- Florence Gault
Diane Dupré la Tour perd son mari à l'âge de 32 ans et se retrouve seule avec ses trois enfants. Pour pallier cette solitude et redonner du sens à sa vie, elle décide de créer les petites cantines des restaurants de quartier et cette semaine, elle répond aux questions de Minute Papillon. Qu'est-ce qui vous indigne ?
- Diane Dupré la Tour
Ce qui m'indigne, c'est quand des entreprises, des institutions ou des organisations mettre en place un modèle qui nous empêche de nous relier les uns aux autres pour des raisons de recherche de performance et d'efficacité. Je comprends qu'on ait besoin d'organisations qui soient efficaces, qui marchent tout simplement. Ça c'est vraiment utile socialement. Mais quand ça vient nous empêcher de répondre à ce besoin humain fondamental de nous sentir reliés, qui est aussi important. que celui de manger, d'avoir un toit ou de se sentir en sécurité. Là , je trouve que ça vient porter atteinte à notre humanité. Je pense par exemple à quand, pendant la crise sanitaire, il a été rendu impossible à certaines personnes d'aller voir leurs proches qui étaient sur leur lit de mort. Je pense de manière plus anecdotique à ces répondeurs téléphoniques qui sont des guichets administratifs, mais... avec lesquels on ne tombe que sur des robots. Il y a des gens, c'est leur seule conversation de la semaine, et l'administratif, normalement, peut être quand même un moyen de nous relier à des institutions ou à la société. Donc je trouve qu'il faut qu'on trouve un moyen, peut-être intermédiaire, pour que ces usages qui sont liés à nos enjeux contemporains ne soient jamais décorrélés de notre besoin fondamental de nous sentir reliés.
- Florence Gault
Un événement ou une expérience qui a créé un déclic écologique ?
- Diane Dupré la Tour
Oui, la crise sanitaire toujours. Parce que je me suis rendue compte à ce moment-là qu'on avait une capacité d'agir ensemble et vite incroyable. Et que c'était possible en fait. Et que toutes les idées que j'avais dans la tête, que non, c'est trop lourd, c'est compliqué, ce modèle est indéboulonnable, se sont délitées en fait. En fait, c'est possible. Ce qui manque, c'est un acte de volonté et une décision politique. Une décision politique, ça ne vient pas forcément uniquement d'en haut, ça peut aussi venir des citoyens et des acteurs de terrain.
- Florence Gault
Une rencontre qui vous a marquée ?
- Diane Dupré la Tour
La rencontre avec Étienne Touvenot, avec qui j'ai cofondé les petites cantines. Quand je me suis tournée vers lui, je ne savais pas vraiment ce qui allait en émerger. Je savais juste que j'avais envie de faire quelque chose avec lui, de creuser cette relation. Et je pense que si cette rencontre n'avait pas été là , si je ne l'avais pas rencontré, s'il n'avait pas été là , le projet n'aurait jamais émergé.
- Florence Gault
Un livre, un documentaire, un film, un podcast qui vous a influencé ?
- Diane Dupré la Tour
Au début est la confiance, c'est un essai philosophique de Marc Hunyadi, qui est un philosophe d'origine hongroise installé en Belgique. Pendant le Covid, il a publié un livre qui est une analyse de la pensée occidentale sur ce sujet de la confiance. C'est un état de l'art, il a une approche critique et il a aussi une approche critique. de la société du numérique telle qu'on la vit aujourd'hui. Et il démontre, avec une argumentation très solide intellectuellement, comment notre société actuelle et nos modes de vie n'ont pas attaqué les relations de confiance, mais font pire, elles nous apprennent à nous en passer. Et c'est la première fois que je trouvais un essai aussi complet sur ce sujet. Il m'a paru d'une assise académique exceptionnelle. et lumineux pour moi qui suis à la tête d'un projet de terrain mais qui suis en permanence prise avec ce muscle de la confiance.
- Florence Gault
Si vous Ă©tiez un animal en voie de disparition, lequel seriez-vous et pourquoi ?
- Diane Dupré la Tour
Peut-être une tortue marine ? Parce que c'est un animal qui a connu les dinosaures, très anciens, et qui a passé une par une chacune des crises climatologiques qu'a rencontrées la Terre, et qui est toujours là . Aujourd'hui, c'est un animal qui est menacé, en tout cas, la plupart des espèces sont menacées, et je trouve que ce serait une catastrophe si elle disparaissait.
- Florence Gault
Imaginez que vous avez le pouvoir de donner la parole à une plante, laquelle choisiriez-vous et quel serait son message à l'humanité ?
- Diane Dupré la Tour
Je choisirais le personeige, qui est une plante, on voit alors qu'il y a encore de la neige, mais qui annonce déjà le printemps. Et le message à faire passer, ce serait un message de persévérance et un message de félicité. On va vers un avenir qui va être mieux qu'avant. Demain, ça va être mieux qu'avant. Ça va être un avenir joyeux. On peut y aller en confiance.
- Florence Gault
Si vous pouviez organiser un dîner avec trois figures emblématiques de l'écologie, vivantes ou décédées, qui inviteriez-vous et quel serait le menu ?
- Diane Dupré la Tour
Déjà , je les inviterais aux petites cantines. Ce serait un menu unique. On ne saurait pas exactement ce qu'on a dans l'assiette. On ne saurait pas exactement qui l'a cuisiné. Peut-être même qu'on ferait la vaisselle ensemble. Les personnes que j'inviterais, ce serait Donnella Meadows, qui dans les années 70 a publié un essai fondateur qui s'appelle Les limites de la croissance et puis ensuite La pensée systémique J'inviterais avec elle Ivan Ilich, un philosophe qui est mort au même moment qu'elle, qui parlait 14 langues. qui était, semble-t-il, d'une humilité incroyable, qui a vraiment tracé un parcours de vie singulier et qui a écrit tout un fil de pensée autour de la société conviviale qui nous inspire beaucoup, nous aujourd'hui, les convives des petites cantines. Et j'inviterai avec eux mes beaux-parents, parce qu'ils ont beau avoir 80 ans, ce sont des exemples d'engagement écologique pour moi. C'est vraiment un exemple de comment retranscrire cette approche de la vie avec toute sa sobriété heureuse et puis aussi toutes ses bonnes habitudes, ses bonnes pratiques. Et quand je vois comment ils sont rayonnants aujourd'hui, ça me donne envie.
- Florence Gault
Quel est votre péché mignon non écolo dont vous avez du mal à vous passer ?
- Diane Dupré la Tour
Je vais trop vite. Je vais trop vite, je suis impatiente. Ça, c'est carrément anti-écologique.