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ELISA - 5 ANS 1/2 - ÉPISODE 1 - "MON PÈRE CE HÉROS" cover
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ENFANT DE LA SHOAH

ELISA - 5 ANS 1/2 - ÉPISODE 1 - "MON PÈRE CE HÉROS"

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13min |03/12/2025
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13min |03/12/2025
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Description

Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère, mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent.

Ils l'appelèrent Élisa.

Élisa nait le 1ᵉʳ février 1934, dans le 14ᵉ arrondissement de Paris et grandit dans une famille venue de Pologne : un père originaire de Varsovie, qui attendra longtemps avant d’obtenir la nationalité française, qu’il ne recevra qu’après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodovicz; un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd’hui.


S'ils se sont connus en Pologne, c'est en france qu'ils se marient, juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927.


Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s’installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville–Ménilmontant.


Dès le début de la guerre, en 1939, il s’engage volontairement au 21ᵉ régiment de volontaires étrangers.

Élisa n’a alors que cinq ans et demi.


Ce premier épisode, le premier d’une série de trois, est consacré à l’histoire de ce père engagé : son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite fille.


Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans 1/2, enfant de la Shoah


--------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah


et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'étais tout à fait inconsciente que j'étais juive et que c'était une distinction. Je me voyais plus comme, au début, comme toutes mes copines dont les pères sont partis à la guerre. Et voilà, on était toutes un petit peu dans le même cas. Et ce n'est qu'au fur et à mesure qu'on a été dans cette espèce de couloir spécial. de petites filles juives, de familles juives, ça s'est fait presque insensiblement. Il y avait les restrictions apportées à tout le monde pour l'alimentation, pour toutes ces choses-là, et petit à petit, des petites exceptions pour les Juifs. Et c'est venu comme ça depuis le premier accroc jusqu'à l'abomination.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère. Mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent. Ils l'appelèrent Elisa. Elisa naît le 1er février 1934 dans le 14e arrondissement de Paris. Elle grandit dans une famille venue de Pologne, un père originaire de Varsovie qui attendra longtemps avant d'obtenir la nationalité française, qu'il ne recevra qu'après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodowice, un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd'hui. S'ils se sont connus en Pologne, c'est en France qu'ils se marient. Juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927. Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s'installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville-Ménilmontant. Dès le début de la guerre, en 1939, il s'engage volontairement au 21e Régiment de Volontaires Étrangers. Elisa n'a alors que 5 ans et demi. Ce premier épisode, le premier d'une série de trois, est consacré à l'histoire de ce père engagé. Son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite-fille. Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans et demi, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il ne faisait pas de chaussures, mais il avait une cordonnerie au rez-de-chaussée, au 41 rue des Maronites. Et j'avais l'habitude, tous les matins, j'allais dans la boutique, je descendais les deux petites marches, et j'allais dans le tiroir caisse, je prenais deux sous pour un caramel chez la voisine d'à côté. Ce jour-là, mon père m'a fait venir, m'a pris sur ses genoux, et m'a dit, tu vois, j'ai mis... plein de pièces dans le tiroir et je vais partir pour un certain temps et toi, tous les matins, tu iras prendre une petite pièce, tu iras acheter le caramel. Ça s'est terrassé, ce truc-là. Je me souviens aussi quand on l'a accompagné à la gare. J'étais avec ma mère J'ai su après que c'était la gare de l'Est, il y avait un monde, je me souviens d'un hall avec du monde, du monde, du monde, et des enfants. Et quand on a quitté mon père, il est parti, et on est rentrés toutes les deux, vraiment très triste. Il est parti pour la France. C'était un patriote pur et dur, et il ne pouvait pas supporter l'idée de ne pas s'engager. C'était comme ça qu'il fallait qu'il fasse. Il y a eu beaucoup de ses copains qui ont fait la même chose, qui se sont engagés, et il y en avait qui, j'ai su par la suite, qui riaient, qui se moquaient de lui. « Qu'est-ce que tu vas faire pour la France ? » Qu'est-ce que tu as dit ? où est ton intérêt ? » Et longtemps après, je me suis rendue compte que bon, ça a été difficile, il est resté cinq ans et demi. Il a été prisonnier, il a fait plusieurs stalagmes, il était au 2D, il a été au 7A, il a... Il est revenu blessé, il est revenu en mal en pointe, mais c'est grâce à son départ au militaire que nous avons peut-être eu la vie sauve et que les autres ont été pris. En fait, ils étaient protégés par les conventions internationales, mais la question s'est posée qui est juif, qui n'est pas juif. Il ne s'est pas déclaré comme juif là-bas et il s'est débrouillé pour être le moins mal possible. Donc comme il était bon artisan, un jour un gradé est venu et a demandé qu'il sait coudre les vêtements pour hommes. Alors il a levé la main, ce n'était pas son métier. Alors le gradé lui a dit, écoute, est-ce que tu es capable de me refaire ? une veste d'uniforme comme celle-là. Il a dit oui, bien sûr. Et il nous racontait que toute la nuit, il a décousu chaque pièce de la veste, il les a copiées et recousues dans la nuit, à la fois la première et la deuxième. Il savait tout faire de ses mains. Et à chaque fois, comme ça, ça s'est passé pas trop mal pour lui, jusqu'au moment où les années passant, il a rencontré son neveu, qui était dans un état pitoyable, vraiment très très mal, prisonnier aussi, sur un autre stalag certainement, et ils ont décidé tous les deux de s'évader. Et donc ils ont... Ils ont pris des vêtements civils qu'ils se sont faits, je ne sais pas comment, et ils sont partis à pied. Ils ont marché vers la frontière pour revenir en France. Et à un moment, le neveu était tellement fatigué, ils ont décidé de prendre un train. Et ils se sont endormis. Et ils ont été réveillés par la police allemande. Et ils ont été repris. et envoyé dans un camp horrible, c'est-à-dire qu'on ne tuait pas les gens. Mais c'était un camp très dur, il est connu, c'est Rabarouchka. Il a eu du courage. Il a pris un couteau, il s'est entaillé les deux parties ici, entre le pouce et l'index, et il a trempé ses mains dans l'eau sale. un baquet d'eau de vaisselle et ça a fait suppurer naturellement l'infection est venue dedans donc on l'a emmené à l'hôpital, ça a duré le temps qu'on arrive à le guérir plusieurs mois et après on ne l'a pas renvoyé au camp et la gaffe des cicatrices il me les a montrées Pour moi, mon père, c'est mon héros. Tous les mois, nous avions la possibilité d'envoyer, c'était des cartes-lettres, c'était des feuilles de papier, pas d'enveloppe, on repliait en trois. Elles étaient ouvertes naturellement par la censure. Quelquefois, on recevait avec plein de noirs, de très noirs. On pouvait échanger des lettres comme ça plus ou moins régulièrement parce que quand on le déplaçait ou que nous on se déplaçait, ça n'arrivait pas, mais normalement tous les mois. Et on avait gardé le contact, il suivait un peu notre vie. Nous, on savait moins, c'était plus secret ce qu'il faisait, mais on savait qu'il était en vie. Sur ses lettres, on écrivait comment on allait en classe, les notes, ce qui se passait. Évidemment, on ne lui a pas dit tout sur le port de l'étoile. On n'avait pas dit pour la déportation de ma grand-mère. Il y avait des choses qu'on ne mettait pas, mais on racontait les notes à l'école, les choses comme ça. Et c'était quand même énorme. En 1945, j'avais 11 ans à ce moment-là. Il y avait déjà eu la libération. En Paris, il y avait les cloches qui avaient sonné pour la fin de la guerre et tout ça, il n'était toujours pas là. On était rue des Maronites, on était revenus de l'endroit où on a passé la dernière partie de la guerre près de Grenoble. Et on était au premier étage, au-dessus de la boutique, on avait un deux-pièces qui donnait sur un escalier extérieur. Et j'étais avec ma mère en train de faire de la pâtisserie. C'est drôle comment ça reste dans la mémoire. On avait su qu'il avait été blessé, mais on ne savait pas exactement de quoi venir. Et en riant, on disait, peut-être qu'il va rentrer en boiton, comme ça. Et puis d'un seul coup, des bruits de pas, mais qui n'étaient pas habituels, je ne sais pas exactement pourquoi. Et on a entendu taper à la porte. Et on l'a vu s'encadrer dans la porte. C'était, j'ai fait un bond. Je ne sais pas comment c'est arrivé. Mais dans le fond, je ne l'ai pas reconnu. C'était en même temps, c'était tout en même temps. C'était incroyable parce que... Heureuse de le voir et puis quand même la sensation de quelqu'un d'étranger presque.

  • Speaker #1

    Pendant longtemps, Elisa a eu le sentiment que son père lui était étranger. Séparée de lui très tôt, comme tant d'enfants de cette génération, elle l'a peu connue dans ses premières années. Mais avec le temps, patiemment, les liens se sont retissés. Ainsi s'achève ce premier épisode du témoignage d'Elisa. Dans le prochain épisode, elle nous racontera son quotidien de petite fille pendant la captivité de son père et les premiers rafles de juifs dont elle sera témoin. Merci de votre écoute. N'hésitez pas à partager ces récits et à les transmettre autour de vous. Un immense merci à la Clems Conférence, dont le soutien précieux me permet de poursuivre ce travail de mémoire. Beaucoup me demandent pourquoi je réalise ce podcast. et ce qu'il m'apporte ? La réponse est toute simple, je le fais bénévolement, avec le cœur. Tant qu'il restera des témoins, je continuerai à recueillir leurs paroles. Je le fais par devoir, parce que l'antisémitisme progresse, parce que certains tentent de réécrire l'histoire. Ces hommes et ces femmes qui ont traversé la Shoah sont là, vivants, pour témoigner. Et nous avons le devoir, sacré, de les écouter. Alors si vous souhaitez, vous aussi, soutenir ce travail de mémoire, Vous pouvez faire un don à l'association Enfants de la Shoah. Vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Merci encore pour votre écoute, pour votre fidélité, et rendez-vous très vite pour le deuxième épisode du Témoignage d'Elisa. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère, mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent.

Ils l'appelèrent Élisa.

Élisa nait le 1ᵉʳ février 1934, dans le 14ᵉ arrondissement de Paris et grandit dans une famille venue de Pologne : un père originaire de Varsovie, qui attendra longtemps avant d’obtenir la nationalité française, qu’il ne recevra qu’après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodovicz; un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd’hui.


S'ils se sont connus en Pologne, c'est en france qu'ils se marient, juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927.


Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s’installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville–Ménilmontant.


Dès le début de la guerre, en 1939, il s’engage volontairement au 21ᵉ régiment de volontaires étrangers.

Élisa n’a alors que cinq ans et demi.


Ce premier épisode, le premier d’une série de trois, est consacré à l’histoire de ce père engagé : son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite fille.


Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans 1/2, enfant de la Shoah


--------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah


et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'étais tout à fait inconsciente que j'étais juive et que c'était une distinction. Je me voyais plus comme, au début, comme toutes mes copines dont les pères sont partis à la guerre. Et voilà, on était toutes un petit peu dans le même cas. Et ce n'est qu'au fur et à mesure qu'on a été dans cette espèce de couloir spécial. de petites filles juives, de familles juives, ça s'est fait presque insensiblement. Il y avait les restrictions apportées à tout le monde pour l'alimentation, pour toutes ces choses-là, et petit à petit, des petites exceptions pour les Juifs. Et c'est venu comme ça depuis le premier accroc jusqu'à l'abomination.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère. Mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent. Ils l'appelèrent Elisa. Elisa naît le 1er février 1934 dans le 14e arrondissement de Paris. Elle grandit dans une famille venue de Pologne, un père originaire de Varsovie qui attendra longtemps avant d'obtenir la nationalité française, qu'il ne recevra qu'après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodowice, un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd'hui. S'ils se sont connus en Pologne, c'est en France qu'ils se marient. Juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927. Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s'installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville-Ménilmontant. Dès le début de la guerre, en 1939, il s'engage volontairement au 21e Régiment de Volontaires Étrangers. Elisa n'a alors que 5 ans et demi. Ce premier épisode, le premier d'une série de trois, est consacré à l'histoire de ce père engagé. Son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite-fille. Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans et demi, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il ne faisait pas de chaussures, mais il avait une cordonnerie au rez-de-chaussée, au 41 rue des Maronites. Et j'avais l'habitude, tous les matins, j'allais dans la boutique, je descendais les deux petites marches, et j'allais dans le tiroir caisse, je prenais deux sous pour un caramel chez la voisine d'à côté. Ce jour-là, mon père m'a fait venir, m'a pris sur ses genoux, et m'a dit, tu vois, j'ai mis... plein de pièces dans le tiroir et je vais partir pour un certain temps et toi, tous les matins, tu iras prendre une petite pièce, tu iras acheter le caramel. Ça s'est terrassé, ce truc-là. Je me souviens aussi quand on l'a accompagné à la gare. J'étais avec ma mère J'ai su après que c'était la gare de l'Est, il y avait un monde, je me souviens d'un hall avec du monde, du monde, du monde, et des enfants. Et quand on a quitté mon père, il est parti, et on est rentrés toutes les deux, vraiment très triste. Il est parti pour la France. C'était un patriote pur et dur, et il ne pouvait pas supporter l'idée de ne pas s'engager. C'était comme ça qu'il fallait qu'il fasse. Il y a eu beaucoup de ses copains qui ont fait la même chose, qui se sont engagés, et il y en avait qui, j'ai su par la suite, qui riaient, qui se moquaient de lui. « Qu'est-ce que tu vas faire pour la France ? » Qu'est-ce que tu as dit ? où est ton intérêt ? » Et longtemps après, je me suis rendue compte que bon, ça a été difficile, il est resté cinq ans et demi. Il a été prisonnier, il a fait plusieurs stalagmes, il était au 2D, il a été au 7A, il a... Il est revenu blessé, il est revenu en mal en pointe, mais c'est grâce à son départ au militaire que nous avons peut-être eu la vie sauve et que les autres ont été pris. En fait, ils étaient protégés par les conventions internationales, mais la question s'est posée qui est juif, qui n'est pas juif. Il ne s'est pas déclaré comme juif là-bas et il s'est débrouillé pour être le moins mal possible. Donc comme il était bon artisan, un jour un gradé est venu et a demandé qu'il sait coudre les vêtements pour hommes. Alors il a levé la main, ce n'était pas son métier. Alors le gradé lui a dit, écoute, est-ce que tu es capable de me refaire ? une veste d'uniforme comme celle-là. Il a dit oui, bien sûr. Et il nous racontait que toute la nuit, il a décousu chaque pièce de la veste, il les a copiées et recousues dans la nuit, à la fois la première et la deuxième. Il savait tout faire de ses mains. Et à chaque fois, comme ça, ça s'est passé pas trop mal pour lui, jusqu'au moment où les années passant, il a rencontré son neveu, qui était dans un état pitoyable, vraiment très très mal, prisonnier aussi, sur un autre stalag certainement, et ils ont décidé tous les deux de s'évader. Et donc ils ont... Ils ont pris des vêtements civils qu'ils se sont faits, je ne sais pas comment, et ils sont partis à pied. Ils ont marché vers la frontière pour revenir en France. Et à un moment, le neveu était tellement fatigué, ils ont décidé de prendre un train. Et ils se sont endormis. Et ils ont été réveillés par la police allemande. Et ils ont été repris. et envoyé dans un camp horrible, c'est-à-dire qu'on ne tuait pas les gens. Mais c'était un camp très dur, il est connu, c'est Rabarouchka. Il a eu du courage. Il a pris un couteau, il s'est entaillé les deux parties ici, entre le pouce et l'index, et il a trempé ses mains dans l'eau sale. un baquet d'eau de vaisselle et ça a fait suppurer naturellement l'infection est venue dedans donc on l'a emmené à l'hôpital, ça a duré le temps qu'on arrive à le guérir plusieurs mois et après on ne l'a pas renvoyé au camp et la gaffe des cicatrices il me les a montrées Pour moi, mon père, c'est mon héros. Tous les mois, nous avions la possibilité d'envoyer, c'était des cartes-lettres, c'était des feuilles de papier, pas d'enveloppe, on repliait en trois. Elles étaient ouvertes naturellement par la censure. Quelquefois, on recevait avec plein de noirs, de très noirs. On pouvait échanger des lettres comme ça plus ou moins régulièrement parce que quand on le déplaçait ou que nous on se déplaçait, ça n'arrivait pas, mais normalement tous les mois. Et on avait gardé le contact, il suivait un peu notre vie. Nous, on savait moins, c'était plus secret ce qu'il faisait, mais on savait qu'il était en vie. Sur ses lettres, on écrivait comment on allait en classe, les notes, ce qui se passait. Évidemment, on ne lui a pas dit tout sur le port de l'étoile. On n'avait pas dit pour la déportation de ma grand-mère. Il y avait des choses qu'on ne mettait pas, mais on racontait les notes à l'école, les choses comme ça. Et c'était quand même énorme. En 1945, j'avais 11 ans à ce moment-là. Il y avait déjà eu la libération. En Paris, il y avait les cloches qui avaient sonné pour la fin de la guerre et tout ça, il n'était toujours pas là. On était rue des Maronites, on était revenus de l'endroit où on a passé la dernière partie de la guerre près de Grenoble. Et on était au premier étage, au-dessus de la boutique, on avait un deux-pièces qui donnait sur un escalier extérieur. Et j'étais avec ma mère en train de faire de la pâtisserie. C'est drôle comment ça reste dans la mémoire. On avait su qu'il avait été blessé, mais on ne savait pas exactement de quoi venir. Et en riant, on disait, peut-être qu'il va rentrer en boiton, comme ça. Et puis d'un seul coup, des bruits de pas, mais qui n'étaient pas habituels, je ne sais pas exactement pourquoi. Et on a entendu taper à la porte. Et on l'a vu s'encadrer dans la porte. C'était, j'ai fait un bond. Je ne sais pas comment c'est arrivé. Mais dans le fond, je ne l'ai pas reconnu. C'était en même temps, c'était tout en même temps. C'était incroyable parce que... Heureuse de le voir et puis quand même la sensation de quelqu'un d'étranger presque.

  • Speaker #1

    Pendant longtemps, Elisa a eu le sentiment que son père lui était étranger. Séparée de lui très tôt, comme tant d'enfants de cette génération, elle l'a peu connue dans ses premières années. Mais avec le temps, patiemment, les liens se sont retissés. Ainsi s'achève ce premier épisode du témoignage d'Elisa. Dans le prochain épisode, elle nous racontera son quotidien de petite fille pendant la captivité de son père et les premiers rafles de juifs dont elle sera témoin. Merci de votre écoute. N'hésitez pas à partager ces récits et à les transmettre autour de vous. Un immense merci à la Clems Conférence, dont le soutien précieux me permet de poursuivre ce travail de mémoire. Beaucoup me demandent pourquoi je réalise ce podcast. et ce qu'il m'apporte ? La réponse est toute simple, je le fais bénévolement, avec le cœur. Tant qu'il restera des témoins, je continuerai à recueillir leurs paroles. Je le fais par devoir, parce que l'antisémitisme progresse, parce que certains tentent de réécrire l'histoire. Ces hommes et ces femmes qui ont traversé la Shoah sont là, vivants, pour témoigner. Et nous avons le devoir, sacré, de les écouter. Alors si vous souhaitez, vous aussi, soutenir ce travail de mémoire, Vous pouvez faire un don à l'association Enfants de la Shoah. Vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Merci encore pour votre écoute, pour votre fidélité, et rendez-vous très vite pour le deuxième épisode du Témoignage d'Elisa. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère, mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent.

Ils l'appelèrent Élisa.

Élisa nait le 1ᵉʳ février 1934, dans le 14ᵉ arrondissement de Paris et grandit dans une famille venue de Pologne : un père originaire de Varsovie, qui attendra longtemps avant d’obtenir la nationalité française, qu’il ne recevra qu’après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodovicz; un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd’hui.


S'ils se sont connus en Pologne, c'est en france qu'ils se marient, juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927.


Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s’installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville–Ménilmontant.


Dès le début de la guerre, en 1939, il s’engage volontairement au 21ᵉ régiment de volontaires étrangers.

Élisa n’a alors que cinq ans et demi.


Ce premier épisode, le premier d’une série de trois, est consacré à l’histoire de ce père engagé : son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite fille.


Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans 1/2, enfant de la Shoah


--------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Transcription

  • Speaker #0

    J'étais tout à fait inconsciente que j'étais juive et que c'était une distinction. Je me voyais plus comme, au début, comme toutes mes copines dont les pères sont partis à la guerre. Et voilà, on était toutes un petit peu dans le même cas. Et ce n'est qu'au fur et à mesure qu'on a été dans cette espèce de couloir spécial. de petites filles juives, de familles juives, ça s'est fait presque insensiblement. Il y avait les restrictions apportées à tout le monde pour l'alimentation, pour toutes ces choses-là, et petit à petit, des petites exceptions pour les Juifs. Et c'est venu comme ça depuis le premier accroc jusqu'à l'abomination.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère. Mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent. Ils l'appelèrent Elisa. Elisa naît le 1er février 1934 dans le 14e arrondissement de Paris. Elle grandit dans une famille venue de Pologne, un père originaire de Varsovie qui attendra longtemps avant d'obtenir la nationalité française, qu'il ne recevra qu'après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodowice, un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd'hui. S'ils se sont connus en Pologne, c'est en France qu'ils se marient. Juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927. Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s'installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville-Ménilmontant. Dès le début de la guerre, en 1939, il s'engage volontairement au 21e Régiment de Volontaires Étrangers. Elisa n'a alors que 5 ans et demi. Ce premier épisode, le premier d'une série de trois, est consacré à l'histoire de ce père engagé. Son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite-fille. Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans et demi, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il ne faisait pas de chaussures, mais il avait une cordonnerie au rez-de-chaussée, au 41 rue des Maronites. Et j'avais l'habitude, tous les matins, j'allais dans la boutique, je descendais les deux petites marches, et j'allais dans le tiroir caisse, je prenais deux sous pour un caramel chez la voisine d'à côté. Ce jour-là, mon père m'a fait venir, m'a pris sur ses genoux, et m'a dit, tu vois, j'ai mis... plein de pièces dans le tiroir et je vais partir pour un certain temps et toi, tous les matins, tu iras prendre une petite pièce, tu iras acheter le caramel. Ça s'est terrassé, ce truc-là. Je me souviens aussi quand on l'a accompagné à la gare. J'étais avec ma mère J'ai su après que c'était la gare de l'Est, il y avait un monde, je me souviens d'un hall avec du monde, du monde, du monde, et des enfants. Et quand on a quitté mon père, il est parti, et on est rentrés toutes les deux, vraiment très triste. Il est parti pour la France. C'était un patriote pur et dur, et il ne pouvait pas supporter l'idée de ne pas s'engager. C'était comme ça qu'il fallait qu'il fasse. Il y a eu beaucoup de ses copains qui ont fait la même chose, qui se sont engagés, et il y en avait qui, j'ai su par la suite, qui riaient, qui se moquaient de lui. « Qu'est-ce que tu vas faire pour la France ? » Qu'est-ce que tu as dit ? où est ton intérêt ? » Et longtemps après, je me suis rendue compte que bon, ça a été difficile, il est resté cinq ans et demi. Il a été prisonnier, il a fait plusieurs stalagmes, il était au 2D, il a été au 7A, il a... Il est revenu blessé, il est revenu en mal en pointe, mais c'est grâce à son départ au militaire que nous avons peut-être eu la vie sauve et que les autres ont été pris. En fait, ils étaient protégés par les conventions internationales, mais la question s'est posée qui est juif, qui n'est pas juif. Il ne s'est pas déclaré comme juif là-bas et il s'est débrouillé pour être le moins mal possible. Donc comme il était bon artisan, un jour un gradé est venu et a demandé qu'il sait coudre les vêtements pour hommes. Alors il a levé la main, ce n'était pas son métier. Alors le gradé lui a dit, écoute, est-ce que tu es capable de me refaire ? une veste d'uniforme comme celle-là. Il a dit oui, bien sûr. Et il nous racontait que toute la nuit, il a décousu chaque pièce de la veste, il les a copiées et recousues dans la nuit, à la fois la première et la deuxième. Il savait tout faire de ses mains. Et à chaque fois, comme ça, ça s'est passé pas trop mal pour lui, jusqu'au moment où les années passant, il a rencontré son neveu, qui était dans un état pitoyable, vraiment très très mal, prisonnier aussi, sur un autre stalag certainement, et ils ont décidé tous les deux de s'évader. Et donc ils ont... Ils ont pris des vêtements civils qu'ils se sont faits, je ne sais pas comment, et ils sont partis à pied. Ils ont marché vers la frontière pour revenir en France. Et à un moment, le neveu était tellement fatigué, ils ont décidé de prendre un train. Et ils se sont endormis. Et ils ont été réveillés par la police allemande. Et ils ont été repris. et envoyé dans un camp horrible, c'est-à-dire qu'on ne tuait pas les gens. Mais c'était un camp très dur, il est connu, c'est Rabarouchka. Il a eu du courage. Il a pris un couteau, il s'est entaillé les deux parties ici, entre le pouce et l'index, et il a trempé ses mains dans l'eau sale. un baquet d'eau de vaisselle et ça a fait suppurer naturellement l'infection est venue dedans donc on l'a emmené à l'hôpital, ça a duré le temps qu'on arrive à le guérir plusieurs mois et après on ne l'a pas renvoyé au camp et la gaffe des cicatrices il me les a montrées Pour moi, mon père, c'est mon héros. Tous les mois, nous avions la possibilité d'envoyer, c'était des cartes-lettres, c'était des feuilles de papier, pas d'enveloppe, on repliait en trois. Elles étaient ouvertes naturellement par la censure. Quelquefois, on recevait avec plein de noirs, de très noirs. On pouvait échanger des lettres comme ça plus ou moins régulièrement parce que quand on le déplaçait ou que nous on se déplaçait, ça n'arrivait pas, mais normalement tous les mois. Et on avait gardé le contact, il suivait un peu notre vie. Nous, on savait moins, c'était plus secret ce qu'il faisait, mais on savait qu'il était en vie. Sur ses lettres, on écrivait comment on allait en classe, les notes, ce qui se passait. Évidemment, on ne lui a pas dit tout sur le port de l'étoile. On n'avait pas dit pour la déportation de ma grand-mère. Il y avait des choses qu'on ne mettait pas, mais on racontait les notes à l'école, les choses comme ça. Et c'était quand même énorme. En 1945, j'avais 11 ans à ce moment-là. Il y avait déjà eu la libération. En Paris, il y avait les cloches qui avaient sonné pour la fin de la guerre et tout ça, il n'était toujours pas là. On était rue des Maronites, on était revenus de l'endroit où on a passé la dernière partie de la guerre près de Grenoble. Et on était au premier étage, au-dessus de la boutique, on avait un deux-pièces qui donnait sur un escalier extérieur. Et j'étais avec ma mère en train de faire de la pâtisserie. C'est drôle comment ça reste dans la mémoire. On avait su qu'il avait été blessé, mais on ne savait pas exactement de quoi venir. Et en riant, on disait, peut-être qu'il va rentrer en boiton, comme ça. Et puis d'un seul coup, des bruits de pas, mais qui n'étaient pas habituels, je ne sais pas exactement pourquoi. Et on a entendu taper à la porte. Et on l'a vu s'encadrer dans la porte. C'était, j'ai fait un bond. Je ne sais pas comment c'est arrivé. Mais dans le fond, je ne l'ai pas reconnu. C'était en même temps, c'était tout en même temps. C'était incroyable parce que... Heureuse de le voir et puis quand même la sensation de quelqu'un d'étranger presque.

  • Speaker #1

    Pendant longtemps, Elisa a eu le sentiment que son père lui était étranger. Séparée de lui très tôt, comme tant d'enfants de cette génération, elle l'a peu connue dans ses premières années. Mais avec le temps, patiemment, les liens se sont retissés. Ainsi s'achève ce premier épisode du témoignage d'Elisa. Dans le prochain épisode, elle nous racontera son quotidien de petite fille pendant la captivité de son père et les premiers rafles de juifs dont elle sera témoin. Merci de votre écoute. N'hésitez pas à partager ces récits et à les transmettre autour de vous. Un immense merci à la Clems Conférence, dont le soutien précieux me permet de poursuivre ce travail de mémoire. Beaucoup me demandent pourquoi je réalise ce podcast. et ce qu'il m'apporte ? La réponse est toute simple, je le fais bénévolement, avec le cœur. Tant qu'il restera des témoins, je continuerai à recueillir leurs paroles. Je le fais par devoir, parce que l'antisémitisme progresse, parce que certains tentent de réécrire l'histoire. Ces hommes et ces femmes qui ont traversé la Shoah sont là, vivants, pour témoigner. Et nous avons le devoir, sacré, de les écouter. Alors si vous souhaitez, vous aussi, soutenir ce travail de mémoire, Vous pouvez faire un don à l'association Enfants de la Shoah. Vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Merci encore pour votre écoute, pour votre fidélité, et rendez-vous très vite pour le deuxième épisode du Témoignage d'Elisa. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère, mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent.

Ils l'appelèrent Élisa.

Élisa nait le 1ᵉʳ février 1934, dans le 14ᵉ arrondissement de Paris et grandit dans une famille venue de Pologne : un père originaire de Varsovie, qui attendra longtemps avant d’obtenir la nationalité française, qu’il ne recevra qu’après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodovicz; un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd’hui.


S'ils se sont connus en Pologne, c'est en france qu'ils se marient, juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927.


Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s’installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville–Ménilmontant.


Dès le début de la guerre, en 1939, il s’engage volontairement au 21ᵉ régiment de volontaires étrangers.

Élisa n’a alors que cinq ans et demi.


Ce premier épisode, le premier d’une série de trois, est consacré à l’histoire de ce père engagé : son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite fille.


Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans 1/2, enfant de la Shoah


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.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


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Transcription

  • Speaker #0

    J'étais tout à fait inconsciente que j'étais juive et que c'était une distinction. Je me voyais plus comme, au début, comme toutes mes copines dont les pères sont partis à la guerre. Et voilà, on était toutes un petit peu dans le même cas. Et ce n'est qu'au fur et à mesure qu'on a été dans cette espèce de couloir spécial. de petites filles juives, de familles juives, ça s'est fait presque insensiblement. Il y avait les restrictions apportées à tout le monde pour l'alimentation, pour toutes ces choses-là, et petit à petit, des petites exceptions pour les Juifs. Et c'est venu comme ça depuis le premier accroc jusqu'à l'abomination.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Dans sa famille, toutes les filles de sa génération s'appellent Lisa, en souvenir d'une grand-mère. Mais ses parents à elle ont voulu faire un peu différent. Ils l'appelèrent Elisa. Elisa naît le 1er février 1934 dans le 14e arrondissement de Paris. Elle grandit dans une famille venue de Pologne, un père originaire de Varsovie qui attendra longtemps avant d'obtenir la nationalité française, qu'il ne recevra qu'après la guerre, et une mère née dans un petit village voisin, Slodowice, un lieu dont il ne reste presque aucune trace aujourd'hui. S'ils se sont connus en Pologne, c'est en France qu'ils se marient. Juste avant la naissance de leur premier enfant, le frère d'Elisa, en 1927. Ouvrier dans la chaussure, le père d'Elisa finit par s'installer comme petit artisan dans le quartier de Belleville-Ménilmontant. Dès le début de la guerre, en 1939, il s'engage volontairement au 21e Régiment de Volontaires Étrangers. Elisa n'a alors que 5 ans et demi. Ce premier épisode, le premier d'une série de trois, est consacré à l'histoire de ce père engagé. Son parcours, son départ, et ce que cela a représenté pour sa petite-fille. Voici le témoignage d'Elisa, 5 ans et demi, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il ne faisait pas de chaussures, mais il avait une cordonnerie au rez-de-chaussée, au 41 rue des Maronites. Et j'avais l'habitude, tous les matins, j'allais dans la boutique, je descendais les deux petites marches, et j'allais dans le tiroir caisse, je prenais deux sous pour un caramel chez la voisine d'à côté. Ce jour-là, mon père m'a fait venir, m'a pris sur ses genoux, et m'a dit, tu vois, j'ai mis... plein de pièces dans le tiroir et je vais partir pour un certain temps et toi, tous les matins, tu iras prendre une petite pièce, tu iras acheter le caramel. Ça s'est terrassé, ce truc-là. Je me souviens aussi quand on l'a accompagné à la gare. J'étais avec ma mère J'ai su après que c'était la gare de l'Est, il y avait un monde, je me souviens d'un hall avec du monde, du monde, du monde, et des enfants. Et quand on a quitté mon père, il est parti, et on est rentrés toutes les deux, vraiment très triste. Il est parti pour la France. C'était un patriote pur et dur, et il ne pouvait pas supporter l'idée de ne pas s'engager. C'était comme ça qu'il fallait qu'il fasse. Il y a eu beaucoup de ses copains qui ont fait la même chose, qui se sont engagés, et il y en avait qui, j'ai su par la suite, qui riaient, qui se moquaient de lui. « Qu'est-ce que tu vas faire pour la France ? » Qu'est-ce que tu as dit ? où est ton intérêt ? » Et longtemps après, je me suis rendue compte que bon, ça a été difficile, il est resté cinq ans et demi. Il a été prisonnier, il a fait plusieurs stalagmes, il était au 2D, il a été au 7A, il a... Il est revenu blessé, il est revenu en mal en pointe, mais c'est grâce à son départ au militaire que nous avons peut-être eu la vie sauve et que les autres ont été pris. En fait, ils étaient protégés par les conventions internationales, mais la question s'est posée qui est juif, qui n'est pas juif. Il ne s'est pas déclaré comme juif là-bas et il s'est débrouillé pour être le moins mal possible. Donc comme il était bon artisan, un jour un gradé est venu et a demandé qu'il sait coudre les vêtements pour hommes. Alors il a levé la main, ce n'était pas son métier. Alors le gradé lui a dit, écoute, est-ce que tu es capable de me refaire ? une veste d'uniforme comme celle-là. Il a dit oui, bien sûr. Et il nous racontait que toute la nuit, il a décousu chaque pièce de la veste, il les a copiées et recousues dans la nuit, à la fois la première et la deuxième. Il savait tout faire de ses mains. Et à chaque fois, comme ça, ça s'est passé pas trop mal pour lui, jusqu'au moment où les années passant, il a rencontré son neveu, qui était dans un état pitoyable, vraiment très très mal, prisonnier aussi, sur un autre stalag certainement, et ils ont décidé tous les deux de s'évader. Et donc ils ont... Ils ont pris des vêtements civils qu'ils se sont faits, je ne sais pas comment, et ils sont partis à pied. Ils ont marché vers la frontière pour revenir en France. Et à un moment, le neveu était tellement fatigué, ils ont décidé de prendre un train. Et ils se sont endormis. Et ils ont été réveillés par la police allemande. Et ils ont été repris. et envoyé dans un camp horrible, c'est-à-dire qu'on ne tuait pas les gens. Mais c'était un camp très dur, il est connu, c'est Rabarouchka. Il a eu du courage. Il a pris un couteau, il s'est entaillé les deux parties ici, entre le pouce et l'index, et il a trempé ses mains dans l'eau sale. un baquet d'eau de vaisselle et ça a fait suppurer naturellement l'infection est venue dedans donc on l'a emmené à l'hôpital, ça a duré le temps qu'on arrive à le guérir plusieurs mois et après on ne l'a pas renvoyé au camp et la gaffe des cicatrices il me les a montrées Pour moi, mon père, c'est mon héros. Tous les mois, nous avions la possibilité d'envoyer, c'était des cartes-lettres, c'était des feuilles de papier, pas d'enveloppe, on repliait en trois. Elles étaient ouvertes naturellement par la censure. Quelquefois, on recevait avec plein de noirs, de très noirs. On pouvait échanger des lettres comme ça plus ou moins régulièrement parce que quand on le déplaçait ou que nous on se déplaçait, ça n'arrivait pas, mais normalement tous les mois. Et on avait gardé le contact, il suivait un peu notre vie. Nous, on savait moins, c'était plus secret ce qu'il faisait, mais on savait qu'il était en vie. Sur ses lettres, on écrivait comment on allait en classe, les notes, ce qui se passait. Évidemment, on ne lui a pas dit tout sur le port de l'étoile. On n'avait pas dit pour la déportation de ma grand-mère. Il y avait des choses qu'on ne mettait pas, mais on racontait les notes à l'école, les choses comme ça. Et c'était quand même énorme. En 1945, j'avais 11 ans à ce moment-là. Il y avait déjà eu la libération. En Paris, il y avait les cloches qui avaient sonné pour la fin de la guerre et tout ça, il n'était toujours pas là. On était rue des Maronites, on était revenus de l'endroit où on a passé la dernière partie de la guerre près de Grenoble. Et on était au premier étage, au-dessus de la boutique, on avait un deux-pièces qui donnait sur un escalier extérieur. Et j'étais avec ma mère en train de faire de la pâtisserie. C'est drôle comment ça reste dans la mémoire. On avait su qu'il avait été blessé, mais on ne savait pas exactement de quoi venir. Et en riant, on disait, peut-être qu'il va rentrer en boiton, comme ça. Et puis d'un seul coup, des bruits de pas, mais qui n'étaient pas habituels, je ne sais pas exactement pourquoi. Et on a entendu taper à la porte. Et on l'a vu s'encadrer dans la porte. C'était, j'ai fait un bond. Je ne sais pas comment c'est arrivé. Mais dans le fond, je ne l'ai pas reconnu. C'était en même temps, c'était tout en même temps. C'était incroyable parce que... Heureuse de le voir et puis quand même la sensation de quelqu'un d'étranger presque.

  • Speaker #1

    Pendant longtemps, Elisa a eu le sentiment que son père lui était étranger. Séparée de lui très tôt, comme tant d'enfants de cette génération, elle l'a peu connue dans ses premières années. Mais avec le temps, patiemment, les liens se sont retissés. Ainsi s'achève ce premier épisode du témoignage d'Elisa. Dans le prochain épisode, elle nous racontera son quotidien de petite fille pendant la captivité de son père et les premiers rafles de juifs dont elle sera témoin. Merci de votre écoute. N'hésitez pas à partager ces récits et à les transmettre autour de vous. Un immense merci à la Clems Conférence, dont le soutien précieux me permet de poursuivre ce travail de mémoire. Beaucoup me demandent pourquoi je réalise ce podcast. et ce qu'il m'apporte ? La réponse est toute simple, je le fais bénévolement, avec le cœur. Tant qu'il restera des témoins, je continuerai à recueillir leurs paroles. Je le fais par devoir, parce que l'antisémitisme progresse, parce que certains tentent de réécrire l'histoire. Ces hommes et ces femmes qui ont traversé la Shoah sont là, vivants, pour témoigner. Et nous avons le devoir, sacré, de les écouter. Alors si vous souhaitez, vous aussi, soutenir ce travail de mémoire, Vous pouvez faire un don à l'association Enfants de la Shoah. Vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Merci encore pour votre écoute, pour votre fidélité, et rendez-vous très vite pour le deuxième épisode du Témoignage d'Elisa. C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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