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Double Regard

Inès face aux préjugés dans le milieu médical

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20min |06/12/2024
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Inès face aux préjugés dans le milieu médical

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20min |06/12/2024
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Description

😀 Dans ce nouvel épisode, Inès nous partage son histoire, celle d’une double culture enrichissante mais parfois complexe. Franco-tunisienne, elle revient sur ses souvenirs d'enfance en Tunisie, et des défis qu’elle a rencontrés pour trouver sa place entre ces deux mondes.

Inès partage également son expérience dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant, où elle travaille comme autrice et administratrice de production. Elle aborde des sujets comme la transmission culturelle, les stéréotypes et les obstacles invisibles auxquels elle a pu être confrontée.

Elle nous parle également du syndrome méditerranéen, un préjugé médical qui peut nier ou minimiser la douleur des patients issus du bassin méditerranéen, qui a affecté sa propre prise en charge.

Elle revient sur l’impact de ces biais et sur la manière dont cela a inspiré sa dernière pièce.

Un témoignage sincère, drôle et touchant, qui met en lumière les nuances de la double culture et les défis qu’elle soulève, autant dans la vie personnelle que dans la société.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrissent et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis,

  • Speaker #0

    il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Inès, mon père est Tunisien, né en Tunisie à Sfax et arrivé à l'âge de 17-18 ans. Ma mère est française, d'origine allemande et italienne, et je travaille dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant. Je fais notamment de la production, mais j'écris, je suis aussi autrice de pièces de théâtre. J'allais en vacances en Tunisie. Je pense que ça fluctuait en fonction des moments de mon enfance. Je ne me souviens évidemment pas des toutes premières fois où j'y suis allée et où j'étais trop petite. Je pense que mes souvenirs commencent à arriver à partir de mes six ans. On devait y aller une fois par an ou tous les deux ans après. Ça commence à s'étaler tous les deux ans. Je dirais entre deux et quatre semaines en fonction des années. Et c'était toujours un mélange de... Évidemment, on allait dans la famille, chez ma grand-mère. On voyait aussi tout le monde en même temps parce qu'en Tunisie, on vit beaucoup en famille. Où tu as la maison principale au milieu, qui est souvent la maison des grands-parents. Et les enfants ont construit des maisons autour. Donc à un moment donné, il y a quelque chose qui fait que... On se rassemble, quand on va, tout le monde est là. Après, la famille, la famille, c'est grand en Tunisie. C'est très grand. Donc, tu finis toujours par faire effectivement le tour de tes oncles et tantes, mais de la famille, de ta grand-mère, de la sœur de ta grand-mère, où tu dois aller d'une maison à l'autre et tu dois aller voir tout le monde. Et d'année en année, tu essayes de retenir les noms, qui est qui, qui est l'enfant de qui ou la sœur de qui. Voilà, ça c'est le tour annuel estival de la famille. Et puis après, tu te baladais, tu allais à Mamet, à Sousse. Ce qui est sûr, c'est que t'arrives en Tunisie, tu te sens dépaysé. Alors que t'es peut-être pas si loin que ça, t'es qu'à trois heures de vol, mais je me sens plus dépaysé en arrivant en Tunisie, en sentant la chaleur de l'été, voir les palmiers sur les bords de la route, ces trottoirs différents, c'est pas notre signalisation différente que partir n'importe où en Europe. Je crois que mon premier souvenir... C'est d'arriver dans la cour de chez ma grand-mère, sortir de la voiture et avoir une fille un peu plus âgée que moi qui court vers moi et me prend dans ses bras et me fait voler en l'air. Et de ne pas réussir à savoir qui c'est, alors que c'est ma cousine. Et je devais effectivement peut-être avoir 5-6 ans et pour moi les choses étaient si loin que je ne pouvais pas remettre qui était qui et découvrir. Un peu à chaque fois cet environnement. Je pense que ça, c'est l'un de mes premiers souvenirs. Ma famille parlait français parce que, évidemment, la Tunisie a un lien très fort avec la France. Mon grand-père parlait très bien français puisqu'il a été à l'école sous l'école française. Ma grand-mère ne parlait pas du tout, par contre, français puisque les femmes restant à la maison n'apprenaient pas le français. Par contre, mes oncles, mes tantes, mes cousins, mes cousines, tout le monde parle français, avec un français d'ailleurs assez bon. J'imagine que les classes sociales jouent aussi. Ma famille en Tunisie vient d'une classe moyenne aisée, donc qui leur a permis une éducation sur ce type de choses. Après, effectivement, même dans la rue, je n'ai jamais eu de difficulté à parler français. Dès que tu arrives quelque part, tu te mets à parler français, les gens te répondent en français. Je sentais qu'il y avait une séparation fille-garçon qui était plus nette. Je passais plus de moments avec mes cousines que je ne passais de moments avec mes cousins. Je voyais qu'effectivement, c'était peut-être plus les filles qui finissaient par débarrasser la table à la fin que les garçons. Je ne sais pas si à ces époques, on avait une conscience éducative sur ces questions-là. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui est beaucoup plus actuel, de se penser en tant que couple biculturel, qu'est-ce que je vais donner à mon enfant de ma culture. Je pense que c'était moins conscient à l'époque. En tout cas, on le faisait de façon moins consciente et on n'y réfléchissait pas. Elle est difficile pour moi cette question. Elle est difficile parce que forcément elle me ramène aussi à la relation que j'ai avec mon père qui n'a pas toujours été simple et un peu conflictuelle. Je pense que quand j'étais adolescente, j'ai vraiment voulu refouler cette partie parce que je voulais être comme tout le monde et que pour moi... Je rêvais d'être blonde, par exemple, et de pouvoir aller au catéchisme alors que, en fin de compte, j'y crois pas, mais je voulais aller au catéchisme ou au cours catholique parce qu'en Moselle, on a effectivement les cours de religion encore à l'école. Donc, tu avais la classe qui était séparée entre les gens qui étaient baptisés et qui allaient aux cours de religion et les autres qui ne l'étaient pas. Et moi, je voulais être comme tout le monde, donc je voulais aller aux cours de religion. Donc à un moment donné, j'ai voulu effacer cette Ausha. En fait, mes frères et moi, on n'a pas été éduqués dans la religion du tout. Ce n'était pas tellement une question. Mes parents ne nous ont pas... Ma mère est catholique. J'allais à l'église de temps en temps pour la messe de mon grand-père, mais sans plus. Elle nous a pas inculqué ça, mon père nous a pas inculqué la religion musulmane. Il était musulman croyant, mais alors absolument pas pratiquant. Et puis croyant, il était plus dans quelque chose de l'ordre de il y a un bon Dieu pour tous C'était un peu son créneau. Il avait la culture musulmane, il croyait à ces choses-là, il a été éduqué là-dedans. Donc il croyait ces choses-là, mais dans quelque chose qui lui était très propre. Peut-être que c'est une des choses qui m'a transmise, de pouvoir penser un certain nombre de choses dans sa façon et d'aller à la recherche d'une liberté. Peut-être que ça, oui, quelque part, je le tiens de mon père. Mais est-ce que c'est culturel ou est-ce que c'est l'individu qui fait que ? Je pense qu'il y avait plus une religion du travail à la maison. Je pense qu'il y a un certain numérique qui peut être partagé et particulier. que je sentais chez mon père, mais que j'ai senti chez toutes les personnes de double... En fait, moi, j'ai grandi dans une zone où, en gros, il n'y avait pas de double culture. Je ne connaissais pas beaucoup de Français de souche, comme on dit, qui n'avaient pas d'origine. Ça n'existait pas beaucoup autour de chez nous. J'en connaissais quelques-uns, mais pas plus que ça. Il y a un humour de l'autodérision. presque un peu caustique, qui ressortait quand on était entre amis, quand j'étais avec d'autres personnes issues du Maghreb. Il y a un humour des cités, en fait, qui est très fort et que je n'ai jamais autant ri que là et que je pense que mon père avait aussi. Et que peut-être ça, je l'en ai maintenant, mais 15 ans après. Mon père faisait beaucoup la cuisine et du coup, c'est vrai que lui, il cuisinait les plats tunisiens. Ma mère me dit que c'est assez drôle parce qu'en fin de compte, il a appris à cuisiner quand il était en France, parce qu'il n'arrivait pas à trouver la cuisine que sa mère lui faisait. Donc, il a commencé à cuisiner en France. Donc, oui, il y avait beaucoup de plats tunisiens à la maison. On avait le droit tous les dimanches au couscous. Et je ne retrouverai plus jamais le couscous que mon père faisait. J'ai beau essayer, pour l'instant, je n'arrive pas à le faire aussi bien que lui. Les gens ne mettent pas forcément, effectivement, que je suis tunisienne ou maghrébine sur mon visage. Parfois, on peut penser que je suis espagnole, italienne. En gros, je suis brune aux yeux bruns, avec un peu l'impomate. Et en plus, je n'ai pas les cheveux. totalement bouclés. Donc, effectivement, on ne plaque pas forcément toujours ça. Et en même temps, je vais en Tunisie. Et quand j'arrive en Tunisie, quand je parle français, les gens ne comprennent pas parce qu'ils pensent que je suis tunisienne. En Tunisie, je ressemble à une Tunisienne. C'est clair et net. Et en Tunisie, je rencontre des Tunisiens qui me semblent être des Français. Je suis là, je me dis, mais ce n'est pas possible. Il est blond aux yeux bleus. Si, si, ses deux parents sont tunisiens. Donc, en fin de compte, qu'est-ce qu'on plaque à l'intérieur de ça ? Après, il y a des gens en France qui se demandent, effectivement, bassin méditerranéen, globalement, ça doit être quelque part par là. Et il y en a pour qui, effectivement, ça se voit. Ils disent, si, tu ressembles à une arabe quand même. Si, j'ai eu du harcèlement avec des boules à ondes parce que j'étais arabe, mais qui ont dû laisser beaucoup plus de traces sur moi que je ne le pense. Après, sur... Je n'ai pas eu de discrimination à l'embauche, je n'ai pas eu de personne qui me balance ça à la rabe quand on me voit. J'ai eu une expérience en milieu médical, en tout cas avec une infirmière qui a plaqué un syndrome méditerranéen sur la gestion de ma douleur. qui m'a dit que j'étais très douloureuse après les changements de pansement, d'un pansement qui était vraiment très douloureux, m'a dit que j'exprimais beaucoup ma douleur parce que c'était culturel. Le syndrome méditerranéen, c'est un faux symptôme. Ce n'est pas du tout une maladie, ni rien qui soit prouvé scientifiquement, qui tourne dans le milieu médical. On retrouve beaucoup de témoignages de gens qui dirait que les personnes issues du bassin méditerranéen sous-entendu maghrébin voire africain exprimeraient plus leur douleur. On dénie la douleur des gens issus de ces ennemis-là, comme par exemple cette strasse bourgeoise d'origine africaine qui a appelé les urgences et le Samu s'est foutu de sa gueule au téléphone. En lui disant que si elle arrive à appeler, elle pouvait très bien appeler ce médecin traitant et qui a été prise en charge plus de trois heures après et qui est morte d'une infection d'oliprane. Par exemple, ça, c'est du syndrome méditerranéen de dire qu'une femme d'origine afghane, marocaine, qui accouche dans la douleur, c'est parce qu'elle est marocaine ou afghane, par exemple. Ce type de choses, c'est du syndrome méditerranéen. C'est plaqué une mauvaise gestion de la douleur et une expression de la douleur plus importante sur les gens issus de ces origines. J'ai écrit une pièce de théâtre qui est née d'une situation que j'ai vécue après une séance avec un psychiatre, qui là ne touche pas au racisme d'ailleurs, qui touche vraiment plus à la question du corps et à cette relation de soignant-soigné. Quand je suis sortie de cette séance avec un psychiatre qui a passé la séance à me mater les seins, J'ai eu besoin d'extérioriser cette expérience parce que c'est ma manière de faire, puisque je suis autrice, donc c'est ma manière d'évacuer les choses, d'écrire. De là, c'est vraiment poser la question pour moi de cette relation de confiance entre un médecin et ses patients, ou en tout cas entre le corps médical, entre les soignants et des soignés, de ce moment assez particulier qui peut se passer dans un cabinet, à l'hôpital. Du coup, en commençant à chercher sur ces questions-là, Je suis tombée notamment sur le syndrome méditerranéen et j'ai entendu pas mal d'anecdotes sur ces questions. Et à ce moment-là, c'était important pour moi qu'un des personnages, c'est la succession de trois histoires différentes, mais une des histoires porte sur l'errance médicale d'une femme maghrébine qui se retrouve à plusieurs moments remise devant ce fameux syndrome méditerranéen et qui, son errance médicale va perdurer bien plus longtemps. à cause des préjugés qu'on plaque, à cause de ses cheveux crépus ou de sa mauvaise gestion de la douleur, comme on pourrait le penser. Je n'ai pas l'impression de subir de racisme en soi. Je ne peux pas donner d'exemple fort. Après, je suis dans un milieu favorable aussi. Je suis dans le théâtre. Bien sûr que je peux remarquer par contre que dans ce milieu-là, je ne vois pas beaucoup de comédiennes racisées, avec des corps différents. Ça commence à bouger, mais le travail est encore long. Oui, là-dessus, je le sens. Je ne peux pas donner d'anecdotes racistes. Je peux juste me dire que parfois, je me sens différente, que parfois, je peux me dire que je plais moins. Parce que je ressemble à une arabe ou que j'ai pu entendre dire des choses. Moi, je ne pourrais jamais sortir avec un arabe. Ce genre de choses qui me donnent l'impression que je peux m'être moins attirante ou moins aimée à cause de ça. Est-ce qu'aujourd'hui, je considère que j'ai une double culture ? Oui et non. Oui, je suis française, je parle français, j'ai grandi en France, je vote en France, je travaille en France. Mais peut-être que depuis la mort de mon père, j'ai eu besoin de peut-être plus préciser ce côté-là. Peut-être que mon père était la caution du fait que j'étais tunisienne et que je l'avais, et que depuis qu'il n'est plus là, il faut que je le retrouve. Que peut-être il faut que je retrouve cette... part en moi comme s'il me manquait quelque chose de mon histoire qui fait que je ne comprends pas très bien qu'est-ce que j'ai de tunisien, de cette culpabilité d'avoir un passeport, d'avoir un héritage en Tunisie et de ne pas être sûre d'y avoir le droit. Peut-être que c'est la culpabilité de ne pas être sûre d'être complètement tunisienne qui fait que j'ai une double culture, d'être obligée de se poser ces questions-là. Est-ce que moi, j'aurais envie de transmettre quelque chose à mes enfants de mes origines tunisiennes ? Certainement. Par quoi ça passe ? Par quoi ça passe ? Et parfois, je peux avoir l'impression que c'est tangible en moi, et parfois pas. J'en discutais beaucoup avec une amie qui est française, mais qui s'est mariée avec un Turc, et qui se posait beaucoup de questions sur cette... double culture. En plus, ils vivent en Angleterre, donc ils rajoutent une troisième culture et de se penser au moment où elle s'est mariée, qu'est-ce que je donnerais à mes enfants ? Comment on fera entre la culture turque, la culture française ? Moi, j'aimerais qu'ils soient à 40% français et à 30% si, et de faire des mathématiques en se demandant à combien de pourcentages nos enfants sont ça ou ça. Et puis qu'en fin de compte, quand ils sont là... On fait. Est-ce qu'il ne faut pas qu'on se lâche la grappe là-dessus ? Est-ce que ça ne passe pas de toute façon ?

Description

😀 Dans ce nouvel épisode, Inès nous partage son histoire, celle d’une double culture enrichissante mais parfois complexe. Franco-tunisienne, elle revient sur ses souvenirs d'enfance en Tunisie, et des défis qu’elle a rencontrés pour trouver sa place entre ces deux mondes.

Inès partage également son expérience dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant, où elle travaille comme autrice et administratrice de production. Elle aborde des sujets comme la transmission culturelle, les stéréotypes et les obstacles invisibles auxquels elle a pu être confrontée.

Elle nous parle également du syndrome méditerranéen, un préjugé médical qui peut nier ou minimiser la douleur des patients issus du bassin méditerranéen, qui a affecté sa propre prise en charge.

Elle revient sur l’impact de ces biais et sur la manière dont cela a inspiré sa dernière pièce.

Un témoignage sincère, drôle et touchant, qui met en lumière les nuances de la double culture et les défis qu’elle soulève, autant dans la vie personnelle que dans la société.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrissent et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis,

  • Speaker #0

    il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Inès, mon père est Tunisien, né en Tunisie à Sfax et arrivé à l'âge de 17-18 ans. Ma mère est française, d'origine allemande et italienne, et je travaille dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant. Je fais notamment de la production, mais j'écris, je suis aussi autrice de pièces de théâtre. J'allais en vacances en Tunisie. Je pense que ça fluctuait en fonction des moments de mon enfance. Je ne me souviens évidemment pas des toutes premières fois où j'y suis allée et où j'étais trop petite. Je pense que mes souvenirs commencent à arriver à partir de mes six ans. On devait y aller une fois par an ou tous les deux ans après. Ça commence à s'étaler tous les deux ans. Je dirais entre deux et quatre semaines en fonction des années. Et c'était toujours un mélange de... Évidemment, on allait dans la famille, chez ma grand-mère. On voyait aussi tout le monde en même temps parce qu'en Tunisie, on vit beaucoup en famille. Où tu as la maison principale au milieu, qui est souvent la maison des grands-parents. Et les enfants ont construit des maisons autour. Donc à un moment donné, il y a quelque chose qui fait que... On se rassemble, quand on va, tout le monde est là. Après, la famille, la famille, c'est grand en Tunisie. C'est très grand. Donc, tu finis toujours par faire effectivement le tour de tes oncles et tantes, mais de la famille, de ta grand-mère, de la sœur de ta grand-mère, où tu dois aller d'une maison à l'autre et tu dois aller voir tout le monde. Et d'année en année, tu essayes de retenir les noms, qui est qui, qui est l'enfant de qui ou la sœur de qui. Voilà, ça c'est le tour annuel estival de la famille. Et puis après, tu te baladais, tu allais à Mamet, à Sousse. Ce qui est sûr, c'est que t'arrives en Tunisie, tu te sens dépaysé. Alors que t'es peut-être pas si loin que ça, t'es qu'à trois heures de vol, mais je me sens plus dépaysé en arrivant en Tunisie, en sentant la chaleur de l'été, voir les palmiers sur les bords de la route, ces trottoirs différents, c'est pas notre signalisation différente que partir n'importe où en Europe. Je crois que mon premier souvenir... C'est d'arriver dans la cour de chez ma grand-mère, sortir de la voiture et avoir une fille un peu plus âgée que moi qui court vers moi et me prend dans ses bras et me fait voler en l'air. Et de ne pas réussir à savoir qui c'est, alors que c'est ma cousine. Et je devais effectivement peut-être avoir 5-6 ans et pour moi les choses étaient si loin que je ne pouvais pas remettre qui était qui et découvrir. Un peu à chaque fois cet environnement. Je pense que ça, c'est l'un de mes premiers souvenirs. Ma famille parlait français parce que, évidemment, la Tunisie a un lien très fort avec la France. Mon grand-père parlait très bien français puisqu'il a été à l'école sous l'école française. Ma grand-mère ne parlait pas du tout, par contre, français puisque les femmes restant à la maison n'apprenaient pas le français. Par contre, mes oncles, mes tantes, mes cousins, mes cousines, tout le monde parle français, avec un français d'ailleurs assez bon. J'imagine que les classes sociales jouent aussi. Ma famille en Tunisie vient d'une classe moyenne aisée, donc qui leur a permis une éducation sur ce type de choses. Après, effectivement, même dans la rue, je n'ai jamais eu de difficulté à parler français. Dès que tu arrives quelque part, tu te mets à parler français, les gens te répondent en français. Je sentais qu'il y avait une séparation fille-garçon qui était plus nette. Je passais plus de moments avec mes cousines que je ne passais de moments avec mes cousins. Je voyais qu'effectivement, c'était peut-être plus les filles qui finissaient par débarrasser la table à la fin que les garçons. Je ne sais pas si à ces époques, on avait une conscience éducative sur ces questions-là. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui est beaucoup plus actuel, de se penser en tant que couple biculturel, qu'est-ce que je vais donner à mon enfant de ma culture. Je pense que c'était moins conscient à l'époque. En tout cas, on le faisait de façon moins consciente et on n'y réfléchissait pas. Elle est difficile pour moi cette question. Elle est difficile parce que forcément elle me ramène aussi à la relation que j'ai avec mon père qui n'a pas toujours été simple et un peu conflictuelle. Je pense que quand j'étais adolescente, j'ai vraiment voulu refouler cette partie parce que je voulais être comme tout le monde et que pour moi... Je rêvais d'être blonde, par exemple, et de pouvoir aller au catéchisme alors que, en fin de compte, j'y crois pas, mais je voulais aller au catéchisme ou au cours catholique parce qu'en Moselle, on a effectivement les cours de religion encore à l'école. Donc, tu avais la classe qui était séparée entre les gens qui étaient baptisés et qui allaient aux cours de religion et les autres qui ne l'étaient pas. Et moi, je voulais être comme tout le monde, donc je voulais aller aux cours de religion. Donc à un moment donné, j'ai voulu effacer cette Ausha. En fait, mes frères et moi, on n'a pas été éduqués dans la religion du tout. Ce n'était pas tellement une question. Mes parents ne nous ont pas... Ma mère est catholique. J'allais à l'église de temps en temps pour la messe de mon grand-père, mais sans plus. Elle nous a pas inculqué ça, mon père nous a pas inculqué la religion musulmane. Il était musulman croyant, mais alors absolument pas pratiquant. Et puis croyant, il était plus dans quelque chose de l'ordre de il y a un bon Dieu pour tous C'était un peu son créneau. Il avait la culture musulmane, il croyait à ces choses-là, il a été éduqué là-dedans. Donc il croyait ces choses-là, mais dans quelque chose qui lui était très propre. Peut-être que c'est une des choses qui m'a transmise, de pouvoir penser un certain nombre de choses dans sa façon et d'aller à la recherche d'une liberté. Peut-être que ça, oui, quelque part, je le tiens de mon père. Mais est-ce que c'est culturel ou est-ce que c'est l'individu qui fait que ? Je pense qu'il y avait plus une religion du travail à la maison. Je pense qu'il y a un certain numérique qui peut être partagé et particulier. que je sentais chez mon père, mais que j'ai senti chez toutes les personnes de double... En fait, moi, j'ai grandi dans une zone où, en gros, il n'y avait pas de double culture. Je ne connaissais pas beaucoup de Français de souche, comme on dit, qui n'avaient pas d'origine. Ça n'existait pas beaucoup autour de chez nous. J'en connaissais quelques-uns, mais pas plus que ça. Il y a un humour de l'autodérision. presque un peu caustique, qui ressortait quand on était entre amis, quand j'étais avec d'autres personnes issues du Maghreb. Il y a un humour des cités, en fait, qui est très fort et que je n'ai jamais autant ri que là et que je pense que mon père avait aussi. Et que peut-être ça, je l'en ai maintenant, mais 15 ans après. Mon père faisait beaucoup la cuisine et du coup, c'est vrai que lui, il cuisinait les plats tunisiens. Ma mère me dit que c'est assez drôle parce qu'en fin de compte, il a appris à cuisiner quand il était en France, parce qu'il n'arrivait pas à trouver la cuisine que sa mère lui faisait. Donc, il a commencé à cuisiner en France. Donc, oui, il y avait beaucoup de plats tunisiens à la maison. On avait le droit tous les dimanches au couscous. Et je ne retrouverai plus jamais le couscous que mon père faisait. J'ai beau essayer, pour l'instant, je n'arrive pas à le faire aussi bien que lui. Les gens ne mettent pas forcément, effectivement, que je suis tunisienne ou maghrébine sur mon visage. Parfois, on peut penser que je suis espagnole, italienne. En gros, je suis brune aux yeux bruns, avec un peu l'impomate. Et en plus, je n'ai pas les cheveux. totalement bouclés. Donc, effectivement, on ne plaque pas forcément toujours ça. Et en même temps, je vais en Tunisie. Et quand j'arrive en Tunisie, quand je parle français, les gens ne comprennent pas parce qu'ils pensent que je suis tunisienne. En Tunisie, je ressemble à une Tunisienne. C'est clair et net. Et en Tunisie, je rencontre des Tunisiens qui me semblent être des Français. Je suis là, je me dis, mais ce n'est pas possible. Il est blond aux yeux bleus. Si, si, ses deux parents sont tunisiens. Donc, en fin de compte, qu'est-ce qu'on plaque à l'intérieur de ça ? Après, il y a des gens en France qui se demandent, effectivement, bassin méditerranéen, globalement, ça doit être quelque part par là. Et il y en a pour qui, effectivement, ça se voit. Ils disent, si, tu ressembles à une arabe quand même. Si, j'ai eu du harcèlement avec des boules à ondes parce que j'étais arabe, mais qui ont dû laisser beaucoup plus de traces sur moi que je ne le pense. Après, sur... Je n'ai pas eu de discrimination à l'embauche, je n'ai pas eu de personne qui me balance ça à la rabe quand on me voit. J'ai eu une expérience en milieu médical, en tout cas avec une infirmière qui a plaqué un syndrome méditerranéen sur la gestion de ma douleur. qui m'a dit que j'étais très douloureuse après les changements de pansement, d'un pansement qui était vraiment très douloureux, m'a dit que j'exprimais beaucoup ma douleur parce que c'était culturel. Le syndrome méditerranéen, c'est un faux symptôme. Ce n'est pas du tout une maladie, ni rien qui soit prouvé scientifiquement, qui tourne dans le milieu médical. On retrouve beaucoup de témoignages de gens qui dirait que les personnes issues du bassin méditerranéen sous-entendu maghrébin voire africain exprimeraient plus leur douleur. On dénie la douleur des gens issus de ces ennemis-là, comme par exemple cette strasse bourgeoise d'origine africaine qui a appelé les urgences et le Samu s'est foutu de sa gueule au téléphone. En lui disant que si elle arrive à appeler, elle pouvait très bien appeler ce médecin traitant et qui a été prise en charge plus de trois heures après et qui est morte d'une infection d'oliprane. Par exemple, ça, c'est du syndrome méditerranéen de dire qu'une femme d'origine afghane, marocaine, qui accouche dans la douleur, c'est parce qu'elle est marocaine ou afghane, par exemple. Ce type de choses, c'est du syndrome méditerranéen. C'est plaqué une mauvaise gestion de la douleur et une expression de la douleur plus importante sur les gens issus de ces origines. J'ai écrit une pièce de théâtre qui est née d'une situation que j'ai vécue après une séance avec un psychiatre, qui là ne touche pas au racisme d'ailleurs, qui touche vraiment plus à la question du corps et à cette relation de soignant-soigné. Quand je suis sortie de cette séance avec un psychiatre qui a passé la séance à me mater les seins, J'ai eu besoin d'extérioriser cette expérience parce que c'est ma manière de faire, puisque je suis autrice, donc c'est ma manière d'évacuer les choses, d'écrire. De là, c'est vraiment poser la question pour moi de cette relation de confiance entre un médecin et ses patients, ou en tout cas entre le corps médical, entre les soignants et des soignés, de ce moment assez particulier qui peut se passer dans un cabinet, à l'hôpital. Du coup, en commençant à chercher sur ces questions-là, Je suis tombée notamment sur le syndrome méditerranéen et j'ai entendu pas mal d'anecdotes sur ces questions. Et à ce moment-là, c'était important pour moi qu'un des personnages, c'est la succession de trois histoires différentes, mais une des histoires porte sur l'errance médicale d'une femme maghrébine qui se retrouve à plusieurs moments remise devant ce fameux syndrome méditerranéen et qui, son errance médicale va perdurer bien plus longtemps. à cause des préjugés qu'on plaque, à cause de ses cheveux crépus ou de sa mauvaise gestion de la douleur, comme on pourrait le penser. Je n'ai pas l'impression de subir de racisme en soi. Je ne peux pas donner d'exemple fort. Après, je suis dans un milieu favorable aussi. Je suis dans le théâtre. Bien sûr que je peux remarquer par contre que dans ce milieu-là, je ne vois pas beaucoup de comédiennes racisées, avec des corps différents. Ça commence à bouger, mais le travail est encore long. Oui, là-dessus, je le sens. Je ne peux pas donner d'anecdotes racistes. Je peux juste me dire que parfois, je me sens différente, que parfois, je peux me dire que je plais moins. Parce que je ressemble à une arabe ou que j'ai pu entendre dire des choses. Moi, je ne pourrais jamais sortir avec un arabe. Ce genre de choses qui me donnent l'impression que je peux m'être moins attirante ou moins aimée à cause de ça. Est-ce qu'aujourd'hui, je considère que j'ai une double culture ? Oui et non. Oui, je suis française, je parle français, j'ai grandi en France, je vote en France, je travaille en France. Mais peut-être que depuis la mort de mon père, j'ai eu besoin de peut-être plus préciser ce côté-là. Peut-être que mon père était la caution du fait que j'étais tunisienne et que je l'avais, et que depuis qu'il n'est plus là, il faut que je le retrouve. Que peut-être il faut que je retrouve cette... part en moi comme s'il me manquait quelque chose de mon histoire qui fait que je ne comprends pas très bien qu'est-ce que j'ai de tunisien, de cette culpabilité d'avoir un passeport, d'avoir un héritage en Tunisie et de ne pas être sûre d'y avoir le droit. Peut-être que c'est la culpabilité de ne pas être sûre d'être complètement tunisienne qui fait que j'ai une double culture, d'être obligée de se poser ces questions-là. Est-ce que moi, j'aurais envie de transmettre quelque chose à mes enfants de mes origines tunisiennes ? Certainement. Par quoi ça passe ? Par quoi ça passe ? Et parfois, je peux avoir l'impression que c'est tangible en moi, et parfois pas. J'en discutais beaucoup avec une amie qui est française, mais qui s'est mariée avec un Turc, et qui se posait beaucoup de questions sur cette... double culture. En plus, ils vivent en Angleterre, donc ils rajoutent une troisième culture et de se penser au moment où elle s'est mariée, qu'est-ce que je donnerais à mes enfants ? Comment on fera entre la culture turque, la culture française ? Moi, j'aimerais qu'ils soient à 40% français et à 30% si, et de faire des mathématiques en se demandant à combien de pourcentages nos enfants sont ça ou ça. Et puis qu'en fin de compte, quand ils sont là... On fait. Est-ce qu'il ne faut pas qu'on se lâche la grappe là-dessus ? Est-ce que ça ne passe pas de toute façon ?

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Description

😀 Dans ce nouvel épisode, Inès nous partage son histoire, celle d’une double culture enrichissante mais parfois complexe. Franco-tunisienne, elle revient sur ses souvenirs d'enfance en Tunisie, et des défis qu’elle a rencontrés pour trouver sa place entre ces deux mondes.

Inès partage également son expérience dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant, où elle travaille comme autrice et administratrice de production. Elle aborde des sujets comme la transmission culturelle, les stéréotypes et les obstacles invisibles auxquels elle a pu être confrontée.

Elle nous parle également du syndrome méditerranéen, un préjugé médical qui peut nier ou minimiser la douleur des patients issus du bassin méditerranéen, qui a affecté sa propre prise en charge.

Elle revient sur l’impact de ces biais et sur la manière dont cela a inspiré sa dernière pièce.

Un témoignage sincère, drôle et touchant, qui met en lumière les nuances de la double culture et les défis qu’elle soulève, autant dans la vie personnelle que dans la société.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrissent et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis,

  • Speaker #0

    il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Inès, mon père est Tunisien, né en Tunisie à Sfax et arrivé à l'âge de 17-18 ans. Ma mère est française, d'origine allemande et italienne, et je travaille dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant. Je fais notamment de la production, mais j'écris, je suis aussi autrice de pièces de théâtre. J'allais en vacances en Tunisie. Je pense que ça fluctuait en fonction des moments de mon enfance. Je ne me souviens évidemment pas des toutes premières fois où j'y suis allée et où j'étais trop petite. Je pense que mes souvenirs commencent à arriver à partir de mes six ans. On devait y aller une fois par an ou tous les deux ans après. Ça commence à s'étaler tous les deux ans. Je dirais entre deux et quatre semaines en fonction des années. Et c'était toujours un mélange de... Évidemment, on allait dans la famille, chez ma grand-mère. On voyait aussi tout le monde en même temps parce qu'en Tunisie, on vit beaucoup en famille. Où tu as la maison principale au milieu, qui est souvent la maison des grands-parents. Et les enfants ont construit des maisons autour. Donc à un moment donné, il y a quelque chose qui fait que... On se rassemble, quand on va, tout le monde est là. Après, la famille, la famille, c'est grand en Tunisie. C'est très grand. Donc, tu finis toujours par faire effectivement le tour de tes oncles et tantes, mais de la famille, de ta grand-mère, de la sœur de ta grand-mère, où tu dois aller d'une maison à l'autre et tu dois aller voir tout le monde. Et d'année en année, tu essayes de retenir les noms, qui est qui, qui est l'enfant de qui ou la sœur de qui. Voilà, ça c'est le tour annuel estival de la famille. Et puis après, tu te baladais, tu allais à Mamet, à Sousse. Ce qui est sûr, c'est que t'arrives en Tunisie, tu te sens dépaysé. Alors que t'es peut-être pas si loin que ça, t'es qu'à trois heures de vol, mais je me sens plus dépaysé en arrivant en Tunisie, en sentant la chaleur de l'été, voir les palmiers sur les bords de la route, ces trottoirs différents, c'est pas notre signalisation différente que partir n'importe où en Europe. Je crois que mon premier souvenir... C'est d'arriver dans la cour de chez ma grand-mère, sortir de la voiture et avoir une fille un peu plus âgée que moi qui court vers moi et me prend dans ses bras et me fait voler en l'air. Et de ne pas réussir à savoir qui c'est, alors que c'est ma cousine. Et je devais effectivement peut-être avoir 5-6 ans et pour moi les choses étaient si loin que je ne pouvais pas remettre qui était qui et découvrir. Un peu à chaque fois cet environnement. Je pense que ça, c'est l'un de mes premiers souvenirs. Ma famille parlait français parce que, évidemment, la Tunisie a un lien très fort avec la France. Mon grand-père parlait très bien français puisqu'il a été à l'école sous l'école française. Ma grand-mère ne parlait pas du tout, par contre, français puisque les femmes restant à la maison n'apprenaient pas le français. Par contre, mes oncles, mes tantes, mes cousins, mes cousines, tout le monde parle français, avec un français d'ailleurs assez bon. J'imagine que les classes sociales jouent aussi. Ma famille en Tunisie vient d'une classe moyenne aisée, donc qui leur a permis une éducation sur ce type de choses. Après, effectivement, même dans la rue, je n'ai jamais eu de difficulté à parler français. Dès que tu arrives quelque part, tu te mets à parler français, les gens te répondent en français. Je sentais qu'il y avait une séparation fille-garçon qui était plus nette. Je passais plus de moments avec mes cousines que je ne passais de moments avec mes cousins. Je voyais qu'effectivement, c'était peut-être plus les filles qui finissaient par débarrasser la table à la fin que les garçons. Je ne sais pas si à ces époques, on avait une conscience éducative sur ces questions-là. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui est beaucoup plus actuel, de se penser en tant que couple biculturel, qu'est-ce que je vais donner à mon enfant de ma culture. Je pense que c'était moins conscient à l'époque. En tout cas, on le faisait de façon moins consciente et on n'y réfléchissait pas. Elle est difficile pour moi cette question. Elle est difficile parce que forcément elle me ramène aussi à la relation que j'ai avec mon père qui n'a pas toujours été simple et un peu conflictuelle. Je pense que quand j'étais adolescente, j'ai vraiment voulu refouler cette partie parce que je voulais être comme tout le monde et que pour moi... Je rêvais d'être blonde, par exemple, et de pouvoir aller au catéchisme alors que, en fin de compte, j'y crois pas, mais je voulais aller au catéchisme ou au cours catholique parce qu'en Moselle, on a effectivement les cours de religion encore à l'école. Donc, tu avais la classe qui était séparée entre les gens qui étaient baptisés et qui allaient aux cours de religion et les autres qui ne l'étaient pas. Et moi, je voulais être comme tout le monde, donc je voulais aller aux cours de religion. Donc à un moment donné, j'ai voulu effacer cette Ausha. En fait, mes frères et moi, on n'a pas été éduqués dans la religion du tout. Ce n'était pas tellement une question. Mes parents ne nous ont pas... Ma mère est catholique. J'allais à l'église de temps en temps pour la messe de mon grand-père, mais sans plus. Elle nous a pas inculqué ça, mon père nous a pas inculqué la religion musulmane. Il était musulman croyant, mais alors absolument pas pratiquant. Et puis croyant, il était plus dans quelque chose de l'ordre de il y a un bon Dieu pour tous C'était un peu son créneau. Il avait la culture musulmane, il croyait à ces choses-là, il a été éduqué là-dedans. Donc il croyait ces choses-là, mais dans quelque chose qui lui était très propre. Peut-être que c'est une des choses qui m'a transmise, de pouvoir penser un certain nombre de choses dans sa façon et d'aller à la recherche d'une liberté. Peut-être que ça, oui, quelque part, je le tiens de mon père. Mais est-ce que c'est culturel ou est-ce que c'est l'individu qui fait que ? Je pense qu'il y avait plus une religion du travail à la maison. Je pense qu'il y a un certain numérique qui peut être partagé et particulier. que je sentais chez mon père, mais que j'ai senti chez toutes les personnes de double... En fait, moi, j'ai grandi dans une zone où, en gros, il n'y avait pas de double culture. Je ne connaissais pas beaucoup de Français de souche, comme on dit, qui n'avaient pas d'origine. Ça n'existait pas beaucoup autour de chez nous. J'en connaissais quelques-uns, mais pas plus que ça. Il y a un humour de l'autodérision. presque un peu caustique, qui ressortait quand on était entre amis, quand j'étais avec d'autres personnes issues du Maghreb. Il y a un humour des cités, en fait, qui est très fort et que je n'ai jamais autant ri que là et que je pense que mon père avait aussi. Et que peut-être ça, je l'en ai maintenant, mais 15 ans après. Mon père faisait beaucoup la cuisine et du coup, c'est vrai que lui, il cuisinait les plats tunisiens. Ma mère me dit que c'est assez drôle parce qu'en fin de compte, il a appris à cuisiner quand il était en France, parce qu'il n'arrivait pas à trouver la cuisine que sa mère lui faisait. Donc, il a commencé à cuisiner en France. Donc, oui, il y avait beaucoup de plats tunisiens à la maison. On avait le droit tous les dimanches au couscous. Et je ne retrouverai plus jamais le couscous que mon père faisait. J'ai beau essayer, pour l'instant, je n'arrive pas à le faire aussi bien que lui. Les gens ne mettent pas forcément, effectivement, que je suis tunisienne ou maghrébine sur mon visage. Parfois, on peut penser que je suis espagnole, italienne. En gros, je suis brune aux yeux bruns, avec un peu l'impomate. Et en plus, je n'ai pas les cheveux. totalement bouclés. Donc, effectivement, on ne plaque pas forcément toujours ça. Et en même temps, je vais en Tunisie. Et quand j'arrive en Tunisie, quand je parle français, les gens ne comprennent pas parce qu'ils pensent que je suis tunisienne. En Tunisie, je ressemble à une Tunisienne. C'est clair et net. Et en Tunisie, je rencontre des Tunisiens qui me semblent être des Français. Je suis là, je me dis, mais ce n'est pas possible. Il est blond aux yeux bleus. Si, si, ses deux parents sont tunisiens. Donc, en fin de compte, qu'est-ce qu'on plaque à l'intérieur de ça ? Après, il y a des gens en France qui se demandent, effectivement, bassin méditerranéen, globalement, ça doit être quelque part par là. Et il y en a pour qui, effectivement, ça se voit. Ils disent, si, tu ressembles à une arabe quand même. Si, j'ai eu du harcèlement avec des boules à ondes parce que j'étais arabe, mais qui ont dû laisser beaucoup plus de traces sur moi que je ne le pense. Après, sur... Je n'ai pas eu de discrimination à l'embauche, je n'ai pas eu de personne qui me balance ça à la rabe quand on me voit. J'ai eu une expérience en milieu médical, en tout cas avec une infirmière qui a plaqué un syndrome méditerranéen sur la gestion de ma douleur. qui m'a dit que j'étais très douloureuse après les changements de pansement, d'un pansement qui était vraiment très douloureux, m'a dit que j'exprimais beaucoup ma douleur parce que c'était culturel. Le syndrome méditerranéen, c'est un faux symptôme. Ce n'est pas du tout une maladie, ni rien qui soit prouvé scientifiquement, qui tourne dans le milieu médical. On retrouve beaucoup de témoignages de gens qui dirait que les personnes issues du bassin méditerranéen sous-entendu maghrébin voire africain exprimeraient plus leur douleur. On dénie la douleur des gens issus de ces ennemis-là, comme par exemple cette strasse bourgeoise d'origine africaine qui a appelé les urgences et le Samu s'est foutu de sa gueule au téléphone. En lui disant que si elle arrive à appeler, elle pouvait très bien appeler ce médecin traitant et qui a été prise en charge plus de trois heures après et qui est morte d'une infection d'oliprane. Par exemple, ça, c'est du syndrome méditerranéen de dire qu'une femme d'origine afghane, marocaine, qui accouche dans la douleur, c'est parce qu'elle est marocaine ou afghane, par exemple. Ce type de choses, c'est du syndrome méditerranéen. C'est plaqué une mauvaise gestion de la douleur et une expression de la douleur plus importante sur les gens issus de ces origines. J'ai écrit une pièce de théâtre qui est née d'une situation que j'ai vécue après une séance avec un psychiatre, qui là ne touche pas au racisme d'ailleurs, qui touche vraiment plus à la question du corps et à cette relation de soignant-soigné. Quand je suis sortie de cette séance avec un psychiatre qui a passé la séance à me mater les seins, J'ai eu besoin d'extérioriser cette expérience parce que c'est ma manière de faire, puisque je suis autrice, donc c'est ma manière d'évacuer les choses, d'écrire. De là, c'est vraiment poser la question pour moi de cette relation de confiance entre un médecin et ses patients, ou en tout cas entre le corps médical, entre les soignants et des soignés, de ce moment assez particulier qui peut se passer dans un cabinet, à l'hôpital. Du coup, en commençant à chercher sur ces questions-là, Je suis tombée notamment sur le syndrome méditerranéen et j'ai entendu pas mal d'anecdotes sur ces questions. Et à ce moment-là, c'était important pour moi qu'un des personnages, c'est la succession de trois histoires différentes, mais une des histoires porte sur l'errance médicale d'une femme maghrébine qui se retrouve à plusieurs moments remise devant ce fameux syndrome méditerranéen et qui, son errance médicale va perdurer bien plus longtemps. à cause des préjugés qu'on plaque, à cause de ses cheveux crépus ou de sa mauvaise gestion de la douleur, comme on pourrait le penser. Je n'ai pas l'impression de subir de racisme en soi. Je ne peux pas donner d'exemple fort. Après, je suis dans un milieu favorable aussi. Je suis dans le théâtre. Bien sûr que je peux remarquer par contre que dans ce milieu-là, je ne vois pas beaucoup de comédiennes racisées, avec des corps différents. Ça commence à bouger, mais le travail est encore long. Oui, là-dessus, je le sens. Je ne peux pas donner d'anecdotes racistes. Je peux juste me dire que parfois, je me sens différente, que parfois, je peux me dire que je plais moins. Parce que je ressemble à une arabe ou que j'ai pu entendre dire des choses. Moi, je ne pourrais jamais sortir avec un arabe. Ce genre de choses qui me donnent l'impression que je peux m'être moins attirante ou moins aimée à cause de ça. Est-ce qu'aujourd'hui, je considère que j'ai une double culture ? Oui et non. Oui, je suis française, je parle français, j'ai grandi en France, je vote en France, je travaille en France. Mais peut-être que depuis la mort de mon père, j'ai eu besoin de peut-être plus préciser ce côté-là. Peut-être que mon père était la caution du fait que j'étais tunisienne et que je l'avais, et que depuis qu'il n'est plus là, il faut que je le retrouve. Que peut-être il faut que je retrouve cette... part en moi comme s'il me manquait quelque chose de mon histoire qui fait que je ne comprends pas très bien qu'est-ce que j'ai de tunisien, de cette culpabilité d'avoir un passeport, d'avoir un héritage en Tunisie et de ne pas être sûre d'y avoir le droit. Peut-être que c'est la culpabilité de ne pas être sûre d'être complètement tunisienne qui fait que j'ai une double culture, d'être obligée de se poser ces questions-là. Est-ce que moi, j'aurais envie de transmettre quelque chose à mes enfants de mes origines tunisiennes ? Certainement. Par quoi ça passe ? Par quoi ça passe ? Et parfois, je peux avoir l'impression que c'est tangible en moi, et parfois pas. J'en discutais beaucoup avec une amie qui est française, mais qui s'est mariée avec un Turc, et qui se posait beaucoup de questions sur cette... double culture. En plus, ils vivent en Angleterre, donc ils rajoutent une troisième culture et de se penser au moment où elle s'est mariée, qu'est-ce que je donnerais à mes enfants ? Comment on fera entre la culture turque, la culture française ? Moi, j'aimerais qu'ils soient à 40% français et à 30% si, et de faire des mathématiques en se demandant à combien de pourcentages nos enfants sont ça ou ça. Et puis qu'en fin de compte, quand ils sont là... On fait. Est-ce qu'il ne faut pas qu'on se lâche la grappe là-dessus ? Est-ce que ça ne passe pas de toute façon ?

Description

😀 Dans ce nouvel épisode, Inès nous partage son histoire, celle d’une double culture enrichissante mais parfois complexe. Franco-tunisienne, elle revient sur ses souvenirs d'enfance en Tunisie, et des défis qu’elle a rencontrés pour trouver sa place entre ces deux mondes.

Inès partage également son expérience dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant, où elle travaille comme autrice et administratrice de production. Elle aborde des sujets comme la transmission culturelle, les stéréotypes et les obstacles invisibles auxquels elle a pu être confrontée.

Elle nous parle également du syndrome méditerranéen, un préjugé médical qui peut nier ou minimiser la douleur des patients issus du bassin méditerranéen, qui a affecté sa propre prise en charge.

Elle revient sur l’impact de ces biais et sur la manière dont cela a inspiré sa dernière pièce.

Un témoignage sincère, drôle et touchant, qui met en lumière les nuances de la double culture et les défis qu’elle soulève, autant dans la vie personnelle que dans la société.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrissent et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis,

  • Speaker #0

    il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Inès, mon père est Tunisien, né en Tunisie à Sfax et arrivé à l'âge de 17-18 ans. Ma mère est française, d'origine allemande et italienne, et je travaille dans le milieu du théâtre et du spectacle vivant. Je fais notamment de la production, mais j'écris, je suis aussi autrice de pièces de théâtre. J'allais en vacances en Tunisie. Je pense que ça fluctuait en fonction des moments de mon enfance. Je ne me souviens évidemment pas des toutes premières fois où j'y suis allée et où j'étais trop petite. Je pense que mes souvenirs commencent à arriver à partir de mes six ans. On devait y aller une fois par an ou tous les deux ans après. Ça commence à s'étaler tous les deux ans. Je dirais entre deux et quatre semaines en fonction des années. Et c'était toujours un mélange de... Évidemment, on allait dans la famille, chez ma grand-mère. On voyait aussi tout le monde en même temps parce qu'en Tunisie, on vit beaucoup en famille. Où tu as la maison principale au milieu, qui est souvent la maison des grands-parents. Et les enfants ont construit des maisons autour. Donc à un moment donné, il y a quelque chose qui fait que... On se rassemble, quand on va, tout le monde est là. Après, la famille, la famille, c'est grand en Tunisie. C'est très grand. Donc, tu finis toujours par faire effectivement le tour de tes oncles et tantes, mais de la famille, de ta grand-mère, de la sœur de ta grand-mère, où tu dois aller d'une maison à l'autre et tu dois aller voir tout le monde. Et d'année en année, tu essayes de retenir les noms, qui est qui, qui est l'enfant de qui ou la sœur de qui. Voilà, ça c'est le tour annuel estival de la famille. Et puis après, tu te baladais, tu allais à Mamet, à Sousse. Ce qui est sûr, c'est que t'arrives en Tunisie, tu te sens dépaysé. Alors que t'es peut-être pas si loin que ça, t'es qu'à trois heures de vol, mais je me sens plus dépaysé en arrivant en Tunisie, en sentant la chaleur de l'été, voir les palmiers sur les bords de la route, ces trottoirs différents, c'est pas notre signalisation différente que partir n'importe où en Europe. Je crois que mon premier souvenir... C'est d'arriver dans la cour de chez ma grand-mère, sortir de la voiture et avoir une fille un peu plus âgée que moi qui court vers moi et me prend dans ses bras et me fait voler en l'air. Et de ne pas réussir à savoir qui c'est, alors que c'est ma cousine. Et je devais effectivement peut-être avoir 5-6 ans et pour moi les choses étaient si loin que je ne pouvais pas remettre qui était qui et découvrir. Un peu à chaque fois cet environnement. Je pense que ça, c'est l'un de mes premiers souvenirs. Ma famille parlait français parce que, évidemment, la Tunisie a un lien très fort avec la France. Mon grand-père parlait très bien français puisqu'il a été à l'école sous l'école française. Ma grand-mère ne parlait pas du tout, par contre, français puisque les femmes restant à la maison n'apprenaient pas le français. Par contre, mes oncles, mes tantes, mes cousins, mes cousines, tout le monde parle français, avec un français d'ailleurs assez bon. J'imagine que les classes sociales jouent aussi. Ma famille en Tunisie vient d'une classe moyenne aisée, donc qui leur a permis une éducation sur ce type de choses. Après, effectivement, même dans la rue, je n'ai jamais eu de difficulté à parler français. Dès que tu arrives quelque part, tu te mets à parler français, les gens te répondent en français. Je sentais qu'il y avait une séparation fille-garçon qui était plus nette. Je passais plus de moments avec mes cousines que je ne passais de moments avec mes cousins. Je voyais qu'effectivement, c'était peut-être plus les filles qui finissaient par débarrasser la table à la fin que les garçons. Je ne sais pas si à ces époques, on avait une conscience éducative sur ces questions-là. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui est beaucoup plus actuel, de se penser en tant que couple biculturel, qu'est-ce que je vais donner à mon enfant de ma culture. Je pense que c'était moins conscient à l'époque. En tout cas, on le faisait de façon moins consciente et on n'y réfléchissait pas. Elle est difficile pour moi cette question. Elle est difficile parce que forcément elle me ramène aussi à la relation que j'ai avec mon père qui n'a pas toujours été simple et un peu conflictuelle. Je pense que quand j'étais adolescente, j'ai vraiment voulu refouler cette partie parce que je voulais être comme tout le monde et que pour moi... Je rêvais d'être blonde, par exemple, et de pouvoir aller au catéchisme alors que, en fin de compte, j'y crois pas, mais je voulais aller au catéchisme ou au cours catholique parce qu'en Moselle, on a effectivement les cours de religion encore à l'école. Donc, tu avais la classe qui était séparée entre les gens qui étaient baptisés et qui allaient aux cours de religion et les autres qui ne l'étaient pas. Et moi, je voulais être comme tout le monde, donc je voulais aller aux cours de religion. Donc à un moment donné, j'ai voulu effacer cette Ausha. En fait, mes frères et moi, on n'a pas été éduqués dans la religion du tout. Ce n'était pas tellement une question. Mes parents ne nous ont pas... Ma mère est catholique. J'allais à l'église de temps en temps pour la messe de mon grand-père, mais sans plus. Elle nous a pas inculqué ça, mon père nous a pas inculqué la religion musulmane. Il était musulman croyant, mais alors absolument pas pratiquant. Et puis croyant, il était plus dans quelque chose de l'ordre de il y a un bon Dieu pour tous C'était un peu son créneau. Il avait la culture musulmane, il croyait à ces choses-là, il a été éduqué là-dedans. Donc il croyait ces choses-là, mais dans quelque chose qui lui était très propre. Peut-être que c'est une des choses qui m'a transmise, de pouvoir penser un certain nombre de choses dans sa façon et d'aller à la recherche d'une liberté. Peut-être que ça, oui, quelque part, je le tiens de mon père. Mais est-ce que c'est culturel ou est-ce que c'est l'individu qui fait que ? Je pense qu'il y avait plus une religion du travail à la maison. Je pense qu'il y a un certain numérique qui peut être partagé et particulier. que je sentais chez mon père, mais que j'ai senti chez toutes les personnes de double... En fait, moi, j'ai grandi dans une zone où, en gros, il n'y avait pas de double culture. Je ne connaissais pas beaucoup de Français de souche, comme on dit, qui n'avaient pas d'origine. Ça n'existait pas beaucoup autour de chez nous. J'en connaissais quelques-uns, mais pas plus que ça. Il y a un humour de l'autodérision. presque un peu caustique, qui ressortait quand on était entre amis, quand j'étais avec d'autres personnes issues du Maghreb. Il y a un humour des cités, en fait, qui est très fort et que je n'ai jamais autant ri que là et que je pense que mon père avait aussi. Et que peut-être ça, je l'en ai maintenant, mais 15 ans après. Mon père faisait beaucoup la cuisine et du coup, c'est vrai que lui, il cuisinait les plats tunisiens. Ma mère me dit que c'est assez drôle parce qu'en fin de compte, il a appris à cuisiner quand il était en France, parce qu'il n'arrivait pas à trouver la cuisine que sa mère lui faisait. Donc, il a commencé à cuisiner en France. Donc, oui, il y avait beaucoup de plats tunisiens à la maison. On avait le droit tous les dimanches au couscous. Et je ne retrouverai plus jamais le couscous que mon père faisait. J'ai beau essayer, pour l'instant, je n'arrive pas à le faire aussi bien que lui. Les gens ne mettent pas forcément, effectivement, que je suis tunisienne ou maghrébine sur mon visage. Parfois, on peut penser que je suis espagnole, italienne. En gros, je suis brune aux yeux bruns, avec un peu l'impomate. Et en plus, je n'ai pas les cheveux. totalement bouclés. Donc, effectivement, on ne plaque pas forcément toujours ça. Et en même temps, je vais en Tunisie. Et quand j'arrive en Tunisie, quand je parle français, les gens ne comprennent pas parce qu'ils pensent que je suis tunisienne. En Tunisie, je ressemble à une Tunisienne. C'est clair et net. Et en Tunisie, je rencontre des Tunisiens qui me semblent être des Français. Je suis là, je me dis, mais ce n'est pas possible. Il est blond aux yeux bleus. Si, si, ses deux parents sont tunisiens. Donc, en fin de compte, qu'est-ce qu'on plaque à l'intérieur de ça ? Après, il y a des gens en France qui se demandent, effectivement, bassin méditerranéen, globalement, ça doit être quelque part par là. Et il y en a pour qui, effectivement, ça se voit. Ils disent, si, tu ressembles à une arabe quand même. Si, j'ai eu du harcèlement avec des boules à ondes parce que j'étais arabe, mais qui ont dû laisser beaucoup plus de traces sur moi que je ne le pense. Après, sur... Je n'ai pas eu de discrimination à l'embauche, je n'ai pas eu de personne qui me balance ça à la rabe quand on me voit. J'ai eu une expérience en milieu médical, en tout cas avec une infirmière qui a plaqué un syndrome méditerranéen sur la gestion de ma douleur. qui m'a dit que j'étais très douloureuse après les changements de pansement, d'un pansement qui était vraiment très douloureux, m'a dit que j'exprimais beaucoup ma douleur parce que c'était culturel. Le syndrome méditerranéen, c'est un faux symptôme. Ce n'est pas du tout une maladie, ni rien qui soit prouvé scientifiquement, qui tourne dans le milieu médical. On retrouve beaucoup de témoignages de gens qui dirait que les personnes issues du bassin méditerranéen sous-entendu maghrébin voire africain exprimeraient plus leur douleur. On dénie la douleur des gens issus de ces ennemis-là, comme par exemple cette strasse bourgeoise d'origine africaine qui a appelé les urgences et le Samu s'est foutu de sa gueule au téléphone. En lui disant que si elle arrive à appeler, elle pouvait très bien appeler ce médecin traitant et qui a été prise en charge plus de trois heures après et qui est morte d'une infection d'oliprane. Par exemple, ça, c'est du syndrome méditerranéen de dire qu'une femme d'origine afghane, marocaine, qui accouche dans la douleur, c'est parce qu'elle est marocaine ou afghane, par exemple. Ce type de choses, c'est du syndrome méditerranéen. C'est plaqué une mauvaise gestion de la douleur et une expression de la douleur plus importante sur les gens issus de ces origines. J'ai écrit une pièce de théâtre qui est née d'une situation que j'ai vécue après une séance avec un psychiatre, qui là ne touche pas au racisme d'ailleurs, qui touche vraiment plus à la question du corps et à cette relation de soignant-soigné. Quand je suis sortie de cette séance avec un psychiatre qui a passé la séance à me mater les seins, J'ai eu besoin d'extérioriser cette expérience parce que c'est ma manière de faire, puisque je suis autrice, donc c'est ma manière d'évacuer les choses, d'écrire. De là, c'est vraiment poser la question pour moi de cette relation de confiance entre un médecin et ses patients, ou en tout cas entre le corps médical, entre les soignants et des soignés, de ce moment assez particulier qui peut se passer dans un cabinet, à l'hôpital. Du coup, en commençant à chercher sur ces questions-là, Je suis tombée notamment sur le syndrome méditerranéen et j'ai entendu pas mal d'anecdotes sur ces questions. Et à ce moment-là, c'était important pour moi qu'un des personnages, c'est la succession de trois histoires différentes, mais une des histoires porte sur l'errance médicale d'une femme maghrébine qui se retrouve à plusieurs moments remise devant ce fameux syndrome méditerranéen et qui, son errance médicale va perdurer bien plus longtemps. à cause des préjugés qu'on plaque, à cause de ses cheveux crépus ou de sa mauvaise gestion de la douleur, comme on pourrait le penser. Je n'ai pas l'impression de subir de racisme en soi. Je ne peux pas donner d'exemple fort. Après, je suis dans un milieu favorable aussi. Je suis dans le théâtre. Bien sûr que je peux remarquer par contre que dans ce milieu-là, je ne vois pas beaucoup de comédiennes racisées, avec des corps différents. Ça commence à bouger, mais le travail est encore long. Oui, là-dessus, je le sens. Je ne peux pas donner d'anecdotes racistes. Je peux juste me dire que parfois, je me sens différente, que parfois, je peux me dire que je plais moins. Parce que je ressemble à une arabe ou que j'ai pu entendre dire des choses. Moi, je ne pourrais jamais sortir avec un arabe. Ce genre de choses qui me donnent l'impression que je peux m'être moins attirante ou moins aimée à cause de ça. Est-ce qu'aujourd'hui, je considère que j'ai une double culture ? Oui et non. Oui, je suis française, je parle français, j'ai grandi en France, je vote en France, je travaille en France. Mais peut-être que depuis la mort de mon père, j'ai eu besoin de peut-être plus préciser ce côté-là. Peut-être que mon père était la caution du fait que j'étais tunisienne et que je l'avais, et que depuis qu'il n'est plus là, il faut que je le retrouve. Que peut-être il faut que je retrouve cette... part en moi comme s'il me manquait quelque chose de mon histoire qui fait que je ne comprends pas très bien qu'est-ce que j'ai de tunisien, de cette culpabilité d'avoir un passeport, d'avoir un héritage en Tunisie et de ne pas être sûre d'y avoir le droit. Peut-être que c'est la culpabilité de ne pas être sûre d'être complètement tunisienne qui fait que j'ai une double culture, d'être obligée de se poser ces questions-là. Est-ce que moi, j'aurais envie de transmettre quelque chose à mes enfants de mes origines tunisiennes ? Certainement. Par quoi ça passe ? Par quoi ça passe ? Et parfois, je peux avoir l'impression que c'est tangible en moi, et parfois pas. J'en discutais beaucoup avec une amie qui est française, mais qui s'est mariée avec un Turc, et qui se posait beaucoup de questions sur cette... double culture. En plus, ils vivent en Angleterre, donc ils rajoutent une troisième culture et de se penser au moment où elle s'est mariée, qu'est-ce que je donnerais à mes enfants ? Comment on fera entre la culture turque, la culture française ? Moi, j'aimerais qu'ils soient à 40% français et à 30% si, et de faire des mathématiques en se demandant à combien de pourcentages nos enfants sont ça ou ça. Et puis qu'en fin de compte, quand ils sont là... On fait. Est-ce qu'il ne faut pas qu'on se lâche la grappe là-dessus ? Est-ce que ça ne passe pas de toute façon ?

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