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ELISA - 8 ANS  - ÉPISODE 3 - "J'ÉTAIS LA PLUS CATHOLIQUE DES JUIVES" cover
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ENFANT DE LA SHOAH

ELISA - 8 ANS - ÉPISODE 3 - "J'ÉTAIS LA PLUS CATHOLIQUE DES JUIVES"

ELISA - 8 ANS - ÉPISODE 3 - "J'ÉTAIS LA PLUS CATHOLIQUE DES JUIVES"

15min |17/12/2025
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15min |17/12/2025
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Description

Élisa est née à Paris le 1er février 1934.

Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption qu'il admire.


Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut de prisonnier lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève : ils ne peuvent être ni arrêtés ni déportés.


La tante et la grand-mère d'Élisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention.

Elles sont raflées, emmenées à Drancy, puis déportées vers les camps de la mort.


Élisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais, avec la mise en place de la « solution finale », l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève.

Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même s'il est parent d'un soldat prisonnier de guerre.


Quelques temps plus tard, Élisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger.

Des paysans qui savent « plus ou moins qu'elle est juive », mais la cachent avec bienveillance.


Le frère et la mère d'Élisa, eux, restent à Paris.


voici la dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, Enfant de la Shoah


NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


-------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah


et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai juste raconté ce que moi j'avais vu. Et il y avait des enfants, des adolescents de 15 ans à peu près, et les professeurs. Ça m'a tellement bouleversée. Je n'imaginais pas, j'ai senti, je parlais à des cœurs. Voilà, c'était absolument ça. Je ne sais pas, c'était comme si je parlais à mes petits-enfants et il y avait beaucoup d'affection.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Elisa est née à Paris le 1er février 1934. Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, Son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. Il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption. Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève. Ils ne peuvent ni être arrêtés, ni déportés, ni même inquiétés. La tante et la grand-mère d'Elisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention. Elles seront raflées, emmenées à Drancy. puis déportée vers les camps de la mort. Elisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais avec la mise en place de la solution finale, l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève. Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même si les parents d'un soldat prisonnier de guerre. Quelques temps plus tard, Elisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger. Des paysans qui savent... plus ou moins qu'elle est juive, mais la cache avec bienveillance. Le frère et la mère d'Elisa,

  • Speaker #0

    eux,

  • Speaker #1

    restent à Paris. Voici la troisième et dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Quelques temps après le départ de ma grand-mère, il devait venir chercher mon frère et ma mère. Mon frère, il a su. par une organisation à l'intérieur des EI, des Scouts, qui s'appelait la Sixième. C'était une organisation de résistance. Et eux, ils ont prévenu mon frère que demain, on vient chercher les femmes de prisonniers, donc sauvez-vous ! Et à ce moment-là, il n'y avait plus de moyens autrement. Ma mère a prévenu mon oncle qui était à Grenoble. Et ils sont partis du jour au lendemain avec des faux papiers que les scouts leur ont donnés, mon frère et ma mère. Et ils ont eu la chance, à un moment, quelqu'un dans le wagon leur a dit, ça y est, on a passé la ligne de démarcation. Et ils sont arrivés à Grenoble sans encombre. Et là, mon oncle avait un joli appartement sur le cours Jean Jaurès. Ils ont cru qu'ils allaient être bien mieux logés, mais pas du tout. Ils leur avaient trouvé à 8 kilomètres de là, à Penteclès, un deux-pièces dans un ancien camp, ça s'appelait le camp de Verdun. C'était un camp qui datait de la guerre de 1914, c'est pour ça qu'il s'appelait Verdun, où c'était des baraques, en fait. J'étais à ce moment-là dans les Landes, un village qui s'appelait Misson. C'était des bonnes années pour moi. J'ai mangé là-bas des choses tellement exquises, tellement formidables. Alors que moi, je n'étais pas une mangeuse du tout. Je rechignais, mais là, c'était que des confits de canard, des poêlés de champignons, de trucs. Enfin, c'était fou. Et un jour, une femme est venue. Je pense une infirmière. Je ne sais pas pourquoi il me semble. Je ne sais pas qui c'était. Je n'ai jamais su qui était cette femme, ni d'où elle venait, ni qui l'avait envoyée. Elle est venue me chercher chez les paysans. Nous avons pris le train et elle m'a emmenée jusqu'à chez maman, là à Penteclès. Je suis arrivée là, quand j'ai vu l'endroit où ils vivaient, c'était la déception, c'était vraiment moche. On a vécu, je pense, deux ans peut-être dans cet endroit, alors sans étoile jaune évidemment. On ne déclarait pas qu'on était juif, mais enfin, le maire du village, en fait de la petite ville, qui était médecin en même temps, c'était le docteur Roland. Il a dû comprendre parce qu'on était déclaré sous Morcelevic, donc déjà c'était un nom un peu étranger. Ma mère étant employée par la mairie de Pontclair, tout ça c'était catholique, donc elle s'est déclarée catholique. Donc j'ai eu droit à aller au patronage, à faire la communion privée, enfin tout le bazar. Quand j'ai dû aller à l'église pour le catéchisme, je ne connaissais rien. Alors je me souviens être allée à Grenoble avec ma mère et j'ai acheté un petit missel, joli comme tout, avec les prières qu'on doit faire quand on va se confesser. quand on va... J'aime être... tellement ça. J'étais la plus catholique des catholiques. J'adorais aller à l'église, les bonnes sœurs, j'étais bonne au catéchisme, tout ça, c'était incroyable. Et mon frère, par contre, il voulait continuer à aller au scout. Alors, scout juif, il n'y en avait pas, mais il y avait les... les scouts protestants, les éclaireurs unionistes. Alors il a dit ça, ça peut cadrer. Alors les gens ont dit, mais comment ça se fait que lui, il va chez les protestants et votre fille, chez les catholiques ? Alors elle a dit, voilà, c'est mon mari protestant. Il y avait un bazar. Et on est resté là jusqu'à la fin de la guerre. Et puis un jour, les Américains sont arrivés, avec des chewing-gums, avec des boîtes de corned beef, avec du chocolat épais, que jamais j'ai mangé un si bon chocolat, que celui-là, c'était... Vraiment, on a ressenti cette chose-là, une grande joie. Et on ne savait toujours rien de ce qui était devenu des prisonniers. On n'avait même plus de lettres à un moment. C'était un peu la bagaille partout. Donc on est resté quelques mois comme ça. Et on est rentré à Paris grâce aux Américains. Je ne sais pas comment ma mère s'est débrouillée, mais bon, elle a trouvé un camion américain avec. des soldats. Alors il y avait parmi eux, il y avait un noir et il y avait un hindou. Je me souviens bien de l'hindou parce qu'il a commencé à mettre son turban autour de la tête. Ça a duré des heures et des heures. Il avait tellement ce truc, on l'observait. Alors c'était un camion ouvert et ils ont mis dessus les quelques meubles qu'on avait. table, je ne sais pas, on n'avait rien, mais bon, c'était dessus. Et on est rentrés à Paris avec eux et ils nous ont déposés jusqu'à la rue des Maronnites et quand on a voulu monter premier chez nous, on est allés voir la concierge. Ah, vous êtes revenus ? C'était comme ça. Je me souviens très bien quand on est arrivé devant la porte avec les scellés sur la porte. Donc on a déchiré les scellés et on a ouvert la porte. Déjà c'était un taudis avant, mais un taudis habité quoi, c'était quand même... Et là il y avait juste un fil électrique qui pendait au plafond, il n'y avait pas une lumière, rien. Ils avaient vraiment tiré dessus, enlevé les... Les trucs, il n'y avait rien. La maison, vide, vide, vide. Nous avions des livres, des prix. Mon frère amenait de Voltaire des piles de prix d'excellence, de beaux livres. Ma poupée ! Mais rien, rien, tout vide, pas une chaise, pas Paris, et noir, et sombre, et humide, dégueulasse. Mais bon, on était rentrés là, et pas découragés, maman elle a dit génial, c'est génial, on a installé les quelques trucs qu'on avait, et puis... La vie, elle s'est reprise. Mon frère a passé la même année la deuxième partie de bac et le PCB pour entrer à la faculté de médecine, parce qu'il n'a pas perdu un jour d'études. Ça a été incroyable. Et moi, j'ai repris l'école, et voilà.

  • Speaker #1

    Merci infiniment chère Elisa pour votre témoignage, à la fois si poignant, si émouvant, si bouleversant et en même temps si réaliste. On voit tellement ce qui s'est passé à travers vos yeux d'enfant, tellement précisément.

  • Speaker #0

    Je pense que quand on parle aux gens, au cœur des gens, c'est plus fort que quand on raconte l'histoire, les faits eux-mêmes. Je m'étais dit... Bon, ça intéresse les Juifs, mais les Goyes, finalement, ils ont vu faire ça, ils n'ont pas fait grand-chose pour empêcher. Ils ont été témoins, il y a eu quelques-uns qui ont été plus courageux, même qui ont risqué leur vie, mais tellement minoritaires. La majorité, ils étaient parfaitement indifférents. Et la seule façon maintenant, c'est que je... Je pense qu'au premier accroc, il faut le signaler, il faut se battre. On ne doit pas accepter qu'on permette une discrimination. C'est très important, ça finit toujours mal. On ne doit pas permettre l'injustice. Il ne faut pas avoir peur de parler aux gens et au cœur. Moi, je gardais des séquelles. Mais je crois que mes enfants ont gardé des séquelles pires. Parce que même si je n'en ai pas spécialement parlé, évidemment j'ai réagi tout au long de ma vie en fonction de ça. Et ils n'ont pas eu la même jeunesse que dans une famille où les parents n'ont pas eu cette... Parce que je crois que c'était inconscient. mais ça a été un guide pour notre vie entière. Et les enfants, il y en a qui m'ont mal supportée, qui ont été malheureux, parce qu'on les chargeait d'un poids, d'un fléau, même si on n'en parlait pas. Ce n'était pas dramatique tout le temps, au contraire, il y a eu pendant ces cinq ans, six ans. Il y a eu des moments joyeux, il y avait quand même, on avait reformé un groupe familial à nous trois, on se faisait de la musique, on se faisait des jeux, on a vécu. Mais à la fin du compte, il y a des choses qui nous ont marquées, et c'est vrai, je réalise maintenant plus que même au moment où ça se passait.

  • Speaker #1

    Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir suivi l'ensemble des trois épisodes du témoignage d'Elisa. Alors si vous avez manqué un épisode, vous pouvez le retrouver dès maintenant. Tous les épisodes sont disponibles en ligne sur l'ensemble des plateformes de podcast. Apple Podcast, Spotify, Deezer et bien d'autres encore. N'hésitez pas à découvrir tous les autres témoignages de cette série. Celui d'Albert, de Félix, de Simon, de Lisette. Chaque histoire est précieuse. Chaque histoire est unique. Chaque voix compte. Ces récits nous rappellent combien il est essentiel de respecter l'humanité de chacun, de lutter contre toutes les formes de haine et de discrimination, et de transmettre cette mémoire pour que l'histoire ne se répète jamais. Un immense merci à la Clems Conférence pour son soutien précieux et indispensable, et merci également à Néo Verriest, à l'association Les Enfants de Libat, à Alexandre Bande, et à tous ceux qui m'accompagnent et me soutiennent et m'encouragent dans ce projet de mémoire. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. Allez, salut ! C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

Description

Élisa est née à Paris le 1er février 1934.

Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption qu'il admire.


Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut de prisonnier lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève : ils ne peuvent être ni arrêtés ni déportés.


La tante et la grand-mère d'Élisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention.

Elles sont raflées, emmenées à Drancy, puis déportées vers les camps de la mort.


Élisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais, avec la mise en place de la « solution finale », l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève.

Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même s'il est parent d'un soldat prisonnier de guerre.


Quelques temps plus tard, Élisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger.

Des paysans qui savent « plus ou moins qu'elle est juive », mais la cachent avec bienveillance.


Le frère et la mère d'Élisa, eux, restent à Paris.


voici la dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, Enfant de la Shoah


NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


-------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah


et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai juste raconté ce que moi j'avais vu. Et il y avait des enfants, des adolescents de 15 ans à peu près, et les professeurs. Ça m'a tellement bouleversée. Je n'imaginais pas, j'ai senti, je parlais à des cœurs. Voilà, c'était absolument ça. Je ne sais pas, c'était comme si je parlais à mes petits-enfants et il y avait beaucoup d'affection.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Elisa est née à Paris le 1er février 1934. Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, Son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. Il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption. Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève. Ils ne peuvent ni être arrêtés, ni déportés, ni même inquiétés. La tante et la grand-mère d'Elisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention. Elles seront raflées, emmenées à Drancy. puis déportée vers les camps de la mort. Elisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais avec la mise en place de la solution finale, l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève. Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même si les parents d'un soldat prisonnier de guerre. Quelques temps plus tard, Elisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger. Des paysans qui savent... plus ou moins qu'elle est juive, mais la cache avec bienveillance. Le frère et la mère d'Elisa,

  • Speaker #0

    eux,

  • Speaker #1

    restent à Paris. Voici la troisième et dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Quelques temps après le départ de ma grand-mère, il devait venir chercher mon frère et ma mère. Mon frère, il a su. par une organisation à l'intérieur des EI, des Scouts, qui s'appelait la Sixième. C'était une organisation de résistance. Et eux, ils ont prévenu mon frère que demain, on vient chercher les femmes de prisonniers, donc sauvez-vous ! Et à ce moment-là, il n'y avait plus de moyens autrement. Ma mère a prévenu mon oncle qui était à Grenoble. Et ils sont partis du jour au lendemain avec des faux papiers que les scouts leur ont donnés, mon frère et ma mère. Et ils ont eu la chance, à un moment, quelqu'un dans le wagon leur a dit, ça y est, on a passé la ligne de démarcation. Et ils sont arrivés à Grenoble sans encombre. Et là, mon oncle avait un joli appartement sur le cours Jean Jaurès. Ils ont cru qu'ils allaient être bien mieux logés, mais pas du tout. Ils leur avaient trouvé à 8 kilomètres de là, à Penteclès, un deux-pièces dans un ancien camp, ça s'appelait le camp de Verdun. C'était un camp qui datait de la guerre de 1914, c'est pour ça qu'il s'appelait Verdun, où c'était des baraques, en fait. J'étais à ce moment-là dans les Landes, un village qui s'appelait Misson. C'était des bonnes années pour moi. J'ai mangé là-bas des choses tellement exquises, tellement formidables. Alors que moi, je n'étais pas une mangeuse du tout. Je rechignais, mais là, c'était que des confits de canard, des poêlés de champignons, de trucs. Enfin, c'était fou. Et un jour, une femme est venue. Je pense une infirmière. Je ne sais pas pourquoi il me semble. Je ne sais pas qui c'était. Je n'ai jamais su qui était cette femme, ni d'où elle venait, ni qui l'avait envoyée. Elle est venue me chercher chez les paysans. Nous avons pris le train et elle m'a emmenée jusqu'à chez maman, là à Penteclès. Je suis arrivée là, quand j'ai vu l'endroit où ils vivaient, c'était la déception, c'était vraiment moche. On a vécu, je pense, deux ans peut-être dans cet endroit, alors sans étoile jaune évidemment. On ne déclarait pas qu'on était juif, mais enfin, le maire du village, en fait de la petite ville, qui était médecin en même temps, c'était le docteur Roland. Il a dû comprendre parce qu'on était déclaré sous Morcelevic, donc déjà c'était un nom un peu étranger. Ma mère étant employée par la mairie de Pontclair, tout ça c'était catholique, donc elle s'est déclarée catholique. Donc j'ai eu droit à aller au patronage, à faire la communion privée, enfin tout le bazar. Quand j'ai dû aller à l'église pour le catéchisme, je ne connaissais rien. Alors je me souviens être allée à Grenoble avec ma mère et j'ai acheté un petit missel, joli comme tout, avec les prières qu'on doit faire quand on va se confesser. quand on va... J'aime être... tellement ça. J'étais la plus catholique des catholiques. J'adorais aller à l'église, les bonnes sœurs, j'étais bonne au catéchisme, tout ça, c'était incroyable. Et mon frère, par contre, il voulait continuer à aller au scout. Alors, scout juif, il n'y en avait pas, mais il y avait les... les scouts protestants, les éclaireurs unionistes. Alors il a dit ça, ça peut cadrer. Alors les gens ont dit, mais comment ça se fait que lui, il va chez les protestants et votre fille, chez les catholiques ? Alors elle a dit, voilà, c'est mon mari protestant. Il y avait un bazar. Et on est resté là jusqu'à la fin de la guerre. Et puis un jour, les Américains sont arrivés, avec des chewing-gums, avec des boîtes de corned beef, avec du chocolat épais, que jamais j'ai mangé un si bon chocolat, que celui-là, c'était... Vraiment, on a ressenti cette chose-là, une grande joie. Et on ne savait toujours rien de ce qui était devenu des prisonniers. On n'avait même plus de lettres à un moment. C'était un peu la bagaille partout. Donc on est resté quelques mois comme ça. Et on est rentré à Paris grâce aux Américains. Je ne sais pas comment ma mère s'est débrouillée, mais bon, elle a trouvé un camion américain avec. des soldats. Alors il y avait parmi eux, il y avait un noir et il y avait un hindou. Je me souviens bien de l'hindou parce qu'il a commencé à mettre son turban autour de la tête. Ça a duré des heures et des heures. Il avait tellement ce truc, on l'observait. Alors c'était un camion ouvert et ils ont mis dessus les quelques meubles qu'on avait. table, je ne sais pas, on n'avait rien, mais bon, c'était dessus. Et on est rentrés à Paris avec eux et ils nous ont déposés jusqu'à la rue des Maronnites et quand on a voulu monter premier chez nous, on est allés voir la concierge. Ah, vous êtes revenus ? C'était comme ça. Je me souviens très bien quand on est arrivé devant la porte avec les scellés sur la porte. Donc on a déchiré les scellés et on a ouvert la porte. Déjà c'était un taudis avant, mais un taudis habité quoi, c'était quand même... Et là il y avait juste un fil électrique qui pendait au plafond, il n'y avait pas une lumière, rien. Ils avaient vraiment tiré dessus, enlevé les... Les trucs, il n'y avait rien. La maison, vide, vide, vide. Nous avions des livres, des prix. Mon frère amenait de Voltaire des piles de prix d'excellence, de beaux livres. Ma poupée ! Mais rien, rien, tout vide, pas une chaise, pas Paris, et noir, et sombre, et humide, dégueulasse. Mais bon, on était rentrés là, et pas découragés, maman elle a dit génial, c'est génial, on a installé les quelques trucs qu'on avait, et puis... La vie, elle s'est reprise. Mon frère a passé la même année la deuxième partie de bac et le PCB pour entrer à la faculté de médecine, parce qu'il n'a pas perdu un jour d'études. Ça a été incroyable. Et moi, j'ai repris l'école, et voilà.

  • Speaker #1

    Merci infiniment chère Elisa pour votre témoignage, à la fois si poignant, si émouvant, si bouleversant et en même temps si réaliste. On voit tellement ce qui s'est passé à travers vos yeux d'enfant, tellement précisément.

  • Speaker #0

    Je pense que quand on parle aux gens, au cœur des gens, c'est plus fort que quand on raconte l'histoire, les faits eux-mêmes. Je m'étais dit... Bon, ça intéresse les Juifs, mais les Goyes, finalement, ils ont vu faire ça, ils n'ont pas fait grand-chose pour empêcher. Ils ont été témoins, il y a eu quelques-uns qui ont été plus courageux, même qui ont risqué leur vie, mais tellement minoritaires. La majorité, ils étaient parfaitement indifférents. Et la seule façon maintenant, c'est que je... Je pense qu'au premier accroc, il faut le signaler, il faut se battre. On ne doit pas accepter qu'on permette une discrimination. C'est très important, ça finit toujours mal. On ne doit pas permettre l'injustice. Il ne faut pas avoir peur de parler aux gens et au cœur. Moi, je gardais des séquelles. Mais je crois que mes enfants ont gardé des séquelles pires. Parce que même si je n'en ai pas spécialement parlé, évidemment j'ai réagi tout au long de ma vie en fonction de ça. Et ils n'ont pas eu la même jeunesse que dans une famille où les parents n'ont pas eu cette... Parce que je crois que c'était inconscient. mais ça a été un guide pour notre vie entière. Et les enfants, il y en a qui m'ont mal supportée, qui ont été malheureux, parce qu'on les chargeait d'un poids, d'un fléau, même si on n'en parlait pas. Ce n'était pas dramatique tout le temps, au contraire, il y a eu pendant ces cinq ans, six ans. Il y a eu des moments joyeux, il y avait quand même, on avait reformé un groupe familial à nous trois, on se faisait de la musique, on se faisait des jeux, on a vécu. Mais à la fin du compte, il y a des choses qui nous ont marquées, et c'est vrai, je réalise maintenant plus que même au moment où ça se passait.

  • Speaker #1

    Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir suivi l'ensemble des trois épisodes du témoignage d'Elisa. Alors si vous avez manqué un épisode, vous pouvez le retrouver dès maintenant. Tous les épisodes sont disponibles en ligne sur l'ensemble des plateformes de podcast. Apple Podcast, Spotify, Deezer et bien d'autres encore. N'hésitez pas à découvrir tous les autres témoignages de cette série. Celui d'Albert, de Félix, de Simon, de Lisette. Chaque histoire est précieuse. Chaque histoire est unique. Chaque voix compte. Ces récits nous rappellent combien il est essentiel de respecter l'humanité de chacun, de lutter contre toutes les formes de haine et de discrimination, et de transmettre cette mémoire pour que l'histoire ne se répète jamais. Un immense merci à la Clems Conférence pour son soutien précieux et indispensable, et merci également à Néo Verriest, à l'association Les Enfants de Libat, à Alexandre Bande, et à tous ceux qui m'accompagnent et me soutiennent et m'encouragent dans ce projet de mémoire. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. Allez, salut ! C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

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Élisa est née à Paris le 1er février 1934.

Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption qu'il admire.


Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut de prisonnier lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève : ils ne peuvent être ni arrêtés ni déportés.


La tante et la grand-mère d'Élisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention.

Elles sont raflées, emmenées à Drancy, puis déportées vers les camps de la mort.


Élisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais, avec la mise en place de la « solution finale », l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève.

Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même s'il est parent d'un soldat prisonnier de guerre.


Quelques temps plus tard, Élisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger.

Des paysans qui savent « plus ou moins qu'elle est juive », mais la cachent avec bienveillance.


Le frère et la mère d'Élisa, eux, restent à Paris.


voici la dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, Enfant de la Shoah


NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


-------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah


et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai juste raconté ce que moi j'avais vu. Et il y avait des enfants, des adolescents de 15 ans à peu près, et les professeurs. Ça m'a tellement bouleversée. Je n'imaginais pas, j'ai senti, je parlais à des cœurs. Voilà, c'était absolument ça. Je ne sais pas, c'était comme si je parlais à mes petits-enfants et il y avait beaucoup d'affection.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Elisa est née à Paris le 1er février 1934. Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, Son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. Il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption. Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève. Ils ne peuvent ni être arrêtés, ni déportés, ni même inquiétés. La tante et la grand-mère d'Elisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention. Elles seront raflées, emmenées à Drancy. puis déportée vers les camps de la mort. Elisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais avec la mise en place de la solution finale, l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève. Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même si les parents d'un soldat prisonnier de guerre. Quelques temps plus tard, Elisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger. Des paysans qui savent... plus ou moins qu'elle est juive, mais la cache avec bienveillance. Le frère et la mère d'Elisa,

  • Speaker #0

    eux,

  • Speaker #1

    restent à Paris. Voici la troisième et dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Quelques temps après le départ de ma grand-mère, il devait venir chercher mon frère et ma mère. Mon frère, il a su. par une organisation à l'intérieur des EI, des Scouts, qui s'appelait la Sixième. C'était une organisation de résistance. Et eux, ils ont prévenu mon frère que demain, on vient chercher les femmes de prisonniers, donc sauvez-vous ! Et à ce moment-là, il n'y avait plus de moyens autrement. Ma mère a prévenu mon oncle qui était à Grenoble. Et ils sont partis du jour au lendemain avec des faux papiers que les scouts leur ont donnés, mon frère et ma mère. Et ils ont eu la chance, à un moment, quelqu'un dans le wagon leur a dit, ça y est, on a passé la ligne de démarcation. Et ils sont arrivés à Grenoble sans encombre. Et là, mon oncle avait un joli appartement sur le cours Jean Jaurès. Ils ont cru qu'ils allaient être bien mieux logés, mais pas du tout. Ils leur avaient trouvé à 8 kilomètres de là, à Penteclès, un deux-pièces dans un ancien camp, ça s'appelait le camp de Verdun. C'était un camp qui datait de la guerre de 1914, c'est pour ça qu'il s'appelait Verdun, où c'était des baraques, en fait. J'étais à ce moment-là dans les Landes, un village qui s'appelait Misson. C'était des bonnes années pour moi. J'ai mangé là-bas des choses tellement exquises, tellement formidables. Alors que moi, je n'étais pas une mangeuse du tout. Je rechignais, mais là, c'était que des confits de canard, des poêlés de champignons, de trucs. Enfin, c'était fou. Et un jour, une femme est venue. Je pense une infirmière. Je ne sais pas pourquoi il me semble. Je ne sais pas qui c'était. Je n'ai jamais su qui était cette femme, ni d'où elle venait, ni qui l'avait envoyée. Elle est venue me chercher chez les paysans. Nous avons pris le train et elle m'a emmenée jusqu'à chez maman, là à Penteclès. Je suis arrivée là, quand j'ai vu l'endroit où ils vivaient, c'était la déception, c'était vraiment moche. On a vécu, je pense, deux ans peut-être dans cet endroit, alors sans étoile jaune évidemment. On ne déclarait pas qu'on était juif, mais enfin, le maire du village, en fait de la petite ville, qui était médecin en même temps, c'était le docteur Roland. Il a dû comprendre parce qu'on était déclaré sous Morcelevic, donc déjà c'était un nom un peu étranger. Ma mère étant employée par la mairie de Pontclair, tout ça c'était catholique, donc elle s'est déclarée catholique. Donc j'ai eu droit à aller au patronage, à faire la communion privée, enfin tout le bazar. Quand j'ai dû aller à l'église pour le catéchisme, je ne connaissais rien. Alors je me souviens être allée à Grenoble avec ma mère et j'ai acheté un petit missel, joli comme tout, avec les prières qu'on doit faire quand on va se confesser. quand on va... J'aime être... tellement ça. J'étais la plus catholique des catholiques. J'adorais aller à l'église, les bonnes sœurs, j'étais bonne au catéchisme, tout ça, c'était incroyable. Et mon frère, par contre, il voulait continuer à aller au scout. Alors, scout juif, il n'y en avait pas, mais il y avait les... les scouts protestants, les éclaireurs unionistes. Alors il a dit ça, ça peut cadrer. Alors les gens ont dit, mais comment ça se fait que lui, il va chez les protestants et votre fille, chez les catholiques ? Alors elle a dit, voilà, c'est mon mari protestant. Il y avait un bazar. Et on est resté là jusqu'à la fin de la guerre. Et puis un jour, les Américains sont arrivés, avec des chewing-gums, avec des boîtes de corned beef, avec du chocolat épais, que jamais j'ai mangé un si bon chocolat, que celui-là, c'était... Vraiment, on a ressenti cette chose-là, une grande joie. Et on ne savait toujours rien de ce qui était devenu des prisonniers. On n'avait même plus de lettres à un moment. C'était un peu la bagaille partout. Donc on est resté quelques mois comme ça. Et on est rentré à Paris grâce aux Américains. Je ne sais pas comment ma mère s'est débrouillée, mais bon, elle a trouvé un camion américain avec. des soldats. Alors il y avait parmi eux, il y avait un noir et il y avait un hindou. Je me souviens bien de l'hindou parce qu'il a commencé à mettre son turban autour de la tête. Ça a duré des heures et des heures. Il avait tellement ce truc, on l'observait. Alors c'était un camion ouvert et ils ont mis dessus les quelques meubles qu'on avait. table, je ne sais pas, on n'avait rien, mais bon, c'était dessus. Et on est rentrés à Paris avec eux et ils nous ont déposés jusqu'à la rue des Maronnites et quand on a voulu monter premier chez nous, on est allés voir la concierge. Ah, vous êtes revenus ? C'était comme ça. Je me souviens très bien quand on est arrivé devant la porte avec les scellés sur la porte. Donc on a déchiré les scellés et on a ouvert la porte. Déjà c'était un taudis avant, mais un taudis habité quoi, c'était quand même... Et là il y avait juste un fil électrique qui pendait au plafond, il n'y avait pas une lumière, rien. Ils avaient vraiment tiré dessus, enlevé les... Les trucs, il n'y avait rien. La maison, vide, vide, vide. Nous avions des livres, des prix. Mon frère amenait de Voltaire des piles de prix d'excellence, de beaux livres. Ma poupée ! Mais rien, rien, tout vide, pas une chaise, pas Paris, et noir, et sombre, et humide, dégueulasse. Mais bon, on était rentrés là, et pas découragés, maman elle a dit génial, c'est génial, on a installé les quelques trucs qu'on avait, et puis... La vie, elle s'est reprise. Mon frère a passé la même année la deuxième partie de bac et le PCB pour entrer à la faculté de médecine, parce qu'il n'a pas perdu un jour d'études. Ça a été incroyable. Et moi, j'ai repris l'école, et voilà.

  • Speaker #1

    Merci infiniment chère Elisa pour votre témoignage, à la fois si poignant, si émouvant, si bouleversant et en même temps si réaliste. On voit tellement ce qui s'est passé à travers vos yeux d'enfant, tellement précisément.

  • Speaker #0

    Je pense que quand on parle aux gens, au cœur des gens, c'est plus fort que quand on raconte l'histoire, les faits eux-mêmes. Je m'étais dit... Bon, ça intéresse les Juifs, mais les Goyes, finalement, ils ont vu faire ça, ils n'ont pas fait grand-chose pour empêcher. Ils ont été témoins, il y a eu quelques-uns qui ont été plus courageux, même qui ont risqué leur vie, mais tellement minoritaires. La majorité, ils étaient parfaitement indifférents. Et la seule façon maintenant, c'est que je... Je pense qu'au premier accroc, il faut le signaler, il faut se battre. On ne doit pas accepter qu'on permette une discrimination. C'est très important, ça finit toujours mal. On ne doit pas permettre l'injustice. Il ne faut pas avoir peur de parler aux gens et au cœur. Moi, je gardais des séquelles. Mais je crois que mes enfants ont gardé des séquelles pires. Parce que même si je n'en ai pas spécialement parlé, évidemment j'ai réagi tout au long de ma vie en fonction de ça. Et ils n'ont pas eu la même jeunesse que dans une famille où les parents n'ont pas eu cette... Parce que je crois que c'était inconscient. mais ça a été un guide pour notre vie entière. Et les enfants, il y en a qui m'ont mal supportée, qui ont été malheureux, parce qu'on les chargeait d'un poids, d'un fléau, même si on n'en parlait pas. Ce n'était pas dramatique tout le temps, au contraire, il y a eu pendant ces cinq ans, six ans. Il y a eu des moments joyeux, il y avait quand même, on avait reformé un groupe familial à nous trois, on se faisait de la musique, on se faisait des jeux, on a vécu. Mais à la fin du compte, il y a des choses qui nous ont marquées, et c'est vrai, je réalise maintenant plus que même au moment où ça se passait.

  • Speaker #1

    Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir suivi l'ensemble des trois épisodes du témoignage d'Elisa. Alors si vous avez manqué un épisode, vous pouvez le retrouver dès maintenant. Tous les épisodes sont disponibles en ligne sur l'ensemble des plateformes de podcast. Apple Podcast, Spotify, Deezer et bien d'autres encore. N'hésitez pas à découvrir tous les autres témoignages de cette série. Celui d'Albert, de Félix, de Simon, de Lisette. Chaque histoire est précieuse. Chaque histoire est unique. Chaque voix compte. Ces récits nous rappellent combien il est essentiel de respecter l'humanité de chacun, de lutter contre toutes les formes de haine et de discrimination, et de transmettre cette mémoire pour que l'histoire ne se répète jamais. Un immense merci à la Clems Conférence pour son soutien précieux et indispensable, et merci également à Néo Verriest, à l'association Les Enfants de Libat, à Alexandre Bande, et à tous ceux qui m'accompagnent et me soutiennent et m'encouragent dans ce projet de mémoire. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. Allez, salut ! C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

Description

Élisa est née à Paris le 1er février 1934.

Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption qu'il admire.


Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut de prisonnier lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève : ils ne peuvent être ni arrêtés ni déportés.


La tante et la grand-mère d'Élisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention.

Elles sont raflées, emmenées à Drancy, puis déportées vers les camps de la mort.


Élisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais, avec la mise en place de la « solution finale », l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève.

Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même s'il est parent d'un soldat prisonnier de guerre.


Quelques temps plus tard, Élisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger.

Des paysans qui savent « plus ou moins qu'elle est juive », mais la cachent avec bienveillance.


Le frère et la mère d'Élisa, eux, restent à Paris.


voici la dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, Enfant de la Shoah


NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


-------

.🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE pour son précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Merci à ALEXANDRE BANDE pour son aide précieuse ❤️ merci à Virginie et à l'association "AU NOM DE LIBA" qui m'a permis cette magnifique rencontre


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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et si vous voulez soutenir l'association "ENFANT DE LA SHOAH", c'est ici 👉 https://www.allodons.fr/enfantdelashoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai juste raconté ce que moi j'avais vu. Et il y avait des enfants, des adolescents de 15 ans à peu près, et les professeurs. Ça m'a tellement bouleversée. Je n'imaginais pas, j'ai senti, je parlais à des cœurs. Voilà, c'était absolument ça. Je ne sais pas, c'était comme si je parlais à mes petits-enfants et il y avait beaucoup d'affection.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Elisa est née à Paris le 1er février 1934. Comme tant d'autres Polonais tout juste arrivés en France pour fuir les pogroms et la misère, Son père s'engage volontairement dans l'armée française dès le début de la guerre. Il tient plus que tout à défendre ce pays d'adoption. Très vite, il est fait prisonnier de guerre. Ce statut lui permet de protéger sa famille quelques mois grâce à la Convention de Genève. Ils ne peuvent ni être arrêtés, ni déportés, ni même inquiétés. La tante et la grand-mère d'Elisa, elles, ne bénéficient pas de cette protection offerte par la Convention. Elles seront raflées, emmenées à Drancy. puis déportée vers les camps de la mort. Elisa reste seule avec son grand frère et sa mère. Mais avec la mise en place de la solution finale, l'Allemagne nazie respecte de moins en moins la Convention de Genève. Les autorités allemandes et françaises décident que tout juif est déportable, même si les parents d'un soldat prisonnier de guerre. Quelques temps plus tard, Elisa est envoyée à la campagne, cachée chez des paysans pour la protéger. Des paysans qui savent... plus ou moins qu'elle est juive, mais la cache avec bienveillance. Le frère et la mère d'Elisa,

  • Speaker #0

    eux,

  • Speaker #1

    restent à Paris. Voici la troisième et dernière partie du témoignage d'Elisa, 8 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Quelques temps après le départ de ma grand-mère, il devait venir chercher mon frère et ma mère. Mon frère, il a su. par une organisation à l'intérieur des EI, des Scouts, qui s'appelait la Sixième. C'était une organisation de résistance. Et eux, ils ont prévenu mon frère que demain, on vient chercher les femmes de prisonniers, donc sauvez-vous ! Et à ce moment-là, il n'y avait plus de moyens autrement. Ma mère a prévenu mon oncle qui était à Grenoble. Et ils sont partis du jour au lendemain avec des faux papiers que les scouts leur ont donnés, mon frère et ma mère. Et ils ont eu la chance, à un moment, quelqu'un dans le wagon leur a dit, ça y est, on a passé la ligne de démarcation. Et ils sont arrivés à Grenoble sans encombre. Et là, mon oncle avait un joli appartement sur le cours Jean Jaurès. Ils ont cru qu'ils allaient être bien mieux logés, mais pas du tout. Ils leur avaient trouvé à 8 kilomètres de là, à Penteclès, un deux-pièces dans un ancien camp, ça s'appelait le camp de Verdun. C'était un camp qui datait de la guerre de 1914, c'est pour ça qu'il s'appelait Verdun, où c'était des baraques, en fait. J'étais à ce moment-là dans les Landes, un village qui s'appelait Misson. C'était des bonnes années pour moi. J'ai mangé là-bas des choses tellement exquises, tellement formidables. Alors que moi, je n'étais pas une mangeuse du tout. Je rechignais, mais là, c'était que des confits de canard, des poêlés de champignons, de trucs. Enfin, c'était fou. Et un jour, une femme est venue. Je pense une infirmière. Je ne sais pas pourquoi il me semble. Je ne sais pas qui c'était. Je n'ai jamais su qui était cette femme, ni d'où elle venait, ni qui l'avait envoyée. Elle est venue me chercher chez les paysans. Nous avons pris le train et elle m'a emmenée jusqu'à chez maman, là à Penteclès. Je suis arrivée là, quand j'ai vu l'endroit où ils vivaient, c'était la déception, c'était vraiment moche. On a vécu, je pense, deux ans peut-être dans cet endroit, alors sans étoile jaune évidemment. On ne déclarait pas qu'on était juif, mais enfin, le maire du village, en fait de la petite ville, qui était médecin en même temps, c'était le docteur Roland. Il a dû comprendre parce qu'on était déclaré sous Morcelevic, donc déjà c'était un nom un peu étranger. Ma mère étant employée par la mairie de Pontclair, tout ça c'était catholique, donc elle s'est déclarée catholique. Donc j'ai eu droit à aller au patronage, à faire la communion privée, enfin tout le bazar. Quand j'ai dû aller à l'église pour le catéchisme, je ne connaissais rien. Alors je me souviens être allée à Grenoble avec ma mère et j'ai acheté un petit missel, joli comme tout, avec les prières qu'on doit faire quand on va se confesser. quand on va... J'aime être... tellement ça. J'étais la plus catholique des catholiques. J'adorais aller à l'église, les bonnes sœurs, j'étais bonne au catéchisme, tout ça, c'était incroyable. Et mon frère, par contre, il voulait continuer à aller au scout. Alors, scout juif, il n'y en avait pas, mais il y avait les... les scouts protestants, les éclaireurs unionistes. Alors il a dit ça, ça peut cadrer. Alors les gens ont dit, mais comment ça se fait que lui, il va chez les protestants et votre fille, chez les catholiques ? Alors elle a dit, voilà, c'est mon mari protestant. Il y avait un bazar. Et on est resté là jusqu'à la fin de la guerre. Et puis un jour, les Américains sont arrivés, avec des chewing-gums, avec des boîtes de corned beef, avec du chocolat épais, que jamais j'ai mangé un si bon chocolat, que celui-là, c'était... Vraiment, on a ressenti cette chose-là, une grande joie. Et on ne savait toujours rien de ce qui était devenu des prisonniers. On n'avait même plus de lettres à un moment. C'était un peu la bagaille partout. Donc on est resté quelques mois comme ça. Et on est rentré à Paris grâce aux Américains. Je ne sais pas comment ma mère s'est débrouillée, mais bon, elle a trouvé un camion américain avec. des soldats. Alors il y avait parmi eux, il y avait un noir et il y avait un hindou. Je me souviens bien de l'hindou parce qu'il a commencé à mettre son turban autour de la tête. Ça a duré des heures et des heures. Il avait tellement ce truc, on l'observait. Alors c'était un camion ouvert et ils ont mis dessus les quelques meubles qu'on avait. table, je ne sais pas, on n'avait rien, mais bon, c'était dessus. Et on est rentrés à Paris avec eux et ils nous ont déposés jusqu'à la rue des Maronnites et quand on a voulu monter premier chez nous, on est allés voir la concierge. Ah, vous êtes revenus ? C'était comme ça. Je me souviens très bien quand on est arrivé devant la porte avec les scellés sur la porte. Donc on a déchiré les scellés et on a ouvert la porte. Déjà c'était un taudis avant, mais un taudis habité quoi, c'était quand même... Et là il y avait juste un fil électrique qui pendait au plafond, il n'y avait pas une lumière, rien. Ils avaient vraiment tiré dessus, enlevé les... Les trucs, il n'y avait rien. La maison, vide, vide, vide. Nous avions des livres, des prix. Mon frère amenait de Voltaire des piles de prix d'excellence, de beaux livres. Ma poupée ! Mais rien, rien, tout vide, pas une chaise, pas Paris, et noir, et sombre, et humide, dégueulasse. Mais bon, on était rentrés là, et pas découragés, maman elle a dit génial, c'est génial, on a installé les quelques trucs qu'on avait, et puis... La vie, elle s'est reprise. Mon frère a passé la même année la deuxième partie de bac et le PCB pour entrer à la faculté de médecine, parce qu'il n'a pas perdu un jour d'études. Ça a été incroyable. Et moi, j'ai repris l'école, et voilà.

  • Speaker #1

    Merci infiniment chère Elisa pour votre témoignage, à la fois si poignant, si émouvant, si bouleversant et en même temps si réaliste. On voit tellement ce qui s'est passé à travers vos yeux d'enfant, tellement précisément.

  • Speaker #0

    Je pense que quand on parle aux gens, au cœur des gens, c'est plus fort que quand on raconte l'histoire, les faits eux-mêmes. Je m'étais dit... Bon, ça intéresse les Juifs, mais les Goyes, finalement, ils ont vu faire ça, ils n'ont pas fait grand-chose pour empêcher. Ils ont été témoins, il y a eu quelques-uns qui ont été plus courageux, même qui ont risqué leur vie, mais tellement minoritaires. La majorité, ils étaient parfaitement indifférents. Et la seule façon maintenant, c'est que je... Je pense qu'au premier accroc, il faut le signaler, il faut se battre. On ne doit pas accepter qu'on permette une discrimination. C'est très important, ça finit toujours mal. On ne doit pas permettre l'injustice. Il ne faut pas avoir peur de parler aux gens et au cœur. Moi, je gardais des séquelles. Mais je crois que mes enfants ont gardé des séquelles pires. Parce que même si je n'en ai pas spécialement parlé, évidemment j'ai réagi tout au long de ma vie en fonction de ça. Et ils n'ont pas eu la même jeunesse que dans une famille où les parents n'ont pas eu cette... Parce que je crois que c'était inconscient. mais ça a été un guide pour notre vie entière. Et les enfants, il y en a qui m'ont mal supportée, qui ont été malheureux, parce qu'on les chargeait d'un poids, d'un fléau, même si on n'en parlait pas. Ce n'était pas dramatique tout le temps, au contraire, il y a eu pendant ces cinq ans, six ans. Il y a eu des moments joyeux, il y avait quand même, on avait reformé un groupe familial à nous trois, on se faisait de la musique, on se faisait des jeux, on a vécu. Mais à la fin du compte, il y a des choses qui nous ont marquées, et c'est vrai, je réalise maintenant plus que même au moment où ça se passait.

  • Speaker #1

    Merci à vous, chers auditeurs, d'avoir suivi l'ensemble des trois épisodes du témoignage d'Elisa. Alors si vous avez manqué un épisode, vous pouvez le retrouver dès maintenant. Tous les épisodes sont disponibles en ligne sur l'ensemble des plateformes de podcast. Apple Podcast, Spotify, Deezer et bien d'autres encore. N'hésitez pas à découvrir tous les autres témoignages de cette série. Celui d'Albert, de Félix, de Simon, de Lisette. Chaque histoire est précieuse. Chaque histoire est unique. Chaque voix compte. Ces récits nous rappellent combien il est essentiel de respecter l'humanité de chacun, de lutter contre toutes les formes de haine et de discrimination, et de transmettre cette mémoire pour que l'histoire ne se répète jamais. Un immense merci à la Clems Conférence pour son soutien précieux et indispensable, et merci également à Néo Verriest, à l'association Les Enfants de Libat, à Alexandre Bande, et à tous ceux qui m'accompagnent et me soutiennent et m'encouragent dans ce projet de mémoire. On se retrouve très vite pour un nouveau témoignage. Allez, salut ! C'était Enfants de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor.

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