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Double Regard

L'enfance entre deux mondes

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18min |23/03/2024
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L'enfance entre deux mondes

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Description

Plongez au cœur de l'identité multiple avec Caroline, Johanna, Karim et Zina qui nous ouvrent les portes de leur enfance. Entre la France et l'Argentine, le Maroc et l'Algérie, ou encore la Tunisie. Ils et elles nous emmènent dans un voyage intime où les frontières culturelles se rencontrent, se mêlent et parfois se heurtent


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrit et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis...

  • Speaker #0

    Il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #2

    Je m'appelle Caroline, j'ai un papa français et une mère argentine. Ils se sont tous les deux rencontrés à la cité universitaire à Paris. Mon père venait de Bordeaux, il était à la maison franco-britannique. Et ma mère venait de Buenos Aires, elle était à la maison argentine. Ils étaient tous les deux délégués de leur maison, ils se sont rencontrés là. Ma mère disait qu'elle voulait rentrer à Buenos Aires et finalement, elle a trouvé son endroit dans le monde qui est Paris et qui lui correspond très bien. Ma mère est une pure petite parisienne aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Donc, je m'appelle Karim. Je m'approche furieusement des 60 ans. Je suis marié. J'ai deux enfants, deux grandes filles. Je suis né à Paris, dans le 10e arrondissement, plus précisément. Pour le sujet qui nous préoccupe, je suis donc français, né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français. J'ai été français jusqu'en 1962, ce qui fait que finalement, même si mon père est algérien, légalement, pour la législation française, je suis officiellement né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français.

  • Speaker #4

    Je m'appelle Zina, je suis née à Paris en 1998. Ma maman est française, mon père était tunisien. Mon père, avant de rencontrer ma mère, avait déjà trois enfants d'une femme tunisienne née en Tunisie. Donc ils se sont mariés en Tunisie. Ils sont venus en France aux alentours de 18-20 ans. 18 ans pour mon père et 20 ans pour ma belle-mère. Et ils ont eu trois enfants qui sont nés sur le territoire français. Donc ils ont la même culture que moi. Après, l'avantage entre guillemets qu'eux ont eu, c'est qu'ils ont eu leur mère qui, dès le départ, leur parlait arabe puisqu'elle était issue de la Tunisie. Après, moi, aujourd'hui, je les considère comme mes frères. Il n'y a pas de cet espèce de truc de demi-machin. Pour moi, c'est mes trois grands frères. Leur mère, je l'appelle Tata. Alors ça, c'est culturel, a priori. On doit appeler toutes les femmes qui font partie de la famille de près ou de loin Tata. Donc, très bien, Tata. Vraiment, si j'ai besoin d'elle, je peux l'appeler, je peux compter sur elle à 100%. Mes trois grands frères, en règle générale, si je les appelle, je sais qu'il n'y a pas de problème. Mais du coup, voilà, c'est mes trois grands frères qui, eux, me transmettent cette culture. Merci. quand j'arrive à les voir.

  • Speaker #1

    Je suis Johanna, je suis née au Maroc, d'un père marocain et d'une mère devenue française avant ma naissance, mais plus française que marocaine, on va dire, franco-marocaine. Et j'ai grandi en France à part mes quatre premières années.

  • Speaker #4

    La première fois que j'y ai été, j'étais très jeune, j'avais 6 ans. J'ai aucun souvenir de comment ça se passait. Par contre, j'y suis retournée assez régulièrement jusqu'au printemps arabe, puisque ma maman était terrorisée que je mette les pieds là-bas, même si j'étais en famille. Et j'y suis retournée en 2016 dans un contexte assez particulier, puisque c'était pour l'enterrement de mon père, qui s'est fait enterrer en Tunisie dans sa ville natale, parce que lui, du coup, est né là-bas. C'était une expérience très compliquée pour moi parce que du coup, j'étais beaucoup plus âgée. J'avais 18 ans. Et après le printemps arabe, de ce que j'ai pu comprendre, parce que du coup, je ne l'ai pas vécu comme je n'ai pas été en Tunisie après cette période-là, sauf pour l'enterrement de mon père, en fait, on ressentait une espèce de... De contexte très particulier, le premier exemple que j'ai, c'est quand j'ai mis les pieds en Tunisie avec le cercueil de mon père dans ce même avion. On est descendu de l'avion. La police tunisienne, qui a refusé de m'adresser la parole alors que j'étais avec mes deux grands frères, a pointé leur arme sur mes frères. Et je ne comprenais rien de ce qui se passait, mais juste moi j'étais là et j'avais des messieurs que je ne connais pas, dans un équipement très militarisé, qui me pointaient leur arme dessus. C'était une expérience vraiment très particulière qui a fait que depuis, je suis bien pas là-bas. Voilà.

  • Speaker #3

    Je n'allais pas fréquemment en Algérie. J'y suis allé que deux fois. La première fois, j'avais six mois, donc on la met de côté. Et la deuxième, c'était vraiment à titre... Enfin, dans mon esprit, c'était des vacances, donc je ne faisais même pas le rapprochement, en fait. Mon père, alors peut-être que la pression est importante, souvent on me le dit, pour moi, il est algérien. En fait, il est kabyle. Particulier, semble-t-il. Donc je vais aussi dans le village de mon père. Je rencontre toute la famille. J'y rencontre tout un tas de cousins, supposés, réels. Mais tout ça m'est totalement étranger à l'âge de 11 ou 13 ans, je ne sais plus très bien quel âge j'avais quand j'y suis allé la seconde fois. Ces gens-là font partie de ma famille, mais ils seraient polonais, américains, canadiens, ça serait exactement la même chose. Pour moi, il n'y avait pas ce rapport-là. Je suis allé à un endroit à un moment donné pour passer des vacances au soleil. Je rencontrais des gens avec des cultures, façon de s'habiller. différente de la mienne, avec une langue différente de celle que je pratique tout le temps, puisque je précise, je ne parle pas non plus ni l'arabe ni le kavi, je suis très très loin. Alors il parle français, pas ma grand-mère, qui elle parlait qu'arabe, on a très très peu échangé en fait. Donc voilà, celui dont je peux encore me remémorer, rien de plus que des vacances, une fille. Pas de déclic pour moi en me disant, tiens, je suis issu quand même d'un autre territoire par mon père, des traditions différentes. Parce que j'étais trop jeune et pas très intéressé.

  • Speaker #2

    Elle nous a toujours inculqué sa culture argentine. On a eu la chance avec mes frères et sœurs d'y aller une fois par an minimum, voir nos grands-parents, notre famille. On connaît très bien la ville de Buenos Aires. Et même dans, par exemple, tout ce qui est nourriture et autres, elle nous a toujours appris à faire à manger à l'Argentine, à servir à l'Argentine. On est complètement bilingues, mais on a toujours parlé français avec mon père, espagnol avec ma mère. Je me souviens quand on était petits et qu'on répondait en français à ma mère parce qu'on était plus à l'aise. On allait à l'école en France, etc. Elle disait non, moi, je ne vous réponds pas si vous me parlez en français.

  • Speaker #1

    Je suis venue vivre en France quatre ans et demi avant l'entrée en CP. Et je continuais à aller au Maroc chez mon père. Parce que c'est pareil, c'est pour ça que je suis venue vivre en France, pour suivre ma mère, qui était rentrée en France en fait. Et j'allais toutes les vacances scolaires françaises au Maroc, voir mon père. De quitter mon pays natal, de laisser mon père quand même en cours de route. Parce que quand on laisse un pays, de toute façon, on ne laisse pas qu'un pays. C'est toujours nos liens qui fondent notre attachement, quel qu'il soit. C'était triste pour moi. J'étais une petite fille assez créative, je dessinais beaucoup. Je crois que l'un de mes premiers dessins, c'était l'année où je suis arrivée en 1971. Il neigeait. Ce que je ne trouvais pas beau, c'était le ciel qui était gris. J'avoue que je venais d'une ville où le ciel était toujours bleu. Il y avait toujours les oiseaux, les fleurs, tout ça. Et puis le froid, pas trop. D'ailleurs, je suis tombée malade. La première année où je suis arrivée, j'en suis tombée malade. J'ai attrapé une grosse grippe. Je n'avais jamais eu de grippe, moi. Au Maroc, il n'y avait pas de grippe. Mes grands-parents, où j'ai vécu au début, pendant dix ans, vivaient au banlieue. Donc c'était gris, mais bon, il y avait le toit qui était un peu marron, rouge, brique. Mais à part le jardin, ce qui était plus chouette que d'habiter dans des HLM ou dans des buildings, comme d'autres de mes petits camarades d'enfance, il y avait des choses que je disais de travers, en fait. C'était du franco-marocain. Gratuit, on disait Fabor. Quand quelque chose était gradue, j'ai dit c'est Fabor. Tout le monde me regardait un petit peu misèrement. Bon, il y a encore des copains qui se moquent de moi parce que je l'ai raconté. J'avais une frange et je ne savais pas prononcer frange. Je disais frange. Bon, alors il y avait des petits trucs comme ça rigolos, mais on ne se moquait pas vraiment de moi. Ce dont je me souviens surtout au niveau de l'intégration, c'est que je me rappelle que les maîtresses parlaient entre elles. Et elle disait, elle vient du Maroc, on va l'aider. Et alors, tous les élèves se faisaient grandir quand ils faisaient des fautes ou autre, sauf moi. Ma première maîtresse m'adorait. Elle me regardait avec beaucoup de compassion, en me disant, on va l'aider, tout ça. Alors, il y en avait, ils prenaient vraiment des grosses punitions. Et puis moi, je me disais, ça va tomber sur moi. Jamais, jamais. La maîtresse disait Ah, il y a des métiers qui sont très très bien, il faut beaucoup travailler pour y arriver. Par exemple, le papa de Johanna, il est médecin. Moi, je me disais Ok, j'ai un avantage. Là, je me remémore comment j'étais en tant qu'enfant. Je voulais être comme les autres et je voulais être copine avec tout le monde, moi. Et d'ailleurs, j'étais copine avec tout le monde. je regardais les photos de CP et de CE1 jusqu'en CE2, je connaissais le prénom, je m'en rappelle encore. Yannick, il était de Bretagne, Christian, il m'aimait bien, et machin. Et moi, je voulais vraiment plaire à tout le monde, je ne voulais pas avoir quelque chose qui déplaise. Et il y avait aussi que j'avais entendu ma grand-mère me dire de ne pas avoir de signe extérieur de différence. Mon frère et moi, nous avons des prénoms francophones, à part notre nom de famille qui était quand même de consonance pas tout à fait française. Mon grand-père avait francisé son nom. Je devais en avoir entendu quelque chose, qu'il ne fallait pas faire de mousse, quoi. Il ne fallait pas faire de vagues. et du côté de mes grands-parents ça n'allait pas faire de vagues par rapport à mon grand-père qui avait peur d'amonter l'antisémitisme mais se rajouter en plus à l'antisémitisme la peur du rejet d'un autre ordre que je viens d'un pays étranger et elle, elle me disait non, non, on ne fait pas de différence et puis je voyais bien fête de Noël, on faisait tout tout tout pareil que les français, on mangeait comme les français, tout ça

  • Speaker #4

    Zina avec une sédie en haut, si je ne dis pas de bêtises, c'est beauté. Et Zina dans le Coran avec la sédie en bas, c'est adultère. Je trouve ça très très drôle. C'était le prénom de ma grand-mère, donc la mère de mon père, et qu'il y a cette transmission. Par exemple, son prénom était Abdelaziz Ben Mouldi. Donc Ben en arabe veut dire fils, et donc c'est fils de Mouldi. Donc dans son prénom complet, il y avait fils de Mouldi. C'est culturel, on transmet ça généralement.

  • Speaker #1

    Mon père nous envoyait les billets d'avion. Je restais toutes les grandes vacances. Ma mère ne pouvait pas nous garder. De toute façon, c'était son temps. Ça avait été décidé par voie de justice. Moi, j'ai été élevée pendant mes vacances par des nounous marocaines. C'était elles qui m'emmenaient à la plage, me promenaient, qui me donnaient le goûter, qui me chantaient des chansons quand on était énervées avec mon frère. Elles nous embarquaient faire les courses. Je savais... comment me comporter avec la nounou, comment me comporter avec ma papa. J'ai été aussi à l'école maternelle là-bas. Il y avait des trucs comme ça, je savais. Mais pour dire que quand j'allais au Maroc, j'étais en immersion marocaine. J'ai appris la langue, je parlais l'arabe, je comprenais ce qu'elle me disait, évidemment. C'était deux mondes.

  • Speaker #2

    À la maison, à table, on a un peu des réflexes des deux cultures. Il y a des exemples à table pure et des exemples quand on cuisine. Par exemple, ma petite sœur pèle un concombre à l'Argentine et moi à la française. Un Français prend l'économe et le met vers soi. Un Argentin le met vers l'extérieur. Et après, dans la nourriture, bien sûr, on est peut-être très viandard à la maison. Le manque de viande se fait rapidement ressentir. quand on est ensemble je me souviens il y avait des semaines où on mangeait pas de viande pendant une semaine quand on commence à avoir une certaine conscience là-dessus et on se disait tous un peu en manque quand même même mon père qui a été rallié à la cause argentine sur tout ce qui est nourriture

  • Speaker #1

    En plus, on ne mange pas pareil là-bas. J'avais des fruits et des légumes à profusion. Le poisson frais qui arrivait, on allait l'acheter au port. Je voyais le poisson qui sortait de l'eau. On l'achetait comme les gens qui vivent, mettons, dans un port de pêche en Bretagne. Ils savent ce que c'est que de manger des trucs qui sortent direct de la nature.

  • Speaker #4

    Mon père n'était pas musulman au début de ma vie. Il s'est converti à l'islam quand moi j'avais 11 ans. Enfin, il est rentré dans la religion plus exactement quand moi j'avais 11 ans. Parce qu'en fait, il n'arrêtait pas de boire et de fumer, il avait interdiction de me voir. Donc il a dit, je vais me ranger complètement et il a arrêté de boire et de fumer pour moi. Et à partir de ce moment-là... Quand moi j'allais chez mon père, quand à l'époque je pouvais manger à peu près ce que je voulais parce qu'il n'y avait pas vraiment de problème, lui ne mangeait pas de porc par exemple, mais moi j'avais le droit de manger ce que je voulais à condition que je le demande. À partir de mes 11 ans, la viande n'était qu'alal, il n'y avait plus de porc à la maison, certes il n'y avait plus d'alcool, mais en même temps à 11 ans je ne me sentais pas vraiment concernée par le projet. 11 ans, ça reste le moment où on commence à se découvrir. Et à cet âge-là, on a un double discours. Donc, on ne sait pas trop, on cherche, on tâtonne. Bon, mon papa, que j'aime beaucoup, me dit Il faut se ranger, il ne faut pas fumer, il ne faut pas boire, il faut faire ses cinq prières par jour, il ne faut pas manger de porc, il ne faut pas manger de viande qui n'est pas halale. Donc, à la cantine, c'est pareil. Je ne sais pas ce que j'ai le droit de manger. Alors que dans ma maison, avec ma mère, c'est un peu comme si tout cet univers-là n'existait plus, en fait. Je suis habituée à des codes avec ma mère, donc quand je suis avec elle, je les applique. Mais quand je suis avec mon père ou quand je ne suis pas avec ma mère, il y a beaucoup plus de questions qui vont se poser.

Description

Plongez au cœur de l'identité multiple avec Caroline, Johanna, Karim et Zina qui nous ouvrent les portes de leur enfance. Entre la France et l'Argentine, le Maroc et l'Algérie, ou encore la Tunisie. Ils et elles nous emmènent dans un voyage intime où les frontières culturelles se rencontrent, se mêlent et parfois se heurtent


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrit et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis...

  • Speaker #0

    Il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #2

    Je m'appelle Caroline, j'ai un papa français et une mère argentine. Ils se sont tous les deux rencontrés à la cité universitaire à Paris. Mon père venait de Bordeaux, il était à la maison franco-britannique. Et ma mère venait de Buenos Aires, elle était à la maison argentine. Ils étaient tous les deux délégués de leur maison, ils se sont rencontrés là. Ma mère disait qu'elle voulait rentrer à Buenos Aires et finalement, elle a trouvé son endroit dans le monde qui est Paris et qui lui correspond très bien. Ma mère est une pure petite parisienne aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Donc, je m'appelle Karim. Je m'approche furieusement des 60 ans. Je suis marié. J'ai deux enfants, deux grandes filles. Je suis né à Paris, dans le 10e arrondissement, plus précisément. Pour le sujet qui nous préoccupe, je suis donc français, né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français. J'ai été français jusqu'en 1962, ce qui fait que finalement, même si mon père est algérien, légalement, pour la législation française, je suis officiellement né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français.

  • Speaker #4

    Je m'appelle Zina, je suis née à Paris en 1998. Ma maman est française, mon père était tunisien. Mon père, avant de rencontrer ma mère, avait déjà trois enfants d'une femme tunisienne née en Tunisie. Donc ils se sont mariés en Tunisie. Ils sont venus en France aux alentours de 18-20 ans. 18 ans pour mon père et 20 ans pour ma belle-mère. Et ils ont eu trois enfants qui sont nés sur le territoire français. Donc ils ont la même culture que moi. Après, l'avantage entre guillemets qu'eux ont eu, c'est qu'ils ont eu leur mère qui, dès le départ, leur parlait arabe puisqu'elle était issue de la Tunisie. Après, moi, aujourd'hui, je les considère comme mes frères. Il n'y a pas de cet espèce de truc de demi-machin. Pour moi, c'est mes trois grands frères. Leur mère, je l'appelle Tata. Alors ça, c'est culturel, a priori. On doit appeler toutes les femmes qui font partie de la famille de près ou de loin Tata. Donc, très bien, Tata. Vraiment, si j'ai besoin d'elle, je peux l'appeler, je peux compter sur elle à 100%. Mes trois grands frères, en règle générale, si je les appelle, je sais qu'il n'y a pas de problème. Mais du coup, voilà, c'est mes trois grands frères qui, eux, me transmettent cette culture. Merci. quand j'arrive à les voir.

  • Speaker #1

    Je suis Johanna, je suis née au Maroc, d'un père marocain et d'une mère devenue française avant ma naissance, mais plus française que marocaine, on va dire, franco-marocaine. Et j'ai grandi en France à part mes quatre premières années.

  • Speaker #4

    La première fois que j'y ai été, j'étais très jeune, j'avais 6 ans. J'ai aucun souvenir de comment ça se passait. Par contre, j'y suis retournée assez régulièrement jusqu'au printemps arabe, puisque ma maman était terrorisée que je mette les pieds là-bas, même si j'étais en famille. Et j'y suis retournée en 2016 dans un contexte assez particulier, puisque c'était pour l'enterrement de mon père, qui s'est fait enterrer en Tunisie dans sa ville natale, parce que lui, du coup, est né là-bas. C'était une expérience très compliquée pour moi parce que du coup, j'étais beaucoup plus âgée. J'avais 18 ans. Et après le printemps arabe, de ce que j'ai pu comprendre, parce que du coup, je ne l'ai pas vécu comme je n'ai pas été en Tunisie après cette période-là, sauf pour l'enterrement de mon père, en fait, on ressentait une espèce de... De contexte très particulier, le premier exemple que j'ai, c'est quand j'ai mis les pieds en Tunisie avec le cercueil de mon père dans ce même avion. On est descendu de l'avion. La police tunisienne, qui a refusé de m'adresser la parole alors que j'étais avec mes deux grands frères, a pointé leur arme sur mes frères. Et je ne comprenais rien de ce qui se passait, mais juste moi j'étais là et j'avais des messieurs que je ne connais pas, dans un équipement très militarisé, qui me pointaient leur arme dessus. C'était une expérience vraiment très particulière qui a fait que depuis, je suis bien pas là-bas. Voilà.

  • Speaker #3

    Je n'allais pas fréquemment en Algérie. J'y suis allé que deux fois. La première fois, j'avais six mois, donc on la met de côté. Et la deuxième, c'était vraiment à titre... Enfin, dans mon esprit, c'était des vacances, donc je ne faisais même pas le rapprochement, en fait. Mon père, alors peut-être que la pression est importante, souvent on me le dit, pour moi, il est algérien. En fait, il est kabyle. Particulier, semble-t-il. Donc je vais aussi dans le village de mon père. Je rencontre toute la famille. J'y rencontre tout un tas de cousins, supposés, réels. Mais tout ça m'est totalement étranger à l'âge de 11 ou 13 ans, je ne sais plus très bien quel âge j'avais quand j'y suis allé la seconde fois. Ces gens-là font partie de ma famille, mais ils seraient polonais, américains, canadiens, ça serait exactement la même chose. Pour moi, il n'y avait pas ce rapport-là. Je suis allé à un endroit à un moment donné pour passer des vacances au soleil. Je rencontrais des gens avec des cultures, façon de s'habiller. différente de la mienne, avec une langue différente de celle que je pratique tout le temps, puisque je précise, je ne parle pas non plus ni l'arabe ni le kavi, je suis très très loin. Alors il parle français, pas ma grand-mère, qui elle parlait qu'arabe, on a très très peu échangé en fait. Donc voilà, celui dont je peux encore me remémorer, rien de plus que des vacances, une fille. Pas de déclic pour moi en me disant, tiens, je suis issu quand même d'un autre territoire par mon père, des traditions différentes. Parce que j'étais trop jeune et pas très intéressé.

  • Speaker #2

    Elle nous a toujours inculqué sa culture argentine. On a eu la chance avec mes frères et sœurs d'y aller une fois par an minimum, voir nos grands-parents, notre famille. On connaît très bien la ville de Buenos Aires. Et même dans, par exemple, tout ce qui est nourriture et autres, elle nous a toujours appris à faire à manger à l'Argentine, à servir à l'Argentine. On est complètement bilingues, mais on a toujours parlé français avec mon père, espagnol avec ma mère. Je me souviens quand on était petits et qu'on répondait en français à ma mère parce qu'on était plus à l'aise. On allait à l'école en France, etc. Elle disait non, moi, je ne vous réponds pas si vous me parlez en français.

  • Speaker #1

    Je suis venue vivre en France quatre ans et demi avant l'entrée en CP. Et je continuais à aller au Maroc chez mon père. Parce que c'est pareil, c'est pour ça que je suis venue vivre en France, pour suivre ma mère, qui était rentrée en France en fait. Et j'allais toutes les vacances scolaires françaises au Maroc, voir mon père. De quitter mon pays natal, de laisser mon père quand même en cours de route. Parce que quand on laisse un pays, de toute façon, on ne laisse pas qu'un pays. C'est toujours nos liens qui fondent notre attachement, quel qu'il soit. C'était triste pour moi. J'étais une petite fille assez créative, je dessinais beaucoup. Je crois que l'un de mes premiers dessins, c'était l'année où je suis arrivée en 1971. Il neigeait. Ce que je ne trouvais pas beau, c'était le ciel qui était gris. J'avoue que je venais d'une ville où le ciel était toujours bleu. Il y avait toujours les oiseaux, les fleurs, tout ça. Et puis le froid, pas trop. D'ailleurs, je suis tombée malade. La première année où je suis arrivée, j'en suis tombée malade. J'ai attrapé une grosse grippe. Je n'avais jamais eu de grippe, moi. Au Maroc, il n'y avait pas de grippe. Mes grands-parents, où j'ai vécu au début, pendant dix ans, vivaient au banlieue. Donc c'était gris, mais bon, il y avait le toit qui était un peu marron, rouge, brique. Mais à part le jardin, ce qui était plus chouette que d'habiter dans des HLM ou dans des buildings, comme d'autres de mes petits camarades d'enfance, il y avait des choses que je disais de travers, en fait. C'était du franco-marocain. Gratuit, on disait Fabor. Quand quelque chose était gradue, j'ai dit c'est Fabor. Tout le monde me regardait un petit peu misèrement. Bon, il y a encore des copains qui se moquent de moi parce que je l'ai raconté. J'avais une frange et je ne savais pas prononcer frange. Je disais frange. Bon, alors il y avait des petits trucs comme ça rigolos, mais on ne se moquait pas vraiment de moi. Ce dont je me souviens surtout au niveau de l'intégration, c'est que je me rappelle que les maîtresses parlaient entre elles. Et elle disait, elle vient du Maroc, on va l'aider. Et alors, tous les élèves se faisaient grandir quand ils faisaient des fautes ou autre, sauf moi. Ma première maîtresse m'adorait. Elle me regardait avec beaucoup de compassion, en me disant, on va l'aider, tout ça. Alors, il y en avait, ils prenaient vraiment des grosses punitions. Et puis moi, je me disais, ça va tomber sur moi. Jamais, jamais. La maîtresse disait Ah, il y a des métiers qui sont très très bien, il faut beaucoup travailler pour y arriver. Par exemple, le papa de Johanna, il est médecin. Moi, je me disais Ok, j'ai un avantage. Là, je me remémore comment j'étais en tant qu'enfant. Je voulais être comme les autres et je voulais être copine avec tout le monde, moi. Et d'ailleurs, j'étais copine avec tout le monde. je regardais les photos de CP et de CE1 jusqu'en CE2, je connaissais le prénom, je m'en rappelle encore. Yannick, il était de Bretagne, Christian, il m'aimait bien, et machin. Et moi, je voulais vraiment plaire à tout le monde, je ne voulais pas avoir quelque chose qui déplaise. Et il y avait aussi que j'avais entendu ma grand-mère me dire de ne pas avoir de signe extérieur de différence. Mon frère et moi, nous avons des prénoms francophones, à part notre nom de famille qui était quand même de consonance pas tout à fait française. Mon grand-père avait francisé son nom. Je devais en avoir entendu quelque chose, qu'il ne fallait pas faire de mousse, quoi. Il ne fallait pas faire de vagues. et du côté de mes grands-parents ça n'allait pas faire de vagues par rapport à mon grand-père qui avait peur d'amonter l'antisémitisme mais se rajouter en plus à l'antisémitisme la peur du rejet d'un autre ordre que je viens d'un pays étranger et elle, elle me disait non, non, on ne fait pas de différence et puis je voyais bien fête de Noël, on faisait tout tout tout pareil que les français, on mangeait comme les français, tout ça

  • Speaker #4

    Zina avec une sédie en haut, si je ne dis pas de bêtises, c'est beauté. Et Zina dans le Coran avec la sédie en bas, c'est adultère. Je trouve ça très très drôle. C'était le prénom de ma grand-mère, donc la mère de mon père, et qu'il y a cette transmission. Par exemple, son prénom était Abdelaziz Ben Mouldi. Donc Ben en arabe veut dire fils, et donc c'est fils de Mouldi. Donc dans son prénom complet, il y avait fils de Mouldi. C'est culturel, on transmet ça généralement.

  • Speaker #1

    Mon père nous envoyait les billets d'avion. Je restais toutes les grandes vacances. Ma mère ne pouvait pas nous garder. De toute façon, c'était son temps. Ça avait été décidé par voie de justice. Moi, j'ai été élevée pendant mes vacances par des nounous marocaines. C'était elles qui m'emmenaient à la plage, me promenaient, qui me donnaient le goûter, qui me chantaient des chansons quand on était énervées avec mon frère. Elles nous embarquaient faire les courses. Je savais... comment me comporter avec la nounou, comment me comporter avec ma papa. J'ai été aussi à l'école maternelle là-bas. Il y avait des trucs comme ça, je savais. Mais pour dire que quand j'allais au Maroc, j'étais en immersion marocaine. J'ai appris la langue, je parlais l'arabe, je comprenais ce qu'elle me disait, évidemment. C'était deux mondes.

  • Speaker #2

    À la maison, à table, on a un peu des réflexes des deux cultures. Il y a des exemples à table pure et des exemples quand on cuisine. Par exemple, ma petite sœur pèle un concombre à l'Argentine et moi à la française. Un Français prend l'économe et le met vers soi. Un Argentin le met vers l'extérieur. Et après, dans la nourriture, bien sûr, on est peut-être très viandard à la maison. Le manque de viande se fait rapidement ressentir. quand on est ensemble je me souviens il y avait des semaines où on mangeait pas de viande pendant une semaine quand on commence à avoir une certaine conscience là-dessus et on se disait tous un peu en manque quand même même mon père qui a été rallié à la cause argentine sur tout ce qui est nourriture

  • Speaker #1

    En plus, on ne mange pas pareil là-bas. J'avais des fruits et des légumes à profusion. Le poisson frais qui arrivait, on allait l'acheter au port. Je voyais le poisson qui sortait de l'eau. On l'achetait comme les gens qui vivent, mettons, dans un port de pêche en Bretagne. Ils savent ce que c'est que de manger des trucs qui sortent direct de la nature.

  • Speaker #4

    Mon père n'était pas musulman au début de ma vie. Il s'est converti à l'islam quand moi j'avais 11 ans. Enfin, il est rentré dans la religion plus exactement quand moi j'avais 11 ans. Parce qu'en fait, il n'arrêtait pas de boire et de fumer, il avait interdiction de me voir. Donc il a dit, je vais me ranger complètement et il a arrêté de boire et de fumer pour moi. Et à partir de ce moment-là... Quand moi j'allais chez mon père, quand à l'époque je pouvais manger à peu près ce que je voulais parce qu'il n'y avait pas vraiment de problème, lui ne mangeait pas de porc par exemple, mais moi j'avais le droit de manger ce que je voulais à condition que je le demande. À partir de mes 11 ans, la viande n'était qu'alal, il n'y avait plus de porc à la maison, certes il n'y avait plus d'alcool, mais en même temps à 11 ans je ne me sentais pas vraiment concernée par le projet. 11 ans, ça reste le moment où on commence à se découvrir. Et à cet âge-là, on a un double discours. Donc, on ne sait pas trop, on cherche, on tâtonne. Bon, mon papa, que j'aime beaucoup, me dit Il faut se ranger, il ne faut pas fumer, il ne faut pas boire, il faut faire ses cinq prières par jour, il ne faut pas manger de porc, il ne faut pas manger de viande qui n'est pas halale. Donc, à la cantine, c'est pareil. Je ne sais pas ce que j'ai le droit de manger. Alors que dans ma maison, avec ma mère, c'est un peu comme si tout cet univers-là n'existait plus, en fait. Je suis habituée à des codes avec ma mère, donc quand je suis avec elle, je les applique. Mais quand je suis avec mon père ou quand je ne suis pas avec ma mère, il y a beaucoup plus de questions qui vont se poser.

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Description

Plongez au cœur de l'identité multiple avec Caroline, Johanna, Karim et Zina qui nous ouvrent les portes de leur enfance. Entre la France et l'Argentine, le Maroc et l'Algérie, ou encore la Tunisie. Ils et elles nous emmènent dans un voyage intime où les frontières culturelles se rencontrent, se mêlent et parfois se heurtent


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrit et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis...

  • Speaker #0

    Il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #2

    Je m'appelle Caroline, j'ai un papa français et une mère argentine. Ils se sont tous les deux rencontrés à la cité universitaire à Paris. Mon père venait de Bordeaux, il était à la maison franco-britannique. Et ma mère venait de Buenos Aires, elle était à la maison argentine. Ils étaient tous les deux délégués de leur maison, ils se sont rencontrés là. Ma mère disait qu'elle voulait rentrer à Buenos Aires et finalement, elle a trouvé son endroit dans le monde qui est Paris et qui lui correspond très bien. Ma mère est une pure petite parisienne aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Donc, je m'appelle Karim. Je m'approche furieusement des 60 ans. Je suis marié. J'ai deux enfants, deux grandes filles. Je suis né à Paris, dans le 10e arrondissement, plus précisément. Pour le sujet qui nous préoccupe, je suis donc français, né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français. J'ai été français jusqu'en 1962, ce qui fait que finalement, même si mon père est algérien, légalement, pour la législation française, je suis officiellement né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français.

  • Speaker #4

    Je m'appelle Zina, je suis née à Paris en 1998. Ma maman est française, mon père était tunisien. Mon père, avant de rencontrer ma mère, avait déjà trois enfants d'une femme tunisienne née en Tunisie. Donc ils se sont mariés en Tunisie. Ils sont venus en France aux alentours de 18-20 ans. 18 ans pour mon père et 20 ans pour ma belle-mère. Et ils ont eu trois enfants qui sont nés sur le territoire français. Donc ils ont la même culture que moi. Après, l'avantage entre guillemets qu'eux ont eu, c'est qu'ils ont eu leur mère qui, dès le départ, leur parlait arabe puisqu'elle était issue de la Tunisie. Après, moi, aujourd'hui, je les considère comme mes frères. Il n'y a pas de cet espèce de truc de demi-machin. Pour moi, c'est mes trois grands frères. Leur mère, je l'appelle Tata. Alors ça, c'est culturel, a priori. On doit appeler toutes les femmes qui font partie de la famille de près ou de loin Tata. Donc, très bien, Tata. Vraiment, si j'ai besoin d'elle, je peux l'appeler, je peux compter sur elle à 100%. Mes trois grands frères, en règle générale, si je les appelle, je sais qu'il n'y a pas de problème. Mais du coup, voilà, c'est mes trois grands frères qui, eux, me transmettent cette culture. Merci. quand j'arrive à les voir.

  • Speaker #1

    Je suis Johanna, je suis née au Maroc, d'un père marocain et d'une mère devenue française avant ma naissance, mais plus française que marocaine, on va dire, franco-marocaine. Et j'ai grandi en France à part mes quatre premières années.

  • Speaker #4

    La première fois que j'y ai été, j'étais très jeune, j'avais 6 ans. J'ai aucun souvenir de comment ça se passait. Par contre, j'y suis retournée assez régulièrement jusqu'au printemps arabe, puisque ma maman était terrorisée que je mette les pieds là-bas, même si j'étais en famille. Et j'y suis retournée en 2016 dans un contexte assez particulier, puisque c'était pour l'enterrement de mon père, qui s'est fait enterrer en Tunisie dans sa ville natale, parce que lui, du coup, est né là-bas. C'était une expérience très compliquée pour moi parce que du coup, j'étais beaucoup plus âgée. J'avais 18 ans. Et après le printemps arabe, de ce que j'ai pu comprendre, parce que du coup, je ne l'ai pas vécu comme je n'ai pas été en Tunisie après cette période-là, sauf pour l'enterrement de mon père, en fait, on ressentait une espèce de... De contexte très particulier, le premier exemple que j'ai, c'est quand j'ai mis les pieds en Tunisie avec le cercueil de mon père dans ce même avion. On est descendu de l'avion. La police tunisienne, qui a refusé de m'adresser la parole alors que j'étais avec mes deux grands frères, a pointé leur arme sur mes frères. Et je ne comprenais rien de ce qui se passait, mais juste moi j'étais là et j'avais des messieurs que je ne connais pas, dans un équipement très militarisé, qui me pointaient leur arme dessus. C'était une expérience vraiment très particulière qui a fait que depuis, je suis bien pas là-bas. Voilà.

  • Speaker #3

    Je n'allais pas fréquemment en Algérie. J'y suis allé que deux fois. La première fois, j'avais six mois, donc on la met de côté. Et la deuxième, c'était vraiment à titre... Enfin, dans mon esprit, c'était des vacances, donc je ne faisais même pas le rapprochement, en fait. Mon père, alors peut-être que la pression est importante, souvent on me le dit, pour moi, il est algérien. En fait, il est kabyle. Particulier, semble-t-il. Donc je vais aussi dans le village de mon père. Je rencontre toute la famille. J'y rencontre tout un tas de cousins, supposés, réels. Mais tout ça m'est totalement étranger à l'âge de 11 ou 13 ans, je ne sais plus très bien quel âge j'avais quand j'y suis allé la seconde fois. Ces gens-là font partie de ma famille, mais ils seraient polonais, américains, canadiens, ça serait exactement la même chose. Pour moi, il n'y avait pas ce rapport-là. Je suis allé à un endroit à un moment donné pour passer des vacances au soleil. Je rencontrais des gens avec des cultures, façon de s'habiller. différente de la mienne, avec une langue différente de celle que je pratique tout le temps, puisque je précise, je ne parle pas non plus ni l'arabe ni le kavi, je suis très très loin. Alors il parle français, pas ma grand-mère, qui elle parlait qu'arabe, on a très très peu échangé en fait. Donc voilà, celui dont je peux encore me remémorer, rien de plus que des vacances, une fille. Pas de déclic pour moi en me disant, tiens, je suis issu quand même d'un autre territoire par mon père, des traditions différentes. Parce que j'étais trop jeune et pas très intéressé.

  • Speaker #2

    Elle nous a toujours inculqué sa culture argentine. On a eu la chance avec mes frères et sœurs d'y aller une fois par an minimum, voir nos grands-parents, notre famille. On connaît très bien la ville de Buenos Aires. Et même dans, par exemple, tout ce qui est nourriture et autres, elle nous a toujours appris à faire à manger à l'Argentine, à servir à l'Argentine. On est complètement bilingues, mais on a toujours parlé français avec mon père, espagnol avec ma mère. Je me souviens quand on était petits et qu'on répondait en français à ma mère parce qu'on était plus à l'aise. On allait à l'école en France, etc. Elle disait non, moi, je ne vous réponds pas si vous me parlez en français.

  • Speaker #1

    Je suis venue vivre en France quatre ans et demi avant l'entrée en CP. Et je continuais à aller au Maroc chez mon père. Parce que c'est pareil, c'est pour ça que je suis venue vivre en France, pour suivre ma mère, qui était rentrée en France en fait. Et j'allais toutes les vacances scolaires françaises au Maroc, voir mon père. De quitter mon pays natal, de laisser mon père quand même en cours de route. Parce que quand on laisse un pays, de toute façon, on ne laisse pas qu'un pays. C'est toujours nos liens qui fondent notre attachement, quel qu'il soit. C'était triste pour moi. J'étais une petite fille assez créative, je dessinais beaucoup. Je crois que l'un de mes premiers dessins, c'était l'année où je suis arrivée en 1971. Il neigeait. Ce que je ne trouvais pas beau, c'était le ciel qui était gris. J'avoue que je venais d'une ville où le ciel était toujours bleu. Il y avait toujours les oiseaux, les fleurs, tout ça. Et puis le froid, pas trop. D'ailleurs, je suis tombée malade. La première année où je suis arrivée, j'en suis tombée malade. J'ai attrapé une grosse grippe. Je n'avais jamais eu de grippe, moi. Au Maroc, il n'y avait pas de grippe. Mes grands-parents, où j'ai vécu au début, pendant dix ans, vivaient au banlieue. Donc c'était gris, mais bon, il y avait le toit qui était un peu marron, rouge, brique. Mais à part le jardin, ce qui était plus chouette que d'habiter dans des HLM ou dans des buildings, comme d'autres de mes petits camarades d'enfance, il y avait des choses que je disais de travers, en fait. C'était du franco-marocain. Gratuit, on disait Fabor. Quand quelque chose était gradue, j'ai dit c'est Fabor. Tout le monde me regardait un petit peu misèrement. Bon, il y a encore des copains qui se moquent de moi parce que je l'ai raconté. J'avais une frange et je ne savais pas prononcer frange. Je disais frange. Bon, alors il y avait des petits trucs comme ça rigolos, mais on ne se moquait pas vraiment de moi. Ce dont je me souviens surtout au niveau de l'intégration, c'est que je me rappelle que les maîtresses parlaient entre elles. Et elle disait, elle vient du Maroc, on va l'aider. Et alors, tous les élèves se faisaient grandir quand ils faisaient des fautes ou autre, sauf moi. Ma première maîtresse m'adorait. Elle me regardait avec beaucoup de compassion, en me disant, on va l'aider, tout ça. Alors, il y en avait, ils prenaient vraiment des grosses punitions. Et puis moi, je me disais, ça va tomber sur moi. Jamais, jamais. La maîtresse disait Ah, il y a des métiers qui sont très très bien, il faut beaucoup travailler pour y arriver. Par exemple, le papa de Johanna, il est médecin. Moi, je me disais Ok, j'ai un avantage. Là, je me remémore comment j'étais en tant qu'enfant. Je voulais être comme les autres et je voulais être copine avec tout le monde, moi. Et d'ailleurs, j'étais copine avec tout le monde. je regardais les photos de CP et de CE1 jusqu'en CE2, je connaissais le prénom, je m'en rappelle encore. Yannick, il était de Bretagne, Christian, il m'aimait bien, et machin. Et moi, je voulais vraiment plaire à tout le monde, je ne voulais pas avoir quelque chose qui déplaise. Et il y avait aussi que j'avais entendu ma grand-mère me dire de ne pas avoir de signe extérieur de différence. Mon frère et moi, nous avons des prénoms francophones, à part notre nom de famille qui était quand même de consonance pas tout à fait française. Mon grand-père avait francisé son nom. Je devais en avoir entendu quelque chose, qu'il ne fallait pas faire de mousse, quoi. Il ne fallait pas faire de vagues. et du côté de mes grands-parents ça n'allait pas faire de vagues par rapport à mon grand-père qui avait peur d'amonter l'antisémitisme mais se rajouter en plus à l'antisémitisme la peur du rejet d'un autre ordre que je viens d'un pays étranger et elle, elle me disait non, non, on ne fait pas de différence et puis je voyais bien fête de Noël, on faisait tout tout tout pareil que les français, on mangeait comme les français, tout ça

  • Speaker #4

    Zina avec une sédie en haut, si je ne dis pas de bêtises, c'est beauté. Et Zina dans le Coran avec la sédie en bas, c'est adultère. Je trouve ça très très drôle. C'était le prénom de ma grand-mère, donc la mère de mon père, et qu'il y a cette transmission. Par exemple, son prénom était Abdelaziz Ben Mouldi. Donc Ben en arabe veut dire fils, et donc c'est fils de Mouldi. Donc dans son prénom complet, il y avait fils de Mouldi. C'est culturel, on transmet ça généralement.

  • Speaker #1

    Mon père nous envoyait les billets d'avion. Je restais toutes les grandes vacances. Ma mère ne pouvait pas nous garder. De toute façon, c'était son temps. Ça avait été décidé par voie de justice. Moi, j'ai été élevée pendant mes vacances par des nounous marocaines. C'était elles qui m'emmenaient à la plage, me promenaient, qui me donnaient le goûter, qui me chantaient des chansons quand on était énervées avec mon frère. Elles nous embarquaient faire les courses. Je savais... comment me comporter avec la nounou, comment me comporter avec ma papa. J'ai été aussi à l'école maternelle là-bas. Il y avait des trucs comme ça, je savais. Mais pour dire que quand j'allais au Maroc, j'étais en immersion marocaine. J'ai appris la langue, je parlais l'arabe, je comprenais ce qu'elle me disait, évidemment. C'était deux mondes.

  • Speaker #2

    À la maison, à table, on a un peu des réflexes des deux cultures. Il y a des exemples à table pure et des exemples quand on cuisine. Par exemple, ma petite sœur pèle un concombre à l'Argentine et moi à la française. Un Français prend l'économe et le met vers soi. Un Argentin le met vers l'extérieur. Et après, dans la nourriture, bien sûr, on est peut-être très viandard à la maison. Le manque de viande se fait rapidement ressentir. quand on est ensemble je me souviens il y avait des semaines où on mangeait pas de viande pendant une semaine quand on commence à avoir une certaine conscience là-dessus et on se disait tous un peu en manque quand même même mon père qui a été rallié à la cause argentine sur tout ce qui est nourriture

  • Speaker #1

    En plus, on ne mange pas pareil là-bas. J'avais des fruits et des légumes à profusion. Le poisson frais qui arrivait, on allait l'acheter au port. Je voyais le poisson qui sortait de l'eau. On l'achetait comme les gens qui vivent, mettons, dans un port de pêche en Bretagne. Ils savent ce que c'est que de manger des trucs qui sortent direct de la nature.

  • Speaker #4

    Mon père n'était pas musulman au début de ma vie. Il s'est converti à l'islam quand moi j'avais 11 ans. Enfin, il est rentré dans la religion plus exactement quand moi j'avais 11 ans. Parce qu'en fait, il n'arrêtait pas de boire et de fumer, il avait interdiction de me voir. Donc il a dit, je vais me ranger complètement et il a arrêté de boire et de fumer pour moi. Et à partir de ce moment-là... Quand moi j'allais chez mon père, quand à l'époque je pouvais manger à peu près ce que je voulais parce qu'il n'y avait pas vraiment de problème, lui ne mangeait pas de porc par exemple, mais moi j'avais le droit de manger ce que je voulais à condition que je le demande. À partir de mes 11 ans, la viande n'était qu'alal, il n'y avait plus de porc à la maison, certes il n'y avait plus d'alcool, mais en même temps à 11 ans je ne me sentais pas vraiment concernée par le projet. 11 ans, ça reste le moment où on commence à se découvrir. Et à cet âge-là, on a un double discours. Donc, on ne sait pas trop, on cherche, on tâtonne. Bon, mon papa, que j'aime beaucoup, me dit Il faut se ranger, il ne faut pas fumer, il ne faut pas boire, il faut faire ses cinq prières par jour, il ne faut pas manger de porc, il ne faut pas manger de viande qui n'est pas halale. Donc, à la cantine, c'est pareil. Je ne sais pas ce que j'ai le droit de manger. Alors que dans ma maison, avec ma mère, c'est un peu comme si tout cet univers-là n'existait plus, en fait. Je suis habituée à des codes avec ma mère, donc quand je suis avec elle, je les applique. Mais quand je suis avec mon père ou quand je ne suis pas avec ma mère, il y a beaucoup plus de questions qui vont se poser.

Description

Plongez au cœur de l'identité multiple avec Caroline, Johanna, Karim et Zina qui nous ouvrent les portes de leur enfance. Entre la France et l'Argentine, le Maroc et l'Algérie, ou encore la Tunisie. Ils et elles nous emmènent dans un voyage intime où les frontières culturelles se rencontrent, se mêlent et parfois se heurtent


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comme 12% de la population française, je suis le fruit d'une double culture. Mon père est italien et ma mère est française. Une dualité qui m'anime et me questionne. Naître dans une famille biculturelle, c'est grandir avec un ailleurs. Être ici et un peu là-bas. Un voyage entre deux identités qui façonnent, nourrit et inspirent. Dans ce podcast, nous partirons à la rencontre de ceux et celles qui portent en eux l'héritage de deux mondes. Comment navigue-t-on entre deux cultures, deux langues, deux cuisines ? Certains ont tracé des routes imaginaires vers des terres qu'ils n'ont jamais foulées. D'autres jonglent avec les langues, les traditions et les identités avec facilité.

  • Speaker #1

    Et puis...

  • Speaker #0

    Il y a parfois juste un patronyme avec lequel on doit faire face aux préjugés et aux stéréotypes qu'ils transportent. Nous allons explorer ces connexions invisibles, ces transmissions complexes qui nous lient à nos origines, à nos familles, à nos histoires. Double Regard vous invite à partager les récits inspirants de la double culture.

  • Speaker #2

    Je m'appelle Caroline, j'ai un papa français et une mère argentine. Ils se sont tous les deux rencontrés à la cité universitaire à Paris. Mon père venait de Bordeaux, il était à la maison franco-britannique. Et ma mère venait de Buenos Aires, elle était à la maison argentine. Ils étaient tous les deux délégués de leur maison, ils se sont rencontrés là. Ma mère disait qu'elle voulait rentrer à Buenos Aires et finalement, elle a trouvé son endroit dans le monde qui est Paris et qui lui correspond très bien. Ma mère est une pure petite parisienne aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Donc, je m'appelle Karim. Je m'approche furieusement des 60 ans. Je suis marié. J'ai deux enfants, deux grandes filles. Je suis né à Paris, dans le 10e arrondissement, plus précisément. Pour le sujet qui nous préoccupe, je suis donc français, né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français. J'ai été français jusqu'en 1962, ce qui fait que finalement, même si mon père est algérien, légalement, pour la législation française, je suis officiellement né d'une mère française et d'un père né sur un territoire français.

  • Speaker #4

    Je m'appelle Zina, je suis née à Paris en 1998. Ma maman est française, mon père était tunisien. Mon père, avant de rencontrer ma mère, avait déjà trois enfants d'une femme tunisienne née en Tunisie. Donc ils se sont mariés en Tunisie. Ils sont venus en France aux alentours de 18-20 ans. 18 ans pour mon père et 20 ans pour ma belle-mère. Et ils ont eu trois enfants qui sont nés sur le territoire français. Donc ils ont la même culture que moi. Après, l'avantage entre guillemets qu'eux ont eu, c'est qu'ils ont eu leur mère qui, dès le départ, leur parlait arabe puisqu'elle était issue de la Tunisie. Après, moi, aujourd'hui, je les considère comme mes frères. Il n'y a pas de cet espèce de truc de demi-machin. Pour moi, c'est mes trois grands frères. Leur mère, je l'appelle Tata. Alors ça, c'est culturel, a priori. On doit appeler toutes les femmes qui font partie de la famille de près ou de loin Tata. Donc, très bien, Tata. Vraiment, si j'ai besoin d'elle, je peux l'appeler, je peux compter sur elle à 100%. Mes trois grands frères, en règle générale, si je les appelle, je sais qu'il n'y a pas de problème. Mais du coup, voilà, c'est mes trois grands frères qui, eux, me transmettent cette culture. Merci. quand j'arrive à les voir.

  • Speaker #1

    Je suis Johanna, je suis née au Maroc, d'un père marocain et d'une mère devenue française avant ma naissance, mais plus française que marocaine, on va dire, franco-marocaine. Et j'ai grandi en France à part mes quatre premières années.

  • Speaker #4

    La première fois que j'y ai été, j'étais très jeune, j'avais 6 ans. J'ai aucun souvenir de comment ça se passait. Par contre, j'y suis retournée assez régulièrement jusqu'au printemps arabe, puisque ma maman était terrorisée que je mette les pieds là-bas, même si j'étais en famille. Et j'y suis retournée en 2016 dans un contexte assez particulier, puisque c'était pour l'enterrement de mon père, qui s'est fait enterrer en Tunisie dans sa ville natale, parce que lui, du coup, est né là-bas. C'était une expérience très compliquée pour moi parce que du coup, j'étais beaucoup plus âgée. J'avais 18 ans. Et après le printemps arabe, de ce que j'ai pu comprendre, parce que du coup, je ne l'ai pas vécu comme je n'ai pas été en Tunisie après cette période-là, sauf pour l'enterrement de mon père, en fait, on ressentait une espèce de... De contexte très particulier, le premier exemple que j'ai, c'est quand j'ai mis les pieds en Tunisie avec le cercueil de mon père dans ce même avion. On est descendu de l'avion. La police tunisienne, qui a refusé de m'adresser la parole alors que j'étais avec mes deux grands frères, a pointé leur arme sur mes frères. Et je ne comprenais rien de ce qui se passait, mais juste moi j'étais là et j'avais des messieurs que je ne connais pas, dans un équipement très militarisé, qui me pointaient leur arme dessus. C'était une expérience vraiment très particulière qui a fait que depuis, je suis bien pas là-bas. Voilà.

  • Speaker #3

    Je n'allais pas fréquemment en Algérie. J'y suis allé que deux fois. La première fois, j'avais six mois, donc on la met de côté. Et la deuxième, c'était vraiment à titre... Enfin, dans mon esprit, c'était des vacances, donc je ne faisais même pas le rapprochement, en fait. Mon père, alors peut-être que la pression est importante, souvent on me le dit, pour moi, il est algérien. En fait, il est kabyle. Particulier, semble-t-il. Donc je vais aussi dans le village de mon père. Je rencontre toute la famille. J'y rencontre tout un tas de cousins, supposés, réels. Mais tout ça m'est totalement étranger à l'âge de 11 ou 13 ans, je ne sais plus très bien quel âge j'avais quand j'y suis allé la seconde fois. Ces gens-là font partie de ma famille, mais ils seraient polonais, américains, canadiens, ça serait exactement la même chose. Pour moi, il n'y avait pas ce rapport-là. Je suis allé à un endroit à un moment donné pour passer des vacances au soleil. Je rencontrais des gens avec des cultures, façon de s'habiller. différente de la mienne, avec une langue différente de celle que je pratique tout le temps, puisque je précise, je ne parle pas non plus ni l'arabe ni le kavi, je suis très très loin. Alors il parle français, pas ma grand-mère, qui elle parlait qu'arabe, on a très très peu échangé en fait. Donc voilà, celui dont je peux encore me remémorer, rien de plus que des vacances, une fille. Pas de déclic pour moi en me disant, tiens, je suis issu quand même d'un autre territoire par mon père, des traditions différentes. Parce que j'étais trop jeune et pas très intéressé.

  • Speaker #2

    Elle nous a toujours inculqué sa culture argentine. On a eu la chance avec mes frères et sœurs d'y aller une fois par an minimum, voir nos grands-parents, notre famille. On connaît très bien la ville de Buenos Aires. Et même dans, par exemple, tout ce qui est nourriture et autres, elle nous a toujours appris à faire à manger à l'Argentine, à servir à l'Argentine. On est complètement bilingues, mais on a toujours parlé français avec mon père, espagnol avec ma mère. Je me souviens quand on était petits et qu'on répondait en français à ma mère parce qu'on était plus à l'aise. On allait à l'école en France, etc. Elle disait non, moi, je ne vous réponds pas si vous me parlez en français.

  • Speaker #1

    Je suis venue vivre en France quatre ans et demi avant l'entrée en CP. Et je continuais à aller au Maroc chez mon père. Parce que c'est pareil, c'est pour ça que je suis venue vivre en France, pour suivre ma mère, qui était rentrée en France en fait. Et j'allais toutes les vacances scolaires françaises au Maroc, voir mon père. De quitter mon pays natal, de laisser mon père quand même en cours de route. Parce que quand on laisse un pays, de toute façon, on ne laisse pas qu'un pays. C'est toujours nos liens qui fondent notre attachement, quel qu'il soit. C'était triste pour moi. J'étais une petite fille assez créative, je dessinais beaucoup. Je crois que l'un de mes premiers dessins, c'était l'année où je suis arrivée en 1971. Il neigeait. Ce que je ne trouvais pas beau, c'était le ciel qui était gris. J'avoue que je venais d'une ville où le ciel était toujours bleu. Il y avait toujours les oiseaux, les fleurs, tout ça. Et puis le froid, pas trop. D'ailleurs, je suis tombée malade. La première année où je suis arrivée, j'en suis tombée malade. J'ai attrapé une grosse grippe. Je n'avais jamais eu de grippe, moi. Au Maroc, il n'y avait pas de grippe. Mes grands-parents, où j'ai vécu au début, pendant dix ans, vivaient au banlieue. Donc c'était gris, mais bon, il y avait le toit qui était un peu marron, rouge, brique. Mais à part le jardin, ce qui était plus chouette que d'habiter dans des HLM ou dans des buildings, comme d'autres de mes petits camarades d'enfance, il y avait des choses que je disais de travers, en fait. C'était du franco-marocain. Gratuit, on disait Fabor. Quand quelque chose était gradue, j'ai dit c'est Fabor. Tout le monde me regardait un petit peu misèrement. Bon, il y a encore des copains qui se moquent de moi parce que je l'ai raconté. J'avais une frange et je ne savais pas prononcer frange. Je disais frange. Bon, alors il y avait des petits trucs comme ça rigolos, mais on ne se moquait pas vraiment de moi. Ce dont je me souviens surtout au niveau de l'intégration, c'est que je me rappelle que les maîtresses parlaient entre elles. Et elle disait, elle vient du Maroc, on va l'aider. Et alors, tous les élèves se faisaient grandir quand ils faisaient des fautes ou autre, sauf moi. Ma première maîtresse m'adorait. Elle me regardait avec beaucoup de compassion, en me disant, on va l'aider, tout ça. Alors, il y en avait, ils prenaient vraiment des grosses punitions. Et puis moi, je me disais, ça va tomber sur moi. Jamais, jamais. La maîtresse disait Ah, il y a des métiers qui sont très très bien, il faut beaucoup travailler pour y arriver. Par exemple, le papa de Johanna, il est médecin. Moi, je me disais Ok, j'ai un avantage. Là, je me remémore comment j'étais en tant qu'enfant. Je voulais être comme les autres et je voulais être copine avec tout le monde, moi. Et d'ailleurs, j'étais copine avec tout le monde. je regardais les photos de CP et de CE1 jusqu'en CE2, je connaissais le prénom, je m'en rappelle encore. Yannick, il était de Bretagne, Christian, il m'aimait bien, et machin. Et moi, je voulais vraiment plaire à tout le monde, je ne voulais pas avoir quelque chose qui déplaise. Et il y avait aussi que j'avais entendu ma grand-mère me dire de ne pas avoir de signe extérieur de différence. Mon frère et moi, nous avons des prénoms francophones, à part notre nom de famille qui était quand même de consonance pas tout à fait française. Mon grand-père avait francisé son nom. Je devais en avoir entendu quelque chose, qu'il ne fallait pas faire de mousse, quoi. Il ne fallait pas faire de vagues. et du côté de mes grands-parents ça n'allait pas faire de vagues par rapport à mon grand-père qui avait peur d'amonter l'antisémitisme mais se rajouter en plus à l'antisémitisme la peur du rejet d'un autre ordre que je viens d'un pays étranger et elle, elle me disait non, non, on ne fait pas de différence et puis je voyais bien fête de Noël, on faisait tout tout tout pareil que les français, on mangeait comme les français, tout ça

  • Speaker #4

    Zina avec une sédie en haut, si je ne dis pas de bêtises, c'est beauté. Et Zina dans le Coran avec la sédie en bas, c'est adultère. Je trouve ça très très drôle. C'était le prénom de ma grand-mère, donc la mère de mon père, et qu'il y a cette transmission. Par exemple, son prénom était Abdelaziz Ben Mouldi. Donc Ben en arabe veut dire fils, et donc c'est fils de Mouldi. Donc dans son prénom complet, il y avait fils de Mouldi. C'est culturel, on transmet ça généralement.

  • Speaker #1

    Mon père nous envoyait les billets d'avion. Je restais toutes les grandes vacances. Ma mère ne pouvait pas nous garder. De toute façon, c'était son temps. Ça avait été décidé par voie de justice. Moi, j'ai été élevée pendant mes vacances par des nounous marocaines. C'était elles qui m'emmenaient à la plage, me promenaient, qui me donnaient le goûter, qui me chantaient des chansons quand on était énervées avec mon frère. Elles nous embarquaient faire les courses. Je savais... comment me comporter avec la nounou, comment me comporter avec ma papa. J'ai été aussi à l'école maternelle là-bas. Il y avait des trucs comme ça, je savais. Mais pour dire que quand j'allais au Maroc, j'étais en immersion marocaine. J'ai appris la langue, je parlais l'arabe, je comprenais ce qu'elle me disait, évidemment. C'était deux mondes.

  • Speaker #2

    À la maison, à table, on a un peu des réflexes des deux cultures. Il y a des exemples à table pure et des exemples quand on cuisine. Par exemple, ma petite sœur pèle un concombre à l'Argentine et moi à la française. Un Français prend l'économe et le met vers soi. Un Argentin le met vers l'extérieur. Et après, dans la nourriture, bien sûr, on est peut-être très viandard à la maison. Le manque de viande se fait rapidement ressentir. quand on est ensemble je me souviens il y avait des semaines où on mangeait pas de viande pendant une semaine quand on commence à avoir une certaine conscience là-dessus et on se disait tous un peu en manque quand même même mon père qui a été rallié à la cause argentine sur tout ce qui est nourriture

  • Speaker #1

    En plus, on ne mange pas pareil là-bas. J'avais des fruits et des légumes à profusion. Le poisson frais qui arrivait, on allait l'acheter au port. Je voyais le poisson qui sortait de l'eau. On l'achetait comme les gens qui vivent, mettons, dans un port de pêche en Bretagne. Ils savent ce que c'est que de manger des trucs qui sortent direct de la nature.

  • Speaker #4

    Mon père n'était pas musulman au début de ma vie. Il s'est converti à l'islam quand moi j'avais 11 ans. Enfin, il est rentré dans la religion plus exactement quand moi j'avais 11 ans. Parce qu'en fait, il n'arrêtait pas de boire et de fumer, il avait interdiction de me voir. Donc il a dit, je vais me ranger complètement et il a arrêté de boire et de fumer pour moi. Et à partir de ce moment-là... Quand moi j'allais chez mon père, quand à l'époque je pouvais manger à peu près ce que je voulais parce qu'il n'y avait pas vraiment de problème, lui ne mangeait pas de porc par exemple, mais moi j'avais le droit de manger ce que je voulais à condition que je le demande. À partir de mes 11 ans, la viande n'était qu'alal, il n'y avait plus de porc à la maison, certes il n'y avait plus d'alcool, mais en même temps à 11 ans je ne me sentais pas vraiment concernée par le projet. 11 ans, ça reste le moment où on commence à se découvrir. Et à cet âge-là, on a un double discours. Donc, on ne sait pas trop, on cherche, on tâtonne. Bon, mon papa, que j'aime beaucoup, me dit Il faut se ranger, il ne faut pas fumer, il ne faut pas boire, il faut faire ses cinq prières par jour, il ne faut pas manger de porc, il ne faut pas manger de viande qui n'est pas halale. Donc, à la cantine, c'est pareil. Je ne sais pas ce que j'ai le droit de manger. Alors que dans ma maison, avec ma mère, c'est un peu comme si tout cet univers-là n'existait plus, en fait. Je suis habituée à des codes avec ma mère, donc quand je suis avec elle, je les applique. Mais quand je suis avec mon père ou quand je ne suis pas avec ma mère, il y a beaucoup plus de questions qui vont se poser.

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