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ALAIN - 4 ANS -  "SI VOTRE MARI NE SE REND PAS, ON REVIENDRA VOUS CHERCHER CE SOIR AVEC LES ENFANTS" cover
ALAIN - 4 ANS -  "SI VOTRE MARI NE SE REND PAS, ON REVIENDRA VOUS CHERCHER CE SOIR AVEC LES ENFANTS" cover
ENFANT DE LA SHOAH

ALAIN - 4 ANS - "SI VOTRE MARI NE SE REND PAS, ON REVIENDRA VOUS CHERCHER CE SOIR AVEC LES ENFANTS"

ALAIN - 4 ANS - "SI VOTRE MARI NE SE REND PAS, ON REVIENDRA VOUS CHERCHER CE SOIR AVEC LES ENFANTS"

10min |16/04/2025
Play
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Description

Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France.


Son père, roumain avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine.

Ce qui le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain.


Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy 

Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée, et s'installa dans la région de Pau.


Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période, mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur.




NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…

----

❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


🎙️ Le témoignage au-delà des faits qu’il aborde et qui permettent de lier la « petite » et la « grande histoire », associe mémoire et histoire.  Les témoignages ici mis en ligne ne prétendent pas à l’exhaustivité ni à la parfaite exactitude historique, pour autant, à un moment où les derniers survivants de la période disparaissent, leur volonté de transmettre, leur incroyable force de caractère et la force des récits qu’ils proposent en font des outils d’une importance majeure pour la compréhension de ce qu’il s’est produit en Europe et tout particulièrement en France il y a un peu plus de 80 ans.

Un grand merci à Alexandre Bande pour son expertise et sa validation des contenus historiques de ces témoignages


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France. Son père, roumain, avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine. Cela le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain. Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy. Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée et s'installa dans la région de Pons. Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période. Mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur. Voici le témoignage d'Alain, tout petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    J'étais quand même tout petit et j'ai quelques souvenirs, mais pas énormément. Je n'ai que des souvenirs très ponctuels. J'en ai un qui m'émeut encore quand j'y pense, mais ça, on me l'a raconté. Je ne me souviens que partiellement. J'ai dû être opéré d'une mastoidite. C'est une infection de l'os mastoïde qui est derrière l'oreille. A l'époque, c'était considéré comme extrêmement grave, car il n'y avait pas les antibiotiques, et je risquais de mourir. Mon père, qui était à l'époque, qui se cachait, était tellement inquiet qu'il a quand même voulu venir me voir à la clinique. Et il paraît que j'ai sidéré mes parents parce que j'avais 4 ans. Et j'ai dit à mon père, t'es sûr qu'on t'a pas vu ? Et ils ont compris que j'avais compris qu'ils devaient se cacher. lorsque la guerre a éclaté, mon père a été mobilisé comme jeune médecin. Au moment de la défaite, on a retiré à mon père sa nationalité française, puisqu'il l'avait eue par naturalisation, pour montrer qu'il était digne de la nationalité qu'on venait de lui reprendre. Il est entré dans un réseau de résistance. Et parmi mes souvenirs, Je vous répète, il n'y en a pas beaucoup qui soient très précis, j'étais trop jeune. Il y a celui du jour, du matin je devrais dire, où ils sont venus pour arrêter mon père. Ça se situe vers 1943-1944, nous étions à Pau, donc en zone libre. Mon père était entré dans la résistance, il a été recherché comme résistant, puisqu'il a été dénoncé par je ne sais qui. Toujours est-il qu'un matin, à 7h, il était sur le balcon, nous étions dans un immeuble avec une grande cour intérieure et des balcons, il était sur le balcon en train de ranger diverses choses, et il voit entrer dans la cour deux soldats allemands et deux miliciens français, qui le voient, nous étions au premier étage, et qui lui disent « Frétac, c'est où ? » Frétac, c'est notre nom. Il a montré un autre immeuble de l'autre côté en disant « Frétac, c'est là-bas » . Vite, il est venu, il a embrassé ma mère et ma sœur et moi, et il s'est sauvé. Ça, évidemment, on me l'a raconté puisque je n'étais pas sur le balcon. En revanche, ce que je vais vous dire maintenant, je l'ai vu. J'ai encore l'image en mémoire des deux soldats allemands qui avaient l'air pour moi de géants. Je vous rappelle, j'étais tout petit, j'avais 4 ans. Et petit détail qui explique pourquoi je vois bien l'image, c'est qu'il était 7h du matin, j'étais assis sur le pot de chambre, donc les deux soldats allemands avaient l'air de géants pour moi, et il y avait un milicien qui était monté, l'autre étant resté dans la cour. Et maman a joué les idiotes, elle a dit « je ne sais pas, je n'ai pas vu mon mari depuis longtemps, qu'est-ce que vous lui voulez ? » Et le type a osé répondre « j'ai encore la gorge serrée quand je raconte ça » . Il lui a dit « taisez-vous, vous n'êtes même pas française » . Et ce qui était idiot juridiquement, et elle a eu le courage de lui répondre « je ne sais pas » . Je suis plus française que vous. Parce qu'elle, au moins, ne trahissait pas son pays, alors que lui était un collaborateur. Et ça, je l'ai vécu, je l'ai entendu. Et ensuite, il a dit, si votre mari ne s'est pas rendu, et si on ne l'a pas arrêté cet après-midi, on reviendra vous chercher ce soir. Et on vous emmènera. Et maman a dit « Avec les enfants ? » « Oui, avec vos enfants. » Ils sont repartis. Bien sûr, s'ils sont revenus, nous n'étions plus là, car il y avait d'autres parties de la famille qui étaient aussi à Pau, et donc on est allés se cacher chez les autres. Je me force à espérer que ce milicien était impressionné par le courage de maman quand elle lui a répondu « Je suis plus française que vous » et que c'est peut-être ça. qui lui a donné l'idée de ne pas nous emmener tout de suite et de dire on reviendra ce soir ce qui était une façon de dire sauvez-vous et comme ça on ne pourra pas vous prendre je me force à espérer ça on se chauffait au bois Et dans la cave, il y avait un monceau de bûches. Mon père avait un complice qui était résistant. Et ils s'étaient fabriqués tous les deux une cachette à l'intérieur du monceau de bûches. Et je crois qu'une fois, ils ont réussi à éviter d'être emmenés comme ça. Nous avions une nounou qui s'appelait Monique, qui nous emmenait promener à Pau. Le souvenir est flou pour moi, mais on nous l'a dit ensuite. Peut-être était-ce au moment de la défaite des Allemands, puisque nous rentrions du parc Beaumont, la promenade, et des Allemands tiraient partout et ont tiré vers nous. Je me souviens d'un affolement, et il paraît que les balles ont touché le haut de la porte cochère où nous entrions. Je me souviens par exemple du jour de la libération. Moi j'étais élève au lycée, dont évidemment j'ai oublié le nom maintenant. J'allais en classe et tous les jours je revenais avec un petit copain qui habitait la même rue. Et un jour nous sortons du lycée pour rentrer à la maison, pour aller déjeuner. Une agitation incroyable, des gens partout. Et une petite fille qui avait des petits drapeaux bleu, blanc, rouge à vendre, on lui dit « mais on n'a pas d'argent, allez, je vous le donne ! » Il y avait une joie extraordinaire, c'était la libération.

  • Speaker #0

    Bien que très jeune pendant la guerre, Alain porte encore les traces indélébiles de cette époque. terrifiante. Il est l'un de ces nombreux enfants qui, malgré une vie professionnelle et personnelle épanouie, porte à jamais les stigmates profonds de ces années sombres. Après la libération, Alain et sa famille restèrent quelques temps à Pau avant de retourner vers la capitale où ses parents poursuivirent avec succès leur carrière de médecin. Aujourd'hui, Alain est un avocat renommé mais aussi un artiste passionné. Il a écrit plusieurs pièces de théâtre et participe activement à des troupes de théâtre amateurs. Merci d'avoir écouté cet épisode. Alors si l'histoire d'Alain vous a ému, je vous encourage à la partager sur les réseaux sociaux, à en discuter avec vos amis, votre famille, vos proches, et surtout la faire découvrir aux plus jeunes. Il est essentiel que les nouvelles générations apprennent l'histoire non seulement à travers les livres, mais aussi à travers ces témoignages vivants. Cruciaux pour comprendre notre passé. Écoutez, partagez, abonnez-vous. Merci de contribuer à la transmission de la mémoire. Ne perdons pas l'histoire, partageons-la. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France.


Son père, roumain avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine.

Ce qui le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain.


Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy 

Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée, et s'installa dans la région de Pau.


Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période, mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur.




NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…

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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


🎙️ Le témoignage au-delà des faits qu’il aborde et qui permettent de lier la « petite » et la « grande histoire », associe mémoire et histoire.  Les témoignages ici mis en ligne ne prétendent pas à l’exhaustivité ni à la parfaite exactitude historique, pour autant, à un moment où les derniers survivants de la période disparaissent, leur volonté de transmettre, leur incroyable force de caractère et la force des récits qu’ils proposent en font des outils d’une importance majeure pour la compréhension de ce qu’il s’est produit en Europe et tout particulièrement en France il y a un peu plus de 80 ans.

Un grand merci à Alexandre Bande pour son expertise et sa validation des contenus historiques de ces témoignages


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France. Son père, roumain, avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine. Cela le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain. Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy. Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée et s'installa dans la région de Pons. Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période. Mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur. Voici le témoignage d'Alain, tout petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    J'étais quand même tout petit et j'ai quelques souvenirs, mais pas énormément. Je n'ai que des souvenirs très ponctuels. J'en ai un qui m'émeut encore quand j'y pense, mais ça, on me l'a raconté. Je ne me souviens que partiellement. J'ai dû être opéré d'une mastoidite. C'est une infection de l'os mastoïde qui est derrière l'oreille. A l'époque, c'était considéré comme extrêmement grave, car il n'y avait pas les antibiotiques, et je risquais de mourir. Mon père, qui était à l'époque, qui se cachait, était tellement inquiet qu'il a quand même voulu venir me voir à la clinique. Et il paraît que j'ai sidéré mes parents parce que j'avais 4 ans. Et j'ai dit à mon père, t'es sûr qu'on t'a pas vu ? Et ils ont compris que j'avais compris qu'ils devaient se cacher. lorsque la guerre a éclaté, mon père a été mobilisé comme jeune médecin. Au moment de la défaite, on a retiré à mon père sa nationalité française, puisqu'il l'avait eue par naturalisation, pour montrer qu'il était digne de la nationalité qu'on venait de lui reprendre. Il est entré dans un réseau de résistance. Et parmi mes souvenirs, Je vous répète, il n'y en a pas beaucoup qui soient très précis, j'étais trop jeune. Il y a celui du jour, du matin je devrais dire, où ils sont venus pour arrêter mon père. Ça se situe vers 1943-1944, nous étions à Pau, donc en zone libre. Mon père était entré dans la résistance, il a été recherché comme résistant, puisqu'il a été dénoncé par je ne sais qui. Toujours est-il qu'un matin, à 7h, il était sur le balcon, nous étions dans un immeuble avec une grande cour intérieure et des balcons, il était sur le balcon en train de ranger diverses choses, et il voit entrer dans la cour deux soldats allemands et deux miliciens français, qui le voient, nous étions au premier étage, et qui lui disent « Frétac, c'est où ? » Frétac, c'est notre nom. Il a montré un autre immeuble de l'autre côté en disant « Frétac, c'est là-bas » . Vite, il est venu, il a embrassé ma mère et ma sœur et moi, et il s'est sauvé. Ça, évidemment, on me l'a raconté puisque je n'étais pas sur le balcon. En revanche, ce que je vais vous dire maintenant, je l'ai vu. J'ai encore l'image en mémoire des deux soldats allemands qui avaient l'air pour moi de géants. Je vous rappelle, j'étais tout petit, j'avais 4 ans. Et petit détail qui explique pourquoi je vois bien l'image, c'est qu'il était 7h du matin, j'étais assis sur le pot de chambre, donc les deux soldats allemands avaient l'air de géants pour moi, et il y avait un milicien qui était monté, l'autre étant resté dans la cour. Et maman a joué les idiotes, elle a dit « je ne sais pas, je n'ai pas vu mon mari depuis longtemps, qu'est-ce que vous lui voulez ? » Et le type a osé répondre « j'ai encore la gorge serrée quand je raconte ça » . Il lui a dit « taisez-vous, vous n'êtes même pas française » . Et ce qui était idiot juridiquement, et elle a eu le courage de lui répondre « je ne sais pas » . Je suis plus française que vous. Parce qu'elle, au moins, ne trahissait pas son pays, alors que lui était un collaborateur. Et ça, je l'ai vécu, je l'ai entendu. Et ensuite, il a dit, si votre mari ne s'est pas rendu, et si on ne l'a pas arrêté cet après-midi, on reviendra vous chercher ce soir. Et on vous emmènera. Et maman a dit « Avec les enfants ? » « Oui, avec vos enfants. » Ils sont repartis. Bien sûr, s'ils sont revenus, nous n'étions plus là, car il y avait d'autres parties de la famille qui étaient aussi à Pau, et donc on est allés se cacher chez les autres. Je me force à espérer que ce milicien était impressionné par le courage de maman quand elle lui a répondu « Je suis plus française que vous » et que c'est peut-être ça. qui lui a donné l'idée de ne pas nous emmener tout de suite et de dire on reviendra ce soir ce qui était une façon de dire sauvez-vous et comme ça on ne pourra pas vous prendre je me force à espérer ça on se chauffait au bois Et dans la cave, il y avait un monceau de bûches. Mon père avait un complice qui était résistant. Et ils s'étaient fabriqués tous les deux une cachette à l'intérieur du monceau de bûches. Et je crois qu'une fois, ils ont réussi à éviter d'être emmenés comme ça. Nous avions une nounou qui s'appelait Monique, qui nous emmenait promener à Pau. Le souvenir est flou pour moi, mais on nous l'a dit ensuite. Peut-être était-ce au moment de la défaite des Allemands, puisque nous rentrions du parc Beaumont, la promenade, et des Allemands tiraient partout et ont tiré vers nous. Je me souviens d'un affolement, et il paraît que les balles ont touché le haut de la porte cochère où nous entrions. Je me souviens par exemple du jour de la libération. Moi j'étais élève au lycée, dont évidemment j'ai oublié le nom maintenant. J'allais en classe et tous les jours je revenais avec un petit copain qui habitait la même rue. Et un jour nous sortons du lycée pour rentrer à la maison, pour aller déjeuner. Une agitation incroyable, des gens partout. Et une petite fille qui avait des petits drapeaux bleu, blanc, rouge à vendre, on lui dit « mais on n'a pas d'argent, allez, je vous le donne ! » Il y avait une joie extraordinaire, c'était la libération.

  • Speaker #0

    Bien que très jeune pendant la guerre, Alain porte encore les traces indélébiles de cette époque. terrifiante. Il est l'un de ces nombreux enfants qui, malgré une vie professionnelle et personnelle épanouie, porte à jamais les stigmates profonds de ces années sombres. Après la libération, Alain et sa famille restèrent quelques temps à Pau avant de retourner vers la capitale où ses parents poursuivirent avec succès leur carrière de médecin. Aujourd'hui, Alain est un avocat renommé mais aussi un artiste passionné. Il a écrit plusieurs pièces de théâtre et participe activement à des troupes de théâtre amateurs. Merci d'avoir écouté cet épisode. Alors si l'histoire d'Alain vous a ému, je vous encourage à la partager sur les réseaux sociaux, à en discuter avec vos amis, votre famille, vos proches, et surtout la faire découvrir aux plus jeunes. Il est essentiel que les nouvelles générations apprennent l'histoire non seulement à travers les livres, mais aussi à travers ces témoignages vivants. Cruciaux pour comprendre notre passé. Écoutez, partagez, abonnez-vous. Merci de contribuer à la transmission de la mémoire. Ne perdons pas l'histoire, partageons-la. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France.


Son père, roumain avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine.

Ce qui le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain.


Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy 

Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée, et s'installa dans la région de Pau.


Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période, mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur.




NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…

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❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


🎙️ Le témoignage au-delà des faits qu’il aborde et qui permettent de lier la « petite » et la « grande histoire », associe mémoire et histoire.  Les témoignages ici mis en ligne ne prétendent pas à l’exhaustivité ni à la parfaite exactitude historique, pour autant, à un moment où les derniers survivants de la période disparaissent, leur volonté de transmettre, leur incroyable force de caractère et la force des récits qu’ils proposent en font des outils d’une importance majeure pour la compréhension de ce qu’il s’est produit en Europe et tout particulièrement en France il y a un peu plus de 80 ans.

Un grand merci à Alexandre Bande pour son expertise et sa validation des contenus historiques de ces témoignages


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France. Son père, roumain, avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine. Cela le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain. Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy. Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée et s'installa dans la région de Pons. Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période. Mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur. Voici le témoignage d'Alain, tout petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    J'étais quand même tout petit et j'ai quelques souvenirs, mais pas énormément. Je n'ai que des souvenirs très ponctuels. J'en ai un qui m'émeut encore quand j'y pense, mais ça, on me l'a raconté. Je ne me souviens que partiellement. J'ai dû être opéré d'une mastoidite. C'est une infection de l'os mastoïde qui est derrière l'oreille. A l'époque, c'était considéré comme extrêmement grave, car il n'y avait pas les antibiotiques, et je risquais de mourir. Mon père, qui était à l'époque, qui se cachait, était tellement inquiet qu'il a quand même voulu venir me voir à la clinique. Et il paraît que j'ai sidéré mes parents parce que j'avais 4 ans. Et j'ai dit à mon père, t'es sûr qu'on t'a pas vu ? Et ils ont compris que j'avais compris qu'ils devaient se cacher. lorsque la guerre a éclaté, mon père a été mobilisé comme jeune médecin. Au moment de la défaite, on a retiré à mon père sa nationalité française, puisqu'il l'avait eue par naturalisation, pour montrer qu'il était digne de la nationalité qu'on venait de lui reprendre. Il est entré dans un réseau de résistance. Et parmi mes souvenirs, Je vous répète, il n'y en a pas beaucoup qui soient très précis, j'étais trop jeune. Il y a celui du jour, du matin je devrais dire, où ils sont venus pour arrêter mon père. Ça se situe vers 1943-1944, nous étions à Pau, donc en zone libre. Mon père était entré dans la résistance, il a été recherché comme résistant, puisqu'il a été dénoncé par je ne sais qui. Toujours est-il qu'un matin, à 7h, il était sur le balcon, nous étions dans un immeuble avec une grande cour intérieure et des balcons, il était sur le balcon en train de ranger diverses choses, et il voit entrer dans la cour deux soldats allemands et deux miliciens français, qui le voient, nous étions au premier étage, et qui lui disent « Frétac, c'est où ? » Frétac, c'est notre nom. Il a montré un autre immeuble de l'autre côté en disant « Frétac, c'est là-bas » . Vite, il est venu, il a embrassé ma mère et ma sœur et moi, et il s'est sauvé. Ça, évidemment, on me l'a raconté puisque je n'étais pas sur le balcon. En revanche, ce que je vais vous dire maintenant, je l'ai vu. J'ai encore l'image en mémoire des deux soldats allemands qui avaient l'air pour moi de géants. Je vous rappelle, j'étais tout petit, j'avais 4 ans. Et petit détail qui explique pourquoi je vois bien l'image, c'est qu'il était 7h du matin, j'étais assis sur le pot de chambre, donc les deux soldats allemands avaient l'air de géants pour moi, et il y avait un milicien qui était monté, l'autre étant resté dans la cour. Et maman a joué les idiotes, elle a dit « je ne sais pas, je n'ai pas vu mon mari depuis longtemps, qu'est-ce que vous lui voulez ? » Et le type a osé répondre « j'ai encore la gorge serrée quand je raconte ça » . Il lui a dit « taisez-vous, vous n'êtes même pas française » . Et ce qui était idiot juridiquement, et elle a eu le courage de lui répondre « je ne sais pas » . Je suis plus française que vous. Parce qu'elle, au moins, ne trahissait pas son pays, alors que lui était un collaborateur. Et ça, je l'ai vécu, je l'ai entendu. Et ensuite, il a dit, si votre mari ne s'est pas rendu, et si on ne l'a pas arrêté cet après-midi, on reviendra vous chercher ce soir. Et on vous emmènera. Et maman a dit « Avec les enfants ? » « Oui, avec vos enfants. » Ils sont repartis. Bien sûr, s'ils sont revenus, nous n'étions plus là, car il y avait d'autres parties de la famille qui étaient aussi à Pau, et donc on est allés se cacher chez les autres. Je me force à espérer que ce milicien était impressionné par le courage de maman quand elle lui a répondu « Je suis plus française que vous » et que c'est peut-être ça. qui lui a donné l'idée de ne pas nous emmener tout de suite et de dire on reviendra ce soir ce qui était une façon de dire sauvez-vous et comme ça on ne pourra pas vous prendre je me force à espérer ça on se chauffait au bois Et dans la cave, il y avait un monceau de bûches. Mon père avait un complice qui était résistant. Et ils s'étaient fabriqués tous les deux une cachette à l'intérieur du monceau de bûches. Et je crois qu'une fois, ils ont réussi à éviter d'être emmenés comme ça. Nous avions une nounou qui s'appelait Monique, qui nous emmenait promener à Pau. Le souvenir est flou pour moi, mais on nous l'a dit ensuite. Peut-être était-ce au moment de la défaite des Allemands, puisque nous rentrions du parc Beaumont, la promenade, et des Allemands tiraient partout et ont tiré vers nous. Je me souviens d'un affolement, et il paraît que les balles ont touché le haut de la porte cochère où nous entrions. Je me souviens par exemple du jour de la libération. Moi j'étais élève au lycée, dont évidemment j'ai oublié le nom maintenant. J'allais en classe et tous les jours je revenais avec un petit copain qui habitait la même rue. Et un jour nous sortons du lycée pour rentrer à la maison, pour aller déjeuner. Une agitation incroyable, des gens partout. Et une petite fille qui avait des petits drapeaux bleu, blanc, rouge à vendre, on lui dit « mais on n'a pas d'argent, allez, je vous le donne ! » Il y avait une joie extraordinaire, c'était la libération.

  • Speaker #0

    Bien que très jeune pendant la guerre, Alain porte encore les traces indélébiles de cette époque. terrifiante. Il est l'un de ces nombreux enfants qui, malgré une vie professionnelle et personnelle épanouie, porte à jamais les stigmates profonds de ces années sombres. Après la libération, Alain et sa famille restèrent quelques temps à Pau avant de retourner vers la capitale où ses parents poursuivirent avec succès leur carrière de médecin. Aujourd'hui, Alain est un avocat renommé mais aussi un artiste passionné. Il a écrit plusieurs pièces de théâtre et participe activement à des troupes de théâtre amateurs. Merci d'avoir écouté cet épisode. Alors si l'histoire d'Alain vous a ému, je vous encourage à la partager sur les réseaux sociaux, à en discuter avec vos amis, votre famille, vos proches, et surtout la faire découvrir aux plus jeunes. Il est essentiel que les nouvelles générations apprennent l'histoire non seulement à travers les livres, mais aussi à travers ces témoignages vivants. Cruciaux pour comprendre notre passé. Écoutez, partagez, abonnez-vous. Merci de contribuer à la transmission de la mémoire. Ne perdons pas l'histoire, partageons-la. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France.


Son père, roumain avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine.

Ce qui le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain.


Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy 

Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée, et s'installa dans la région de Pau.


Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période, mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur.




NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…

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Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


🎙️ Le témoignage au-delà des faits qu’il aborde et qui permettent de lier la « petite » et la « grande histoire », associe mémoire et histoire.  Les témoignages ici mis en ligne ne prétendent pas à l’exhaustivité ni à la parfaite exactitude historique, pour autant, à un moment où les derniers survivants de la période disparaissent, leur volonté de transmettre, leur incroyable force de caractère et la force des récits qu’ils proposent en font des outils d’une importance majeure pour la compréhension de ce qu’il s’est produit en Europe et tout particulièrement en France il y a un peu plus de 80 ans.

Un grand merci à Alexandre Bande pour son expertise et sa validation des contenus historiques de ces témoignages


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Alain est né le 4 septembre 1939, au moment même où la guerre éclata en France. Son père, roumain, avait le rêve de devenir médecin. Cependant, à cette époque, il était impossible pour les Juifs en Roumanie d'accéder aux études de médecine. Cela le poussa ainsi à émigrer en France, terre de liberté. C'est là qu'il rencontra celle qui deviendra sa femme, la future maman d'Alain. Mobilisé en tant que jeune médecin au début de la guerre, il fut rapidement privé de sa nationalité en raison des mesures de dénaturalisation engagées par le régime de Vichy. Pour mettre Alain et sa sœur un peu plus en sécurité, la famille quitta Paris pour la zone non occupée et s'installa dans la région de Pons. Aujourd'hui, 80 ans plus tard, Alain a peu de souvenirs de cette période. Mais les résonances de ces années troublées sont toujours assez puissantes pour émouvoir profondément son cœur. Voici le témoignage d'Alain, tout petit enfant de la Shoah.

  • Speaker #1

    J'étais quand même tout petit et j'ai quelques souvenirs, mais pas énormément. Je n'ai que des souvenirs très ponctuels. J'en ai un qui m'émeut encore quand j'y pense, mais ça, on me l'a raconté. Je ne me souviens que partiellement. J'ai dû être opéré d'une mastoidite. C'est une infection de l'os mastoïde qui est derrière l'oreille. A l'époque, c'était considéré comme extrêmement grave, car il n'y avait pas les antibiotiques, et je risquais de mourir. Mon père, qui était à l'époque, qui se cachait, était tellement inquiet qu'il a quand même voulu venir me voir à la clinique. Et il paraît que j'ai sidéré mes parents parce que j'avais 4 ans. Et j'ai dit à mon père, t'es sûr qu'on t'a pas vu ? Et ils ont compris que j'avais compris qu'ils devaient se cacher. lorsque la guerre a éclaté, mon père a été mobilisé comme jeune médecin. Au moment de la défaite, on a retiré à mon père sa nationalité française, puisqu'il l'avait eue par naturalisation, pour montrer qu'il était digne de la nationalité qu'on venait de lui reprendre. Il est entré dans un réseau de résistance. Et parmi mes souvenirs, Je vous répète, il n'y en a pas beaucoup qui soient très précis, j'étais trop jeune. Il y a celui du jour, du matin je devrais dire, où ils sont venus pour arrêter mon père. Ça se situe vers 1943-1944, nous étions à Pau, donc en zone libre. Mon père était entré dans la résistance, il a été recherché comme résistant, puisqu'il a été dénoncé par je ne sais qui. Toujours est-il qu'un matin, à 7h, il était sur le balcon, nous étions dans un immeuble avec une grande cour intérieure et des balcons, il était sur le balcon en train de ranger diverses choses, et il voit entrer dans la cour deux soldats allemands et deux miliciens français, qui le voient, nous étions au premier étage, et qui lui disent « Frétac, c'est où ? » Frétac, c'est notre nom. Il a montré un autre immeuble de l'autre côté en disant « Frétac, c'est là-bas » . Vite, il est venu, il a embrassé ma mère et ma sœur et moi, et il s'est sauvé. Ça, évidemment, on me l'a raconté puisque je n'étais pas sur le balcon. En revanche, ce que je vais vous dire maintenant, je l'ai vu. J'ai encore l'image en mémoire des deux soldats allemands qui avaient l'air pour moi de géants. Je vous rappelle, j'étais tout petit, j'avais 4 ans. Et petit détail qui explique pourquoi je vois bien l'image, c'est qu'il était 7h du matin, j'étais assis sur le pot de chambre, donc les deux soldats allemands avaient l'air de géants pour moi, et il y avait un milicien qui était monté, l'autre étant resté dans la cour. Et maman a joué les idiotes, elle a dit « je ne sais pas, je n'ai pas vu mon mari depuis longtemps, qu'est-ce que vous lui voulez ? » Et le type a osé répondre « j'ai encore la gorge serrée quand je raconte ça » . Il lui a dit « taisez-vous, vous n'êtes même pas française » . Et ce qui était idiot juridiquement, et elle a eu le courage de lui répondre « je ne sais pas » . Je suis plus française que vous. Parce qu'elle, au moins, ne trahissait pas son pays, alors que lui était un collaborateur. Et ça, je l'ai vécu, je l'ai entendu. Et ensuite, il a dit, si votre mari ne s'est pas rendu, et si on ne l'a pas arrêté cet après-midi, on reviendra vous chercher ce soir. Et on vous emmènera. Et maman a dit « Avec les enfants ? » « Oui, avec vos enfants. » Ils sont repartis. Bien sûr, s'ils sont revenus, nous n'étions plus là, car il y avait d'autres parties de la famille qui étaient aussi à Pau, et donc on est allés se cacher chez les autres. Je me force à espérer que ce milicien était impressionné par le courage de maman quand elle lui a répondu « Je suis plus française que vous » et que c'est peut-être ça. qui lui a donné l'idée de ne pas nous emmener tout de suite et de dire on reviendra ce soir ce qui était une façon de dire sauvez-vous et comme ça on ne pourra pas vous prendre je me force à espérer ça on se chauffait au bois Et dans la cave, il y avait un monceau de bûches. Mon père avait un complice qui était résistant. Et ils s'étaient fabriqués tous les deux une cachette à l'intérieur du monceau de bûches. Et je crois qu'une fois, ils ont réussi à éviter d'être emmenés comme ça. Nous avions une nounou qui s'appelait Monique, qui nous emmenait promener à Pau. Le souvenir est flou pour moi, mais on nous l'a dit ensuite. Peut-être était-ce au moment de la défaite des Allemands, puisque nous rentrions du parc Beaumont, la promenade, et des Allemands tiraient partout et ont tiré vers nous. Je me souviens d'un affolement, et il paraît que les balles ont touché le haut de la porte cochère où nous entrions. Je me souviens par exemple du jour de la libération. Moi j'étais élève au lycée, dont évidemment j'ai oublié le nom maintenant. J'allais en classe et tous les jours je revenais avec un petit copain qui habitait la même rue. Et un jour nous sortons du lycée pour rentrer à la maison, pour aller déjeuner. Une agitation incroyable, des gens partout. Et une petite fille qui avait des petits drapeaux bleu, blanc, rouge à vendre, on lui dit « mais on n'a pas d'argent, allez, je vous le donne ! » Il y avait une joie extraordinaire, c'était la libération.

  • Speaker #0

    Bien que très jeune pendant la guerre, Alain porte encore les traces indélébiles de cette époque. terrifiante. Il est l'un de ces nombreux enfants qui, malgré une vie professionnelle et personnelle épanouie, porte à jamais les stigmates profonds de ces années sombres. Après la libération, Alain et sa famille restèrent quelques temps à Pau avant de retourner vers la capitale où ses parents poursuivirent avec succès leur carrière de médecin. Aujourd'hui, Alain est un avocat renommé mais aussi un artiste passionné. Il a écrit plusieurs pièces de théâtre et participe activement à des troupes de théâtre amateurs. Merci d'avoir écouté cet épisode. Alors si l'histoire d'Alain vous a ému, je vous encourage à la partager sur les réseaux sociaux, à en discuter avec vos amis, votre famille, vos proches, et surtout la faire découvrir aux plus jeunes. Il est essentiel que les nouvelles générations apprennent l'histoire non seulement à travers les livres, mais aussi à travers ces témoignages vivants. Cruciaux pour comprendre notre passé. Écoutez, partagez, abonnez-vous. Merci de contribuer à la transmission de la mémoire. Ne perdons pas l'histoire, partageons-la. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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