- Speaker #0
Bienvenue dans le cinquième épisode de la série Mon voyage à travers l'argent en dentisterie Je suis Florence Echeverry, votre hôte et créatrice de ce podcast. Aujourd'hui, nous allons examiner les enjeux légaux et les obligations réglementaires qui façonnent notre pratique quotidienne. Pour explorer ces questions délicates, je reçois Anne-Catherine Gallou, chirurgienne dentiste et experte reconnue en droit dentaire. Avant de démarrer notre conversation, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont déjà contribué à la cagnotte Tipeee. Émilie, Marie, Ronan, Joy, Marie-Hélène, Antonin, Arnaud, Aurore, Nicolas. Votre soutien est essentiel pour me permettre de continuer à produire du contenu indépendant et approfondi. Si vous appréciez Entretien avec un dentiste et souhaitez m'aider à maintenir cette qualité, n'hésitez pas à faire un don. Le lien est disponible dans la description de l'épisode. Épisode 5, les règles du jeu de la Convention. Aujourd'hui, nous allons explorer les règles du jeu pour les dentistes conventionnés, les risques juridiques liés au non-respect des conventions et les implications des contrôles de la sécurité sociale. Sans plus tarder, écoutons l'expertise d'Anne-Catherine.
- Speaker #1
Les devoirs et les obligations des chirurgiens dentistes en matière d'argent dans la relation de soins sont nombreux. En premier lieu, comme tous les professionnels de santé, avant la réalisation d'un acte. Nous avons l'obligation d'informer notre patient sur le coût de cet acte et sur les conditions de sa prise en charge. Chez nous, dentiste, ça va se traduire par deux choses. L'affichage obligatoire de quelques-uns de nos principaux tarifs de soins et de prothèses, que ce soit dans la salle d'attente ou dans la salle d'accueil, ça c'est depuis 2009. Et puis, bien évidemment, de délivrer un devis, devis qui est surtout sur la prothèse, dès lors qu'il y a du reste à charge au niveau d'un soin. devis qui est en fait rendu obligatoire chez nous par le code de santé publique, le code de déontologie et la convention nationale si nous sommes signataires. Donc ce devis on va le conseiller à partir de 75 euros mais attention il est aussi obligatoire pour des bénéficiaires de la solidarité nationale, les ADC2S, les anciens CMU, même si on va leur faire des traitements sans reste à charge qui vont être honorés en tiers payant intégral. On a un devoir d'information, ça c'est la loi Kouchner, la loi du 4 mars 2002 qui nous y oblige, et donc on doit leur proposer tous les traitements possibles, et c'est in fine le patient qui va décider.
- Speaker #0
Anne-Catherine débute par rappeler les obligations des chirurgiens dentistes concernant la transparence financière dans la relation de soins. Premièrement, elle souligne l'importance de l'information préalable du patient sur les coûts des interventions et leur modalité de prise en charge. Cela se manifeste par l'affichage des tarifs dans les zones visibles du cabinet, Une pratique réglementée depuis l'introduction de la loi HPTS, Hôpital, Patients, Santé et Territoire, en 2009, visant à améliorer l'accès aux soins et à coordonner les acteurs de santé à travers la création des agences régionales de santé. De plus, la délivrance d'un devis détaillé devient impérative dès que le soin propose un reste à charge, et ce, dès un seuil de 75 euros. Anne-Catherine rappelle également que cette exigence s'étend aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, comme stipulée par la loi Kouchner de 2002. Selon l'article L.1111.2 du Code de la santé publique, issu de cette loi, toute personne a le droit d'être informée par son état de santé. Cette information porte sur les différents traitements et actes médicaux qui lui sont proposés, ainsi que sur leurs coûts et les conditions de remboursement par les régimes obligatoires d'assurance maladie et complémentaires. Cette loi insiste sur le droit du patient à être informé de toutes les options de son traitement disponible, renforçant ainsi son pouvoir de décision dans le parcours de soins.
- Speaker #1
Pour ce qui est de la forme du devis, elle est décidée par la Convention nationale si nous sommes signataires. Et donc, on va bien sûr décrire le traitement. On va mettre les matériaux, les normes ISO. On va préciser l'origine européenne ou hors Union européenne de nos prothèses. Et puis, bien sûr, on va parler argent. Donc, on va noter les honoraires, indiquer le panier de soins auxquels ces actes appartiennent, définir la base de remboursement. la participation du régime obligatoire et indiquer le reste à charge pour le patient, en dehors de toute prise en charge mutuelle. Le panier 3, qui est le panier à honoraires libres, par définition, nous fixons librement nos honoraires, mais il faut respecter le sacro-saint d'actes et mesures. Et puis, nouveauté avec la dernière convention qui est en train de renégocier, donc 2019, la mise en place de la réforme 100% santé, qui nous impose... de proposer une alternative thérapeutique qui est en fait une alternative économique à nos traitements, dès lors que cela est possible.
- Speaker #0
Anne-Catherine nous explique la rigueur nécessaire dans la rédaction des devis, dictée par la Convention nationale, qui exige une transparence totale sur les traitements, les matériaux utilisés et les coûts. Toutes ces obligations, qui ont été renforcées par les lois de 2002, 2009 et 2019, ont certes amélioré la transparence financière et l'accès aux soins, Mais il faut le dire, elles ont aussi contribué à augmenter la complexité administrative et aussi apporter des contraintes financières. Anne-Charlotte Bas a notamment souligné dans le deuxième épisode de cette série que ces décisions de loi laissent souvent les dentistes se justifier face à des patients mécontents, mal informés, par des annonces politiques et médiatiques promettant des remboursements intégraux non réalisés, ajoutant ainsi un fardeau de justification sur les dentistes.
- Speaker #1
Au niveau des obligations des chirurgiens dentistes, le deuxième volet c'est après le soin, au niveau de la facturation. Nous devons permettre à nos patients... de bénéficier des avantages sociaux auxquels son État lui donnera sans céder à aucune demande abusive. Ça, c'est le texte de notre Code de déontologie, l'article 41.27.234. Ça veut dire qu'après l'exécution d'un acte, nous devons délivrer deux choses. D'abord, la première, c'est la feuille de soin. Et puis, pour tous les actes non codés, il y en a très peu puisque le système se veut exhaustif. Et en tout cas, les actes qui ne sont pas remboursables puisque l'hormonclature n'existe plus, donc on parle d'actes non remboursables. nous avons obligation de délivrer une note d'honoraire. Bien évidemment, la facturation doit être conforme à ce qu'on a réalisé. Si on a posé un stellite 7 dents, ce n'est pas un stellite 8 dents. Il faut absolument indiquer les actes que nous avons réalisés et les dates qui figurent selon les dates réelles d'exécution des actes. Donc cette facturation, il ne faut pas qu'elle soit post-datée, tout comme il ne faut pas qu'elle soit anti-daptée, qu'elle ne soit pas anticipée. Permettre à un patient de toucher le remboursement avant la pose de la prothèse, ce n'est pas non plus autorisé par le Code de sécurité sociale. La validation par la signature de la feuille papier ou de la feuille de soins électroniques atteste l'exécution de notre acte et son paiement. On ne doit pas procurer à un patient un avantage qui serait injustifié ou illicite et on ne peut pas accorder non plus de retour en argent, ni en nature. D'ailleurs, tout ça, c'est clairement... interdits par notre code de déontologie. Cette fois-ci, c'est l'article 221, l'article 4127-221 du code de déontologie.
- Speaker #0
Anne-Catherine nous rappelle qu'après les soins, les dentistes doivent être très précis dans leur facturation et éviter toute manipulation des dates. Mais souvent, dans la pratique, nous, les dentistes, nous avançons les frais pour les prothèses, car la plupart des patients sont réticents à payer par avance. Ce qui ajoute du stress, surtout quand les paiements sont retardés ou échelonnés. Combien de fois ai-je dû régler une facture conséquente aux prothésistes ? alors que mon tiroir débordait de chèques en attente.
- Speaker #1
En miroir, quels sont finalement nos droits ? Ça se résume à celui, tout comme professionnel, de percevoir des zones horaires qui lui sont dues pour les actes qu'il a réalisés. C'est pour ça que la signature vaut contrat au sens civil du terme. Le problème, c'est que depuis la loi Kouchner, la loi du 4 mars 2002, le patient peut retirer son consentement. en soins à tout moment, même le dernier jour. Et donc dans cette situation se pose en fait raisonnablement la question de la prise d'acompte, au moins pour nous garantir des frais engagés si jamais le patient ne vient pas à son dernier rendez-vous. On parle bien d'acompte, on ne parle pas d'art parce que les arts ne sont pas autorisés chez nous ça. Ça suppose un doublement des sommes perçues je crois en cas de non réalisation. Et donc en cas d'arrêt du traitement, est-ce qu'il faut rembourser cet accompte ? Est-ce qu'on peut en conserver une partie ? Aucun texte nous impose de rembourser la compte. Mais le chirurgien dentiste, lui, n'a le droit de percevoir des honoraires que pour des actes qu'il aura réalisés. Donc une prothèse qui est livrée par le laboratoire, mais qui n'est pas posée en bouche, ce n'est pas un acte exécuté, et donc on ne peut pas le facturer. Si le patient ne vient pas à son dernier rendez-vous, c'est parfaitement son droit. Et nous, le seul droit que nous ayons, c'est finalement d'aller rester en justice, c'est d'aller demander l'application stricte du contrat, éventuellement de demander des dommages et intérêts, d'où l'importance du devis en bonne et due forme et signé. On va dire que c'est à chacun d'évaluer le coût de sa tranquillité. Si on décide en tout cas de conserver la compte, il faudra délivrer une note d'honoraire avec le détail des frais engagés, le temps qui est passé et... On oublie aussi l'informer des risques qu'il encourt s'il ne vient pas achever son traitement. Ça fait partie de nos obligations d'information.
- Speaker #0
Selon la loi Kouchner de 2002, le patient a le droit de retirer son consentement à tout moment, ce qui implique que le dentiste doit s'assurer que les engagements financiers pris par le patient, comme les accomptes, soient bien clarifiés dès le début. Le devis signé joue ici un rôle crucial, car il sert de contrat confirmant l'accord du patient sur les traitements et les coûts y afférents. Si un patient choisit de ne pas terminer un traitement après avoir payé un accompte, la situation peut nécessiter une négociation pour déterminer si une partie de cet accompte peut être conservée par le dentiste en compensation des coûts déjà engagés. Suite à notre conversation et aux explications d'Anne-Catherine sur les exigences réglementaires et déontologiques, je me pose une question, un peu par intérêt je l'avoue, mais peut-être vous l'êtes-vous déjà aussi posée, si un patient nécessite un traitement parodontal non remboursé avant une prothèse, ou un implant aussi, mais qu'il refuse ce soin initial pour des raisons financières, est-ce que j'ai le droit de refuser de procéder directement au plan de traitement prothétique ?
- Speaker #1
C'est même ton devoir ! C'est même ton devoir, c'est-à-dire que tu as défini un plan de traitement et tu considères que les fondations ne sont pas saines. On te reprocherait d'avoir passé outre le problème paro et d'avoir posé un implant ou une couronne, peu importe la situation clinique, sans avoir assaini le terrain parodental que tu as toi-même diagnostiqué. Donc, si le patient n'est pas d'accord avec ton plan de traitement, libre à lui d'aller consulter un autre praticien. Mais je pense qu'il faut rester droit dans ses bottes. Tu as un plan de traitement qui est… chiffré, on est d'accord, tu l'as expliqué, tu as fait un consentement et tu as fait un devis, mais si le patient, il n'est pas au supermarché, il ne va pas choisir dans la liste de course. Si tu estimes que les fondations, le traitement parodontal doit être fait, il faut le faire, ou alors il faut arrêter le plan de traitement, et adresser à quelqu'un d'autre. L'averse sera reproché.
- Speaker #0
Et si, économiquement, le patient ne peut pas accéder au traitement parodontal ?
- Speaker #1
Je pense qu'il faut à ce moment-là l'adresser vers quelqu'un qui est susceptible de le prendre en charge, peut-être à moindre coût. Ou alors tu décides de le soigner gratuitement.
- Speaker #0
Ou faire une demande d'aide exceptionnelle.
- Speaker #1
Ou faire une demande d'aide exceptionnelle, effectivement. On peut trouver des arrangements peut-être financiers. Mais voilà, le traitement parodontal, c'est vrai que souvent il est coûteux et que c'est à la base de tout et c'est un obstacle pour les patients. C'est vraiment l'exemple typique. Mais on ne pose pas des implants sur un terrain parodental qui n'est pas stabilisé. Après, libre à toi, si tu veux vraiment faire le traitement, à la rigueur de lui prodiguer des actes gratuits. Mais par contre, ne pas le traiter et poser les implants derrière, non.
- Speaker #0
La réponse d'Anne-Catherine, qui insiste sur le devoir professionnel de refuser de traiter si les conditions préalables médicalement nécessaires ne sont pas remplies. résonne évidemment avec mes propres convictions professionnelles. Mais encore une fois, je trouve que la réalité du terrain est bien plus complexe. Déjà, concernant la maladie parodontale, il faut reconnaître qu'elle n'est pas toujours bien comprise par les patients. D'autre part, la situation des déserts médicaux complique la décision de ne plus suivre un patient qui ne peut pas ou ne veut pas financer les soins non remboursés. Concernant ces questionnements qui relèvent davantage de l'éthique, nous y reviendrons plus tard lorsque nous aborderons plus spécifiquement ce sujet.
- Speaker #1
Je vais te donner un autre exemple qui est la fameuse couronne chrome-cobalt de la réforme 100% Santé. La Convention nationale des chirurgiens dentistes prévoit sa prise en charge intégrale, quel que soit le traitement, dès qu'on propose une couronne, et nous oblige à le faire figurer comme alternative. Le problème, c'est que le cobalt a été classé CMR en 2020 par le Comité d'évaluation des risques de l'Agence européenne des produits chimiques. Donc CMR, c'est cancérigène, mutagène et toxique. Donc cette classification déjà nous oblige à prévenir le patient que dans la proposition, la couronne chrome-cobalt, le cobalt est cancérigène. Et du coup, notre conscience nous autorise à ne pas réaliser cet acte-là. Mais toujours pareil, il faut adresser le patient. C'est-à-dire qu'il fait une couronne zircone, une couronne céramique classique. S'il veut véritablement, pour des raisons idéologiques ou en tout cas financières, faire du chrome-cobalt et que nous...... Là, nous avons le droit de refuser. Nous avons une vraie raison.
- Speaker #0
Anne-Catherine soulève le cas de la couronne chrome-cobalt, récemment classée comme substance CMR, cancérigène mutagène et toxique. Anne-Catherine nous explique qu'il est de notre devoir d'informer le patient de ces risques, et même que nous pouvons refuser de réaliser de telles couronnes, qui, je le rappelle, sont intégralement remboursées. Personnellement, cette situation me gêne. Si un patient bien informé des risques choisit cette option, pourquoi devrais-je le refuser ? Ne continuons-nous pas de soigner des personnes exposées à d'autres risques comme le tabagisme ou l'alcool ? Je trouve paradoxal de placer les dentistes face à ce type de dilemme éthique. Pourquoi ne pas simplement interdire le cobalt dans les traitements dentaires ? Après avoir discuté des droits et devoirs des dentistes en termes d'argent, nous allons maintenant aborder la question qui fâche, celle des contrôles de la sécurité sociale. Concernant ce point, je me demande comment ces mécanismes s'activent, particulièrement quels éléments attirent l'attention des autorités et déclenchent une inspection. De plus, quels sont les outils et technologies modernes dont dispose la Sécurité sociale aujourd'hui pour identifier et prévenir les fraudes potentielles ?
- Speaker #1
Concernant le contrôle d'activité, qu'est-ce qui alerte le service médical ? En se conventionnant avec la Sécurité sociale, avec l'assurance maladie, le chirurgien dentiste s'engage à appliquer les tarifs, les dispositions de la Convention et aussi tous les textes qui régissent l'exercice de la profession. C'est l'article 2 de la Convention nationale. Il faut avoir à l'esprit que le contrôle d'activité des professionnels de santé en général fait partie des missions de base. des praticiens conseil qui depuis la fin de l'entente préalable, ça doit dater de 2003, doivent contrôler le bien fondé des prestations individuelles qu'ils distribuent et puis de la fraude en général. Donc ils ont deux fils conducteurs, l'application de la CCAM et les données acquises de la science. Les services de contrôle médical ne disposent pas de moyens humains suffisants pour assurer le contrôle de 46 000 chirurgiens dentistes au moins une fois dans leur carrière. Donc ils sont obligés. de cibler des exercices qu'ils vont qualifier de déviants. Pour ce faire, ils ont développé des technologies qui sont extrêmement performantes, avec de l'intelligence artificielle, avec des algorithmes de données de masse, on appelle ça le data mining, et qui vont à ce moment-là détecter des praticiens qui ont des données statistiques qui contrastent avec les référentiels qui peuvent être locaux, régionaux ou nationaux. Ce sont des praticiens qui vont avoir des quotations, par exemple, aberrantes ou alors des quotations systématiques. La Caisse nationale d'assurance maladie fait aussi des thèmes, des thématiques de contrôle et va lancer les algorithmes, savoir quels sont les plus gros prescripteurs, par exemple, par rapport à un acte. Ça a été le cas pour les conbines, ça a été le cas pour certains actes. Ce qui permet, à ce moment-là, de révéler plutôt un profil de chirurgien lentiste qui sont poursuivis par les caisses, ça va être un praticien conventionné bien entendu avec la sécurité sociale. Il va réaliser un chiffre d'affaires qui est beaucoup plus important que son voisin, en tout cas que le référentiel local. Il va avoir des données statistiques totalement atypiques, qui dit très souvent un très fort taux de tiers payants. Et puis plus récemment, les praticiens qui ont un très fort taux de prothèses en panier 1, restent à charge zéro. Tout ça, c'est suspect.
- Speaker #0
Ça me laisse perplexe parce qu'on met justement en place le reste à charge zéro pour que les gens aient plus facilement accès aux soins et ça devient suspicieux d'en faire trop.
- Speaker #1
Bien sûr, de même qu'on essaye de mettre en place le tiers payant généralisé, donc ça va être compliqué. Mais là, à l'heure actuelle, ce sont véritablement tiers payants généralisés avec des taux à 90% et puis des forts taux de reste à charge zéro. Bien sûr que ça apparaît en alerte et que c'est contrôlé en priorité. En tout cas, moi, c'est ce que je vois dans les dossiers que j'ai en contrôle actuellement.
- Speaker #0
Couplé avec des chiffres d'affaires élevés ?
- Speaker #1
Oui, en général, les praticiens, vraiment, ce n'est pas le cabinet avec des petits chiffres d'affaires. En général, ce sont des gros chiffres d'affaires.
- Speaker #0
C'est cool parce que moi, je ne me sens pas du tout inquiétée du coup.
- Speaker #1
On l'a dit, la CCAM ne souffre d'aucune interprétation. Par contre, il y a plein de griefs qui reviennent dans les dossiers qu'on retrouve fréquemment dans les contrôles. Le premier des griefs, je dirais, c'est le fameux bug informatique. Attention, c'est l'argument numéro un qui est avancé lorsqu'on ne veut pas fournir des clichés radiographiques qui seraient un peu compromettants. Et donc, le fait de ne pas pouvoir fournir des clichés, notamment pré-opératoire en endodoncie, d'une dent qui sera couronnée ou qui servira de pied de bridge, ça entraîne automatiquement l'impossibilité pour le service médical de remplir sa mission de contrôle. Il n'y a pas de justification médicale. La radiopanoramique est insuppisante, rappelons-le. Dans ces situations, c'est l'ensemble du traitement qui va être compté en induit. La dévitalisation, l'inlécore éventuellement, la couronne, voire même le bridge. Donc le bug informatique... Ça, c'est griffe numéro un. Il faut fournir les radiographies, et toutes les radiographies, pré, post, en dos, voire pair, si on l'a faite. Parmi les exemples les plus fréquents, effectivement, l'évacuation d'abcès parodontale. C'est un acte isolé qui a été créé pour répondre à l'urgence. C'est totalement anormal de le retrouver plusieurs fois dans un dossier patient. sans qu'il soit suivi de thérapeutiques parodentales ou de le retrouver couplé avec des cotations d'extraction. L'abcès parodontal répond à une définition, même si elle est un petit peu floue, mais ça c'est source de contrôle d'activité. Le coiffage pulpaire, pareil, s'il n'y a pas les radiographies qui sont imposées par les textes de suivi, on doit, après un coiffage pulpaire, s'assurer de la bonne réaction pulpaire avec l'édification de la barrière dentinaire. Donc ça doit être suivi de contrôle radio, et ces contrôles radio, c'est le service médical qui les demande, il faut pouvoir les fournir. Nous avons aussi tout ce qui est radiologie, réaliser des panoramiques et surtout des connebines en première intention ou alors sans justification médicale et sans compte rendu. Ça fait partie des griefs les plus fréquents. Les consultations, consultations répétitives. Nous ne sommes pas des médecins généralistes. La consultation, c'est la première consultation où on fait un plan de traitement, où on fait un diagnostic. a prouvé qu'il y a eu une consultation, on appelle ça intercurrente, c'est-à-dire pour un motif autre que le traitement actuel. Mais normalement, il doit y avoir une seule consultation pour un patient, pas plusieurs dans une suite de soins en tout cas. Et actuellement, on trouve aussi par exemple les couronnes provisoires qui sont facturées sur des dents, mais qui sont préparées pour être piliées de bridge et non pas pour couronne unitaire. Donc ça, ce sont des cotations. qui reviennent de manière très fréquente dans les dossiers et qui ne sont pas licites. Alors, si l'erreur est ponctuelle, il y aura juste une récupération d'indus. Par contre, si effectivement le service médical arrive à systématiser cette erreur, les conséquences vont être beaucoup plus lourdes.
- Speaker #0
Juste peut-être une petite précision sur les connebimes. Globalement, on le sait qu'il doit y avoir un compte rendu de fait systématiquement. Ce compte-rendu, il est très standardisé sur une feuille particulière où il peut se faire dans les notes de notre logiciel, l'objet pour lequel on a fait un CBCT pris en charge.
- Speaker #1
Alors, je ne sais pas exactement si les textes prévoient qu'ils doivent être à part. Je pense qu'ils peuvent être intégrés à notre logiciel. Ce qui est sûr, c'est qu'on doit pouvoir le communiquer au service médical. Il doit comporter les doses de rayonnement, la justification médicale. Il y a un certain nombre d'éléments qui doivent être inscrits sur ce compte-rendu. Je pense qu'ils peuvent être intégrés directement à notre logiciel, mais si le service médical demande le compte-rendu, il faut pouvoir l'éditer.
- Speaker #0
Et tu disais la même chose pour les panoramiques.
- Speaker #1
Oui, les panoramiques doivent être commentées, elles doivent être datées, elles doivent être commentées. Oui, il y a un compte-rendu à faire sur les panoramiques également.
- Speaker #0
Par exemple ? Pourquoi on a fait une panoramique ? Qu'est-ce qu'on y voit dessus ?
- Speaker #1
C'est ça, il faut toujours pouvoir fournir deux choses, la justification médicale et le diagnostic, ce qu'on a détecté sur cette radiopanoramique. Quel que soit le cliché radiologique, également sur les rétroalvéolaires. Les rétroalvéolaires, pour être facturables au service à la caisse, il faut qu'elles soient bien cadrées, elles doivent comprendre trois dents et on doit avoir l'apexe, il faut que ce soit vraiment bien cadré. Elles doivent être localisées, il faut qu'il y ait le numéro de la dent. Normalement, on fait une radio si on cherche quelque chose, donc la justification médicale ne soit peut-être pas forcément notée sur le cliché, mais en tout cas dans le dossier patient. C'est-à-dire qu'on a fait une radio, c'est bien parce que, ou on cherchait à vérifier la profondeur d'une carie, ou l'atteinte pulpaire, mais il y a une justification médicale à tout acte de radiologie.
- Speaker #0
Si je résume ce que vient de dire Anne-Catherine sur la régulation et le contrôle des pratiques dentaires. Premièrement, en adhérant à la Convention nationale, les chirurgiens dentistes s'engagent à respecter les tarifs et règles établis, assurant ainsi la transparence et le contrôle des pratiques. Deuxièmement, l'utilisation de technologies avancées comme l'intelligence artificielle et le data mining permet au service de contrôle de détecter les pratiques déviantes en comparant les données des praticiens avec les référentiels locaux, régionaux ou nationaux. Troisièmement, il est crucial de fournir des comptes-rendus détaillés pour chaque radiographie pour démontrer la justification médicale des actes. Anne-Catherine a raison d'insister sur certaines règles, celles notamment qui concernent les consultations, les drainages d'abcès parodontales ou les coiffages pulpaires par exemple. Mais je dois dire que parfois, ça peut être vraiment frustrant. Prenons l'exemple d'une extraction complexe qui dure plus longtemps que prévu, ou le cas d'une urgence où on ouvre une dent pour soulager le patient, mais sans pouvoir finir le travail. Dans ces cas-là, on est peu rémunéré, voire pas du tout. Et là, ça peut être tentant de facturer un petit quelque chose de plus pour sentir que ton effort est un peu plus reconnu. Pourtant, il est essentiel de rester vigilant sur les conséquences d'un contrôle de la sécurité sociale, qui peuvent être très lourdes, affectant non seulement notre activité professionnelle, mais aussi d'autres aspects de notre vie. D'où l'importance de bien connaître la nomenclature, même si cela peut paraître rébarbatif, et aussi de faire preuve de sagesse et de lucidité quand de telles situations arrivent. Le profil des dentistes qui commettent des abus fraude, est-ce qu'il y a quelque chose qui ressort de manière récurrente ?
- Speaker #1
Je vais donner deux exemples de dossiers qui sont, je pense, les plus courants, des dossiers que j'ai été amené à accompagner. Le premier, c'était un praticien salarié de Mutuelle, très gentil garçon, qui réalisait systématiquement des bridges céramiques à ses patients en facturant tout en reste à charge zéro. Il était salarié, donc il ne payait pas la prothèse. Il ne voyait pas où était le problème, parce que de toute manière, il considérait que le reste à charge zéro, c'était au minimum ce qu'il aurait facturé s'il l'avait réalisé. Et en plus, les patients n'étaient même pas au courant des cadeaux qu'il leur faisait. C'est toujours pareil. Le fait de facturer des traitements qui ont un reste à charge en le faisant financer par la solidarité nationale, ce n'est pas légal, puisque nous ne pouvons... procurer à un patient tout acte de nature à procurer un avantage injustifié et illicite, dit le texte. Donc, c'est pas légal. Et ces praticiens voient pas le mal, parce que ils estiment que la caisse n'est pas lésée. Or, la prise en charge, par exemple, d'une couronne unitaire comparée à une dent qui serait rajoutée à un pilier de bridge, c'est pas du tout le même financement. Le pilier de bridge, c'est 10 centimes là où on a une prise en charge pour une couronne unitaire. Donc, oui, la caisse peut... et lésés de toute manière. Deuxième exemple, beaucoup plus frauduleux, cette fois-ci, c'est le praticien qui est révolté face au système. Il estime qu'il n'est pas honoré à sa juste valeur, alors il reste conventionné pour autant, mais il va facturer des actes en plus, des actes fictifs, des actes qu'il n'a pas réalisés. Ainsi, il va augmenter artificiellement la rentabilité de ses patients. Donc, il faut bien comprendre que, dès lors qu'une facturation ne correspond pas à ce qui a été réalisé, dès lors que les... dates de réalisation ont été modifiées, c'est une anomalie pour le service médical qui va la qualifier alors c'est variable suivant la sensibilité du chirurgien dentiste de conseil, mais ça va être ou des quotations erronées, quotations non conformes, actes non conformes aux données acquises de la science, actes fictifs, ça va être qualifié de faux en écriture, donc de fraude, attention au risque pénal, les qualifications sont très nombreuses et variées.
- Speaker #0
Et donc, on en arrive à la question 1. quelles sont les conséquences d'un contrôle sécu ?
- Speaker #1
Les conséquences d'un contrôle sécu sont extrêmement lourdes d'emblée. D'abord parce que c'est extrêmement stressant, c'est une procédure qui va durer plusieurs mois voire années, donc c'est très chronophage, ça mobilise des ressources importantes, ça bouscule l'équilibre de vie et ça a des répercussions dans la vie privée. Financièrement, C'est peut-être la conséquence la plus immédiate. Déjà, il y a une baisse du chiffre d'affaires, parce qu'il faut libérer du temps pour se défendre. Ensuite, il faut financer sa défense, parce qu'un conseiller technique ou un avocat, ce n'est pas gratuit. Et il faut rappeler que l'assurance responsabilité civile du praticien, RCP, ne fonctionne pas. On est dans une juridiction punitive. Il faut se préparer à affronter une récupération d'indus qui peut être majorée de pénalités financières. Le problème de l'analyse d'activité, c'est que c'est une... Elle est souhaitable, bien entendu, mais elle est disproportionnée dans les moyens mis en œuvre. Elle est très inégalitaire dans les forces. Et la moindre petite erreur de cotation, si anodine soit-elle, va venir gonfler un dossier qui est à charge et on va diaboliser un chirurgien dentiste qui est pourtant de bonne foi. Il faut savoir quand même que la sécurité sociale se trompe peu. Leurs moyens techniques sont extrêmement performants. Quand ils font une analyse d'activité et qu'ils vont jusqu'au bout, en général, ils ont de quoi poursuivre. Ce n'est pas pour une petite erreur comme ça en passant. Ils sont capables d'envoyer un courrier de rappel à la réglementation ou de faire éventuellement juste une procédure de récupération d'indus simple, rapide. Il n'engage pas forcément tout de suite l'artillerie lourde.
- Speaker #0
Anne-Catherine évoque les conséquences des fraudes et des contrôles de la sécurité sociale en donnant des exemples concrets de situations rencontrées par des nantistes. Elle décrit les répercussions lourdes d'un contrôle, qui peut être extrêmement stressant et chronophage, affectant non seulement l'équilibre professionnel, mais aussi la vie privée des praticiens. Les erreurs, même minimes, peuvent entraîner de sévères conséquences financières comme juridiques.
- Speaker #1
Donc à l'issue de l'analyse d'activité, si des anomalies en nombre ont été relevées, le service médical et donc la caisse vont avoir la possibilité soit de faire un rappel à la réglementation, et la procédure s'arrête là, soit ils vont actionner plusieurs leviers qui peuvent être simultanés, ils peuvent faire plusieurs procédures en même temps. Procédure de récupération d'indus.
- Speaker #0
La pénalité financière qui peut s'appliquer et qui peut aller jusqu'à 70% de l'indu, donc ça double déjà la sanction. Déposer une plainte en section d'assurance sociale, la section d'assurance sociale de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre, donc la juridiction dédiée aux plaintes du service médical. Et ça peut aller au pénal aussi dès lors qu'il y a mutilation ou véritablement fraude caractérisée. Alors concernant les sanctions qui sont prononcées en SAS, Il y a l'avertissement, le blâme. Très sincèrement, on les voit extrêmement rarement. La plupart du temps, il y a une sanction d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux. Ce n'est pas une sanction, ce n'est pas une interdiction d'exercer, mais c'est tout comme, c'est que vous n'avez pas le droit de soigner les gens qui relèvent de la sécurité sociale. Vous pouvez être présent dans votre cabinet, mais vous n'avez pas le droit de travailler. Cette sanction, elle sera ou temporaire ou définitive. Le définitif, c'est maximum trois ans. Après, il faut redemander son inscription et ça peut être assorti du sursis. Vous pouvez être condamné, alors c'est assez fréquent d'avoir trois mois d'interdiction pour des sommes de récupération d'indus faibles, de quelques milliers d'euros. S'il y a du sursis, en général, c'est qu'il y aura un deuxième contrôle, de toute manière. Et si le service médical retrouve des anomalies, et en général, il en trouve, il y aura application du sursis. Donc si par exemple, tu es condamné à... 3 mois avec sursis, 3 mois dont 15 jours fermes. Lors de la deuxième condamnation, tu auras ta deuxième condamnation, plus le sursis à effectuer. Il y a d'autres sanctions. L'arsenal répressif s'est enrichi ces 2-3 dernières années. Novembre 2020, la procédure de déconventionnement d'urgence qui a été mise en application pour la première fois cette année. Il y a 2 centres, je crois même un troisième, qui ont été déconventionnés en urgence. Ça veut dire que du... le jour ou l'endemain, le centre peut rester ouvert, mais par contre les patients ne sont plus remboursés du tout. Donc ça fait partie de l'arsenal. La deuxième, c'est cette année, c'est dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 qui a été votée, le principe d'extrapolation de l'indu. Ça veut dire que la caisse, sur la base d'un échantillonnage, détermine un indu, et bien elle va pouvoir, par une règle de trois, l'appliquer à l'ensemble de la période contrôlée en tout cas. Je trouve ça un peu énigme parce qu'il faut savoir que l'échantillonnage qui est fait par la Sécurité sociale n'en est pas un. Ce n'est pas je prends au hasard 20 dossiers ou 40 dossiers dans l'exercice 2022 du praticien et je regarde si je retrouve des anomalies C'est l'inverse, c'est je examine la totalité de l'exercice, je vais sélectionner 20 ou 40 dossiers où il y a un maximum d'anomalies et ce sont ces dossiers-là qui me servent à traduire le praticien en SAS Et donc, ça veut dire qu'ils vont faire une règle de trois par rapport à ces dossiers qui peuvent être, si ça se trouve, c'est les seuls 20 dossiers de l'exercice. Et bien là, ils vont faire une règle de trois et l'appliquer à l'ensemble du chiffre d'affaires de la période contrôlée. Et, petite nouveauté qui est dans les cartons 2024, c'est pas encore voté, mais on en parle très fortement, c'est la suppression de la participation financière aux cotisations obligatoires. En étant signataire de la Convention, en fait, on a une participation de la caisse à nos propres cotisations sociales. il y aurait suppression de cette participation financière dans le cadre d'un praticien qui serait condamné. On voit bien qu'il y a une volonté manifeste, non pas d'augmenter les contrôles, mais d'augmenter les sommes d'argent à récupérer. La Caisse nationale d'assurance maladie veut récupérer des fonds. Elle l'a dit très clairement par la voix de son directeur général, Thomas Fautome, il y a quelques temps, qui, d'une manière totalement décomplexée, a annoncé que... l'ambition pour 2024, c'était de récupérer 500 millions d'euros. Il faut savoir qu'en 2022, ils ont récupéré 315,8 millions d'euros sur les professionnels de santé, ce qui représentait déjà une hausse de 44% par rapport à 2021. Là, clairement, il faut s'attendre à une multiplication des contrôles pour atteindre ces objectifs.
- Speaker #1
Anne-Catherine nous offre un aperçu des mécanismes de contrôle et des sanctions que la Sécurité sociale peut imposer aux chirurgiens dentistes. Pour bien clarifier les choses, retenons quelques points essentiels. Premièrement, la SAS ou section des assurances sociales est l'organe décisionnel pour les sanctions liées aux pratiques non conformes. Les sanctions varient, elles peuvent aller d'un simple avertissement à une interdiction de soigner les assurés sociaux avec des durées qui peuvent être temporaires ou définitives. De nouvelles mesures ont été mises en place en 2023 permettant d'extrapoler les montants dus à partir d'échantillons d'activité, augmentant ainsi les sommes récupérées lors de contrôles. Pour 2024, il est prévu de supprimer la contribution de la Sécurité sociale aux cotisations des praticiens qui auraient été sanctionnés. Étant en 2024, puisque l'enregistrement a eu lieu en juin 2023, ça vaudrait le coup d'aller regarder. Enfin, il est important de souligner que la sécurité sociale a des objectifs financiers très ambitieux pour les prochaines années, avec un but clair de récupérer 500 millions d'euros en 2024, marquant une augmentation significative par rapport au recouvrement des années précédentes. Ces points soulignent l'importance pour nous, praticiens, de rester vigilants et en conformité avec la réglementation. Il est essentiel de comprendre ces enjeux pour éviter les conséquences financières et professionnelles qui peuvent être sévères. Petite précision, est-ce que les chirurgiens dentistes sont globalement plus inquiétés par ces contrôles que les autres professionnels de santé ?
- Speaker #0
Je n'ai pas la réponse. On a une émission télévisée d'Élise Lucet qui est passée en début d'année 2023, qui a bien tapé sur les professionnels de santé et sur les problèmes d'analyse d'activité. Apparemment, les infirmiers ont fait les frais de cette émission. Ils sont montrés comme étant les plus fraudeurs, mais je pense que c'est du coup les plus analysés. Donc, est-ce que nous sommes les plus analysés ? Non, je ne pense pas. Ce qui est sûr, c'est que les chirurges à Nanty sont les plus condamnés. La MSSF a sorti les chiffres de 2021 qui sont relativement stables par rapport à 2019. mais qui montre qu'on a un taux de condamnation à 78%, je crois qu'il y a eu 8800 condamnations en 2021, et là on ne parle que des litiges assurés, je ne parle pas de la SAS, je ne parle que des litiges où la RCP intervient.
- Speaker #1
C'est beaucoup.
- Speaker #0
Alors, est-ce que les patients sont devenus plus procéduriers ? Il est certain que ça faisait quand même... Il y a quelques temps que les professionnels de santé étaient démystifiés, mais la loi Kouchner, il y a 20 ans, 4 mars 2002, a vraiment marqué un tournant dans la relation soignant-soigné. Le patient est devenu acteur de sa santé. C'est lui qui décide de sa thérapeutique et il est devenu consommateur de soins. Et à côté de ça, le professionnel de santé, qui s'est démystifié, s'est devenu un simple prestataire de service. Et maintenant ça s'aggrave puisqu'on va même le consulter parce qu'il a des avis Google positifs ou alors il a un créneau disponible sur une célèbre plateforme de rendez-vous. Donc il y a vraiment un changement, il n'y a plus de paternalisme, ça c'est clair, médical. Et quand il y a échec thérapeutique, même si les soins ont été attentifs, consciencieux, etc. et encore plus fortes raisons dans le cas contraire, s'il y a échec, dans la tête du patient, c'est qu'il y a eu faute médicale. On est dans une société de droit, le droit est partout et tous les risques de la vie sont assurés. Maladie, chômage, les animaux, l'assurance-vie. Et donc en matière médicale, dès lors qu'il y a un échec, le patient devient une victime. Et s'il y a victime, il va demander réparation. Et comme en droit, on dit que tout dommage doit être réparé par celui qui l'a commis, le patient va automatiquement se retourner contre nous. soit en nous demandant de refaire gratuitement ou de prendre à charge la suite du traitement gratuitement, soit si nous refusons, il va solliciter la RCP ou pour saisir les tribunaux. Est-ce qu'il est plus procédurier ? Disons qu'il a plus facilement accès à tous ces éléments-là.
- Speaker #1
Anne-Catherine vient de le mettre le doigt sur un changement dans la relation soignant-soigné que j'ai moi-même observé tout au long de ma carrière. La loi Kouchner de 2002 a vraiment transformé la relation de soins en faisant du patient un acteur clé de sa santé et en quelque sorte un consommateur de soins. Les professionnels comme moi ne sont plus vus uniquement comme des autorités incontestées, mais comme des prestataires de services choisis parfois sur la base d'avis Google ou de disponibilité sur des plateformes de rendez-vous. Cela a sans doute ses aspects négatifs, comme le soulignait Catherine. Les patients peuvent être plus méfiants, plus exigeants sur les coûts et parfois prêts à contester notre expertise. Cependant, j'y vois aussi des avantages indéniables. Les patients... mieux informés sont plus impliqués dans leur santé et dans la prévention. Cette ouverture permet également de remettre en question des pratiques anciennes et de dénoncer certains abus, contribuant aussi à une évolution positive de notre profession. En cas d'échec thérapeutique, la situation peut rapidement devenir complexe. Comme le dit Anne-Catherine, le patient, se percevant comme une victime, peut exiger des réparations, ce qui peut conduire à des demandes de refaire le traitement gratuitement, ou pire, à des litiges juridiques. Si d'un côté cette pression peut être pesante, elle réaffirme la nécessité d'une communication claire et transparente entre le soignant et le soigné, et d'une pratique aussi rigoureuse. Ainsi, la relation entre médecin ou dentiste et patient évolue constamment, reflétant les changements de notre société. Cette évolution, parfois délicate, est aussi une opportunité de renforcer la confiance et l'efficacité des soins que nous dispensons, nous rappelant aussi que tout n'est jamais noir ou blanc. dans la complexité des soins de santé. Dans notre pratique quotidienne, nous faisons face à des situations qui peuvent vraiment nous mettre dans l'embarras, surtout quand nous sommes de jeunes praticiens. Un exemple typique, c'est la fracture d'un instrument canalère lors d'un traitement endodontique. C'est un risque qui est connu et quelque chose que nous devons donc expliquer aux patients avant le traitement, mais quand ça arrive, la réaction à avoir n'est pas toujours évidente. On pourrait être tenté de ne rien dire, espérant qu'il n'y aura pas de complications comme une infection ou que le problème ne sera pas découvert par un confrère. Cependant, à mon avis, ce n'est pas la meilleure approche. Si un an plus tard une infection se développe et qu'il faut référer le patient à un endodentiste pour un traitement plus poussé, qui ne sera peut-être pas entièrement couvert par l'assurance, la situation devient alors plus compliquée. Et que faire quand le problème tant redouté arrive ? Comment assurer que le patient comprend les risques sans paniquer et sans ressentir de l'animosité en cas de complication ?
- Speaker #0
Nous avons des assurances qui sont faites pour ça. Nous avons des assurances qui sont faites pour ça. Là, on est dans la situation où il y a un risque qui s'est matérialisé et nous avons des assurances responsabilité civile qui sont faites pour couvrir ce risque-là. Alors, certains vont adresser à l'endodontiste et vont prendre en charge eux-mêmes, ils vont s'auto-assurer, ils vont prendre en charge eux-mêmes la facture de l'endodontiste. D'autres vont faire une déclaration de sinistre auprès de leur assureur, c'est l'assureur qui va éventuellement prendre en charge cette facture. Mais précédemment, je parlais du devoir d'information. Et effectivement, c'est ce qui mène au litige, très souvent au litige judiciaire, c'est le défaut d'information. Mais là, effectivement, le patient est au courant qu'il y a eu un problème et finalement, tu assumes le problème. C'est-à-dire que tu l'orientes, tu as une obligation de suivi. Tu dois adresser ton patient, il ne faut pas le laisser dans la nature.
- Speaker #1
L'idée finalement, c'est d'éviter les bras de fer, que ce soit bras de fer avec nos patients et bras de fer avec l'administration, parce que c'est perdu.
- Speaker #0
Tout à fait. La gestion, vraiment, c'est tout l'art de gérer et de prévenir les conflits. Et l'argent est toujours au cœur du problème chez nous. On n'a pas de problème d'égo. Ça m'a coûté tant ou Ça va me coûter tant Le patient, c'est la première chose qu'il demande, c'est combien ça va lui coûter.
- Speaker #1
Donc, question importante, puisque c'est un peu le cœur du... du sujet. Pourquoi c'est important de parler d'argent dans le soin et comment le faire ? Alors, juste petite précision, c'est vrai que moi, c'est un sujet qui revient souvent quand on se retrouve entre dentistes et copains dentistes. Il y a quand même beaucoup de personnes qui te disent Moi, je ne parle pas d'argent avec mes patients, je délègue ça à la secrétaire et quand la question arrive sur le tapis, j'élude, je contourne le sujet pour tout de suite l'éviter. Bonne ou mauvaise idée ?
- Speaker #0
Je vais déjà faire une petite aparté un peu polémique. Il y a une vieille boutade qui dit la santé n'a pas de prix mais elle a un coût Et depuis quelques années, on a quand même la société qui essaie de faire croire au grand public que la santé, c'est tellement inestimable qu'elle doit être prise en charge par l'État jusqu'à devenir gratuite pour le patient. Donc on a eu avec Martine Aubry en 1999 la mise en place de la CMU pour avoir une couverture sociale des patients les plus... les plus défavorisés. Et puis, c'est devenu l'ACS. Les employeurs, on leur a demandé gentiment après de mettre en charge une mutuelle pour leurs salariés et puis de participer bien sûr au financement. Cette FEMU, elle tombe maintenant un peu à s'élargir, à se généraliser à l'ensemble des assurés sociaux avec la réforme 100% santé. Et puis très bientôt, ça va être la gratuité qui va être mise en place, en tout cas un semblant de gratuité, avec le tiers payant généralisé. Donc, on a une volu... qui est idéologique, politique, que de chercher un peu à gommer la valeur monétaire de l'argent, de la santé pardon, et du coup de gommer aussi la valeur de notre travail. Donc je pense que oui, nous devons parler absolument argent avec nos patients et pas par le biais de l'assistant. C'est nous qui réalisons le travail pour qu'ils comprennent la valeur de notre traitement. Et c'est pour ça que c'est aussi important de donner des devis aux gens qui relèvent de la solidarité nationale. Il faut qu'ils sachent quel est le coût des prestations dont ils vont bénéficier. Donc parler à l'argent, c'est vrai que c'est compliqué, c'est compliqué pour nous Français. Je pense que ça devrait être enseigné dans notre cursus. Certains sont plus à l'aise que d'autres, mais il faut absolument en parler pour pouvoir garder une juste distance. Je m'explique, dans nos cabinets dentaires, nous sommes en colloque singulier avec le patient, mais nous ne sommes pas les rédacteurs de la convention. Nous ne sommes pas les rédacteurs de la loi de finances de santé, nous ne sommes pas responsables de tout ça, nous ne sommes pas non plus dans la tête du patient et encore moins dans son portefeuille. Notre devoir de professionnel, c'est de poser un diagnostic, de présenter le plus simplement possible les différentes options thérapeutiques, leur coût, leur prise en charge. Mais in fine, c'est le patient qui décide. Et nous n'avons pas à nous mettre à la place du patient, ni à le sous-estimer. La seule chose, c'est qu'on doit respecter le tact et les mesures, et puis expliquer simplement les choses. Donc voilà, savoir parler d'argent, c'est fondamental, et c'est d'autant plus fondamental quand il y a un échec thérapeutique. C'est tout l'art de désamorcer les conflits, justement. Nous, nous travaillons sur le corps humain, nous savons qu'il y a une part d'imprévu, mais cette part d'imprévu, elle n'est pas vraiment acceptée par le patient et elle n'est pas toujours assumée par le chirurgien dentiste, surtout s'il n'a pas commis de fautes. Et ça devient compliqué quand il y a une thérapeutique qui doit être mise en place qui n'est pas prévue et qui est plus coûteuse.
- Speaker #1
Après l'intervention d'Anne-Catherine, je ne peux m'empêcher de penser à ce que Léna, ma collaboratrice, disait dans le premier épisode. Elle mentionnait combien il lui était difficile de parler d'argent avec ses patients, une gêne que je ressens aussi profondément. Même aujourd'hui, je trouve cela pénible. Par exemple, lorsque j'établis un devis pour un traitement parodontal, j'ai tendance à sous-estimer le temps nécessaire pour proposer le tarif le plus bas possible. Et pour mes patients souffrant de maladies chroniques, comme le diabète ou les maladies cardiaques par exemple, je ne leur montre pas le cours réel des traitements. Et suite à ce que vient de dire Anne-Catherine, je pense effectivement que c'est un tort. Ce que dit Anne-Catherine résonne particulièrement en moi. Nous devrions être capables de discuter ouvertement des coûts avec nos patients, de valoriser notre travail sans honte. Elle rappelle l'importance de cette transparence pour maintenir une distance professionnelle appropriée, en soulignant que nous ne sommes pas responsables des structures tarifaires imposées par la loi et la Convention. Nous diagnostiquons, nous proposons, mais in fine... c'est le patient qui décide. Reconnaître l'importance de parler d'argent est important, surtout lorsqu'un traitement ne se passe pas comme prévu. Cela aide à prévenir les conflits, en rappelant que même si nous oeuvrons avec soin, le corps humain peut réserver des surprises, et ces imprévus ne sont souvent ni acceptés par le patient, ni pleinement assumés par nous, les dentistes, surtout si nous n'avons commis aucune faute. Cette discussion m'incite à réfléchir sur mon propre malaise face à l'argent. Peut-être est-il temps pour moi d'apprendre à être fière du travail que je fais et de reconnaître sa valeur financière comme un aspect légitime de ma profession. C'est déjà la fin de notre épisode avec la docteure Anne-Catherine Gallou. Aujourd'hui, nous avons continué ce voyage sur le sujet de l'argent qui reste, comme le souligne Anne-Catherine, souvent au cœur des problèmes dans notre pratique. Elle nous a rappelé... combien il est crucial de comprendre les règles du jeu de la Convention avec la Sécurité sociale et les conséquences de ne pas les suivre. En plus de discuter des aspects financiers, nous avons exploré l'importance de la transparence avec nos patients, surtout en ce qui concerne les risques des traitements et la gestion des complications. Comme l'argent est souvent la première préoccupation de nos patients, il est essentiel de discuter ouvertement des coûts pour maintenir une relation de confiance et prévenir les conflits. Un grand merci à Anne-Catherine pour ses précieux conseils, également à Pauline Bussy pour le montage, à Maxime Wattieu pour la musique et à Camille Covez pour l'illustration de cet épisode. Si vous appréciez mon travail, pensez à soutenir le podcast sur la cagnotte Tipeee, ça m'aide énormément. Ne manquez pas le prochain épisode où nous aborderons le sujet du déconventionnement avec la docteure Pauline Chardron-Mazière. A très bientôt pour continuer cette exploration ensemble.