un peu tous les enjeux. je le regarde une seconde fois avec le script. Et puis ensuite, alors moi, j'ai une façon de travailler qui n'est pas celle de tout le monde, c'est que je fais un premier jet très rapide pour tout mettre dans ma tête et ensuite je laisse mijoter et je fais quatre relectures. C'est-à-dire que je fais une relecture avec le film. Alors, je travaille avec le film, c'est-à-dire en regardant sur le logiciel, chaque réplique, je ne regarde pas le script, j'écoute. Je vois aussi, je regarde les personnages, je regarde, je prends en compte l'image, je veux dire. Je traduis, je sous-titre et puis ensuite, je relis avec le film. C'est-à-dire que je regarde le film, voilà. Et puis là, je me rends compte qu'il y a plein de choses qui ne vont pas ou que j'ai laissé de côté. Et plus ça va et plus je relis. en m'éloignant de l'original ou plutôt en me rapprochant de la langue cible. Donc je relis une fois sans le film, sur écran, ensuite je relis une fois sur papier, parce que quand on relit sur papier, on ne voit pas du tout les mêmes choses que quand on relit case par case, on a plus une globalité.

  • Speaker #0

    L'un des plus grands défis du sous-titrage, c'est de rendre à l'écrit un texte oral, sans faire littéraire, tout en retirant tous ces petits mots qu'on pourrait dire désémantisés. Vous savez, tous les... « Écoute, eh bien, enfin, tu vois, qu'ils sont souvent de trop dans les sous-titres. » Essentiellement parce que le spectateur les entend.

  • Speaker #1

    Une des grandes contraintes par rapport au doublage, c'est qu'on traduit de l'oral à l'écrit. Et en fait, notre traduction, elle est lue. En plus, elle est lue sous haute surveillance puisque la VO, elle reste. Donc le spectateur, non seulement il voit, il est obligé de lire du dialogue. qui n'est pas appuyé par le jeu des comédiens, par toute autre sorte de choses, qui est de l'ordre de l'oral. Il n'y a pas de notes de traducteur, on ne peut pas revenir en arrière, il faut vraiment que tout de suite ça claque.

  • Speaker #0

    Et une des caractéristiques de l'oralité, c'est la familiarité, voire la grossièreté de certaines répliques. Alors comment rendre tout ça à l'écrit sans passer le style à la moulinette et que le sous-titre ne soit pas fade ? Là ? On est dans le jugement, dans le discernement, dans le talent de l'auteur.

  • Speaker #1

    J'avais traduit en sous-titre un film qui s'appelait Projet X, qui est un film extrêmement grossier, en plus d'ados. Donc je m'étais fait en plus aider par des ados, parce que la langue évolue et moi, vraiment, j'étais un peu perplexe. Et j'avais fait un premier jet où je respectais toutes les grossièretés. J'avais même mis du verlan. J'avais même... Et en fait, je me suis rendue compte que par rapport à une version doublée, où j'aurais pu faire tout ça. tranquillement parce que les comédiens seraient venus appuyer ce que j'avais écrit. Là, en fait, le verlan, les renois, ça ne marchait absolument pas parce que ça demande un effort pour le cerveau de se dire « Alors, renois, c'est du verlan. » Le temps de se dire tout ça, en fait, ça ne coule pas, ce n'est pas fluide du tout. C'était il y a un certain nombre d'années, Projet X, il y a dix ans peut-être. Et aujourd'hui, peut-être que les choses évoluent, parce que le sous-titrage, il évolue. On s'habitue à certains mots qui, tout à coup, sont acceptables parce qu'on les a lus plusieurs fois, il faut les lire plusieurs fois. Finalement, j'avais pris le parti de mettre des petites touches de vulgarité et de grossièreté, mais de faire un truc plus neutre pour que la lecture ne soit pas toujours arrêtée. Si j'avais écrit une veuve, je n'aurais pas du tout fait ça de la même manière. J'y serais allée carrément parce que je savais qu'après... Le comédien, il vient apporter le ton, il vient apporter l'accent, il vient apporter... Il peut être tonitruant, il peut être doux, il peut être... Et avec cette... Voilà, ça, c'est vraiment un truc qu'on n'a pas en sous-titrage. On est obligé de rester un peu aussi en retrait pour être compris.

  • Speaker #0

    Dans quelles limites on peut rendre l'oralité d'un dialogue à l'écrit ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est une vraie question. ben Je pense qu'il faut être très humble, qu'il faut élaguer un maximum pour garder vraiment la substantifique moelle du sens. Il n'y a pas de gras, c'est une cuisine sans gras, le sous-titrage. Je ne veux pas dire par là que le doublage c'est gras, je veux dire que c'est plus riche. C'est une cuisine un peu plus riche. Mais là, vraiment, on garde... Oui, on garde l'essentiel.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on fait pour écrire dans la même année, avec la même exactitude, un film qui se passe dans l'univers du basket, un autre qui se passe dans les bureaux de la NSA, un autre sur un camp militaire ? Et à chaque fois, être vraisemblable et exact.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve que c'est tout l'intérêt de ce travail, c'est qu'en fait, on s'intéresse à des tas de choses. alors après on a plus ou moins d'intérêt à à certains sujets, mais on va chercher des professionnels et il y a toujours des personnes qui sont prêtes à nous aider et qui sont très, très enthousiastes. Je me souviens sur San Andreas, où il y avait un hélicoptère, il y avait un terme de manœuvre d'hélicoptère que je ne comprenais pas et j'avais trouvé quelqu'un de formidable qui m'avait aidée, mais vraiment très sympathique, qui m'avait aidée et quand je lui avais fait écouter... La scène, il m'avait dit, déjà là, le bruit de l'hélicoptère, c'est impossible. C'est-à-dire que le moteur ne peut pas faire ce bruit-là. Donc, on fait appel à des spécialistes. Ça m'est arrivé aussi sur Contrebande d'avoir un capitaine de la marine marchande. En ce moment, je traduis un film de Joe Pénin qui s'appelle Stowaway, qui se passe dans l'espace. Et là aussi, j'ai quelqu'un de très savant, qui est prêt à m'aider, qui est tellement enthousiaste. Et donc, on apprend beaucoup. Et puis aussi, on se rend compte que les gens sont prêts à nous faire profiter de leurs savoirs. Et ça, c'est assez chouette.

  • Speaker #0

    Et puis, avant que le sous-titre soit exploité, il reste encore une étape, la simulation.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je fais une pré-simulation avec quelqu'un avec qui je travaille tout le temps, qui lui pointe tout ce que pourra me demander le client en simulation. Donc, cette étape où on se retrouve au laboratoire avec... Une personne qui a la technique, qui est notre première spectatrice, en général c'est une femme, et puis le commanditaire et moi, et on discute. Et quand ça ne va pas, on s'arrête. Le film est sous-titré, mais en fait, tout est virtuel, donc on peut tout changer. Évidemment, les questions de sens, les coquilles, les ponctuations, le fait de rassembler les sous-titres ou pas, parfois la vitesse de lecture... Parfois, on trouve que ça va trop vite ou il y a un mot qui accroche. C'est une étape assez fondamentale qui est vachement intéressante.

  • Speaker #0

    Malgré ces différentes étapes, la fabrication d'un sous-titrage est beaucoup moins coûteuse qu'un doublage qui implique des frais supplémentaires de studios, de comédiens et de différents techniciens du son. C'est ce qui explique que dans certains pays, comme la Grèce ou les Pays-Bas, on se contente de sous-titrer les films. La simplicité de la technique du sous-titrage est une des premières choses qui m'a permis de faire ce que je fais. Donne d'ailleurs l'illusion que c'est facile, qu'on peut s'improviser sous-titreur.

  • Speaker #1

    Le fansubbing, c'est comme son nom l'indique, des fans qui sous-titrent gratuitement, souvent des séries, c'est couplé au piratage en fait. Les gens qui piratent et qui ont envie d'avoir un sous-titrage vont chercher des fichiers piratés, parce que c'est également illégal d'être fansubbeur. Des gens qui, en plus de leur travail comme ça, par passion, sous-titrent des films alors que ce n'est pas leur métier et ne sont pas rémunérés pour ça. Au début, c'était peut-être il y a 15 ans, on a essayé et de leur parler, et de leur expliquer, et puis peut-être aussi de se défendre parce qu'on se rendait compte qu'il y avait des sous-titrages qui sortaient comme ça, qui étaient piratés, couplés avec des œuvres piratées. Mais je ne sais pas maintenant, en fait, on n'a pas tellement réussi à s'entendre, évidemment, c'est normal. Donc, je dirais qu'un des effets bénéfiques, je crois, et j'en suis sûre, c'est que la VOST est beaucoup plus regardée par les pirates, puisqu'il y a de plus en plus de gens qui piratent. Et ils ne piratent pas des VF, ils piratent des VO. Et donc, ils les regardent sous-titrés, souvent mal sous-titrés. Je trouve que la VO a progressé dans les jeunes générations. Et je pense que c'est grâce à ça. Je pense que c'est grâce au piratage.

  • Speaker #0

    Beaucoup plus que le doublage, le sous-titrage a subi des tentatives de délocalisation. Vous savez, comme les centres d'appel qui vous téléphonent depuis l'étranger pour vous vendre des fenêtres. Mais dans le sous-titrage, comme dans le doublage, il faut de la proximité. On s'adresse à un public cible, qui a ses propres référentiels. C'est d'ailleurs le but de la traduction. Les tentatives de délocalisation ne sont donc pas toujours des plus heureuses, même si elles permettent des coûts moindres. Isabelle regrette que depuis quelques années, la concurrence entre laboratoires et tirer les tarifs vers le bas, ce qui a mené à une baisse d'exigence.

  • Speaker #1

    Il y a de moins en moins d'argent, il y a de moins en moins d'exigence aussi, de qualité. Moi, je commence à entendre, oh écoute, il faut que ce soit, ça va quoi, il faut que ce soit acceptable.

  • Speaker #0

    Idem, beaucoup voient dans l'intelligence artificielle une aubaine pour ne plus payer d'auteur. Est-ce une révolution inéluctable qui préfigure la disparition annoncée du métier d'auteur de sous-titres ?

  • Speaker #1

    En ce moment, on en parle pas mal. Il y a une société qui s'appelle Médiasolutions qui a décidé de, ça y est. d'utiliser l'intelligence artificielle pour faire du sous-titrage. C'est un vrai problème, effectivement. En fait, je pense que là, on est dans un vrai changement de modèle. Ce type de traduction automatique existe déjà dans la traduction technique depuis des années et on voit ce que ça a donné. C'est-à-dire qu'en fait, le traducteur devient un relecteur, devient un éditeur et il corrige la machine qui travaille mal. Et particulièrement là, au niveau des textes littéraires et des textes de cinéma, des histoires de fiction, c'est très compliqué pour une machine de faire la part des choses. Et beaucoup moins facile, en tout cas, qu'en traduction technique. Et je pense qu'en fait, la machine va très mal travailler. Mais c'est aux auteurs de refuser de devenir des relecteurs. Parce que là, on est en train de complètement... perdre ce qui fait la spécificité de notre métier, c'est de traduire. Je ne sais pas comment ça va se passer. On nous fait croire que tout est prêt, que l'intelligence artificielle, c'est formidable. C'est faux. La traduction automatique qui vient, c'est pour moi un peu la limite de notre pratique. Ça n'a plus aucun intérêt de relire une traduction affreuse faite par une machine. En plus, moi, je pense qu'en fait, quand c'est raté, c'est raté. On n'améliore pas une mauvaise traduction. Voilà, tu peux changer dans le détail. Mais c'est comme un vêtement qui est raté dès le départ. Si tu as donné un coup de ciseau, tu ne peux plus faire un truc bien. Et pour moi, je pense que c'est pareil, la traduction. On traduit du sens, on ne traduit pas des mots.

  • Speaker #0

    Bien que les auteurs de doublage et de sous-titrage n'aient pas tout à fait le même métier, quand on leur demande ce qu'est un bon texte, Ils nous font à peu près la même réponse.

  • Speaker #1

    La qualité majeure, c'est de se mettre au service, non pas de se faire plaisir et d'étaler sa science, mais de se mettre en retrait et de servir vraiment le propos. On est là pour transmettre, on n'est pas là pour briller. Et donc, on doit être invisible. Pour moi, je suis ravie quand on me dit « je n'ai pas du tout regardé les sous-titres » .

  • Speaker #0

    C'est aussi ce que le dialoguiste Philippe Wittcock dit en substance.

  • Speaker #1

    Le but, c'est d'être... Le plus invisible possible, de rester un peu dans l'ombre.

  • Speaker #0

    Pas facile pourtant de raboter l'image en lui superposant deux lignes de texte, d'un jaune qui claque, ou côté doublage, trafiquer la bande-son. Tout ça en créant l'illusion que le film a été tourné comme ça, pour comporter ses sous-titres ou ses voix françaises qui se font oublier. Mais quand le texte est bon, ça marche. La preuve, c'est que les gens qui vont voir les films sous-titrés ont l'impression d'être bilingues, alors que souvent, ils auraient du mal à indiquer à un touriste de prendre la première à droite et la deuxième à gauche. En gros, plus le spectateur a eu l'illusion de ne pas avoir eu besoin de sous-titres, meilleur étaient ces derniers.

  • Speaker #1

    C'est une illusion, c'est de la prestidigitation. On fait croire au public qu'il ne lise pas les sous-titres. C'est vraiment être le plus en retrait possible et le plus humble possible.

  • Speaker #0

    C'est exactement ce que nous confirme le dialoguiste et comédien Hubert Drac. Moi, je peux regarder un film, si j'ai le sous-titrage dessous, même en anglais, j'ai l'impression vraiment de comprendre très bien l'anglais. On me l'enlève, je perds cinq mots sur dix. En conclusion, écrire pour le sous-titrage, c'est un métier. Un métier compliqué qui demande de décrypter le film, de s'en imprégner, de maîtriser parfaitement le français, de comprendre le sens des dialogues d'origine, de trouver des répliques chocs, et tout ça dans des délais rarement confortables. Si vous êtes adepte du sous-titrage, il en est aussi question dans plusieurs autres podcasts de cette série. Alors, devine qui vient doubler ?

Chapters

  • Introduction au monde du sous-titrage et du doublage

    00:00

  • Rencontre avec Isabelle Audineau : parcours et expériences

    00:44

  • Processus de création des sous-titres : contraintes et techniques

    02:57

  • Les défis de la traduction orale à l'écrit

    05:49

  • L'impact de l'intelligence artificielle sur le sous-titrage

    10:50

  • Conclusion : l'art du sous-titrage et sa complexité

    18:09

Description

Vous êtes plutôt VO ou VF ? Doublage ou sous-titrage ? Affaire de goût direz-vous... Ce qui est sûr, c'est que dans les deux cas, un auteur ou une autrice se cache derrière l'alchimie entre texte et action. 

Vanessa Bertran rencontre Isabelle Audinot, qui écrit pour le doublage et le sous-titrage. Elle explique, avec passion, les différences d'approche et d'écriture pour ces deux techniques. 

Bienvenue dans la petite cuisine interne de celle qui a travaillé sur des films aussi variés que ceux de Darren Aronofsky, d'Abel Ferrara, Robert Zemeckis, Spike Jonze, Michael Moore ou Stephen Frears. Une grande richesse d'ingrédients, beaucoup d'épices, pour une cuisine toujours sans gras !

En savoir plus :

Une exposition en ligne sur le site du Musée de la Sacem va vous faire découvrir l’histoire du doublage ainsi que les dialoguistes emblématiques qui se cachent derrière les films que nous connaissons tous. 

Partez également à la découverte du métier aujourd’hui. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacerbe présente un podcast créé et dialogué par Vanessa Bertrand. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Devine qui vient doubler. Comme le prod' d'Avec. J'ai un but. Le musée sacerbe. Devine qui vient doubler. Pour voir un film étranger, vous avez le choix entre sa version doublée ou sa version sous-titrée. Alors c'est une question de goût, on ne va pas rentrer dans la polémique, même si beaucoup de spectateurs ont un avis tranché. On peut aussi aimer voir des films en VO sous-titrés au cinéma, mais préférer une VF à la télé ou sur un écran de téléphone. Le propos de ce podcast, c'est de comprendre comment on écrit des sous-titres à la fois techniquement et selon quels choix artistiques, et quelles sont les grandes différences avec le doublage. Nous avons pour cela rencontré Isabelle Audineau, qui présente la particularité d'exercer les deux activités, même si elle a commencé le sous-titrage.

  • Speaker #1

    J'ai toujours adoré le cinéma, j'ai toujours regardé le ciné-club de Brion tous les dimanches ce soir. Et comme j'étais assez bonne en langue et que j'aimais le cinéma, ça s'est fait naturellement. J'ai fait ça, j'ai fait une maîtrise d'anglais à la Sorbonne et ensuite j'ai fait un à l'époque ça s'appelait 2SS. de sous-titrage, doublage à Lille. Et ça m'a mis le pied à l'étrier parce que ça m'a permis d'aller dans un laboratoire, de devenir relectrice, simulatrice. J'ai fait ce boulot-là pendant trois ans avant de me lancer en freelance. La plupart du temps, on est soit dialoguiste, soit auteur de sous-titres. Mais il y a toujours eu, et il y a encore, quelques rares auteurs qui font les deux. Les auteurs de sous-titres sont un peu les descendants des auteurs de carton, puisque leur texte est écrit. contrairement au texte de doublage qui est destiné à être interprété à l'oral. C'est d'ailleurs la différence majeure. Mais dans les cartons, même s'il y avait déjà quelques répliques écrites, il s'agissait surtout de résumer des situations dramatiques. L'idée était de pallier un défaut technique, à savoir l'impossibilité d'avoir des dialogues sur une bande-son. Aujourd'hui, l'auteur de sous-titres a pour mission première de traduire. puis de transmettre du sens en respectant un certain nombre de contraintes. On lui demande une création complexe qui exige une attention toute particulière à l'image, au sens des répliques, au jeu des comédiens et au changement de plan. Inventé pour le cinéma, le sous-titrage s'est étendu à la télévision, au DVD et il a connu une véritable explosion à l'apparition de la version multilingue. possibilité pour le spectateur de choisir en quelle langue il veut regarder un programme, quelle langue doublée et quelle langue sous-titrée. Pour commencer, qui commande des sous-titres à qui ? C'est le distributeur français qui est le commanditaire, qui appelle en direct la personne qui va faire la traduction, le sous-titrage, en tout cas pour le cinéma. En vidéo ou pour la télé, c'est plutôt le laboratoire qui choisit pour le client. Donc à partir de ce moment-là, le laboratoire nous appelle et nous dit. On va vous envoyer un repérage.

  • Speaker #0

    L'une des contraintes les plus évidentes, c'est la durée du sous-titre, qui implique sa longueur. Déterminer à quel moment du film interviendra chaque sous-titre, combien de caractères il comportera, c'est ce qu'on appelle le repérage, qui est effectué par un technicien en amont de l'écriture.

  • Speaker #1

    15 caractères par seconde, c'est la vitesse de lisibilité moyenne du public, c'est-à-dire que la personne qui repère regarde le film et puis a un script qui la note. Alors après, maintenant, ça peut être... De plus en plus, en fait, il n'adote pas le script. Il repère à la volée, c'est-à-dire que le personnage commence à parler, donc il met un point d'entrée. Il considère que là, il s'arrête soit à cause d'un changement de plan, soit parce qu'il s'arrête vraiment, soit parce qu'il respire, soit parce qu'il fait une énorme tirade, mais qu'il faut couper en deux. Et c'est lui, en fait, qui décide vraiment du découpage des sous-titres. Aujourd'hui, de plus en plus, on fait ce qu'on appelle des templates. C'est-à-dire que pour le monde entier, on fait un seul repérage, pour toutes les langues. Ce qui est pour moi vraiment une absurdité, parce qu'en fonction de la grammaire de la langue d'arrivée, en fonction du rythme, en fonction de plein de critères, on ne peut pas faire un seul repérage.

  • Speaker #0

    Ensuite, l'auteur des sous-titres entre en scène.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde le film une fois pour le plaisir, pour me mettre dans l'ambiance, comprendre un peu tous les enjeux. je le regarde une seconde fois avec le script. Et puis ensuite, alors moi, j'ai une façon de travailler qui n'est pas celle de tout le monde, c'est que je fais un premier jet très rapide pour tout mettre dans ma tête et ensuite je laisse mijoter et je fais quatre relectures. C'est-à-dire que je fais une relecture avec le film. Alors, je travaille avec le film, c'est-à-dire en regardant sur le logiciel, chaque réplique, je ne regarde pas le script, j'écoute. Je vois aussi, je regarde les personnages, je regarde, je prends en compte l'image, je veux dire. Je traduis, je sous-titre et puis ensuite, je relis avec le film. C'est-à-dire que je regarde le film, voilà. Et puis là, je me rends compte qu'il y a plein de choses qui ne vont pas ou que j'ai laissé de côté. Et plus ça va et plus je relis. en m'éloignant de l'original ou plutôt en me rapprochant de la langue cible. Donc je relis une fois sans le film, sur écran, ensuite je relis une fois sur papier, parce que quand on relit sur papier, on ne voit pas du tout les mêmes choses que quand on relit case par case, on a plus une globalité.

  • Speaker #0

    L'un des plus grands défis du sous-titrage, c'est de rendre à l'écrit un texte oral, sans faire littéraire, tout en retirant tous ces petits mots qu'on pourrait dire désémantisés. Vous savez, tous les... « Écoute, eh bien, enfin, tu vois, qu'ils sont souvent de trop dans les sous-titres. » Essentiellement parce que le spectateur les entend.

  • Speaker #1

    Une des grandes contraintes par rapport au doublage, c'est qu'on traduit de l'oral à l'écrit. Et en fait, notre traduction, elle est lue. En plus, elle est lue sous haute surveillance puisque la VO, elle reste. Donc le spectateur, non seulement il voit, il est obligé de lire du dialogue. qui n'est pas appuyé par le jeu des comédiens, par toute autre sorte de choses, qui est de l'ordre de l'oral. Il n'y a pas de notes de traducteur, on ne peut pas revenir en arrière, il faut vraiment que tout de suite ça claque.

  • Speaker #0

    Et une des caractéristiques de l'oralité, c'est la familiarité, voire la grossièreté de certaines répliques. Alors comment rendre tout ça à l'écrit sans passer le style à la moulinette et que le sous-titre ne soit pas fade ? Là ? On est dans le jugement, dans le discernement, dans le talent de l'auteur.

  • Speaker #1

    J'avais traduit en sous-titre un film qui s'appelait Projet X, qui est un film extrêmement grossier, en plus d'ados. Donc je m'étais fait en plus aider par des ados, parce que la langue évolue et moi, vraiment, j'étais un peu perplexe. Et j'avais fait un premier jet où je respectais toutes les grossièretés. J'avais même mis du verlan. J'avais même... Et en fait, je me suis rendue compte que par rapport à une version doublée, où j'aurais pu faire tout ça. tranquillement parce que les comédiens seraient venus appuyer ce que j'avais écrit. Là, en fait, le verlan, les renois, ça ne marchait absolument pas parce que ça demande un effort pour le cerveau de se dire « Alors, renois, c'est du verlan. » Le temps de se dire tout ça, en fait, ça ne coule pas, ce n'est pas fluide du tout. C'était il y a un certain nombre d'années, Projet X, il y a dix ans peut-être. Et aujourd'hui, peut-être que les choses évoluent, parce que le sous-titrage, il évolue. On s'habitue à certains mots qui, tout à coup, sont acceptables parce qu'on les a lus plusieurs fois, il faut les lire plusieurs fois. Finalement, j'avais pris le parti de mettre des petites touches de vulgarité et de grossièreté, mais de faire un truc plus neutre pour que la lecture ne soit pas toujours arrêtée. Si j'avais écrit une veuve, je n'aurais pas du tout fait ça de la même manière. J'y serais allée carrément parce que je savais qu'après... Le comédien, il vient apporter le ton, il vient apporter l'accent, il vient apporter... Il peut être tonitruant, il peut être doux, il peut être... Et avec cette... Voilà, ça, c'est vraiment un truc qu'on n'a pas en sous-titrage. On est obligé de rester un peu aussi en retrait pour être compris.

  • Speaker #0

    Dans quelles limites on peut rendre l'oralité d'un dialogue à l'écrit ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est une vraie question. ben Je pense qu'il faut être très humble, qu'il faut élaguer un maximum pour garder vraiment la substantifique moelle du sens. Il n'y a pas de gras, c'est une cuisine sans gras, le sous-titrage. Je ne veux pas dire par là que le doublage c'est gras, je veux dire que c'est plus riche. C'est une cuisine un peu plus riche. Mais là, vraiment, on garde... Oui, on garde l'essentiel.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on fait pour écrire dans la même année, avec la même exactitude, un film qui se passe dans l'univers du basket, un autre qui se passe dans les bureaux de la NSA, un autre sur un camp militaire ? Et à chaque fois, être vraisemblable et exact.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve que c'est tout l'intérêt de ce travail, c'est qu'en fait, on s'intéresse à des tas de choses. alors après on a plus ou moins d'intérêt à à certains sujets, mais on va chercher des professionnels et il y a toujours des personnes qui sont prêtes à nous aider et qui sont très, très enthousiastes. Je me souviens sur San Andreas, où il y avait un hélicoptère, il y avait un terme de manœuvre d'hélicoptère que je ne comprenais pas et j'avais trouvé quelqu'un de formidable qui m'avait aidée, mais vraiment très sympathique, qui m'avait aidée et quand je lui avais fait écouter... La scène, il m'avait dit, déjà là, le bruit de l'hélicoptère, c'est impossible. C'est-à-dire que le moteur ne peut pas faire ce bruit-là. Donc, on fait appel à des spécialistes. Ça m'est arrivé aussi sur Contrebande d'avoir un capitaine de la marine marchande. En ce moment, je traduis un film de Joe Pénin qui s'appelle Stowaway, qui se passe dans l'espace. Et là aussi, j'ai quelqu'un de très savant, qui est prêt à m'aider, qui est tellement enthousiaste. Et donc, on apprend beaucoup. Et puis aussi, on se rend compte que les gens sont prêts à nous faire profiter de leurs savoirs. Et ça, c'est assez chouette.

  • Speaker #0

    Et puis, avant que le sous-titre soit exploité, il reste encore une étape, la simulation.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je fais une pré-simulation avec quelqu'un avec qui je travaille tout le temps, qui lui pointe tout ce que pourra me demander le client en simulation. Donc, cette étape où on se retrouve au laboratoire avec... Une personne qui a la technique, qui est notre première spectatrice, en général c'est une femme, et puis le commanditaire et moi, et on discute. Et quand ça ne va pas, on s'arrête. Le film est sous-titré, mais en fait, tout est virtuel, donc on peut tout changer. Évidemment, les questions de sens, les coquilles, les ponctuations, le fait de rassembler les sous-titres ou pas, parfois la vitesse de lecture... Parfois, on trouve que ça va trop vite ou il y a un mot qui accroche. C'est une étape assez fondamentale qui est vachement intéressante.

  • Speaker #0

    Malgré ces différentes étapes, la fabrication d'un sous-titrage est beaucoup moins coûteuse qu'un doublage qui implique des frais supplémentaires de studios, de comédiens et de différents techniciens du son. C'est ce qui explique que dans certains pays, comme la Grèce ou les Pays-Bas, on se contente de sous-titrer les films. La simplicité de la technique du sous-titrage est une des premières choses qui m'a permis de faire ce que je fais. Donne d'ailleurs l'illusion que c'est facile, qu'on peut s'improviser sous-titreur.

  • Speaker #1

    Le fansubbing, c'est comme son nom l'indique, des fans qui sous-titrent gratuitement, souvent des séries, c'est couplé au piratage en fait. Les gens qui piratent et qui ont envie d'avoir un sous-titrage vont chercher des fichiers piratés, parce que c'est également illégal d'être fansubbeur. Des gens qui, en plus de leur travail comme ça, par passion, sous-titrent des films alors que ce n'est pas leur métier et ne sont pas rémunérés pour ça. Au début, c'était peut-être il y a 15 ans, on a essayé et de leur parler, et de leur expliquer, et puis peut-être aussi de se défendre parce qu'on se rendait compte qu'il y avait des sous-titrages qui sortaient comme ça, qui étaient piratés, couplés avec des œuvres piratées. Mais je ne sais pas maintenant, en fait, on n'a pas tellement réussi à s'entendre, évidemment, c'est normal. Donc, je dirais qu'un des effets bénéfiques, je crois, et j'en suis sûre, c'est que la VOST est beaucoup plus regardée par les pirates, puisqu'il y a de plus en plus de gens qui piratent. Et ils ne piratent pas des VF, ils piratent des VO. Et donc, ils les regardent sous-titrés, souvent mal sous-titrés. Je trouve que la VO a progressé dans les jeunes générations. Et je pense que c'est grâce à ça. Je pense que c'est grâce au piratage.

  • Speaker #0

    Beaucoup plus que le doublage, le sous-titrage a subi des tentatives de délocalisation. Vous savez, comme les centres d'appel qui vous téléphonent depuis l'étranger pour vous vendre des fenêtres. Mais dans le sous-titrage, comme dans le doublage, il faut de la proximité. On s'adresse à un public cible, qui a ses propres référentiels. C'est d'ailleurs le but de la traduction. Les tentatives de délocalisation ne sont donc pas toujours des plus heureuses, même si elles permettent des coûts moindres. Isabelle regrette que depuis quelques années, la concurrence entre laboratoires et tirer les tarifs vers le bas, ce qui a mené à une baisse d'exigence.

  • Speaker #1

    Il y a de moins en moins d'argent, il y a de moins en moins d'exigence aussi, de qualité. Moi, je commence à entendre, oh écoute, il faut que ce soit, ça va quoi, il faut que ce soit acceptable.

  • Speaker #0

    Idem, beaucoup voient dans l'intelligence artificielle une aubaine pour ne plus payer d'auteur. Est-ce une révolution inéluctable qui préfigure la disparition annoncée du métier d'auteur de sous-titres ?

  • Speaker #1

    En ce moment, on en parle pas mal. Il y a une société qui s'appelle Médiasolutions qui a décidé de, ça y est. d'utiliser l'intelligence artificielle pour faire du sous-titrage. C'est un vrai problème, effectivement. En fait, je pense que là, on est dans un vrai changement de modèle. Ce type de traduction automatique existe déjà dans la traduction technique depuis des années et on voit ce que ça a donné. C'est-à-dire qu'en fait, le traducteur devient un relecteur, devient un éditeur et il corrige la machine qui travaille mal. Et particulièrement là, au niveau des textes littéraires et des textes de cinéma, des histoires de fiction, c'est très compliqué pour une machine de faire la part des choses. Et beaucoup moins facile, en tout cas, qu'en traduction technique. Et je pense qu'en fait, la machine va très mal travailler. Mais c'est aux auteurs de refuser de devenir des relecteurs. Parce que là, on est en train de complètement... perdre ce qui fait la spécificité de notre métier, c'est de traduire. Je ne sais pas comment ça va se passer. On nous fait croire que tout est prêt, que l'intelligence artificielle, c'est formidable. C'est faux. La traduction automatique qui vient, c'est pour moi un peu la limite de notre pratique. Ça n'a plus aucun intérêt de relire une traduction affreuse faite par une machine. En plus, moi, je pense qu'en fait, quand c'est raté, c'est raté. On n'améliore pas une mauvaise traduction. Voilà, tu peux changer dans le détail. Mais c'est comme un vêtement qui est raté dès le départ. Si tu as donné un coup de ciseau, tu ne peux plus faire un truc bien. Et pour moi, je pense que c'est pareil, la traduction. On traduit du sens, on ne traduit pas des mots.

  • Speaker #0

    Bien que les auteurs de doublage et de sous-titrage n'aient pas tout à fait le même métier, quand on leur demande ce qu'est un bon texte, Ils nous font à peu près la même réponse.

  • Speaker #1

    La qualité majeure, c'est de se mettre au service, non pas de se faire plaisir et d'étaler sa science, mais de se mettre en retrait et de servir vraiment le propos. On est là pour transmettre, on n'est pas là pour briller. Et donc, on doit être invisible. Pour moi, je suis ravie quand on me dit « je n'ai pas du tout regardé les sous-titres » .

  • Speaker #0

    C'est aussi ce que le dialoguiste Philippe Wittcock dit en substance.

  • Speaker #1

    Le but, c'est d'être... Le plus invisible possible, de rester un peu dans l'ombre.

  • Speaker #0

    Pas facile pourtant de raboter l'image en lui superposant deux lignes de texte, d'un jaune qui claque, ou côté doublage, trafiquer la bande-son. Tout ça en créant l'illusion que le film a été tourné comme ça, pour comporter ses sous-titres ou ses voix françaises qui se font oublier. Mais quand le texte est bon, ça marche. La preuve, c'est que les gens qui vont voir les films sous-titrés ont l'impression d'être bilingues, alors que souvent, ils auraient du mal à indiquer à un touriste de prendre la première à droite et la deuxième à gauche. En gros, plus le spectateur a eu l'illusion de ne pas avoir eu besoin de sous-titres, meilleur étaient ces derniers.

  • Speaker #1

    C'est une illusion, c'est de la prestidigitation. On fait croire au public qu'il ne lise pas les sous-titres. C'est vraiment être le plus en retrait possible et le plus humble possible.

  • Speaker #0

    C'est exactement ce que nous confirme le dialoguiste et comédien Hubert Drac. Moi, je peux regarder un film, si j'ai le sous-titrage dessous, même en anglais, j'ai l'impression vraiment de comprendre très bien l'anglais. On me l'enlève, je perds cinq mots sur dix. En conclusion, écrire pour le sous-titrage, c'est un métier. Un métier compliqué qui demande de décrypter le film, de s'en imprégner, de maîtriser parfaitement le français, de comprendre le sens des dialogues d'origine, de trouver des répliques chocs, et tout ça dans des délais rarement confortables. Si vous êtes adepte du sous-titrage, il en est aussi question dans plusieurs autres podcasts de cette série. Alors, devine qui vient doubler ?

Chapters

  • Introduction au monde du sous-titrage et du doublage

    00:00

  • Rencontre avec Isabelle Audineau : parcours et expériences

    00:44

  • Processus de création des sous-titres : contraintes et techniques

    02:57

  • Les défis de la traduction orale à l'écrit

    05:49

  • L'impact de l'intelligence artificielle sur le sous-titrage

    10:50

  • Conclusion : l'art du sous-titrage et sa complexité

    18:09

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