- Speaker #0
Vous écoutez En Substance, un podcast d'Addiction France.
- Speaker #1
Bonjour, vous êtes en relation avec le répondeur téléphonique du centre 414, antenne LuxaPath de l'association Addiction France.
- Speaker #0
Je suis en route pour le Xapa, je commence à connaître un peu le quartier, à voir mes repères. Nous allons enregistrer le cinquième épisode sur une aide et le rejet de la famille.
- Speaker #2
Et voilà ! Bonjour !
- Speaker #0
Salut G20 ! Salut !
- Speaker #3
Très bon !
- Speaker #0
Oh ! Ça va ! Ces échanges abordent des sujets et personnes sensibles, donc si vous cherchez de l'aide ou plus d'informations, vous trouverez des liens utiles en description. Bonne écoute ! On va faire un petit tour de table déjà de présentation. À ma gauche.
- Speaker #2
Moi c'est Léo, du coup j'ai 22 ans, je suis intermittent du spectacle et je viens au centre depuis plus de 6 mois maintenant.
- Speaker #3
Justine, je ne dirais pas mon âge, oui ça fait un bout de temps que je traîne cette addiction. en zigzag.
- Speaker #4
Donc moi je m'appelle Louis, j'ai 33 ans, je travaille dans le cinéma aussi, dans le milieu du spectacle, et ça fait maintenant 6 ans que je viens dans ce centre. Qui m'aide énormément.
- Speaker #1
Bonjour, moi c'est Clara, je suis étudiante en droit de la santé et ça fait à peu près 4 ans que je viens ici.
- Speaker #0
Comment avez-vous vécu le moment où votre famille a découvert votre addiction ? Et quelles ont été les différentes réactions ?
- Speaker #3
Moi, je peux le dire, ce n'est pas ma famille qui a découvert, puisque dans un endroit, un milieu où on buvait beaucoup, et c'était un jour, je me suis dit, on était devenu alcoolique, quoi. Et là, j'en ai parlé à mes enfants, et puis...
- Speaker #0
Les premières personnes de ta famille, ça a été tes enfants ? Enfin ceux à qui tu en as parlé ?
- Speaker #3
Oui, il y a un soir où j'avais un peu bu et j'ai senti un trouble. Donc je leur ai dit le lendemain, écoutez, voilà, je viens de comprendre un truc, je vais tout faire pour essayer d'y échapper. Mais voilà, ça n'a pas ôté leur inquiétude, ni leur angoisse des fois. Des fois, ils m'en veulent encore. Mais je ne peux pas dire que la famille m'ait aidé. Soit ils étaient dans la douleur ou l'inquiétude, soit... Donc c'est les professionnels et surtout les amis qui m'ont permis de garder la tête hors de l'eau et de ne pas tomber dans le mépris de moi-même. Mais bon, c'était un milieu où ils s'abuvaient beaucoup.
- Speaker #0
C'était quel milieu si tu peux ?
- Speaker #3
Du spectacle et arts plastiques.
- Speaker #0
Et toi, c'est dans quel domaine du spectacle ?
- Speaker #2
Moi, le cirque et la musique.
- Speaker #0
Ok, donc on a tout le cinéma, spectacle,
- Speaker #2
cirque. Musique. Moi, du coup, un peu pareil. Mais on ne peut pas dire qu'il y ait eu une découverte, parce que c'est très présent dans la famille et dans le cercle proche en général aussi. Mais on a vu plus les choses s'empirer. Et on a commencé à s'alarmer, mais un peu tout le monde, et moi y compris. Pour beaucoup de gens de mon cercle proche, on a été concernés par ça. Et j'ai pris cette décision de me faire suivre après. Mais il n'y a pas eu de moment où on s'est dit, là c'est chaud. On a juste vu les choses s'empirer.
- Speaker #0
Donc il y avait déjà une consommation qui était installée.
- Speaker #2
Oui. Dans ma famille, dans mon cercle proche, partout. L'alcool et beaucoup d'autres produits.
- Speaker #0
Et donc il y a eu un moment où tu t'es rendu compte ?
- Speaker #2
Ouais, puis le corps aussi. Puis surtout dans le milieu du spectacle et tout, on s'en rend compte que le corps, il suit pas. Le cirque ! Ouais, ouais. On a plus d'équilibre et tout, ça fait bizarre.
- Speaker #0
Donc il y a quand même eu un moment de flash ?
- Speaker #2
Ouais, mais pas de vraie remise en question, juste de « bah non, ma vie c'est ça » et j'ai plus switché vers la musique à ce moment-là parce que c'était plus accepté. En fait, on peut pratiquer la musique en se défonçant la gueule alors que le cirque, c'est plus compliqué. Tant hauteur et tout
- Speaker #0
Et tu faisais quoi au cirque ?
- Speaker #2
Je suis équilibriste sur les mains Et à Cranval
- Speaker #0
Ok, merci De l'autre côté ?
- Speaker #1
Alors moi j'ai l'impression que c'est un peu différent Parce que je pense dans la place dans ma famille Comme j'ai un petit frère Qui avait plein de problèmes A l'école etc L'attention était plus centrée sur lui Donc je pense que la question de mon addiction A pas du tout été euh... poser avant que j'en parle, que je mette les mots dessus. Je ne me souviens pas exactement des réactions qu'il y a eues, mais je dirais que, par rapport au cannabis, dans la société, il y a un peu cette idée que c'est une addiction qui serait un peu moins grave, ou qui aurait moins d'effet sur la vie des personnes. Donc peut-être aussi quelque chose de culpabilisant de manière générale, de « ça va, c'est pas bien grave, tu peux arrêter comme ça » , et donc plutôt une incompréhension de la part de ma famille. C'est moi qui leur ai dit parce que je pense que j'avais quand même les études à côté. Ça n'avait pas un impact au point où je n'arrivais plus à avancer. Et je pense que ce qui a eu le plus d'impact, ça a été les troubles dépressifs, mais qui ont, je pense, été induits par la consommation aussi, même s'il y avait déjà quelque chose qui était là. Je pense que c'est plus ça qui a été vraiment révélateur. Mais même à ce niveau-là, je cachais beaucoup de choses. C'est aussi, je pense, difficile. C'est un rapport difficile et je ne leur en voulais pas parce que je ne leur en parlais pas aussi et que je n'amenais pas les choses.
- Speaker #0
Et
- Speaker #4
Louis ? Il y a un truc déjà, c'est que moi déjà je suis bordelais. C'est bête mais c'est vrai que le rapport à l'alcool est totalement différent. Moi je pense que j'ai commencé assez tôt, ma famille ne boit pas du tout. Enfin, nous boit ni l'alcool. ni à drogue et je pense j'ai très tôt j'ai commencé à consommer chez un suicide dans ma famille proche et du coup je j'ai un peu quitté le système scolaire le pas quitter le système solaire mais j'ai un peu abandonné dans ma tête et du coup j'ai commencé à fumer assez tôt au collège du cannabis et puis après je suis parti je revends du j'ai commencé Dès que j'ai eu 18-20 ans, c'était cocaïne, ecstasy, je sais plus, tous les trucs, crack, speed, tout ce qu'on pouvait, saupoudré d'alcool. Et j'arrivais, comme je suis parti vers 14 ans de chez moi, tout en ayant un rapport avec ma famille, j'arrivais... quand même à en fait je me défonçais quand il était pas là donc il y avait aucun j'arrive à le cacher il y avait aucune vision de leur part ils savaient que par mail des fois on s'engueulait tout ça parce que c'était je leur répondais par message et en fait j'étais bourré mais en fait à un moment je me suis rendu compte que les drogues j'en pouvais plus et du coup j'ai tout arrêté J'arrête toutes les drogues et j'ai conservé l'alcool. C'est là où je me suis rendu compte que je n'étais pas juste addict à la défense, qu'il y avait un problème au lien avec une substance. Pendant un moment, je n'ai pris que de l'alcool et je me suis rendu compte que je commençais à sombrer. Quand tu fais des dix pintes par jour, je ne suis pas très gros en plus. Je leur ai annoncé, il n'y avait pas... compris. Ils l'avaient pas vu, ils avaient pas... ils avaient pas... Ils sont assez bienveillants mais ils avaient pas du tout compris, pris en compte.
- Speaker #0
Tu les voyais de temps en temps ?
- Speaker #4
Une fois par mois mon père, c'est comme ça.
- Speaker #0
Mais pas assez longtemps pour qu'il se rende compte ?
- Speaker #4
Ah non, ouais non non, impossible. et ouais et puis en fait je faisais gaffe de pas arriver bourré au repas de famille quoi mais après ma famille un peu plus large comme je vous le dis à Bordeaux j'avais déjà demandé, à un moment j'avais essayé d'arrêter de boire petite anecdote ma tante à l'apéro je lui dis je bois pas elle me dit ok pas de soucis, je te sers pas de whisky et au repas elle fait attends Louis je t'ai pas servi en vin je lui dis mais je bois pas mais c'est du vin Le truc, c'est qu'en Gironde, un mec sur deux gagne son argent en lien avec l'école. Donc, s'il attaque un peu le truc du pays, bon.
- Speaker #0
Il y a un truc de fierté locale. Voilà. Tu peux pas toucher à ça. Et donc, quand tu me vois plus, tu deviens un peu l'ennemi.
- Speaker #4
L'ennemi du coin, c'est clair. En tout cas, le vin. C'est clair. Donc,
- Speaker #0
on arrive à... au thème, au centre de sujet. Comment le soutien ou le rejet familial a-t-il influencé votre parcours ? J'entends votre parcours en rapport au produit ou à l'addiction.
- Speaker #3
C'était pas un rejet, c'est-à-dire que le père de mes enfants buvait beaucoup, mais de façon festive. Et moi, entre tous mes boulots, de temps en temps, je... Je m'arrêtais boire une bière dans un troquet et puis peu à peu je me suis rendu compte que voilà, j'étais devenu alcoolo et ça m'a fait très mal.
- Speaker #0
Et une fois que tu as entamé ce processus de soins, comment ta famille a réagi ou est-ce qu'ils t'ont encouragé ?
- Speaker #3
Oui bien sûr, ils m'encourageaient mais c'était toujours sur l'expectative que... C'était fini. Or, c'était pas fini. C'était fini un temps. Je me souviens d'un retour de cette deuxième cure où le père de mes enfants avait invité des potes à lui qui piquaient les secs. Et c'est moi qui les couchais. Donc, c'était pas très soutenant. Mais c'était pas par méchanceté, c'était un trip à eux. Et bon, c'est pas simple.
- Speaker #2
Moi, ça a influencé en bien. Ça a influencé en bien, mais même si c'est compliqué, parce que vu que moi, dans mon entourage, il y en a qui sont aussi addicts et qui essayent de me soutenir tout en me proposant une bière. Mais c'est compliqué parce qu'on a conscience et du coup il y a un peu ce truc de moi je fais le vrai chemin mais ils sont en mode allez on te soutient, on te soutient etc. C'est super mais c'est pas forcément de la bonne manière en fait mais je leur en veux pas, je passe outre. Par exemple ma mère... Elle ne se rend pas compte d'à quel point c'est gros, et à quel point on ne peut pas s'en détacher vraiment, à quel point c'est physique, à quel point c'est un manque, vraiment. Et elle, elle n'entend pas ça. Pourtant, elle a été addict aussi, notamment à la clope et tout. Mais maintenant, elle va poter, elle a l'impression que c'est mieux. Mais voilà, c'est pareil, c'est des petites solutions aux gros problèmes. Et quand tu essaies de prendre une grosse solution aux gros problèmes, les gens ne comprennent pas forcément que c'est ça qu'il faut faire. Et du coup, l'accompagnement n'est pas forcément juste. Mais il se prend quand même. Je prends tout ce qu'il y a à prendre en termes d'accompagnement. Mais c'est sûr que ça va plus être mes amis ou ma copine par exemple, ou quoi, qui vont plus me soutenir là-dedans, que ma famille qui ne comprend pas vraiment. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas comprendre, c'est que je pense que ça les dépasse. Ce n'est aussi pas forcément leur génération. Moi, je vois qu'autour de moi, les gens de mon âge sont fiers de moi, que j'aille faire un travail, etc., un travail psy. Alors que mon père, lui, il n'a pas besoin de psy. Donc voilà, je pense qu'il y a un côté générationnel aussi. Même si ma mère est très dans le bien-être, dans tout ça. Mais il y a tellement d'autres problèmes aussi à gérer dans la famille, dans tout ça, que moi, je me gère tout seul. Donc voilà, ça passe après. Moi, je veux que ça passe après aussi. Je fais en sorte que ça passe après, qu'on n'en parle pas trop.
- Speaker #0
Tu penses qu'il y a à apprendre pour le soutien émotionnel ou dans l'encouragement ? Et après tu acceptes aussi que ce soutien soit bancal ?
- Speaker #2
Oui, il soit bancal. Bien sûr pas de soucis parce que c'est quand même touchant. Ils proposent de m'aider même si moi j'en ai pas besoin, j'en ai pas envie. Parce que je me détache justement d'eux aussi en me détachant de l'alcool et de tout le reste. C'est très mignon, c'est très sympa et je le prends mais c'est sans plus. Il y a plein plein d'autres. d'autres choses dont on a parlé, avant de parler de mon alcoolisme. Donc, ce n'est pas grave.
- Speaker #0
Il y a aussi ce truc-là, une fois qu'on a décidé d'arrêter et de continuer à passer du temps avec des gens qui consomment.
- Speaker #2
Justement, ça rend l'arrêt réel. C'est comme moi, quand on m'a proposé de faire une cure, je préfère la faire chez moi, parce qu'au moins, je suis avec les gens avec qui je bois d'habitude, et là, je ne bois pas. Et du coup, pareil avec mon père, avec n'importe qui. c'est justement le fait la réussite pour moi ce serait d'aller chez mon père et de demander un thé ou une tisane, de l'eau, n'importe quoi un soda, mais arrêter d'avoir une bière en permanence, ou alors une bière pourquoi pas, mais c'est tout, peut-être on se bourre la gueule ou quoi, il n'y a pas de soucis mais je ne sais pas que ce soit tous les jours où je finis à arracher et j'oublie la moitié de ma journée et voilà quoi
- Speaker #0
Et là, tu y arrives ? Un peu,
- Speaker #2
un peu. Ça va,
- Speaker #0
ça se tient. Ah,
- Speaker #2
c'est cool. Bravo. Merci.
- Speaker #0
De l'autre côté, vous avez oublié la question aussi. Comment le soutien ou le rejet familial a influencé votre parcours ?
- Speaker #1
Moi déjà la question du rejet ça me fait penser au fait que déjà mon addiction ça part un peu du fait que je me sentais rejetée dans ma famille. Donc déjà c'était aussi pour ça que c'était difficile de leur en parler parce que j'avais l'impression que je devais me débrouiller toute seule. Et puis même je pense que comme ça tenait à peu près dans ma vie, je me disais que c'était pas si grave que ça. Mais je sais pas si ça a été vraiment du soutien parce que... Déjà je pense que mes parents ont fait comme s'ils ne voyaient pas. C'est-à-dire que par exemple, mon père, j'ai vécu avec lui pendant 6 ans, je fumais dans ma chambre et il pouvait me dire « ça sent la clope dans ta chambre » , mais il n'y a jamais eu de lien à plus. Au début je me disais « bon, c'est parce qu'il n'a jamais fumé, il ne se rend pas compte » , mais je me dis qu'il y a quand même un peu aussi une volonté de ne pas voir de sa part.
- Speaker #0
T'imagines, tu fumais quoi ?
- Speaker #1
Je fumais beaucoup en plus, je fumais plus du shit, mais ça sent quand même dans la pièce à côté, à l'intérieur de ma chambre. Je pense que moi aussi c'était une manière indirecte de lui le dire.
- Speaker #0
Ça sent autre chose,
- Speaker #1
tu peux pas dire que ça sent la clope. Ah ça sent la clope, voilà. Donc il y avait un peu de ça, beaucoup de déni, et puis même une fois qu'il s'était dit... c'était pas un sujet, on n'en parlait pas. Et puis sinon, c'était « Ah, tu fumes combien ? » Et puis aussi le rapport, je ne vous en ai pas parlé, parce que mon père, c'était quelqu'un qui peut un peu avoir une manière de s'exprimer beaucoup dans le jugement, et donc qui pouvait parler de ses propres amis qui consommaient d'une manière assez dégradante, en disant « Ah non mais lui, il consomme comme ça. » Et donc forcément, je me disais que j'allais être jugée si je lui parlais aussi de moi, mes propres difficultés. Et puis je reviens aussi sur ce que tu disais, enfin je suis d'accord avec toi sur le fait que j'ai l'impression que même si on en parle, ils ne se rendent pas compte de l'impact que ça a et aussi parfois de la quantité de consommation qu'il y a et qui passe juste, bon je suis mangeant pour dormir le soir.
- Speaker #0
C'est dur d'aller leur dire tout ce qu'on... enfin tu vois, quand on consomme beaucoup, d'être vraiment honnête. Déjà que ce n'est pas évident d'être honnête avec son thérapeute ou son petit, elle soi-même. qui par exemple un J'ai l'impression qu'il y a forcément une part de... On estompe forcément à la réalité, quoi. Même si on en parle.
- Speaker #2
Non, moi je pense que j'ai passé ce cap de vraiment... J'ai dit toute la vérité, toutes les overdoses, tous les trucs et tout, mais... C'est plus dans le sens de comment arrêter... Pour eux, c'est simple. Non, mais juste arrête ! Alors que non, l'alcool, si tu l'arrêtes, tu peux mourir. C'est factuel. Et du coup, bah... En fait, c'est plus ce truc de ma mère, elle va m'avoir au téléphone et elle va me dire « Mais je t'ai envoyé une méditation ! » Mais qu'est-ce qu'une méditation ? Moi, je suis en train de me bourrer la gueule toute la journée, je ne vais pas prendre le temps d'écouter une méditation pour arrêter l'alcool. C'est plus à ce niveau-là que dans la manière d'arrêter, où je tombe des nues un peu des fois par moments, je suis en mode « Bah non ! » Juste là, je me fais suivre par trois spécialistes, par tout ça. C'est long comme process, et je ne peux pas juste faire une méditation sur Spotify et ça y est.
- Speaker #4
Moi mon père est médecin, donc il a conscience de... Il m'a quand même sorti la dernière fois, parce qu'effectivement je suis arrivé, je l'ai vu à midi, je lui ai fait la bise, moi je pensais que j'étais bien, j'avais pris un petit chewing-gum, un machin... Et là il me dit... Voilà, tu te dis ça va quoi, et puis là il fait, tu as bu de l'alcool ce matin quand je n'ai rien dit, mais je mettais en quillé, en réveil, je pense 4-5 shots de prune, il fallait que je n'aille pas trop mal au crâne de la veille, donc c'est la seule technique qui marche vraiment si tu ne veux pas avoir mal au crâne. Une fois que tu as découvert, t'es foutu parce que c'est le service, c'est comme la cocaïne, tu continues. Si tu veux pas descendre, tu continues.
- Speaker #0
Il y a un mot russe pour définir ça.
- Speaker #4
C'est vrai, ça m'étonne pas que ça soit russe.
- Speaker #0
Avant la gueule de bois, tu vois...
- Speaker #4
Tu continues. Et il me regarde et il me fait « Non mais pardon, je juge, mais t'as raison, en fait t'as totalement raison, moi c'est exactement pareil, je mange un carré de la table de chocolat, je suis obligé de la finir dans la journée. » Et j'ai regardé, on n'est pas exactement sur la même échelle de trucs, mais c'est vrai que pour lui, c'est ce qu'il s'est dit qui était le plus proche en termes d'addiction. C'est psychologique, c'est quelque chose que je pense que quand tu ne l'as pas, tu as du mal à le concevoir. Et effectivement, par contre, pour répondre à ta question sur le rejet au nom de la famille, moi, ils ont quand même été très... Ok, on va t'aider. Si tu nous le dis, parce que je suis allé le voir... Et ils sont très bienveillants, ça j'ai pas eu de soucis. Par contre voilà, maintenant s'il y a un mariage entre eux, et que mon père me propose une coupe de champagne, il va directement dire « Ah ah ah » . Et du coup moi ça m'infantilise de ouf. Mais ce qui est débile, mais qui en même temps est vrai, je fais « Putain, lâche-moi les basques, si on ne prend pas un verre de champagne. » Sauf que, à la limite, un verre de champagne à un mariage, je sais me tenir sur que je vais pas... Un mariage, un baptême, un truc comme ça, il y a un moment où je vais savoir que je suis trop bourré. Mais c'est vrai qu'une fois que tout le monde sera parti, je dis au revoir et je vais trouver le bar le plus proche et je vais rentrer avec 4 potes. Mais tant qu'il y a des gens qui regardent, je peux essayer de me maîtriser. Essayer, je vais vous dire un truc, c'est aussi... Je suis à Paris, pas à Bordeaux, parce que déjà à Paris tu te bourres la gueule dans la rue, t'as quand même beaucoup moins de chances de croiser quelqu'un que tu connais qu'à Bordeaux. Le nombre de fois où je fais des grandes marches le soir et je suis pété j'ai ma canette de 8,6 parce que la 16 elle est pas assez forte et donc la 8,6 et je me rappelle une copine qui m'avait dit elle me croise dans le métro et elle me fait à chaque fois que je te croise t'es une bière à la main et voilà bon ça c'est elle t'en es 15 mais ouais mais du coup voilà il n'y a pas eu moi je pense qu'en termes de famille et tout ça j'ai pas eu ma soeur elle a un petit peu changé switché récemment depuis qu'elle a des amis à elle qui ont serait bien plus grande qu'un plus grande que moi depuis qu'à les amiels qui ont qui sont dans dans des vraies problématiques aussi de la main qui tremble et tout, qui, je pense, ont fait les efforts que j'ai faits dix ans après moi, on va dire. Donc, ils ont quand même dix ans d'alcool de plus. Et il y a un moment, le problème de l'alcool, c'est que c'est pas réversible. Toute la bonne volonté du monde, si ta main, elle tremble, ta main, elle tremble, quoi. Et du coup, là, un fois, elle a pleuré au téléphone en me disant, enfin, ouais, chaque... Elle argumente pour que j'aille me faire hospitaliser et tout, alors qu'en ce moment, ça va très bien, justement. mais le truc c'est qu'après du coup ça peut un peu avoir l'impression la personne qui connait très bien mon parcours c'est ma psychothérapeute, mon addictologue. Et effectivement même si du coup ils arrivent dans ce combat un peu en plein milieu, même avec toutes les bonnes intentions du monde, mais c'est pas forcément bénéfique, enfin bénéfique, la bonne réponse en tout cas.
- Speaker #2
Et puis en fait c'est tellement lié à eux aussi, c'est très compliqué d'avoir de l'aide de eux, et c'est pas contre eux. C'est vraiment juste en mode, les gars je bois, il n'y a pas 50 000 raisons. Enfin, si, mais... Il y en a une, c'est vous. Et donc, je ne peux pas être aidé par... Enfin, c'est un peu dur à dire, mais c'est vrai.
- Speaker #4
Et puis en plus, personne ne peut sauver quelqu'un. On peut aider quelqu'un à vouloir se sauver, mais personne ne peut aider à sauver quelqu'un.
- Speaker #0
Ceci pour les déculpabiliser, qu'il faut dire ça. Parce que des fois, ils regardent le truc et ils se disent « Putain, mais qu'est-ce que je... En fait, j'arrive pas à aider mon frère, mon fils, son truc. » Bah en fait, non, mais tu... ton aide elle est on va dire entre guillemets limitée, enfin c'est pas ta faute si on met un genou à terre quoi.
- Speaker #1
Et surtout de doter ce côté infantilisant de l'aide qui peut du coup être contre-productif.
- Speaker #0
C'est ça. Maintenant... C'est normal, c'est tes parents tu vois. Voilà, ça reste quand même... ça part d'un bon sentiment. Mais effectivement...
- Speaker #2
J'ai l'impression qu'en tout cas, mes parents se sont saisis un peu du problème, pas par le biais de l'addiction, mais plus par le biais de la santé mentale, puisque j'ai fait une tentative de suicide il y a plus d'un an, là, maintenant. Et à ce moment-là, je pense qu'ils se sont rendus compte qu'il y avait quand même vraiment un problème qui était plus profond. Mais en même temps, quand même toujours cette incapacité un peu à... à agir et à comprendre que ça ne va pas se régler comme ça. Ce n'est pas parce qu'on sort de l'hôpital que tout va mieux d'un coup. Le fait que ce soit ancré dans le temps, c'est un peu compliqué à faire entendre, je trouve, aux autres. Et à partir de là, on a pu avoir... Je ne sais plus comment ils appellent ça ici, ce n'est pas une médiation familiale, mais des séances avec des thérapeutes d'ici et ma famille. Et donc ça a un peu aidé, mais... J'ai quand même l'impression que la question de l'addiction n'est pas forcément au centre et pas forcément quelque chose qui va être compris dans son... Comprendre que ça vient dans l'ensemble et que ça s'entremêle et ça a un poids sur toute la vie. Je ne sais pas trop comment expliquer ce que je veux dire.
- Speaker #0
Je vais juste rebondir sur ce que tu dis parce que je suis d'accord avec toi. Je pense que je disais sur ma sœur qu'il voulait que je fasse une cure. En disant que voilà je cherchais le truc je cherchais le mot une cure en se disant mais voilà en gros fait le et puis après ça sera guéri un peu en fait sauf que il y a des... Alors, rien n'est irréversible, machin. Il y a des chemins, etc. Mais ça reste quelque chose qui, mine de rien, qui sera toujours ancré. Je sais que je vais toujours me battre plus ou moins fortement avec ça. Je sais que je donne plus ou moins de l'eau à moudre en fonction de mon style de vie, des gens que je fréquente. Parce que ça, tu parlais tout à l'heure de l'addiction. Quand je prenais de la cocaïne, quand tu prends 3 grammes par semaine pendant 2-3 ans, il suffit que... Je me suis dit, en fait, j'arrête de voir ces personnes. J'ai quitté tous les... et je bloque tous les dealers Parce que je ne veux pas dire que l'alcool c'est plus difficile d'arrêter que les drogues Le truc c'est que ton dealer il est à chaque coin de rue C'est-à-dire que tu sors, tu peux effacer les numéros que tu veux Il est au coin de toutes les rues C'est ton pote que tu vas voir pour réconfort, pour n'importe quoi L'alcool il est omniprésent, notamment en France qui est le pays comme on disait
- Speaker #3
Mais effectivement ça va être quelque chose Non c'est à Rome
- Speaker #0
C'est à Rome, oui, oui, oui, que ça a été inventé.
- Speaker #3
La plus grande consommation d'alcool, de vin, c'est au Vatican.
- Speaker #0
L'Europe est un bon consommateur de vin. En Allemagne,
- Speaker #4
ils sont bons consommateurs de vin. Oui,
- Speaker #0
oui, oui.
- Speaker #1
Avant, les Hollandais,
- Speaker #0
tout le monde a l'habitude de...
- Speaker #1
Le Moyen-Octobre.
- Speaker #0
C'est ça. Mais en gros, il y a vraiment ce truc-là. Ben oui, ça s'inscrit dans le temps, comme tu disais. C'est un parcours, enfin c'est un long cours, c'est... Et là je me rappelais une interview de David Bowie qui disait qu'il avait un problème avec l'alcool et la personne lui demande s'il veut revoir et il fait ah ben non j'aime beaucoup trop les relations que j'ai avec mes proches depuis que je suis sauvé. Mais tu voyais que lui voilà, mais c'est plus une goutte. Mais c'est plus une goutte avec que des gens qui sont... autour de lui. En plus, c'est David Bowie, donc je pense qu'il est manager et assez de trucs pour pouvoir gérer qu'il n'y ait rien autour de lui. Mais je sais que même moi, quand je suis sobre pendant un mois, je me sens bien, je ne me dis jamais un verre et tu te retrouves une petite situation sur le fait, allez, c'est cool, et je ne prends pas une pinte je prends un demi. Franchement je prends qu'un demi. Mais comme disait Renaud, un verre c'est trop, doux c'est pas assez. Et donc oui c'est toujours tant que la France reste un pays où l'alcool est un passe-pourri. Mais en fait si tu prends valoriser, mais c'est surtout que si tu bois pas t'as un truc à cacher, si tu... Ouais, pourquoi il boit pas lui ? Ou alors il est rabat-joie ?
- Speaker #1
Ou il a un problème de santé, c'est ce que les gens disaient dans un autre épisode. Moi, pour dire que j'ai arrêté de boire, je dis que j'ai un problème de santé. Et puis souvent,
- Speaker #4
il faut s'excuser. Désolé, non, je vais prendre de l'eau.
- Speaker #1
Je prends des médicaments C'est son moyen de
- Speaker #0
Botter en touche Il y a un mec qui était malade dans un repas Un mec qui avait la grippe et tout ça Et puis il dit non il boit pas je veux que ça peut aider Pour la grippe Je lui dis ça mais ça sort comme ça Et le lendemain il m'explique qu'il a arrêté l'alcool Et que le seul moyen qu'il trouve c'est de trouver une excuse Et je me suis dit putain tu vois même moi qui suis dans ce processus là Il m'arrive de dire un truc Tu vois, donc en fait, j'en veux jamais à personne de, entre guillemets, faire une erreur, de me filer un verre, de me proposer un verre de machin, parce qu'en fait, ton parcours de sobriété, il se fait tout seul. Il faut se blinder contre la possibilité que les gens...
- Speaker #1
Et ne pas en vouloir à ceux qui te proposent le même. Juste comme tu disais, parfois faire un peu le tri dans tes relations et...
- Speaker #0
Quand t'as des mecs qui te proposent de la cocaïne tous les soirs, tu évites. Voilà, je pense qu'il faut dire ça ira. Quoi ? Du crack ou des machins, tu dis c'est bon, on va voir la prochaine fois. Ouais. Mais euh... Mais oui, mais l'alcool...
- Speaker #1
L'alcool c'est... Voilà.
- Speaker #0
Ça reste même le plus cool, le plus sobre de tes potes, qui va de temps en temps avoir une bouteille de vin.
- Speaker #1
Est-ce que la dynamique familiale a-t-elle évolué pendant votre parcours de soins, parcours de rétablissement ?
- Speaker #4
Plutôt, mais plus au niveau de mes proches, parce que moi je suis entouré de beaucoup d'amis, etc. Et on a une grosse coloc, enfin voilà. Et du coup, surtout au niveau des proches, où il y a des gens qui ont pris conscience qu'eux aussi, ils avaient ce problème-là, ou d'autres, et qui ont pris... fait le pas d'avancer vers un parcours un peu comme le mien. Mon père aussi, il pense, etc. Donc voilà, c'est vrai que ça a motivé les troupes à arrêter aussi. Donc ouais, ça a été une bonne dynamique.
- Speaker #1
Est-ce que toi, tu les accompagnes du coup ?
- Speaker #4
Ouais, ils vont venir notamment dans ce centre. Deux amis qui vont venir ici.
- Speaker #1
C'est-à-dire un influenceur. C'est ça.
- Speaker #4
J'ai changé complètement de voie. Maintenant, je me motive à arrêter. ça fait plaisir aussi de pouvoir avoir une bonne influence à ce niveau là donc donc c'est cool plutôt que à l'inverse être le pote avec qui tu picoles d'habitude maintenant le pote avec qui tu picoles il se fait suivre est ce que du coup ça renvoie aussi les gens à leurs propres ouais à leurs propres soucis je crois ça motive je pense que moi le premier ça m'aurait motivé aussi à arrêter du coup je suis content d'être cette personne là aussi Voilà, on fait permis ça.
- Speaker #1
Ce sera sûrement le cas, j'espère, avec cet épisode aussi. Ça va peut-être leur donner de la force pour continuer vers ce chemin, ou motiver d'autres gens, tu vois, si c'est des proches.
- Speaker #4
Et puis après, c'est aussi avoir eu la chance d'être tombé sur des personnes compétentes, etc. Parce que j'avais déjà essayé il y a quelques années, et j'avais repris de plus belle une séance, deux, et puis après j'étais... Donc c'est aussi, c'est pour ça que je les ai amenés vers ici particulièrement. Parce que tout le monde a essayé d'aller dans des centres, dans des trucs, parler à quelqu'un, appeler un numéro et tout. Mais là, pour le coup, vu que ça marchait, ça leur donnait une preuve que c'est possible de se faire suivre par des gens qui vont te comprendre, qui vont accepter qu'ils t'aient aussi. Donc ouais, c'est aussi le contexte qui permet ça. On n'a pas que le fait d'arrêter.
- Speaker #1
Ouais, évidemment. Les autres, Justine, tu voulais ?
- Speaker #3
Disons que... Depuis quelques années, mes enfants me disent à quel point ils en ont souffert. Il faut le reconnaître. Donc ils sont plutôt suspicieux maintenant. Mais aidant aussi, mais ils reviennent.
- Speaker #2
Déjà, je dirais que moi, me faire suivre, ça m'a aidée à comprendre que je pouvais en parler. Que c'était pas... que ça n'allait pas leur faire tant de mal que ça. Je ne sais pas, je pense que j'avais beaucoup d'a priori sur leur réaction par rapport à ça. Déjà, pouvoir en parler, ça a été un premier pas. Et après, je pense qu'eux aussi, peut-être que... Parfois, j'essaye un peu d'être honnête et de leur dire, au niveau de consommation ou ce genre de choses, mais j'ai l'impression que ça ne parle pas non plus forcément. aux personnes qui ne consomment pas. Pareil par rapport à mon père, comme c'est quelqu'un qui est assez modéré dans sa vie, même dans l'alimentation. Il ne fume que l'été. Il boit un verre. Enfin, voilà, c'est...
- Speaker #4
Stérioculété.
- Speaker #2
Voilà, c'est super. Ça me fascine.
- Speaker #1
Saisonnière.
- Speaker #2
Du coup, il y a une... Je pense que c'est difficile pour lui aussi de comprendre comme on n'a pas du tout le même rapport. Il va y avoir un truc qui me plaît et puis je vais être à fond, à fond, à fond. Lui, il ne va pas du tout avoir cet aspect-là. Mais je vois quand même que de son côté, il essaye de me comprendre et il essaye de me poser des questions, de s'intéresser, même si ça ne lui parle pas. Et qu'il ne va pas comprendre forcément ce que je lui raconte. Je trouve qu'il y a plus une évolution peut-être au niveau de mes amis. Enfin, je reviens sur ce que tu disais aussi que... que ma famille parce que eux en tout cas, je pense que ça les a renvoyés aussi à quelque chose de personnel et de eux leurs propres addictions. Et je sais qu'aussi il y en a qui ont fait du chemin et qui m'ont demandé par exemple le numéro du centre ici. Donc peut-être plus facile peut-être avec des personnes qui se reconnaissent ou en tout cas qui peuvent accepter de se reconnaître aussi dans l'addiction puisque bon chacun a son chemin aussi et comprend plus ou moins où il en est dans sa vie par rapport à ça. Et ma mère, c'est plus par rapport à... J'ai toujours vu ma mère fumer des cigarettes deux paquets par jour en étant médecin. Donc, il y avait aussi tout ce paradoxe de... Bon, c'est pas parce qu'on est... C'est pas parce qu'on soigne des gens que finalement...
- Speaker #3
Merci carignose pour monsieur.
- Speaker #2
Et donc, du coup, c'est un rapport à la cigarette qui était un peu normale, dans le sens où elle finissait le repas, elle fumait sa clope à table, avec nous. Je ne sais pas si c'était pareil, mais bon... L'alcool, j'imagine que c'est aussi ça. C'est à table. Elle, elle n'était pas forcément dans une consommation excessive d'alcool, mais c'était le soir, quand elle rentrait, elle se servait son Ricard pour décompresser de sa journée, entre guillemets. Après, quand est-ce qu'on parle d'addiction ? Voilà, toute la question ici. Donc un rapport aussi un peu détaché à l'addiction, et peut-être qu'eux-mêmes n'arrivent pas forcément à se rendre compte de leur propre biais par rapport à ça.
- Speaker #1
Et peut-être qu'on a une société entièrement addict qui a du mal à se regarder elle-même.
- Speaker #2
Ah ben je pense !
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #2
mais même quand on parle aujourd'hui... Parce que moi je travaille à côté de mes études dans la santé mentale et notamment avec les enfants et les adolescents. Et c'était notamment par rapport au téléphone où parfois je me rendais compte que c'était difficile pour les parents de... de mettre des restrictions quand eux-mêmes n'en ont pas du tout et donnent un exemple qui est paradoxal par rapport à ce qu'ils demandent à leurs enfants. Donc je pense que c'est à peu près pareil. C'est aussi ça qu'on entend, je pense, de nos parents. Fais comme je dis, fais ce que je dis parce que je fais. Mais en même temps, on a quand même cet exemple-là aussi où on est confronté à beaucoup de personnes qui sont dans des schémas d'addiction et qui se détruisent un peu face à nous. Je pense qu'aussi, le fait d'entamer un suivi, c'est quand même quelque chose aussi où on se rend compte que ça a un impact sur notre vie. Et à partir de là, je ne sais pas si vous, vous en aviez parlé avant.
- Speaker #4
Oui, beaucoup. Beaucoup, mais ça ne date pas d'hier, en fait. Moi, je vois que pareil comme toi, j'ai quitté chez mes parents à 14 ans. Et déjà avant, je fumais, je vendais aussi un peu et tout machin. Parce que c'était pareil dans un environnement généralisé, je grandis à Aulnay-sous-Bois. Ah ouais, mais tu vois, il y a du shit partout, c'est con, mais au collège, il y a des gars qui vendent du shit. Donc tu fumes, donc ceci, donc cela. Après, au lycée, je suis parti en internat option cirque, en colloque à 14 ans. Donc là, pareil, la drogue dans tous les sens, des soirées dans tous les sens. Et tu vois les parents, soit le week-end, soit une fois tous les mois, et puis après, tous les six mois. Donc tu rentres dans un cursus, ou pareil, avec les Ausha, avec tout ça. C'est que des gens autour de toi qui font la fête. Mes parents avaient un bar associatif. La bière était gratos. C'était juste, ça se murgeait la gueule tout le temps. Le confinement aussi, ça a été hardcore. Parce que nous, du coup, on faisait des travaux avec les gens du coin sur le lieu du bar associatif. Et ça se la mettait dès le réveil, 7h du matin, café Calva. Tout ça, la bière toute la journée, le pétard toute la journée en main. Moi j'ai fait mon confinement comme ça, c'était super, mais j'avais 16 ans. Du coup après, j'ai vrillé complet. Donc voilà, mais en fait c'est à partir du moment où tu te rends compte que là tu peux plus t'aider seul. Parce que pareil, du coup j'ai arrêté les drogues, j'ai réussi à un moment le cannabis, après j'ai repris pour réussir à arrêter l'alcool. Et du coup après, ça se met tous mort la queue. Et du coup là je me suis dit, bon là non, il faut vraiment un spécialiste parce que l'alcool c'est plus possible. Et le reste j'arrive à le contrôler mais à tout moment ça repart. Donc voilà c'est plus prendre conscience que là on peut plus s'aider tout seul et que les proches peuvent plus rien faire non plus. Que là on a passé le cap quoi. Où il y a juste des pros qui peuvent nous aider quoi. Et des médicaments en vrai. Pour l'alcool en partie.
- Speaker #1
Et depuis que vous avez entamé ce suivi ici, ou approfondi ce suivi, est-ce que vous avez une manière différente d'en parler ?
- Speaker #4
Je vis avec mon petit frère qui lui aussi est pas mal dans l'alcool, et je lui ai fait le schéma que m'avait fait mon addictologue, en gros sur la dopamine et tout machin, donc j'en parle de manière plus scientifique on va dire, je comprends mieux du coup ce qui se passe.
- Speaker #2
Puis je pense aussi que ça nous amène à nous poser peut-être des questions sur notre tradition, notre consommation, qu'on ne se posait pas forcément, qu'on ne se posait pas de cette manière-là. Enfin, je sais que... Moi, j'avais déjà eu un suivi psy avant d'avoir un suivi Anxapa, mais j'ai trouvé que... Lier toutes ces questions-là à l'addiction, c'était quand même une approche différente et quelque chose qui permet aussi de se poser des questions plus généralement sur la vie. Même en n'ayant pas quitté chez ses parents à 14 ans, moi c'était pareil. Mes parents rentraient souvent vers 21h-22h, avec mon petit frère et mes amis. C'était chez nous, c'était le QG, et puis on se droguait tous chez moi. Les parents qui rentrent, on a fumé 5 minutes avant qu'ils soient là. Il n'y a jamais eu ce truc de vous avez fumé du cannabis ou vous avez bu de l'alcool, alors que littéralement, ils nous ont retrouvés parfois... On n'était pas trop dans un état normal, quoi. Donc, un peu cette question du déni aussi, je trouve. Enfin, je ne sais pas vous, comment dans votre famille ça a été, si le déni ou... Parce que toi, tu parlais de tes enfants, mais est-ce que ça a été quand tu leur en as parlé qu'ils ont pu t'en parler ?
- Speaker #3
C'est moi qui en ai parlé, oui. parce qu'un soir J'avais un peu picolé et j'ai senti un trouble chez eux. Donc le lendemain, je leur en ai parlé. J'ai compris un truc, je vais essayer de me soigner. Mais sinon, côté parental, non, ça ne buvait pas vraiment. Mon père, un peu. Il était pharmacologue, donc il mélangeait. Je sais pas, le lithium, avant que ce soit commercialisé, qui sortait de la chambre froide. Ma mère était maniaco-dépressive. Ma grand-mère est paternelle et morte de cirrhose. Mais là, je me souviens très bien qu'il y avait un espèce de non-dit, quoi. Un truc un peu honteux. Non, c'est une question que je me pose depuis longtemps. On dit addiction, très bien. L'addition est-elle une maladie ? Est-ce qu'elle recoupe tout un ensemble de réseaux psychologiques ? Je ne sais pas quoi, tu m'as l'air de t'y connaître bien sur la dopamine. Non,
- Speaker #4
non, non, la dopamine...
- Speaker #3
Mais mon papa, quand je lui disais qu'est-ce que c'était que la dopamine, il me donnait la formule chimique. Voilà quoi. Enfin mes deux parents d'ailleurs, puisqu'ils étaient pharmacologues.
- Speaker #1
C'est une question dont on a parlé dans les autres épisodes aussi, c'est maladie ou pas. Après je pense que c'est le moment où on conscientise le fait qu'il y ait une mécanique problématique et qu'on essaie de la régler pour soi-même. Après c'est sûr. Sauf que le terme maladie, il peut s'y déranger, comme pour les troubles psy aussi, on parle de maladie mentale, machin. Et bon, ça met du temps aussi pour accepter ça. Après, je pense qu'on l'appelle maladie ou pas, tant qu'on fait le suivi et tant qu'on... qu'on va mieux.
- Speaker #3
Parce qu'on n'assimile pas toujours le produit aux microbes.
- Speaker #0
C'est mon avis. Il y a presque un côté un peu déresponsabilisant. Dans le fait, ça m'arrive, c'est fini, j'ai une maladie, c'est ma maladie. Alors que je pense que c'est très... Il y a des gens qui sont plus inclinés vers ça que d'autres. Plus enclins à tomber là-dedans que d'autres. et après c'est très, je pense, environ... environnementale avec effectivement que ça soit au niveau justement de la famille, de ce que tu racontais quand t'es un petit peu...
- Speaker #4
Tout le monde peut tomber addict mais c'est pas tout le monde qui l'est
- Speaker #0
Non mais c'est vrai et puis je crois qu'ils avaient fait un truc une étude j'avais vu sur des rats qui pouvaient choisir entre la cocaïne de la cocaïne ou de l'eau normale, ils prenaient toujours la cocaïne et en fait ils ont fait mais l'étude est biaisée le rat il est dans une cage de 10 cm² il tourne en rond, il a que ça en fait Merci. Ils ont fait la même expérience avec une cage énorme, avec plein de jeux, etc. Et ces mêmes trucs de cocaïne, et il ne va pas pouvoir prendre la cocaïne. Parce que tu changes l'environnement, tu changes aussi les possibilités, ça ne veut pas dire que c'est ça qui marche, etc. Mais je pense que c'est ça, je pense que c'est plus une maladie. Moi, c'est pour ça que je disais à ma soeur quand elle me dit « Tu vas te faire hospitaliser » , « Oui, mais je vais sortir, je vais quoi ? » « Je vais retrouver les mêmes personnes, les mêmes trucs. » dans ma famille, j'ai toujours pu parler, etc. Il n'y a pas eu de soucis. C'était surtout avec mes potes. Quand j'ai vraiment voulu arrêter, j'ai arrêté deux mois, je me rappelle, j'ai arrêté tout seul et... Alors, il y a eu deux touilles, mes potes étaient là. « Qu'est-ce que tu as à te prouver, en fait ? » « Bon allez, la prochaine fois, quand on va finir tes conneries, on ira se bourrer la gueule ensemble. » C'était un peu une incompréhension. Et puis, tu avais mon meilleur pote qui m'a insulté. mais qui m'a dit j'étais une pauvre merde, vas-y bois enculé, bois, bois, c'est vraiment une merde et tout, et au point que, mais pas une fois, toutes les fois où on se voyait, au point qu'on s'est engueulé et que je lui ai pas parlé pendant un an et demi dedans.
- Speaker #5
Il m'avait dit un truc en plus.
- Speaker #0
Il me dit, je ne t'ai jamais vu boire autrement que pour te détruire. Et je dis, tu me dis ça, et en même temps tu me forces à boire. parce que lui il est complètement enfin en tout cas alcoolique et donc ça lui mettait j'ai un autre pote qui est très alcoolique qui m'a dit lui contrairement il m'a fait putain bravo je le ferai pas mais bien joué continue je te soutiens et lui il est complètement encore plus alcoolique mais voilà et t'as ce truc là et aujourd'hui je lui reparle après deux ans, il même s'est excusé il m'a dit je comprenais pas tous mes potes pareil sans avoir besoin de s'excuser mais il y a eu je pense aussi un truc notamment de mon âge vers le passage de la trentaine où il y a où il y a eu une prise de conscience, qui est déjà je pense au niveau de la société, mais encore plus de notre âge, où on se dit, de toute façon, déjà à partir de 30 ans, tu te rends compte que tu ne tiens plus à l'alcool. Et que, ouais, même si ça ne m'empêche pas de continuer, enfin tu vois, c'est pas ça qui va...
- Speaker #3
Mauviète ! Voilà,
- Speaker #0
non mais, tu vois, mais en vrai, même si j'ai mal, je sais que je vais avoir mal, je vais continuer. Mais c'est pas un truc qui va faire arrêter. Mais je pense qu'il y a pas mal de gens...
- Speaker #1
Il y a un truc de l'impact sur le corps.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a un impact ? Je ne sais pas, il y a eu un truc total où j'ai vu qu'en tout cas... A force de le dire, à force de le montrer, puis aussi un truc, c'est que je me dis qu'on m'a pas forcément soutenu. Pendant 15 ans, j'ai montré que j'étais le mec avec qui on allait passer une soirée. Et qu'on allait se déglinguer la gueule. Donc il y a un moment, je me suis auto-stigmatisé dans ce personnage-là. Donc ensuite, pour arriver à défaire cette image, il faut que j'aie un grand coup. Et je peux pas demander à tout le monde d'un coup d'accepter ce que je leur dis que je suis. Parce qu'on n'est jamais ce qu'on dit qu'on est. Les gens ne te prennent pour ce que t'es que parce qu'ils voient que tu l'es. C'est un peu alambiqué ce que tu veux dire, mais c'est pas les mots qui vont faire de toi ce que t'es, c'
- Speaker #1
On arrive à la fin de cet épisode. Est-ce que vous auriez un conseil, notamment les choses à faire ou à ne pas faire, pour les familles qui découvrent l'addiction d'un proche ? Enfants, frères et sœurs, voilà. À faire ou pas ? ou à ne pas dire, peut-être ?
- Speaker #2
Si, peut-être écouter la personne. Parce que je pense que c'est pas forcément simple de parler de ces questions-là qui sont taboues, comme on le disait tout à l'heure. Et peut-être à ne pas faire, c'est dans la mesure du possible, puisque chacun fait comme il peut, mais... essayer de ne pas être dans le jugement et dans la culpabilisation par rapport à la consommation, parce que je pense que ça va faire juste que la personne ne va plus en parler, en tout cas plus aux personnes qui vont la culpabiliser. Et aussi, après je peux peut-être donner un conseil aussi aux personnes qui, en tout cas qui se sentent rejetées par leur famille, c'est qu'on ne peut pas... On ne peut pas contrôler la réaction que vont avoir les autres. Et donc, parfois, même si elle est décevante, il faut faire avec. Et si nous, on fait cette démarche-là, c'est pour aller mieux. Donc, je pense que c'est ça qui est important au fond.
- Speaker #4
Je pense qu'il faut aussi laisser la personne qui est en train de faire ce chemin le faire et sans vouloir forcément avoir une place ou un rôle à jouer dans ce chemin-là. Que des fois, les gens, même si c'est la personne la plus... proche qu'on est ou quoi, des fois, elle n'a pas besoin de nous. Et elle a besoin juste d'avancer solo dans son truc. Et je pense que c'est important aussi de se détacher de l'autre si besoin. Après, des fois, ça dépend de beaucoup de gens. Mais dans mon cas, en tout cas, si j'avais un conseil, c'est de prendre du recul sur la situation et de ne pas être trop investi émotionnellement non plus. En général, que ce soit bien ou mauvais. De ne pas donner trop d'importance non plus à ça.
- Speaker #1
laisser de l'espace et de la marge pour que la personne gère toute seule.
- Speaker #4
Parce qu'on est tombé addict seul, on sort seul. A priori,
- Speaker #1
oui.
- Speaker #3
Moi, j'ai toujours ma solution des amis. Si vous voyez quelqu'un dans la mouise, je crois que le mieux, c'est d'en parler à ses amis, à soi, ou aux amis de la personne qui sont moins déchirés. Je crois beaucoup aux amis.
- Speaker #1
Tu crois plus aux amis qu'à la famille ?
- Speaker #3
Pour aider, oui. Je crois. C'est mes amis qui m'ont permis de ne pas tomber dans le mépris de moi-même. Et qui m'ont indiqué peu à peu des centres comme celui-ci.
- Speaker #1
Tu n'écoutes plus tes amis qu'à la famille ?
- Speaker #3
Je crois que les amis sont moins déchirés. Il y a une distance, il y a une largeur d'esprit. Voilà.
- Speaker #1
Je crois aussi.
- Speaker #0
Famille ou amie... En fait, qu'importe, c'est toi qui connais ton entourage, conserve les gens bénéfiques dans ce moment difficile et essaye de te raccrocher à eux, quitte à ce qu'il y a certaines personnes qu'il faut éloigner, peut-être même qu'un temps. Comme je parle de mon meilleur ami, je reviens d'un week-end chez lui avec ses deux gamins et on est hyper potes. Mais il fallait que je le quitte. Il fallait que je lui parle pas pendant deux ans.
- Speaker #1
Pour mieux le retrouver éventuellement.
- Speaker #0
Et qu'il se dépassait.
- Speaker #1
C'est beau. Bravo à l'amitié, à l'amour et à la famille. S'il y a famille, mais s'il n'y a pas famille, il y a d'autres choses. Merci à toutes et à tous. Bravo.
- Speaker #0
Merci à toi. Tu peux trouver des steaks.
- Speaker #1
C'était En Substance, un podcast écrit et réalisé par Sylvain Pinault avec une musique originale de Toco Verbich. L'illustration est signée Mathilde Fian et la production assurée par l'équipe de Cap 14, une antenne d'Addiction France. Abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes et laissez-nous quelques étoiles ou même un commentaire. Ça vous a plu, servi ou aimé ? Ça nous aidera beaucoup à le faire connaître. Prenez soin de vous et de vos proches et à bientôt.