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FRANIA - 18 ans - 4ème partie - "ON PIÉTINAIT SUR DES CADAVRES" cover
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ENFANT DE LA SHOAH

FRANIA - 18 ans - 4ème partie - "ON PIÉTINAIT SUR DES CADAVRES"

FRANIA - 18 ans - 4ème partie - "ON PIÉTINAIT SUR DES CADAVRES"

16min |18/06/2025
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Description

Frania naît en 1926 à Tarnów, en Pologne, dans une famille de musiciens.


Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient : son père fuit, ses frères sont arrêtés, et elle se cache avec sa mère.

En 1941, la création du ghetto de Tarnów transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences et les déportations.

Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère et ne la reverra plus.


Déportée avec son grand frère au camp de Płaszów, elle endure pendant huit mois des conditions de vie inhumaines : promiscuité, maladies, travail harassant.


À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l’attend. Elle entend dire : « On entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais ne comprend pas la signification.


À son arrivée à Birkenau, elle découvre l’horreur : la fumée âcre, les crématoires, et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande.


En novembre 1944, face à l’avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent les preuves de leurs crimes. 65000 détenus sont transférés vers des camps situés à l’intérieur du reich allemand.

Frania,  toujours animée par une volonté de survie malgré l’horreur est transférée au camp de Flossenbürg


Voici le dernier épisode de frania, 18 ans, enfant de la shoahNE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


----

suivez moi sur les réseaux ici 👉 https://linktr.ee/EnfantDeLaShoah



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • FRANIA

    Les Russes avançaient et j'avais de la chance d'avoir un âge où on travaillait. Et comme ils avaient besoin de la main-d'œuvre, ils m'ont envoyé à Flossenburg, en Allemagne.

  • INTRODUCTION

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, en Pologne, dans une famille de musiciens. Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient. Son père fuit, ses frères sont arrêtés et elle se cache avec sa mère. En 1941, la création du ghetto de Tarnow transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences, les déportations. Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère. Elle ne la reverra plus. Déportée avec son grand frère au camp de Plaszow, elle endure pendant huit mois. des conditions de vie inhumaines. Promiscuité, maladie, travail harassant. À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l'attend. Elle entend dire « on entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais elle ne comprend pas. À son arrivée à Birkenau, elle découvre l'horreur, la fumée âcre, les crématoires. et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande. En novembre 1944, face à l'avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent l'épreuve de leur crime. 65 000 détenus sont transférés vers des camps situés à l'intérieur du Reich allemand. Frania, toujours animée par une volonté de survie, malgré l'horreur, et transférée au camp de Flossenburg. Voici le dernier épisode du témoignage de Frania, 18 ans, enfant de la Shoah.

  • FRANIA

    Là, j'ai travaillé sur une fraiseuse et j'ai beaucoup saboté. Alors, en bas de ma machine... J'avais un panier où je mettais des pièces défectueuses. Et un jour, le panier se trouve plein. Donc, le chef vient vers moi et il dit, "c'est quoi ton panier ?" Je joue l'idiote. Je dis, "c'est les pièces défectueuses". "Mais tu fais du sabotage". Je dis, "non, je ne me permettrai pas", tu parles. Mais quand même, ils m'ont puni et comme on était en plein hiver, moins 35 là-bas, ils m'ont mis dehors pour pousser des wagonnets avec des copeaux. Je n'avais pas le droit d'aller aux toilettes, donc j'urinais et avec le grand froid, pendant des années, j'avais ici les jambes rouges. On n'avait pas de calendrier, mais on subissait des alertes. Alors comme l'usine était visée par les alliés, ils nous amenaient dans la forêt à côté. Et là, on regardait la bataille aérienne, les bombes tombaient. Mais mourir dans une bataille, on préférait ça que de mourir de leurs mains. Et ça permettait aussi, sur notre corps, la neige fondait. Et il y avait de l'herbe en dessous de la neige. Et on mangeait de l'herbe. Ça déclenchait une diarrhée. Mais bon… On retournait toujours à l'usine parce qu'ils avaient besoin de la main-d'œuvre. Et avec l'avancée des alliés, il nous ont mis dans un wagon un marchandise pour nous amener ailleurs mais faut savoir que Ils nous rasaient le crâne et on avait des sortes de pèlerines où sur le dos de la pèlerine, il y avait un X et KL, ça veut dire concentration slag. Et dans ces wagons de marchandises, il n'y a pas de fenêtre, il y a juste une ouverture sur le côté. Et les filles qui étaient près de l'ouverture, pour respirer, ben elles voulaient pas s'en aller. Vous pouvez vous imaginer sans manger, sans boire, on piétinait sur des cadavres. Et la fille qui était près de l'ouverture, c'était une hollandaise. Elle dit... ""Eh les filles, moi je m'évade. Qui est-ce qui s'évade avec moi ? J'étais un peu loin d'elle, mais je lui dit "c'est mo"i. Alors elle m'explique, "il ne faut pas que tu sautes à une grande intervalle parce que tu ne vas pas pouvoir me trouver". Donc elle s'est évadée, je me suis évadée. Et c'est ce qui s'est passé. Sur le wagon, sur la marche du wagon, il y avait un Allemand avec un fusil. Et quand il y avait une alerte, lui, il partait se cacher. Donc, il fallait aussi sauter quand cet Allemand partait se cacher. C'est un petit peu irréel. Alors, je me suis évadée, mais j'avais ce vêtement KL" sur le dos, avec le crâne rasé. Je ne savais pas où j'étais. Je me suis dit, qui va pouvoir m'aider ?" Et puis j'avais faim. Après la fin d'une alerte, les Allemands qui étaient sur la marche du wagon ils revenaient. Ils faisaient sortir les déportés pour les compter. Comme je ne savais pas quoi faire de moi, je me suis ralliée à un groupe de gens qui n'étaient pas de mon convoi.

  • INTRODUCTION

    À l'instant où elle les rejoint, Frania ne le sait pas encore, mais ce groupe de gens est un groupe de déportés tout juste libérés par l'armée soviétique. Des hommes et des femmes épuisés, affaiblis. Ils sont dirigés vers Theresienstadt pour y recevoir des soins.

  • FRANIA

    Alors, il y avait un monsieur qui essayait de nous parler. Je me souviens, il nous disait, n'ayez pas peur, on vous amène dans un camp où vous serez mieux qu'à Auschwitz". Et c'était le camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie. C'est là où j'étais libérée. Alors, Theresienstadt, c'était les Russes. Ce n'étaient plus les Allemands. Mais moi, j'ai attrapé un Allemand qui fuyait parce que les Allemands avaient une frousse terrible des Russes. Alors, il était impeccable avec son costume nazi, deS botteS. un gros ventre et auparavant, je dois vous dire que sans doute c'était des collabos qui fuyaient, qui laissaient les maisons à l'abandon. Et je voyais des gens sortir avec un peu de nourriture et je me suis dit Sje vais aller moi aussi, peut-être que je vais trouver quelque choseS. Il n'y a plus rien. Mais une armoire grande ouverte et sur la dernière planche, un violon avec un archer. Et je me dis, sc'est un bon présage. Je vais prendre le violon, c'est pour mon frère". Mais je rencontre ce nazi et je lui dis, "tu vas où comme ça ?" Il ne me répond pas. "Mais tu vas où comme ça ?" Il ne répond toujours pas. Il y a les tanks russes qui passent. Il y a un soldat russe. qui m'écrit « Evreika » , je lui fais signe de tête, ça veut dire "juif", et il me fait signe de cogner. Je prends le violon, je cogne sur sa tête, et je l'oblige de s'asseoir sur le bord, enlever son uniforme, et je le laisse à la risée de tous les gens qui fuyaient en caleçon. Avec les bretelles. Voilà. C'était ma petite vengeance. Mon père était chef d'orchestre et compositeur. Alors là, c'est difficile parce que l'hiver, les soirées sont longues en Pologne. l disait toujours, "vous allez voir, je vais diriger mon orchestre à Paris". C'était son rêve. Donc, pour trouver mon père, je suis venue en France. C'est tout simple. Mais je n'ai pas trouvé mon père. En arrivant en France, on nous a dit « Allez à l'hôtel Lutetia là-bas, les gens sont informés que vous arrivez » . Mais bon, moi personne n'est venu. Donc on m'a donné, je crois que c'était 2000 francs à l'époque, avec un carnet de métro. Mais c'est quoi le métro ? C'est quoi le carnet ? À quoi ça sert ? J'étais dans la rue, je voyais les gens descendre et par curiosité, je suis descendue et c'est là que j'ai réalisé à quoi servait ce carnet métro. Il y avait des poinçonneurs à l'époque, oui, et un jour... Je me suis hasardée pour monter dans le métro. Arrivé au terminus, tout le monde descend, mais pas moi. descendre, pourquoi ? Aller où ? Donc je reste et pendant une demi-journée, je faisais comme ça l'aller-retour au métro. Parce que je ne savais pas où aller. Un jour, je rencontre un soldat avec un brassard polandais. Je vais vers lui, je lui demande en polonais, ""tu es polonais ? Mais je pleure. Il me dit, "ne pleure pas, tu n'es pas la seule dans cette situation. Je vais t'amener quelque part, on va s'occuper de toi". Alors, il m'a amené rue Guy Patin. C'était l'accueil des survivants. Et là, un jour, il me convoque dans le bureau et on me dit, "Frania, tu es jeune, tu ne peux pas rester tout le temps ici. Il faut que tu ailles dans une école apprendre un métier". Rien de plus beau ne pouvait m'arriver. Aller dans une école. Et il me montre un éventail de cours à suivre. Je ne sais pas pourquoi, je choisis la prothèse dentaire. Allez donc savoir pourquoi. Alors, je suis le cours le soir et à côté de moi, il y a un homme qui parle allemand. Parce que je ne parlais pas français. Mais bon, il avait sept ans de plus que moi, je le considérais comme un vieux, et c'est lui qui est devenu mon mari, Maurice Averland. Il n'était pas juif, et c'est ça justement pourquoi mon slogan vient de là, "vivre ensemble en bonne intelligence avec nos différences".

  • INTRODUCTION

    Dans son malheur, une fois de plus, Frania est chanceuse. Imaginez ces milliers de personnes, ces enfants, ces tout jeunes adultes, qui comme elle se retrouvent après la guerre, Orphelins de leurs parents, de leurs frères, de leurs sœurs, projetés dans un pays qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne parlent pas la langue. Il leur faudra tout affronter, tout reconstruire, seuls, dans des conditions terribles. Et puis parfois, la vie réserve des surprises. Des années après la guerre, Frania a retrouvé sa fidèle amie Tushia, dont elle avait été séparée à Auschwitz. Frania a aujourd'hui 99 ans, depuis plus de 20 ans , elle parcourt la France, les lycées, les collèges pour offrir son récit. Elle témoigne avec force pour que cette histoire ne recommence jamais, pour que les plus jeunes sachent. Merci Frania pour votre message d'espoir. Merci pour votre énergie et pour la générosité avec laquelle vous m'avez confié votre histoire. Un grand merci à Néo Verriest sans qui cette magnifique rencontre n'aurait jamais eu lieu. Merci également à Alexandre Bande pour son accompagnement précieux et son travail d'expert historique. Enfin, un immense merci à la Claims Conférence, dont le soutien rend possible la réalisation de ce podcast. Alors si ce témoignage vous a touché, abonnez-vous au podcast ENFANT DE LA SHOAH, partagez cet épisode autour de vous, parlez-en, faites-le écouter. Et si vous le souhaitez, laissez-nous un commentaire et des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. A très bientôt pour un nouveau témoignage. C'était ENFANT DE LA SHOAH, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Frania naît en 1926 à Tarnów, en Pologne, dans une famille de musiciens.


Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient : son père fuit, ses frères sont arrêtés, et elle se cache avec sa mère.

En 1941, la création du ghetto de Tarnów transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences et les déportations.

Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère et ne la reverra plus.


Déportée avec son grand frère au camp de Płaszów, elle endure pendant huit mois des conditions de vie inhumaines : promiscuité, maladies, travail harassant.


À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l’attend. Elle entend dire : « On entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais ne comprend pas la signification.


À son arrivée à Birkenau, elle découvre l’horreur : la fumée âcre, les crématoires, et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande.


En novembre 1944, face à l’avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent les preuves de leurs crimes. 65000 détenus sont transférés vers des camps situés à l’intérieur du reich allemand.

Frania,  toujours animée par une volonté de survie malgré l’horreur est transférée au camp de Flossenbürg


Voici le dernier épisode de frania, 18 ans, enfant de la shoahNE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • FRANIA

    Les Russes avançaient et j'avais de la chance d'avoir un âge où on travaillait. Et comme ils avaient besoin de la main-d'œuvre, ils m'ont envoyé à Flossenburg, en Allemagne.

  • INTRODUCTION

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, en Pologne, dans une famille de musiciens. Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient. Son père fuit, ses frères sont arrêtés et elle se cache avec sa mère. En 1941, la création du ghetto de Tarnow transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences, les déportations. Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère. Elle ne la reverra plus. Déportée avec son grand frère au camp de Plaszow, elle endure pendant huit mois. des conditions de vie inhumaines. Promiscuité, maladie, travail harassant. À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l'attend. Elle entend dire « on entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais elle ne comprend pas. À son arrivée à Birkenau, elle découvre l'horreur, la fumée âcre, les crématoires. et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande. En novembre 1944, face à l'avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent l'épreuve de leur crime. 65 000 détenus sont transférés vers des camps situés à l'intérieur du Reich allemand. Frania, toujours animée par une volonté de survie, malgré l'horreur, et transférée au camp de Flossenburg. Voici le dernier épisode du témoignage de Frania, 18 ans, enfant de la Shoah.

  • FRANIA

    Là, j'ai travaillé sur une fraiseuse et j'ai beaucoup saboté. Alors, en bas de ma machine... J'avais un panier où je mettais des pièces défectueuses. Et un jour, le panier se trouve plein. Donc, le chef vient vers moi et il dit, "c'est quoi ton panier ?" Je joue l'idiote. Je dis, "c'est les pièces défectueuses". "Mais tu fais du sabotage". Je dis, "non, je ne me permettrai pas", tu parles. Mais quand même, ils m'ont puni et comme on était en plein hiver, moins 35 là-bas, ils m'ont mis dehors pour pousser des wagonnets avec des copeaux. Je n'avais pas le droit d'aller aux toilettes, donc j'urinais et avec le grand froid, pendant des années, j'avais ici les jambes rouges. On n'avait pas de calendrier, mais on subissait des alertes. Alors comme l'usine était visée par les alliés, ils nous amenaient dans la forêt à côté. Et là, on regardait la bataille aérienne, les bombes tombaient. Mais mourir dans une bataille, on préférait ça que de mourir de leurs mains. Et ça permettait aussi, sur notre corps, la neige fondait. Et il y avait de l'herbe en dessous de la neige. Et on mangeait de l'herbe. Ça déclenchait une diarrhée. Mais bon… On retournait toujours à l'usine parce qu'ils avaient besoin de la main-d'œuvre. Et avec l'avancée des alliés, il nous ont mis dans un wagon un marchandise pour nous amener ailleurs mais faut savoir que Ils nous rasaient le crâne et on avait des sortes de pèlerines où sur le dos de la pèlerine, il y avait un X et KL, ça veut dire concentration slag. Et dans ces wagons de marchandises, il n'y a pas de fenêtre, il y a juste une ouverture sur le côté. Et les filles qui étaient près de l'ouverture, pour respirer, ben elles voulaient pas s'en aller. Vous pouvez vous imaginer sans manger, sans boire, on piétinait sur des cadavres. Et la fille qui était près de l'ouverture, c'était une hollandaise. Elle dit... ""Eh les filles, moi je m'évade. Qui est-ce qui s'évade avec moi ? J'étais un peu loin d'elle, mais je lui dit "c'est mo"i. Alors elle m'explique, "il ne faut pas que tu sautes à une grande intervalle parce que tu ne vas pas pouvoir me trouver". Donc elle s'est évadée, je me suis évadée. Et c'est ce qui s'est passé. Sur le wagon, sur la marche du wagon, il y avait un Allemand avec un fusil. Et quand il y avait une alerte, lui, il partait se cacher. Donc, il fallait aussi sauter quand cet Allemand partait se cacher. C'est un petit peu irréel. Alors, je me suis évadée, mais j'avais ce vêtement KL" sur le dos, avec le crâne rasé. Je ne savais pas où j'étais. Je me suis dit, qui va pouvoir m'aider ?" Et puis j'avais faim. Après la fin d'une alerte, les Allemands qui étaient sur la marche du wagon ils revenaient. Ils faisaient sortir les déportés pour les compter. Comme je ne savais pas quoi faire de moi, je me suis ralliée à un groupe de gens qui n'étaient pas de mon convoi.

  • INTRODUCTION

    À l'instant où elle les rejoint, Frania ne le sait pas encore, mais ce groupe de gens est un groupe de déportés tout juste libérés par l'armée soviétique. Des hommes et des femmes épuisés, affaiblis. Ils sont dirigés vers Theresienstadt pour y recevoir des soins.

  • FRANIA

    Alors, il y avait un monsieur qui essayait de nous parler. Je me souviens, il nous disait, n'ayez pas peur, on vous amène dans un camp où vous serez mieux qu'à Auschwitz". Et c'était le camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie. C'est là où j'étais libérée. Alors, Theresienstadt, c'était les Russes. Ce n'étaient plus les Allemands. Mais moi, j'ai attrapé un Allemand qui fuyait parce que les Allemands avaient une frousse terrible des Russes. Alors, il était impeccable avec son costume nazi, deS botteS. un gros ventre et auparavant, je dois vous dire que sans doute c'était des collabos qui fuyaient, qui laissaient les maisons à l'abandon. Et je voyais des gens sortir avec un peu de nourriture et je me suis dit Sje vais aller moi aussi, peut-être que je vais trouver quelque choseS. Il n'y a plus rien. Mais une armoire grande ouverte et sur la dernière planche, un violon avec un archer. Et je me dis, sc'est un bon présage. Je vais prendre le violon, c'est pour mon frère". Mais je rencontre ce nazi et je lui dis, "tu vas où comme ça ?" Il ne me répond pas. "Mais tu vas où comme ça ?" Il ne répond toujours pas. Il y a les tanks russes qui passent. Il y a un soldat russe. qui m'écrit « Evreika » , je lui fais signe de tête, ça veut dire "juif", et il me fait signe de cogner. Je prends le violon, je cogne sur sa tête, et je l'oblige de s'asseoir sur le bord, enlever son uniforme, et je le laisse à la risée de tous les gens qui fuyaient en caleçon. Avec les bretelles. Voilà. C'était ma petite vengeance. Mon père était chef d'orchestre et compositeur. Alors là, c'est difficile parce que l'hiver, les soirées sont longues en Pologne. l disait toujours, "vous allez voir, je vais diriger mon orchestre à Paris". C'était son rêve. Donc, pour trouver mon père, je suis venue en France. C'est tout simple. Mais je n'ai pas trouvé mon père. En arrivant en France, on nous a dit « Allez à l'hôtel Lutetia là-bas, les gens sont informés que vous arrivez » . Mais bon, moi personne n'est venu. Donc on m'a donné, je crois que c'était 2000 francs à l'époque, avec un carnet de métro. Mais c'est quoi le métro ? C'est quoi le carnet ? À quoi ça sert ? J'étais dans la rue, je voyais les gens descendre et par curiosité, je suis descendue et c'est là que j'ai réalisé à quoi servait ce carnet métro. Il y avait des poinçonneurs à l'époque, oui, et un jour... Je me suis hasardée pour monter dans le métro. Arrivé au terminus, tout le monde descend, mais pas moi. descendre, pourquoi ? Aller où ? Donc je reste et pendant une demi-journée, je faisais comme ça l'aller-retour au métro. Parce que je ne savais pas où aller. Un jour, je rencontre un soldat avec un brassard polandais. Je vais vers lui, je lui demande en polonais, ""tu es polonais ? Mais je pleure. Il me dit, "ne pleure pas, tu n'es pas la seule dans cette situation. Je vais t'amener quelque part, on va s'occuper de toi". Alors, il m'a amené rue Guy Patin. C'était l'accueil des survivants. Et là, un jour, il me convoque dans le bureau et on me dit, "Frania, tu es jeune, tu ne peux pas rester tout le temps ici. Il faut que tu ailles dans une école apprendre un métier". Rien de plus beau ne pouvait m'arriver. Aller dans une école. Et il me montre un éventail de cours à suivre. Je ne sais pas pourquoi, je choisis la prothèse dentaire. Allez donc savoir pourquoi. Alors, je suis le cours le soir et à côté de moi, il y a un homme qui parle allemand. Parce que je ne parlais pas français. Mais bon, il avait sept ans de plus que moi, je le considérais comme un vieux, et c'est lui qui est devenu mon mari, Maurice Averland. Il n'était pas juif, et c'est ça justement pourquoi mon slogan vient de là, "vivre ensemble en bonne intelligence avec nos différences".

  • INTRODUCTION

    Dans son malheur, une fois de plus, Frania est chanceuse. Imaginez ces milliers de personnes, ces enfants, ces tout jeunes adultes, qui comme elle se retrouvent après la guerre, Orphelins de leurs parents, de leurs frères, de leurs sœurs, projetés dans un pays qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne parlent pas la langue. Il leur faudra tout affronter, tout reconstruire, seuls, dans des conditions terribles. Et puis parfois, la vie réserve des surprises. Des années après la guerre, Frania a retrouvé sa fidèle amie Tushia, dont elle avait été séparée à Auschwitz. Frania a aujourd'hui 99 ans, depuis plus de 20 ans , elle parcourt la France, les lycées, les collèges pour offrir son récit. Elle témoigne avec force pour que cette histoire ne recommence jamais, pour que les plus jeunes sachent. Merci Frania pour votre message d'espoir. Merci pour votre énergie et pour la générosité avec laquelle vous m'avez confié votre histoire. Un grand merci à Néo Verriest sans qui cette magnifique rencontre n'aurait jamais eu lieu. Merci également à Alexandre Bande pour son accompagnement précieux et son travail d'expert historique. Enfin, un immense merci à la Claims Conférence, dont le soutien rend possible la réalisation de ce podcast. Alors si ce témoignage vous a touché, abonnez-vous au podcast ENFANT DE LA SHOAH, partagez cet épisode autour de vous, parlez-en, faites-le écouter. Et si vous le souhaitez, laissez-nous un commentaire et des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. A très bientôt pour un nouveau témoignage. C'était ENFANT DE LA SHOAH, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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Frania naît en 1926 à Tarnów, en Pologne, dans une famille de musiciens.


Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient : son père fuit, ses frères sont arrêtés, et elle se cache avec sa mère.

En 1941, la création du ghetto de Tarnów transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences et les déportations.

Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère et ne la reverra plus.


Déportée avec son grand frère au camp de Płaszów, elle endure pendant huit mois des conditions de vie inhumaines : promiscuité, maladies, travail harassant.


À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l’attend. Elle entend dire : « On entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais ne comprend pas la signification.


À son arrivée à Birkenau, elle découvre l’horreur : la fumée âcre, les crématoires, et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande.


En novembre 1944, face à l’avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent les preuves de leurs crimes. 65000 détenus sont transférés vers des camps situés à l’intérieur du reich allemand.

Frania,  toujours animée par une volonté de survie malgré l’horreur est transférée au camp de Flossenbürg


Voici le dernier épisode de frania, 18 ans, enfant de la shoahNE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • FRANIA

    Les Russes avançaient et j'avais de la chance d'avoir un âge où on travaillait. Et comme ils avaient besoin de la main-d'œuvre, ils m'ont envoyé à Flossenburg, en Allemagne.

  • INTRODUCTION

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, en Pologne, dans une famille de musiciens. Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient. Son père fuit, ses frères sont arrêtés et elle se cache avec sa mère. En 1941, la création du ghetto de Tarnow transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences, les déportations. Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère. Elle ne la reverra plus. Déportée avec son grand frère au camp de Plaszow, elle endure pendant huit mois. des conditions de vie inhumaines. Promiscuité, maladie, travail harassant. À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l'attend. Elle entend dire « on entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais elle ne comprend pas. À son arrivée à Birkenau, elle découvre l'horreur, la fumée âcre, les crématoires. et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande. En novembre 1944, face à l'avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent l'épreuve de leur crime. 65 000 détenus sont transférés vers des camps situés à l'intérieur du Reich allemand. Frania, toujours animée par une volonté de survie, malgré l'horreur, et transférée au camp de Flossenburg. Voici le dernier épisode du témoignage de Frania, 18 ans, enfant de la Shoah.

  • FRANIA

    Là, j'ai travaillé sur une fraiseuse et j'ai beaucoup saboté. Alors, en bas de ma machine... J'avais un panier où je mettais des pièces défectueuses. Et un jour, le panier se trouve plein. Donc, le chef vient vers moi et il dit, "c'est quoi ton panier ?" Je joue l'idiote. Je dis, "c'est les pièces défectueuses". "Mais tu fais du sabotage". Je dis, "non, je ne me permettrai pas", tu parles. Mais quand même, ils m'ont puni et comme on était en plein hiver, moins 35 là-bas, ils m'ont mis dehors pour pousser des wagonnets avec des copeaux. Je n'avais pas le droit d'aller aux toilettes, donc j'urinais et avec le grand froid, pendant des années, j'avais ici les jambes rouges. On n'avait pas de calendrier, mais on subissait des alertes. Alors comme l'usine était visée par les alliés, ils nous amenaient dans la forêt à côté. Et là, on regardait la bataille aérienne, les bombes tombaient. Mais mourir dans une bataille, on préférait ça que de mourir de leurs mains. Et ça permettait aussi, sur notre corps, la neige fondait. Et il y avait de l'herbe en dessous de la neige. Et on mangeait de l'herbe. Ça déclenchait une diarrhée. Mais bon… On retournait toujours à l'usine parce qu'ils avaient besoin de la main-d'œuvre. Et avec l'avancée des alliés, il nous ont mis dans un wagon un marchandise pour nous amener ailleurs mais faut savoir que Ils nous rasaient le crâne et on avait des sortes de pèlerines où sur le dos de la pèlerine, il y avait un X et KL, ça veut dire concentration slag. Et dans ces wagons de marchandises, il n'y a pas de fenêtre, il y a juste une ouverture sur le côté. Et les filles qui étaient près de l'ouverture, pour respirer, ben elles voulaient pas s'en aller. Vous pouvez vous imaginer sans manger, sans boire, on piétinait sur des cadavres. Et la fille qui était près de l'ouverture, c'était une hollandaise. Elle dit... ""Eh les filles, moi je m'évade. Qui est-ce qui s'évade avec moi ? J'étais un peu loin d'elle, mais je lui dit "c'est mo"i. Alors elle m'explique, "il ne faut pas que tu sautes à une grande intervalle parce que tu ne vas pas pouvoir me trouver". Donc elle s'est évadée, je me suis évadée. Et c'est ce qui s'est passé. Sur le wagon, sur la marche du wagon, il y avait un Allemand avec un fusil. Et quand il y avait une alerte, lui, il partait se cacher. Donc, il fallait aussi sauter quand cet Allemand partait se cacher. C'est un petit peu irréel. Alors, je me suis évadée, mais j'avais ce vêtement KL" sur le dos, avec le crâne rasé. Je ne savais pas où j'étais. Je me suis dit, qui va pouvoir m'aider ?" Et puis j'avais faim. Après la fin d'une alerte, les Allemands qui étaient sur la marche du wagon ils revenaient. Ils faisaient sortir les déportés pour les compter. Comme je ne savais pas quoi faire de moi, je me suis ralliée à un groupe de gens qui n'étaient pas de mon convoi.

  • INTRODUCTION

    À l'instant où elle les rejoint, Frania ne le sait pas encore, mais ce groupe de gens est un groupe de déportés tout juste libérés par l'armée soviétique. Des hommes et des femmes épuisés, affaiblis. Ils sont dirigés vers Theresienstadt pour y recevoir des soins.

  • FRANIA

    Alors, il y avait un monsieur qui essayait de nous parler. Je me souviens, il nous disait, n'ayez pas peur, on vous amène dans un camp où vous serez mieux qu'à Auschwitz". Et c'était le camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie. C'est là où j'étais libérée. Alors, Theresienstadt, c'était les Russes. Ce n'étaient plus les Allemands. Mais moi, j'ai attrapé un Allemand qui fuyait parce que les Allemands avaient une frousse terrible des Russes. Alors, il était impeccable avec son costume nazi, deS botteS. un gros ventre et auparavant, je dois vous dire que sans doute c'était des collabos qui fuyaient, qui laissaient les maisons à l'abandon. Et je voyais des gens sortir avec un peu de nourriture et je me suis dit Sje vais aller moi aussi, peut-être que je vais trouver quelque choseS. Il n'y a plus rien. Mais une armoire grande ouverte et sur la dernière planche, un violon avec un archer. Et je me dis, sc'est un bon présage. Je vais prendre le violon, c'est pour mon frère". Mais je rencontre ce nazi et je lui dis, "tu vas où comme ça ?" Il ne me répond pas. "Mais tu vas où comme ça ?" Il ne répond toujours pas. Il y a les tanks russes qui passent. Il y a un soldat russe. qui m'écrit « Evreika » , je lui fais signe de tête, ça veut dire "juif", et il me fait signe de cogner. Je prends le violon, je cogne sur sa tête, et je l'oblige de s'asseoir sur le bord, enlever son uniforme, et je le laisse à la risée de tous les gens qui fuyaient en caleçon. Avec les bretelles. Voilà. C'était ma petite vengeance. Mon père était chef d'orchestre et compositeur. Alors là, c'est difficile parce que l'hiver, les soirées sont longues en Pologne. l disait toujours, "vous allez voir, je vais diriger mon orchestre à Paris". C'était son rêve. Donc, pour trouver mon père, je suis venue en France. C'est tout simple. Mais je n'ai pas trouvé mon père. En arrivant en France, on nous a dit « Allez à l'hôtel Lutetia là-bas, les gens sont informés que vous arrivez » . Mais bon, moi personne n'est venu. Donc on m'a donné, je crois que c'était 2000 francs à l'époque, avec un carnet de métro. Mais c'est quoi le métro ? C'est quoi le carnet ? À quoi ça sert ? J'étais dans la rue, je voyais les gens descendre et par curiosité, je suis descendue et c'est là que j'ai réalisé à quoi servait ce carnet métro. Il y avait des poinçonneurs à l'époque, oui, et un jour... Je me suis hasardée pour monter dans le métro. Arrivé au terminus, tout le monde descend, mais pas moi. descendre, pourquoi ? Aller où ? Donc je reste et pendant une demi-journée, je faisais comme ça l'aller-retour au métro. Parce que je ne savais pas où aller. Un jour, je rencontre un soldat avec un brassard polandais. Je vais vers lui, je lui demande en polonais, ""tu es polonais ? Mais je pleure. Il me dit, "ne pleure pas, tu n'es pas la seule dans cette situation. Je vais t'amener quelque part, on va s'occuper de toi". Alors, il m'a amené rue Guy Patin. C'était l'accueil des survivants. Et là, un jour, il me convoque dans le bureau et on me dit, "Frania, tu es jeune, tu ne peux pas rester tout le temps ici. Il faut que tu ailles dans une école apprendre un métier". Rien de plus beau ne pouvait m'arriver. Aller dans une école. Et il me montre un éventail de cours à suivre. Je ne sais pas pourquoi, je choisis la prothèse dentaire. Allez donc savoir pourquoi. Alors, je suis le cours le soir et à côté de moi, il y a un homme qui parle allemand. Parce que je ne parlais pas français. Mais bon, il avait sept ans de plus que moi, je le considérais comme un vieux, et c'est lui qui est devenu mon mari, Maurice Averland. Il n'était pas juif, et c'est ça justement pourquoi mon slogan vient de là, "vivre ensemble en bonne intelligence avec nos différences".

  • INTRODUCTION

    Dans son malheur, une fois de plus, Frania est chanceuse. Imaginez ces milliers de personnes, ces enfants, ces tout jeunes adultes, qui comme elle se retrouvent après la guerre, Orphelins de leurs parents, de leurs frères, de leurs sœurs, projetés dans un pays qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne parlent pas la langue. Il leur faudra tout affronter, tout reconstruire, seuls, dans des conditions terribles. Et puis parfois, la vie réserve des surprises. Des années après la guerre, Frania a retrouvé sa fidèle amie Tushia, dont elle avait été séparée à Auschwitz. Frania a aujourd'hui 99 ans, depuis plus de 20 ans , elle parcourt la France, les lycées, les collèges pour offrir son récit. Elle témoigne avec force pour que cette histoire ne recommence jamais, pour que les plus jeunes sachent. Merci Frania pour votre message d'espoir. Merci pour votre énergie et pour la générosité avec laquelle vous m'avez confié votre histoire. Un grand merci à Néo Verriest sans qui cette magnifique rencontre n'aurait jamais eu lieu. Merci également à Alexandre Bande pour son accompagnement précieux et son travail d'expert historique. Enfin, un immense merci à la Claims Conférence, dont le soutien rend possible la réalisation de ce podcast. Alors si ce témoignage vous a touché, abonnez-vous au podcast ENFANT DE LA SHOAH, partagez cet épisode autour de vous, parlez-en, faites-le écouter. Et si vous le souhaitez, laissez-nous un commentaire et des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. A très bientôt pour un nouveau témoignage. C'était ENFANT DE LA SHOAH, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

Description

Frania naît en 1926 à Tarnów, en Pologne, dans une famille de musiciens.


Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient : son père fuit, ses frères sont arrêtés, et elle se cache avec sa mère.

En 1941, la création du ghetto de Tarnów transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences et les déportations.

Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère et ne la reverra plus.


Déportée avec son grand frère au camp de Płaszów, elle endure pendant huit mois des conditions de vie inhumaines : promiscuité, maladies, travail harassant.


À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l’attend. Elle entend dire : « On entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais ne comprend pas la signification.


À son arrivée à Birkenau, elle découvre l’horreur : la fumée âcre, les crématoires, et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande.


En novembre 1944, face à l’avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent les preuves de leurs crimes. 65000 détenus sont transférés vers des camps situés à l’intérieur du reich allemand.

Frania,  toujours animée par une volonté de survie malgré l’horreur est transférée au camp de Flossenbürg


Voici le dernier épisode de frania, 18 ans, enfant de la shoahNE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…



🙏 Un immense merci à la CLAIMS CONFERENCE et à la DILCRAH pour leur précieux soutien. Grâce à eux, ce travail de mémoire peut continuer d’exister et de toucher de nouveaux publics.


Ensemble, gardons vivantes ces voix, ces visages, ces vies, pour que jamais on n’oublie.


Merci de votre écoute… NE PERDONS PAS L'HISTOIRE, PARTAGEONS-LA…


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Transcription

  • FRANIA

    Les Russes avançaient et j'avais de la chance d'avoir un âge où on travaillait. Et comme ils avaient besoin de la main-d'œuvre, ils m'ont envoyé à Flossenburg, en Allemagne.

  • INTRODUCTION

    La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe, désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée. Les enfants ne seront pas épargnés. Frania naît en 1926 à Tarnow, en Pologne, dans une famille de musiciens. Son enfance insouciante bascule en 1939 avec l'invasion allemande. Les persécutions antisémites se multiplient. Son père fuit, ses frères sont arrêtés et elle se cache avec sa mère. En 1941, la création du ghetto de Tarnow transforme la ville en un lieu de terreur où règnent la faim, les violences, les déportations. Lors de la liquidation du ghetto en 1943, Frania perd sa mère. Elle ne la reverra plus. Déportée avec son grand frère au camp de Plaszow, elle endure pendant huit mois. des conditions de vie inhumaines. Promiscuité, maladie, travail harassant. À l'été 1944, alors que les troupes soviétiques approchent, les nazis évacuent le camp. Frania, alors âgée de 18 ans, est transférée à Auschwitz, sans savoir réellement ce qui l'attend. Elle entend dire « on entre par la porte et on ressort par la cheminée », mais elle ne comprend pas. À son arrivée à Birkenau, elle découvre l'horreur, la fumée âcre, les crématoires. et les hommes en tenue rayée. Sélectionnée pour travailler dans un atelier de raccommodage, elle répare les vêtements des victimes pour les envoyer à la population allemande. En novembre 1944, face à l'avancée des troupes soviétiques, les SS évacuent Auschwitz et effacent l'épreuve de leur crime. 65 000 détenus sont transférés vers des camps situés à l'intérieur du Reich allemand. Frania, toujours animée par une volonté de survie, malgré l'horreur, et transférée au camp de Flossenburg. Voici le dernier épisode du témoignage de Frania, 18 ans, enfant de la Shoah.

  • FRANIA

    Là, j'ai travaillé sur une fraiseuse et j'ai beaucoup saboté. Alors, en bas de ma machine... J'avais un panier où je mettais des pièces défectueuses. Et un jour, le panier se trouve plein. Donc, le chef vient vers moi et il dit, "c'est quoi ton panier ?" Je joue l'idiote. Je dis, "c'est les pièces défectueuses". "Mais tu fais du sabotage". Je dis, "non, je ne me permettrai pas", tu parles. Mais quand même, ils m'ont puni et comme on était en plein hiver, moins 35 là-bas, ils m'ont mis dehors pour pousser des wagonnets avec des copeaux. Je n'avais pas le droit d'aller aux toilettes, donc j'urinais et avec le grand froid, pendant des années, j'avais ici les jambes rouges. On n'avait pas de calendrier, mais on subissait des alertes. Alors comme l'usine était visée par les alliés, ils nous amenaient dans la forêt à côté. Et là, on regardait la bataille aérienne, les bombes tombaient. Mais mourir dans une bataille, on préférait ça que de mourir de leurs mains. Et ça permettait aussi, sur notre corps, la neige fondait. Et il y avait de l'herbe en dessous de la neige. Et on mangeait de l'herbe. Ça déclenchait une diarrhée. Mais bon… On retournait toujours à l'usine parce qu'ils avaient besoin de la main-d'œuvre. Et avec l'avancée des alliés, il nous ont mis dans un wagon un marchandise pour nous amener ailleurs mais faut savoir que Ils nous rasaient le crâne et on avait des sortes de pèlerines où sur le dos de la pèlerine, il y avait un X et KL, ça veut dire concentration slag. Et dans ces wagons de marchandises, il n'y a pas de fenêtre, il y a juste une ouverture sur le côté. Et les filles qui étaient près de l'ouverture, pour respirer, ben elles voulaient pas s'en aller. Vous pouvez vous imaginer sans manger, sans boire, on piétinait sur des cadavres. Et la fille qui était près de l'ouverture, c'était une hollandaise. Elle dit... ""Eh les filles, moi je m'évade. Qui est-ce qui s'évade avec moi ? J'étais un peu loin d'elle, mais je lui dit "c'est mo"i. Alors elle m'explique, "il ne faut pas que tu sautes à une grande intervalle parce que tu ne vas pas pouvoir me trouver". Donc elle s'est évadée, je me suis évadée. Et c'est ce qui s'est passé. Sur le wagon, sur la marche du wagon, il y avait un Allemand avec un fusil. Et quand il y avait une alerte, lui, il partait se cacher. Donc, il fallait aussi sauter quand cet Allemand partait se cacher. C'est un petit peu irréel. Alors, je me suis évadée, mais j'avais ce vêtement KL" sur le dos, avec le crâne rasé. Je ne savais pas où j'étais. Je me suis dit, qui va pouvoir m'aider ?" Et puis j'avais faim. Après la fin d'une alerte, les Allemands qui étaient sur la marche du wagon ils revenaient. Ils faisaient sortir les déportés pour les compter. Comme je ne savais pas quoi faire de moi, je me suis ralliée à un groupe de gens qui n'étaient pas de mon convoi.

  • INTRODUCTION

    À l'instant où elle les rejoint, Frania ne le sait pas encore, mais ce groupe de gens est un groupe de déportés tout juste libérés par l'armée soviétique. Des hommes et des femmes épuisés, affaiblis. Ils sont dirigés vers Theresienstadt pour y recevoir des soins.

  • FRANIA

    Alors, il y avait un monsieur qui essayait de nous parler. Je me souviens, il nous disait, n'ayez pas peur, on vous amène dans un camp où vous serez mieux qu'à Auschwitz". Et c'était le camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie. C'est là où j'étais libérée. Alors, Theresienstadt, c'était les Russes. Ce n'étaient plus les Allemands. Mais moi, j'ai attrapé un Allemand qui fuyait parce que les Allemands avaient une frousse terrible des Russes. Alors, il était impeccable avec son costume nazi, deS botteS. un gros ventre et auparavant, je dois vous dire que sans doute c'était des collabos qui fuyaient, qui laissaient les maisons à l'abandon. Et je voyais des gens sortir avec un peu de nourriture et je me suis dit Sje vais aller moi aussi, peut-être que je vais trouver quelque choseS. Il n'y a plus rien. Mais une armoire grande ouverte et sur la dernière planche, un violon avec un archer. Et je me dis, sc'est un bon présage. Je vais prendre le violon, c'est pour mon frère". Mais je rencontre ce nazi et je lui dis, "tu vas où comme ça ?" Il ne me répond pas. "Mais tu vas où comme ça ?" Il ne répond toujours pas. Il y a les tanks russes qui passent. Il y a un soldat russe. qui m'écrit « Evreika » , je lui fais signe de tête, ça veut dire "juif", et il me fait signe de cogner. Je prends le violon, je cogne sur sa tête, et je l'oblige de s'asseoir sur le bord, enlever son uniforme, et je le laisse à la risée de tous les gens qui fuyaient en caleçon. Avec les bretelles. Voilà. C'était ma petite vengeance. Mon père était chef d'orchestre et compositeur. Alors là, c'est difficile parce que l'hiver, les soirées sont longues en Pologne. l disait toujours, "vous allez voir, je vais diriger mon orchestre à Paris". C'était son rêve. Donc, pour trouver mon père, je suis venue en France. C'est tout simple. Mais je n'ai pas trouvé mon père. En arrivant en France, on nous a dit « Allez à l'hôtel Lutetia là-bas, les gens sont informés que vous arrivez » . Mais bon, moi personne n'est venu. Donc on m'a donné, je crois que c'était 2000 francs à l'époque, avec un carnet de métro. Mais c'est quoi le métro ? C'est quoi le carnet ? À quoi ça sert ? J'étais dans la rue, je voyais les gens descendre et par curiosité, je suis descendue et c'est là que j'ai réalisé à quoi servait ce carnet métro. Il y avait des poinçonneurs à l'époque, oui, et un jour... Je me suis hasardée pour monter dans le métro. Arrivé au terminus, tout le monde descend, mais pas moi. descendre, pourquoi ? Aller où ? Donc je reste et pendant une demi-journée, je faisais comme ça l'aller-retour au métro. Parce que je ne savais pas où aller. Un jour, je rencontre un soldat avec un brassard polandais. Je vais vers lui, je lui demande en polonais, ""tu es polonais ? Mais je pleure. Il me dit, "ne pleure pas, tu n'es pas la seule dans cette situation. Je vais t'amener quelque part, on va s'occuper de toi". Alors, il m'a amené rue Guy Patin. C'était l'accueil des survivants. Et là, un jour, il me convoque dans le bureau et on me dit, "Frania, tu es jeune, tu ne peux pas rester tout le temps ici. Il faut que tu ailles dans une école apprendre un métier". Rien de plus beau ne pouvait m'arriver. Aller dans une école. Et il me montre un éventail de cours à suivre. Je ne sais pas pourquoi, je choisis la prothèse dentaire. Allez donc savoir pourquoi. Alors, je suis le cours le soir et à côté de moi, il y a un homme qui parle allemand. Parce que je ne parlais pas français. Mais bon, il avait sept ans de plus que moi, je le considérais comme un vieux, et c'est lui qui est devenu mon mari, Maurice Averland. Il n'était pas juif, et c'est ça justement pourquoi mon slogan vient de là, "vivre ensemble en bonne intelligence avec nos différences".

  • INTRODUCTION

    Dans son malheur, une fois de plus, Frania est chanceuse. Imaginez ces milliers de personnes, ces enfants, ces tout jeunes adultes, qui comme elle se retrouvent après la guerre, Orphelins de leurs parents, de leurs frères, de leurs sœurs, projetés dans un pays qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne parlent pas la langue. Il leur faudra tout affronter, tout reconstruire, seuls, dans des conditions terribles. Et puis parfois, la vie réserve des surprises. Des années après la guerre, Frania a retrouvé sa fidèle amie Tushia, dont elle avait été séparée à Auschwitz. Frania a aujourd'hui 99 ans, depuis plus de 20 ans , elle parcourt la France, les lycées, les collèges pour offrir son récit. Elle témoigne avec force pour que cette histoire ne recommence jamais, pour que les plus jeunes sachent. Merci Frania pour votre message d'espoir. Merci pour votre énergie et pour la générosité avec laquelle vous m'avez confié votre histoire. Un grand merci à Néo Verriest sans qui cette magnifique rencontre n'aurait jamais eu lieu. Merci également à Alexandre Bande pour son accompagnement précieux et son travail d'expert historique. Enfin, un immense merci à la Claims Conférence, dont le soutien rend possible la réalisation de ce podcast. Alors si ce témoignage vous a touché, abonnez-vous au podcast ENFANT DE LA SHOAH, partagez cet épisode autour de vous, parlez-en, faites-le écouter. Et si vous le souhaitez, laissez-nous un commentaire et des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. A très bientôt pour un nouveau témoignage. C'était ENFANT DE LA SHOAH, un podcast de Catherine Benmaor. Allez, salut !

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