undefined cover
undefined cover
MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE" cover
MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE" cover
ENFANT DE LA SHOAH

MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE"

MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE"

16min |07/05/2025
Play
undefined cover
undefined cover
MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE" cover
MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE" cover
ENFANT DE LA SHOAH

MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE"

MIREILLE - 11 ans - 2ème partie - "J'AI VU LA MAIGREUR DES DÉPORTÉS, C'ÉTAIT HORRIBLE"

16min |07/05/2025
Play

Description

Mireille est née le 19 mai 1931, à Paris, dans une famille aux origines mêlées.

Son père, Maurice, est juif, militant communiste devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique.


Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l’exode pendant trente jours dans des conditions terribles — terribles pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de neuf ans.


Mireille en gardera un traumatisme profond, elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route.


Après l’exode, sa mère vient la chercher. Elles rentrent en région parisienne et ne se quitteront plus.

Mais c’est à présent le début des persécutions pour les Juifs : déchéance de nationalité, arrestations, rafles…


Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.


------



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai appris que notre famille était juive à la guerre, parce que je savais qu'ils venaient de Russie, et l'accent qu'ils avaient, pour moi, c'était un accent russe. Chez moi, ma mère était catholique, donc.on ne parlait pas le Yiddish, mais dans la famille des tantes et tout ça, on parlait le Yiddish souvent. Et bon, pour moi, c'était du russe.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe. désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Mireille est née le 19 mai 1931 à Paris, dans une famille aux origines mêlées. Son père, Maurice, est juif, militant communiste, devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique. Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l'Exode pendant 30 jours dans des conditions terribles. Terrible pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de 9 ans. Mireille en gardera un traumatisme profond. Elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route. Après l'exode, sa mère vient la chercher. Elle rentre en région parisienne et ne se quitteront plus. Mais c'est à présent le début des persécutions pour les Juifs. D'échéance de nationalité, arrestation, rafle. Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Mon père travaillait dans la fourrure. Son patron était juif, bien sûr. Il a été arrêté, déporté. Il n'est pas rentré, d'ailleurs. Et ils avaient mis un gérant aryen. Mais mon père n'avait plus le droit d'être là parce qu'il n'avait plus le droit de voir du public. Les juifs n'avaient pas le droit de côtoyer des gens, comme s'ils étaient pestiférés. Tu sais que dans le métro à Paris, ils n'avaient le droit qu'au dernier wagon. Dans les squares, c'était marqué « interdit aux chiens et aux juifs » . Donc mon père, il avait trouvé du travail. C'est un monsieur qui faisait de la porcelaine. Et mon père, il allait livrer avec le fils du patron qui, lui, allait voir les clients. Mon père s'arrêtait devant et il n'avait pas le droit de voir les gens. Et un jour, je crois que c'est place Clichy, il y a un rond-point. Il a pris le sens normal. C'était le 13 octobre 1940 exactement. Il y a une voiture allemande qui est arrivée dans le mauvais sens. Ils ont fait descendre mon père, ils lui ont foutu un coup de matraque et puis ils l'ont emmené. Alors le fils du patron a dû aller saisir le client puis prévenir son père. Et c'est son père qui nous a téléphoné. Enfin, on n'avait pas le téléphone, mais il y avait le téléphone dans un café en bas. Et la dame, elle se mettait dans la cour, puis elle criait. Et il a dit à ma mère, "votre mari a été arrêté". Elle a dit, "qu'est-ce que je fais" ? Il lui a dit, "allez voir au commissariat, ils vous diront". Elle est allée voir au commissariat. Ils ont dit, "nous, on ne sait pas, mais téléphonez aux prisons". Ma mère, elle a dit, "mon mari, ce n'est pas un bandit". "Oui, mais maintenant"... Donc elle a téléphoné à toutes les prisons et au cercle midi, effectivement, il était là. Et après, il l'a envoyé à la prison de Dijon. Il a été condamné à trois mois de prison pour avoir fait freiner une voiture allemande. C'est marqué sur le papier. Et donc, il a été libéré trois mois après, le 13 janvier 1941. Alors, avant, il avait été se faire recenser. Donc, il avait "juif" sur la carte d'identité quand même. Et quand il est rentré, on leur a demandé de venir chercher l'étoile. Et là, mon père a dit, "ça ne va pas". et je me rappelle, on a vendu tout ce qu'on avait d'un peu de valeur dans la maison pour lui payer le passage pour Marseille. Vous savez, les cheminots, ils avaient fait des doubles fonds. Et il voyageait comme ça, allongés dessous. Il entendait les gens qui passaient au-dessus. mais c'était payant, cher. Je m'en rappelle, on avait des casseroles de cuivre. On avait des beaux livres et on avait un beau service de verre et tout ça. On a vendu tout pour lui payer le passage. Il est parti et donc à Marseille. Bon, nous, on n'était pas... Enfin... Ce n'était pas marqué "juif" sur la carte pour ma mère. Sur la porte, au lieu de LISCHMEWSKY, elle avait remis son nom de jeune fille pour pas que ça attire l'œil. LISCHMEWSKY, ça fait étranger. Ça fait russe et ça fait juif. Donc, il est parti à Marseille, jusqu'à ce que Marseille soit occupée aussi. Et là, il a un copain avec qui il avait fait la guerre, qui lui a dit, "viens chez moi, je suis au fin fond du limousin. Il n'y a pas d'occupation là", il n'allaient pas dans les campagnes. Donc, il est allé là-bas. Il a trouvé du travail dans une ferme. Ça changeait de la fourrure. Et il est resté jusqu'à la fin de la guerre là-bas. Ma mère avait une sœur dans la meuse. Et alors à Paris, à la fin, on n'avait plus rien à manger. sOn crevait complètement de faim. Et ma tante, elle était à la campagne. Et à la campagne, ils n'ont pas été malheureux comme nous. Il y avait des fermes autour d'eux. En plus, ma tante, elle avait une épicerie. Donc ils arrivaient, ils faisaient du Marseillois. Ils s'en aient, ils avaient du lait, ils avaient du beurre. Et quand elle a vu que vraiment, on n'avait plus rien, elle a écrit à maman, "mais venez, venez, restez pas à Paris". On a pris le dernier train parce que le lendemain, ce train-là, il a été bombardé. Donc, on est arrivés sains et sauts dans la Meuse. Et le 28 août 1944, je me rappelle, on était dans un champ en train de glaner. Mon oncle est arrivé en disant « Venez, les Américains sont là ! » Alors, on a couru vite et on s'est trouvés en face des chars qui nous jetaient par-dessus bord des cigarettes. du chocolat et des préservatifs. Alors, tout le monde a allumé une cigarette. Bon, alors moi, j'avais 13 ans. J'ai fait comme tout le monde, j'ai allumé une cigarette. J'ai tiré une bouffée. j'ai jeté ça, je n'ai jamais recommencé. C'est horrible. J'ai mangé du chocolat. Les préservatifs, je n'avais pas l'âge de m'en servir. Mais voilà ce qu'ils nous ont jeté. Je me rappelle, ça a été la liesse. Alors, on avait organisé un bal dans la salle du café chez mon oncle, là. Non, ça a été la fête. Ah oui, ça, je m'en souviens. Mais par contre, il n'y avait plus de transport pour rentrer à Paris, après. Donc, il y a un bonhomme qui avait un camion avec rien derrière, quoi juste les riddelles. Et il faisait ça, il mettait des espèces de... de siège,de bancs, je sais pas…. Et on payait pour remonter à Paris, et on est remonté comme ça. Faut pas croire que la nourriture est revenue comme ça. On a eu des tickets, moi j'ai des cartes d'alimentation que je montre aux enfants, jusqu'à début 48. Il y en avait un peu plus mais… le linge, c'est pareil. Moi, je me suis mariée en 1950. On commençait à retrouver du linge. Des serviettes de toilette, des draps, tout ça. Mais avant, il n'y avait plus rien. Heureusement, les femmes, dans le temps, elles mettaient beaucoup de linge dans les armoires. Elles faisaient des trousseaux, tout ça. Je sais que ma mère, des torchons, des draps, tout ça, on n'a pas manqué les serviettes de toilette parce qu'elle en avait. Mais les ménages, les jeunes ménages, ils n'avaient rien. Et ceux qui se sont mariés après la guerre, tout de suite après la guerre, ils étaient obligés de vivre chez les parents, parce qu'il n'y avait plus de maison, il y avait eu tellement de bombardés. J'avais un oncle, u n oncle avec sa femme et ses deux filles, qui avaient 4 et 6 ans, elles. Et les Allemands sont venus, ils ont frappé très fort. Mon oncle s'est dit, "ce n'est pas des gens de chez nous, ça". Il n'a pas ouvert. Ils sont redescendus et la concierge leur a dit, "si, si, ils sont là, je ne les ai pas vus sortir". Ils sont remontés, ils ont défoncé la porte. Ils ont arrêté tout le monde et ils les ont emmenés à la mairie du quatrième. C'est ça le problème. Nous, ma mère avait été malade avant la guerre et on lui avait dit, il faut la campagne. Alors, on avait quitté Paris et on habitait à Nogentsur Marne. C'est pas vraiment la campagne, mais il y a le bois de Vincennes, il y a les bords de Marne. C'est vrai que c'était... Et on n'était pas dans le milieu juif, quoi. Mais tous les autres, rue Claude de Caen, connaissez ?. Et puis, dans le quatrième... Donc ils les ont emmenés et ils les ont déposés chez un commissaire de police. Et je ne sais pas ce qui s'est passé. Quand il a vu les deux petites, c'est vrai qu'elles étaient adorables, et ma tante, il a dit à ma tante, "partez madame, partez". Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas laisser son mari. Et lui, il lui a dit, "va-t'en, va-t'en"… il leur a sauvé la vie en fait. Parce que mon oncle, il n'est pas rentré, il n'est pas revenu. il était dans les mines de sel là-haut je sais pas où il est mort comme ça après la guerre on a eu les livres avec tous les dates et tout ça des décès. j'ai eu oncles, cousins cousines très proche déporté plus un tas de de collatéraux, les frères de mes tantes, enfin de mes tantes par alliance. Donc en tout, ça fait une vingtaine de gens qui ont été déportés avec des enfants. Et sur ces vingt, deux sont rentrés. Pour la plupart, les juifs, ils disaient, "on est français, on a fait la guerre. On ne va rien nous faire".

  • Speaker #1

    1945, la guerre s'achève. Des milliers de déportés et de prisonniers rentrent enfin. Mais sur les 75 000 Juifs déportés de France, seuls 4 000 survivent. Certains retrouvent leurs proches dans l'émotion et le soulagement. Mais pour beaucoup, il n'y a plus de chez-soi. Personne ne les attend. Leurs familles ont été assassinées. ou ne seront jamais retrouvés. Les enfants seuls sont pris en charge par des institutions comme l'OSÉ, placées en foyers, orphelinats, colonies. Certains adultes placés en centres d'hébergement d'urgence ou en familles d'accueil, souvent temporaires. Beaucoup, parfois très jeunes, doivent apprendre à survivre seuls, à travailler, à se loger, à faire leur place dans une société qui détourne les yeux de leur souffrance. Mireille et sa maman ont fait partie de ces généreuses familles d'accueil. Elles ont hébergé pendant un temps un survivant des camps. Pour Mireille, alors adolescente, ce fut avec l'exode le plus grand traumatisme de la guerre.

  • Speaker #0

    Pour moi, quand les déportés sont rentrés, quand j'ai vu leur maigreur, la façon dont ils étaient, ça a été terrible. On nous avait demandé de les recueillir, parce qu'il y avait des gens qui rentraient qui n'avaient plus rien. Avec ma maman, on n'avait pas grand-chose à manger, mais enfin, on l'a fait quand même. On a eu un monsieur qui est venu. En plus, il était très grand. On aurait un sac d'os. Ça m'a vraiment beaucoup frappée. Quand ils sont rentrés, au début de la guerre, j'avais 8 ans et à la fin de la guerre, j'avais 14 ans. Quand j'ai vu cet homme dans cet état-là, c'est vrai que c'est un souvenir vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Après la guerre et après deux mariages, Mireille s'installe à Menton avec ses deux filles. Elle a alors 39 ans. C'est là, en 1972, qu'elle rencontre Aldo Jourdan, lors d'une réunion de la Fédération des déportés. Résistant communiste, déporté à Dachau, Auschwitz-Birkenau et Mauthausen, Aldo s'était engagé dès avant la guerre dans les brigades internationales. Entre Aldo et Mireille, c'est le coup de foudre, un amour profond. Une flamme qui ne s'éteindra qu'à la mort d'Aldo en 1994. Ensemble, ils fondent le comité du concours de la résistance et de la déportation de Menton. Mireille dédiera sa vie à la transmission de la Shoah. Pendant 45 ans, elle parcourra collèges et lycées pour partager son histoire, transmettre sa résilience et son indéfectible optimisme. Elle sera décorée de la Légion d'honneur.

  • Speaker #0

    « Ce ne quitte pas une classe sans leur dire, c'est pas parce que vous avez la peau blanche ou la peau noire, les cheveux frisés ou les cheveux raides, que vous êtes meilleur ou pire qu'un autre. » Il y a du bon et du mauvais sous toutes les latitudes. Il faut juger les gens sur ce qu'ils font, pas sur la couleur de leur peau. Et je leur dis, tant qu'il y aura du racisme, il y aura des guerres. Quand tu as vu ce que j'ai vu, des morts et tout ça, des bombardements, que toi-même, tu ne savais pas si tu allais pas échapper, tu ne restes plus un enfant. Moi, je dis qu'à partir de la guerre, mon enfance, c'était fini.

  • Speaker #1

    Mireille s'est éteinte le 6 octobre 2023. C'était une grande dame. Merci infiniment, chère Mireille, de m'avoir accordé votre confiance. Merci pour ce témoignage si précieux et si essentiel à notre mémoire collective. Merci à vous qui avez écouté son histoire. Partagez-la avec vos amis, avec vos proches, avec vos voisins. Devenez-vous aussi des passeurs de mémoire. Merci à la DILCRA et à la Clems Conférence pour leur soutien dans ce travail de mémoire. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à tous ceux qui me soutiennent et qui m'encouragent. Merci pour tous les petits mots que je reçois sur les réseaux, les cœurs, les likes. Bref, merci pour tout ça. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Mireille est née le 19 mai 1931, à Paris, dans une famille aux origines mêlées.

Son père, Maurice, est juif, militant communiste devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique.


Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l’exode pendant trente jours dans des conditions terribles — terribles pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de neuf ans.


Mireille en gardera un traumatisme profond, elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route.


Après l’exode, sa mère vient la chercher. Elles rentrent en région parisienne et ne se quitteront plus.

Mais c’est à présent le début des persécutions pour les Juifs : déchéance de nationalité, arrestations, rafles…


Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.


------



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai appris que notre famille était juive à la guerre, parce que je savais qu'ils venaient de Russie, et l'accent qu'ils avaient, pour moi, c'était un accent russe. Chez moi, ma mère était catholique, donc.on ne parlait pas le Yiddish, mais dans la famille des tantes et tout ça, on parlait le Yiddish souvent. Et bon, pour moi, c'était du russe.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe. désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Mireille est née le 19 mai 1931 à Paris, dans une famille aux origines mêlées. Son père, Maurice, est juif, militant communiste, devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique. Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l'Exode pendant 30 jours dans des conditions terribles. Terrible pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de 9 ans. Mireille en gardera un traumatisme profond. Elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route. Après l'exode, sa mère vient la chercher. Elle rentre en région parisienne et ne se quitteront plus. Mais c'est à présent le début des persécutions pour les Juifs. D'échéance de nationalité, arrestation, rafle. Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Mon père travaillait dans la fourrure. Son patron était juif, bien sûr. Il a été arrêté, déporté. Il n'est pas rentré, d'ailleurs. Et ils avaient mis un gérant aryen. Mais mon père n'avait plus le droit d'être là parce qu'il n'avait plus le droit de voir du public. Les juifs n'avaient pas le droit de côtoyer des gens, comme s'ils étaient pestiférés. Tu sais que dans le métro à Paris, ils n'avaient le droit qu'au dernier wagon. Dans les squares, c'était marqué « interdit aux chiens et aux juifs » . Donc mon père, il avait trouvé du travail. C'est un monsieur qui faisait de la porcelaine. Et mon père, il allait livrer avec le fils du patron qui, lui, allait voir les clients. Mon père s'arrêtait devant et il n'avait pas le droit de voir les gens. Et un jour, je crois que c'est place Clichy, il y a un rond-point. Il a pris le sens normal. C'était le 13 octobre 1940 exactement. Il y a une voiture allemande qui est arrivée dans le mauvais sens. Ils ont fait descendre mon père, ils lui ont foutu un coup de matraque et puis ils l'ont emmené. Alors le fils du patron a dû aller saisir le client puis prévenir son père. Et c'est son père qui nous a téléphoné. Enfin, on n'avait pas le téléphone, mais il y avait le téléphone dans un café en bas. Et la dame, elle se mettait dans la cour, puis elle criait. Et il a dit à ma mère, "votre mari a été arrêté". Elle a dit, "qu'est-ce que je fais" ? Il lui a dit, "allez voir au commissariat, ils vous diront". Elle est allée voir au commissariat. Ils ont dit, "nous, on ne sait pas, mais téléphonez aux prisons". Ma mère, elle a dit, "mon mari, ce n'est pas un bandit". "Oui, mais maintenant"... Donc elle a téléphoné à toutes les prisons et au cercle midi, effectivement, il était là. Et après, il l'a envoyé à la prison de Dijon. Il a été condamné à trois mois de prison pour avoir fait freiner une voiture allemande. C'est marqué sur le papier. Et donc, il a été libéré trois mois après, le 13 janvier 1941. Alors, avant, il avait été se faire recenser. Donc, il avait "juif" sur la carte d'identité quand même. Et quand il est rentré, on leur a demandé de venir chercher l'étoile. Et là, mon père a dit, "ça ne va pas". et je me rappelle, on a vendu tout ce qu'on avait d'un peu de valeur dans la maison pour lui payer le passage pour Marseille. Vous savez, les cheminots, ils avaient fait des doubles fonds. Et il voyageait comme ça, allongés dessous. Il entendait les gens qui passaient au-dessus. mais c'était payant, cher. Je m'en rappelle, on avait des casseroles de cuivre. On avait des beaux livres et on avait un beau service de verre et tout ça. On a vendu tout pour lui payer le passage. Il est parti et donc à Marseille. Bon, nous, on n'était pas... Enfin... Ce n'était pas marqué "juif" sur la carte pour ma mère. Sur la porte, au lieu de LISCHMEWSKY, elle avait remis son nom de jeune fille pour pas que ça attire l'œil. LISCHMEWSKY, ça fait étranger. Ça fait russe et ça fait juif. Donc, il est parti à Marseille, jusqu'à ce que Marseille soit occupée aussi. Et là, il a un copain avec qui il avait fait la guerre, qui lui a dit, "viens chez moi, je suis au fin fond du limousin. Il n'y a pas d'occupation là", il n'allaient pas dans les campagnes. Donc, il est allé là-bas. Il a trouvé du travail dans une ferme. Ça changeait de la fourrure. Et il est resté jusqu'à la fin de la guerre là-bas. Ma mère avait une sœur dans la meuse. Et alors à Paris, à la fin, on n'avait plus rien à manger. sOn crevait complètement de faim. Et ma tante, elle était à la campagne. Et à la campagne, ils n'ont pas été malheureux comme nous. Il y avait des fermes autour d'eux. En plus, ma tante, elle avait une épicerie. Donc ils arrivaient, ils faisaient du Marseillois. Ils s'en aient, ils avaient du lait, ils avaient du beurre. Et quand elle a vu que vraiment, on n'avait plus rien, elle a écrit à maman, "mais venez, venez, restez pas à Paris". On a pris le dernier train parce que le lendemain, ce train-là, il a été bombardé. Donc, on est arrivés sains et sauts dans la Meuse. Et le 28 août 1944, je me rappelle, on était dans un champ en train de glaner. Mon oncle est arrivé en disant « Venez, les Américains sont là ! » Alors, on a couru vite et on s'est trouvés en face des chars qui nous jetaient par-dessus bord des cigarettes. du chocolat et des préservatifs. Alors, tout le monde a allumé une cigarette. Bon, alors moi, j'avais 13 ans. J'ai fait comme tout le monde, j'ai allumé une cigarette. J'ai tiré une bouffée. j'ai jeté ça, je n'ai jamais recommencé. C'est horrible. J'ai mangé du chocolat. Les préservatifs, je n'avais pas l'âge de m'en servir. Mais voilà ce qu'ils nous ont jeté. Je me rappelle, ça a été la liesse. Alors, on avait organisé un bal dans la salle du café chez mon oncle, là. Non, ça a été la fête. Ah oui, ça, je m'en souviens. Mais par contre, il n'y avait plus de transport pour rentrer à Paris, après. Donc, il y a un bonhomme qui avait un camion avec rien derrière, quoi juste les riddelles. Et il faisait ça, il mettait des espèces de... de siège,de bancs, je sais pas…. Et on payait pour remonter à Paris, et on est remonté comme ça. Faut pas croire que la nourriture est revenue comme ça. On a eu des tickets, moi j'ai des cartes d'alimentation que je montre aux enfants, jusqu'à début 48. Il y en avait un peu plus mais… le linge, c'est pareil. Moi, je me suis mariée en 1950. On commençait à retrouver du linge. Des serviettes de toilette, des draps, tout ça. Mais avant, il n'y avait plus rien. Heureusement, les femmes, dans le temps, elles mettaient beaucoup de linge dans les armoires. Elles faisaient des trousseaux, tout ça. Je sais que ma mère, des torchons, des draps, tout ça, on n'a pas manqué les serviettes de toilette parce qu'elle en avait. Mais les ménages, les jeunes ménages, ils n'avaient rien. Et ceux qui se sont mariés après la guerre, tout de suite après la guerre, ils étaient obligés de vivre chez les parents, parce qu'il n'y avait plus de maison, il y avait eu tellement de bombardés. J'avais un oncle, u n oncle avec sa femme et ses deux filles, qui avaient 4 et 6 ans, elles. Et les Allemands sont venus, ils ont frappé très fort. Mon oncle s'est dit, "ce n'est pas des gens de chez nous, ça". Il n'a pas ouvert. Ils sont redescendus et la concierge leur a dit, "si, si, ils sont là, je ne les ai pas vus sortir". Ils sont remontés, ils ont défoncé la porte. Ils ont arrêté tout le monde et ils les ont emmenés à la mairie du quatrième. C'est ça le problème. Nous, ma mère avait été malade avant la guerre et on lui avait dit, il faut la campagne. Alors, on avait quitté Paris et on habitait à Nogentsur Marne. C'est pas vraiment la campagne, mais il y a le bois de Vincennes, il y a les bords de Marne. C'est vrai que c'était... Et on n'était pas dans le milieu juif, quoi. Mais tous les autres, rue Claude de Caen, connaissez ?. Et puis, dans le quatrième... Donc ils les ont emmenés et ils les ont déposés chez un commissaire de police. Et je ne sais pas ce qui s'est passé. Quand il a vu les deux petites, c'est vrai qu'elles étaient adorables, et ma tante, il a dit à ma tante, "partez madame, partez". Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas laisser son mari. Et lui, il lui a dit, "va-t'en, va-t'en"… il leur a sauvé la vie en fait. Parce que mon oncle, il n'est pas rentré, il n'est pas revenu. il était dans les mines de sel là-haut je sais pas où il est mort comme ça après la guerre on a eu les livres avec tous les dates et tout ça des décès. j'ai eu oncles, cousins cousines très proche déporté plus un tas de de collatéraux, les frères de mes tantes, enfin de mes tantes par alliance. Donc en tout, ça fait une vingtaine de gens qui ont été déportés avec des enfants. Et sur ces vingt, deux sont rentrés. Pour la plupart, les juifs, ils disaient, "on est français, on a fait la guerre. On ne va rien nous faire".

  • Speaker #1

    1945, la guerre s'achève. Des milliers de déportés et de prisonniers rentrent enfin. Mais sur les 75 000 Juifs déportés de France, seuls 4 000 survivent. Certains retrouvent leurs proches dans l'émotion et le soulagement. Mais pour beaucoup, il n'y a plus de chez-soi. Personne ne les attend. Leurs familles ont été assassinées. ou ne seront jamais retrouvés. Les enfants seuls sont pris en charge par des institutions comme l'OSÉ, placées en foyers, orphelinats, colonies. Certains adultes placés en centres d'hébergement d'urgence ou en familles d'accueil, souvent temporaires. Beaucoup, parfois très jeunes, doivent apprendre à survivre seuls, à travailler, à se loger, à faire leur place dans une société qui détourne les yeux de leur souffrance. Mireille et sa maman ont fait partie de ces généreuses familles d'accueil. Elles ont hébergé pendant un temps un survivant des camps. Pour Mireille, alors adolescente, ce fut avec l'exode le plus grand traumatisme de la guerre.

  • Speaker #0

    Pour moi, quand les déportés sont rentrés, quand j'ai vu leur maigreur, la façon dont ils étaient, ça a été terrible. On nous avait demandé de les recueillir, parce qu'il y avait des gens qui rentraient qui n'avaient plus rien. Avec ma maman, on n'avait pas grand-chose à manger, mais enfin, on l'a fait quand même. On a eu un monsieur qui est venu. En plus, il était très grand. On aurait un sac d'os. Ça m'a vraiment beaucoup frappée. Quand ils sont rentrés, au début de la guerre, j'avais 8 ans et à la fin de la guerre, j'avais 14 ans. Quand j'ai vu cet homme dans cet état-là, c'est vrai que c'est un souvenir vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Après la guerre et après deux mariages, Mireille s'installe à Menton avec ses deux filles. Elle a alors 39 ans. C'est là, en 1972, qu'elle rencontre Aldo Jourdan, lors d'une réunion de la Fédération des déportés. Résistant communiste, déporté à Dachau, Auschwitz-Birkenau et Mauthausen, Aldo s'était engagé dès avant la guerre dans les brigades internationales. Entre Aldo et Mireille, c'est le coup de foudre, un amour profond. Une flamme qui ne s'éteindra qu'à la mort d'Aldo en 1994. Ensemble, ils fondent le comité du concours de la résistance et de la déportation de Menton. Mireille dédiera sa vie à la transmission de la Shoah. Pendant 45 ans, elle parcourra collèges et lycées pour partager son histoire, transmettre sa résilience et son indéfectible optimisme. Elle sera décorée de la Légion d'honneur.

  • Speaker #0

    « Ce ne quitte pas une classe sans leur dire, c'est pas parce que vous avez la peau blanche ou la peau noire, les cheveux frisés ou les cheveux raides, que vous êtes meilleur ou pire qu'un autre. » Il y a du bon et du mauvais sous toutes les latitudes. Il faut juger les gens sur ce qu'ils font, pas sur la couleur de leur peau. Et je leur dis, tant qu'il y aura du racisme, il y aura des guerres. Quand tu as vu ce que j'ai vu, des morts et tout ça, des bombardements, que toi-même, tu ne savais pas si tu allais pas échapper, tu ne restes plus un enfant. Moi, je dis qu'à partir de la guerre, mon enfance, c'était fini.

  • Speaker #1

    Mireille s'est éteinte le 6 octobre 2023. C'était une grande dame. Merci infiniment, chère Mireille, de m'avoir accordé votre confiance. Merci pour ce témoignage si précieux et si essentiel à notre mémoire collective. Merci à vous qui avez écouté son histoire. Partagez-la avec vos amis, avec vos proches, avec vos voisins. Devenez-vous aussi des passeurs de mémoire. Merci à la DILCRA et à la Clems Conférence pour leur soutien dans ce travail de mémoire. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à tous ceux qui me soutiennent et qui m'encouragent. Merci pour tous les petits mots que je reçois sur les réseaux, les cœurs, les likes. Bref, merci pour tout ça. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Share

Embed

You may also like

Description

Mireille est née le 19 mai 1931, à Paris, dans une famille aux origines mêlées.

Son père, Maurice, est juif, militant communiste devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique.


Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l’exode pendant trente jours dans des conditions terribles — terribles pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de neuf ans.


Mireille en gardera un traumatisme profond, elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route.


Après l’exode, sa mère vient la chercher. Elles rentrent en région parisienne et ne se quitteront plus.

Mais c’est à présent le début des persécutions pour les Juifs : déchéance de nationalité, arrestations, rafles…


Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.


------



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai appris que notre famille était juive à la guerre, parce que je savais qu'ils venaient de Russie, et l'accent qu'ils avaient, pour moi, c'était un accent russe. Chez moi, ma mère était catholique, donc.on ne parlait pas le Yiddish, mais dans la famille des tantes et tout ça, on parlait le Yiddish souvent. Et bon, pour moi, c'était du russe.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe. désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Mireille est née le 19 mai 1931 à Paris, dans une famille aux origines mêlées. Son père, Maurice, est juif, militant communiste, devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique. Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l'Exode pendant 30 jours dans des conditions terribles. Terrible pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de 9 ans. Mireille en gardera un traumatisme profond. Elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route. Après l'exode, sa mère vient la chercher. Elle rentre en région parisienne et ne se quitteront plus. Mais c'est à présent le début des persécutions pour les Juifs. D'échéance de nationalité, arrestation, rafle. Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Mon père travaillait dans la fourrure. Son patron était juif, bien sûr. Il a été arrêté, déporté. Il n'est pas rentré, d'ailleurs. Et ils avaient mis un gérant aryen. Mais mon père n'avait plus le droit d'être là parce qu'il n'avait plus le droit de voir du public. Les juifs n'avaient pas le droit de côtoyer des gens, comme s'ils étaient pestiférés. Tu sais que dans le métro à Paris, ils n'avaient le droit qu'au dernier wagon. Dans les squares, c'était marqué « interdit aux chiens et aux juifs » . Donc mon père, il avait trouvé du travail. C'est un monsieur qui faisait de la porcelaine. Et mon père, il allait livrer avec le fils du patron qui, lui, allait voir les clients. Mon père s'arrêtait devant et il n'avait pas le droit de voir les gens. Et un jour, je crois que c'est place Clichy, il y a un rond-point. Il a pris le sens normal. C'était le 13 octobre 1940 exactement. Il y a une voiture allemande qui est arrivée dans le mauvais sens. Ils ont fait descendre mon père, ils lui ont foutu un coup de matraque et puis ils l'ont emmené. Alors le fils du patron a dû aller saisir le client puis prévenir son père. Et c'est son père qui nous a téléphoné. Enfin, on n'avait pas le téléphone, mais il y avait le téléphone dans un café en bas. Et la dame, elle se mettait dans la cour, puis elle criait. Et il a dit à ma mère, "votre mari a été arrêté". Elle a dit, "qu'est-ce que je fais" ? Il lui a dit, "allez voir au commissariat, ils vous diront". Elle est allée voir au commissariat. Ils ont dit, "nous, on ne sait pas, mais téléphonez aux prisons". Ma mère, elle a dit, "mon mari, ce n'est pas un bandit". "Oui, mais maintenant"... Donc elle a téléphoné à toutes les prisons et au cercle midi, effectivement, il était là. Et après, il l'a envoyé à la prison de Dijon. Il a été condamné à trois mois de prison pour avoir fait freiner une voiture allemande. C'est marqué sur le papier. Et donc, il a été libéré trois mois après, le 13 janvier 1941. Alors, avant, il avait été se faire recenser. Donc, il avait "juif" sur la carte d'identité quand même. Et quand il est rentré, on leur a demandé de venir chercher l'étoile. Et là, mon père a dit, "ça ne va pas". et je me rappelle, on a vendu tout ce qu'on avait d'un peu de valeur dans la maison pour lui payer le passage pour Marseille. Vous savez, les cheminots, ils avaient fait des doubles fonds. Et il voyageait comme ça, allongés dessous. Il entendait les gens qui passaient au-dessus. mais c'était payant, cher. Je m'en rappelle, on avait des casseroles de cuivre. On avait des beaux livres et on avait un beau service de verre et tout ça. On a vendu tout pour lui payer le passage. Il est parti et donc à Marseille. Bon, nous, on n'était pas... Enfin... Ce n'était pas marqué "juif" sur la carte pour ma mère. Sur la porte, au lieu de LISCHMEWSKY, elle avait remis son nom de jeune fille pour pas que ça attire l'œil. LISCHMEWSKY, ça fait étranger. Ça fait russe et ça fait juif. Donc, il est parti à Marseille, jusqu'à ce que Marseille soit occupée aussi. Et là, il a un copain avec qui il avait fait la guerre, qui lui a dit, "viens chez moi, je suis au fin fond du limousin. Il n'y a pas d'occupation là", il n'allaient pas dans les campagnes. Donc, il est allé là-bas. Il a trouvé du travail dans une ferme. Ça changeait de la fourrure. Et il est resté jusqu'à la fin de la guerre là-bas. Ma mère avait une sœur dans la meuse. Et alors à Paris, à la fin, on n'avait plus rien à manger. sOn crevait complètement de faim. Et ma tante, elle était à la campagne. Et à la campagne, ils n'ont pas été malheureux comme nous. Il y avait des fermes autour d'eux. En plus, ma tante, elle avait une épicerie. Donc ils arrivaient, ils faisaient du Marseillois. Ils s'en aient, ils avaient du lait, ils avaient du beurre. Et quand elle a vu que vraiment, on n'avait plus rien, elle a écrit à maman, "mais venez, venez, restez pas à Paris". On a pris le dernier train parce que le lendemain, ce train-là, il a été bombardé. Donc, on est arrivés sains et sauts dans la Meuse. Et le 28 août 1944, je me rappelle, on était dans un champ en train de glaner. Mon oncle est arrivé en disant « Venez, les Américains sont là ! » Alors, on a couru vite et on s'est trouvés en face des chars qui nous jetaient par-dessus bord des cigarettes. du chocolat et des préservatifs. Alors, tout le monde a allumé une cigarette. Bon, alors moi, j'avais 13 ans. J'ai fait comme tout le monde, j'ai allumé une cigarette. J'ai tiré une bouffée. j'ai jeté ça, je n'ai jamais recommencé. C'est horrible. J'ai mangé du chocolat. Les préservatifs, je n'avais pas l'âge de m'en servir. Mais voilà ce qu'ils nous ont jeté. Je me rappelle, ça a été la liesse. Alors, on avait organisé un bal dans la salle du café chez mon oncle, là. Non, ça a été la fête. Ah oui, ça, je m'en souviens. Mais par contre, il n'y avait plus de transport pour rentrer à Paris, après. Donc, il y a un bonhomme qui avait un camion avec rien derrière, quoi juste les riddelles. Et il faisait ça, il mettait des espèces de... de siège,de bancs, je sais pas…. Et on payait pour remonter à Paris, et on est remonté comme ça. Faut pas croire que la nourriture est revenue comme ça. On a eu des tickets, moi j'ai des cartes d'alimentation que je montre aux enfants, jusqu'à début 48. Il y en avait un peu plus mais… le linge, c'est pareil. Moi, je me suis mariée en 1950. On commençait à retrouver du linge. Des serviettes de toilette, des draps, tout ça. Mais avant, il n'y avait plus rien. Heureusement, les femmes, dans le temps, elles mettaient beaucoup de linge dans les armoires. Elles faisaient des trousseaux, tout ça. Je sais que ma mère, des torchons, des draps, tout ça, on n'a pas manqué les serviettes de toilette parce qu'elle en avait. Mais les ménages, les jeunes ménages, ils n'avaient rien. Et ceux qui se sont mariés après la guerre, tout de suite après la guerre, ils étaient obligés de vivre chez les parents, parce qu'il n'y avait plus de maison, il y avait eu tellement de bombardés. J'avais un oncle, u n oncle avec sa femme et ses deux filles, qui avaient 4 et 6 ans, elles. Et les Allemands sont venus, ils ont frappé très fort. Mon oncle s'est dit, "ce n'est pas des gens de chez nous, ça". Il n'a pas ouvert. Ils sont redescendus et la concierge leur a dit, "si, si, ils sont là, je ne les ai pas vus sortir". Ils sont remontés, ils ont défoncé la porte. Ils ont arrêté tout le monde et ils les ont emmenés à la mairie du quatrième. C'est ça le problème. Nous, ma mère avait été malade avant la guerre et on lui avait dit, il faut la campagne. Alors, on avait quitté Paris et on habitait à Nogentsur Marne. C'est pas vraiment la campagne, mais il y a le bois de Vincennes, il y a les bords de Marne. C'est vrai que c'était... Et on n'était pas dans le milieu juif, quoi. Mais tous les autres, rue Claude de Caen, connaissez ?. Et puis, dans le quatrième... Donc ils les ont emmenés et ils les ont déposés chez un commissaire de police. Et je ne sais pas ce qui s'est passé. Quand il a vu les deux petites, c'est vrai qu'elles étaient adorables, et ma tante, il a dit à ma tante, "partez madame, partez". Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas laisser son mari. Et lui, il lui a dit, "va-t'en, va-t'en"… il leur a sauvé la vie en fait. Parce que mon oncle, il n'est pas rentré, il n'est pas revenu. il était dans les mines de sel là-haut je sais pas où il est mort comme ça après la guerre on a eu les livres avec tous les dates et tout ça des décès. j'ai eu oncles, cousins cousines très proche déporté plus un tas de de collatéraux, les frères de mes tantes, enfin de mes tantes par alliance. Donc en tout, ça fait une vingtaine de gens qui ont été déportés avec des enfants. Et sur ces vingt, deux sont rentrés. Pour la plupart, les juifs, ils disaient, "on est français, on a fait la guerre. On ne va rien nous faire".

  • Speaker #1

    1945, la guerre s'achève. Des milliers de déportés et de prisonniers rentrent enfin. Mais sur les 75 000 Juifs déportés de France, seuls 4 000 survivent. Certains retrouvent leurs proches dans l'émotion et le soulagement. Mais pour beaucoup, il n'y a plus de chez-soi. Personne ne les attend. Leurs familles ont été assassinées. ou ne seront jamais retrouvés. Les enfants seuls sont pris en charge par des institutions comme l'OSÉ, placées en foyers, orphelinats, colonies. Certains adultes placés en centres d'hébergement d'urgence ou en familles d'accueil, souvent temporaires. Beaucoup, parfois très jeunes, doivent apprendre à survivre seuls, à travailler, à se loger, à faire leur place dans une société qui détourne les yeux de leur souffrance. Mireille et sa maman ont fait partie de ces généreuses familles d'accueil. Elles ont hébergé pendant un temps un survivant des camps. Pour Mireille, alors adolescente, ce fut avec l'exode le plus grand traumatisme de la guerre.

  • Speaker #0

    Pour moi, quand les déportés sont rentrés, quand j'ai vu leur maigreur, la façon dont ils étaient, ça a été terrible. On nous avait demandé de les recueillir, parce qu'il y avait des gens qui rentraient qui n'avaient plus rien. Avec ma maman, on n'avait pas grand-chose à manger, mais enfin, on l'a fait quand même. On a eu un monsieur qui est venu. En plus, il était très grand. On aurait un sac d'os. Ça m'a vraiment beaucoup frappée. Quand ils sont rentrés, au début de la guerre, j'avais 8 ans et à la fin de la guerre, j'avais 14 ans. Quand j'ai vu cet homme dans cet état-là, c'est vrai que c'est un souvenir vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Après la guerre et après deux mariages, Mireille s'installe à Menton avec ses deux filles. Elle a alors 39 ans. C'est là, en 1972, qu'elle rencontre Aldo Jourdan, lors d'une réunion de la Fédération des déportés. Résistant communiste, déporté à Dachau, Auschwitz-Birkenau et Mauthausen, Aldo s'était engagé dès avant la guerre dans les brigades internationales. Entre Aldo et Mireille, c'est le coup de foudre, un amour profond. Une flamme qui ne s'éteindra qu'à la mort d'Aldo en 1994. Ensemble, ils fondent le comité du concours de la résistance et de la déportation de Menton. Mireille dédiera sa vie à la transmission de la Shoah. Pendant 45 ans, elle parcourra collèges et lycées pour partager son histoire, transmettre sa résilience et son indéfectible optimisme. Elle sera décorée de la Légion d'honneur.

  • Speaker #0

    « Ce ne quitte pas une classe sans leur dire, c'est pas parce que vous avez la peau blanche ou la peau noire, les cheveux frisés ou les cheveux raides, que vous êtes meilleur ou pire qu'un autre. » Il y a du bon et du mauvais sous toutes les latitudes. Il faut juger les gens sur ce qu'ils font, pas sur la couleur de leur peau. Et je leur dis, tant qu'il y aura du racisme, il y aura des guerres. Quand tu as vu ce que j'ai vu, des morts et tout ça, des bombardements, que toi-même, tu ne savais pas si tu allais pas échapper, tu ne restes plus un enfant. Moi, je dis qu'à partir de la guerre, mon enfance, c'était fini.

  • Speaker #1

    Mireille s'est éteinte le 6 octobre 2023. C'était une grande dame. Merci infiniment, chère Mireille, de m'avoir accordé votre confiance. Merci pour ce témoignage si précieux et si essentiel à notre mémoire collective. Merci à vous qui avez écouté son histoire. Partagez-la avec vos amis, avec vos proches, avec vos voisins. Devenez-vous aussi des passeurs de mémoire. Merci à la DILCRA et à la Clems Conférence pour leur soutien dans ce travail de mémoire. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à tous ceux qui me soutiennent et qui m'encouragent. Merci pour tous les petits mots que je reçois sur les réseaux, les cœurs, les likes. Bref, merci pour tout ça. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Mireille est née le 19 mai 1931, à Paris, dans une famille aux origines mêlées.

Son père, Maurice, est juif, militant communiste devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique.


Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l’exode pendant trente jours dans des conditions terribles — terribles pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de neuf ans.


Mireille en gardera un traumatisme profond, elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route.


Après l’exode, sa mère vient la chercher. Elles rentrent en région parisienne et ne se quitteront plus.

Mais c’est à présent le début des persécutions pour les Juifs : déchéance de nationalité, arrestations, rafles…


Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.


------



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

❤️ Vous AUSSI, pouvez m’aider à préserver la mémoire des enfants cachés en faisant un don sur https://www.allodons.fr/enfantdelashoah

Chaque contribution permet de continuer ce travail essentiel. #Mémoire #Shoah #HistoireVraie


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai appris que notre famille était juive à la guerre, parce que je savais qu'ils venaient de Russie, et l'accent qu'ils avaient, pour moi, c'était un accent russe. Chez moi, ma mère était catholique, donc.on ne parlait pas le Yiddish, mais dans la famille des tantes et tout ça, on parlait le Yiddish souvent. Et bon, pour moi, c'était du russe.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe. désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Mireille est née le 19 mai 1931 à Paris, dans une famille aux origines mêlées. Son père, Maurice, est juif, militant communiste, devenu socialiste. Sa mère, Geneviève, est catholique. Lorsque la guerre éclate, Maurice est mobilisé dès les premiers jours. Geneviève doit alors subvenir seule aux besoins de la famille. Elle travaille sans relâche, de jour comme de nuit, et envoie Mireille se réfugier chez une famille en province. Ensemble, ils prendront la route de l'Exode pendant 30 jours dans des conditions terribles. Terrible pour tous, mais particulièrement pour une petite fille de 9 ans. Mireille en gardera un traumatisme profond. Elle se souvient avec douleur avoir dû enjamber des corps sans vie le long de la route. Après l'exode, sa mère vient la chercher. Elle rentre en région parisienne et ne se quitteront plus. Mais c'est à présent le début des persécutions pour les Juifs. D'échéance de nationalité, arrestation, rafle. Voici la deuxième et dernière partie du témoignage de Mireille, 11 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Mon père travaillait dans la fourrure. Son patron était juif, bien sûr. Il a été arrêté, déporté. Il n'est pas rentré, d'ailleurs. Et ils avaient mis un gérant aryen. Mais mon père n'avait plus le droit d'être là parce qu'il n'avait plus le droit de voir du public. Les juifs n'avaient pas le droit de côtoyer des gens, comme s'ils étaient pestiférés. Tu sais que dans le métro à Paris, ils n'avaient le droit qu'au dernier wagon. Dans les squares, c'était marqué « interdit aux chiens et aux juifs » . Donc mon père, il avait trouvé du travail. C'est un monsieur qui faisait de la porcelaine. Et mon père, il allait livrer avec le fils du patron qui, lui, allait voir les clients. Mon père s'arrêtait devant et il n'avait pas le droit de voir les gens. Et un jour, je crois que c'est place Clichy, il y a un rond-point. Il a pris le sens normal. C'était le 13 octobre 1940 exactement. Il y a une voiture allemande qui est arrivée dans le mauvais sens. Ils ont fait descendre mon père, ils lui ont foutu un coup de matraque et puis ils l'ont emmené. Alors le fils du patron a dû aller saisir le client puis prévenir son père. Et c'est son père qui nous a téléphoné. Enfin, on n'avait pas le téléphone, mais il y avait le téléphone dans un café en bas. Et la dame, elle se mettait dans la cour, puis elle criait. Et il a dit à ma mère, "votre mari a été arrêté". Elle a dit, "qu'est-ce que je fais" ? Il lui a dit, "allez voir au commissariat, ils vous diront". Elle est allée voir au commissariat. Ils ont dit, "nous, on ne sait pas, mais téléphonez aux prisons". Ma mère, elle a dit, "mon mari, ce n'est pas un bandit". "Oui, mais maintenant"... Donc elle a téléphoné à toutes les prisons et au cercle midi, effectivement, il était là. Et après, il l'a envoyé à la prison de Dijon. Il a été condamné à trois mois de prison pour avoir fait freiner une voiture allemande. C'est marqué sur le papier. Et donc, il a été libéré trois mois après, le 13 janvier 1941. Alors, avant, il avait été se faire recenser. Donc, il avait "juif" sur la carte d'identité quand même. Et quand il est rentré, on leur a demandé de venir chercher l'étoile. Et là, mon père a dit, "ça ne va pas". et je me rappelle, on a vendu tout ce qu'on avait d'un peu de valeur dans la maison pour lui payer le passage pour Marseille. Vous savez, les cheminots, ils avaient fait des doubles fonds. Et il voyageait comme ça, allongés dessous. Il entendait les gens qui passaient au-dessus. mais c'était payant, cher. Je m'en rappelle, on avait des casseroles de cuivre. On avait des beaux livres et on avait un beau service de verre et tout ça. On a vendu tout pour lui payer le passage. Il est parti et donc à Marseille. Bon, nous, on n'était pas... Enfin... Ce n'était pas marqué "juif" sur la carte pour ma mère. Sur la porte, au lieu de LISCHMEWSKY, elle avait remis son nom de jeune fille pour pas que ça attire l'œil. LISCHMEWSKY, ça fait étranger. Ça fait russe et ça fait juif. Donc, il est parti à Marseille, jusqu'à ce que Marseille soit occupée aussi. Et là, il a un copain avec qui il avait fait la guerre, qui lui a dit, "viens chez moi, je suis au fin fond du limousin. Il n'y a pas d'occupation là", il n'allaient pas dans les campagnes. Donc, il est allé là-bas. Il a trouvé du travail dans une ferme. Ça changeait de la fourrure. Et il est resté jusqu'à la fin de la guerre là-bas. Ma mère avait une sœur dans la meuse. Et alors à Paris, à la fin, on n'avait plus rien à manger. sOn crevait complètement de faim. Et ma tante, elle était à la campagne. Et à la campagne, ils n'ont pas été malheureux comme nous. Il y avait des fermes autour d'eux. En plus, ma tante, elle avait une épicerie. Donc ils arrivaient, ils faisaient du Marseillois. Ils s'en aient, ils avaient du lait, ils avaient du beurre. Et quand elle a vu que vraiment, on n'avait plus rien, elle a écrit à maman, "mais venez, venez, restez pas à Paris". On a pris le dernier train parce que le lendemain, ce train-là, il a été bombardé. Donc, on est arrivés sains et sauts dans la Meuse. Et le 28 août 1944, je me rappelle, on était dans un champ en train de glaner. Mon oncle est arrivé en disant « Venez, les Américains sont là ! » Alors, on a couru vite et on s'est trouvés en face des chars qui nous jetaient par-dessus bord des cigarettes. du chocolat et des préservatifs. Alors, tout le monde a allumé une cigarette. Bon, alors moi, j'avais 13 ans. J'ai fait comme tout le monde, j'ai allumé une cigarette. J'ai tiré une bouffée. j'ai jeté ça, je n'ai jamais recommencé. C'est horrible. J'ai mangé du chocolat. Les préservatifs, je n'avais pas l'âge de m'en servir. Mais voilà ce qu'ils nous ont jeté. Je me rappelle, ça a été la liesse. Alors, on avait organisé un bal dans la salle du café chez mon oncle, là. Non, ça a été la fête. Ah oui, ça, je m'en souviens. Mais par contre, il n'y avait plus de transport pour rentrer à Paris, après. Donc, il y a un bonhomme qui avait un camion avec rien derrière, quoi juste les riddelles. Et il faisait ça, il mettait des espèces de... de siège,de bancs, je sais pas…. Et on payait pour remonter à Paris, et on est remonté comme ça. Faut pas croire que la nourriture est revenue comme ça. On a eu des tickets, moi j'ai des cartes d'alimentation que je montre aux enfants, jusqu'à début 48. Il y en avait un peu plus mais… le linge, c'est pareil. Moi, je me suis mariée en 1950. On commençait à retrouver du linge. Des serviettes de toilette, des draps, tout ça. Mais avant, il n'y avait plus rien. Heureusement, les femmes, dans le temps, elles mettaient beaucoup de linge dans les armoires. Elles faisaient des trousseaux, tout ça. Je sais que ma mère, des torchons, des draps, tout ça, on n'a pas manqué les serviettes de toilette parce qu'elle en avait. Mais les ménages, les jeunes ménages, ils n'avaient rien. Et ceux qui se sont mariés après la guerre, tout de suite après la guerre, ils étaient obligés de vivre chez les parents, parce qu'il n'y avait plus de maison, il y avait eu tellement de bombardés. J'avais un oncle, u n oncle avec sa femme et ses deux filles, qui avaient 4 et 6 ans, elles. Et les Allemands sont venus, ils ont frappé très fort. Mon oncle s'est dit, "ce n'est pas des gens de chez nous, ça". Il n'a pas ouvert. Ils sont redescendus et la concierge leur a dit, "si, si, ils sont là, je ne les ai pas vus sortir". Ils sont remontés, ils ont défoncé la porte. Ils ont arrêté tout le monde et ils les ont emmenés à la mairie du quatrième. C'est ça le problème. Nous, ma mère avait été malade avant la guerre et on lui avait dit, il faut la campagne. Alors, on avait quitté Paris et on habitait à Nogentsur Marne. C'est pas vraiment la campagne, mais il y a le bois de Vincennes, il y a les bords de Marne. C'est vrai que c'était... Et on n'était pas dans le milieu juif, quoi. Mais tous les autres, rue Claude de Caen, connaissez ?. Et puis, dans le quatrième... Donc ils les ont emmenés et ils les ont déposés chez un commissaire de police. Et je ne sais pas ce qui s'est passé. Quand il a vu les deux petites, c'est vrai qu'elles étaient adorables, et ma tante, il a dit à ma tante, "partez madame, partez". Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas laisser son mari. Et lui, il lui a dit, "va-t'en, va-t'en"… il leur a sauvé la vie en fait. Parce que mon oncle, il n'est pas rentré, il n'est pas revenu. il était dans les mines de sel là-haut je sais pas où il est mort comme ça après la guerre on a eu les livres avec tous les dates et tout ça des décès. j'ai eu oncles, cousins cousines très proche déporté plus un tas de de collatéraux, les frères de mes tantes, enfin de mes tantes par alliance. Donc en tout, ça fait une vingtaine de gens qui ont été déportés avec des enfants. Et sur ces vingt, deux sont rentrés. Pour la plupart, les juifs, ils disaient, "on est français, on a fait la guerre. On ne va rien nous faire".

  • Speaker #1

    1945, la guerre s'achève. Des milliers de déportés et de prisonniers rentrent enfin. Mais sur les 75 000 Juifs déportés de France, seuls 4 000 survivent. Certains retrouvent leurs proches dans l'émotion et le soulagement. Mais pour beaucoup, il n'y a plus de chez-soi. Personne ne les attend. Leurs familles ont été assassinées. ou ne seront jamais retrouvés. Les enfants seuls sont pris en charge par des institutions comme l'OSÉ, placées en foyers, orphelinats, colonies. Certains adultes placés en centres d'hébergement d'urgence ou en familles d'accueil, souvent temporaires. Beaucoup, parfois très jeunes, doivent apprendre à survivre seuls, à travailler, à se loger, à faire leur place dans une société qui détourne les yeux de leur souffrance. Mireille et sa maman ont fait partie de ces généreuses familles d'accueil. Elles ont hébergé pendant un temps un survivant des camps. Pour Mireille, alors adolescente, ce fut avec l'exode le plus grand traumatisme de la guerre.

  • Speaker #0

    Pour moi, quand les déportés sont rentrés, quand j'ai vu leur maigreur, la façon dont ils étaient, ça a été terrible. On nous avait demandé de les recueillir, parce qu'il y avait des gens qui rentraient qui n'avaient plus rien. Avec ma maman, on n'avait pas grand-chose à manger, mais enfin, on l'a fait quand même. On a eu un monsieur qui est venu. En plus, il était très grand. On aurait un sac d'os. Ça m'a vraiment beaucoup frappée. Quand ils sont rentrés, au début de la guerre, j'avais 8 ans et à la fin de la guerre, j'avais 14 ans. Quand j'ai vu cet homme dans cet état-là, c'est vrai que c'est un souvenir vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Après la guerre et après deux mariages, Mireille s'installe à Menton avec ses deux filles. Elle a alors 39 ans. C'est là, en 1972, qu'elle rencontre Aldo Jourdan, lors d'une réunion de la Fédération des déportés. Résistant communiste, déporté à Dachau, Auschwitz-Birkenau et Mauthausen, Aldo s'était engagé dès avant la guerre dans les brigades internationales. Entre Aldo et Mireille, c'est le coup de foudre, un amour profond. Une flamme qui ne s'éteindra qu'à la mort d'Aldo en 1994. Ensemble, ils fondent le comité du concours de la résistance et de la déportation de Menton. Mireille dédiera sa vie à la transmission de la Shoah. Pendant 45 ans, elle parcourra collèges et lycées pour partager son histoire, transmettre sa résilience et son indéfectible optimisme. Elle sera décorée de la Légion d'honneur.

  • Speaker #0

    « Ce ne quitte pas une classe sans leur dire, c'est pas parce que vous avez la peau blanche ou la peau noire, les cheveux frisés ou les cheveux raides, que vous êtes meilleur ou pire qu'un autre. » Il y a du bon et du mauvais sous toutes les latitudes. Il faut juger les gens sur ce qu'ils font, pas sur la couleur de leur peau. Et je leur dis, tant qu'il y aura du racisme, il y aura des guerres. Quand tu as vu ce que j'ai vu, des morts et tout ça, des bombardements, que toi-même, tu ne savais pas si tu allais pas échapper, tu ne restes plus un enfant. Moi, je dis qu'à partir de la guerre, mon enfance, c'était fini.

  • Speaker #1

    Mireille s'est éteinte le 6 octobre 2023. C'était une grande dame. Merci infiniment, chère Mireille, de m'avoir accordé votre confiance. Merci pour ce témoignage si précieux et si essentiel à notre mémoire collective. Merci à vous qui avez écouté son histoire. Partagez-la avec vos amis, avec vos proches, avec vos voisins. Devenez-vous aussi des passeurs de mémoire. Merci à la DILCRA et à la Clems Conférence pour leur soutien dans ce travail de mémoire. Merci à Néo Verriest et à Alexandre Bande pour leur aide précieuse. Et merci à tous ceux qui me soutiennent et qui m'encouragent. Merci pour tous les petits mots que je reçois sur les réseaux, les cœurs, les likes. Bref, merci pour tout ça. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Share

Embed

You may also like