- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast Enfance en Nature, le podcast qui parle d'éducation en plein air. Je m'appelle Claire et chaque semaine, je reçois ici un ou une pédagogue qui nous partage son expérience en matière d'éducation hors des murs. Famille, professeur des écoles, éducateur, animatrice, ces conversations... ont pour but de transmettre et diffuser des pratiques diverses et variées qui tendent toutes vers un objectif, permettre aux enfants de passer un maximum de temps en extérieur et plus particulièrement au contact de la nature. Si vous souhaitez soutenir le podcast, n'hésitez pas à laisser un avis ou 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute et surtout, surtout, à le partager autour de vous pour disséminer les graines de l'éducation en plein air. Je vous souhaite une très belle écoute. Aujourd'hui, c'est un échange avec Anna que je vous propose. Anna est psychomotricienne et figurez-vous que les sujets que nous voulions aborder étaient tellement nombreux que nous avons décidé de scinder l'échange en deux parties. Donc vous avez... La première partie aujourd'hui et la semaine prochaine je mettrai en ligne la seconde partie parce que notre discussion a duré près de deux heures et je suis vraiment ravie qu'on ait pris le temps nécessaire pour aborder ce qu'est la psychomotricité des enfants et notamment les besoins qu'ont les enfants de se mouvoir à l'extérieur et d'avoir un contact sensoriel direct. avec la nature. Les adultes aussi, bien sûr, en ont besoin. Mais en l'occurrence, avec Anna, nous avons parlé des enfants parce que c'est le public qu'elle accompagne, en cabinet, mais aussi à l'extérieur, puisque depuis quelques années, elle propose aux enfants, aux familles, des séances de psychomotricité en forêt. Mais avant de parler de sa pratique... qui sera développée dans la deuxième partie de l'échange. Ce dont nous parlons dans l'épisode du jour, c'est de la psychomotricité en tant que telle. Quelle est cette discipline ? À quoi elle sert ? À quel moment les psychomotriciennes et psychomotriciens interviennent ? Pour quel handicap ? Pour quel trouble ? Quelle est l'approche aussi qu'on en a en France ? En bref, Anna pose les bases de sa profession. Et elle contextualise son activité avant de nous expliquer dans la seconde partie pourquoi et comment elle mêle psychomotricité et pédagogie par la nature. Sincèrement, j'aimerais que cet épisode soit écouté par le plus grand nombre, que ce soit des familles ou des professionnels, déjà parce que Anna explique... merveilleusement bien ce qu'est la psychomotricité, mais surtout parce que, on le sait aujourd'hui et elle en parle dans cette première partie, les études scientifiques sont unanimes, le contact avec l'extérieur et particulièrement avec la nature est essentiel pour les enfants. Et que la première chose que l'on peut faire, nous en tant qu'adultes, c'est d'en prendre conscience et de comprendre pourquoi c'est essentiel avant de se demander comment on s'y prend. Alors, si cette partie vous plaît, surtout, surtout, partagez l'épisode autour de vous un maximum. Allez, j'arrête ici mon introduction qui est déjà bien trop longue et je vous laisse avec la discussion du jour. Très belle écoute à toutes et à tous. Bonjour Anna !
- Speaker #1
Bonjour Claire !
- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast, je suis très contente d'être avec toi aujourd'hui parce qu'on va aborder ensemble un sujet qui n'a pas encore été développé dans le podcast donc tu vas certainement nous apprendre plein de choses. Alors pour qu'on sache qui tu es et sur quoi tu vas nous éclairer, est-ce que tu peux nous dire... Quelle est ta profession et dans quelle région tu es installée ?
- Speaker #1
Je suis psychomotricienne. Et je vis et je travaille en Haute-Savoie, dans une région proche de la frontière suisse, entre le lac Léman et les préalpes, enfin les montagnes, les Alpes. J'exerce dans plusieurs cadres avec cette casquette de psychomotricienne. J'ai une partie de mon activité qui se fait en institution, auprès d'enfants qui ont des troubles du développement, dont le... troubles du spectre de l'autisme assez fréquents dans une école spécialisée. Et j'ai également une partie de mon activité en tant qu'indépendante en cabinet libéral, donc dans cet même endroit, dans cette même zone du Chablais, proche du lac Léman. Et c'est du coup à partir de cette activité indépendante que j'ai eu envie de développer d'autres projets.
- Speaker #0
Et donc ta structure en tant qu'indépendante s'appelle Kanuka, c'est ça ?
- Speaker #1
Alors... Ça, c'est mon projet en forêt, du coup.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Et sinon, j'ai un cabinet classique. Aujourd'hui, les deux sont un petit peu intriqués puisque je suis la même personne et c'est avec ce statut d'indépendante que je propose à la fois des suivis en cabinet de façon assez classique et des accompagnements en forêt. Et du coup, la structure, je l'ai nommée Kanuka, il était une forêt il y a quelques années.
- Speaker #0
Ok, bon. Avant qu'on entre dans tous ces sujets, est-ce que tu veux bien nous partager, Anna, tes souvenirs d'enfance en nature ? C'était quoi le lien que tu avais avec elle ?
- Speaker #1
Alors moi, j'ai grandi, je suis originaire de cette même région dans laquelle je suis revenue il y a quelques années. Et donc, j'ai grandi à la campagne, en Haute-Savoie, campagne et montagne. Donc du coup, j'ai vraiment un lien fort à la nature depuis toute petite. Les premiers souvenirs, je ne m'en souviens pas, mais on m'a raconté que mes premières explorations motrices, elles étaient beaucoup dehors, dans le jardin, dans les champs, en rando, portées, dans le porte-bébé, accompagnées par le chien de la famille. Et puis, un peu plus grande, je me souviens de moments de partage avec mon père, où il pouvait me transmettre ses connaissances sur la faune, sur la flore, sur les plantes. Ça, j'ai remarqué que c'était des souvenirs qui m'ont marquée, puisque parfois, je tombe devant une plante et je sais comment elle s'appelle, et ça ne sort un peu de nulle part. Donc, je pense que c'est des souvenirs qui ont été marquants de mon enfance. Dans mon quotidien, je vivais dans un village et je passais beaucoup de temps à jouer dehors. En fait, dès qu'il n'y avait pas école, j'étais beaucoup dehors, grimper aux arbres, aller manger des cerises, inventer des jeux dans un petit bois qui était proche de la maison avec les copines, construire des cabanes, puis plus tard, camper dans le jardin. Du coup, voilà, à la fois proche de la maison, mais dehors, un peu dans le village. Donc j'ai tous ces souvenirs de jeux moteurs avec mes frères, avec les copines. Et puis... et puis aussi en milieu océanique, puisque j'ai eu la chance de pouvoir aller régulièrement en vacances chez mes grands-parents à l'île de Ré. Et du coup, là, ça m'a offert un tout autre décor d'exploration en nature, très riche, avec une autre cartographie sensorielle, une autre cartographie motrice, l'odeur de l'iode qu'on... qu'on sentait avant même d'arriver, un peu épuisé par le long voyage à travers la France. Le vent, les déplacements qui se faisaient toujours en vélo. Je me souviens qu'on passait des heures à jouer à marée basse, à la recherche de tous les trésors, donc il y a un flac d'eau sous les rochers. Même quand il n'y a pas l'océan, en fait, c'est un terrain de jeu qui est immense. L'île de Ré, c'était aussi pour moi chercher les horaires de la marée, avec tous les jours, s'adapter, adapter le programme de la journée à cette réalité de la nature, avec les heures de marée haute, de marée basse, avec cette notion de rythme et de changement qui était très présent. Et c'est vrai que plus tard, quand j'ai découvert la Méditerranée, je me disais, mais à quelle heure c'est la marée basse ? Et ça n'existait pas ça ! Donc voilà ! J'ai gardé vraiment, je pense, ce besoin de mouvement une fois adulte. Et en tout cas, toute cette variété qui avait résonné pendant mon enfance. Et puis, il y a eu d'autres souvenirs importants qui, je pense, ont laissé des traces aussi dans ma vie d'aujourd'hui. J'ai pu participer à des camps Jeunes et Nature, qui était un organisme de séjour en Isère. Et du coup, j'ai vécu à peu près quand j'avais entre 8 et 10 ans, j'en ai vécu deux. J'avais vraiment des expériences d'immersion en nature incroyable, où du coup, pendant toute la durée du camp, qui durait je crois deux semaines. On se lavait dans la rivière, on cuisinait avec le feu, on dormait soit en tente, soit à la belle étoile. Les tentes où il fallait gérer les araignées, les orages, parce que c'était les tentes à l'ancienne où il fallait mettre des patates sur les piquets. Voilà, et du coup, c'était tout cet environnement très intense où on faisait aussi des activités. de fabrication de petits villages avec de la mousse ou des randonnées ou des peintures de guerriers avec de l'argile ou des marottes qu'après, je voulais ramener et qu'il fallait caser dans la voiture. Voilà, toutes ces activités, je crois que c'est quand ils m'ont vraiment marquée et ils sont inscrits dans ma mémoire. Pour moi, vraiment, la nature, c'était une source de liberté et d'autonomie dans les jeux que j'avais. Je pouvais être en dehors du regard des adultes. Mes parents, ils ne savaient pas toujours exactement où j'étais, ni ce que je faisais. Et je me dis aujourd'hui, avec un peu de recul, que je ne sais pas si ça arrive aussi souvent encore, si c'était vraiment générationnel ou si j'ai eu cette Ausha de vivre. de vivre ces expériences-là. Et je me rends compte maintenant, avec mon regard d'adulte, que ce lien à la nature, il est resté très sensoriel, très olfactif et visuel, et vraiment lié aux saisons que je savoure à chaque fois et que je me réjouis de retrouver quand il y a des changements avec les nouvelles odeurs, les nouvelles ambiances, la température, l'humidité, et vraiment cette carte. d'identité qui à la fois s'enrichit et qui à la fois fait écho à mes souvenirs d'enfance je crois que c'est quelque chose qui m'amène beaucoup de joie mais quelle richesse d'avoir pu
- Speaker #0
grandir entre la montagne presque, enfin quotidiennement et puis régulièrement l'océan je me doute que ça marque et ouais c'est... Merci beaucoup pour ce partage des souvenirs. J'ai un peu voyagé dans ton enfance. Il y a des petites anecdotes qui m'ont rappelé les miennes. Et comme toi, moi, je suis très marquée par ces escapades où pendant des heures, les adultes ne savaient pas où j'étais, où on était, parce que moi, j'étais beaucoup avec mes cousins et cousines pendant les vacances. Et tu vois, je me suis posé la question et j'en ai discuté avec mes grands-mères qui... m'ont surtout offert ce cadre-là, puisque c'était chez elles que j'allais en vacances. J'en ai discuté pendant les vacances avec elles, parce que j'ai une fille qui a 3 ans, donc on n'en est pas au stade où elle part se balader toute seule. Mais je leur demandais, quand même, quand on partait pendant 6 heures l'après-midi, vous n'aviez aucune idée de où on était, on n'avait pas moyen de nous joindre, rien du tout. On avait 7 ans, 7-8 ans, on n'était pas beaucoup plus âgés. Est-ce que vous aviez des inquiétudes ? Parce que j'ai beau moi croire profondément en cette liberté, je ne sais pas si je serais capable à ce point-là de laisser ma fille vagabonder. C'est une question que je me pose aujourd'hui, je verrai dans quelques années. Et vraiment, elles m'ont dit que elles avaient grandi comme ça, donc elles ne s'étaient jamais posé la question. C'était évident pour elles de laisser ce temps-là et cette liberté-là.
- Speaker #1
Oui, donc pour elle, c'était juste la base et sans y réfléchir. Moi, je me suis dit, mais en fait, peut-être il y avait aussi ce lien de confiance que j'ai toujours eu en tête depuis assez jeune. Alors, je ne t'aurais pas dit depuis quand, mais qui m'a aussi permis de me dire, bon, je sais qu'il y a cette confiance que mes parents me font. Donc, il faut que ça reste juste, pas que je fasse des conneries. Voilà, des choses comme ça. Et du coup, je pense que ça, je l'ai en tête depuis très longtemps, que c'est cette confiance-là qui a permis qu'ils soient aussi tranquilles. Mais je pense, comme tu dis, qu'il y a aussi une habitude générationnelle qui s'est modifiée au fil des générations. Et entre tes grand-mères, mes parents et nous aujourd'hui, ça s'est transformé.
- Speaker #0
Ouais. Bon, faisons un bond de quelques années pour arriver à l'âge adulte. Tu l'as dit, tu es psychomotricienne. Commençons par la base. En quoi consiste ton métier ?
- Speaker #1
Qu'est-ce que c'est que ce métier ? Une bonne question ! En France, c'est une profession paramédicale qui est reconnue par un diplôme d'État. comme d'autres métiers, infirmière, orthophoniste, sage-femme, kiné, qu'on obtient après trois ans d'études dans un institut de formation de psychomotricité. Donc c'est vraiment un parcours à part entière, post-bac. Et en tant que psychomotricienne, je travaille sous une autorité médicale, donc avec une prescription médicale, même si ce n'est pas un soin qui est toujours pris en charge par la Sécurité sociale. Ça, c'est autre chose. La psychomotricité, c'est une approche globale qui considère que le développement harmonieux d'une personne est possible quand les sphères émotionnelles, psychoaffectives, cognitives et corporelles sont développées. En psychomotricité, on s'appuie sur les lois neurophysiologiques du développement psychomoteur, c'est-à-dire la manière dont notre équipement neuromoteur et sensorimoteur se développe depuis la vie intra-utérine jusqu'à l'âge adulte, avec les différentes étapes du développement psychomoteur, et puis ensuite, aux différents âges de la vie, jusqu'à la mort, puisque après, ce développement psychomoteur, même si on parle souvent que de l'enfance, il continue d'évoluer. Donc, ces lois neurophysiologiques, la première, c'est la loi... céphalo-caudal et proximo-distal, donc c'est des mots un peu barbares, mais qui sont vraiment toute la base de la maturation du système nerveux qui va permettre au système sensorimoteur de se développer et du coup à l'humain, à nous, de nous développer. Et donc, ces étapes de développement, donc dans les grandes lignes, il y a les processus de verticalisation, enfin avant, il y en a déjà, mais du coup... Il y a la mise en place des coordinations, l'acquisition de la marche. Donc ça se fait à partir de l'intégration de nos différents espaces corporels. Il y a des étapes qui sont chronologiques, en tout cas successives, et qui parfois ont des bugs, des difficultés, des fragilités, des étapes qui ne se sont pas tout à fait bien mises en place. En psychomotricité, on s'intéresse aux interactions qu'il y a entre les perceptions, les sensations, les émotions, le mouvement, le comportement. Donc il y a vraiment une articulation de ces différents espaces, le corps et la psyché, avec l'idée que notre corps et les expériences sensorimotrices qu'on vit, donc le corps est le support de notre développement, de façon du coup complémentaire et qui s'inscrivent du coup dans ces lois. fondamentale de développement neuropsychomoteur. Du coup, notre vécu corporel se réactualise toute notre vie en fonction de nos expériences sensorielles, motrices, mais aussi relationnelles. La psychomotricité peut s'appliquer dans le champ de la recherche. On n'est pas une profession où on a le plus de chercheurs, ce sont souvent d'autres professions qui font de la recherche en psychomotricité. parle un peu en notre nom, mais il y en a de plus en plus, dans le champ de la prévention, avec tout le champ de l'éducation psychomotrice, puisque ce n'est pas uniquement quand ça va mal qu'on intervient, mais on peut aussi être là pour penser le développement et du coup l'éducation psychomotrice des enfants. Et ça, ça dépend vraiment aussi des pays, comment on oriente plus la profession. Et puis, il y a aussi tout le champ de la thérapie ou de la rééducation psychomotrice, un petit peu en fonction des idées qui sont plus ou moins marquées selon les courants de pensée, si on est plus dans une approche thérapeutique, rééducative ou un peu plus au milieu. Donc là, c'est vraiment en psychomotricité, on intervient quand il y a un souci à un endroit ou à un autre de toutes ces sphères développementales qui cohabitent en nous.
- Speaker #0
Du coup, en France, on est plutôt sur quelle approche ? Moi, j'ai plutôt l'impression de mon regard extérieur qu'on est beaucoup dans la rééducation. C'est quand on voit un... dysfonctionnement que la psychomotricité va entrer, qu'il va y avoir un accompagnement à ce niveau-là. Mais peut-être que je me trompe. Est-ce qu'il y a un peu de prévention, d'accompagnement ? Tu vois, moi, en tant que parent, en tant que professionnelle, dans le secteur de la petite enfance, je crois qu'il y a effectivement, que tous ces sujets sont abordés. Je ne suis pas sûre que ce soit le cas au-delà de trois ans, bien qu'à l'école... mais on en reparlera sûrement. Le développement moteur des enfants, il est important et les enseignants doivent les accompagner là-dessus. Mais en tant que famille, c'est quelque chose que moi, en tant que parent, si je ne me suis pas intéressée à ce sujet, on ne m'en aurait jamais parlé, tu vois. Donc, c'est quoi toi ton... ta perception de l'approche qu'on a en France par rapport à la psychomotricité ?
- Speaker #1
Alors c'est vrai qu'en France, nous, notre diplôme, donc la formation et ce métier, il dépend du ministère de la Santé. Donc on voit que déjà, on est sur un abord qui est plus du côté de la santé et donc possiblement de la prévention, mais surtout du coup du soin. Après, en crèche, par exemple, il y a des psychomotriciens et psychomotriciennes qui travaillent, et qui ne travaillent pas forcément auprès d'enfants qui ont des soucis, mais qui font partie des équipes qui sont là plus du côté de l'éducation psychomotrice. Après, il y a d'autres pays, par exemple en Suisse, où la psychomotricité fait partie intégrante des écoles. Donc là, il y a déjà une orientation qui est plus du côté de l'éducation psychomotrice. Et du coup, ça va influencer probablement notre champ d'action et notre positionnement. Dans les PMI, il y a aussi des psychomotriciennes. En néonatalogie, il y a aussi des psychomotriciennes. Mais là, comme tu disais, on est effectivement dans le champ de la petite enfance, donc sur un petit peu ces bases du développement psychomoteur. Après, c'est une profession qui est quand même encore pas si connue, je dirais, même si c'est une profession qui n'est pas toute neuve, toute nouvelle, loin de là. Et du coup, on est quand même vraiment connu dans le milieu de l'école et surtout interpellé quand les enseignants voient des soucis ou alors quand il y a du handicap, du handicap moteur, des troubles de développement. Là, il y a évidemment une reconnaissance de... de notre métier, une connaissance par les institutions. Après, dans les âges adultes et seniors, de plus en plus, mais là aussi, on va intervenir quand il y a des difficultés. Donc, dans le champ de la thérapie, ce que tu disais, ou de la rééducation.
- Speaker #0
Ok. Est-ce que tu avais quelque chose à ajouter ? Parce que je t'ai coupé, du coup, mais tu as peut-être perdu le fil.
- Speaker #1
Euh... non, j'ai pas perdu le fil, mais du coup oui, peut-être que de compléter en disant que l'accompagnement psychomoteur proposé consiste à passer par le corps, par le mouvement, par l'exploration motrice et sensorielle, pour permettre aux personnes, enfants ou adultes, de se réapproprier leur corps à travers les différentes médiations corporelles qu'on peut proposer, avec vraiment un objectif d'expérimenter des nouvelles... des nouvelles choses dans le corps, des manières différentes de sentir, de se représenter, de bouger, pour s'adapter à soi et à son environnement. Donc dans une dimension qui est à la fois fonctionnelle, instrumentale, relationnelle, et de conscience de soi, de bien-être. Peut-être parler des troubles psychomoteurs, parce que c'est vrai qu'en France, comme tu disais, on est... On intervient beaucoup quand il y a des troubles psychomoteurs, et il y en a du coup un certain nombre qui sont reconnus, qui sont les retards de développement. Donc quand ces étapes de développement successives qui ne sont pas millimétrées à la semaine ou au mois près, mais qu'il y a quand même des fourchettes qui nous servent de repère, et surtout plus que des âges, c'est plutôt dans les processus. Comment ça se met en place ou comment ça ne se met pas en place. Donc il y a des retards de développement, il y a des troubles neurodéveloppementaux dont fait partie le spectre de l'autisme. Il y a aussi des troubles spécifiques des apprentissages qui sont aussi des troubles neurodéveloppementaux mais plutôt orientés. sur les fonctions d'apprentissage de type sur le geste, c'est ce qu'on a appelé à un moment la dyspraxie, ce qu'on a appelé aussi un trouble de l'acquisition des coordinations, avec des troubles qui peuvent impacter le graphisme par exemple. Et puis dans les troubles neurodéveloppementaux, on a aussi l'agitation psychomotrice et les troubles du déficit de l'attention avec ou sans agitation, du coup TDAH, qui sont... assez fréquent, de plus en plus fréquent. Mais il y a aussi les inhibitions psychomotrices qui sont en trouble, les difficultés dans l'intégration du schéma corporel, de la latéralité, des repères spatio-temporels. Ce sont tous des troubles sur lesquels on intervient. Et puis des difficultés à s'ajuster et à trouver la juste place dans les relations avec les pères chez les enfants, des troubles du comportement qui sont très souvent en lien avec... des troubles de la modulation tonico-émotionnelle.
- Speaker #0
Ça en fait des troubles possibles.
- Speaker #1
Ça en fait.
- Speaker #0
Je rebondis sur le TDAH parce que j'ai sincèrement l'impression d'en entendre parler tout le temps. Tu le dis, c'est de plus en plus fréquent. C'est vrai que c'est pas difficile aujourd'hui de connaître des familles qui ont des enfants ou des adultes qui soit ont été diagnostiqués, soit sont en cours de diagnostic. J'observe notamment de plus en plus d'adultes faire des diagnostics et on voit à quel point ils s'allègent d'un poids. C'est assez fou derrière une fois que le diagnostic a été posé. Est-ce que tu peux nous faire un petit point sur... Pourquoi est-ce que c'est de plus en plus fréquent ? On a cette explication ?
- Speaker #1
Je ne suis pas certaine qu'il y ait vraiment aujourd'hui des raisons prouvées, validées. Il y a quand même des études qui se font en lien avec notre mode de vie, qui a quand même beaucoup changé par rapport à quand tu évoquais tes grand-mères tout à l'heure. Si on regarde le mode de vie de... de nos grands-parents et le mode de vie qu'on a et qu'ont nos enfants aujourd'hui, il y a quand même des bouleversements qui sont énormes. Donc le mode de vie, il concerne à la fois notre sédentarité ou notre mobilité, sédentarité qui s'est quand même accrue, le lien aux écrans, alors ça on pourrait en faire tout un chapitre, mais le rapport aux écrans, ça c'est quand même quelque chose. qui a révolutionné nos vies et donc nos comportements et donc nos stimulations cognitives, sensorielles, motrices aussi. Et puis il y a le rapport à l'alimentation aussi, qui est une piste de plus en plus explorée. Donc tous ces modes de vie intriqués, avec le fait qu'on soit du coup beaucoup moins dehors quand même, ça c'est une réalité. Et quand on est dehors sur des temps beaucoup plus courts, alors qu'avant il y avait des temps de jeu et donc de mouvement et donc de créativité et donc de réflexion et donc de développement cognitif qui étaient longs, aujourd'hui les enfants vont dehors certes, mais sur des temps très courts entre les devoirs, l'activité, l'école, enfin c'est sur des temps quand même. même dans les milieux ruraux, à part vraiment les enfants qui sont dans des univers vraiment agricoles ou ruraux. Moi, je remarque que même dans l'endroit dans lequel je vis, qui est quand même en Haute-Savoie, je suis assez surprise de voir à quel point il y a bon nombre de familles qui ne passent pas du temps spécialement dehors, dont les enfants ne passent pas du temps dehors, comme moi, je pouvais aller, toi peut-être aussi. Et alors nos parents et nos grands-parents, c'était encore plus fréquent. Donc ce changement de mode de vie, il a quand même un impact énorme. Et je pense qu'on est en train de mesurer tout ce que c'est en train de transformer en nous. Et le TDAH est une piste de ces transformations. En tout cas, c'est une conséquence de ces transformations, ou pas que.
- Speaker #0
Et puis après, ça s'intrigue dans les deux sens, à savoir, il y avait déjà des TDAH il y a quelques générations. Peut-être ce qui rendait plus silencieux ces difficultés, c'est que déjà on diagnostiquait moins tous les troubles, mais de pouvoir avoir ces temps en extérieur... de dépenses en fait physiques et d'être dehors permettaient probablement que ça se voit moins, que ça soit moins problématique qu'avec le mode de vie qu'on a aujourd'hui où on demande aux enfants d'être sédentaires, que ce soit à l'école, dès petits ou dans des vies d'appartement. Et du coup, ça se voit plus aussi. Ça va dans les deux sens.
- Speaker #1
J'allais justement te poser une question par rapport au diagnostic, ça m'est venu en t'écoutant. Moi du coup je fais des ateliers, j'accompagne des enfants dans le cadre d'ateliers en forêt et parmi ces enfants, il y en a beaucoup qui sont des enfants avec des besoins spécifiques mais c'est pourtant pas mon... C'est comme un femme. Moi, forcément ma compétence première, mais il se trouve que les familles viennent beaucoup nous voir. Et très souvent, ce que j'entends des familles, c'est que les diagnostics sont vraiment tardifs, notamment pour la tranche des 3 à 6 ans. Il n'y a pas si longtemps, une maman m'expliquait son petit garçon à 5 ans, et elle expliquait que les professionnels... de santé, féliciter les parents d'avoir autant insisté et de s'être démené pour qu'il y ait une première prise en charge de leur petit garçon. Parce que normalement, je répète ce qu'elle m'a dit, avant six ans, il y avait très peu de choses qui étaient faites. Alors je ne sais pas si c'est d'un point de vue, si c'est à l'échelle locale, parce que nous concrètement, dans les Hautes-Alpes, il n'y a pas de structure. C'est vraiment le désert à ce niveau-là. C'est très compliqué pour les enfants avec des besoins spécifiques d'avoir une quelconque prise en charge avant l'âge de 11 ans, 12 ans. Et du coup, je voulais avoir toi, est-ce que tu as ce sentiment-là ? Globalement, ces diagnostics-là, ils se font à quel moment ?
- Speaker #0
Alors, il est vrai qu'en France, on n'est pas... très très friands des diagnostics. Je pense culturellement, en tout cas historiquement, même si on commence à aller de plus en plus vers des diagnostics plus précoces en ce qui concerne en tout cas l'autisme, ça c'est certain. Les troubles, d'autres troubles, je pense qu'on y va de plus en plus. Après, dans ce que j'entends, c'est qu'il y a la question du diagnostic et la question de la prise en charge. Parfois, et la plupart du temps, on peut quand même On repère des difficultés et donc il peut y avoir des prises en charge, même si le diagnostic précis n'est pas posé ou pas encore posé, mais parce qu'on va déjà soutenir l'enfant là où il y a des difficultés, donc à partir des symptômes, de la symptomatologie. S'il y a des difficultés de concentration et une agitation importante, même s'il n'y a pas ou pas encore de diagnostic de TDAH, on peut quand même agir. Quand j'entends 11 ans, je me dis oui, ah oui, dis donc Alors j'ose espérer que ce n'est pas partout le cas. En tout cas, moi, les enfants que je reçois, ils ont entre, souvent, en tout cas la majeure partie des enfants, ils ont entre, disons, 4 et 9, on va dire. Donc voilà, ils arrivent quand même avant. Après, la question du diagnostic, c'est aussi délicat, parce qu'une agitation peut être… relié à différents troubles. L'enfant, il est en construction dans son processus de développement et c'est compliqué de figer les choses. On se rend compte parfois que, en fait, quelques années plus tard, c'est plus ça. Et la question du diagnostic, alors elle est importante pour obtenir des aménagements à l'école, des aides et une reconnaissance et une compréhension des difficultés, pour aussi aider les parents à cheminer et l'enfant. mais parfois elle peut aussi être enfermante et c'est pas si simple. de démêler entre tous les troubles, comme tu l'as dit, il y en a un paquet, et moi je ne me suis pas penchée non plus sur tous les troubles, et la plainte que je n'ai pas citée, on va dire. Mais du coup, il y a des symptômes qui se ressemblent. Et par exemple, dans le cas du TDAH, je parlais du mode de vie. Si le mode de vie est complètement inadapté aux besoins de l'enfant, alors ça va ressembler de toute façon... forcément à un TDAH, en tout cas, disons que le risque, il est quand même très élevé. Par contre, si on met en place d'autres choses, par exemple, un enfant dont on va diminuer le temps d'exposition aux écrans, dont on va augmenter le temps d'activité en extérieur, et justement, les parents qui se tournent vers toi, ils sentent et ils savent que leurs enfants sont bien dehors. On va proposer une alimentation plus ajustée. on peut déjà probablement avoir un impact sur l'importance des troubles. Donc, est-ce qu'on va tout de suite commencer par mettre un diagnostic de TDAH et tout ce qui va avec, et pathologiser l'enfant avec aussi les traitements médicamenteux qui existent et qui vont avec, et qui parfois sont très pertinents, et parfois il y a peut-être d'autres choses à proposer en amont. Un enfant qui a finalement une alimentation... où il y a moins de sucre rapide, où il y a moins de temps d'exposition aux écrans et où il va plus dehors, peut-être que c'est déjà un début pour que cet enfant puisse avoir une capacité d'attention, qu'il puisse se poser sur ce qu'il fait, qu'il puisse prendre le temps, qu'il puisse ralentir.
- Speaker #1
Oui, en fait, il y a un juste équilibre à trouver entre un diagnostic trop rapide et au contraire un diagnostic trop tardif.
- Speaker #0
Oui, et qui du coup limite les aides. Et un enfant bougeon à 3 ans, en même temps, c'est normal. Mais par contre, celui qui va devenir vraiment avec ce profil de TDAH, dont on parle là beaucoup tous les deux, il y a une différence. Mais cette différence, elle va aussi s'inscrire parce que ce qui aura été mis en place va vous montrer que oui, en fait, ça persiste. Oui, en fait, il y a quand même une particularité. Il n'y a pas que l'agitation, il y a aussi une particularité dans comment ces enfants-là ou ces personnes-là vivent le monde, aussi dans leurs émotions. Donc ça, c'est vraiment… C'est complexe et il y a ce besoin aussi de ce temps-là. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire, c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a des difficultés, on sent que son enfant est en souffrance. et qui ne peut pas investir les apprentissages ou les relations, ou lui-même qui a quelque chose d'inconfortable, on peut déjà mettre en place des choses. Et le diagnostic, quelque part, il va venir plus tard, et il est plus ou moins important en fait. Voilà, c'est ça. Des fois, il est très important. Des fois, finalement, le coup de pouce aura suffi, et la trajectoire de cet enfant s'orientera d'une manière plus harmonieuse et tranquille.
- Speaker #1
Alors ? Pour rentrer au cœur de ta pratique maintenant, avec quel public tu travailles ? Tu as parlé des enfants, de la tranche d'âge. Est-ce que tu peux revenir un petit peu là-dessus, les différents types de publics, et puis préciser, repréciser les environnements différents dans lesquels tu proposes tes accompagnements, que ce soit en tant qu'indépendante ou avec ta structure, pour qu'on ait vraiment un... Un schéma du contexte dans lequel tu exerces.
- Speaker #0
Oui, alors je vais peut-être séparer quand même mes deux casquettes, même si dans les deux casquettes, en fait, je travaille principalement avec des enfants qui ont entre 3 ans et 10 ans. Donc en fait, dans toute mon activité, je travaille essentiellement avec des enfants. qui sont du coup des enfants d'âge de primaire ou de maternelle. Avec ma casquette de professionnelle en institution, du coup j'interviens dans le cadre d'une école spécialisée, donc ce sont des enfants qui, je précise que ce n'est pas en France, donc du coup le système est un petit peu différent parce que ça n'existe pas cette structure-là en France. Si des parents se disent ça a l'air génial pour mon enfant et qu'ils sont en France, ils ne pourront pas avoir accès à cet espace-là. Mais du coup, c'est une école spécialisée qui accueille des enfants de maternelle qui ont des troubles du comportement trop importants. pour être scolarisés en école ordinaire. En France, il y en a plein, mais ils restent scolarisés en école ordinaire. Et qui, du coup, bénéficient de quelques années de scolarisation dans cette école spécialisée, où il y a beaucoup d'éducateurs, psychomotes, orthophonies, et des psy-pédopsychiatres. Et du coup, ces enfants-là, ils ont un trouble du spectre de l'autisme assez souvent. Maintenant, ce diagnostic étant aussi très large, il y a beaucoup d'enfants qui rentrent dans ce trouble. Et donc, ces enfants-là, ils ont plutôt ces difficultés-là. Donc, moi, j'interviens un petit temps pour soutenir ce développement psychomoteur en parallèle d'autres accompagnements de ces enfants. Là, je travaille peu à l'extérieur, un petit peu, mais comme j'ai un temps très réduit et qu'il faut que je voie le plus d'enfants possible, c'est moins cohérent avec... avec des accompagnements de groupes à l'extérieur. Parallèlement, je travaille en tant qu'indépendante en France et là, je reçois des enfants qui ont entre 3 et 10 ans qui viennent me voir au cabinet. Ce sont les familles qui font les démarches, souvent sur les conseils de l'école. Parce qu'il est vrai que parfois, ce sont les familles qui se rendent compte avant des difficultés. Alors... Quand il y a un discours médical un peu trop rassurant, c'est dommage, ils perdent un peu de temps. C'est ce que tu disais tout à l'heure sur ce temps qu'on perd parfois. Parce qu'il y a quand même certains médecins qui sont assez rassurants, même si heureusement il y en a qui décèlent les fragilités et les difficultés. Mais c'est souvent en tout cas quand ils arrivent à l'école que là, dans le groupe classe, leurs difficultés deviennent vraiment importantes. soit au niveau des apprentissages scolaires, soit au niveau des interactions avec les autres enfants, soit les deux. Voilà. Et puis après, il y a des enfants aussi qui ont des troubles autres du champ du handicap, moteurs ou des déficiences qui sont déjà repérées ou des troubles de la petite enfance. Et donc là, le parcours de soins, il est déjà un petit peu balisé. pour ces familles-là. Et depuis quelques années, du coup, je propose à certains de ces petits patients du cabinet et à leurs parents la possibilité de bénéficier d'un suivi psychomoteur en forêt.
- Speaker #1
Et alors, c'est quoi cette forêt ? C'est une forêt qui t'appartient ? C'est un lieu... Quel est le cadre un peu de ce lieu en extérieur ? Et c'est sur cette question que cette première partie de l'échange avec Anna Saret, puisqu'à partir de ce moment-là, nous sommes entrés au cœur du sujet, la pratique de la psychomotricité en forêt. Alors, pour entendre la suite de l'échange, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine. Merci à toutes et à tous pour votre écoute. J'espère que cette discussion vous a plu et qu'elle éveille en vous une certaine curiosité pour l'éducation en plein air, voire même, peut-être, une envie de militer pour qu'elles se répandent davantage. Pour en savoir plus sur mon invité du jour, je vous invite à vous rendre sur le site pédagogieduvivant.fr. Vous y trouverez toutes les infos à son sujet, ainsi que ses recommandations. Sur ce, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode. Et d'ici là, n'oubliez pas, sortir, ça ne doit être que du kiff ! Allez, ciao ciao, à bientôt !