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FRANIA - 17 ans - 2ème partie - "AMON GOETH, LE BOUCHER DE PLASZOW" cover
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ENFANT DE LA SHOAH

FRANIA - 17 ans - 2ème partie - "AMON GOETH, LE BOUCHER DE PLASZOW"

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11min |04/06/2025
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11min |04/06/2025
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Description

Frania naît en 1926 à Tarnów, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population.

Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante.

Mais en 1939, tout bascule : la guerre éclate, et Tarnów est frappée de plein fouet par les bombardements allemands.

Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés, et Frania se retrouve seule avec sa mère.

Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de cave en grenier.

En 1941, le ghetto de Tarnów est créé, et la ville devient un lieu de terreur permanente : exécutions publiques, déportations, vie dans la faim et la peur.

En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère ainé au camp de Płaszów, au sud de la Pologne, à coté de Cracovie.

Un camp ou l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines, un camp dirigé par le terrifiant Amon Goeth, qui chaque matin, de son balcon, tire au hasard avec sa carabine.

Frania y restera 8 mois dans des conditions de vie inhumaines : pas d’hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques.

Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d’abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d’uniformes pour officiers allemands. VOICI la 2ème partie du témoignage de Frania 17 ans, Enfant de la Shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien.

Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


Suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah


Frania was born in 1926 in Tarnów, a Polish city where the Jewish community made up nearly half of the population.

Born into a family of musicians, she grew up in a joyful, carefree atmosphere.

But in 1939, everything changed: war broke out, and Tarnów was hit hard by German bombings.

Antisemitic persecutions escalated rapidly. Her father fled, her brothers were arrested for forced labor, and Frania was left alone with her mother.

To escape the roundups, they lived in hiding, moving from attic to basement.

In 1941, the Tarnów ghetto was created, turning the city into a place of constant terror: public executions, deportations, life marked by hunger and fear.

In September 1943, as the ghetto was liquidated, after a grueling journey crammed into sealed wagons, Frania was deported with her older brother to the Płaszów camp, in southern Poland, near Kraków.

A camp where life expectancy barely exceeded a few weeks, a camp ruled by the terrifying Amon Goeth, who every morning, from his balcony, would shoot randomly with his rifle.

Frania would stay there for 8 months under inhumane conditions: no hygiene, no light, contagious diseases, and giant body lice.

She fell ill several times but kept working relentlessly — first in a quarry, loading stones into carts, then in a workshop sewing uniforms for German officers.

HERE is the 2nd part of Frania’s testimony, age 17, Child of the Shoah.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Amin goeth, il arrivait par surprise et il stoppait son cheval. Et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population. Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante. Mais en 1939, tout bascule. La guerre éclate et Tarnoff est frappé de plein fouet par les bombardements allemands. Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés et Frania se retrouve seule avec sa mère. Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de caves en grenier. En 1941, le ghetto de Tarnow est créé et la ville devient un lieu de terreur permanente. Exécutions publiques, déportations, vies dans la faim et la peur. En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère aîné au camp de Plaszow, au sud de la Pologne, à côté de Cracovie. Un camp où l'espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines. Frania y restera huit mois, dans des conditions de vie inhumaines. Pas d'hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques. Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d'abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d'uniformes pour officiers allemands. Voici la deuxième partie du témoignage de Frania, 17 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Le camp de Plaszow, c'était terrible parce qu'il y avait un certain Amon Goeth. Il n'y avait qu'une villa, c'est la sienne. Il y avait une carrière là-bas, donc je travaillais dans cette carrière. Je l'ai vu Amon Goeth, tous les matins, sur son balcon, il sortait en maillot de corps, avec des bretelles, avec son fusil, et il tirait. Tout à fait au début, je ne savais pas encore comment ça se passait. On était plusieurs déportés sur cette carrière et quand j'entends la détonation d'un fusil, je me retourne. On me dit « Ne te retourne pas, avance, avance ! » Alors j'avance. Et alors il arrivait par surprise. sur un cheval et il stoppait son cheval et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux. Et une fois quand il est parti, les filles m'ont dit, « Ben, je croyais qu'il allait tirer sur toi. T'as osé soutenir son regard". Allez donc comprendre ces gens-la. Dans ce ghetto de Plaszow, enfin le camp, il y avait des baraques pour les déportés. Et entre les baraques, il y avait un chemin. Et sur ce chemin, Amon Goeth, dimanche, on ne travaillait pas. On était devant nos baraques et on disait, ici, il n'y a pas d'herbe qui pousse, il n'y a pas d'oiseau. Et Amon Goeth... appelait cette route ""La route de Jérusalem." Ouais. Après des journées de travail, il y avait l'appel à la fin de la journée et Amon Goeth nous obligeait à venir regarder les pendaisons. Alors les pendaisons, je ne sais pas, je pense que c'était voulu que la corde se casse. Pour faire durer la torture, c'était pour ça. Pour nous qui regardions ça, ça durait une éternité. J'ai un souvenir que malgré qu'ils nous aient rasé le crâne, il y avait une femme parmi nous qui était très jolie, malgré le crâne rasé. Et je ne sais pas pour quelle raison elle a été punie. Donc l'appel était entre deux baraques. Et j'essaie de me souvenir parce que c'est loin. Alors cette jeune femme qui était très jolie, il y a un déporté qui a amené dans une brouette une grosse pierre. On a donné cette pierre à la fille et sa mère, c'était tellement rare d'avoir sa mère. Cette fille devait porter à sa mère cette pierre et cette pierre, la mère, la portait à sa fille, jusqu'à ce que l'une et l'autre tombent mortes. Oui, voilà le sadique. Moi j'ai un souvenir d'un OD man. OD man ça veut dire "ordnung" en allemand. Alors je me suis trouvée dans une chambre de malade, j'avais une bronchite et il y avait une femme qui gémissait tout le temps: "Je ne suis pas vieille, mes cheveux ont blanchi en une nuit" on lui disait "tais-toi donc on a besoin de dormir". Elle n'arrivait pas à se taire parce qu'elle savait que s'il y a une inspection et qu'on voit qu'elle a les cheveux blancs on va la fusiller. Le jour arrive où il y a une inspection et cette femme-là, elle ouvre la fenêtre, elle saute par la fenêtre. Quand les nazis rentrent dans la chambre, "Où est cette femme?" On lui dit, "Elle a sauté par la fenêtre". Pour nous punir qu' on ne l'ait pas empêchée, avec nos liquettes d'hôpital, ils nous mettent par trois et ils nous amènent à la colline de Plaszow, tout en haut. Ils nous font déjà enlever des liquettes, nous sommes toutes nues devant le ravin où il y a des gens déjà fusillés et un surveillant arrive sur une bicyclette, il jette la bicyclette, il donne... quelque chose, un bout de papier à ce nazi qui devait nous fusiller. On ne saura jamais qu'est-ce qui... Ils nous font reprendre nos liquettes et redescendre. Et là, mon frère a su dans le camp tout ce qui s'est passé. Il me dit, "malade ou pas, tu vas travailler. Sinon, tu sais très bien qu'est-ce qu'ils font". Je faisais des boutonnières dans des uniformes pour allemands. Et là je me suis régalée parce que je faisais du sabotage. Je ne sais pas comment sont les machines de maintenant, mais dans cet atelier de confection, sur une machine de boutonnière, la machine brode la boutonnière, il y a un marteau qui s'abaisse pour percer la boutonnière. Et qu'est-ce qu'elle faisait, Frania ? Elle oubliait de baisser le marteau. Donc je me suis imaginé un soldat qui ne va pas pouvoir fermer son uniforme. Été 1944, alors que l'armée rouge approche, Les nazis ordonnent l'évacuation de Plaschow. Dans la précipitation, ils transfèrent les prisonniers vers d'autres camps de concentration, en Allemagne et en Autriche. Pour effacer les traces de leurs crimes, ils ouvrent les fosses communes, exhument les corps et les brûlent. Frania et d'autres prisonniers sont, eux, déportés vers Auschwitz-Birkenau. Dans le prochain épisode, Frania nous racontera son quotidien terrifiant au cœur de ce centre de mise à mort. La faim, les violences, les humiliations, les chambres à gaz, la peur permanente. Merci d'avoir écouté cette deuxième partie du témoignage de Frania. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Frania naît en 1926 à Tarnów, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population.

Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante.

Mais en 1939, tout bascule : la guerre éclate, et Tarnów est frappée de plein fouet par les bombardements allemands.

Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés, et Frania se retrouve seule avec sa mère.

Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de cave en grenier.

En 1941, le ghetto de Tarnów est créé, et la ville devient un lieu de terreur permanente : exécutions publiques, déportations, vie dans la faim et la peur.

En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère ainé au camp de Płaszów, au sud de la Pologne, à coté de Cracovie.

Un camp ou l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines, un camp dirigé par le terrifiant Amon Goeth, qui chaque matin, de son balcon, tire au hasard avec sa carabine.

Frania y restera 8 mois dans des conditions de vie inhumaines : pas d’hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques.

Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d’abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d’uniformes pour officiers allemands. VOICI la 2ème partie du témoignage de Frania 17 ans, Enfant de la Shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien.

Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Frania was born in 1926 in Tarnów, a Polish city where the Jewish community made up nearly half of the population.

Born into a family of musicians, she grew up in a joyful, carefree atmosphere.

But in 1939, everything changed: war broke out, and Tarnów was hit hard by German bombings.

Antisemitic persecutions escalated rapidly. Her father fled, her brothers were arrested for forced labor, and Frania was left alone with her mother.

To escape the roundups, they lived in hiding, moving from attic to basement.

In 1941, the Tarnów ghetto was created, turning the city into a place of constant terror: public executions, deportations, life marked by hunger and fear.

In September 1943, as the ghetto was liquidated, after a grueling journey crammed into sealed wagons, Frania was deported with her older brother to the Płaszów camp, in southern Poland, near Kraków.

A camp where life expectancy barely exceeded a few weeks, a camp ruled by the terrifying Amon Goeth, who every morning, from his balcony, would shoot randomly with his rifle.

Frania would stay there for 8 months under inhumane conditions: no hygiene, no light, contagious diseases, and giant body lice.

She fell ill several times but kept working relentlessly — first in a quarry, loading stones into carts, then in a workshop sewing uniforms for German officers.

HERE is the 2nd part of Frania’s testimony, age 17, Child of the Shoah.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Amin goeth, il arrivait par surprise et il stoppait son cheval. Et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population. Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante. Mais en 1939, tout bascule. La guerre éclate et Tarnoff est frappé de plein fouet par les bombardements allemands. Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés et Frania se retrouve seule avec sa mère. Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de caves en grenier. En 1941, le ghetto de Tarnow est créé et la ville devient un lieu de terreur permanente. Exécutions publiques, déportations, vies dans la faim et la peur. En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère aîné au camp de Plaszow, au sud de la Pologne, à côté de Cracovie. Un camp où l'espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines. Frania y restera huit mois, dans des conditions de vie inhumaines. Pas d'hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques. Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d'abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d'uniformes pour officiers allemands. Voici la deuxième partie du témoignage de Frania, 17 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Le camp de Plaszow, c'était terrible parce qu'il y avait un certain Amon Goeth. Il n'y avait qu'une villa, c'est la sienne. Il y avait une carrière là-bas, donc je travaillais dans cette carrière. Je l'ai vu Amon Goeth, tous les matins, sur son balcon, il sortait en maillot de corps, avec des bretelles, avec son fusil, et il tirait. Tout à fait au début, je ne savais pas encore comment ça se passait. On était plusieurs déportés sur cette carrière et quand j'entends la détonation d'un fusil, je me retourne. On me dit « Ne te retourne pas, avance, avance ! » Alors j'avance. Et alors il arrivait par surprise. sur un cheval et il stoppait son cheval et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux. Et une fois quand il est parti, les filles m'ont dit, « Ben, je croyais qu'il allait tirer sur toi. T'as osé soutenir son regard". Allez donc comprendre ces gens-la. Dans ce ghetto de Plaszow, enfin le camp, il y avait des baraques pour les déportés. Et entre les baraques, il y avait un chemin. Et sur ce chemin, Amon Goeth, dimanche, on ne travaillait pas. On était devant nos baraques et on disait, ici, il n'y a pas d'herbe qui pousse, il n'y a pas d'oiseau. Et Amon Goeth... appelait cette route ""La route de Jérusalem." Ouais. Après des journées de travail, il y avait l'appel à la fin de la journée et Amon Goeth nous obligeait à venir regarder les pendaisons. Alors les pendaisons, je ne sais pas, je pense que c'était voulu que la corde se casse. Pour faire durer la torture, c'était pour ça. Pour nous qui regardions ça, ça durait une éternité. J'ai un souvenir que malgré qu'ils nous aient rasé le crâne, il y avait une femme parmi nous qui était très jolie, malgré le crâne rasé. Et je ne sais pas pour quelle raison elle a été punie. Donc l'appel était entre deux baraques. Et j'essaie de me souvenir parce que c'est loin. Alors cette jeune femme qui était très jolie, il y a un déporté qui a amené dans une brouette une grosse pierre. On a donné cette pierre à la fille et sa mère, c'était tellement rare d'avoir sa mère. Cette fille devait porter à sa mère cette pierre et cette pierre, la mère, la portait à sa fille, jusqu'à ce que l'une et l'autre tombent mortes. Oui, voilà le sadique. Moi j'ai un souvenir d'un OD man. OD man ça veut dire "ordnung" en allemand. Alors je me suis trouvée dans une chambre de malade, j'avais une bronchite et il y avait une femme qui gémissait tout le temps: "Je ne suis pas vieille, mes cheveux ont blanchi en une nuit" on lui disait "tais-toi donc on a besoin de dormir". Elle n'arrivait pas à se taire parce qu'elle savait que s'il y a une inspection et qu'on voit qu'elle a les cheveux blancs on va la fusiller. Le jour arrive où il y a une inspection et cette femme-là, elle ouvre la fenêtre, elle saute par la fenêtre. Quand les nazis rentrent dans la chambre, "Où est cette femme?" On lui dit, "Elle a sauté par la fenêtre". Pour nous punir qu' on ne l'ait pas empêchée, avec nos liquettes d'hôpital, ils nous mettent par trois et ils nous amènent à la colline de Plaszow, tout en haut. Ils nous font déjà enlever des liquettes, nous sommes toutes nues devant le ravin où il y a des gens déjà fusillés et un surveillant arrive sur une bicyclette, il jette la bicyclette, il donne... quelque chose, un bout de papier à ce nazi qui devait nous fusiller. On ne saura jamais qu'est-ce qui... Ils nous font reprendre nos liquettes et redescendre. Et là, mon frère a su dans le camp tout ce qui s'est passé. Il me dit, "malade ou pas, tu vas travailler. Sinon, tu sais très bien qu'est-ce qu'ils font". Je faisais des boutonnières dans des uniformes pour allemands. Et là je me suis régalée parce que je faisais du sabotage. Je ne sais pas comment sont les machines de maintenant, mais dans cet atelier de confection, sur une machine de boutonnière, la machine brode la boutonnière, il y a un marteau qui s'abaisse pour percer la boutonnière. Et qu'est-ce qu'elle faisait, Frania ? Elle oubliait de baisser le marteau. Donc je me suis imaginé un soldat qui ne va pas pouvoir fermer son uniforme. Été 1944, alors que l'armée rouge approche, Les nazis ordonnent l'évacuation de Plaschow. Dans la précipitation, ils transfèrent les prisonniers vers d'autres camps de concentration, en Allemagne et en Autriche. Pour effacer les traces de leurs crimes, ils ouvrent les fosses communes, exhument les corps et les brûlent. Frania et d'autres prisonniers sont, eux, déportés vers Auschwitz-Birkenau. Dans le prochain épisode, Frania nous racontera son quotidien terrifiant au cœur de ce centre de mise à mort. La faim, les violences, les humiliations, les chambres à gaz, la peur permanente. Merci d'avoir écouté cette deuxième partie du témoignage de Frania. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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Frania naît en 1926 à Tarnów, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population.

Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante.

Mais en 1939, tout bascule : la guerre éclate, et Tarnów est frappée de plein fouet par les bombardements allemands.

Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés, et Frania se retrouve seule avec sa mère.

Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de cave en grenier.

En 1941, le ghetto de Tarnów est créé, et la ville devient un lieu de terreur permanente : exécutions publiques, déportations, vie dans la faim et la peur.

En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère ainé au camp de Płaszów, au sud de la Pologne, à coté de Cracovie.

Un camp ou l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines, un camp dirigé par le terrifiant Amon Goeth, qui chaque matin, de son balcon, tire au hasard avec sa carabine.

Frania y restera 8 mois dans des conditions de vie inhumaines : pas d’hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques.

Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d’abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d’uniformes pour officiers allemands. VOICI la 2ème partie du témoignage de Frania 17 ans, Enfant de la Shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien.

Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Frania was born in 1926 in Tarnów, a Polish city where the Jewish community made up nearly half of the population.

Born into a family of musicians, she grew up in a joyful, carefree atmosphere.

But in 1939, everything changed: war broke out, and Tarnów was hit hard by German bombings.

Antisemitic persecutions escalated rapidly. Her father fled, her brothers were arrested for forced labor, and Frania was left alone with her mother.

To escape the roundups, they lived in hiding, moving from attic to basement.

In 1941, the Tarnów ghetto was created, turning the city into a place of constant terror: public executions, deportations, life marked by hunger and fear.

In September 1943, as the ghetto was liquidated, after a grueling journey crammed into sealed wagons, Frania was deported with her older brother to the Płaszów camp, in southern Poland, near Kraków.

A camp where life expectancy barely exceeded a few weeks, a camp ruled by the terrifying Amon Goeth, who every morning, from his balcony, would shoot randomly with his rifle.

Frania would stay there for 8 months under inhumane conditions: no hygiene, no light, contagious diseases, and giant body lice.

She fell ill several times but kept working relentlessly — first in a quarry, loading stones into carts, then in a workshop sewing uniforms for German officers.

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    Amin goeth, il arrivait par surprise et il stoppait son cheval. Et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux.

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    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population. Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante. Mais en 1939, tout bascule. La guerre éclate et Tarnoff est frappé de plein fouet par les bombardements allemands. Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés et Frania se retrouve seule avec sa mère. Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de caves en grenier. En 1941, le ghetto de Tarnow est créé et la ville devient un lieu de terreur permanente. Exécutions publiques, déportations, vies dans la faim et la peur. En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère aîné au camp de Plaszow, au sud de la Pologne, à côté de Cracovie. Un camp où l'espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines. Frania y restera huit mois, dans des conditions de vie inhumaines. Pas d'hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques. Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d'abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d'uniformes pour officiers allemands. Voici la deuxième partie du témoignage de Frania, 17 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Le camp de Plaszow, c'était terrible parce qu'il y avait un certain Amon Goeth. Il n'y avait qu'une villa, c'est la sienne. Il y avait une carrière là-bas, donc je travaillais dans cette carrière. Je l'ai vu Amon Goeth, tous les matins, sur son balcon, il sortait en maillot de corps, avec des bretelles, avec son fusil, et il tirait. Tout à fait au début, je ne savais pas encore comment ça se passait. On était plusieurs déportés sur cette carrière et quand j'entends la détonation d'un fusil, je me retourne. On me dit « Ne te retourne pas, avance, avance ! » Alors j'avance. Et alors il arrivait par surprise. sur un cheval et il stoppait son cheval et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux. Et une fois quand il est parti, les filles m'ont dit, « Ben, je croyais qu'il allait tirer sur toi. T'as osé soutenir son regard". Allez donc comprendre ces gens-la. Dans ce ghetto de Plaszow, enfin le camp, il y avait des baraques pour les déportés. Et entre les baraques, il y avait un chemin. Et sur ce chemin, Amon Goeth, dimanche, on ne travaillait pas. On était devant nos baraques et on disait, ici, il n'y a pas d'herbe qui pousse, il n'y a pas d'oiseau. Et Amon Goeth... appelait cette route ""La route de Jérusalem." Ouais. Après des journées de travail, il y avait l'appel à la fin de la journée et Amon Goeth nous obligeait à venir regarder les pendaisons. Alors les pendaisons, je ne sais pas, je pense que c'était voulu que la corde se casse. Pour faire durer la torture, c'était pour ça. Pour nous qui regardions ça, ça durait une éternité. J'ai un souvenir que malgré qu'ils nous aient rasé le crâne, il y avait une femme parmi nous qui était très jolie, malgré le crâne rasé. Et je ne sais pas pour quelle raison elle a été punie. Donc l'appel était entre deux baraques. Et j'essaie de me souvenir parce que c'est loin. Alors cette jeune femme qui était très jolie, il y a un déporté qui a amené dans une brouette une grosse pierre. On a donné cette pierre à la fille et sa mère, c'était tellement rare d'avoir sa mère. Cette fille devait porter à sa mère cette pierre et cette pierre, la mère, la portait à sa fille, jusqu'à ce que l'une et l'autre tombent mortes. Oui, voilà le sadique. Moi j'ai un souvenir d'un OD man. OD man ça veut dire "ordnung" en allemand. Alors je me suis trouvée dans une chambre de malade, j'avais une bronchite et il y avait une femme qui gémissait tout le temps: "Je ne suis pas vieille, mes cheveux ont blanchi en une nuit" on lui disait "tais-toi donc on a besoin de dormir". Elle n'arrivait pas à se taire parce qu'elle savait que s'il y a une inspection et qu'on voit qu'elle a les cheveux blancs on va la fusiller. Le jour arrive où il y a une inspection et cette femme-là, elle ouvre la fenêtre, elle saute par la fenêtre. Quand les nazis rentrent dans la chambre, "Où est cette femme?" On lui dit, "Elle a sauté par la fenêtre". Pour nous punir qu' on ne l'ait pas empêchée, avec nos liquettes d'hôpital, ils nous mettent par trois et ils nous amènent à la colline de Plaszow, tout en haut. Ils nous font déjà enlever des liquettes, nous sommes toutes nues devant le ravin où il y a des gens déjà fusillés et un surveillant arrive sur une bicyclette, il jette la bicyclette, il donne... quelque chose, un bout de papier à ce nazi qui devait nous fusiller. On ne saura jamais qu'est-ce qui... Ils nous font reprendre nos liquettes et redescendre. Et là, mon frère a su dans le camp tout ce qui s'est passé. Il me dit, "malade ou pas, tu vas travailler. Sinon, tu sais très bien qu'est-ce qu'ils font". Je faisais des boutonnières dans des uniformes pour allemands. Et là je me suis régalée parce que je faisais du sabotage. Je ne sais pas comment sont les machines de maintenant, mais dans cet atelier de confection, sur une machine de boutonnière, la machine brode la boutonnière, il y a un marteau qui s'abaisse pour percer la boutonnière. Et qu'est-ce qu'elle faisait, Frania ? Elle oubliait de baisser le marteau. Donc je me suis imaginé un soldat qui ne va pas pouvoir fermer son uniforme. Été 1944, alors que l'armée rouge approche, Les nazis ordonnent l'évacuation de Plaschow. Dans la précipitation, ils transfèrent les prisonniers vers d'autres camps de concentration, en Allemagne et en Autriche. Pour effacer les traces de leurs crimes, ils ouvrent les fosses communes, exhument les corps et les brûlent. Frania et d'autres prisonniers sont, eux, déportés vers Auschwitz-Birkenau. Dans le prochain épisode, Frania nous racontera son quotidien terrifiant au cœur de ce centre de mise à mort. La faim, les violences, les humiliations, les chambres à gaz, la peur permanente. Merci d'avoir écouté cette deuxième partie du témoignage de Frania. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Frania naît en 1926 à Tarnów, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population.

Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante.

Mais en 1939, tout bascule : la guerre éclate, et Tarnów est frappée de plein fouet par les bombardements allemands.

Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés, et Frania se retrouve seule avec sa mère.

Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de cave en grenier.

En 1941, le ghetto de Tarnów est créé, et la ville devient un lieu de terreur permanente : exécutions publiques, déportations, vie dans la faim et la peur.

En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère ainé au camp de Płaszów, au sud de la Pologne, à coté de Cracovie.

Un camp ou l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines, un camp dirigé par le terrifiant Amon Goeth, qui chaque matin, de son balcon, tire au hasard avec sa carabine.

Frania y restera 8 mois dans des conditions de vie inhumaines : pas d’hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques.

Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d’abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d’uniformes pour officiers allemands. VOICI la 2ème partie du témoignage de Frania 17 ans, Enfant de la Shoah


🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien.

Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.

Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.

Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Frania was born in 1926 in Tarnów, a Polish city where the Jewish community made up nearly half of the population.

Born into a family of musicians, she grew up in a joyful, carefree atmosphere.

But in 1939, everything changed: war broke out, and Tarnów was hit hard by German bombings.

Antisemitic persecutions escalated rapidly. Her father fled, her brothers were arrested for forced labor, and Frania was left alone with her mother.

To escape the roundups, they lived in hiding, moving from attic to basement.

In 1941, the Tarnów ghetto was created, turning the city into a place of constant terror: public executions, deportations, life marked by hunger and fear.

In September 1943, as the ghetto was liquidated, after a grueling journey crammed into sealed wagons, Frania was deported with her older brother to the Płaszów camp, in southern Poland, near Kraków.

A camp where life expectancy barely exceeded a few weeks, a camp ruled by the terrifying Amon Goeth, who every morning, from his balcony, would shoot randomly with his rifle.

Frania would stay there for 8 months under inhumane conditions: no hygiene, no light, contagious diseases, and giant body lice.

She fell ill several times but kept working relentlessly — first in a quarry, loading stones into carts, then in a workshop sewing uniforms for German officers.

HERE is the 2nd part of Frania’s testimony, age 17, Child of the Shoah.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Amin goeth, il arrivait par surprise et il stoppait son cheval. Et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux.

  • Speaker #1

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, une ville polonaise où la communauté juive représente près de la moitié de la population. Issue d'une famille de musiciens, elle grandit dans une atmosphère joyeuse et insouciante. Mais en 1939, tout bascule. La guerre éclate et Tarnoff est frappé de plein fouet par les bombardements allemands. Les persécutions antisémites s'intensifient rapidement. Son père fuit, ses frères sont arrêtés pour des travaux forcés et Frania se retrouve seule avec sa mère. Pour échapper aux rafles, elles vivent dans la clandestinité, se cachant de caves en grenier. En 1941, le ghetto de Tarnow est créé et la ville devient un lieu de terreur permanente. Exécutions publiques, déportations, vies dans la faim et la peur. En septembre 1943, alors que le ghetto est liquidé, après un trajet éprouvant dans des wagons plombés, Frania est déportée avec son frère aîné au camp de Plaszow, au sud de la Pologne, à côté de Cracovie. Un camp où l'espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines. Frania y restera huit mois, dans des conditions de vie inhumaines. Pas d'hygiène, pas de lumière, des maladies contagieuses et des poux corporels gigantesques. Frania tombera malade à plusieurs reprises, mais travaillera malgré tout sans faillir, tout d'abord dans une carrière à entasser des pierres dans des wagonnets, puis dans un atelier de confection d'uniformes pour officiers allemands. Voici la deuxième partie du témoignage de Frania, 17 ans, enfant de la Shoah.

  • Speaker #0

    Le camp de Plaszow, c'était terrible parce qu'il y avait un certain Amon Goeth. Il n'y avait qu'une villa, c'est la sienne. Il y avait une carrière là-bas, donc je travaillais dans cette carrière. Je l'ai vu Amon Goeth, tous les matins, sur son balcon, il sortait en maillot de corps, avec des bretelles, avec son fusil, et il tirait. Tout à fait au début, je ne savais pas encore comment ça se passait. On était plusieurs déportés sur cette carrière et quand j'entends la détonation d'un fusil, je me retourne. On me dit « Ne te retourne pas, avance, avance ! » Alors j'avance. Et alors il arrivait par surprise. sur un cheval et il stoppait son cheval et si on le regardait dans les yeux, il tirait. Et moi, je le regardais dans les yeux. Et une fois quand il est parti, les filles m'ont dit, « Ben, je croyais qu'il allait tirer sur toi. T'as osé soutenir son regard". Allez donc comprendre ces gens-la. Dans ce ghetto de Plaszow, enfin le camp, il y avait des baraques pour les déportés. Et entre les baraques, il y avait un chemin. Et sur ce chemin, Amon Goeth, dimanche, on ne travaillait pas. On était devant nos baraques et on disait, ici, il n'y a pas d'herbe qui pousse, il n'y a pas d'oiseau. Et Amon Goeth... appelait cette route ""La route de Jérusalem." Ouais. Après des journées de travail, il y avait l'appel à la fin de la journée et Amon Goeth nous obligeait à venir regarder les pendaisons. Alors les pendaisons, je ne sais pas, je pense que c'était voulu que la corde se casse. Pour faire durer la torture, c'était pour ça. Pour nous qui regardions ça, ça durait une éternité. J'ai un souvenir que malgré qu'ils nous aient rasé le crâne, il y avait une femme parmi nous qui était très jolie, malgré le crâne rasé. Et je ne sais pas pour quelle raison elle a été punie. Donc l'appel était entre deux baraques. Et j'essaie de me souvenir parce que c'est loin. Alors cette jeune femme qui était très jolie, il y a un déporté qui a amené dans une brouette une grosse pierre. On a donné cette pierre à la fille et sa mère, c'était tellement rare d'avoir sa mère. Cette fille devait porter à sa mère cette pierre et cette pierre, la mère, la portait à sa fille, jusqu'à ce que l'une et l'autre tombent mortes. Oui, voilà le sadique. Moi j'ai un souvenir d'un OD man. OD man ça veut dire "ordnung" en allemand. Alors je me suis trouvée dans une chambre de malade, j'avais une bronchite et il y avait une femme qui gémissait tout le temps: "Je ne suis pas vieille, mes cheveux ont blanchi en une nuit" on lui disait "tais-toi donc on a besoin de dormir". Elle n'arrivait pas à se taire parce qu'elle savait que s'il y a une inspection et qu'on voit qu'elle a les cheveux blancs on va la fusiller. Le jour arrive où il y a une inspection et cette femme-là, elle ouvre la fenêtre, elle saute par la fenêtre. Quand les nazis rentrent dans la chambre, "Où est cette femme?" On lui dit, "Elle a sauté par la fenêtre". Pour nous punir qu' on ne l'ait pas empêchée, avec nos liquettes d'hôpital, ils nous mettent par trois et ils nous amènent à la colline de Plaszow, tout en haut. Ils nous font déjà enlever des liquettes, nous sommes toutes nues devant le ravin où il y a des gens déjà fusillés et un surveillant arrive sur une bicyclette, il jette la bicyclette, il donne... quelque chose, un bout de papier à ce nazi qui devait nous fusiller. On ne saura jamais qu'est-ce qui... Ils nous font reprendre nos liquettes et redescendre. Et là, mon frère a su dans le camp tout ce qui s'est passé. Il me dit, "malade ou pas, tu vas travailler. Sinon, tu sais très bien qu'est-ce qu'ils font". Je faisais des boutonnières dans des uniformes pour allemands. Et là je me suis régalée parce que je faisais du sabotage. Je ne sais pas comment sont les machines de maintenant, mais dans cet atelier de confection, sur une machine de boutonnière, la machine brode la boutonnière, il y a un marteau qui s'abaisse pour percer la boutonnière. Et qu'est-ce qu'elle faisait, Frania ? Elle oubliait de baisser le marteau. Donc je me suis imaginé un soldat qui ne va pas pouvoir fermer son uniforme. Été 1944, alors que l'armée rouge approche, Les nazis ordonnent l'évacuation de Plaschow. Dans la précipitation, ils transfèrent les prisonniers vers d'autres camps de concentration, en Allemagne et en Autriche. Pour effacer les traces de leurs crimes, ils ouvrent les fosses communes, exhument les corps et les brûlent. Frania et d'autres prisonniers sont, eux, déportés vers Auschwitz-Birkenau. Dans le prochain épisode, Frania nous racontera son quotidien terrifiant au cœur de ce centre de mise à mort. La faim, les violences, les humiliations, les chambres à gaz, la peur permanente. Merci d'avoir écouté cette deuxième partie du témoignage de Frania. C'était Enfant de la Shoah, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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