- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast ACTEE,a ction des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique.
- Speaker #2
Le confort d'été, défis climatiques et énergétiques. Avec la multiplication des épisodes caniculaires, le confort d'été devient un sujet incontournable dans la construction. En effet, il est essentiel de se sentir bien dans un bâtiment, que ce soit pour travailler, étudier ou simplement dormir, et cela même en cas de forte chaleur. Or, plusieurs facteurs influent sur le confort d'été. Samy Hamdi, coordinateur régional au sein du programme ACTEE, revient sur ces différents paramètres.
- Samy Hamdi
Il y en a six au total. Le premier, c'est effectivement le métabolisme, donc c'est la production de chaleur interne au corps humain. Le deuxième, c'est l'habillement. Le troisième facteur, c'est la température ambiante, forcément. Plus la température ambiante est élevée, plus on a chaud. Mais il n'y a pas que ça. Lorsqu'on est dans un bâtiment, il y a également la température moyenne des parois. Est-ce qu'il y a une forte isolation de la paroi qui permet de faire diminuer la température de la paroi ? Est-ce qu'il y a un gros écart entre la paroi extérieure et la paroi intérieure ? Donc ça, c'est le quatrième facteur. Le cinquième facteur, c'est l'humidité relative dans l'air. Pour donner un exemple, plus une température est élevée et plus l'humidité est importante, moins on a la capacité de transpirer et d'évaporer le surplus de chaleur qu'il y a en nous. Et le sixième facteur, et qui n'est pas neutre non plus, c'est la vitesse de l'air. Donc il y a toujours une combinaison entre ces différents paramètres, et c'est pour ça que ce n'est pas toujours évident de pouvoir évaluer correctement le confort d'été.
- Speaker #2
Le sujet du confort d'été préoccupe de plus en plus les collectivités. Elles veulent en effet limiter l'impact des vagues de chaleur dans leurs locaux et notamment dans leurs bâtiments scolaires. Ce focus n'a rien d'étonnant pour Samy Hamdi.
- Samy Hamdi
Alors effectivement, lorsqu'on fait le bilan des surfaces détenues par les collectivités territoriales, plus de 50% de ces surfaces-là sont des bâtiments scolaires. Donc une large part du confort d'été ou de l'amélioration du confort d'été. va toucher, bien évidemment, les bâtiments scolaires. Deuxième point, pour permettre une bonne éducation et, on va dire, un bon épanouissement des étudiants, des élèves, des écoliers, il faut leur permettre de travailler dans de bonnes conditions. Et étant donné que les vagues de chaleur vont être de plus en plus importantes et vont être décalées du mois de mai jusqu'au mois de septembre, que pendant ces périodes-là, généralement, il y a des gros examens. le brevet, le bac, et donc il y a des enjeux pour permettre à ce que la relève de demain puisse étudier et prendre en compte ces enjeux-là dès la primaire.
- Speaker #2
Pour favoriser le confort d'été dans un bâtiment, on peut notamment opter pour une construction bioclimatique. L'architecture bioclimatique consiste en effet à concevoir un bâtiment en fonction de son environnement. Elle prend ainsi en compte l'orientation, la force du vent ou encore la proximité de végétaux. Le but est de réduire les besoins en énergie des occupants, tout en maximisant leur confort. On va ainsi chercher à favoriser une ventilation naturelle, par exemple, ou encore à limiter les apports solaires en été. Toutefois, l'architecture bioclimatique n'est pas toujours facile à mettre en place, comme le souligne Philippe Estingoy. Il est l'ancien directeur de l'AQC, l'Agence qualité construction.
- Speaker #3
Le problème, c'est qu'aujourd'hui, l'essentiel des constructions de 2050 sont déjà faites, puisqu'on doit être à 70 ou 80% qui sont déjà faites, et qu'il faut du coup avoir des réflexions un petit peu plus compliquées sur les bâtiments existants, parce qu'il faut essayer, au moins pour certains d'entre eux, de les adapter à ces conditions d'évolution de la température, et ça dépend complètement de la réalité de ce qu'est le bâtiment. Et du coup, il n'y a pas de dispositif qui est adapté à tout, il faut vraiment faire une étude, regarder comment fonctionne effectivement le bâtiment pour voir les points sur lesquels on peut travailler.
- Speaker #2
Pour rénover un bâtiment et y améliorer le confort d'été, il semble donc nécessaire de commencer par faire un bon audit. Or, le programme ACTEE finance justement des audits énergétiques pour les collectivités. Mais surtout, ACTEE a rédigé un cahier des charges pour ces audits, comme l'explique Samy Hamdi.
- Samy Hamdi
L'audit énergétique a été conçu de manière à pouvoir évaluer le confort d'été des occupants. On y a mis deux briques. Une brique qui est obligatoire. Cette brique, c'est réaliser un questionnaire des occupants. Justement, pouvoir aller recueillir le ressenti des occupants. Ça, c'est la brique obligatoire. Et il y a une brique qui est, elle, facultative, c'est la réalisation d'une simulation thermique dynamique. Cette simulation thermique dynamique permet de faire un état des lieux, on va dire des consommations énergétiques du bâtiment, d'établir les caractéristiques techniques du bâtiment. On fait simuler le bâtiment, la vie du bâtiment en fonction d'un fichier météo qui vient reproduire, qui vient simuler les conditions climatiques réelles, et on regarde quelles sont les températures qu'il y a dans un certain nombre de pièces. Donc il y a une approche qui est plutôt qualitative et une approche qui est plutôt quantitative basée sur des chiffres.
- Speaker #2
Pour rafraîchir les bâtiments lors de grosses chaleurs, la solution de facilité est évidemment la climatisation. Toutefois, elle présente quatre gros inconvénients, selon Samy Hamdi.
- Samy Hamdi
Le premier, c'est l'augmentation des charges d'électricité. Il y a un impact également en termes d'émissions de gaz à effet de serre, puisqu'on va consommer, qui dit consommer, dit émissions. Deuxième point, on installe un système de climatisation. Ce système de climatisation va être amené à lui être maintenu. Il va y avoir des coûts d'exploitation, donc il va falloir prendre en compte ces coûts d'exploitation. Et le troisième point, c'est on va dire une externalité négative, c'est que la climatisation, elle, elle va rejeter de la chaleur et elle va participer à l'augmentation, on va dire, de la chaleur du milieu urbain. Le dernier facteur, c'est que j'ai parlé des émissions de gaz à effet de serre indirectes à travers la consommation de l'électricité pour la climatisation, mais il y a aussi les émissions de gaz directes liées à l'utilisation des gaz frigorigènes. Donc la climatisation, c'est la fausse bonne idée en réalité.
- Speaker #2
D'autres mesures peuvent cependant être mises en place lors d'une rénovation énergétique. Samy Hamdi en a vu plusieurs exemples au sein du programme ACTEE. La communauté de communes Cœur de Savoie a ainsi sollicité l'accompagnement d'ACTEE pour réaliser des audits énergétiques. L'un des bâtiments concernés, bien que réhabilité en 2017, présentait de grands inconforts pendant l'été.
- Samy Hamdi
A l'issue de cette audit énergétique, il y a eu un certain nombre de travaux qui ont été réalisés, des travaux qui sont plus ou moins simples. Je pense notamment à l'installation de brasseurs d'air pour justement faciliter la circulation de l'air. Et effectivement, il y a toujours le lien entre température et vitesse de l'air. Si une température est élevée mais qu'il y a une vitesse de l'air qui est importante, alors on ne va pas ressentir le même inconfort que lorsque il y a une vitesse de l'air qui est moins importante. Cette collectivité a également fait une teinture de toit en blanc pour justement permettre une diminution des apports solaires au niveau de la toiture. Et enfin, la dernière chose qu'elles ont faite, c'est la mise en place de protections solaires, notamment des baies vitrées, pour réduire au maximum l'apport de chaleur via ces baies vitrées. Cette collectivité a mené ces travaux-là et s'est très vite rendue compte de l'augmentation du confort d'été et souhaite dupliquer ces opérations-là dans d'autres bâtiments.
- Speaker #2
Pour améliorer le confort d'été, Samy Hamdi conseille aussi d'aller voir ce qui se passe dans les territoires ultramarins. Là-bas, les collectivités sont déjà confrontées à de fortes chaleurs et ont développé des solutions pour y faire face. Bruno Malet-Damour travaille justement sur ces sujets. Il est enseignant-chercheur à l'Université de la Réunion et directeur adjoint du département "sciences du bâtiment et de l'environnement".
- Bruno Malet-Damour
Les territoires ultramarins, pour moi, sont des laboratoires à ciel ouvert, de ce que vivra l'Hexagone, de ce que vit déjà l'Hexagone, mais ce que vivra l'Hexagone dans les années à venir, puisque la température mondiale continuera à augmenter, naturellement il y aura d'autres désagréments, que ce soit des agréments thermiques ou que ce soit des agréments plutôt de catastrophe naturelle, et les territoires ultramarins le vivront avant, clairement, parce qu'ils sont isolés, parce qu'ils sont dans des zones climatiques très particulières et très... très sensible au niveau de l'efficience des bâtiments. Je pense que toutes les solutions qui viendront des territoires ultramarins sont des solutions qui seront clairement adaptées à l'avenir dans l'Hexagone. Donc pour finalement regarder ou voir cette expertise des territoires ultramarins sur l'aspect du confort thermique, il faut observer un petit peu tout ce qui est fait. Et observer tout ce qui est fait, ça ne veut pas dire forcément ce qui est fait dans les paillasses des laboratoires de recherche. Ça veut dire aussi, observez, comment ça a été conçu au niveau traditionnel, comment ça a été conçu au niveau vernaculaire.
- Speaker #2
Bruno Malet-Damour insiste sur l'importance de la ventilation naturelle, des protections solaires ou encore de l'isolation. Mais il étudie également une piste originale pour augmenter le confort thermique et qui ne demande pas de gros investissements. En effet, il travaille sur la perception multisensorielle ou comment certains sens influent sur d'autres. Avec son doctorant, il se concentre surtout sur le lien entre la couleur des sources lumineuses et notre perception de la chaleur. C'est ce qu'il appelle l'hypothèse teinte-chaleur.
- Bruno Malet-Damour
Cette hypothèse teinte-chaleur, c'est une théorie qui va suggérer qu'il y a une connexion entre la couleur d'un objet ou la couleur d'une source lumineus et la chaleur perçue par un individu. Elle repose sur l'idée que les couleurs chaudes, en gros, sont associées à la chaleur, tandis que les couleurs froides sont associées à la fraîcheur ou au froid. Elle a été étudiée initialement dans le domaine de la psychologie des couleurs et au théâtre, mais on remarque qu'elle a une réelle importance et un réel potentiel dans la conception architecturale. Et là, la littérature regorge d'études qui démontrent l'impact de la couleur sur les paramètres physiologiques des individus. La couleur, par exemple, va influencer la fréquence cardiaque, la pression arterielle, la température corporelle ou la température cutanée. Donc, si on influence ces éléments physiologiques, naturellement, on va influencer aussi la perception thermique. Il y a d'autres études qui suggèrent même un impact direct sur la perception thermique, qui serait de l'ordre de 0,5 à 2°C.
- Speaker #2
Favoriser une source lumineuse de couleur blanche légèrement bleuâtre, avec un niveau d'éclairement élevé, pourrait donc aider à améliorer le confort d'été. Bruno Malet-Damour insiste également sur l'importance de ne pas penser de manière statique. Il faut concevoir des bâtiments adaptatifs.
- Bruno Malet-Damour
En fait, la verrière exposée au soleil est un apport de chaleur gratuit en hiver, notamment au climat tempéré, qui peut vraiment apporter une réelle plus-value sur la consommation d'un chauffage. Par contre, en plein été, surexposée, ça peut créer un effet de serre qui est beaucoup trop important et qui apporte beaucoup trop de chaleur. L'exemple du bâtiment adaptatif, ça veut dire quoi ? Ça veut dire utiliser la serre, par exemple, en plein hiver, et par contre prévoir une protection solaire amovible ou mobile, de façon à finalement la désactiver en plein été. Ça peut être un format de store, ça peut être un format simplement de recouvrement, de surtoiture, qui permettrait justement finalement de rendre cette verrière, la transformer en véranda. L'idée du bâtiment adaptatif, par contre c'est important de le signaler, c'est que c'est en phase finalement avec l'architecture traditionnelle des territoires insulaires.
- Speaker #2
Samy Hamdi souligne également l'importance de penser sur le long terme quand on s'attaque à la rénovation énergétique d'un bâtiment.
- Samy Hamdi
Il y a un enjeu qui est important à prendre en compte, c'est adapter le bâtiment au changement climatique. Et l'adaptation au changement climatique doit nécessairement avoir une prise en compte du long terme. Et donc il faut réfléchir en coût global. Et donc lorsqu'on réfléchit en coût global, il y a peut-être un enjeu de revoir l'investissement initial. et potentiellement de surenchérir l'investissement initial pour mettre le paquet, si je puis dire ainsi, en matière d'amélioration du confort d'été, pour que dans X années, lorsque les températures vont être plus importantes de manière plus longue, le bâtiment puisse vivre sereinement. Et en ce sens, il peut être pertinent d'avoir recours à des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la qualité environnementale du bâtiment. C'est des bureaux d'études, des cabinets, généralement cabinets d'architectes et de bureaux d'études, qui permettent d'aiguiller et d'apporter une expertise aux maîtres d'ouvrage publics pour qu'ils puissent faire les bons choix, et notamment des choix qui prennent en compte le long terme et non pas uniquement le court terme.
- Speaker #2
L'assistance à maîtrise d'ouvrage fait justement partie des postes qui peuvent être financés par le programme ACTEE, avec les audits énergétiques et les postes d'économes de flux. Et si les collectivités se préoccupent de plus en plus du confort d'été, le sujet prend également de l'importance chez ACTEE. Cette année, l'équipe compte notamment rassembler des retours d'expérience sur des opérations financées par ACTEE autour du confort d'été. Et surtout, des modules de formation sur cette thématique vont être créés à destination des économes de flux.