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Entretien avec un dentiste

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 6 Le va-et-vient du conventionnement

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 6 Le va-et-vient du conventionnement

57min |11/09/2024|

660

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Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 6 : Le va-et-vient du conventionnement

Dans cet épisode, j'accueille Pauline Chardron-Mazière, chirurgienne-dentiste, qui a un exercice exclusif en pédodontie et en soins spécifiques handicap, et qui partage ici son expérience unique de déconventionnement, puis de reconventionnement. Pauline nous raconte les raisons qui l'ont poussée à sortir du cadre conventionné, et ce qui l’a finalement motivée à revenir. Elle dévoile les défis auxquels elle a été confrontée, les réflexions personnelles derrière ce choix audacieux, ainsi que l’impact de cette décision sur sa pratique professionnelle et sa relation avec les patients.

🔍 Dans cet épisode, vous découvrirez :

  • Pourquoi Pauline a décidé de se déconventionner

  • Les avantages et les inconvénients du statut de chirurgien-dentiste déconventionné

  • Ce qui l'a fait revenir dans le cadre conventionné

  • Comment ces changements ont influencé son approche des soins et de la relation patient-praticien


Bonne écoute 🎧!


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Merci pour votre écoute et votre engagement, qui rendent cette aventure possible. Restez à l'écoute et n'hésitez pas à laisser vos commentaires et suggestions pour les futurs épisodes !


Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Pauline Chardron-Mazière pour son partage d'expéreince si précieux.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce sixième épisode de la série Mon voyage à travers l'argent en dentisterie Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui, nous abordons un sujet qui m'a moi-même tracassée à un moment clé de ma carrière, à savoir lorsque j'ai décidé d'orienter mon exercice vers la parodontologie. J'avoue qu'après quelques mois passés à devoir expliquer pourquoi les soins relatifs au traitement de parodontologie n'étaient pas remboursés, l'idée de me déconventionner m'a effleurée. Je me souviens très bien d'une conversation avec mon associé, Marie, qui se posait la même question. Marie ayant un exercice exclusif en pédo-noncie et moi en parodontologie, ressentions toutes les deux une grande frustration face à la nécessité constante de justifier les actes non remboursés que nous réalisions. Nous pensions peut-être naïvement que le déconventionnement nous épargnerait cette tâche délicate, nous permettant ainsi de nous concentrer davantage sur notre pratique et nos patients. Mais comme nous allons le découvrir à travers l'expérience de la docteure Pauline Chardon-Mazière, la réalité est souvent bien plus complexe qu'il n'y paraît. Avant de plonger dans cet épisode, je souhaite vous parler d'un projet imminent qui me tient particulièrement à cœur. Dans quelques semaines, je vais partir avec Cécile, mon assistante, en mission humanitaire à Madagascar, où j'aurai l'occasion de travailler en tant que dentiste auprès de populations qui, comme vous le savez, ont un besoin urgent en soi en tout genre. Cette mission, vous vous en doutez, sera aussi l'occasion de réaliser une série documentaire pour partager avec vous cette aventure, les moments forts, les craintes, les rencontres et les leçons que je tirerai de cette expérience. Pour mener à bien ce projet, j'ai besoin plus que jamais de votre soutien. Les fonds récoltés serviront à l'achat de matériel nécessaire pour la mission, mais aussi pour la création musicale, les visuels et le montage de la série. Si ce projet vous parle et que vous souhaitez y contribuer, je vous invite à faire un don. Chaque geste compte et m'aidera à concrétiser cette aventure humaine et professionnelle. Vous trouverez toutes les informations pour participer dans la description de cet épisode, dans laquelle je vous ai mis le lien vers la cagnotte Tipeee. Merci infiniment pour votre soutien. Épisode 6, le va-et-vient du conventionnement. Place au sujet du jour, revenons à l'expérience de la docteure Pauline Chardron-Mazière qui va nous expliquer pourquoi elle a fait le choix de se déconventionner avant finalement de revenir sur cette décision. Son parcours atypique éclaire avec profondeur les réalités économiques et éthiques de notre métier.

  • Speaker #1

    Moi je me qualifierais plutôt de fourmi. Donc je suis d'un naturel très prudent. Et donc, je gère mon cabinet avec beaucoup de prudence aussi. Sachant que dans l'ensemble de ma vie, je considère que c'est un peu une banalité, mais que l'argent est un moyen et non une fin. Et donc, je garde toujours en mémoire mon objectif de vie et je détermine la question de l'argent en fonction de cet objectif de vie et non pas le contraire.

  • Speaker #0

    Ce que Pauline exprime ici. Selon moi, est loin d'être une banalité. Au contraire, je pense que c'est une réflexion fondamentale. Analyser son propre rapport à l'argent est essentiel, car il est souvent façonné par une multitude de facteurs. L'éducation, le modèle parental, la culture de notre pays, et bien plus encore. Prendre conscience de ces influences peut changer notre façon d'aborder notre carrière, nous permettant d'éviter de suivre des chemins tout tracés, qui ne sont pas forcément les nôtres. Avant de se lancer dans la vie professionnelle, et particulièrement avant d'investir, je trouve qu'il est crucial de savoir quels sont nos objectifs de vie. Cela implique de bien se connaître, de comprendre ce qui nous motive vraiment, ce qui, avouons-le, n'est pas toujours évident lorsqu'on est jeune. Ce qui est certain, c'est que nous n'avons pas tous et toutes les mêmes critères de réussite. Ce qui, pour certains, peut symboliser le summum de la réalisation de soi, comme avoir un gros cabinet à la Nip-Tuck, peut pour d'autres représenter une véritable prison dorée, voire un précipice vers le burn-out.

  • Speaker #1

    La question de la relation à l'argent avec les... parents de mes patients, ça peut être aussi avec mes patients parce que pour l'anecdote, j'ai quand même beaucoup de petits, c'est-à-dire même à partir de l'âge scolaire, 6-7 ans, qui font des commentaires sur les tarifs, c'est assez rigolo. Et parenthèse aussi, peut-être ce qui me choque beaucoup, c'est que depuis le paiement sans contact, les enfants touchent beaucoup plus la carte bancaire de leurs parents et automatiquement le mettent sur le lecteur de carte bancaire en sans contact. Moi qui suis de l'ancienne génération, je suis un peu abasourdie et je pense que ce n'est pas très sain de donner facilement une carte bancaire à un enfant de 6-7 ans. Je pense qu'en termes de connaissance de la valeur de l'argent, on est dans l'erreur. Petite parenthèse. Alors avec mes patients, j'ai un rapport qui est très clair parce que tout est transparent et tout est écrit. C'est-à-dire que dans la salle d'attente, les tarifs sont écrits comme ils doivent être. Je mets également tout sur devis, que j'appelle proposition thérapeutique et devis, parce que par contre, je suis très mal à l'aise avec le terme de devis. Et donc, tout est affiché, tout est écrit et tout est signé. Et donc, à partir de ce moment-là, les choses deviennent très très simples pour moi et je distingue vraiment le côté soins médicaux du côté... financier. Donc, une fois qu'on a parlé de la question finance, j'insiste vraiment sur le fait que maintenant, on va parler médecine avec les parents et avec les patients et qu'on arrête de parler argent. Je distingue bien le patient et la personne qui paye ensuite, parce qu'effectivement, tout se paye.

  • Speaker #0

    Pourquoi tu disais que tu n'étais pas à l'aise avec la notion de devis ? Enfin, je comprends, mais j'aurais aimé que tu l'expliques.

  • Speaker #1

    Alors, En fait, pour moi, le devis, c'est le devis que je vais signer avec mon garagiste, avec mon plombier. Et le devis d'une prestation médicale, vraiment, ça me choque comme terme. Et là, j'ai enfin trouvé, au bout de vingt et quelques années d'exercice, la manière de m'en sortir moi, parce que je conçois que ça soit un terme officiel, ok, mais en même temps, moi, j'étais très mal à l'aise, parce que pour moi, un devis se négocie. Moi, ça, je n'aime pas du tout dans le côté soins médicaux. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que je n'aime pas non plus le côté en pédodensie, je fais la chirurgie si le devis du mainteneur d'espace est signé. Ça, ça me choque aussi beaucoup, le côté avance des soins prothétiques qui fait qu'on va faire l'acte de soins ou pas. Et donc ça, je n'aime pas, ça me choque aussi. Et en même temps, je l'entends. Et le troisième point, c'est que le patient ayant... la liberté de choix de son traitement du début à la fin et même quand il a commencé éthiquement, il a le droit d'arrêter. Ça m'ennuie d'avoir cette notion de finalement, dans le devis, je fais premier point, deuxième point et puis je vais m'arrêter. Et en même temps, il a le droit d'arrêter. Donc, avec ces trois choses-là, je me suis creusé la tête et maintenant j'envoie un document qui s'appelle Proposition Thérapeutique et devis. Et... Ça me permet, moi, d'être beaucoup plus à l'aise quand je le présente et de dire, voilà, dans mon cabinet, si on vient me voir, voilà ce que moi je propose comme thérapeutique. Parce que c'est cohérent par rapport à votre besoin de santé, par rapport au besoin de santé de votre enfant. Il se trouve qu'associé à cette proposition thérapeutique, il y a des codes administratifs. et des tarifs. Mais d'abord, on va discuter sur est-ce que vous êtes OK pour que moi, Pauline Chardon-Mazière, je soigne votre enfant dans la globalité de ses besoins de soins de santé alimentaire tels que moi je les évalue. Si c'est oui, parfait, on passe au devis. Si c'est non... Mais il n'y a pas de problème, en région parisienne, pour le coup, on est beaucoup de cabinets pédodontiques, donc on peut tout à fait aller voir un collègue ou une collègue qui proposera peut-être une autre thérapeutique. Mais en tout cas, c'est important pour moi de faire le distinguo entre cette proposition thérapeutique qui est vraiment mon document cadre de travail et mon objectif de traitement, et il se trouve qu'il est associé à des codes et à un aspect financier qui s'appelle le devis.

  • Speaker #0

    Pauline associe le terme devis à une transaction commerciale similaire à celle que l'on ferait avec un garagiste ou un plombier. Elle trouve cela inapproprié dans le contexte des soins médicaux, car pour elle, un devis implique une négociation, ce qui ne correspond pas à la nature des soins qu'elle propose. Pour moi, la notion de négociation est complexe, car elle sous-tend une question de confiance qui me semble primordiale, que ce soit dans le domaine des soins, de l'artisanat ou de n'importe quelle transaction. Cela fait écho à ce tact et mesure évoqué par Anne-Catherine dans le précédent épisode. Personnellement, lorsque je fais appel à un artisan, puisque l'exemple avancé par Pauline est celui du plombier, j'estime que son devis reflète le coût des matériaux, de la main d'œuvre et de son expertise. Même si je sais qu'il y a une marge d'erreur possible, je fais confiance à l'artisan pour la justesse de son devis. Si je lui demande de baisser son prix et qu'il le fait, cela signifie soit qu'il a artificiellement gonflé le prix, ce qui me donnerait l'impression d'avoir été berné, soit qu'il a cédé sous la pression et qu'il a renié sur la qualité des matériaux du temps passé, ce qui va me pénaliser d'une manière ou d'une autre. C'est pourquoi je ne négocie jamais les devis. Pour moi, c'est une question de respect. Si je trouve que le devis est trop élevé, je vais alors entamer une conversation avec l'artisan pour lui demander pourquoi son prix est si élevé, qu'est-ce qui le justifie. Dans un deuxième point, Pauline exprime son malaise face à une pratique qu'elle observe en pédodontie où la réalisation de certains actes, chirurgicaux notamment, peut être conditionnée par la signature préalable d'un devis pour les soins non remboursés, tels que les mainteneurs d'espace. Cela la choque, car cela revient à conditionner l'accès à des soins indispensables et pris en charge par l'acceptation d'actes supplémentaires non remboursés. Cette situation crée une inégalité de traitement qui, selon Pauline, et je la rejoins sur ce point, ne devrait pas exister. Ce parallèle entre les soins pris en charge, donc jugés indispensables, comme évoqué dans l'épisode 2 avec la docteure Anne-Charlotte Bas, Et les soins non remboursés met en lumière une problématique éthique. L'acceptation du devis pour des actes non remboursés ne devrait jamais être un frein à la réalisation des soins médicaux indispensables. Même si, comme Pauline, je comprends la réalité économique qui peut pousser à de telles pratiques, cela reste une source de grandes préoccupations éthiques. Nous y reviendrons ultérieurement. Pauline souhaite que ses patients adhèrent pleinement à la proposition thérapeutique globale qu'elle juge la plus adaptée à leurs besoins de santé. Elle veut que les considérations financières ne soient pas l'unique motivation ou frein au traitement. C'est pourquoi elle dissocie clairement le devis de la proposition thérapeutique. Elle encourage les patients à choisir un autre praticien s'ils ne sont pas en accord avec sa proposition de traitement, car elle estime que pour offrir des soins de qualité, il est essentiel que le patient et le praticien partagent la même vision du traitement. Enfin, en troisième point, ce qui chagrine Pauline, c'est le fait que le patient puisse retirer son consentement à tout moment, ce qui, selon elle, complique la continuité et l'efficacité du traitement. Elle rejoint ainsi la réflexion d'Anne-Catherine Gallou dans l'épisode précédent, qui soulignait que la médecine n'est pas comparable à un supermarché où l'on peut composer sa liste de courses en choisissant certains actes et en laissant de côté d'autres. Pour Pauline, un traitement doit être envisagé dans son ensemble avec une logique et une cohésion qui vont du début à la fin. C'est dans ce souci d'intégrité thérapeutique qu'elle préfère parler de proposition thérapeutique plutôt que de devis. Cette approche est particulièrement pertinente en pédononcie, un domaine où la relation thérapeutique se construit à trois acteurs, l'enfant, les parents et le ou la dentiste. Dans cette dynamique triangulaire, l'enfant n'est pas toujours le décisionnaire, ce qui complexifie encore davantage la notion de consentement. Chacun doit être en phase avec le traitement proposé, ce qui rend essentiel le maintien d'une stratégie thérapeutique claire et bien définie. Et si je comprends bien, c'est ce besoin de clarté et d'engagement mutuel qui pousse Pauline à séparer nettement la proposition thérapeutique représentant l'approche globale du soin du devis qui en découle. Je glisse ici une petite parenthèse. Si ces sujets vous intéressent, je vous invite à venir assister à une table ronde que j'aurai l'honneur et le plaisir de présider à l'ADF en fin de cette année 2024, dont Pauline fera partie. Nous y aborderons ces questions en profondeur dans le cadre d'une discussion riche et constructive avec des intervenants passionnants sur le thème du consentement. Quand tu as décidé de te consacrer exclusivement à la pédodoncie, est-ce que tu étais consciente des difficultés que ça pouvait induire d'un point de vue financier ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Pas du tout puisque j'ai commencé la pédodoncie en salariat. Mais en salariat, au chiffre. C'est-à-dire que je n'avais pas de fixe. J'avais qu'un pourcentage sur les actes. Par contre, dans un centre de santé, tu travailles vite. Alors, tu peux travailler vite et bien. Je n'ai jamais bâclé du tout, mais tu travailles vite. Et surtout, tu commences avec un pool de patientelle énorme. Je n'ai pas eu à créer de patientelle dans mon premier exercice, puisque c'était du salariat. Donc en fait, avec un planning plein, Et avec une façon de travailler qui était très méthodique, très cadrée et sans du tout avoir d'aspect administratif à faire, moi franchement j'ai très très bien gagné ma vie pendant mes années de salariat. De pédos exclus, donc absolument sans aucun NPC, que du soin. Et que j'avais une assistante.

  • Speaker #0

    Est-ce que le fait que tu me disais tout à l'heure que tu avais des... des patients qui venaient quand même de milieux défavorisés. Tu faisais des soins qui étaient tous des soins qui faisaient partie de la nomenclature. Il n'y avait pas à présenter des devis, à avoir des patients qui ne voulaient pas faire ou faire tels actes et pas tels autres actes. Ça t'a simplifié la vie aussi ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Vraiment, la question de l'argent en salariat, là où j'étais, elle ne se posait pas. Par contre, j'avais quand même beaucoup de temps de discussion parce que, parce qu'il y avait la barrière de la langue, parce qu'il y avait des contextes financiers terribles d'habitats insalubres dans les hôtels. Donc, par contre, je prenais... beaucoup de temps à faire de la prévention et de la prévention adaptée. Alors tu me diras c'est pas la question de l'argent mais mine de rien quand il faut expliquer quand il faut dialoguer sur l'alimentation avec un parent qui te dit qu'il est à l'hôtel, qu'il peut pas faire à manger donc que tous les soirs ses enfants mangent McDo parce que c'est pas cher et au moins c'est un peu chaud ben là d'un coup tu passes pas de temps à parler argent directement. Par contre, tu passes du temps à réfléchir à comment tu vas adapter tes connaissances en matière de prévention fraîchement acquises à la fac avec cette situation économique que toi-même tu ne connais pas du tout, parce que moi je viens d'un milieu assez tranquille, banlieue ouest parisienne, à ces personnes qui sont en difficulté, elles d'argent, qui sont incroyables. Donc la question de l'argent finalement, tu vois, c'est intéressant, elle ne se pose pas comme ça. à moi en tant que praticien réalisant un devis, mais elle se pose dans la question de est-ce qu'il y a assez d'argent pour acheter une brosse à dents et pas pour une brosse à dents pour cinq, mais une brosse à dents pour chaque enfant de la fratrie ? Est-ce qu'il y a un point d'eau dans le logement ? Est-ce qu'il y a la possibilité de cuisiner et non pas de manger n'importe quoi à bas prix ? Et donc, cette question de l'argent, elle, mine de rien, tu vois. Je m'aperçois qu'elle est là quand même, mais à un autre point de la relation.

  • Speaker #0

    Mais disons que là, toi, tu pouvais te décorréler de cette question-là pour tes actes et le temps que tu allais passer avec tes patients, et en fait, tu étais beaucoup plus dans le soin.

  • Speaker #1

    Ah ben, 100%.

  • Speaker #0

    Je trouve que ce que Pauline décrit ici est extrêmement révélateur. Lorsqu'on parvient à se détacher de la question de la rentabilité, on peut se permettre d'accorder davantage de temps à écouter, informer et accompagner les patients. Quelque part, cela confirme l'idée persistante que j'ai que la pression économique limite notre capacité à offrir des soins complets et humanistes. Pauline a eu la chance de vivre cette expérience en début de carrière, dans un contexte où elle n'avait pas à se soucier de la rentabilité de chaque acte. Mais il est important de souligner que le paysage de la santé a considérablement évolué ces dernières années. Aujourd'hui, la course à la rentabilité et à la mercantilisation des soins, que nous avons évoqué avec Olivier Sirand dans l'épisode 3, se sont intensifiées. Les conditions d'exercice que Pauline a connues à ses débuts pourraient bien avoir changé, avec des répercussions sur la qualité des soins et le temps que l'on peut accorder à chaque patient. L'autre point intéressant soulevé par Pauline est l'aspect financier du point de vue des patients. Même si dans ce contexte, elle n'avait pas à discuter directement d'argent pour ses actes, la question d'argent refaisait surface sous une autre forme. Les préoccupations financières des patients se manifestaient dans des détails qui peuvent sembler anodins, mais qui sont en réalité essentiels. La capacité à acheter une brosse à dents pour chaque enfant, à avoir un point d'eau pour se brosser les dents, ou même à pouvoir cuisiner des repas sains. Cela nous rappelle que... même lorsque l'on parvient à s'extraire des considérations financières dans notre pratique, la question de l'argent reste omniprésente dans la vie des patients, influençant indirectement la qualité de nos soins.

  • Speaker #1

    Je reviens à ce que tu disais tout à l'heure sur la méconnaissance des nomenclatures et le fait qu'on est... On n'a pas beaucoup de connaissances en matière administrative. Là, je vois, j'ai eu quelques appels de jeunes praticiens qui se demandaient pourquoi... je facturais des choses NPC et qu'ils m'avaient envoyé des patients et que les patients étaient revenus en n'étant pas contents actuellement parce qu'il y avait du NPC en plus des soins. Et à ces jeunes-là, je leur ai dit il faut absolument que vous ayez une connaissance importante de la nomenclature. La CCAM, ça s'apprend. ce n'est pas juste une ligne dans un tableau fourni par les réseaux sociaux. Ça s'apprend et ça se décortique. Et en fait, quand on décortique bien la CCAM, quand on lit bien tous les termes, c'est beaucoup plus simple ensuite de savoir ça c'est remboursé correctement, ça c'est un NPC, etc. et de pouvoir l'expliquer au patient. Je pense qu'il y a un manque de travail réflexif autour de la CCAM chez les jeunes praticiens qui ne la digèrent pas. Il ne s'agit pas de faire passer un NPC, il s'agit juste de comprendre. à quoi ça sert, et de savoir si ça répond aux besoins du patient. Si ça répond aux besoins du patient, on va lui exprimer et lui dire que si ce n'est pas remboursé, ce n'est pas pour ça qu'il n'en a pas besoin.

  • Speaker #0

    Pauline fait ici référence à la discussion que nous avons eue juste avant l'enregistrement au sujet de ma conversation avec Anne-Catherine Gallou pour l'épisode précédent. Je rejoins Pauline. C'est essentiel de bien connaître la nomenclature. Elle a raison de souligner l'importance de maîtriser la CCAM. Je dirais même que c'est une compétence indispensable pour expliquer clairement aux patients ce qui est remboursé de ce qui ne l'est pas, et pour éviter tout malentendu. Mais je dois bien avouer que de mon côté, je n'ai jamais eu le courage ni la patience de me plonger dans les méandres de la CCAM comme Pauline l'a fait. L'idée de passer des heures à décortiquer des lignes de code m'a toujours rebutée. Mais voilà, on peut changer, et ce podcast sert aussi à ça, à comprendre et à évoluer. C'est pourquoi, à l'instant où j'enregistre ces lignes, je viens juste de faire un tour sur internet et d'acheter le livre de notre confrère Marc Sabeck, Honoraires et Nomenclature. Peut-être que cela va enfin me motiver à m'y mettre. Et non, ce n'est pas de la publicité, promis, Marc Sabeck ne sait même pas que je vais le citer ici. On a vu cette étape de salariat, je voulais savoir en fait ce qui t'avait conduit à vouloir créer ensuite ta propre structure.

  • Speaker #1

    Alors j'ai été salariée pendant dix ans, c'était vraiment super et puis il se trouve que j'ai voulu pour des raisons personnelles me rapprocher de mon domicile et soigner, orienter mon exercice vers les personnes en situation de handicap et ce n'était absolument pas possible dans le centre où j'étais. J'en soignais quelques unes, quelques enfants. mais c'était vraiment la configuration des lieux ne s'y prêtait pas du tout. Donc j'ai eu l'occasion par le centre où j'étais de faire un DU de management par la qualité en odontologie dans lequel j'ai appris beaucoup beaucoup de choses sur l'organisation d'un cabinet, sur des points pratiques, sur des points économiques, sur des points de management. Je suis loin de mettre tout en pratique, mais en tout cas, j'ai beaucoup appris. Et surtout, ça m'a donné à ce moment-là la force de me dire, allez, je me lance toute seule en libéral. J'avais 11 ans de pratique, donc j'étais assez sûre de moi sur la qualité de mes soins. Et donc, je me sentais capable de me lancer en libéral à ce moment-là. Donc, c'est pour ça que j'ai passé le pas. Et c'est pour ça que j'ai créé Prêt de chez moi. une structure vraiment dédiée au handicap. Alors toute seule, au départ, je m'étais dit, oh là là, toute seule, c'est pas facile. Est-ce que je vais pas essayer de trouver quelqu'un pour m'associer et tout ? Et puis autour de moi, il y avait des associations qui n'étaient pas forcément hyper, qui se passaient pas hyper bien. Donc je me suis dit, bah non, je vais être toute seule, toute seule, très bien. J'ai, mon assistante du centre est venue avec moi. Donc là aussi, j'étais assez assurée d'avoir quelqu'un avec qui, Je travaillais depuis plusieurs années, donc ça allait bien rouler. Et puis après, classique, l'achat des locaux. Alors là, ça a été un peu compliqué d'obtenir un prêt, parce que forcément j'avais un business plan qui ne correspondait pas du tout au business plan d'un cabinet dentaire classique. Donc là, le banquier a un peu fait les yeux ronds en me demandant comment j'allais me débrouiller. La question du handicap a été très problématique. Dans le business plan, à partir d'actionnel, j'avais mis cette spécificité en avant. Et en fait, c'était, aux yeux du banquier, c'était un facteur de risque. Donc, ça a été compliqué pour moi d'obtenir un prêt, de par le faible chiffre d'affaires par rapport à la grille classique des cabinets, et de par cette notion de je vais soigner des personnes en situation de handicap Bon, forcément, ça m'a fait hurler, et du coup... Au final, j'ai réussi à avoir mon prêt. Et puis après, je me suis lancée. Et très rapidement, l'activité s'est développée. J'ai commencé en décembre 2013. Et j'avais un planning subcomplet en juin 2014. Donc ça s'est passé assez facilement.

  • Speaker #0

    Au bout de combien de temps de création de ton cabinet, tu as décidé de déconventionner ? Et qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur ?

  • Speaker #1

    Alors, l'élément déclencheur, ça a été le changement de comptable. Et la nouvelle comptable, quand elle a mis le nez dans les comptes, elle a trouvé qu'il y avait quelqu'un qui était très très mauvais payeur. Et elle m'a demandé qui c'était. Je lui ai dit, c'est la sécurité sociale et le tiers payant. Je ne sais pas si c'était pareil pour tous les départements, mais il y avait des retards de paiement incroyables, ou alors il y avait des paiements partiels. Alors parfois, je me souviens très bien à l'époque, le détartrage à tu pouvais avoir un paiement à... 25,03 euros. Et puis, le mois d'après, le paiement du complément. Et donc, pour faire les rapprochements comptables, c'était la croix et la bannière. Ça, c'était le premier point. Et puis, le deuxième point, c'est que il y avait beaucoup de nouveaux... au centre, qui ne voulaient plus soigner les enfants et qui avaient qui m'envoyaient beaucoup de leurs petits patients ce qui ne me dérangeait pas mais du coup ils oubliaient de préciser que je n'étais pas moi-même un centre ni un hôpital public et donc les actes en NPC m'ont posé problème à ce moment-là parce que les patients arrivaient sans avoir cette notion de spécialiste enfant cabinet privé et là je me suis retrouvée trouvés dans ce dont on parlait tout à l'heure, c'est-à-dire des patients qui ne voulaient faire que la chirurgie, à l'époque 16,72 euros l'attente temporaire, et puis pas de mainteneur d'espace après. Ok, c'est leur choix, mais 16,72€ quand on y passe une demi-heure, le compte est vite fait que c'est assez intenable. Et puis en plus, ça a été à l'époque le passage à la CCAM avec une espèce de rumeur qui parlait justement des conventions, des conventionnements. Je ne me souviens plus exactement, mais... Avec tout ça, j'en parle en juin 2015, j'en parle à la comptable qui me dit Ah non, mais il faut changer de moyen de financement, ce n'est pas possible. J'étais la première dentiste qu'elle avait en comptabilité. Qu'est-ce que c'est que ces choses à perte là ? Non, non, c'est bizarre. Est-ce qu'il y a un autre moyen ? Et je lui dis Ben, il y a un autre moyen qui est de travailler hors convention. Je lui ai expliqué ce que c'était. Elle m'a dit Ah ben, c'est très bien. Allez-y, en septembre, on commence. Comme ça, on a l'impression que je me suis fait imposer le truc, mais non, je pense que c'était juste la petite pichenette qu'il me fallait, parce que moi aussi, ça m'énervait, cette histoire d'actes sous-payés. Parce qu'effectivement, là, par rapport au salariat, je voyais l'argent qui passait. Donc là, effectivement, j'ai beaucoup plus eu la notion des paiements de cabinet dentaire, par rapport à l'exercice en salariat.

  • Speaker #0

    Après dix années d'exercice en tant que salarié, Pauline décide donc de créer sa propre structure. motivé par des raisons personnelles et un désir profond d'orienter son activité vers les soins aux personnes en situation de handicap. Sa démarche était audacieuse, mais elle s'est vite heurtée à une difficulté que je n'aurais pas soupçonnée, obtenir un prêt pour un projet de cabinet qui ne correspond pas au modèle financier classique. Pour le banquier, soigner des personnes en situation de handicap représentait un risque financier. Cette approche purement économique, qui mettait en doute la viabilité de son cabinet à cause de la nature même de sa patientèle, l'a profondément choqué. ce que je comprends aisément. Mais Pauline n'a rien lâché. Elle a réussi à surmonter ses obstacles et à créer une structure florissante dédiée à une population souvent négligée. Toutefois, une fois son cabinet créé, Pauline a rapidement dû faire face à un autre défi, cette fois lié à la gestion financière courante. La gestion comptable est devenue de plus en plus complexe avec des retards de paiement ou des montants partiellement versés de la part de la Sécurité sociale. Pour ajouter à cela, elle a commencé à recevoir de plus en plus de patients venant de centres, qui ne prenait plus en charge les enfants. Les parents de ces petits patients arrivaient souvent sans comprendre que le cabinet de Pauline n'était ni un centre de soins, ni un hôpital public, et se retrouvaient confrontés à des actes non pris en charge, ce qui a généré, ce dont on a parlé tout à l'heure, des choix de traitement orientés vers les soins pris en charge, et donc peu rémunérateurs. C'est à ce moment-là que sa carrière a pris un nouveau tournant. En échangeant avec sa comptable, Pauline a réalisé à quel point certains actes sous-payés, imposés par la Convention, étaient financièrement intenables. Pour elle... L'idée de continuer à soigner avec des tarifs aussi bas, 16,72€ l'extraction par exemple, en y consacrant parfois une demi-heure devenait tout simplement impossible. Le passage à la CCAM et les ajustements liés à cette nouvelle nomenclature ont ajouté une pression supplémentaire. C'est pourquoi, encouragée par sa comptable, Pauline a finalement fait le choix de se déconventionner. Ce que je retiens du parcours de Pauline, c'est que lorsqu'on choisit de sortir des sentiers battus, ici en orientant son activité vers les patients en situation de handicap, un domaine où elle était relativement précurseur en tant que libérale, on est souvent confronté à des obstacles et à des difficultés qu'il est impossible d'anticiper. Pauline a dû essuyer les plâtres, pour ainsi dire, dans un contexte où peu de soutien lui a été offert, que ce soit de la part des banques ou même des organismes comme la Sécurité sociale. Et je dois dire que, comme elle, je suis gênée par le fait qu'un choix d'exercice aussi ambitieux et courageux n'ait pas été davantage soutenu ou facilité. Pourtant, il me semble essentiel de soutenir les praticiens ou praticiennes qui font le choix d'innover et de se consacrer à des populations plus vulnérables.

  • Speaker #1

    C'est très facile de se déconventionner et de se reconventionner. Là aussi, c'est un mythe. En fait, c'est assez simple. Il y a un courrier envoyé à la Sécurité sociale qui nous renvoie une autre CPS et basta. Et je n'ai jamais eu de discussion, moi, sur le pourquoi du comment. J'avais quand même essayé de voir avec la dentiste conseil. Je lui avais parlé que là, au bout d'un an et demi d'exercice, je commençais à avoir les problèmes financiers qui étaient là.

  • Speaker #0

    Et la dentiste conseil, à l'époque, m'avait dit, si vous posez 2-3 implants, ça vous fera votre chiffre du mois. Et là, je me suis dit que manifestement, on n'habitait pas sur la même planète. Donc voilà, en fait, je n'ai eu aucun soutien de la sécurité sociale. Et moi, c'est vrai que j'étais un peu déçue. su, un peu triste même, de me dire Ah mince, j'ai une activité quand même pédo et handicap, il me semble que je réponds à un besoin de santé publique qui n'est pas forcément pourvu à 100% et je dis que je vais partir et en fait, on ne me dit rien. C'est le jeu, mais vraiment, j'ai... Je ne sais pas, le fait de ne pas avoir été un minimum retenu ou un minimum aidé ou un minimum soutenu en me disant Mais non, mais est-ce qu'on ne peut pas trouver une autre solution ? Vous voulez que je m'en aille ? Je m'en vais. Et voilà. Et donc, en trois mois, c'était fait. Alors après, il faut créer une nouvelle grille tarifaire. Donc, hors convention, on applique toujours la CCAM. Donc, simplement, les tarifs sont libres. Donc, ce n'est pas compliqué. On prend le code CCAM et puis, à côté de l'ancien tarif, on met notre nouveau tarif. Voilà. Et on le calcule en fonction du coût horaire du cabinet. Pour le coup, la question de l'argent hors convention face à soi-même, c'est-à-dire quand on est devant son ordinateur, en faisant sa grille tarifaire, c'est ultra simple. C'est une règle de trois. Il faut que l'ensemble de notre chiffre d'affaires corresponde à l'ensemble de nos dépenses. Donc c'est très facile mathématiquement. Après, il y a le problème du remboursement du patient.

  • Speaker #1

    Du coup, qu'est-ce que le déconventionnement a changé dans tes relations avec tes patients concernant ces sujets d'argent ? Merci.

  • Speaker #0

    Alors, ce que le déconventionnement a changé, c'est qu'on parlait encore moins d'argent. C'est-à-dire qu'avant, lorsque je présentais les devis, que je n'appelais pas encore propositions thérapeutiques et devis, j'expliquais qu'il y avait des soins entièrement remboursés et des soins pas du tout remboursés. Ensuite, je détaillais. Et donc, j'ai été confrontée à des patients qui me disaient, moi je ne ferais que la partie remboursée. Assez logique. Et donc, forcément, on était obligé de rediscuter du besoin de soins des enfants, mais on se heurtait toujours à cette notion de, oui mais ce n'est pas remboursé, donc si ce n'est pas remboursé, c'est que ce n'est pas indispensable. Quand tu n'es pas conventionné, en fait, moi je faisais tout passer en acte remboursable. C'est-à-dire qu'il n'y avait plus aucun NPC. Tout était inclus dans du remboursable. Après, c'est très peu remboursable, mais tout est remboursable. Et donc en fait, il n'y avait plus cette suspicion un peu de je compense ce qui est peu payé avec ce qui est NPC, quand il y a quelque chose qui est très peu facturé et puis quelque chose qui est très grandement facturé, alors que finalement la valeur de l'acte est... ne le justifie pas et je prends comme exemple la fluoration forcément on met très cher par rapport à un acte de soins qui est sous-payé les patients sont pas idiots ils voient bien qu'il y a un truc alors que là Je faisais un soin global, mettons, je te donne un exemple, moi mon soin de restauration de carie, il était à 75 euros, quel que soit le nombre de faces, parce que cette histoire de nombre de faces, je la trouve débile, on met autant de temps et autant d'intention à soigner une face et deux faces, et dans ces 75 euros, il y avait également la fluoration qui était comptée dedans. Ou alors c'était 150 avec la coiffe pédodontique qui était comptée dedans. Et donc du coup, tout était remboursable. Donc, il n'y avait plus cette histoire de suspicion de compensation. Et après, tout était sur devis. Donc, moi, mon discours, il était très simple. Voilà, je ne suis pas conventionnée. Ils étaient au courant de partout. Donc, ils savaient qu'ils n'allaient pas être beaucoup remboursés. Tout était écrit sur devis et rien n'était commencé avant le retour de la mutuelle. Donc, en fait, c'est une relation qui, de ce point de vue-là, pour moi, était beaucoup plus simple.

  • Speaker #1

    Ce que l'expérience de Pauline nous montre ici, c'est que le déconventionnement a radicalement changé sa relation à l'argent avec ses patients. En supprimant les actes non pris en charge, NPC, et en appliquant des tarifs clairs, même pour des soins non remboursés, elle a simplifié les échanges. Fini les discussions sur la légitimité des soins en fonction de leur prise en charge. Les patients savaient d'emblée que peu de choses seraient remboursées, et tout était désormais transparent. En dissociant totalement le soin de la complexité des remboursements, Pauline a pu instaurer une relation plus simple avec ses patients concernant les questions d'argent. Ce qui ressort aussi, c'est que le déconventionnement, bien qu'il puisse paraître compliqué ou risqué à première vue, est simple à mettre en place et a permis à Pauline de retrouver une forme de liberté dans sa pratique. Plus de compromis sur la qualité des soins, Plus de suspicion de la part des patients concernant la tarification des actes. Cela lui a permis de structurer ses tarifs de manière juste, en fonction de son temps et de ses coûts, tout en restant fidèle à ses principes. Cependant, il est clair que ce choix demande une certaine adaptation de la part des patients, qui doivent accepter un niveau de remboursement bien moindre, mais aussi un engagement plus clair dès le début du traitement. Ce que je perçois, moi, au travers de ce parcours, c'est une critique implicite du système de conventionnement, qui, au lieu de favoriser des pratiques justes et transparentes, impose parfois des règles qui brouillent la relation avec le patient. Pauline, à travers son choix, montre qu'il est possible de repenser cette relation en plaçant la qualité des soins au centre, sans pour autant renoncer à la viabilité financière de son cabinet. La question de la gratuité des soins, et on est en train de glisser vers... vers cette notion-là. Déjà depuis la loi Kouchner, la relation soignant-soigné a beaucoup évolué. On est dans un pays de droit, donc les gens pensent, et c'est à juste titre, que la santé c'est un droit, que tout le monde devrait avoir le droit de se faire soigner de la même manière, quelle que soit la situation financière. Mais dans la réalité, c'est difficilement possible. Les gens qui ont plus d'argent auront toujours plus de facilité à accéder aux soins que ceux qui n'en ont pas. Donc toi, est-ce que tu dirais que ce déconventionnement, pour toi, a été une bonne solution pour revenir à une relation de soins plus saine ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y avait effectivement cette... fluidité des échanges par rapport aux finances, puisqu'on ne parlait pas de bidouilles et que tout était remboursable. Donc ça, ça facilitait l'échange. C'est-à-dire que très rapidement, on n'en parlait plus, puisqu'il n'y avait pas à en parler. Par contre, ce qui perturbait les gens, c'était le fait que j'étais quand même hyper sympa. C'est-à-dire que, dans l'image, Le praticien qui n'est pas conventionné, il est dans un cabinet chic, dans un quartier chic et il roule en Porsche. Et moi, il se trouve que je suis dans un quartier normal et que, j'ai pas de Porsche mais peu importe, et que mon cabinet n'est pas chic dans le sens où il ressemble plus à une crèche qu'au chic. Donc je ne propose pas de café, je ne propose pas de journal, il n'y a pas... tout cet accompagnement que les gens parfois attendaient. Et donc, par rapport à mon statut, j'ai eu des réflexions sur Mais en fait, vous êtes hyper sympa, mais pourquoi vous n'êtes pas conventionné ? Parce que ça ne vous ressemble pas en fait, vous chantez, vous dansez, vous êtes hyper cool ! Et ça n'a rien à voir d'être hyper cool et conventionné ou pas. Mais en fait, les gens s'attendaient, sauf à part ceux qui me connaissaient d'avant, mais les nouveaux parfois se sont attendus à avoir beaucoup de personnel. des signes extérieurs de richesse de cabinet qui ne sont pas ceux que j'avais dans le cabinet et qui les déroutaient un petit peu sur le statut conventionné. Après, j'ai eu des réflexions aussi sur à un moment donné, je me souviens, j'arrête un soin parce que le gamin, il est... il était ingérable et j'avais déployé tout ce que je pouvais, tout ce que je pouvais, voilà, pour essayer d'y arriver. Je pense que ça me dépassait. Et il y a une maman qui m'a dit, mais écoutez madame, je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant. Et j'ai trouvé cette phrase assez terrible en fait. Et là, tu vois, sur certaines fois comme ça, il y a la question de l'argent qui revenait un peu en boomerang.

  • Speaker #1

    Cette partie de notre discussion, me rappelle ce que nous avions évoqué avec Benjamin Derbez, sociologue dans l'épisode 4, le fameux cliché du dentiste qui roule en Porsche. C'est une image encore bien ancrée dans l'imaginaire collectif, souvent associée à une certaine élite et à la rentabilité de la profession. Mais Pauline, avec son déconventionnement, a dû faire face à un autre verre de la médaille. Pour certains patients, le fait d'être hors convention implique que le praticien s'adresse à une patientelle plus élitiste. Ce qui, dans leur esprit, doit forcément s'accompagner d'un service en adéquation, un cabinet chic, un voiturier, un café à l'accueil. C'est une attente implicite qui peut dérouter. Et c'est là que réside le paradoxe. Pauline, en choisissant de se déconventionner, a simplifié les échanges financiers et recentré sa pratique sur le soin. Pourtant, elle a aussi attiré des patients qui ne correspondaient pas forcément à son approche ou à ses valeurs. Comme cette maman qui lui a dit Je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant Cette phrase, comme le dit Pauline, résonne d'une manière assez terrible. Elle illustre bien ce boomerang que peut entraîner le déconventionnement. Lorsqu'on s'extrait du système classique, on peut se retrouver face à des attentes parfois démesurées de la part de certains patients, qui estiment que le prix justifie tout, y compris un service qui n'a finalement rien à voir avec la qualité des soins. Cela nous rappelle qu'il y a toujours un revers de la médaille, quel que soit le choix d'exercice. Dans le cas du déconventionnement, Le risque est d'attirer des patients avec des attentes élitistes, bien loin de l'objectif initial qui était simplement de proposer un soin plus libre, plus transparent et déconnecter des contraintes administratives et financières de la Convention. Et cela fait écho à mes propres questionnements d'il y a quelques années, lorsque j'avais envisagé de me déconventionner. A l'époque, je n'avais pas mesuré tout ce que cela impliquait. Le fait de prendre le risque de perdre des patients que j'apprécie profondément, au profit d'autres qui ne me correspondraient peut-être pas autant, ne m'était pas apparu aussi clairement. Finalement, Avec le recul, je ne regrette pas mon choix d'être restée conventionnée. Cela me permet de maintenir une relation plus équilibrée avec mes patients, tout en gardant un cadre qui correspond à mes valeurs.

  • Speaker #0

    Je voudrais revenir sur l'histoire de la gratuité des soins parce que c'est vraiment, je pense, la grosse problématique. C'est ce que moi j'appelle le tiers payant transparent. Je ne sais pas s'il a un terme officiel, mais le tiers payant transparent, c'est-à-dire où on ne sait même pas combien autrui va payer pour nous, ça c'est vraiment, je ne sais pas d'où ça sort, mais je pense que c'est vraiment une erreur majeure. Alors nous on en bénéficie aussi, à la pharmacie plus personne ne paye rien. C'est quand même incroyable. Et l'autre fois, par exemple, j'ai un patient à qui je fais une ordonnance antibiotique, qui va chercher les médicaments, il fait une erreur de composition, et il ne le laisse pas au frigo. Du coup, le lendemain, tout naturellement, il me redemande une ordonnance antibiotique. Et en fait j'ai dit mais on se rend pas compte mais là la sécurité sociale a payé deux fois un traitement. Alors c'est peut-être pas grand chose de la moxiciline mais mise bout à bout ça coûte vachement cher. Et il est certain que s'il l'avait payé de la poche avant d'être remboursé ou même s'il avait eu une facture de vous avez l'avance totale des frais mais votre facture c'est tant. peut-être qu'il aurait peut-être fait plus attention. Quand on va dans les hôpitaux, je me souviens quand j'ai eu un problème de récupération des droits de sécu, quand je me suis déconventionnée. Pendant trois mois, je n'avais plus de droits de sécurité sociale. C'était un peu la galère. Et pour le coup, un de mes ayants droit a dû faire un séjour en réa à l'hôpital. Et quand j'ai vu le prix de la nuit en réanimation, je dis mais... Alors, instinctivement, je savais que c'était très cher. Mais là, en fait, je me suis retrouvée devant le caissier, il m'a dit mais vous n'avez plus le droit de sécurité sociale, madame. Vous nous devez tant. Et je dis mais moi, je ne peux pas avancer tant. Après, ça s'est arrangé. Mais vraiment, cette histoire de tiers payant où on ne sait même pas à combien correspond la prestation, c'est, je trouve, incroyable. Donc, s'il y a vraiment quelque chose qui pourrait être, me semble-t-il, changé dans notre rapport à l'argent, dans tous les corps médicaux, c'est, ok, je ne paye pas parce que la solidarité nationale fait que quelqu'un paye pour moi, mais au moins, je sais combien ça coûte.

  • Speaker #1

    Pauline a souhaité revenir sur un point essentiel, la confusion entre gratuité et solidarité nationale. Ce qu'elle appelle le tiers payant transparent révèle un décalage entre la perception des patients et la réalité des coûts des soins. Comme nous l'avions évoqué avec Anne-Charlotte Bas dans l'épisode 2, cette absence de communication sur les valeurs des soins pris en charge alimente cette confusion. On ne distingue plus ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui est perçu à tort comme gratuit. Cela crée une déconnexion. qui dans les cas des soins non remboursés, place souvent le soignant dans une posture inconfortable, presque comme un vendeur de soins. Le patient qui n'a pas conscience du coût réel des actes peut avoir du mal à comprendre pourquoi certains soins ne sont pas pris en charge. Le praticien doit alors non seulement expliquer le besoin médical, mais aussi justifier le coût de son travail. les dépenses liées à son cabinet et parfois même l'importance du soin lui-même. Cette situation peut altérer la relation de confiance et générer des tensions inutiles qui détournent l'attention du cœur de notre métier soigné. Toi qui aussi a fait beaucoup de bénévolat, il me semble que c'était à la Croix-Rouge. Oui. Du coup, cette situation où tu t'es retrouvée dans une position presque inversée, où là... Les gens qui payent peuvent aussi être en droit de se dire moi, si je paye, j'ai le droit à ça ou ça et où tu devais peut-être plus avoir les patients dans des situations financières compliquées. Comment tu l'as vécu, toi, cette situation ? Est-ce que tu t'es sentie aussi en dissonance par rapport à tes valeurs ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je n'étais pas conventionnée, la patientèle n'a pas beaucoup changé, parce que finalement, je n'ai... Alors, en matière de structuration socio-professionnelle, ça n'a pas trop changé, c'est-à-dire que je n'avais pas de gens hyper fortunés qui venaient me voir, parce que, mine de rien, comme je te disais... il n'y avait pas le côté accompagnement, personnel, café, journaux sur tablette et voiturier. Donc au final, les gens qui recherchent ce type de prestations-là ne sont pas venus chez moi. Et puis, il y a aussi le fait que j'ai un petit caractère qui fait que si on commence à trop, trop... Me prendre de haut et me prendre pour le larbin de service parce que j'ai de l'argent, donc je vais t'acheter pour que tu t'occupes de mon enfant que je n'ai pas éduqué. Très rapidement, la relation thérapeutique ne s'est pas faite et ils sont partis d'eux-mêmes. Je pense que je ne correspondais pas à leur demande. après les autres ceux qui m'avaient connu depuis très longtemps ça ne changeait pas grand chose pour eux parce qu'en fait ils me disaient nous ça nous ennuie un peu, bon mais on sait pourquoi on vient et à partir du moment où finalement quel que soit ton statut d'exercice à partir du moment où tu le fais avec du sens et que tu le fais avec ton cœur, pas ton bon cœur, mais ton cœur et justement tes valeurs, ce en quoi tu crois, la manière dont tu vois le métier, l'humanité et la relation de soins. Finalement, les gens se disaient, écoutez, moi je paye 60 euros chez la pédiatre, je paye 60 euros chez vous, vous êtes aussi sympa, vous prenez du temps, voilà, donc ça ne posait pas de problème. Là où c'était plus problématique et ce qui a conduit d'ailleurs un peu à mon... à mon reconventionnement qu'on abordera après, c'est que les patients qui n'avaient pas d'argent, j'ai appelé mon ami Hippocrate et je les ai soignés gratuitement. Parce que j'ai prêté serment et que pour moi, c'est hyper important. C'est non discutable, non négociable. Je me souviens d'une petite famille, il y avait deux jumeaux autistes, un enfant trisomie, ils habitaient dans un studio. Il est hors de question que je fasse payer ces personnes. C'est pas possible. Ces personnes-là, elles ont besoin d'être aidées. Et moi, je fais partie de la chaîne des petits colibris qui doit les aider. Sinon, j'ai rien à faire ici. Je le dis avec beaucoup de gravité et beaucoup d'émotion, parce que c'est vraiment... Le point fondamental de ma vie en général et de la manière dont je vois le métier, c'est vraiment la relation d'aide. Donc j'ai commencé à faire des soins gratuits et probablement trop de soins gratuits.

  • Speaker #1

    On va en venir à ce qui finalement t'a ou décidé ou peut-être contraint à te reconventionner.

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas vu les finances qui n'allaient plus. Probablement que d'autres les auraient vues. Moi, je pense que tu auras compris que mon grand intérêt dans le métier n'est pas mon relevé bancaire. Donc, j'ai fait l'autruche. J'ai géré le Covid et le post-Covid comme tout le monde. Plutôt bien d'ailleurs, parce que je n'ai même pas pris de prêt. J'ai remonté le chiffre, je ne suis pas partie en vacances. J'étais assez fière de moi, mais finalement de ma gestion Covid, post-Covid. Et puis... Et puis, qu'est-ce qui s'est passé après ? Il y a eu beaucoup moins de patients. Moi, j'avais repris des études par ailleurs. Donc finalement, j'étais assez contente d'avoir moins de patients. J'avais plus d'heures de déj. Enfin, voilà, un côté un peu... Voilà, on verra bien. Bon, un peu, je me suis un peu laissée porter par... Je me suis laissée flotter, voilà. Et puis, de plus en plus de gens qui avaient besoin de soins et qui n'avaient pas d'argent. Donc, de plus en plus de... de séances gratuites ou payées. J'ai rarement fait du tout gratuit, mais j'ai fait des séances à 5 ou 10 euros, par exemple. Parce que je voulais quand même, pas pour les patients qui gèrent la CMUR, mais il y a quand même des patients qui n'ont pas leurs droits. On ne sait pas comment ça se passe, mais il y a des gens qui probablement ne recouvrent pas tous leurs droits. Et donc, en fait, j'ai fait payer... Voilà, des sommes symboliques, histoire d'avoir quand même un échange. Je fais une petite parenthèse, moi j'aime beaucoup les travaux de Maurice Godelier, qui est un anthropologue qui travaille beaucoup sur le don et la dette, et le fait que quand tu donnes quelque chose à quelqu'un, ce quelqu'un est en dette vis-à-vis de toi. Et donc je ne voulais pas rendre service, je ne voulais pas que les patients se sentent redevables ou en dette, donc c'est pour ça qu'on avait quand même un échange de... soins médicaux contre argent, et 5 ou 10 euros pour un soin. C'était OK pour eux et ça permettait de neutraliser le lien et que je ne le rendais pas service. Ils ne me devaient rien puisqu'ils m'avaient payé ce qu'ils pouvaient me payer. Mais par contre, comptablement, ça n'allait pas du tout. Et je n'ai pas vu la situation s'empirer. Vraiment, la méa culpa complet, j'ai rien vu. J'ai rien vu jusqu'au moment où le compte en banque a été quasiment vide. Entre temps, j'ai encore changé de comptable et le comptable n'a rien vu non plus. Et en fait, j'aurais pu changer avant. Parce que faisant beaucoup de soins aux personnes en situation de handicap, il y a le fameux 4Y. Y183, ça, ça aurait pu m'aider. Et en fait, quand je me suis aperçue de tout ça, j'en ai discuté avec deux, trois pâtissières hyper sympas qui m'ont dit, mais ce n'est pas possible. Allez hop, elles m'ont reboostée, un peu comme la comptable avait fait pour le déconventionnement. Elles m'ont pris en main, elles ont regardé mes comptes et tout. Elles m'ont dit, ah non, non, non, allez hop, tu te reconventionnes, tu vas voir, ça fonctionne comme ça très, très bien. Et elles ont eu raison et elles m'ont beaucoup accompagnée. J'ai rebossé beaucoup la CCAM pour refaire une grille et refaire un argumentaire vis-à-vis des patients pour expliquer pourquoi ce changement et pouvoir voir comment est-ce que je pouvais comptablement m'en sortir entre les actes remboursables et les NPC qui sont tous justifiés, motivés auprès des patients et qui correspondent tous à un besoin. Donc en fait, c'est les contraintes économiques qui m'ont poussé à me reconventionner. C'est un peu bizarre, mais c'est comme ça. Dans ma pratique de pédo-handicap, avec beaucoup de patients dans cette situation-là, la CCAM est très favorable pour mon exercice.

  • Speaker #1

    Les propos de Pauline nous rappellent à quel point le besoin d'humanisme dans notre métier est essentiel. Prendre soin de nos patients, notamment ceux en grande précarité, est un devoir que nous portons avec gravité. Mais cet engagement se heurte. parfois à une réalité implacable, l'équilibre financier de nos cabinets. Pauline l'a vécu en multipliant les soins gratuits au point de fragiliser son activité jusqu'à ce que cette générosité devienne insoutenable économiquement. Pauline revient aussi sur le confinement qui a complètement chamboulé notre rapport au travail. Cette période résonne aussi avec mon propre parcours puisque c'est justement à ce moment que je lançais ce podcast. Comme beaucoup, j'ai profité de cette parenthèse hors du temps pour m'interroger sur mes priorités et mes envies professionnelles. Je me suis même prise à rêver qu'un jour je pourrais vivre de cette activité. Mais moi aussi la réalité m'a vite rattrapée. Il m'a fallu du temps pour comprendre que mon métier de dentiste m'offrait de nombreux avantages auxquels je n'avais pas envie de renoncer. Vivre du podcasting me demandait des sacrifices ou des compromis que je n'étais pas prête à accepter. Ce que l'on perçoit dans le témoignage de Pauline, comme dans nos propres expériences, c'est que l'équilibre entre passion, engagement et viabilité économique est souvent fragile. Et c'est là également qu'intervient une autre forme d'entraide, celle de nos confrères et consoeurs, qui, dans des moments de doute ou de difficulté, peuvent nous permettre de nous recentrer et de retrouver une stabilité. Peut-être une question un peu compliquée, mais j'aurais aimé savoir un peu quel bilan tu tirais de ces trois expériences salariat, convention, hors convention. Parce que finalement, tu as pu en tirer énormément de choses aujourd'hui. Ton exercice, c'est une deuxième question dans la question, mais aujourd'hui, tu es heureuse dans ton fonctionnement ?

  • Speaker #0

    Absolument. En fait, j'adore le parcours que j'ai eu. Je trouve qu'ils me correspondent parfaitement bien. Pour la première fois, j'ai voulu arrêter le métier. Je ne suis pas d'ailleurs convaincue de terminer dentiste, mais après il y a les nécessités économiques qui font loi, donc on verra. Mais je trouve que le cheminement depuis la fin de mes études, le cheminement que j'ai eu, me correspond parfaitement. Et je pense qu'actuellement, je suis beaucoup plus sereine. maintenant, alors il y a l'âge aussi qui fait que, mais je suis beaucoup plus sereine dans mon exercice maintenant, parce que je pense que je suis passée par toutes ces étapes, et que probablement, par rapport à ce que je voulais faire de ma vie, c'est-à-dire être vraiment dans une relation d'aide, par rapport aux écoles philosophiques en quelles je crois, et que j'essaie d'appliquer à mon quotidien, j'ai l'impression d'être maintenant bien bien en phase. avec moi, avec ce que je pense, avec mes valeurs, avec ce que j'ai dans mon cœur, avec ma vie personnelle. Je suis très très contente d'avoir fait ce trajet. En plus, j'aime bien toujours faire les choses un peu en itinéraire bis. Et donc, quand je repense ou quand je suis sortie de mes études où j'ai dit, moi je vais faire de la pédo en centre de soins ou qu'on m'a regardée avec les yeux ronds, et finalement où j'en suis maintenant, je suis assez contente. Je suis aussi contente un peu de faire un petit pied de nez à mes anciens profs qui ne me connaissent plus, et ce n'est pas grave, mais de leur dire, voyez les gars, il n'y a pas un seul mode d'exercice, il n'y a pas une seule vie. Je pense que ça ne se fait plus maintenant, mais on n'était peut-être pas obligés de nous faire rentrer aux forceps dans des moules qui ne nous convenaient pas. Et je suis bien contente de leur dire t'as vu où je suis maintenant ?

  • Speaker #1

    Pauline souligne ici une vérité, que beaucoup d'entre nous oublient parfois, notre chemin n'est pas tout tracé. Il est façonné par nos expériences, nos choix, mais surtout par nos valeurs. Son parcours en est le reflet. Ce qui est essentiel, c'est de rester fidèle à ce que nous sommes, à ce qui nous anime profondément. Nos valeurs servent de boussole, même lorsque le doute s'installe. D'ailleurs, je pense que le doute est une force. Il nous permet de questionner, de réfléchir, de ne pas accepter les choses telles qu'elles sont. Et je dois dire que j'aime les gens qui doutent, parce qu'ils me rassurent. Il montre qu'il est possible d'avancer tout en se remettant en question, et c'est peut-être ce qui nous aide à rester sincères, en accord avec nous-mêmes, comme Pauline évoque si bien. Je tiens à remercier chaleureusement Pauline Chardron-Mazière pour cet échange sincère et profond. Son parcours en itinéraire bis est une belle preuve qu'il n'y a pas de chemin unique. Chacun d'entre nous doit trouver sa propre voie, celle qui résonne avec ses valeurs et sa vision du métier. Un immense merci aussi à Pauline Bussy pour le montage de cet épisode, à Maxime Wattieu pour la réalisation et la composition musicale, et à Camille Covez pour l'illustration, qui donne vie à ce podcast à travers leur talent et leur créativité. Avant de conclure, je vous rappelle que nous préparons une série spéciale autour de ma mission humanitaire à Madagascar, et j'ai besoin de votre soutien plus que jamais. Les dons que vous pouvez faire serviront à financer le matériel nécessaire à la mission, mais aussi la création de cette série. Musique, visuel, montage. Si vous souhaitez participer à cette aventure, vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Pour le prochain épisode, nous aurons le plaisir d'accueillir notre confrère Jérémy Bazar, qui nous parlera de son parcours de dentiste et de son choix de toujours avoir travaillé en salariat. Une autre façon d'exercer, une autre perspective sur notre métier, que j'ai hâte de partager avec vous. Merci à toutes et à tous pour votre écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à lui donner 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Cela m'aide profondément. à faire découvrir le podcast à d'autres. Mais surtout, parlez-en tout autour de vous, partagez-le sur les réseaux sociaux, faites fonctionner le bouche à oreille. C'est grâce à vous que cette aventure continue à grandir. N'oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer les prochains épisodes et à très bientôt pour de nouvelles réflexions autour de notre métier de dentiste.

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 6 : Le va-et-vient du conventionnement

Dans cet épisode, j'accueille Pauline Chardron-Mazière, chirurgienne-dentiste, qui a un exercice exclusif en pédodontie et en soins spécifiques handicap, et qui partage ici son expérience unique de déconventionnement, puis de reconventionnement. Pauline nous raconte les raisons qui l'ont poussée à sortir du cadre conventionné, et ce qui l’a finalement motivée à revenir. Elle dévoile les défis auxquels elle a été confrontée, les réflexions personnelles derrière ce choix audacieux, ainsi que l’impact de cette décision sur sa pratique professionnelle et sa relation avec les patients.

🔍 Dans cet épisode, vous découvrirez :

  • Pourquoi Pauline a décidé de se déconventionner

  • Les avantages et les inconvénients du statut de chirurgien-dentiste déconventionné

  • Ce qui l'a fait revenir dans le cadre conventionné

  • Comment ces changements ont influencé son approche des soins et de la relation patient-praticien


Bonne écoute 🎧!


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Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Pauline Chardron-Mazière pour son partage d'expéreince si précieux.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce sixième épisode de la série Mon voyage à travers l'argent en dentisterie Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui, nous abordons un sujet qui m'a moi-même tracassée à un moment clé de ma carrière, à savoir lorsque j'ai décidé d'orienter mon exercice vers la parodontologie. J'avoue qu'après quelques mois passés à devoir expliquer pourquoi les soins relatifs au traitement de parodontologie n'étaient pas remboursés, l'idée de me déconventionner m'a effleurée. Je me souviens très bien d'une conversation avec mon associé, Marie, qui se posait la même question. Marie ayant un exercice exclusif en pédo-noncie et moi en parodontologie, ressentions toutes les deux une grande frustration face à la nécessité constante de justifier les actes non remboursés que nous réalisions. Nous pensions peut-être naïvement que le déconventionnement nous épargnerait cette tâche délicate, nous permettant ainsi de nous concentrer davantage sur notre pratique et nos patients. Mais comme nous allons le découvrir à travers l'expérience de la docteure Pauline Chardon-Mazière, la réalité est souvent bien plus complexe qu'il n'y paraît. Avant de plonger dans cet épisode, je souhaite vous parler d'un projet imminent qui me tient particulièrement à cœur. Dans quelques semaines, je vais partir avec Cécile, mon assistante, en mission humanitaire à Madagascar, où j'aurai l'occasion de travailler en tant que dentiste auprès de populations qui, comme vous le savez, ont un besoin urgent en soi en tout genre. Cette mission, vous vous en doutez, sera aussi l'occasion de réaliser une série documentaire pour partager avec vous cette aventure, les moments forts, les craintes, les rencontres et les leçons que je tirerai de cette expérience. Pour mener à bien ce projet, j'ai besoin plus que jamais de votre soutien. Les fonds récoltés serviront à l'achat de matériel nécessaire pour la mission, mais aussi pour la création musicale, les visuels et le montage de la série. Si ce projet vous parle et que vous souhaitez y contribuer, je vous invite à faire un don. Chaque geste compte et m'aidera à concrétiser cette aventure humaine et professionnelle. Vous trouverez toutes les informations pour participer dans la description de cet épisode, dans laquelle je vous ai mis le lien vers la cagnotte Tipeee. Merci infiniment pour votre soutien. Épisode 6, le va-et-vient du conventionnement. Place au sujet du jour, revenons à l'expérience de la docteure Pauline Chardron-Mazière qui va nous expliquer pourquoi elle a fait le choix de se déconventionner avant finalement de revenir sur cette décision. Son parcours atypique éclaire avec profondeur les réalités économiques et éthiques de notre métier.

  • Speaker #1

    Moi je me qualifierais plutôt de fourmi. Donc je suis d'un naturel très prudent. Et donc, je gère mon cabinet avec beaucoup de prudence aussi. Sachant que dans l'ensemble de ma vie, je considère que c'est un peu une banalité, mais que l'argent est un moyen et non une fin. Et donc, je garde toujours en mémoire mon objectif de vie et je détermine la question de l'argent en fonction de cet objectif de vie et non pas le contraire.

  • Speaker #0

    Ce que Pauline exprime ici. Selon moi, est loin d'être une banalité. Au contraire, je pense que c'est une réflexion fondamentale. Analyser son propre rapport à l'argent est essentiel, car il est souvent façonné par une multitude de facteurs. L'éducation, le modèle parental, la culture de notre pays, et bien plus encore. Prendre conscience de ces influences peut changer notre façon d'aborder notre carrière, nous permettant d'éviter de suivre des chemins tout tracés, qui ne sont pas forcément les nôtres. Avant de se lancer dans la vie professionnelle, et particulièrement avant d'investir, je trouve qu'il est crucial de savoir quels sont nos objectifs de vie. Cela implique de bien se connaître, de comprendre ce qui nous motive vraiment, ce qui, avouons-le, n'est pas toujours évident lorsqu'on est jeune. Ce qui est certain, c'est que nous n'avons pas tous et toutes les mêmes critères de réussite. Ce qui, pour certains, peut symboliser le summum de la réalisation de soi, comme avoir un gros cabinet à la Nip-Tuck, peut pour d'autres représenter une véritable prison dorée, voire un précipice vers le burn-out.

  • Speaker #1

    La question de la relation à l'argent avec les... parents de mes patients, ça peut être aussi avec mes patients parce que pour l'anecdote, j'ai quand même beaucoup de petits, c'est-à-dire même à partir de l'âge scolaire, 6-7 ans, qui font des commentaires sur les tarifs, c'est assez rigolo. Et parenthèse aussi, peut-être ce qui me choque beaucoup, c'est que depuis le paiement sans contact, les enfants touchent beaucoup plus la carte bancaire de leurs parents et automatiquement le mettent sur le lecteur de carte bancaire en sans contact. Moi qui suis de l'ancienne génération, je suis un peu abasourdie et je pense que ce n'est pas très sain de donner facilement une carte bancaire à un enfant de 6-7 ans. Je pense qu'en termes de connaissance de la valeur de l'argent, on est dans l'erreur. Petite parenthèse. Alors avec mes patients, j'ai un rapport qui est très clair parce que tout est transparent et tout est écrit. C'est-à-dire que dans la salle d'attente, les tarifs sont écrits comme ils doivent être. Je mets également tout sur devis, que j'appelle proposition thérapeutique et devis, parce que par contre, je suis très mal à l'aise avec le terme de devis. Et donc, tout est affiché, tout est écrit et tout est signé. Et donc, à partir de ce moment-là, les choses deviennent très très simples pour moi et je distingue vraiment le côté soins médicaux du côté... financier. Donc, une fois qu'on a parlé de la question finance, j'insiste vraiment sur le fait que maintenant, on va parler médecine avec les parents et avec les patients et qu'on arrête de parler argent. Je distingue bien le patient et la personne qui paye ensuite, parce qu'effectivement, tout se paye.

  • Speaker #0

    Pourquoi tu disais que tu n'étais pas à l'aise avec la notion de devis ? Enfin, je comprends, mais j'aurais aimé que tu l'expliques.

  • Speaker #1

    Alors, En fait, pour moi, le devis, c'est le devis que je vais signer avec mon garagiste, avec mon plombier. Et le devis d'une prestation médicale, vraiment, ça me choque comme terme. Et là, j'ai enfin trouvé, au bout de vingt et quelques années d'exercice, la manière de m'en sortir moi, parce que je conçois que ça soit un terme officiel, ok, mais en même temps, moi, j'étais très mal à l'aise, parce que pour moi, un devis se négocie. Moi, ça, je n'aime pas du tout dans le côté soins médicaux. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que je n'aime pas non plus le côté en pédodensie, je fais la chirurgie si le devis du mainteneur d'espace est signé. Ça, ça me choque aussi beaucoup, le côté avance des soins prothétiques qui fait qu'on va faire l'acte de soins ou pas. Et donc ça, je n'aime pas, ça me choque aussi. Et en même temps, je l'entends. Et le troisième point, c'est que le patient ayant... la liberté de choix de son traitement du début à la fin et même quand il a commencé éthiquement, il a le droit d'arrêter. Ça m'ennuie d'avoir cette notion de finalement, dans le devis, je fais premier point, deuxième point et puis je vais m'arrêter. Et en même temps, il a le droit d'arrêter. Donc, avec ces trois choses-là, je me suis creusé la tête et maintenant j'envoie un document qui s'appelle Proposition Thérapeutique et devis. Et... Ça me permet, moi, d'être beaucoup plus à l'aise quand je le présente et de dire, voilà, dans mon cabinet, si on vient me voir, voilà ce que moi je propose comme thérapeutique. Parce que c'est cohérent par rapport à votre besoin de santé, par rapport au besoin de santé de votre enfant. Il se trouve qu'associé à cette proposition thérapeutique, il y a des codes administratifs. et des tarifs. Mais d'abord, on va discuter sur est-ce que vous êtes OK pour que moi, Pauline Chardon-Mazière, je soigne votre enfant dans la globalité de ses besoins de soins de santé alimentaire tels que moi je les évalue. Si c'est oui, parfait, on passe au devis. Si c'est non... Mais il n'y a pas de problème, en région parisienne, pour le coup, on est beaucoup de cabinets pédodontiques, donc on peut tout à fait aller voir un collègue ou une collègue qui proposera peut-être une autre thérapeutique. Mais en tout cas, c'est important pour moi de faire le distinguo entre cette proposition thérapeutique qui est vraiment mon document cadre de travail et mon objectif de traitement, et il se trouve qu'il est associé à des codes et à un aspect financier qui s'appelle le devis.

  • Speaker #0

    Pauline associe le terme devis à une transaction commerciale similaire à celle que l'on ferait avec un garagiste ou un plombier. Elle trouve cela inapproprié dans le contexte des soins médicaux, car pour elle, un devis implique une négociation, ce qui ne correspond pas à la nature des soins qu'elle propose. Pour moi, la notion de négociation est complexe, car elle sous-tend une question de confiance qui me semble primordiale, que ce soit dans le domaine des soins, de l'artisanat ou de n'importe quelle transaction. Cela fait écho à ce tact et mesure évoqué par Anne-Catherine dans le précédent épisode. Personnellement, lorsque je fais appel à un artisan, puisque l'exemple avancé par Pauline est celui du plombier, j'estime que son devis reflète le coût des matériaux, de la main d'œuvre et de son expertise. Même si je sais qu'il y a une marge d'erreur possible, je fais confiance à l'artisan pour la justesse de son devis. Si je lui demande de baisser son prix et qu'il le fait, cela signifie soit qu'il a artificiellement gonflé le prix, ce qui me donnerait l'impression d'avoir été berné, soit qu'il a cédé sous la pression et qu'il a renié sur la qualité des matériaux du temps passé, ce qui va me pénaliser d'une manière ou d'une autre. C'est pourquoi je ne négocie jamais les devis. Pour moi, c'est une question de respect. Si je trouve que le devis est trop élevé, je vais alors entamer une conversation avec l'artisan pour lui demander pourquoi son prix est si élevé, qu'est-ce qui le justifie. Dans un deuxième point, Pauline exprime son malaise face à une pratique qu'elle observe en pédodontie où la réalisation de certains actes, chirurgicaux notamment, peut être conditionnée par la signature préalable d'un devis pour les soins non remboursés, tels que les mainteneurs d'espace. Cela la choque, car cela revient à conditionner l'accès à des soins indispensables et pris en charge par l'acceptation d'actes supplémentaires non remboursés. Cette situation crée une inégalité de traitement qui, selon Pauline, et je la rejoins sur ce point, ne devrait pas exister. Ce parallèle entre les soins pris en charge, donc jugés indispensables, comme évoqué dans l'épisode 2 avec la docteure Anne-Charlotte Bas, Et les soins non remboursés met en lumière une problématique éthique. L'acceptation du devis pour des actes non remboursés ne devrait jamais être un frein à la réalisation des soins médicaux indispensables. Même si, comme Pauline, je comprends la réalité économique qui peut pousser à de telles pratiques, cela reste une source de grandes préoccupations éthiques. Nous y reviendrons ultérieurement. Pauline souhaite que ses patients adhèrent pleinement à la proposition thérapeutique globale qu'elle juge la plus adaptée à leurs besoins de santé. Elle veut que les considérations financières ne soient pas l'unique motivation ou frein au traitement. C'est pourquoi elle dissocie clairement le devis de la proposition thérapeutique. Elle encourage les patients à choisir un autre praticien s'ils ne sont pas en accord avec sa proposition de traitement, car elle estime que pour offrir des soins de qualité, il est essentiel que le patient et le praticien partagent la même vision du traitement. Enfin, en troisième point, ce qui chagrine Pauline, c'est le fait que le patient puisse retirer son consentement à tout moment, ce qui, selon elle, complique la continuité et l'efficacité du traitement. Elle rejoint ainsi la réflexion d'Anne-Catherine Gallou dans l'épisode précédent, qui soulignait que la médecine n'est pas comparable à un supermarché où l'on peut composer sa liste de courses en choisissant certains actes et en laissant de côté d'autres. Pour Pauline, un traitement doit être envisagé dans son ensemble avec une logique et une cohésion qui vont du début à la fin. C'est dans ce souci d'intégrité thérapeutique qu'elle préfère parler de proposition thérapeutique plutôt que de devis. Cette approche est particulièrement pertinente en pédononcie, un domaine où la relation thérapeutique se construit à trois acteurs, l'enfant, les parents et le ou la dentiste. Dans cette dynamique triangulaire, l'enfant n'est pas toujours le décisionnaire, ce qui complexifie encore davantage la notion de consentement. Chacun doit être en phase avec le traitement proposé, ce qui rend essentiel le maintien d'une stratégie thérapeutique claire et bien définie. Et si je comprends bien, c'est ce besoin de clarté et d'engagement mutuel qui pousse Pauline à séparer nettement la proposition thérapeutique représentant l'approche globale du soin du devis qui en découle. Je glisse ici une petite parenthèse. Si ces sujets vous intéressent, je vous invite à venir assister à une table ronde que j'aurai l'honneur et le plaisir de présider à l'ADF en fin de cette année 2024, dont Pauline fera partie. Nous y aborderons ces questions en profondeur dans le cadre d'une discussion riche et constructive avec des intervenants passionnants sur le thème du consentement. Quand tu as décidé de te consacrer exclusivement à la pédodoncie, est-ce que tu étais consciente des difficultés que ça pouvait induire d'un point de vue financier ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Pas du tout puisque j'ai commencé la pédodoncie en salariat. Mais en salariat, au chiffre. C'est-à-dire que je n'avais pas de fixe. J'avais qu'un pourcentage sur les actes. Par contre, dans un centre de santé, tu travailles vite. Alors, tu peux travailler vite et bien. Je n'ai jamais bâclé du tout, mais tu travailles vite. Et surtout, tu commences avec un pool de patientelle énorme. Je n'ai pas eu à créer de patientelle dans mon premier exercice, puisque c'était du salariat. Donc en fait, avec un planning plein, Et avec une façon de travailler qui était très méthodique, très cadrée et sans du tout avoir d'aspect administratif à faire, moi franchement j'ai très très bien gagné ma vie pendant mes années de salariat. De pédos exclus, donc absolument sans aucun NPC, que du soin. Et que j'avais une assistante.

  • Speaker #0

    Est-ce que le fait que tu me disais tout à l'heure que tu avais des... des patients qui venaient quand même de milieux défavorisés. Tu faisais des soins qui étaient tous des soins qui faisaient partie de la nomenclature. Il n'y avait pas à présenter des devis, à avoir des patients qui ne voulaient pas faire ou faire tels actes et pas tels autres actes. Ça t'a simplifié la vie aussi ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Vraiment, la question de l'argent en salariat, là où j'étais, elle ne se posait pas. Par contre, j'avais quand même beaucoup de temps de discussion parce que, parce qu'il y avait la barrière de la langue, parce qu'il y avait des contextes financiers terribles d'habitats insalubres dans les hôtels. Donc, par contre, je prenais... beaucoup de temps à faire de la prévention et de la prévention adaptée. Alors tu me diras c'est pas la question de l'argent mais mine de rien quand il faut expliquer quand il faut dialoguer sur l'alimentation avec un parent qui te dit qu'il est à l'hôtel, qu'il peut pas faire à manger donc que tous les soirs ses enfants mangent McDo parce que c'est pas cher et au moins c'est un peu chaud ben là d'un coup tu passes pas de temps à parler argent directement. Par contre, tu passes du temps à réfléchir à comment tu vas adapter tes connaissances en matière de prévention fraîchement acquises à la fac avec cette situation économique que toi-même tu ne connais pas du tout, parce que moi je viens d'un milieu assez tranquille, banlieue ouest parisienne, à ces personnes qui sont en difficulté, elles d'argent, qui sont incroyables. Donc la question de l'argent finalement, tu vois, c'est intéressant, elle ne se pose pas comme ça. à moi en tant que praticien réalisant un devis, mais elle se pose dans la question de est-ce qu'il y a assez d'argent pour acheter une brosse à dents et pas pour une brosse à dents pour cinq, mais une brosse à dents pour chaque enfant de la fratrie ? Est-ce qu'il y a un point d'eau dans le logement ? Est-ce qu'il y a la possibilité de cuisiner et non pas de manger n'importe quoi à bas prix ? Et donc, cette question de l'argent, elle, mine de rien, tu vois. Je m'aperçois qu'elle est là quand même, mais à un autre point de la relation.

  • Speaker #0

    Mais disons que là, toi, tu pouvais te décorréler de cette question-là pour tes actes et le temps que tu allais passer avec tes patients, et en fait, tu étais beaucoup plus dans le soin.

  • Speaker #1

    Ah ben, 100%.

  • Speaker #0

    Je trouve que ce que Pauline décrit ici est extrêmement révélateur. Lorsqu'on parvient à se détacher de la question de la rentabilité, on peut se permettre d'accorder davantage de temps à écouter, informer et accompagner les patients. Quelque part, cela confirme l'idée persistante que j'ai que la pression économique limite notre capacité à offrir des soins complets et humanistes. Pauline a eu la chance de vivre cette expérience en début de carrière, dans un contexte où elle n'avait pas à se soucier de la rentabilité de chaque acte. Mais il est important de souligner que le paysage de la santé a considérablement évolué ces dernières années. Aujourd'hui, la course à la rentabilité et à la mercantilisation des soins, que nous avons évoqué avec Olivier Sirand dans l'épisode 3, se sont intensifiées. Les conditions d'exercice que Pauline a connues à ses débuts pourraient bien avoir changé, avec des répercussions sur la qualité des soins et le temps que l'on peut accorder à chaque patient. L'autre point intéressant soulevé par Pauline est l'aspect financier du point de vue des patients. Même si dans ce contexte, elle n'avait pas à discuter directement d'argent pour ses actes, la question d'argent refaisait surface sous une autre forme. Les préoccupations financières des patients se manifestaient dans des détails qui peuvent sembler anodins, mais qui sont en réalité essentiels. La capacité à acheter une brosse à dents pour chaque enfant, à avoir un point d'eau pour se brosser les dents, ou même à pouvoir cuisiner des repas sains. Cela nous rappelle que... même lorsque l'on parvient à s'extraire des considérations financières dans notre pratique, la question de l'argent reste omniprésente dans la vie des patients, influençant indirectement la qualité de nos soins.

  • Speaker #1

    Je reviens à ce que tu disais tout à l'heure sur la méconnaissance des nomenclatures et le fait qu'on est... On n'a pas beaucoup de connaissances en matière administrative. Là, je vois, j'ai eu quelques appels de jeunes praticiens qui se demandaient pourquoi... je facturais des choses NPC et qu'ils m'avaient envoyé des patients et que les patients étaient revenus en n'étant pas contents actuellement parce qu'il y avait du NPC en plus des soins. Et à ces jeunes-là, je leur ai dit il faut absolument que vous ayez une connaissance importante de la nomenclature. La CCAM, ça s'apprend. ce n'est pas juste une ligne dans un tableau fourni par les réseaux sociaux. Ça s'apprend et ça se décortique. Et en fait, quand on décortique bien la CCAM, quand on lit bien tous les termes, c'est beaucoup plus simple ensuite de savoir ça c'est remboursé correctement, ça c'est un NPC, etc. et de pouvoir l'expliquer au patient. Je pense qu'il y a un manque de travail réflexif autour de la CCAM chez les jeunes praticiens qui ne la digèrent pas. Il ne s'agit pas de faire passer un NPC, il s'agit juste de comprendre. à quoi ça sert, et de savoir si ça répond aux besoins du patient. Si ça répond aux besoins du patient, on va lui exprimer et lui dire que si ce n'est pas remboursé, ce n'est pas pour ça qu'il n'en a pas besoin.

  • Speaker #0

    Pauline fait ici référence à la discussion que nous avons eue juste avant l'enregistrement au sujet de ma conversation avec Anne-Catherine Gallou pour l'épisode précédent. Je rejoins Pauline. C'est essentiel de bien connaître la nomenclature. Elle a raison de souligner l'importance de maîtriser la CCAM. Je dirais même que c'est une compétence indispensable pour expliquer clairement aux patients ce qui est remboursé de ce qui ne l'est pas, et pour éviter tout malentendu. Mais je dois bien avouer que de mon côté, je n'ai jamais eu le courage ni la patience de me plonger dans les méandres de la CCAM comme Pauline l'a fait. L'idée de passer des heures à décortiquer des lignes de code m'a toujours rebutée. Mais voilà, on peut changer, et ce podcast sert aussi à ça, à comprendre et à évoluer. C'est pourquoi, à l'instant où j'enregistre ces lignes, je viens juste de faire un tour sur internet et d'acheter le livre de notre confrère Marc Sabeck, Honoraires et Nomenclature. Peut-être que cela va enfin me motiver à m'y mettre. Et non, ce n'est pas de la publicité, promis, Marc Sabeck ne sait même pas que je vais le citer ici. On a vu cette étape de salariat, je voulais savoir en fait ce qui t'avait conduit à vouloir créer ensuite ta propre structure.

  • Speaker #1

    Alors j'ai été salariée pendant dix ans, c'était vraiment super et puis il se trouve que j'ai voulu pour des raisons personnelles me rapprocher de mon domicile et soigner, orienter mon exercice vers les personnes en situation de handicap et ce n'était absolument pas possible dans le centre où j'étais. J'en soignais quelques unes, quelques enfants. mais c'était vraiment la configuration des lieux ne s'y prêtait pas du tout. Donc j'ai eu l'occasion par le centre où j'étais de faire un DU de management par la qualité en odontologie dans lequel j'ai appris beaucoup beaucoup de choses sur l'organisation d'un cabinet, sur des points pratiques, sur des points économiques, sur des points de management. Je suis loin de mettre tout en pratique, mais en tout cas, j'ai beaucoup appris. Et surtout, ça m'a donné à ce moment-là la force de me dire, allez, je me lance toute seule en libéral. J'avais 11 ans de pratique, donc j'étais assez sûre de moi sur la qualité de mes soins. Et donc, je me sentais capable de me lancer en libéral à ce moment-là. Donc, c'est pour ça que j'ai passé le pas. Et c'est pour ça que j'ai créé Prêt de chez moi. une structure vraiment dédiée au handicap. Alors toute seule, au départ, je m'étais dit, oh là là, toute seule, c'est pas facile. Est-ce que je vais pas essayer de trouver quelqu'un pour m'associer et tout ? Et puis autour de moi, il y avait des associations qui n'étaient pas forcément hyper, qui se passaient pas hyper bien. Donc je me suis dit, bah non, je vais être toute seule, toute seule, très bien. J'ai, mon assistante du centre est venue avec moi. Donc là aussi, j'étais assez assurée d'avoir quelqu'un avec qui, Je travaillais depuis plusieurs années, donc ça allait bien rouler. Et puis après, classique, l'achat des locaux. Alors là, ça a été un peu compliqué d'obtenir un prêt, parce que forcément j'avais un business plan qui ne correspondait pas du tout au business plan d'un cabinet dentaire classique. Donc là, le banquier a un peu fait les yeux ronds en me demandant comment j'allais me débrouiller. La question du handicap a été très problématique. Dans le business plan, à partir d'actionnel, j'avais mis cette spécificité en avant. Et en fait, c'était, aux yeux du banquier, c'était un facteur de risque. Donc, ça a été compliqué pour moi d'obtenir un prêt, de par le faible chiffre d'affaires par rapport à la grille classique des cabinets, et de par cette notion de je vais soigner des personnes en situation de handicap Bon, forcément, ça m'a fait hurler, et du coup... Au final, j'ai réussi à avoir mon prêt. Et puis après, je me suis lancée. Et très rapidement, l'activité s'est développée. J'ai commencé en décembre 2013. Et j'avais un planning subcomplet en juin 2014. Donc ça s'est passé assez facilement.

  • Speaker #0

    Au bout de combien de temps de création de ton cabinet, tu as décidé de déconventionner ? Et qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur ?

  • Speaker #1

    Alors, l'élément déclencheur, ça a été le changement de comptable. Et la nouvelle comptable, quand elle a mis le nez dans les comptes, elle a trouvé qu'il y avait quelqu'un qui était très très mauvais payeur. Et elle m'a demandé qui c'était. Je lui ai dit, c'est la sécurité sociale et le tiers payant. Je ne sais pas si c'était pareil pour tous les départements, mais il y avait des retards de paiement incroyables, ou alors il y avait des paiements partiels. Alors parfois, je me souviens très bien à l'époque, le détartrage à tu pouvais avoir un paiement à... 25,03 euros. Et puis, le mois d'après, le paiement du complément. Et donc, pour faire les rapprochements comptables, c'était la croix et la bannière. Ça, c'était le premier point. Et puis, le deuxième point, c'est que il y avait beaucoup de nouveaux... au centre, qui ne voulaient plus soigner les enfants et qui avaient qui m'envoyaient beaucoup de leurs petits patients ce qui ne me dérangeait pas mais du coup ils oubliaient de préciser que je n'étais pas moi-même un centre ni un hôpital public et donc les actes en NPC m'ont posé problème à ce moment-là parce que les patients arrivaient sans avoir cette notion de spécialiste enfant cabinet privé et là je me suis retrouvée trouvés dans ce dont on parlait tout à l'heure, c'est-à-dire des patients qui ne voulaient faire que la chirurgie, à l'époque 16,72 euros l'attente temporaire, et puis pas de mainteneur d'espace après. Ok, c'est leur choix, mais 16,72€ quand on y passe une demi-heure, le compte est vite fait que c'est assez intenable. Et puis en plus, ça a été à l'époque le passage à la CCAM avec une espèce de rumeur qui parlait justement des conventions, des conventionnements. Je ne me souviens plus exactement, mais... Avec tout ça, j'en parle en juin 2015, j'en parle à la comptable qui me dit Ah non, mais il faut changer de moyen de financement, ce n'est pas possible. J'étais la première dentiste qu'elle avait en comptabilité. Qu'est-ce que c'est que ces choses à perte là ? Non, non, c'est bizarre. Est-ce qu'il y a un autre moyen ? Et je lui dis Ben, il y a un autre moyen qui est de travailler hors convention. Je lui ai expliqué ce que c'était. Elle m'a dit Ah ben, c'est très bien. Allez-y, en septembre, on commence. Comme ça, on a l'impression que je me suis fait imposer le truc, mais non, je pense que c'était juste la petite pichenette qu'il me fallait, parce que moi aussi, ça m'énervait, cette histoire d'actes sous-payés. Parce qu'effectivement, là, par rapport au salariat, je voyais l'argent qui passait. Donc là, effectivement, j'ai beaucoup plus eu la notion des paiements de cabinet dentaire, par rapport à l'exercice en salariat.

  • Speaker #0

    Après dix années d'exercice en tant que salarié, Pauline décide donc de créer sa propre structure. motivé par des raisons personnelles et un désir profond d'orienter son activité vers les soins aux personnes en situation de handicap. Sa démarche était audacieuse, mais elle s'est vite heurtée à une difficulté que je n'aurais pas soupçonnée, obtenir un prêt pour un projet de cabinet qui ne correspond pas au modèle financier classique. Pour le banquier, soigner des personnes en situation de handicap représentait un risque financier. Cette approche purement économique, qui mettait en doute la viabilité de son cabinet à cause de la nature même de sa patientèle, l'a profondément choqué. ce que je comprends aisément. Mais Pauline n'a rien lâché. Elle a réussi à surmonter ses obstacles et à créer une structure florissante dédiée à une population souvent négligée. Toutefois, une fois son cabinet créé, Pauline a rapidement dû faire face à un autre défi, cette fois lié à la gestion financière courante. La gestion comptable est devenue de plus en plus complexe avec des retards de paiement ou des montants partiellement versés de la part de la Sécurité sociale. Pour ajouter à cela, elle a commencé à recevoir de plus en plus de patients venant de centres, qui ne prenait plus en charge les enfants. Les parents de ces petits patients arrivaient souvent sans comprendre que le cabinet de Pauline n'était ni un centre de soins, ni un hôpital public, et se retrouvaient confrontés à des actes non pris en charge, ce qui a généré, ce dont on a parlé tout à l'heure, des choix de traitement orientés vers les soins pris en charge, et donc peu rémunérateurs. C'est à ce moment-là que sa carrière a pris un nouveau tournant. En échangeant avec sa comptable, Pauline a réalisé à quel point certains actes sous-payés, imposés par la Convention, étaient financièrement intenables. Pour elle... L'idée de continuer à soigner avec des tarifs aussi bas, 16,72€ l'extraction par exemple, en y consacrant parfois une demi-heure devenait tout simplement impossible. Le passage à la CCAM et les ajustements liés à cette nouvelle nomenclature ont ajouté une pression supplémentaire. C'est pourquoi, encouragée par sa comptable, Pauline a finalement fait le choix de se déconventionner. Ce que je retiens du parcours de Pauline, c'est que lorsqu'on choisit de sortir des sentiers battus, ici en orientant son activité vers les patients en situation de handicap, un domaine où elle était relativement précurseur en tant que libérale, on est souvent confronté à des obstacles et à des difficultés qu'il est impossible d'anticiper. Pauline a dû essuyer les plâtres, pour ainsi dire, dans un contexte où peu de soutien lui a été offert, que ce soit de la part des banques ou même des organismes comme la Sécurité sociale. Et je dois dire que, comme elle, je suis gênée par le fait qu'un choix d'exercice aussi ambitieux et courageux n'ait pas été davantage soutenu ou facilité. Pourtant, il me semble essentiel de soutenir les praticiens ou praticiennes qui font le choix d'innover et de se consacrer à des populations plus vulnérables.

  • Speaker #1

    C'est très facile de se déconventionner et de se reconventionner. Là aussi, c'est un mythe. En fait, c'est assez simple. Il y a un courrier envoyé à la Sécurité sociale qui nous renvoie une autre CPS et basta. Et je n'ai jamais eu de discussion, moi, sur le pourquoi du comment. J'avais quand même essayé de voir avec la dentiste conseil. Je lui avais parlé que là, au bout d'un an et demi d'exercice, je commençais à avoir les problèmes financiers qui étaient là.

  • Speaker #0

    Et la dentiste conseil, à l'époque, m'avait dit, si vous posez 2-3 implants, ça vous fera votre chiffre du mois. Et là, je me suis dit que manifestement, on n'habitait pas sur la même planète. Donc voilà, en fait, je n'ai eu aucun soutien de la sécurité sociale. Et moi, c'est vrai que j'étais un peu déçue. su, un peu triste même, de me dire Ah mince, j'ai une activité quand même pédo et handicap, il me semble que je réponds à un besoin de santé publique qui n'est pas forcément pourvu à 100% et je dis que je vais partir et en fait, on ne me dit rien. C'est le jeu, mais vraiment, j'ai... Je ne sais pas, le fait de ne pas avoir été un minimum retenu ou un minimum aidé ou un minimum soutenu en me disant Mais non, mais est-ce qu'on ne peut pas trouver une autre solution ? Vous voulez que je m'en aille ? Je m'en vais. Et voilà. Et donc, en trois mois, c'était fait. Alors après, il faut créer une nouvelle grille tarifaire. Donc, hors convention, on applique toujours la CCAM. Donc, simplement, les tarifs sont libres. Donc, ce n'est pas compliqué. On prend le code CCAM et puis, à côté de l'ancien tarif, on met notre nouveau tarif. Voilà. Et on le calcule en fonction du coût horaire du cabinet. Pour le coup, la question de l'argent hors convention face à soi-même, c'est-à-dire quand on est devant son ordinateur, en faisant sa grille tarifaire, c'est ultra simple. C'est une règle de trois. Il faut que l'ensemble de notre chiffre d'affaires corresponde à l'ensemble de nos dépenses. Donc c'est très facile mathématiquement. Après, il y a le problème du remboursement du patient.

  • Speaker #1

    Du coup, qu'est-ce que le déconventionnement a changé dans tes relations avec tes patients concernant ces sujets d'argent ? Merci.

  • Speaker #0

    Alors, ce que le déconventionnement a changé, c'est qu'on parlait encore moins d'argent. C'est-à-dire qu'avant, lorsque je présentais les devis, que je n'appelais pas encore propositions thérapeutiques et devis, j'expliquais qu'il y avait des soins entièrement remboursés et des soins pas du tout remboursés. Ensuite, je détaillais. Et donc, j'ai été confrontée à des patients qui me disaient, moi je ne ferais que la partie remboursée. Assez logique. Et donc, forcément, on était obligé de rediscuter du besoin de soins des enfants, mais on se heurtait toujours à cette notion de, oui mais ce n'est pas remboursé, donc si ce n'est pas remboursé, c'est que ce n'est pas indispensable. Quand tu n'es pas conventionné, en fait, moi je faisais tout passer en acte remboursable. C'est-à-dire qu'il n'y avait plus aucun NPC. Tout était inclus dans du remboursable. Après, c'est très peu remboursable, mais tout est remboursable. Et donc en fait, il n'y avait plus cette suspicion un peu de je compense ce qui est peu payé avec ce qui est NPC, quand il y a quelque chose qui est très peu facturé et puis quelque chose qui est très grandement facturé, alors que finalement la valeur de l'acte est... ne le justifie pas et je prends comme exemple la fluoration forcément on met très cher par rapport à un acte de soins qui est sous-payé les patients sont pas idiots ils voient bien qu'il y a un truc alors que là Je faisais un soin global, mettons, je te donne un exemple, moi mon soin de restauration de carie, il était à 75 euros, quel que soit le nombre de faces, parce que cette histoire de nombre de faces, je la trouve débile, on met autant de temps et autant d'intention à soigner une face et deux faces, et dans ces 75 euros, il y avait également la fluoration qui était comptée dedans. Ou alors c'était 150 avec la coiffe pédodontique qui était comptée dedans. Et donc du coup, tout était remboursable. Donc, il n'y avait plus cette histoire de suspicion de compensation. Et après, tout était sur devis. Donc, moi, mon discours, il était très simple. Voilà, je ne suis pas conventionnée. Ils étaient au courant de partout. Donc, ils savaient qu'ils n'allaient pas être beaucoup remboursés. Tout était écrit sur devis et rien n'était commencé avant le retour de la mutuelle. Donc, en fait, c'est une relation qui, de ce point de vue-là, pour moi, était beaucoup plus simple.

  • Speaker #1

    Ce que l'expérience de Pauline nous montre ici, c'est que le déconventionnement a radicalement changé sa relation à l'argent avec ses patients. En supprimant les actes non pris en charge, NPC, et en appliquant des tarifs clairs, même pour des soins non remboursés, elle a simplifié les échanges. Fini les discussions sur la légitimité des soins en fonction de leur prise en charge. Les patients savaient d'emblée que peu de choses seraient remboursées, et tout était désormais transparent. En dissociant totalement le soin de la complexité des remboursements, Pauline a pu instaurer une relation plus simple avec ses patients concernant les questions d'argent. Ce qui ressort aussi, c'est que le déconventionnement, bien qu'il puisse paraître compliqué ou risqué à première vue, est simple à mettre en place et a permis à Pauline de retrouver une forme de liberté dans sa pratique. Plus de compromis sur la qualité des soins, Plus de suspicion de la part des patients concernant la tarification des actes. Cela lui a permis de structurer ses tarifs de manière juste, en fonction de son temps et de ses coûts, tout en restant fidèle à ses principes. Cependant, il est clair que ce choix demande une certaine adaptation de la part des patients, qui doivent accepter un niveau de remboursement bien moindre, mais aussi un engagement plus clair dès le début du traitement. Ce que je perçois, moi, au travers de ce parcours, c'est une critique implicite du système de conventionnement, qui, au lieu de favoriser des pratiques justes et transparentes, impose parfois des règles qui brouillent la relation avec le patient. Pauline, à travers son choix, montre qu'il est possible de repenser cette relation en plaçant la qualité des soins au centre, sans pour autant renoncer à la viabilité financière de son cabinet. La question de la gratuité des soins, et on est en train de glisser vers... vers cette notion-là. Déjà depuis la loi Kouchner, la relation soignant-soigné a beaucoup évolué. On est dans un pays de droit, donc les gens pensent, et c'est à juste titre, que la santé c'est un droit, que tout le monde devrait avoir le droit de se faire soigner de la même manière, quelle que soit la situation financière. Mais dans la réalité, c'est difficilement possible. Les gens qui ont plus d'argent auront toujours plus de facilité à accéder aux soins que ceux qui n'en ont pas. Donc toi, est-ce que tu dirais que ce déconventionnement, pour toi, a été une bonne solution pour revenir à une relation de soins plus saine ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y avait effectivement cette... fluidité des échanges par rapport aux finances, puisqu'on ne parlait pas de bidouilles et que tout était remboursable. Donc ça, ça facilitait l'échange. C'est-à-dire que très rapidement, on n'en parlait plus, puisqu'il n'y avait pas à en parler. Par contre, ce qui perturbait les gens, c'était le fait que j'étais quand même hyper sympa. C'est-à-dire que, dans l'image, Le praticien qui n'est pas conventionné, il est dans un cabinet chic, dans un quartier chic et il roule en Porsche. Et moi, il se trouve que je suis dans un quartier normal et que, j'ai pas de Porsche mais peu importe, et que mon cabinet n'est pas chic dans le sens où il ressemble plus à une crèche qu'au chic. Donc je ne propose pas de café, je ne propose pas de journal, il n'y a pas... tout cet accompagnement que les gens parfois attendaient. Et donc, par rapport à mon statut, j'ai eu des réflexions sur Mais en fait, vous êtes hyper sympa, mais pourquoi vous n'êtes pas conventionné ? Parce que ça ne vous ressemble pas en fait, vous chantez, vous dansez, vous êtes hyper cool ! Et ça n'a rien à voir d'être hyper cool et conventionné ou pas. Mais en fait, les gens s'attendaient, sauf à part ceux qui me connaissaient d'avant, mais les nouveaux parfois se sont attendus à avoir beaucoup de personnel. des signes extérieurs de richesse de cabinet qui ne sont pas ceux que j'avais dans le cabinet et qui les déroutaient un petit peu sur le statut conventionné. Après, j'ai eu des réflexions aussi sur à un moment donné, je me souviens, j'arrête un soin parce que le gamin, il est... il était ingérable et j'avais déployé tout ce que je pouvais, tout ce que je pouvais, voilà, pour essayer d'y arriver. Je pense que ça me dépassait. Et il y a une maman qui m'a dit, mais écoutez madame, je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant. Et j'ai trouvé cette phrase assez terrible en fait. Et là, tu vois, sur certaines fois comme ça, il y a la question de l'argent qui revenait un peu en boomerang.

  • Speaker #1

    Cette partie de notre discussion, me rappelle ce que nous avions évoqué avec Benjamin Derbez, sociologue dans l'épisode 4, le fameux cliché du dentiste qui roule en Porsche. C'est une image encore bien ancrée dans l'imaginaire collectif, souvent associée à une certaine élite et à la rentabilité de la profession. Mais Pauline, avec son déconventionnement, a dû faire face à un autre verre de la médaille. Pour certains patients, le fait d'être hors convention implique que le praticien s'adresse à une patientelle plus élitiste. Ce qui, dans leur esprit, doit forcément s'accompagner d'un service en adéquation, un cabinet chic, un voiturier, un café à l'accueil. C'est une attente implicite qui peut dérouter. Et c'est là que réside le paradoxe. Pauline, en choisissant de se déconventionner, a simplifié les échanges financiers et recentré sa pratique sur le soin. Pourtant, elle a aussi attiré des patients qui ne correspondaient pas forcément à son approche ou à ses valeurs. Comme cette maman qui lui a dit Je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant Cette phrase, comme le dit Pauline, résonne d'une manière assez terrible. Elle illustre bien ce boomerang que peut entraîner le déconventionnement. Lorsqu'on s'extrait du système classique, on peut se retrouver face à des attentes parfois démesurées de la part de certains patients, qui estiment que le prix justifie tout, y compris un service qui n'a finalement rien à voir avec la qualité des soins. Cela nous rappelle qu'il y a toujours un revers de la médaille, quel que soit le choix d'exercice. Dans le cas du déconventionnement, Le risque est d'attirer des patients avec des attentes élitistes, bien loin de l'objectif initial qui était simplement de proposer un soin plus libre, plus transparent et déconnecter des contraintes administratives et financières de la Convention. Et cela fait écho à mes propres questionnements d'il y a quelques années, lorsque j'avais envisagé de me déconventionner. A l'époque, je n'avais pas mesuré tout ce que cela impliquait. Le fait de prendre le risque de perdre des patients que j'apprécie profondément, au profit d'autres qui ne me correspondraient peut-être pas autant, ne m'était pas apparu aussi clairement. Finalement, Avec le recul, je ne regrette pas mon choix d'être restée conventionnée. Cela me permet de maintenir une relation plus équilibrée avec mes patients, tout en gardant un cadre qui correspond à mes valeurs.

  • Speaker #0

    Je voudrais revenir sur l'histoire de la gratuité des soins parce que c'est vraiment, je pense, la grosse problématique. C'est ce que moi j'appelle le tiers payant transparent. Je ne sais pas s'il a un terme officiel, mais le tiers payant transparent, c'est-à-dire où on ne sait même pas combien autrui va payer pour nous, ça c'est vraiment, je ne sais pas d'où ça sort, mais je pense que c'est vraiment une erreur majeure. Alors nous on en bénéficie aussi, à la pharmacie plus personne ne paye rien. C'est quand même incroyable. Et l'autre fois, par exemple, j'ai un patient à qui je fais une ordonnance antibiotique, qui va chercher les médicaments, il fait une erreur de composition, et il ne le laisse pas au frigo. Du coup, le lendemain, tout naturellement, il me redemande une ordonnance antibiotique. Et en fait j'ai dit mais on se rend pas compte mais là la sécurité sociale a payé deux fois un traitement. Alors c'est peut-être pas grand chose de la moxiciline mais mise bout à bout ça coûte vachement cher. Et il est certain que s'il l'avait payé de la poche avant d'être remboursé ou même s'il avait eu une facture de vous avez l'avance totale des frais mais votre facture c'est tant. peut-être qu'il aurait peut-être fait plus attention. Quand on va dans les hôpitaux, je me souviens quand j'ai eu un problème de récupération des droits de sécu, quand je me suis déconventionnée. Pendant trois mois, je n'avais plus de droits de sécurité sociale. C'était un peu la galère. Et pour le coup, un de mes ayants droit a dû faire un séjour en réa à l'hôpital. Et quand j'ai vu le prix de la nuit en réanimation, je dis mais... Alors, instinctivement, je savais que c'était très cher. Mais là, en fait, je me suis retrouvée devant le caissier, il m'a dit mais vous n'avez plus le droit de sécurité sociale, madame. Vous nous devez tant. Et je dis mais moi, je ne peux pas avancer tant. Après, ça s'est arrangé. Mais vraiment, cette histoire de tiers payant où on ne sait même pas à combien correspond la prestation, c'est, je trouve, incroyable. Donc, s'il y a vraiment quelque chose qui pourrait être, me semble-t-il, changé dans notre rapport à l'argent, dans tous les corps médicaux, c'est, ok, je ne paye pas parce que la solidarité nationale fait que quelqu'un paye pour moi, mais au moins, je sais combien ça coûte.

  • Speaker #1

    Pauline a souhaité revenir sur un point essentiel, la confusion entre gratuité et solidarité nationale. Ce qu'elle appelle le tiers payant transparent révèle un décalage entre la perception des patients et la réalité des coûts des soins. Comme nous l'avions évoqué avec Anne-Charlotte Bas dans l'épisode 2, cette absence de communication sur les valeurs des soins pris en charge alimente cette confusion. On ne distingue plus ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui est perçu à tort comme gratuit. Cela crée une déconnexion. qui dans les cas des soins non remboursés, place souvent le soignant dans une posture inconfortable, presque comme un vendeur de soins. Le patient qui n'a pas conscience du coût réel des actes peut avoir du mal à comprendre pourquoi certains soins ne sont pas pris en charge. Le praticien doit alors non seulement expliquer le besoin médical, mais aussi justifier le coût de son travail. les dépenses liées à son cabinet et parfois même l'importance du soin lui-même. Cette situation peut altérer la relation de confiance et générer des tensions inutiles qui détournent l'attention du cœur de notre métier soigné. Toi qui aussi a fait beaucoup de bénévolat, il me semble que c'était à la Croix-Rouge. Oui. Du coup, cette situation où tu t'es retrouvée dans une position presque inversée, où là... Les gens qui payent peuvent aussi être en droit de se dire moi, si je paye, j'ai le droit à ça ou ça et où tu devais peut-être plus avoir les patients dans des situations financières compliquées. Comment tu l'as vécu, toi, cette situation ? Est-ce que tu t'es sentie aussi en dissonance par rapport à tes valeurs ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je n'étais pas conventionnée, la patientèle n'a pas beaucoup changé, parce que finalement, je n'ai... Alors, en matière de structuration socio-professionnelle, ça n'a pas trop changé, c'est-à-dire que je n'avais pas de gens hyper fortunés qui venaient me voir, parce que, mine de rien, comme je te disais... il n'y avait pas le côté accompagnement, personnel, café, journaux sur tablette et voiturier. Donc au final, les gens qui recherchent ce type de prestations-là ne sont pas venus chez moi. Et puis, il y a aussi le fait que j'ai un petit caractère qui fait que si on commence à trop, trop... Me prendre de haut et me prendre pour le larbin de service parce que j'ai de l'argent, donc je vais t'acheter pour que tu t'occupes de mon enfant que je n'ai pas éduqué. Très rapidement, la relation thérapeutique ne s'est pas faite et ils sont partis d'eux-mêmes. Je pense que je ne correspondais pas à leur demande. après les autres ceux qui m'avaient connu depuis très longtemps ça ne changeait pas grand chose pour eux parce qu'en fait ils me disaient nous ça nous ennuie un peu, bon mais on sait pourquoi on vient et à partir du moment où finalement quel que soit ton statut d'exercice à partir du moment où tu le fais avec du sens et que tu le fais avec ton cœur, pas ton bon cœur, mais ton cœur et justement tes valeurs, ce en quoi tu crois, la manière dont tu vois le métier, l'humanité et la relation de soins. Finalement, les gens se disaient, écoutez, moi je paye 60 euros chez la pédiatre, je paye 60 euros chez vous, vous êtes aussi sympa, vous prenez du temps, voilà, donc ça ne posait pas de problème. Là où c'était plus problématique et ce qui a conduit d'ailleurs un peu à mon... à mon reconventionnement qu'on abordera après, c'est que les patients qui n'avaient pas d'argent, j'ai appelé mon ami Hippocrate et je les ai soignés gratuitement. Parce que j'ai prêté serment et que pour moi, c'est hyper important. C'est non discutable, non négociable. Je me souviens d'une petite famille, il y avait deux jumeaux autistes, un enfant trisomie, ils habitaient dans un studio. Il est hors de question que je fasse payer ces personnes. C'est pas possible. Ces personnes-là, elles ont besoin d'être aidées. Et moi, je fais partie de la chaîne des petits colibris qui doit les aider. Sinon, j'ai rien à faire ici. Je le dis avec beaucoup de gravité et beaucoup d'émotion, parce que c'est vraiment... Le point fondamental de ma vie en général et de la manière dont je vois le métier, c'est vraiment la relation d'aide. Donc j'ai commencé à faire des soins gratuits et probablement trop de soins gratuits.

  • Speaker #1

    On va en venir à ce qui finalement t'a ou décidé ou peut-être contraint à te reconventionner.

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas vu les finances qui n'allaient plus. Probablement que d'autres les auraient vues. Moi, je pense que tu auras compris que mon grand intérêt dans le métier n'est pas mon relevé bancaire. Donc, j'ai fait l'autruche. J'ai géré le Covid et le post-Covid comme tout le monde. Plutôt bien d'ailleurs, parce que je n'ai même pas pris de prêt. J'ai remonté le chiffre, je ne suis pas partie en vacances. J'étais assez fière de moi, mais finalement de ma gestion Covid, post-Covid. Et puis... Et puis, qu'est-ce qui s'est passé après ? Il y a eu beaucoup moins de patients. Moi, j'avais repris des études par ailleurs. Donc finalement, j'étais assez contente d'avoir moins de patients. J'avais plus d'heures de déj. Enfin, voilà, un côté un peu... Voilà, on verra bien. Bon, un peu, je me suis un peu laissée porter par... Je me suis laissée flotter, voilà. Et puis, de plus en plus de gens qui avaient besoin de soins et qui n'avaient pas d'argent. Donc, de plus en plus de... de séances gratuites ou payées. J'ai rarement fait du tout gratuit, mais j'ai fait des séances à 5 ou 10 euros, par exemple. Parce que je voulais quand même, pas pour les patients qui gèrent la CMUR, mais il y a quand même des patients qui n'ont pas leurs droits. On ne sait pas comment ça se passe, mais il y a des gens qui probablement ne recouvrent pas tous leurs droits. Et donc, en fait, j'ai fait payer... Voilà, des sommes symboliques, histoire d'avoir quand même un échange. Je fais une petite parenthèse, moi j'aime beaucoup les travaux de Maurice Godelier, qui est un anthropologue qui travaille beaucoup sur le don et la dette, et le fait que quand tu donnes quelque chose à quelqu'un, ce quelqu'un est en dette vis-à-vis de toi. Et donc je ne voulais pas rendre service, je ne voulais pas que les patients se sentent redevables ou en dette, donc c'est pour ça qu'on avait quand même un échange de... soins médicaux contre argent, et 5 ou 10 euros pour un soin. C'était OK pour eux et ça permettait de neutraliser le lien et que je ne le rendais pas service. Ils ne me devaient rien puisqu'ils m'avaient payé ce qu'ils pouvaient me payer. Mais par contre, comptablement, ça n'allait pas du tout. Et je n'ai pas vu la situation s'empirer. Vraiment, la méa culpa complet, j'ai rien vu. J'ai rien vu jusqu'au moment où le compte en banque a été quasiment vide. Entre temps, j'ai encore changé de comptable et le comptable n'a rien vu non plus. Et en fait, j'aurais pu changer avant. Parce que faisant beaucoup de soins aux personnes en situation de handicap, il y a le fameux 4Y. Y183, ça, ça aurait pu m'aider. Et en fait, quand je me suis aperçue de tout ça, j'en ai discuté avec deux, trois pâtissières hyper sympas qui m'ont dit, mais ce n'est pas possible. Allez hop, elles m'ont reboostée, un peu comme la comptable avait fait pour le déconventionnement. Elles m'ont pris en main, elles ont regardé mes comptes et tout. Elles m'ont dit, ah non, non, non, allez hop, tu te reconventionnes, tu vas voir, ça fonctionne comme ça très, très bien. Et elles ont eu raison et elles m'ont beaucoup accompagnée. J'ai rebossé beaucoup la CCAM pour refaire une grille et refaire un argumentaire vis-à-vis des patients pour expliquer pourquoi ce changement et pouvoir voir comment est-ce que je pouvais comptablement m'en sortir entre les actes remboursables et les NPC qui sont tous justifiés, motivés auprès des patients et qui correspondent tous à un besoin. Donc en fait, c'est les contraintes économiques qui m'ont poussé à me reconventionner. C'est un peu bizarre, mais c'est comme ça. Dans ma pratique de pédo-handicap, avec beaucoup de patients dans cette situation-là, la CCAM est très favorable pour mon exercice.

  • Speaker #1

    Les propos de Pauline nous rappellent à quel point le besoin d'humanisme dans notre métier est essentiel. Prendre soin de nos patients, notamment ceux en grande précarité, est un devoir que nous portons avec gravité. Mais cet engagement se heurte. parfois à une réalité implacable, l'équilibre financier de nos cabinets. Pauline l'a vécu en multipliant les soins gratuits au point de fragiliser son activité jusqu'à ce que cette générosité devienne insoutenable économiquement. Pauline revient aussi sur le confinement qui a complètement chamboulé notre rapport au travail. Cette période résonne aussi avec mon propre parcours puisque c'est justement à ce moment que je lançais ce podcast. Comme beaucoup, j'ai profité de cette parenthèse hors du temps pour m'interroger sur mes priorités et mes envies professionnelles. Je me suis même prise à rêver qu'un jour je pourrais vivre de cette activité. Mais moi aussi la réalité m'a vite rattrapée. Il m'a fallu du temps pour comprendre que mon métier de dentiste m'offrait de nombreux avantages auxquels je n'avais pas envie de renoncer. Vivre du podcasting me demandait des sacrifices ou des compromis que je n'étais pas prête à accepter. Ce que l'on perçoit dans le témoignage de Pauline, comme dans nos propres expériences, c'est que l'équilibre entre passion, engagement et viabilité économique est souvent fragile. Et c'est là également qu'intervient une autre forme d'entraide, celle de nos confrères et consoeurs, qui, dans des moments de doute ou de difficulté, peuvent nous permettre de nous recentrer et de retrouver une stabilité. Peut-être une question un peu compliquée, mais j'aurais aimé savoir un peu quel bilan tu tirais de ces trois expériences salariat, convention, hors convention. Parce que finalement, tu as pu en tirer énormément de choses aujourd'hui. Ton exercice, c'est une deuxième question dans la question, mais aujourd'hui, tu es heureuse dans ton fonctionnement ?

  • Speaker #0

    Absolument. En fait, j'adore le parcours que j'ai eu. Je trouve qu'ils me correspondent parfaitement bien. Pour la première fois, j'ai voulu arrêter le métier. Je ne suis pas d'ailleurs convaincue de terminer dentiste, mais après il y a les nécessités économiques qui font loi, donc on verra. Mais je trouve que le cheminement depuis la fin de mes études, le cheminement que j'ai eu, me correspond parfaitement. Et je pense qu'actuellement, je suis beaucoup plus sereine. maintenant, alors il y a l'âge aussi qui fait que, mais je suis beaucoup plus sereine dans mon exercice maintenant, parce que je pense que je suis passée par toutes ces étapes, et que probablement, par rapport à ce que je voulais faire de ma vie, c'est-à-dire être vraiment dans une relation d'aide, par rapport aux écoles philosophiques en quelles je crois, et que j'essaie d'appliquer à mon quotidien, j'ai l'impression d'être maintenant bien bien en phase. avec moi, avec ce que je pense, avec mes valeurs, avec ce que j'ai dans mon cœur, avec ma vie personnelle. Je suis très très contente d'avoir fait ce trajet. En plus, j'aime bien toujours faire les choses un peu en itinéraire bis. Et donc, quand je repense ou quand je suis sortie de mes études où j'ai dit, moi je vais faire de la pédo en centre de soins ou qu'on m'a regardée avec les yeux ronds, et finalement où j'en suis maintenant, je suis assez contente. Je suis aussi contente un peu de faire un petit pied de nez à mes anciens profs qui ne me connaissent plus, et ce n'est pas grave, mais de leur dire, voyez les gars, il n'y a pas un seul mode d'exercice, il n'y a pas une seule vie. Je pense que ça ne se fait plus maintenant, mais on n'était peut-être pas obligés de nous faire rentrer aux forceps dans des moules qui ne nous convenaient pas. Et je suis bien contente de leur dire t'as vu où je suis maintenant ?

  • Speaker #1

    Pauline souligne ici une vérité, que beaucoup d'entre nous oublient parfois, notre chemin n'est pas tout tracé. Il est façonné par nos expériences, nos choix, mais surtout par nos valeurs. Son parcours en est le reflet. Ce qui est essentiel, c'est de rester fidèle à ce que nous sommes, à ce qui nous anime profondément. Nos valeurs servent de boussole, même lorsque le doute s'installe. D'ailleurs, je pense que le doute est une force. Il nous permet de questionner, de réfléchir, de ne pas accepter les choses telles qu'elles sont. Et je dois dire que j'aime les gens qui doutent, parce qu'ils me rassurent. Il montre qu'il est possible d'avancer tout en se remettant en question, et c'est peut-être ce qui nous aide à rester sincères, en accord avec nous-mêmes, comme Pauline évoque si bien. Je tiens à remercier chaleureusement Pauline Chardron-Mazière pour cet échange sincère et profond. Son parcours en itinéraire bis est une belle preuve qu'il n'y a pas de chemin unique. Chacun d'entre nous doit trouver sa propre voie, celle qui résonne avec ses valeurs et sa vision du métier. Un immense merci aussi à Pauline Bussy pour le montage de cet épisode, à Maxime Wattieu pour la réalisation et la composition musicale, et à Camille Covez pour l'illustration, qui donne vie à ce podcast à travers leur talent et leur créativité. Avant de conclure, je vous rappelle que nous préparons une série spéciale autour de ma mission humanitaire à Madagascar, et j'ai besoin de votre soutien plus que jamais. Les dons que vous pouvez faire serviront à financer le matériel nécessaire à la mission, mais aussi la création de cette série. Musique, visuel, montage. Si vous souhaitez participer à cette aventure, vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Pour le prochain épisode, nous aurons le plaisir d'accueillir notre confrère Jérémy Bazar, qui nous parlera de son parcours de dentiste et de son choix de toujours avoir travaillé en salariat. Une autre façon d'exercer, une autre perspective sur notre métier, que j'ai hâte de partager avec vous. Merci à toutes et à tous pour votre écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à lui donner 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Cela m'aide profondément. à faire découvrir le podcast à d'autres. Mais surtout, parlez-en tout autour de vous, partagez-le sur les réseaux sociaux, faites fonctionner le bouche à oreille. C'est grâce à vous que cette aventure continue à grandir. N'oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer les prochains épisodes et à très bientôt pour de nouvelles réflexions autour de notre métier de dentiste.

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Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 6 : Le va-et-vient du conventionnement

Dans cet épisode, j'accueille Pauline Chardron-Mazière, chirurgienne-dentiste, qui a un exercice exclusif en pédodontie et en soins spécifiques handicap, et qui partage ici son expérience unique de déconventionnement, puis de reconventionnement. Pauline nous raconte les raisons qui l'ont poussée à sortir du cadre conventionné, et ce qui l’a finalement motivée à revenir. Elle dévoile les défis auxquels elle a été confrontée, les réflexions personnelles derrière ce choix audacieux, ainsi que l’impact de cette décision sur sa pratique professionnelle et sa relation avec les patients.

🔍 Dans cet épisode, vous découvrirez :

  • Pourquoi Pauline a décidé de se déconventionner

  • Les avantages et les inconvénients du statut de chirurgien-dentiste déconventionné

  • Ce qui l'a fait revenir dans le cadre conventionné

  • Comment ces changements ont influencé son approche des soins et de la relation patient-praticien


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Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Pauline Chardron-Mazière pour son partage d'expéreince si précieux.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce sixième épisode de la série Mon voyage à travers l'argent en dentisterie Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui, nous abordons un sujet qui m'a moi-même tracassée à un moment clé de ma carrière, à savoir lorsque j'ai décidé d'orienter mon exercice vers la parodontologie. J'avoue qu'après quelques mois passés à devoir expliquer pourquoi les soins relatifs au traitement de parodontologie n'étaient pas remboursés, l'idée de me déconventionner m'a effleurée. Je me souviens très bien d'une conversation avec mon associé, Marie, qui se posait la même question. Marie ayant un exercice exclusif en pédo-noncie et moi en parodontologie, ressentions toutes les deux une grande frustration face à la nécessité constante de justifier les actes non remboursés que nous réalisions. Nous pensions peut-être naïvement que le déconventionnement nous épargnerait cette tâche délicate, nous permettant ainsi de nous concentrer davantage sur notre pratique et nos patients. Mais comme nous allons le découvrir à travers l'expérience de la docteure Pauline Chardon-Mazière, la réalité est souvent bien plus complexe qu'il n'y paraît. Avant de plonger dans cet épisode, je souhaite vous parler d'un projet imminent qui me tient particulièrement à cœur. Dans quelques semaines, je vais partir avec Cécile, mon assistante, en mission humanitaire à Madagascar, où j'aurai l'occasion de travailler en tant que dentiste auprès de populations qui, comme vous le savez, ont un besoin urgent en soi en tout genre. Cette mission, vous vous en doutez, sera aussi l'occasion de réaliser une série documentaire pour partager avec vous cette aventure, les moments forts, les craintes, les rencontres et les leçons que je tirerai de cette expérience. Pour mener à bien ce projet, j'ai besoin plus que jamais de votre soutien. Les fonds récoltés serviront à l'achat de matériel nécessaire pour la mission, mais aussi pour la création musicale, les visuels et le montage de la série. Si ce projet vous parle et que vous souhaitez y contribuer, je vous invite à faire un don. Chaque geste compte et m'aidera à concrétiser cette aventure humaine et professionnelle. Vous trouverez toutes les informations pour participer dans la description de cet épisode, dans laquelle je vous ai mis le lien vers la cagnotte Tipeee. Merci infiniment pour votre soutien. Épisode 6, le va-et-vient du conventionnement. Place au sujet du jour, revenons à l'expérience de la docteure Pauline Chardron-Mazière qui va nous expliquer pourquoi elle a fait le choix de se déconventionner avant finalement de revenir sur cette décision. Son parcours atypique éclaire avec profondeur les réalités économiques et éthiques de notre métier.

  • Speaker #1

    Moi je me qualifierais plutôt de fourmi. Donc je suis d'un naturel très prudent. Et donc, je gère mon cabinet avec beaucoup de prudence aussi. Sachant que dans l'ensemble de ma vie, je considère que c'est un peu une banalité, mais que l'argent est un moyen et non une fin. Et donc, je garde toujours en mémoire mon objectif de vie et je détermine la question de l'argent en fonction de cet objectif de vie et non pas le contraire.

  • Speaker #0

    Ce que Pauline exprime ici. Selon moi, est loin d'être une banalité. Au contraire, je pense que c'est une réflexion fondamentale. Analyser son propre rapport à l'argent est essentiel, car il est souvent façonné par une multitude de facteurs. L'éducation, le modèle parental, la culture de notre pays, et bien plus encore. Prendre conscience de ces influences peut changer notre façon d'aborder notre carrière, nous permettant d'éviter de suivre des chemins tout tracés, qui ne sont pas forcément les nôtres. Avant de se lancer dans la vie professionnelle, et particulièrement avant d'investir, je trouve qu'il est crucial de savoir quels sont nos objectifs de vie. Cela implique de bien se connaître, de comprendre ce qui nous motive vraiment, ce qui, avouons-le, n'est pas toujours évident lorsqu'on est jeune. Ce qui est certain, c'est que nous n'avons pas tous et toutes les mêmes critères de réussite. Ce qui, pour certains, peut symboliser le summum de la réalisation de soi, comme avoir un gros cabinet à la Nip-Tuck, peut pour d'autres représenter une véritable prison dorée, voire un précipice vers le burn-out.

  • Speaker #1

    La question de la relation à l'argent avec les... parents de mes patients, ça peut être aussi avec mes patients parce que pour l'anecdote, j'ai quand même beaucoup de petits, c'est-à-dire même à partir de l'âge scolaire, 6-7 ans, qui font des commentaires sur les tarifs, c'est assez rigolo. Et parenthèse aussi, peut-être ce qui me choque beaucoup, c'est que depuis le paiement sans contact, les enfants touchent beaucoup plus la carte bancaire de leurs parents et automatiquement le mettent sur le lecteur de carte bancaire en sans contact. Moi qui suis de l'ancienne génération, je suis un peu abasourdie et je pense que ce n'est pas très sain de donner facilement une carte bancaire à un enfant de 6-7 ans. Je pense qu'en termes de connaissance de la valeur de l'argent, on est dans l'erreur. Petite parenthèse. Alors avec mes patients, j'ai un rapport qui est très clair parce que tout est transparent et tout est écrit. C'est-à-dire que dans la salle d'attente, les tarifs sont écrits comme ils doivent être. Je mets également tout sur devis, que j'appelle proposition thérapeutique et devis, parce que par contre, je suis très mal à l'aise avec le terme de devis. Et donc, tout est affiché, tout est écrit et tout est signé. Et donc, à partir de ce moment-là, les choses deviennent très très simples pour moi et je distingue vraiment le côté soins médicaux du côté... financier. Donc, une fois qu'on a parlé de la question finance, j'insiste vraiment sur le fait que maintenant, on va parler médecine avec les parents et avec les patients et qu'on arrête de parler argent. Je distingue bien le patient et la personne qui paye ensuite, parce qu'effectivement, tout se paye.

  • Speaker #0

    Pourquoi tu disais que tu n'étais pas à l'aise avec la notion de devis ? Enfin, je comprends, mais j'aurais aimé que tu l'expliques.

  • Speaker #1

    Alors, En fait, pour moi, le devis, c'est le devis que je vais signer avec mon garagiste, avec mon plombier. Et le devis d'une prestation médicale, vraiment, ça me choque comme terme. Et là, j'ai enfin trouvé, au bout de vingt et quelques années d'exercice, la manière de m'en sortir moi, parce que je conçois que ça soit un terme officiel, ok, mais en même temps, moi, j'étais très mal à l'aise, parce que pour moi, un devis se négocie. Moi, ça, je n'aime pas du tout dans le côté soins médicaux. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que je n'aime pas non plus le côté en pédodensie, je fais la chirurgie si le devis du mainteneur d'espace est signé. Ça, ça me choque aussi beaucoup, le côté avance des soins prothétiques qui fait qu'on va faire l'acte de soins ou pas. Et donc ça, je n'aime pas, ça me choque aussi. Et en même temps, je l'entends. Et le troisième point, c'est que le patient ayant... la liberté de choix de son traitement du début à la fin et même quand il a commencé éthiquement, il a le droit d'arrêter. Ça m'ennuie d'avoir cette notion de finalement, dans le devis, je fais premier point, deuxième point et puis je vais m'arrêter. Et en même temps, il a le droit d'arrêter. Donc, avec ces trois choses-là, je me suis creusé la tête et maintenant j'envoie un document qui s'appelle Proposition Thérapeutique et devis. Et... Ça me permet, moi, d'être beaucoup plus à l'aise quand je le présente et de dire, voilà, dans mon cabinet, si on vient me voir, voilà ce que moi je propose comme thérapeutique. Parce que c'est cohérent par rapport à votre besoin de santé, par rapport au besoin de santé de votre enfant. Il se trouve qu'associé à cette proposition thérapeutique, il y a des codes administratifs. et des tarifs. Mais d'abord, on va discuter sur est-ce que vous êtes OK pour que moi, Pauline Chardon-Mazière, je soigne votre enfant dans la globalité de ses besoins de soins de santé alimentaire tels que moi je les évalue. Si c'est oui, parfait, on passe au devis. Si c'est non... Mais il n'y a pas de problème, en région parisienne, pour le coup, on est beaucoup de cabinets pédodontiques, donc on peut tout à fait aller voir un collègue ou une collègue qui proposera peut-être une autre thérapeutique. Mais en tout cas, c'est important pour moi de faire le distinguo entre cette proposition thérapeutique qui est vraiment mon document cadre de travail et mon objectif de traitement, et il se trouve qu'il est associé à des codes et à un aspect financier qui s'appelle le devis.

  • Speaker #0

    Pauline associe le terme devis à une transaction commerciale similaire à celle que l'on ferait avec un garagiste ou un plombier. Elle trouve cela inapproprié dans le contexte des soins médicaux, car pour elle, un devis implique une négociation, ce qui ne correspond pas à la nature des soins qu'elle propose. Pour moi, la notion de négociation est complexe, car elle sous-tend une question de confiance qui me semble primordiale, que ce soit dans le domaine des soins, de l'artisanat ou de n'importe quelle transaction. Cela fait écho à ce tact et mesure évoqué par Anne-Catherine dans le précédent épisode. Personnellement, lorsque je fais appel à un artisan, puisque l'exemple avancé par Pauline est celui du plombier, j'estime que son devis reflète le coût des matériaux, de la main d'œuvre et de son expertise. Même si je sais qu'il y a une marge d'erreur possible, je fais confiance à l'artisan pour la justesse de son devis. Si je lui demande de baisser son prix et qu'il le fait, cela signifie soit qu'il a artificiellement gonflé le prix, ce qui me donnerait l'impression d'avoir été berné, soit qu'il a cédé sous la pression et qu'il a renié sur la qualité des matériaux du temps passé, ce qui va me pénaliser d'une manière ou d'une autre. C'est pourquoi je ne négocie jamais les devis. Pour moi, c'est une question de respect. Si je trouve que le devis est trop élevé, je vais alors entamer une conversation avec l'artisan pour lui demander pourquoi son prix est si élevé, qu'est-ce qui le justifie. Dans un deuxième point, Pauline exprime son malaise face à une pratique qu'elle observe en pédodontie où la réalisation de certains actes, chirurgicaux notamment, peut être conditionnée par la signature préalable d'un devis pour les soins non remboursés, tels que les mainteneurs d'espace. Cela la choque, car cela revient à conditionner l'accès à des soins indispensables et pris en charge par l'acceptation d'actes supplémentaires non remboursés. Cette situation crée une inégalité de traitement qui, selon Pauline, et je la rejoins sur ce point, ne devrait pas exister. Ce parallèle entre les soins pris en charge, donc jugés indispensables, comme évoqué dans l'épisode 2 avec la docteure Anne-Charlotte Bas, Et les soins non remboursés met en lumière une problématique éthique. L'acceptation du devis pour des actes non remboursés ne devrait jamais être un frein à la réalisation des soins médicaux indispensables. Même si, comme Pauline, je comprends la réalité économique qui peut pousser à de telles pratiques, cela reste une source de grandes préoccupations éthiques. Nous y reviendrons ultérieurement. Pauline souhaite que ses patients adhèrent pleinement à la proposition thérapeutique globale qu'elle juge la plus adaptée à leurs besoins de santé. Elle veut que les considérations financières ne soient pas l'unique motivation ou frein au traitement. C'est pourquoi elle dissocie clairement le devis de la proposition thérapeutique. Elle encourage les patients à choisir un autre praticien s'ils ne sont pas en accord avec sa proposition de traitement, car elle estime que pour offrir des soins de qualité, il est essentiel que le patient et le praticien partagent la même vision du traitement. Enfin, en troisième point, ce qui chagrine Pauline, c'est le fait que le patient puisse retirer son consentement à tout moment, ce qui, selon elle, complique la continuité et l'efficacité du traitement. Elle rejoint ainsi la réflexion d'Anne-Catherine Gallou dans l'épisode précédent, qui soulignait que la médecine n'est pas comparable à un supermarché où l'on peut composer sa liste de courses en choisissant certains actes et en laissant de côté d'autres. Pour Pauline, un traitement doit être envisagé dans son ensemble avec une logique et une cohésion qui vont du début à la fin. C'est dans ce souci d'intégrité thérapeutique qu'elle préfère parler de proposition thérapeutique plutôt que de devis. Cette approche est particulièrement pertinente en pédononcie, un domaine où la relation thérapeutique se construit à trois acteurs, l'enfant, les parents et le ou la dentiste. Dans cette dynamique triangulaire, l'enfant n'est pas toujours le décisionnaire, ce qui complexifie encore davantage la notion de consentement. Chacun doit être en phase avec le traitement proposé, ce qui rend essentiel le maintien d'une stratégie thérapeutique claire et bien définie. Et si je comprends bien, c'est ce besoin de clarté et d'engagement mutuel qui pousse Pauline à séparer nettement la proposition thérapeutique représentant l'approche globale du soin du devis qui en découle. Je glisse ici une petite parenthèse. Si ces sujets vous intéressent, je vous invite à venir assister à une table ronde que j'aurai l'honneur et le plaisir de présider à l'ADF en fin de cette année 2024, dont Pauline fera partie. Nous y aborderons ces questions en profondeur dans le cadre d'une discussion riche et constructive avec des intervenants passionnants sur le thème du consentement. Quand tu as décidé de te consacrer exclusivement à la pédodoncie, est-ce que tu étais consciente des difficultés que ça pouvait induire d'un point de vue financier ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Pas du tout puisque j'ai commencé la pédodoncie en salariat. Mais en salariat, au chiffre. C'est-à-dire que je n'avais pas de fixe. J'avais qu'un pourcentage sur les actes. Par contre, dans un centre de santé, tu travailles vite. Alors, tu peux travailler vite et bien. Je n'ai jamais bâclé du tout, mais tu travailles vite. Et surtout, tu commences avec un pool de patientelle énorme. Je n'ai pas eu à créer de patientelle dans mon premier exercice, puisque c'était du salariat. Donc en fait, avec un planning plein, Et avec une façon de travailler qui était très méthodique, très cadrée et sans du tout avoir d'aspect administratif à faire, moi franchement j'ai très très bien gagné ma vie pendant mes années de salariat. De pédos exclus, donc absolument sans aucun NPC, que du soin. Et que j'avais une assistante.

  • Speaker #0

    Est-ce que le fait que tu me disais tout à l'heure que tu avais des... des patients qui venaient quand même de milieux défavorisés. Tu faisais des soins qui étaient tous des soins qui faisaient partie de la nomenclature. Il n'y avait pas à présenter des devis, à avoir des patients qui ne voulaient pas faire ou faire tels actes et pas tels autres actes. Ça t'a simplifié la vie aussi ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Vraiment, la question de l'argent en salariat, là où j'étais, elle ne se posait pas. Par contre, j'avais quand même beaucoup de temps de discussion parce que, parce qu'il y avait la barrière de la langue, parce qu'il y avait des contextes financiers terribles d'habitats insalubres dans les hôtels. Donc, par contre, je prenais... beaucoup de temps à faire de la prévention et de la prévention adaptée. Alors tu me diras c'est pas la question de l'argent mais mine de rien quand il faut expliquer quand il faut dialoguer sur l'alimentation avec un parent qui te dit qu'il est à l'hôtel, qu'il peut pas faire à manger donc que tous les soirs ses enfants mangent McDo parce que c'est pas cher et au moins c'est un peu chaud ben là d'un coup tu passes pas de temps à parler argent directement. Par contre, tu passes du temps à réfléchir à comment tu vas adapter tes connaissances en matière de prévention fraîchement acquises à la fac avec cette situation économique que toi-même tu ne connais pas du tout, parce que moi je viens d'un milieu assez tranquille, banlieue ouest parisienne, à ces personnes qui sont en difficulté, elles d'argent, qui sont incroyables. Donc la question de l'argent finalement, tu vois, c'est intéressant, elle ne se pose pas comme ça. à moi en tant que praticien réalisant un devis, mais elle se pose dans la question de est-ce qu'il y a assez d'argent pour acheter une brosse à dents et pas pour une brosse à dents pour cinq, mais une brosse à dents pour chaque enfant de la fratrie ? Est-ce qu'il y a un point d'eau dans le logement ? Est-ce qu'il y a la possibilité de cuisiner et non pas de manger n'importe quoi à bas prix ? Et donc, cette question de l'argent, elle, mine de rien, tu vois. Je m'aperçois qu'elle est là quand même, mais à un autre point de la relation.

  • Speaker #0

    Mais disons que là, toi, tu pouvais te décorréler de cette question-là pour tes actes et le temps que tu allais passer avec tes patients, et en fait, tu étais beaucoup plus dans le soin.

  • Speaker #1

    Ah ben, 100%.

  • Speaker #0

    Je trouve que ce que Pauline décrit ici est extrêmement révélateur. Lorsqu'on parvient à se détacher de la question de la rentabilité, on peut se permettre d'accorder davantage de temps à écouter, informer et accompagner les patients. Quelque part, cela confirme l'idée persistante que j'ai que la pression économique limite notre capacité à offrir des soins complets et humanistes. Pauline a eu la chance de vivre cette expérience en début de carrière, dans un contexte où elle n'avait pas à se soucier de la rentabilité de chaque acte. Mais il est important de souligner que le paysage de la santé a considérablement évolué ces dernières années. Aujourd'hui, la course à la rentabilité et à la mercantilisation des soins, que nous avons évoqué avec Olivier Sirand dans l'épisode 3, se sont intensifiées. Les conditions d'exercice que Pauline a connues à ses débuts pourraient bien avoir changé, avec des répercussions sur la qualité des soins et le temps que l'on peut accorder à chaque patient. L'autre point intéressant soulevé par Pauline est l'aspect financier du point de vue des patients. Même si dans ce contexte, elle n'avait pas à discuter directement d'argent pour ses actes, la question d'argent refaisait surface sous une autre forme. Les préoccupations financières des patients se manifestaient dans des détails qui peuvent sembler anodins, mais qui sont en réalité essentiels. La capacité à acheter une brosse à dents pour chaque enfant, à avoir un point d'eau pour se brosser les dents, ou même à pouvoir cuisiner des repas sains. Cela nous rappelle que... même lorsque l'on parvient à s'extraire des considérations financières dans notre pratique, la question de l'argent reste omniprésente dans la vie des patients, influençant indirectement la qualité de nos soins.

  • Speaker #1

    Je reviens à ce que tu disais tout à l'heure sur la méconnaissance des nomenclatures et le fait qu'on est... On n'a pas beaucoup de connaissances en matière administrative. Là, je vois, j'ai eu quelques appels de jeunes praticiens qui se demandaient pourquoi... je facturais des choses NPC et qu'ils m'avaient envoyé des patients et que les patients étaient revenus en n'étant pas contents actuellement parce qu'il y avait du NPC en plus des soins. Et à ces jeunes-là, je leur ai dit il faut absolument que vous ayez une connaissance importante de la nomenclature. La CCAM, ça s'apprend. ce n'est pas juste une ligne dans un tableau fourni par les réseaux sociaux. Ça s'apprend et ça se décortique. Et en fait, quand on décortique bien la CCAM, quand on lit bien tous les termes, c'est beaucoup plus simple ensuite de savoir ça c'est remboursé correctement, ça c'est un NPC, etc. et de pouvoir l'expliquer au patient. Je pense qu'il y a un manque de travail réflexif autour de la CCAM chez les jeunes praticiens qui ne la digèrent pas. Il ne s'agit pas de faire passer un NPC, il s'agit juste de comprendre. à quoi ça sert, et de savoir si ça répond aux besoins du patient. Si ça répond aux besoins du patient, on va lui exprimer et lui dire que si ce n'est pas remboursé, ce n'est pas pour ça qu'il n'en a pas besoin.

  • Speaker #0

    Pauline fait ici référence à la discussion que nous avons eue juste avant l'enregistrement au sujet de ma conversation avec Anne-Catherine Gallou pour l'épisode précédent. Je rejoins Pauline. C'est essentiel de bien connaître la nomenclature. Elle a raison de souligner l'importance de maîtriser la CCAM. Je dirais même que c'est une compétence indispensable pour expliquer clairement aux patients ce qui est remboursé de ce qui ne l'est pas, et pour éviter tout malentendu. Mais je dois bien avouer que de mon côté, je n'ai jamais eu le courage ni la patience de me plonger dans les méandres de la CCAM comme Pauline l'a fait. L'idée de passer des heures à décortiquer des lignes de code m'a toujours rebutée. Mais voilà, on peut changer, et ce podcast sert aussi à ça, à comprendre et à évoluer. C'est pourquoi, à l'instant où j'enregistre ces lignes, je viens juste de faire un tour sur internet et d'acheter le livre de notre confrère Marc Sabeck, Honoraires et Nomenclature. Peut-être que cela va enfin me motiver à m'y mettre. Et non, ce n'est pas de la publicité, promis, Marc Sabeck ne sait même pas que je vais le citer ici. On a vu cette étape de salariat, je voulais savoir en fait ce qui t'avait conduit à vouloir créer ensuite ta propre structure.

  • Speaker #1

    Alors j'ai été salariée pendant dix ans, c'était vraiment super et puis il se trouve que j'ai voulu pour des raisons personnelles me rapprocher de mon domicile et soigner, orienter mon exercice vers les personnes en situation de handicap et ce n'était absolument pas possible dans le centre où j'étais. J'en soignais quelques unes, quelques enfants. mais c'était vraiment la configuration des lieux ne s'y prêtait pas du tout. Donc j'ai eu l'occasion par le centre où j'étais de faire un DU de management par la qualité en odontologie dans lequel j'ai appris beaucoup beaucoup de choses sur l'organisation d'un cabinet, sur des points pratiques, sur des points économiques, sur des points de management. Je suis loin de mettre tout en pratique, mais en tout cas, j'ai beaucoup appris. Et surtout, ça m'a donné à ce moment-là la force de me dire, allez, je me lance toute seule en libéral. J'avais 11 ans de pratique, donc j'étais assez sûre de moi sur la qualité de mes soins. Et donc, je me sentais capable de me lancer en libéral à ce moment-là. Donc, c'est pour ça que j'ai passé le pas. Et c'est pour ça que j'ai créé Prêt de chez moi. une structure vraiment dédiée au handicap. Alors toute seule, au départ, je m'étais dit, oh là là, toute seule, c'est pas facile. Est-ce que je vais pas essayer de trouver quelqu'un pour m'associer et tout ? Et puis autour de moi, il y avait des associations qui n'étaient pas forcément hyper, qui se passaient pas hyper bien. Donc je me suis dit, bah non, je vais être toute seule, toute seule, très bien. J'ai, mon assistante du centre est venue avec moi. Donc là aussi, j'étais assez assurée d'avoir quelqu'un avec qui, Je travaillais depuis plusieurs années, donc ça allait bien rouler. Et puis après, classique, l'achat des locaux. Alors là, ça a été un peu compliqué d'obtenir un prêt, parce que forcément j'avais un business plan qui ne correspondait pas du tout au business plan d'un cabinet dentaire classique. Donc là, le banquier a un peu fait les yeux ronds en me demandant comment j'allais me débrouiller. La question du handicap a été très problématique. Dans le business plan, à partir d'actionnel, j'avais mis cette spécificité en avant. Et en fait, c'était, aux yeux du banquier, c'était un facteur de risque. Donc, ça a été compliqué pour moi d'obtenir un prêt, de par le faible chiffre d'affaires par rapport à la grille classique des cabinets, et de par cette notion de je vais soigner des personnes en situation de handicap Bon, forcément, ça m'a fait hurler, et du coup... Au final, j'ai réussi à avoir mon prêt. Et puis après, je me suis lancée. Et très rapidement, l'activité s'est développée. J'ai commencé en décembre 2013. Et j'avais un planning subcomplet en juin 2014. Donc ça s'est passé assez facilement.

  • Speaker #0

    Au bout de combien de temps de création de ton cabinet, tu as décidé de déconventionner ? Et qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur ?

  • Speaker #1

    Alors, l'élément déclencheur, ça a été le changement de comptable. Et la nouvelle comptable, quand elle a mis le nez dans les comptes, elle a trouvé qu'il y avait quelqu'un qui était très très mauvais payeur. Et elle m'a demandé qui c'était. Je lui ai dit, c'est la sécurité sociale et le tiers payant. Je ne sais pas si c'était pareil pour tous les départements, mais il y avait des retards de paiement incroyables, ou alors il y avait des paiements partiels. Alors parfois, je me souviens très bien à l'époque, le détartrage à tu pouvais avoir un paiement à... 25,03 euros. Et puis, le mois d'après, le paiement du complément. Et donc, pour faire les rapprochements comptables, c'était la croix et la bannière. Ça, c'était le premier point. Et puis, le deuxième point, c'est que il y avait beaucoup de nouveaux... au centre, qui ne voulaient plus soigner les enfants et qui avaient qui m'envoyaient beaucoup de leurs petits patients ce qui ne me dérangeait pas mais du coup ils oubliaient de préciser que je n'étais pas moi-même un centre ni un hôpital public et donc les actes en NPC m'ont posé problème à ce moment-là parce que les patients arrivaient sans avoir cette notion de spécialiste enfant cabinet privé et là je me suis retrouvée trouvés dans ce dont on parlait tout à l'heure, c'est-à-dire des patients qui ne voulaient faire que la chirurgie, à l'époque 16,72 euros l'attente temporaire, et puis pas de mainteneur d'espace après. Ok, c'est leur choix, mais 16,72€ quand on y passe une demi-heure, le compte est vite fait que c'est assez intenable. Et puis en plus, ça a été à l'époque le passage à la CCAM avec une espèce de rumeur qui parlait justement des conventions, des conventionnements. Je ne me souviens plus exactement, mais... Avec tout ça, j'en parle en juin 2015, j'en parle à la comptable qui me dit Ah non, mais il faut changer de moyen de financement, ce n'est pas possible. J'étais la première dentiste qu'elle avait en comptabilité. Qu'est-ce que c'est que ces choses à perte là ? Non, non, c'est bizarre. Est-ce qu'il y a un autre moyen ? Et je lui dis Ben, il y a un autre moyen qui est de travailler hors convention. Je lui ai expliqué ce que c'était. Elle m'a dit Ah ben, c'est très bien. Allez-y, en septembre, on commence. Comme ça, on a l'impression que je me suis fait imposer le truc, mais non, je pense que c'était juste la petite pichenette qu'il me fallait, parce que moi aussi, ça m'énervait, cette histoire d'actes sous-payés. Parce qu'effectivement, là, par rapport au salariat, je voyais l'argent qui passait. Donc là, effectivement, j'ai beaucoup plus eu la notion des paiements de cabinet dentaire, par rapport à l'exercice en salariat.

  • Speaker #0

    Après dix années d'exercice en tant que salarié, Pauline décide donc de créer sa propre structure. motivé par des raisons personnelles et un désir profond d'orienter son activité vers les soins aux personnes en situation de handicap. Sa démarche était audacieuse, mais elle s'est vite heurtée à une difficulté que je n'aurais pas soupçonnée, obtenir un prêt pour un projet de cabinet qui ne correspond pas au modèle financier classique. Pour le banquier, soigner des personnes en situation de handicap représentait un risque financier. Cette approche purement économique, qui mettait en doute la viabilité de son cabinet à cause de la nature même de sa patientèle, l'a profondément choqué. ce que je comprends aisément. Mais Pauline n'a rien lâché. Elle a réussi à surmonter ses obstacles et à créer une structure florissante dédiée à une population souvent négligée. Toutefois, une fois son cabinet créé, Pauline a rapidement dû faire face à un autre défi, cette fois lié à la gestion financière courante. La gestion comptable est devenue de plus en plus complexe avec des retards de paiement ou des montants partiellement versés de la part de la Sécurité sociale. Pour ajouter à cela, elle a commencé à recevoir de plus en plus de patients venant de centres, qui ne prenait plus en charge les enfants. Les parents de ces petits patients arrivaient souvent sans comprendre que le cabinet de Pauline n'était ni un centre de soins, ni un hôpital public, et se retrouvaient confrontés à des actes non pris en charge, ce qui a généré, ce dont on a parlé tout à l'heure, des choix de traitement orientés vers les soins pris en charge, et donc peu rémunérateurs. C'est à ce moment-là que sa carrière a pris un nouveau tournant. En échangeant avec sa comptable, Pauline a réalisé à quel point certains actes sous-payés, imposés par la Convention, étaient financièrement intenables. Pour elle... L'idée de continuer à soigner avec des tarifs aussi bas, 16,72€ l'extraction par exemple, en y consacrant parfois une demi-heure devenait tout simplement impossible. Le passage à la CCAM et les ajustements liés à cette nouvelle nomenclature ont ajouté une pression supplémentaire. C'est pourquoi, encouragée par sa comptable, Pauline a finalement fait le choix de se déconventionner. Ce que je retiens du parcours de Pauline, c'est que lorsqu'on choisit de sortir des sentiers battus, ici en orientant son activité vers les patients en situation de handicap, un domaine où elle était relativement précurseur en tant que libérale, on est souvent confronté à des obstacles et à des difficultés qu'il est impossible d'anticiper. Pauline a dû essuyer les plâtres, pour ainsi dire, dans un contexte où peu de soutien lui a été offert, que ce soit de la part des banques ou même des organismes comme la Sécurité sociale. Et je dois dire que, comme elle, je suis gênée par le fait qu'un choix d'exercice aussi ambitieux et courageux n'ait pas été davantage soutenu ou facilité. Pourtant, il me semble essentiel de soutenir les praticiens ou praticiennes qui font le choix d'innover et de se consacrer à des populations plus vulnérables.

  • Speaker #1

    C'est très facile de se déconventionner et de se reconventionner. Là aussi, c'est un mythe. En fait, c'est assez simple. Il y a un courrier envoyé à la Sécurité sociale qui nous renvoie une autre CPS et basta. Et je n'ai jamais eu de discussion, moi, sur le pourquoi du comment. J'avais quand même essayé de voir avec la dentiste conseil. Je lui avais parlé que là, au bout d'un an et demi d'exercice, je commençais à avoir les problèmes financiers qui étaient là.

  • Speaker #0

    Et la dentiste conseil, à l'époque, m'avait dit, si vous posez 2-3 implants, ça vous fera votre chiffre du mois. Et là, je me suis dit que manifestement, on n'habitait pas sur la même planète. Donc voilà, en fait, je n'ai eu aucun soutien de la sécurité sociale. Et moi, c'est vrai que j'étais un peu déçue. su, un peu triste même, de me dire Ah mince, j'ai une activité quand même pédo et handicap, il me semble que je réponds à un besoin de santé publique qui n'est pas forcément pourvu à 100% et je dis que je vais partir et en fait, on ne me dit rien. C'est le jeu, mais vraiment, j'ai... Je ne sais pas, le fait de ne pas avoir été un minimum retenu ou un minimum aidé ou un minimum soutenu en me disant Mais non, mais est-ce qu'on ne peut pas trouver une autre solution ? Vous voulez que je m'en aille ? Je m'en vais. Et voilà. Et donc, en trois mois, c'était fait. Alors après, il faut créer une nouvelle grille tarifaire. Donc, hors convention, on applique toujours la CCAM. Donc, simplement, les tarifs sont libres. Donc, ce n'est pas compliqué. On prend le code CCAM et puis, à côté de l'ancien tarif, on met notre nouveau tarif. Voilà. Et on le calcule en fonction du coût horaire du cabinet. Pour le coup, la question de l'argent hors convention face à soi-même, c'est-à-dire quand on est devant son ordinateur, en faisant sa grille tarifaire, c'est ultra simple. C'est une règle de trois. Il faut que l'ensemble de notre chiffre d'affaires corresponde à l'ensemble de nos dépenses. Donc c'est très facile mathématiquement. Après, il y a le problème du remboursement du patient.

  • Speaker #1

    Du coup, qu'est-ce que le déconventionnement a changé dans tes relations avec tes patients concernant ces sujets d'argent ? Merci.

  • Speaker #0

    Alors, ce que le déconventionnement a changé, c'est qu'on parlait encore moins d'argent. C'est-à-dire qu'avant, lorsque je présentais les devis, que je n'appelais pas encore propositions thérapeutiques et devis, j'expliquais qu'il y avait des soins entièrement remboursés et des soins pas du tout remboursés. Ensuite, je détaillais. Et donc, j'ai été confrontée à des patients qui me disaient, moi je ne ferais que la partie remboursée. Assez logique. Et donc, forcément, on était obligé de rediscuter du besoin de soins des enfants, mais on se heurtait toujours à cette notion de, oui mais ce n'est pas remboursé, donc si ce n'est pas remboursé, c'est que ce n'est pas indispensable. Quand tu n'es pas conventionné, en fait, moi je faisais tout passer en acte remboursable. C'est-à-dire qu'il n'y avait plus aucun NPC. Tout était inclus dans du remboursable. Après, c'est très peu remboursable, mais tout est remboursable. Et donc en fait, il n'y avait plus cette suspicion un peu de je compense ce qui est peu payé avec ce qui est NPC, quand il y a quelque chose qui est très peu facturé et puis quelque chose qui est très grandement facturé, alors que finalement la valeur de l'acte est... ne le justifie pas et je prends comme exemple la fluoration forcément on met très cher par rapport à un acte de soins qui est sous-payé les patients sont pas idiots ils voient bien qu'il y a un truc alors que là Je faisais un soin global, mettons, je te donne un exemple, moi mon soin de restauration de carie, il était à 75 euros, quel que soit le nombre de faces, parce que cette histoire de nombre de faces, je la trouve débile, on met autant de temps et autant d'intention à soigner une face et deux faces, et dans ces 75 euros, il y avait également la fluoration qui était comptée dedans. Ou alors c'était 150 avec la coiffe pédodontique qui était comptée dedans. Et donc du coup, tout était remboursable. Donc, il n'y avait plus cette histoire de suspicion de compensation. Et après, tout était sur devis. Donc, moi, mon discours, il était très simple. Voilà, je ne suis pas conventionnée. Ils étaient au courant de partout. Donc, ils savaient qu'ils n'allaient pas être beaucoup remboursés. Tout était écrit sur devis et rien n'était commencé avant le retour de la mutuelle. Donc, en fait, c'est une relation qui, de ce point de vue-là, pour moi, était beaucoup plus simple.

  • Speaker #1

    Ce que l'expérience de Pauline nous montre ici, c'est que le déconventionnement a radicalement changé sa relation à l'argent avec ses patients. En supprimant les actes non pris en charge, NPC, et en appliquant des tarifs clairs, même pour des soins non remboursés, elle a simplifié les échanges. Fini les discussions sur la légitimité des soins en fonction de leur prise en charge. Les patients savaient d'emblée que peu de choses seraient remboursées, et tout était désormais transparent. En dissociant totalement le soin de la complexité des remboursements, Pauline a pu instaurer une relation plus simple avec ses patients concernant les questions d'argent. Ce qui ressort aussi, c'est que le déconventionnement, bien qu'il puisse paraître compliqué ou risqué à première vue, est simple à mettre en place et a permis à Pauline de retrouver une forme de liberté dans sa pratique. Plus de compromis sur la qualité des soins, Plus de suspicion de la part des patients concernant la tarification des actes. Cela lui a permis de structurer ses tarifs de manière juste, en fonction de son temps et de ses coûts, tout en restant fidèle à ses principes. Cependant, il est clair que ce choix demande une certaine adaptation de la part des patients, qui doivent accepter un niveau de remboursement bien moindre, mais aussi un engagement plus clair dès le début du traitement. Ce que je perçois, moi, au travers de ce parcours, c'est une critique implicite du système de conventionnement, qui, au lieu de favoriser des pratiques justes et transparentes, impose parfois des règles qui brouillent la relation avec le patient. Pauline, à travers son choix, montre qu'il est possible de repenser cette relation en plaçant la qualité des soins au centre, sans pour autant renoncer à la viabilité financière de son cabinet. La question de la gratuité des soins, et on est en train de glisser vers... vers cette notion-là. Déjà depuis la loi Kouchner, la relation soignant-soigné a beaucoup évolué. On est dans un pays de droit, donc les gens pensent, et c'est à juste titre, que la santé c'est un droit, que tout le monde devrait avoir le droit de se faire soigner de la même manière, quelle que soit la situation financière. Mais dans la réalité, c'est difficilement possible. Les gens qui ont plus d'argent auront toujours plus de facilité à accéder aux soins que ceux qui n'en ont pas. Donc toi, est-ce que tu dirais que ce déconventionnement, pour toi, a été une bonne solution pour revenir à une relation de soins plus saine ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y avait effectivement cette... fluidité des échanges par rapport aux finances, puisqu'on ne parlait pas de bidouilles et que tout était remboursable. Donc ça, ça facilitait l'échange. C'est-à-dire que très rapidement, on n'en parlait plus, puisqu'il n'y avait pas à en parler. Par contre, ce qui perturbait les gens, c'était le fait que j'étais quand même hyper sympa. C'est-à-dire que, dans l'image, Le praticien qui n'est pas conventionné, il est dans un cabinet chic, dans un quartier chic et il roule en Porsche. Et moi, il se trouve que je suis dans un quartier normal et que, j'ai pas de Porsche mais peu importe, et que mon cabinet n'est pas chic dans le sens où il ressemble plus à une crèche qu'au chic. Donc je ne propose pas de café, je ne propose pas de journal, il n'y a pas... tout cet accompagnement que les gens parfois attendaient. Et donc, par rapport à mon statut, j'ai eu des réflexions sur Mais en fait, vous êtes hyper sympa, mais pourquoi vous n'êtes pas conventionné ? Parce que ça ne vous ressemble pas en fait, vous chantez, vous dansez, vous êtes hyper cool ! Et ça n'a rien à voir d'être hyper cool et conventionné ou pas. Mais en fait, les gens s'attendaient, sauf à part ceux qui me connaissaient d'avant, mais les nouveaux parfois se sont attendus à avoir beaucoup de personnel. des signes extérieurs de richesse de cabinet qui ne sont pas ceux que j'avais dans le cabinet et qui les déroutaient un petit peu sur le statut conventionné. Après, j'ai eu des réflexions aussi sur à un moment donné, je me souviens, j'arrête un soin parce que le gamin, il est... il était ingérable et j'avais déployé tout ce que je pouvais, tout ce que je pouvais, voilà, pour essayer d'y arriver. Je pense que ça me dépassait. Et il y a une maman qui m'a dit, mais écoutez madame, je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant. Et j'ai trouvé cette phrase assez terrible en fait. Et là, tu vois, sur certaines fois comme ça, il y a la question de l'argent qui revenait un peu en boomerang.

  • Speaker #1

    Cette partie de notre discussion, me rappelle ce que nous avions évoqué avec Benjamin Derbez, sociologue dans l'épisode 4, le fameux cliché du dentiste qui roule en Porsche. C'est une image encore bien ancrée dans l'imaginaire collectif, souvent associée à une certaine élite et à la rentabilité de la profession. Mais Pauline, avec son déconventionnement, a dû faire face à un autre verre de la médaille. Pour certains patients, le fait d'être hors convention implique que le praticien s'adresse à une patientelle plus élitiste. Ce qui, dans leur esprit, doit forcément s'accompagner d'un service en adéquation, un cabinet chic, un voiturier, un café à l'accueil. C'est une attente implicite qui peut dérouter. Et c'est là que réside le paradoxe. Pauline, en choisissant de se déconventionner, a simplifié les échanges financiers et recentré sa pratique sur le soin. Pourtant, elle a aussi attiré des patients qui ne correspondaient pas forcément à son approche ou à ses valeurs. Comme cette maman qui lui a dit Je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant Cette phrase, comme le dit Pauline, résonne d'une manière assez terrible. Elle illustre bien ce boomerang que peut entraîner le déconventionnement. Lorsqu'on s'extrait du système classique, on peut se retrouver face à des attentes parfois démesurées de la part de certains patients, qui estiment que le prix justifie tout, y compris un service qui n'a finalement rien à voir avec la qualité des soins. Cela nous rappelle qu'il y a toujours un revers de la médaille, quel que soit le choix d'exercice. Dans le cas du déconventionnement, Le risque est d'attirer des patients avec des attentes élitistes, bien loin de l'objectif initial qui était simplement de proposer un soin plus libre, plus transparent et déconnecter des contraintes administratives et financières de la Convention. Et cela fait écho à mes propres questionnements d'il y a quelques années, lorsque j'avais envisagé de me déconventionner. A l'époque, je n'avais pas mesuré tout ce que cela impliquait. Le fait de prendre le risque de perdre des patients que j'apprécie profondément, au profit d'autres qui ne me correspondraient peut-être pas autant, ne m'était pas apparu aussi clairement. Finalement, Avec le recul, je ne regrette pas mon choix d'être restée conventionnée. Cela me permet de maintenir une relation plus équilibrée avec mes patients, tout en gardant un cadre qui correspond à mes valeurs.

  • Speaker #0

    Je voudrais revenir sur l'histoire de la gratuité des soins parce que c'est vraiment, je pense, la grosse problématique. C'est ce que moi j'appelle le tiers payant transparent. Je ne sais pas s'il a un terme officiel, mais le tiers payant transparent, c'est-à-dire où on ne sait même pas combien autrui va payer pour nous, ça c'est vraiment, je ne sais pas d'où ça sort, mais je pense que c'est vraiment une erreur majeure. Alors nous on en bénéficie aussi, à la pharmacie plus personne ne paye rien. C'est quand même incroyable. Et l'autre fois, par exemple, j'ai un patient à qui je fais une ordonnance antibiotique, qui va chercher les médicaments, il fait une erreur de composition, et il ne le laisse pas au frigo. Du coup, le lendemain, tout naturellement, il me redemande une ordonnance antibiotique. Et en fait j'ai dit mais on se rend pas compte mais là la sécurité sociale a payé deux fois un traitement. Alors c'est peut-être pas grand chose de la moxiciline mais mise bout à bout ça coûte vachement cher. Et il est certain que s'il l'avait payé de la poche avant d'être remboursé ou même s'il avait eu une facture de vous avez l'avance totale des frais mais votre facture c'est tant. peut-être qu'il aurait peut-être fait plus attention. Quand on va dans les hôpitaux, je me souviens quand j'ai eu un problème de récupération des droits de sécu, quand je me suis déconventionnée. Pendant trois mois, je n'avais plus de droits de sécurité sociale. C'était un peu la galère. Et pour le coup, un de mes ayants droit a dû faire un séjour en réa à l'hôpital. Et quand j'ai vu le prix de la nuit en réanimation, je dis mais... Alors, instinctivement, je savais que c'était très cher. Mais là, en fait, je me suis retrouvée devant le caissier, il m'a dit mais vous n'avez plus le droit de sécurité sociale, madame. Vous nous devez tant. Et je dis mais moi, je ne peux pas avancer tant. Après, ça s'est arrangé. Mais vraiment, cette histoire de tiers payant où on ne sait même pas à combien correspond la prestation, c'est, je trouve, incroyable. Donc, s'il y a vraiment quelque chose qui pourrait être, me semble-t-il, changé dans notre rapport à l'argent, dans tous les corps médicaux, c'est, ok, je ne paye pas parce que la solidarité nationale fait que quelqu'un paye pour moi, mais au moins, je sais combien ça coûte.

  • Speaker #1

    Pauline a souhaité revenir sur un point essentiel, la confusion entre gratuité et solidarité nationale. Ce qu'elle appelle le tiers payant transparent révèle un décalage entre la perception des patients et la réalité des coûts des soins. Comme nous l'avions évoqué avec Anne-Charlotte Bas dans l'épisode 2, cette absence de communication sur les valeurs des soins pris en charge alimente cette confusion. On ne distingue plus ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui est perçu à tort comme gratuit. Cela crée une déconnexion. qui dans les cas des soins non remboursés, place souvent le soignant dans une posture inconfortable, presque comme un vendeur de soins. Le patient qui n'a pas conscience du coût réel des actes peut avoir du mal à comprendre pourquoi certains soins ne sont pas pris en charge. Le praticien doit alors non seulement expliquer le besoin médical, mais aussi justifier le coût de son travail. les dépenses liées à son cabinet et parfois même l'importance du soin lui-même. Cette situation peut altérer la relation de confiance et générer des tensions inutiles qui détournent l'attention du cœur de notre métier soigné. Toi qui aussi a fait beaucoup de bénévolat, il me semble que c'était à la Croix-Rouge. Oui. Du coup, cette situation où tu t'es retrouvée dans une position presque inversée, où là... Les gens qui payent peuvent aussi être en droit de se dire moi, si je paye, j'ai le droit à ça ou ça et où tu devais peut-être plus avoir les patients dans des situations financières compliquées. Comment tu l'as vécu, toi, cette situation ? Est-ce que tu t'es sentie aussi en dissonance par rapport à tes valeurs ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je n'étais pas conventionnée, la patientèle n'a pas beaucoup changé, parce que finalement, je n'ai... Alors, en matière de structuration socio-professionnelle, ça n'a pas trop changé, c'est-à-dire que je n'avais pas de gens hyper fortunés qui venaient me voir, parce que, mine de rien, comme je te disais... il n'y avait pas le côté accompagnement, personnel, café, journaux sur tablette et voiturier. Donc au final, les gens qui recherchent ce type de prestations-là ne sont pas venus chez moi. Et puis, il y a aussi le fait que j'ai un petit caractère qui fait que si on commence à trop, trop... Me prendre de haut et me prendre pour le larbin de service parce que j'ai de l'argent, donc je vais t'acheter pour que tu t'occupes de mon enfant que je n'ai pas éduqué. Très rapidement, la relation thérapeutique ne s'est pas faite et ils sont partis d'eux-mêmes. Je pense que je ne correspondais pas à leur demande. après les autres ceux qui m'avaient connu depuis très longtemps ça ne changeait pas grand chose pour eux parce qu'en fait ils me disaient nous ça nous ennuie un peu, bon mais on sait pourquoi on vient et à partir du moment où finalement quel que soit ton statut d'exercice à partir du moment où tu le fais avec du sens et que tu le fais avec ton cœur, pas ton bon cœur, mais ton cœur et justement tes valeurs, ce en quoi tu crois, la manière dont tu vois le métier, l'humanité et la relation de soins. Finalement, les gens se disaient, écoutez, moi je paye 60 euros chez la pédiatre, je paye 60 euros chez vous, vous êtes aussi sympa, vous prenez du temps, voilà, donc ça ne posait pas de problème. Là où c'était plus problématique et ce qui a conduit d'ailleurs un peu à mon... à mon reconventionnement qu'on abordera après, c'est que les patients qui n'avaient pas d'argent, j'ai appelé mon ami Hippocrate et je les ai soignés gratuitement. Parce que j'ai prêté serment et que pour moi, c'est hyper important. C'est non discutable, non négociable. Je me souviens d'une petite famille, il y avait deux jumeaux autistes, un enfant trisomie, ils habitaient dans un studio. Il est hors de question que je fasse payer ces personnes. C'est pas possible. Ces personnes-là, elles ont besoin d'être aidées. Et moi, je fais partie de la chaîne des petits colibris qui doit les aider. Sinon, j'ai rien à faire ici. Je le dis avec beaucoup de gravité et beaucoup d'émotion, parce que c'est vraiment... Le point fondamental de ma vie en général et de la manière dont je vois le métier, c'est vraiment la relation d'aide. Donc j'ai commencé à faire des soins gratuits et probablement trop de soins gratuits.

  • Speaker #1

    On va en venir à ce qui finalement t'a ou décidé ou peut-être contraint à te reconventionner.

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas vu les finances qui n'allaient plus. Probablement que d'autres les auraient vues. Moi, je pense que tu auras compris que mon grand intérêt dans le métier n'est pas mon relevé bancaire. Donc, j'ai fait l'autruche. J'ai géré le Covid et le post-Covid comme tout le monde. Plutôt bien d'ailleurs, parce que je n'ai même pas pris de prêt. J'ai remonté le chiffre, je ne suis pas partie en vacances. J'étais assez fière de moi, mais finalement de ma gestion Covid, post-Covid. Et puis... Et puis, qu'est-ce qui s'est passé après ? Il y a eu beaucoup moins de patients. Moi, j'avais repris des études par ailleurs. Donc finalement, j'étais assez contente d'avoir moins de patients. J'avais plus d'heures de déj. Enfin, voilà, un côté un peu... Voilà, on verra bien. Bon, un peu, je me suis un peu laissée porter par... Je me suis laissée flotter, voilà. Et puis, de plus en plus de gens qui avaient besoin de soins et qui n'avaient pas d'argent. Donc, de plus en plus de... de séances gratuites ou payées. J'ai rarement fait du tout gratuit, mais j'ai fait des séances à 5 ou 10 euros, par exemple. Parce que je voulais quand même, pas pour les patients qui gèrent la CMUR, mais il y a quand même des patients qui n'ont pas leurs droits. On ne sait pas comment ça se passe, mais il y a des gens qui probablement ne recouvrent pas tous leurs droits. Et donc, en fait, j'ai fait payer... Voilà, des sommes symboliques, histoire d'avoir quand même un échange. Je fais une petite parenthèse, moi j'aime beaucoup les travaux de Maurice Godelier, qui est un anthropologue qui travaille beaucoup sur le don et la dette, et le fait que quand tu donnes quelque chose à quelqu'un, ce quelqu'un est en dette vis-à-vis de toi. Et donc je ne voulais pas rendre service, je ne voulais pas que les patients se sentent redevables ou en dette, donc c'est pour ça qu'on avait quand même un échange de... soins médicaux contre argent, et 5 ou 10 euros pour un soin. C'était OK pour eux et ça permettait de neutraliser le lien et que je ne le rendais pas service. Ils ne me devaient rien puisqu'ils m'avaient payé ce qu'ils pouvaient me payer. Mais par contre, comptablement, ça n'allait pas du tout. Et je n'ai pas vu la situation s'empirer. Vraiment, la méa culpa complet, j'ai rien vu. J'ai rien vu jusqu'au moment où le compte en banque a été quasiment vide. Entre temps, j'ai encore changé de comptable et le comptable n'a rien vu non plus. Et en fait, j'aurais pu changer avant. Parce que faisant beaucoup de soins aux personnes en situation de handicap, il y a le fameux 4Y. Y183, ça, ça aurait pu m'aider. Et en fait, quand je me suis aperçue de tout ça, j'en ai discuté avec deux, trois pâtissières hyper sympas qui m'ont dit, mais ce n'est pas possible. Allez hop, elles m'ont reboostée, un peu comme la comptable avait fait pour le déconventionnement. Elles m'ont pris en main, elles ont regardé mes comptes et tout. Elles m'ont dit, ah non, non, non, allez hop, tu te reconventionnes, tu vas voir, ça fonctionne comme ça très, très bien. Et elles ont eu raison et elles m'ont beaucoup accompagnée. J'ai rebossé beaucoup la CCAM pour refaire une grille et refaire un argumentaire vis-à-vis des patients pour expliquer pourquoi ce changement et pouvoir voir comment est-ce que je pouvais comptablement m'en sortir entre les actes remboursables et les NPC qui sont tous justifiés, motivés auprès des patients et qui correspondent tous à un besoin. Donc en fait, c'est les contraintes économiques qui m'ont poussé à me reconventionner. C'est un peu bizarre, mais c'est comme ça. Dans ma pratique de pédo-handicap, avec beaucoup de patients dans cette situation-là, la CCAM est très favorable pour mon exercice.

  • Speaker #1

    Les propos de Pauline nous rappellent à quel point le besoin d'humanisme dans notre métier est essentiel. Prendre soin de nos patients, notamment ceux en grande précarité, est un devoir que nous portons avec gravité. Mais cet engagement se heurte. parfois à une réalité implacable, l'équilibre financier de nos cabinets. Pauline l'a vécu en multipliant les soins gratuits au point de fragiliser son activité jusqu'à ce que cette générosité devienne insoutenable économiquement. Pauline revient aussi sur le confinement qui a complètement chamboulé notre rapport au travail. Cette période résonne aussi avec mon propre parcours puisque c'est justement à ce moment que je lançais ce podcast. Comme beaucoup, j'ai profité de cette parenthèse hors du temps pour m'interroger sur mes priorités et mes envies professionnelles. Je me suis même prise à rêver qu'un jour je pourrais vivre de cette activité. Mais moi aussi la réalité m'a vite rattrapée. Il m'a fallu du temps pour comprendre que mon métier de dentiste m'offrait de nombreux avantages auxquels je n'avais pas envie de renoncer. Vivre du podcasting me demandait des sacrifices ou des compromis que je n'étais pas prête à accepter. Ce que l'on perçoit dans le témoignage de Pauline, comme dans nos propres expériences, c'est que l'équilibre entre passion, engagement et viabilité économique est souvent fragile. Et c'est là également qu'intervient une autre forme d'entraide, celle de nos confrères et consoeurs, qui, dans des moments de doute ou de difficulté, peuvent nous permettre de nous recentrer et de retrouver une stabilité. Peut-être une question un peu compliquée, mais j'aurais aimé savoir un peu quel bilan tu tirais de ces trois expériences salariat, convention, hors convention. Parce que finalement, tu as pu en tirer énormément de choses aujourd'hui. Ton exercice, c'est une deuxième question dans la question, mais aujourd'hui, tu es heureuse dans ton fonctionnement ?

  • Speaker #0

    Absolument. En fait, j'adore le parcours que j'ai eu. Je trouve qu'ils me correspondent parfaitement bien. Pour la première fois, j'ai voulu arrêter le métier. Je ne suis pas d'ailleurs convaincue de terminer dentiste, mais après il y a les nécessités économiques qui font loi, donc on verra. Mais je trouve que le cheminement depuis la fin de mes études, le cheminement que j'ai eu, me correspond parfaitement. Et je pense qu'actuellement, je suis beaucoup plus sereine. maintenant, alors il y a l'âge aussi qui fait que, mais je suis beaucoup plus sereine dans mon exercice maintenant, parce que je pense que je suis passée par toutes ces étapes, et que probablement, par rapport à ce que je voulais faire de ma vie, c'est-à-dire être vraiment dans une relation d'aide, par rapport aux écoles philosophiques en quelles je crois, et que j'essaie d'appliquer à mon quotidien, j'ai l'impression d'être maintenant bien bien en phase. avec moi, avec ce que je pense, avec mes valeurs, avec ce que j'ai dans mon cœur, avec ma vie personnelle. Je suis très très contente d'avoir fait ce trajet. En plus, j'aime bien toujours faire les choses un peu en itinéraire bis. Et donc, quand je repense ou quand je suis sortie de mes études où j'ai dit, moi je vais faire de la pédo en centre de soins ou qu'on m'a regardée avec les yeux ronds, et finalement où j'en suis maintenant, je suis assez contente. Je suis aussi contente un peu de faire un petit pied de nez à mes anciens profs qui ne me connaissent plus, et ce n'est pas grave, mais de leur dire, voyez les gars, il n'y a pas un seul mode d'exercice, il n'y a pas une seule vie. Je pense que ça ne se fait plus maintenant, mais on n'était peut-être pas obligés de nous faire rentrer aux forceps dans des moules qui ne nous convenaient pas. Et je suis bien contente de leur dire t'as vu où je suis maintenant ?

  • Speaker #1

    Pauline souligne ici une vérité, que beaucoup d'entre nous oublient parfois, notre chemin n'est pas tout tracé. Il est façonné par nos expériences, nos choix, mais surtout par nos valeurs. Son parcours en est le reflet. Ce qui est essentiel, c'est de rester fidèle à ce que nous sommes, à ce qui nous anime profondément. Nos valeurs servent de boussole, même lorsque le doute s'installe. D'ailleurs, je pense que le doute est une force. Il nous permet de questionner, de réfléchir, de ne pas accepter les choses telles qu'elles sont. Et je dois dire que j'aime les gens qui doutent, parce qu'ils me rassurent. Il montre qu'il est possible d'avancer tout en se remettant en question, et c'est peut-être ce qui nous aide à rester sincères, en accord avec nous-mêmes, comme Pauline évoque si bien. Je tiens à remercier chaleureusement Pauline Chardron-Mazière pour cet échange sincère et profond. Son parcours en itinéraire bis est une belle preuve qu'il n'y a pas de chemin unique. Chacun d'entre nous doit trouver sa propre voie, celle qui résonne avec ses valeurs et sa vision du métier. Un immense merci aussi à Pauline Bussy pour le montage de cet épisode, à Maxime Wattieu pour la réalisation et la composition musicale, et à Camille Covez pour l'illustration, qui donne vie à ce podcast à travers leur talent et leur créativité. Avant de conclure, je vous rappelle que nous préparons une série spéciale autour de ma mission humanitaire à Madagascar, et j'ai besoin de votre soutien plus que jamais. Les dons que vous pouvez faire serviront à financer le matériel nécessaire à la mission, mais aussi la création de cette série. Musique, visuel, montage. Si vous souhaitez participer à cette aventure, vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Pour le prochain épisode, nous aurons le plaisir d'accueillir notre confrère Jérémy Bazar, qui nous parlera de son parcours de dentiste et de son choix de toujours avoir travaillé en salariat. Une autre façon d'exercer, une autre perspective sur notre métier, que j'ai hâte de partager avec vous. Merci à toutes et à tous pour votre écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à lui donner 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Cela m'aide profondément. à faire découvrir le podcast à d'autres. Mais surtout, parlez-en tout autour de vous, partagez-le sur les réseaux sociaux, faites fonctionner le bouche à oreille. C'est grâce à vous que cette aventure continue à grandir. N'oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer les prochains épisodes et à très bientôt pour de nouvelles réflexions autour de notre métier de dentiste.

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 6 : Le va-et-vient du conventionnement

Dans cet épisode, j'accueille Pauline Chardron-Mazière, chirurgienne-dentiste, qui a un exercice exclusif en pédodontie et en soins spécifiques handicap, et qui partage ici son expérience unique de déconventionnement, puis de reconventionnement. Pauline nous raconte les raisons qui l'ont poussée à sortir du cadre conventionné, et ce qui l’a finalement motivée à revenir. Elle dévoile les défis auxquels elle a été confrontée, les réflexions personnelles derrière ce choix audacieux, ainsi que l’impact de cette décision sur sa pratique professionnelle et sa relation avec les patients.

🔍 Dans cet épisode, vous découvrirez :

  • Pourquoi Pauline a décidé de se déconventionner

  • Les avantages et les inconvénients du statut de chirurgien-dentiste déconventionné

  • Ce qui l'a fait revenir dans le cadre conventionné

  • Comment ces changements ont influencé son approche des soins et de la relation patient-praticien


Bonne écoute 🎧!


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Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci à la docteure Pauline Chardron-Mazière pour son partage d'expéreince si précieux.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce sixième épisode de la série Mon voyage à travers l'argent en dentisterie Je suis Florence Echeverry, dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui, nous abordons un sujet qui m'a moi-même tracassée à un moment clé de ma carrière, à savoir lorsque j'ai décidé d'orienter mon exercice vers la parodontologie. J'avoue qu'après quelques mois passés à devoir expliquer pourquoi les soins relatifs au traitement de parodontologie n'étaient pas remboursés, l'idée de me déconventionner m'a effleurée. Je me souviens très bien d'une conversation avec mon associé, Marie, qui se posait la même question. Marie ayant un exercice exclusif en pédo-noncie et moi en parodontologie, ressentions toutes les deux une grande frustration face à la nécessité constante de justifier les actes non remboursés que nous réalisions. Nous pensions peut-être naïvement que le déconventionnement nous épargnerait cette tâche délicate, nous permettant ainsi de nous concentrer davantage sur notre pratique et nos patients. Mais comme nous allons le découvrir à travers l'expérience de la docteure Pauline Chardon-Mazière, la réalité est souvent bien plus complexe qu'il n'y paraît. Avant de plonger dans cet épisode, je souhaite vous parler d'un projet imminent qui me tient particulièrement à cœur. Dans quelques semaines, je vais partir avec Cécile, mon assistante, en mission humanitaire à Madagascar, où j'aurai l'occasion de travailler en tant que dentiste auprès de populations qui, comme vous le savez, ont un besoin urgent en soi en tout genre. Cette mission, vous vous en doutez, sera aussi l'occasion de réaliser une série documentaire pour partager avec vous cette aventure, les moments forts, les craintes, les rencontres et les leçons que je tirerai de cette expérience. Pour mener à bien ce projet, j'ai besoin plus que jamais de votre soutien. Les fonds récoltés serviront à l'achat de matériel nécessaire pour la mission, mais aussi pour la création musicale, les visuels et le montage de la série. Si ce projet vous parle et que vous souhaitez y contribuer, je vous invite à faire un don. Chaque geste compte et m'aidera à concrétiser cette aventure humaine et professionnelle. Vous trouverez toutes les informations pour participer dans la description de cet épisode, dans laquelle je vous ai mis le lien vers la cagnotte Tipeee. Merci infiniment pour votre soutien. Épisode 6, le va-et-vient du conventionnement. Place au sujet du jour, revenons à l'expérience de la docteure Pauline Chardron-Mazière qui va nous expliquer pourquoi elle a fait le choix de se déconventionner avant finalement de revenir sur cette décision. Son parcours atypique éclaire avec profondeur les réalités économiques et éthiques de notre métier.

  • Speaker #1

    Moi je me qualifierais plutôt de fourmi. Donc je suis d'un naturel très prudent. Et donc, je gère mon cabinet avec beaucoup de prudence aussi. Sachant que dans l'ensemble de ma vie, je considère que c'est un peu une banalité, mais que l'argent est un moyen et non une fin. Et donc, je garde toujours en mémoire mon objectif de vie et je détermine la question de l'argent en fonction de cet objectif de vie et non pas le contraire.

  • Speaker #0

    Ce que Pauline exprime ici. Selon moi, est loin d'être une banalité. Au contraire, je pense que c'est une réflexion fondamentale. Analyser son propre rapport à l'argent est essentiel, car il est souvent façonné par une multitude de facteurs. L'éducation, le modèle parental, la culture de notre pays, et bien plus encore. Prendre conscience de ces influences peut changer notre façon d'aborder notre carrière, nous permettant d'éviter de suivre des chemins tout tracés, qui ne sont pas forcément les nôtres. Avant de se lancer dans la vie professionnelle, et particulièrement avant d'investir, je trouve qu'il est crucial de savoir quels sont nos objectifs de vie. Cela implique de bien se connaître, de comprendre ce qui nous motive vraiment, ce qui, avouons-le, n'est pas toujours évident lorsqu'on est jeune. Ce qui est certain, c'est que nous n'avons pas tous et toutes les mêmes critères de réussite. Ce qui, pour certains, peut symboliser le summum de la réalisation de soi, comme avoir un gros cabinet à la Nip-Tuck, peut pour d'autres représenter une véritable prison dorée, voire un précipice vers le burn-out.

  • Speaker #1

    La question de la relation à l'argent avec les... parents de mes patients, ça peut être aussi avec mes patients parce que pour l'anecdote, j'ai quand même beaucoup de petits, c'est-à-dire même à partir de l'âge scolaire, 6-7 ans, qui font des commentaires sur les tarifs, c'est assez rigolo. Et parenthèse aussi, peut-être ce qui me choque beaucoup, c'est que depuis le paiement sans contact, les enfants touchent beaucoup plus la carte bancaire de leurs parents et automatiquement le mettent sur le lecteur de carte bancaire en sans contact. Moi qui suis de l'ancienne génération, je suis un peu abasourdie et je pense que ce n'est pas très sain de donner facilement une carte bancaire à un enfant de 6-7 ans. Je pense qu'en termes de connaissance de la valeur de l'argent, on est dans l'erreur. Petite parenthèse. Alors avec mes patients, j'ai un rapport qui est très clair parce que tout est transparent et tout est écrit. C'est-à-dire que dans la salle d'attente, les tarifs sont écrits comme ils doivent être. Je mets également tout sur devis, que j'appelle proposition thérapeutique et devis, parce que par contre, je suis très mal à l'aise avec le terme de devis. Et donc, tout est affiché, tout est écrit et tout est signé. Et donc, à partir de ce moment-là, les choses deviennent très très simples pour moi et je distingue vraiment le côté soins médicaux du côté... financier. Donc, une fois qu'on a parlé de la question finance, j'insiste vraiment sur le fait que maintenant, on va parler médecine avec les parents et avec les patients et qu'on arrête de parler argent. Je distingue bien le patient et la personne qui paye ensuite, parce qu'effectivement, tout se paye.

  • Speaker #0

    Pourquoi tu disais que tu n'étais pas à l'aise avec la notion de devis ? Enfin, je comprends, mais j'aurais aimé que tu l'expliques.

  • Speaker #1

    Alors, En fait, pour moi, le devis, c'est le devis que je vais signer avec mon garagiste, avec mon plombier. Et le devis d'une prestation médicale, vraiment, ça me choque comme terme. Et là, j'ai enfin trouvé, au bout de vingt et quelques années d'exercice, la manière de m'en sortir moi, parce que je conçois que ça soit un terme officiel, ok, mais en même temps, moi, j'étais très mal à l'aise, parce que pour moi, un devis se négocie. Moi, ça, je n'aime pas du tout dans le côté soins médicaux. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que je n'aime pas non plus le côté en pédodensie, je fais la chirurgie si le devis du mainteneur d'espace est signé. Ça, ça me choque aussi beaucoup, le côté avance des soins prothétiques qui fait qu'on va faire l'acte de soins ou pas. Et donc ça, je n'aime pas, ça me choque aussi. Et en même temps, je l'entends. Et le troisième point, c'est que le patient ayant... la liberté de choix de son traitement du début à la fin et même quand il a commencé éthiquement, il a le droit d'arrêter. Ça m'ennuie d'avoir cette notion de finalement, dans le devis, je fais premier point, deuxième point et puis je vais m'arrêter. Et en même temps, il a le droit d'arrêter. Donc, avec ces trois choses-là, je me suis creusé la tête et maintenant j'envoie un document qui s'appelle Proposition Thérapeutique et devis. Et... Ça me permet, moi, d'être beaucoup plus à l'aise quand je le présente et de dire, voilà, dans mon cabinet, si on vient me voir, voilà ce que moi je propose comme thérapeutique. Parce que c'est cohérent par rapport à votre besoin de santé, par rapport au besoin de santé de votre enfant. Il se trouve qu'associé à cette proposition thérapeutique, il y a des codes administratifs. et des tarifs. Mais d'abord, on va discuter sur est-ce que vous êtes OK pour que moi, Pauline Chardon-Mazière, je soigne votre enfant dans la globalité de ses besoins de soins de santé alimentaire tels que moi je les évalue. Si c'est oui, parfait, on passe au devis. Si c'est non... Mais il n'y a pas de problème, en région parisienne, pour le coup, on est beaucoup de cabinets pédodontiques, donc on peut tout à fait aller voir un collègue ou une collègue qui proposera peut-être une autre thérapeutique. Mais en tout cas, c'est important pour moi de faire le distinguo entre cette proposition thérapeutique qui est vraiment mon document cadre de travail et mon objectif de traitement, et il se trouve qu'il est associé à des codes et à un aspect financier qui s'appelle le devis.

  • Speaker #0

    Pauline associe le terme devis à une transaction commerciale similaire à celle que l'on ferait avec un garagiste ou un plombier. Elle trouve cela inapproprié dans le contexte des soins médicaux, car pour elle, un devis implique une négociation, ce qui ne correspond pas à la nature des soins qu'elle propose. Pour moi, la notion de négociation est complexe, car elle sous-tend une question de confiance qui me semble primordiale, que ce soit dans le domaine des soins, de l'artisanat ou de n'importe quelle transaction. Cela fait écho à ce tact et mesure évoqué par Anne-Catherine dans le précédent épisode. Personnellement, lorsque je fais appel à un artisan, puisque l'exemple avancé par Pauline est celui du plombier, j'estime que son devis reflète le coût des matériaux, de la main d'œuvre et de son expertise. Même si je sais qu'il y a une marge d'erreur possible, je fais confiance à l'artisan pour la justesse de son devis. Si je lui demande de baisser son prix et qu'il le fait, cela signifie soit qu'il a artificiellement gonflé le prix, ce qui me donnerait l'impression d'avoir été berné, soit qu'il a cédé sous la pression et qu'il a renié sur la qualité des matériaux du temps passé, ce qui va me pénaliser d'une manière ou d'une autre. C'est pourquoi je ne négocie jamais les devis. Pour moi, c'est une question de respect. Si je trouve que le devis est trop élevé, je vais alors entamer une conversation avec l'artisan pour lui demander pourquoi son prix est si élevé, qu'est-ce qui le justifie. Dans un deuxième point, Pauline exprime son malaise face à une pratique qu'elle observe en pédodontie où la réalisation de certains actes, chirurgicaux notamment, peut être conditionnée par la signature préalable d'un devis pour les soins non remboursés, tels que les mainteneurs d'espace. Cela la choque, car cela revient à conditionner l'accès à des soins indispensables et pris en charge par l'acceptation d'actes supplémentaires non remboursés. Cette situation crée une inégalité de traitement qui, selon Pauline, et je la rejoins sur ce point, ne devrait pas exister. Ce parallèle entre les soins pris en charge, donc jugés indispensables, comme évoqué dans l'épisode 2 avec la docteure Anne-Charlotte Bas, Et les soins non remboursés met en lumière une problématique éthique. L'acceptation du devis pour des actes non remboursés ne devrait jamais être un frein à la réalisation des soins médicaux indispensables. Même si, comme Pauline, je comprends la réalité économique qui peut pousser à de telles pratiques, cela reste une source de grandes préoccupations éthiques. Nous y reviendrons ultérieurement. Pauline souhaite que ses patients adhèrent pleinement à la proposition thérapeutique globale qu'elle juge la plus adaptée à leurs besoins de santé. Elle veut que les considérations financières ne soient pas l'unique motivation ou frein au traitement. C'est pourquoi elle dissocie clairement le devis de la proposition thérapeutique. Elle encourage les patients à choisir un autre praticien s'ils ne sont pas en accord avec sa proposition de traitement, car elle estime que pour offrir des soins de qualité, il est essentiel que le patient et le praticien partagent la même vision du traitement. Enfin, en troisième point, ce qui chagrine Pauline, c'est le fait que le patient puisse retirer son consentement à tout moment, ce qui, selon elle, complique la continuité et l'efficacité du traitement. Elle rejoint ainsi la réflexion d'Anne-Catherine Gallou dans l'épisode précédent, qui soulignait que la médecine n'est pas comparable à un supermarché où l'on peut composer sa liste de courses en choisissant certains actes et en laissant de côté d'autres. Pour Pauline, un traitement doit être envisagé dans son ensemble avec une logique et une cohésion qui vont du début à la fin. C'est dans ce souci d'intégrité thérapeutique qu'elle préfère parler de proposition thérapeutique plutôt que de devis. Cette approche est particulièrement pertinente en pédononcie, un domaine où la relation thérapeutique se construit à trois acteurs, l'enfant, les parents et le ou la dentiste. Dans cette dynamique triangulaire, l'enfant n'est pas toujours le décisionnaire, ce qui complexifie encore davantage la notion de consentement. Chacun doit être en phase avec le traitement proposé, ce qui rend essentiel le maintien d'une stratégie thérapeutique claire et bien définie. Et si je comprends bien, c'est ce besoin de clarté et d'engagement mutuel qui pousse Pauline à séparer nettement la proposition thérapeutique représentant l'approche globale du soin du devis qui en découle. Je glisse ici une petite parenthèse. Si ces sujets vous intéressent, je vous invite à venir assister à une table ronde que j'aurai l'honneur et le plaisir de présider à l'ADF en fin de cette année 2024, dont Pauline fera partie. Nous y aborderons ces questions en profondeur dans le cadre d'une discussion riche et constructive avec des intervenants passionnants sur le thème du consentement. Quand tu as décidé de te consacrer exclusivement à la pédodoncie, est-ce que tu étais consciente des difficultés que ça pouvait induire d'un point de vue financier ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Pas du tout puisque j'ai commencé la pédodoncie en salariat. Mais en salariat, au chiffre. C'est-à-dire que je n'avais pas de fixe. J'avais qu'un pourcentage sur les actes. Par contre, dans un centre de santé, tu travailles vite. Alors, tu peux travailler vite et bien. Je n'ai jamais bâclé du tout, mais tu travailles vite. Et surtout, tu commences avec un pool de patientelle énorme. Je n'ai pas eu à créer de patientelle dans mon premier exercice, puisque c'était du salariat. Donc en fait, avec un planning plein, Et avec une façon de travailler qui était très méthodique, très cadrée et sans du tout avoir d'aspect administratif à faire, moi franchement j'ai très très bien gagné ma vie pendant mes années de salariat. De pédos exclus, donc absolument sans aucun NPC, que du soin. Et que j'avais une assistante.

  • Speaker #0

    Est-ce que le fait que tu me disais tout à l'heure que tu avais des... des patients qui venaient quand même de milieux défavorisés. Tu faisais des soins qui étaient tous des soins qui faisaient partie de la nomenclature. Il n'y avait pas à présenter des devis, à avoir des patients qui ne voulaient pas faire ou faire tels actes et pas tels autres actes. Ça t'a simplifié la vie aussi ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Vraiment, la question de l'argent en salariat, là où j'étais, elle ne se posait pas. Par contre, j'avais quand même beaucoup de temps de discussion parce que, parce qu'il y avait la barrière de la langue, parce qu'il y avait des contextes financiers terribles d'habitats insalubres dans les hôtels. Donc, par contre, je prenais... beaucoup de temps à faire de la prévention et de la prévention adaptée. Alors tu me diras c'est pas la question de l'argent mais mine de rien quand il faut expliquer quand il faut dialoguer sur l'alimentation avec un parent qui te dit qu'il est à l'hôtel, qu'il peut pas faire à manger donc que tous les soirs ses enfants mangent McDo parce que c'est pas cher et au moins c'est un peu chaud ben là d'un coup tu passes pas de temps à parler argent directement. Par contre, tu passes du temps à réfléchir à comment tu vas adapter tes connaissances en matière de prévention fraîchement acquises à la fac avec cette situation économique que toi-même tu ne connais pas du tout, parce que moi je viens d'un milieu assez tranquille, banlieue ouest parisienne, à ces personnes qui sont en difficulté, elles d'argent, qui sont incroyables. Donc la question de l'argent finalement, tu vois, c'est intéressant, elle ne se pose pas comme ça. à moi en tant que praticien réalisant un devis, mais elle se pose dans la question de est-ce qu'il y a assez d'argent pour acheter une brosse à dents et pas pour une brosse à dents pour cinq, mais une brosse à dents pour chaque enfant de la fratrie ? Est-ce qu'il y a un point d'eau dans le logement ? Est-ce qu'il y a la possibilité de cuisiner et non pas de manger n'importe quoi à bas prix ? Et donc, cette question de l'argent, elle, mine de rien, tu vois. Je m'aperçois qu'elle est là quand même, mais à un autre point de la relation.

  • Speaker #0

    Mais disons que là, toi, tu pouvais te décorréler de cette question-là pour tes actes et le temps que tu allais passer avec tes patients, et en fait, tu étais beaucoup plus dans le soin.

  • Speaker #1

    Ah ben, 100%.

  • Speaker #0

    Je trouve que ce que Pauline décrit ici est extrêmement révélateur. Lorsqu'on parvient à se détacher de la question de la rentabilité, on peut se permettre d'accorder davantage de temps à écouter, informer et accompagner les patients. Quelque part, cela confirme l'idée persistante que j'ai que la pression économique limite notre capacité à offrir des soins complets et humanistes. Pauline a eu la chance de vivre cette expérience en début de carrière, dans un contexte où elle n'avait pas à se soucier de la rentabilité de chaque acte. Mais il est important de souligner que le paysage de la santé a considérablement évolué ces dernières années. Aujourd'hui, la course à la rentabilité et à la mercantilisation des soins, que nous avons évoqué avec Olivier Sirand dans l'épisode 3, se sont intensifiées. Les conditions d'exercice que Pauline a connues à ses débuts pourraient bien avoir changé, avec des répercussions sur la qualité des soins et le temps que l'on peut accorder à chaque patient. L'autre point intéressant soulevé par Pauline est l'aspect financier du point de vue des patients. Même si dans ce contexte, elle n'avait pas à discuter directement d'argent pour ses actes, la question d'argent refaisait surface sous une autre forme. Les préoccupations financières des patients se manifestaient dans des détails qui peuvent sembler anodins, mais qui sont en réalité essentiels. La capacité à acheter une brosse à dents pour chaque enfant, à avoir un point d'eau pour se brosser les dents, ou même à pouvoir cuisiner des repas sains. Cela nous rappelle que... même lorsque l'on parvient à s'extraire des considérations financières dans notre pratique, la question de l'argent reste omniprésente dans la vie des patients, influençant indirectement la qualité de nos soins.

  • Speaker #1

    Je reviens à ce que tu disais tout à l'heure sur la méconnaissance des nomenclatures et le fait qu'on est... On n'a pas beaucoup de connaissances en matière administrative. Là, je vois, j'ai eu quelques appels de jeunes praticiens qui se demandaient pourquoi... je facturais des choses NPC et qu'ils m'avaient envoyé des patients et que les patients étaient revenus en n'étant pas contents actuellement parce qu'il y avait du NPC en plus des soins. Et à ces jeunes-là, je leur ai dit il faut absolument que vous ayez une connaissance importante de la nomenclature. La CCAM, ça s'apprend. ce n'est pas juste une ligne dans un tableau fourni par les réseaux sociaux. Ça s'apprend et ça se décortique. Et en fait, quand on décortique bien la CCAM, quand on lit bien tous les termes, c'est beaucoup plus simple ensuite de savoir ça c'est remboursé correctement, ça c'est un NPC, etc. et de pouvoir l'expliquer au patient. Je pense qu'il y a un manque de travail réflexif autour de la CCAM chez les jeunes praticiens qui ne la digèrent pas. Il ne s'agit pas de faire passer un NPC, il s'agit juste de comprendre. à quoi ça sert, et de savoir si ça répond aux besoins du patient. Si ça répond aux besoins du patient, on va lui exprimer et lui dire que si ce n'est pas remboursé, ce n'est pas pour ça qu'il n'en a pas besoin.

  • Speaker #0

    Pauline fait ici référence à la discussion que nous avons eue juste avant l'enregistrement au sujet de ma conversation avec Anne-Catherine Gallou pour l'épisode précédent. Je rejoins Pauline. C'est essentiel de bien connaître la nomenclature. Elle a raison de souligner l'importance de maîtriser la CCAM. Je dirais même que c'est une compétence indispensable pour expliquer clairement aux patients ce qui est remboursé de ce qui ne l'est pas, et pour éviter tout malentendu. Mais je dois bien avouer que de mon côté, je n'ai jamais eu le courage ni la patience de me plonger dans les méandres de la CCAM comme Pauline l'a fait. L'idée de passer des heures à décortiquer des lignes de code m'a toujours rebutée. Mais voilà, on peut changer, et ce podcast sert aussi à ça, à comprendre et à évoluer. C'est pourquoi, à l'instant où j'enregistre ces lignes, je viens juste de faire un tour sur internet et d'acheter le livre de notre confrère Marc Sabeck, Honoraires et Nomenclature. Peut-être que cela va enfin me motiver à m'y mettre. Et non, ce n'est pas de la publicité, promis, Marc Sabeck ne sait même pas que je vais le citer ici. On a vu cette étape de salariat, je voulais savoir en fait ce qui t'avait conduit à vouloir créer ensuite ta propre structure.

  • Speaker #1

    Alors j'ai été salariée pendant dix ans, c'était vraiment super et puis il se trouve que j'ai voulu pour des raisons personnelles me rapprocher de mon domicile et soigner, orienter mon exercice vers les personnes en situation de handicap et ce n'était absolument pas possible dans le centre où j'étais. J'en soignais quelques unes, quelques enfants. mais c'était vraiment la configuration des lieux ne s'y prêtait pas du tout. Donc j'ai eu l'occasion par le centre où j'étais de faire un DU de management par la qualité en odontologie dans lequel j'ai appris beaucoup beaucoup de choses sur l'organisation d'un cabinet, sur des points pratiques, sur des points économiques, sur des points de management. Je suis loin de mettre tout en pratique, mais en tout cas, j'ai beaucoup appris. Et surtout, ça m'a donné à ce moment-là la force de me dire, allez, je me lance toute seule en libéral. J'avais 11 ans de pratique, donc j'étais assez sûre de moi sur la qualité de mes soins. Et donc, je me sentais capable de me lancer en libéral à ce moment-là. Donc, c'est pour ça que j'ai passé le pas. Et c'est pour ça que j'ai créé Prêt de chez moi. une structure vraiment dédiée au handicap. Alors toute seule, au départ, je m'étais dit, oh là là, toute seule, c'est pas facile. Est-ce que je vais pas essayer de trouver quelqu'un pour m'associer et tout ? Et puis autour de moi, il y avait des associations qui n'étaient pas forcément hyper, qui se passaient pas hyper bien. Donc je me suis dit, bah non, je vais être toute seule, toute seule, très bien. J'ai, mon assistante du centre est venue avec moi. Donc là aussi, j'étais assez assurée d'avoir quelqu'un avec qui, Je travaillais depuis plusieurs années, donc ça allait bien rouler. Et puis après, classique, l'achat des locaux. Alors là, ça a été un peu compliqué d'obtenir un prêt, parce que forcément j'avais un business plan qui ne correspondait pas du tout au business plan d'un cabinet dentaire classique. Donc là, le banquier a un peu fait les yeux ronds en me demandant comment j'allais me débrouiller. La question du handicap a été très problématique. Dans le business plan, à partir d'actionnel, j'avais mis cette spécificité en avant. Et en fait, c'était, aux yeux du banquier, c'était un facteur de risque. Donc, ça a été compliqué pour moi d'obtenir un prêt, de par le faible chiffre d'affaires par rapport à la grille classique des cabinets, et de par cette notion de je vais soigner des personnes en situation de handicap Bon, forcément, ça m'a fait hurler, et du coup... Au final, j'ai réussi à avoir mon prêt. Et puis après, je me suis lancée. Et très rapidement, l'activité s'est développée. J'ai commencé en décembre 2013. Et j'avais un planning subcomplet en juin 2014. Donc ça s'est passé assez facilement.

  • Speaker #0

    Au bout de combien de temps de création de ton cabinet, tu as décidé de déconventionner ? Et qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur ?

  • Speaker #1

    Alors, l'élément déclencheur, ça a été le changement de comptable. Et la nouvelle comptable, quand elle a mis le nez dans les comptes, elle a trouvé qu'il y avait quelqu'un qui était très très mauvais payeur. Et elle m'a demandé qui c'était. Je lui ai dit, c'est la sécurité sociale et le tiers payant. Je ne sais pas si c'était pareil pour tous les départements, mais il y avait des retards de paiement incroyables, ou alors il y avait des paiements partiels. Alors parfois, je me souviens très bien à l'époque, le détartrage à tu pouvais avoir un paiement à... 25,03 euros. Et puis, le mois d'après, le paiement du complément. Et donc, pour faire les rapprochements comptables, c'était la croix et la bannière. Ça, c'était le premier point. Et puis, le deuxième point, c'est que il y avait beaucoup de nouveaux... au centre, qui ne voulaient plus soigner les enfants et qui avaient qui m'envoyaient beaucoup de leurs petits patients ce qui ne me dérangeait pas mais du coup ils oubliaient de préciser que je n'étais pas moi-même un centre ni un hôpital public et donc les actes en NPC m'ont posé problème à ce moment-là parce que les patients arrivaient sans avoir cette notion de spécialiste enfant cabinet privé et là je me suis retrouvée trouvés dans ce dont on parlait tout à l'heure, c'est-à-dire des patients qui ne voulaient faire que la chirurgie, à l'époque 16,72 euros l'attente temporaire, et puis pas de mainteneur d'espace après. Ok, c'est leur choix, mais 16,72€ quand on y passe une demi-heure, le compte est vite fait que c'est assez intenable. Et puis en plus, ça a été à l'époque le passage à la CCAM avec une espèce de rumeur qui parlait justement des conventions, des conventionnements. Je ne me souviens plus exactement, mais... Avec tout ça, j'en parle en juin 2015, j'en parle à la comptable qui me dit Ah non, mais il faut changer de moyen de financement, ce n'est pas possible. J'étais la première dentiste qu'elle avait en comptabilité. Qu'est-ce que c'est que ces choses à perte là ? Non, non, c'est bizarre. Est-ce qu'il y a un autre moyen ? Et je lui dis Ben, il y a un autre moyen qui est de travailler hors convention. Je lui ai expliqué ce que c'était. Elle m'a dit Ah ben, c'est très bien. Allez-y, en septembre, on commence. Comme ça, on a l'impression que je me suis fait imposer le truc, mais non, je pense que c'était juste la petite pichenette qu'il me fallait, parce que moi aussi, ça m'énervait, cette histoire d'actes sous-payés. Parce qu'effectivement, là, par rapport au salariat, je voyais l'argent qui passait. Donc là, effectivement, j'ai beaucoup plus eu la notion des paiements de cabinet dentaire, par rapport à l'exercice en salariat.

  • Speaker #0

    Après dix années d'exercice en tant que salarié, Pauline décide donc de créer sa propre structure. motivé par des raisons personnelles et un désir profond d'orienter son activité vers les soins aux personnes en situation de handicap. Sa démarche était audacieuse, mais elle s'est vite heurtée à une difficulté que je n'aurais pas soupçonnée, obtenir un prêt pour un projet de cabinet qui ne correspond pas au modèle financier classique. Pour le banquier, soigner des personnes en situation de handicap représentait un risque financier. Cette approche purement économique, qui mettait en doute la viabilité de son cabinet à cause de la nature même de sa patientèle, l'a profondément choqué. ce que je comprends aisément. Mais Pauline n'a rien lâché. Elle a réussi à surmonter ses obstacles et à créer une structure florissante dédiée à une population souvent négligée. Toutefois, une fois son cabinet créé, Pauline a rapidement dû faire face à un autre défi, cette fois lié à la gestion financière courante. La gestion comptable est devenue de plus en plus complexe avec des retards de paiement ou des montants partiellement versés de la part de la Sécurité sociale. Pour ajouter à cela, elle a commencé à recevoir de plus en plus de patients venant de centres, qui ne prenait plus en charge les enfants. Les parents de ces petits patients arrivaient souvent sans comprendre que le cabinet de Pauline n'était ni un centre de soins, ni un hôpital public, et se retrouvaient confrontés à des actes non pris en charge, ce qui a généré, ce dont on a parlé tout à l'heure, des choix de traitement orientés vers les soins pris en charge, et donc peu rémunérateurs. C'est à ce moment-là que sa carrière a pris un nouveau tournant. En échangeant avec sa comptable, Pauline a réalisé à quel point certains actes sous-payés, imposés par la Convention, étaient financièrement intenables. Pour elle... L'idée de continuer à soigner avec des tarifs aussi bas, 16,72€ l'extraction par exemple, en y consacrant parfois une demi-heure devenait tout simplement impossible. Le passage à la CCAM et les ajustements liés à cette nouvelle nomenclature ont ajouté une pression supplémentaire. C'est pourquoi, encouragée par sa comptable, Pauline a finalement fait le choix de se déconventionner. Ce que je retiens du parcours de Pauline, c'est que lorsqu'on choisit de sortir des sentiers battus, ici en orientant son activité vers les patients en situation de handicap, un domaine où elle était relativement précurseur en tant que libérale, on est souvent confronté à des obstacles et à des difficultés qu'il est impossible d'anticiper. Pauline a dû essuyer les plâtres, pour ainsi dire, dans un contexte où peu de soutien lui a été offert, que ce soit de la part des banques ou même des organismes comme la Sécurité sociale. Et je dois dire que, comme elle, je suis gênée par le fait qu'un choix d'exercice aussi ambitieux et courageux n'ait pas été davantage soutenu ou facilité. Pourtant, il me semble essentiel de soutenir les praticiens ou praticiennes qui font le choix d'innover et de se consacrer à des populations plus vulnérables.

  • Speaker #1

    C'est très facile de se déconventionner et de se reconventionner. Là aussi, c'est un mythe. En fait, c'est assez simple. Il y a un courrier envoyé à la Sécurité sociale qui nous renvoie une autre CPS et basta. Et je n'ai jamais eu de discussion, moi, sur le pourquoi du comment. J'avais quand même essayé de voir avec la dentiste conseil. Je lui avais parlé que là, au bout d'un an et demi d'exercice, je commençais à avoir les problèmes financiers qui étaient là.

  • Speaker #0

    Et la dentiste conseil, à l'époque, m'avait dit, si vous posez 2-3 implants, ça vous fera votre chiffre du mois. Et là, je me suis dit que manifestement, on n'habitait pas sur la même planète. Donc voilà, en fait, je n'ai eu aucun soutien de la sécurité sociale. Et moi, c'est vrai que j'étais un peu déçue. su, un peu triste même, de me dire Ah mince, j'ai une activité quand même pédo et handicap, il me semble que je réponds à un besoin de santé publique qui n'est pas forcément pourvu à 100% et je dis que je vais partir et en fait, on ne me dit rien. C'est le jeu, mais vraiment, j'ai... Je ne sais pas, le fait de ne pas avoir été un minimum retenu ou un minimum aidé ou un minimum soutenu en me disant Mais non, mais est-ce qu'on ne peut pas trouver une autre solution ? Vous voulez que je m'en aille ? Je m'en vais. Et voilà. Et donc, en trois mois, c'était fait. Alors après, il faut créer une nouvelle grille tarifaire. Donc, hors convention, on applique toujours la CCAM. Donc, simplement, les tarifs sont libres. Donc, ce n'est pas compliqué. On prend le code CCAM et puis, à côté de l'ancien tarif, on met notre nouveau tarif. Voilà. Et on le calcule en fonction du coût horaire du cabinet. Pour le coup, la question de l'argent hors convention face à soi-même, c'est-à-dire quand on est devant son ordinateur, en faisant sa grille tarifaire, c'est ultra simple. C'est une règle de trois. Il faut que l'ensemble de notre chiffre d'affaires corresponde à l'ensemble de nos dépenses. Donc c'est très facile mathématiquement. Après, il y a le problème du remboursement du patient.

  • Speaker #1

    Du coup, qu'est-ce que le déconventionnement a changé dans tes relations avec tes patients concernant ces sujets d'argent ? Merci.

  • Speaker #0

    Alors, ce que le déconventionnement a changé, c'est qu'on parlait encore moins d'argent. C'est-à-dire qu'avant, lorsque je présentais les devis, que je n'appelais pas encore propositions thérapeutiques et devis, j'expliquais qu'il y avait des soins entièrement remboursés et des soins pas du tout remboursés. Ensuite, je détaillais. Et donc, j'ai été confrontée à des patients qui me disaient, moi je ne ferais que la partie remboursée. Assez logique. Et donc, forcément, on était obligé de rediscuter du besoin de soins des enfants, mais on se heurtait toujours à cette notion de, oui mais ce n'est pas remboursé, donc si ce n'est pas remboursé, c'est que ce n'est pas indispensable. Quand tu n'es pas conventionné, en fait, moi je faisais tout passer en acte remboursable. C'est-à-dire qu'il n'y avait plus aucun NPC. Tout était inclus dans du remboursable. Après, c'est très peu remboursable, mais tout est remboursable. Et donc en fait, il n'y avait plus cette suspicion un peu de je compense ce qui est peu payé avec ce qui est NPC, quand il y a quelque chose qui est très peu facturé et puis quelque chose qui est très grandement facturé, alors que finalement la valeur de l'acte est... ne le justifie pas et je prends comme exemple la fluoration forcément on met très cher par rapport à un acte de soins qui est sous-payé les patients sont pas idiots ils voient bien qu'il y a un truc alors que là Je faisais un soin global, mettons, je te donne un exemple, moi mon soin de restauration de carie, il était à 75 euros, quel que soit le nombre de faces, parce que cette histoire de nombre de faces, je la trouve débile, on met autant de temps et autant d'intention à soigner une face et deux faces, et dans ces 75 euros, il y avait également la fluoration qui était comptée dedans. Ou alors c'était 150 avec la coiffe pédodontique qui était comptée dedans. Et donc du coup, tout était remboursable. Donc, il n'y avait plus cette histoire de suspicion de compensation. Et après, tout était sur devis. Donc, moi, mon discours, il était très simple. Voilà, je ne suis pas conventionnée. Ils étaient au courant de partout. Donc, ils savaient qu'ils n'allaient pas être beaucoup remboursés. Tout était écrit sur devis et rien n'était commencé avant le retour de la mutuelle. Donc, en fait, c'est une relation qui, de ce point de vue-là, pour moi, était beaucoup plus simple.

  • Speaker #1

    Ce que l'expérience de Pauline nous montre ici, c'est que le déconventionnement a radicalement changé sa relation à l'argent avec ses patients. En supprimant les actes non pris en charge, NPC, et en appliquant des tarifs clairs, même pour des soins non remboursés, elle a simplifié les échanges. Fini les discussions sur la légitimité des soins en fonction de leur prise en charge. Les patients savaient d'emblée que peu de choses seraient remboursées, et tout était désormais transparent. En dissociant totalement le soin de la complexité des remboursements, Pauline a pu instaurer une relation plus simple avec ses patients concernant les questions d'argent. Ce qui ressort aussi, c'est que le déconventionnement, bien qu'il puisse paraître compliqué ou risqué à première vue, est simple à mettre en place et a permis à Pauline de retrouver une forme de liberté dans sa pratique. Plus de compromis sur la qualité des soins, Plus de suspicion de la part des patients concernant la tarification des actes. Cela lui a permis de structurer ses tarifs de manière juste, en fonction de son temps et de ses coûts, tout en restant fidèle à ses principes. Cependant, il est clair que ce choix demande une certaine adaptation de la part des patients, qui doivent accepter un niveau de remboursement bien moindre, mais aussi un engagement plus clair dès le début du traitement. Ce que je perçois, moi, au travers de ce parcours, c'est une critique implicite du système de conventionnement, qui, au lieu de favoriser des pratiques justes et transparentes, impose parfois des règles qui brouillent la relation avec le patient. Pauline, à travers son choix, montre qu'il est possible de repenser cette relation en plaçant la qualité des soins au centre, sans pour autant renoncer à la viabilité financière de son cabinet. La question de la gratuité des soins, et on est en train de glisser vers... vers cette notion-là. Déjà depuis la loi Kouchner, la relation soignant-soigné a beaucoup évolué. On est dans un pays de droit, donc les gens pensent, et c'est à juste titre, que la santé c'est un droit, que tout le monde devrait avoir le droit de se faire soigner de la même manière, quelle que soit la situation financière. Mais dans la réalité, c'est difficilement possible. Les gens qui ont plus d'argent auront toujours plus de facilité à accéder aux soins que ceux qui n'en ont pas. Donc toi, est-ce que tu dirais que ce déconventionnement, pour toi, a été une bonne solution pour revenir à une relation de soins plus saine ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y avait effectivement cette... fluidité des échanges par rapport aux finances, puisqu'on ne parlait pas de bidouilles et que tout était remboursable. Donc ça, ça facilitait l'échange. C'est-à-dire que très rapidement, on n'en parlait plus, puisqu'il n'y avait pas à en parler. Par contre, ce qui perturbait les gens, c'était le fait que j'étais quand même hyper sympa. C'est-à-dire que, dans l'image, Le praticien qui n'est pas conventionné, il est dans un cabinet chic, dans un quartier chic et il roule en Porsche. Et moi, il se trouve que je suis dans un quartier normal et que, j'ai pas de Porsche mais peu importe, et que mon cabinet n'est pas chic dans le sens où il ressemble plus à une crèche qu'au chic. Donc je ne propose pas de café, je ne propose pas de journal, il n'y a pas... tout cet accompagnement que les gens parfois attendaient. Et donc, par rapport à mon statut, j'ai eu des réflexions sur Mais en fait, vous êtes hyper sympa, mais pourquoi vous n'êtes pas conventionné ? Parce que ça ne vous ressemble pas en fait, vous chantez, vous dansez, vous êtes hyper cool ! Et ça n'a rien à voir d'être hyper cool et conventionné ou pas. Mais en fait, les gens s'attendaient, sauf à part ceux qui me connaissaient d'avant, mais les nouveaux parfois se sont attendus à avoir beaucoup de personnel. des signes extérieurs de richesse de cabinet qui ne sont pas ceux que j'avais dans le cabinet et qui les déroutaient un petit peu sur le statut conventionné. Après, j'ai eu des réflexions aussi sur à un moment donné, je me souviens, j'arrête un soin parce que le gamin, il est... il était ingérable et j'avais déployé tout ce que je pouvais, tout ce que je pouvais, voilà, pour essayer d'y arriver. Je pense que ça me dépassait. Et il y a une maman qui m'a dit, mais écoutez madame, je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant. Et j'ai trouvé cette phrase assez terrible en fait. Et là, tu vois, sur certaines fois comme ça, il y a la question de l'argent qui revenait un peu en boomerang.

  • Speaker #1

    Cette partie de notre discussion, me rappelle ce que nous avions évoqué avec Benjamin Derbez, sociologue dans l'épisode 4, le fameux cliché du dentiste qui roule en Porsche. C'est une image encore bien ancrée dans l'imaginaire collectif, souvent associée à une certaine élite et à la rentabilité de la profession. Mais Pauline, avec son déconventionnement, a dû faire face à un autre verre de la médaille. Pour certains patients, le fait d'être hors convention implique que le praticien s'adresse à une patientelle plus élitiste. Ce qui, dans leur esprit, doit forcément s'accompagner d'un service en adéquation, un cabinet chic, un voiturier, un café à l'accueil. C'est une attente implicite qui peut dérouter. Et c'est là que réside le paradoxe. Pauline, en choisissant de se déconventionner, a simplifié les échanges financiers et recentré sa pratique sur le soin. Pourtant, elle a aussi attiré des patients qui ne correspondaient pas forcément à son approche ou à ses valeurs. Comme cette maman qui lui a dit Je vous paye pour que vous passiez du temps avec mon enfant Cette phrase, comme le dit Pauline, résonne d'une manière assez terrible. Elle illustre bien ce boomerang que peut entraîner le déconventionnement. Lorsqu'on s'extrait du système classique, on peut se retrouver face à des attentes parfois démesurées de la part de certains patients, qui estiment que le prix justifie tout, y compris un service qui n'a finalement rien à voir avec la qualité des soins. Cela nous rappelle qu'il y a toujours un revers de la médaille, quel que soit le choix d'exercice. Dans le cas du déconventionnement, Le risque est d'attirer des patients avec des attentes élitistes, bien loin de l'objectif initial qui était simplement de proposer un soin plus libre, plus transparent et déconnecter des contraintes administratives et financières de la Convention. Et cela fait écho à mes propres questionnements d'il y a quelques années, lorsque j'avais envisagé de me déconventionner. A l'époque, je n'avais pas mesuré tout ce que cela impliquait. Le fait de prendre le risque de perdre des patients que j'apprécie profondément, au profit d'autres qui ne me correspondraient peut-être pas autant, ne m'était pas apparu aussi clairement. Finalement, Avec le recul, je ne regrette pas mon choix d'être restée conventionnée. Cela me permet de maintenir une relation plus équilibrée avec mes patients, tout en gardant un cadre qui correspond à mes valeurs.

  • Speaker #0

    Je voudrais revenir sur l'histoire de la gratuité des soins parce que c'est vraiment, je pense, la grosse problématique. C'est ce que moi j'appelle le tiers payant transparent. Je ne sais pas s'il a un terme officiel, mais le tiers payant transparent, c'est-à-dire où on ne sait même pas combien autrui va payer pour nous, ça c'est vraiment, je ne sais pas d'où ça sort, mais je pense que c'est vraiment une erreur majeure. Alors nous on en bénéficie aussi, à la pharmacie plus personne ne paye rien. C'est quand même incroyable. Et l'autre fois, par exemple, j'ai un patient à qui je fais une ordonnance antibiotique, qui va chercher les médicaments, il fait une erreur de composition, et il ne le laisse pas au frigo. Du coup, le lendemain, tout naturellement, il me redemande une ordonnance antibiotique. Et en fait j'ai dit mais on se rend pas compte mais là la sécurité sociale a payé deux fois un traitement. Alors c'est peut-être pas grand chose de la moxiciline mais mise bout à bout ça coûte vachement cher. Et il est certain que s'il l'avait payé de la poche avant d'être remboursé ou même s'il avait eu une facture de vous avez l'avance totale des frais mais votre facture c'est tant. peut-être qu'il aurait peut-être fait plus attention. Quand on va dans les hôpitaux, je me souviens quand j'ai eu un problème de récupération des droits de sécu, quand je me suis déconventionnée. Pendant trois mois, je n'avais plus de droits de sécurité sociale. C'était un peu la galère. Et pour le coup, un de mes ayants droit a dû faire un séjour en réa à l'hôpital. Et quand j'ai vu le prix de la nuit en réanimation, je dis mais... Alors, instinctivement, je savais que c'était très cher. Mais là, en fait, je me suis retrouvée devant le caissier, il m'a dit mais vous n'avez plus le droit de sécurité sociale, madame. Vous nous devez tant. Et je dis mais moi, je ne peux pas avancer tant. Après, ça s'est arrangé. Mais vraiment, cette histoire de tiers payant où on ne sait même pas à combien correspond la prestation, c'est, je trouve, incroyable. Donc, s'il y a vraiment quelque chose qui pourrait être, me semble-t-il, changé dans notre rapport à l'argent, dans tous les corps médicaux, c'est, ok, je ne paye pas parce que la solidarité nationale fait que quelqu'un paye pour moi, mais au moins, je sais combien ça coûte.

  • Speaker #1

    Pauline a souhaité revenir sur un point essentiel, la confusion entre gratuité et solidarité nationale. Ce qu'elle appelle le tiers payant transparent révèle un décalage entre la perception des patients et la réalité des coûts des soins. Comme nous l'avions évoqué avec Anne-Charlotte Bas dans l'épisode 2, cette absence de communication sur les valeurs des soins pris en charge alimente cette confusion. On ne distingue plus ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui est perçu à tort comme gratuit. Cela crée une déconnexion. qui dans les cas des soins non remboursés, place souvent le soignant dans une posture inconfortable, presque comme un vendeur de soins. Le patient qui n'a pas conscience du coût réel des actes peut avoir du mal à comprendre pourquoi certains soins ne sont pas pris en charge. Le praticien doit alors non seulement expliquer le besoin médical, mais aussi justifier le coût de son travail. les dépenses liées à son cabinet et parfois même l'importance du soin lui-même. Cette situation peut altérer la relation de confiance et générer des tensions inutiles qui détournent l'attention du cœur de notre métier soigné. Toi qui aussi a fait beaucoup de bénévolat, il me semble que c'était à la Croix-Rouge. Oui. Du coup, cette situation où tu t'es retrouvée dans une position presque inversée, où là... Les gens qui payent peuvent aussi être en droit de se dire moi, si je paye, j'ai le droit à ça ou ça et où tu devais peut-être plus avoir les patients dans des situations financières compliquées. Comment tu l'as vécu, toi, cette situation ? Est-ce que tu t'es sentie aussi en dissonance par rapport à tes valeurs ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je n'étais pas conventionnée, la patientèle n'a pas beaucoup changé, parce que finalement, je n'ai... Alors, en matière de structuration socio-professionnelle, ça n'a pas trop changé, c'est-à-dire que je n'avais pas de gens hyper fortunés qui venaient me voir, parce que, mine de rien, comme je te disais... il n'y avait pas le côté accompagnement, personnel, café, journaux sur tablette et voiturier. Donc au final, les gens qui recherchent ce type de prestations-là ne sont pas venus chez moi. Et puis, il y a aussi le fait que j'ai un petit caractère qui fait que si on commence à trop, trop... Me prendre de haut et me prendre pour le larbin de service parce que j'ai de l'argent, donc je vais t'acheter pour que tu t'occupes de mon enfant que je n'ai pas éduqué. Très rapidement, la relation thérapeutique ne s'est pas faite et ils sont partis d'eux-mêmes. Je pense que je ne correspondais pas à leur demande. après les autres ceux qui m'avaient connu depuis très longtemps ça ne changeait pas grand chose pour eux parce qu'en fait ils me disaient nous ça nous ennuie un peu, bon mais on sait pourquoi on vient et à partir du moment où finalement quel que soit ton statut d'exercice à partir du moment où tu le fais avec du sens et que tu le fais avec ton cœur, pas ton bon cœur, mais ton cœur et justement tes valeurs, ce en quoi tu crois, la manière dont tu vois le métier, l'humanité et la relation de soins. Finalement, les gens se disaient, écoutez, moi je paye 60 euros chez la pédiatre, je paye 60 euros chez vous, vous êtes aussi sympa, vous prenez du temps, voilà, donc ça ne posait pas de problème. Là où c'était plus problématique et ce qui a conduit d'ailleurs un peu à mon... à mon reconventionnement qu'on abordera après, c'est que les patients qui n'avaient pas d'argent, j'ai appelé mon ami Hippocrate et je les ai soignés gratuitement. Parce que j'ai prêté serment et que pour moi, c'est hyper important. C'est non discutable, non négociable. Je me souviens d'une petite famille, il y avait deux jumeaux autistes, un enfant trisomie, ils habitaient dans un studio. Il est hors de question que je fasse payer ces personnes. C'est pas possible. Ces personnes-là, elles ont besoin d'être aidées. Et moi, je fais partie de la chaîne des petits colibris qui doit les aider. Sinon, j'ai rien à faire ici. Je le dis avec beaucoup de gravité et beaucoup d'émotion, parce que c'est vraiment... Le point fondamental de ma vie en général et de la manière dont je vois le métier, c'est vraiment la relation d'aide. Donc j'ai commencé à faire des soins gratuits et probablement trop de soins gratuits.

  • Speaker #1

    On va en venir à ce qui finalement t'a ou décidé ou peut-être contraint à te reconventionner.

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas vu les finances qui n'allaient plus. Probablement que d'autres les auraient vues. Moi, je pense que tu auras compris que mon grand intérêt dans le métier n'est pas mon relevé bancaire. Donc, j'ai fait l'autruche. J'ai géré le Covid et le post-Covid comme tout le monde. Plutôt bien d'ailleurs, parce que je n'ai même pas pris de prêt. J'ai remonté le chiffre, je ne suis pas partie en vacances. J'étais assez fière de moi, mais finalement de ma gestion Covid, post-Covid. Et puis... Et puis, qu'est-ce qui s'est passé après ? Il y a eu beaucoup moins de patients. Moi, j'avais repris des études par ailleurs. Donc finalement, j'étais assez contente d'avoir moins de patients. J'avais plus d'heures de déj. Enfin, voilà, un côté un peu... Voilà, on verra bien. Bon, un peu, je me suis un peu laissée porter par... Je me suis laissée flotter, voilà. Et puis, de plus en plus de gens qui avaient besoin de soins et qui n'avaient pas d'argent. Donc, de plus en plus de... de séances gratuites ou payées. J'ai rarement fait du tout gratuit, mais j'ai fait des séances à 5 ou 10 euros, par exemple. Parce que je voulais quand même, pas pour les patients qui gèrent la CMUR, mais il y a quand même des patients qui n'ont pas leurs droits. On ne sait pas comment ça se passe, mais il y a des gens qui probablement ne recouvrent pas tous leurs droits. Et donc, en fait, j'ai fait payer... Voilà, des sommes symboliques, histoire d'avoir quand même un échange. Je fais une petite parenthèse, moi j'aime beaucoup les travaux de Maurice Godelier, qui est un anthropologue qui travaille beaucoup sur le don et la dette, et le fait que quand tu donnes quelque chose à quelqu'un, ce quelqu'un est en dette vis-à-vis de toi. Et donc je ne voulais pas rendre service, je ne voulais pas que les patients se sentent redevables ou en dette, donc c'est pour ça qu'on avait quand même un échange de... soins médicaux contre argent, et 5 ou 10 euros pour un soin. C'était OK pour eux et ça permettait de neutraliser le lien et que je ne le rendais pas service. Ils ne me devaient rien puisqu'ils m'avaient payé ce qu'ils pouvaient me payer. Mais par contre, comptablement, ça n'allait pas du tout. Et je n'ai pas vu la situation s'empirer. Vraiment, la méa culpa complet, j'ai rien vu. J'ai rien vu jusqu'au moment où le compte en banque a été quasiment vide. Entre temps, j'ai encore changé de comptable et le comptable n'a rien vu non plus. Et en fait, j'aurais pu changer avant. Parce que faisant beaucoup de soins aux personnes en situation de handicap, il y a le fameux 4Y. Y183, ça, ça aurait pu m'aider. Et en fait, quand je me suis aperçue de tout ça, j'en ai discuté avec deux, trois pâtissières hyper sympas qui m'ont dit, mais ce n'est pas possible. Allez hop, elles m'ont reboostée, un peu comme la comptable avait fait pour le déconventionnement. Elles m'ont pris en main, elles ont regardé mes comptes et tout. Elles m'ont dit, ah non, non, non, allez hop, tu te reconventionnes, tu vas voir, ça fonctionne comme ça très, très bien. Et elles ont eu raison et elles m'ont beaucoup accompagnée. J'ai rebossé beaucoup la CCAM pour refaire une grille et refaire un argumentaire vis-à-vis des patients pour expliquer pourquoi ce changement et pouvoir voir comment est-ce que je pouvais comptablement m'en sortir entre les actes remboursables et les NPC qui sont tous justifiés, motivés auprès des patients et qui correspondent tous à un besoin. Donc en fait, c'est les contraintes économiques qui m'ont poussé à me reconventionner. C'est un peu bizarre, mais c'est comme ça. Dans ma pratique de pédo-handicap, avec beaucoup de patients dans cette situation-là, la CCAM est très favorable pour mon exercice.

  • Speaker #1

    Les propos de Pauline nous rappellent à quel point le besoin d'humanisme dans notre métier est essentiel. Prendre soin de nos patients, notamment ceux en grande précarité, est un devoir que nous portons avec gravité. Mais cet engagement se heurte. parfois à une réalité implacable, l'équilibre financier de nos cabinets. Pauline l'a vécu en multipliant les soins gratuits au point de fragiliser son activité jusqu'à ce que cette générosité devienne insoutenable économiquement. Pauline revient aussi sur le confinement qui a complètement chamboulé notre rapport au travail. Cette période résonne aussi avec mon propre parcours puisque c'est justement à ce moment que je lançais ce podcast. Comme beaucoup, j'ai profité de cette parenthèse hors du temps pour m'interroger sur mes priorités et mes envies professionnelles. Je me suis même prise à rêver qu'un jour je pourrais vivre de cette activité. Mais moi aussi la réalité m'a vite rattrapée. Il m'a fallu du temps pour comprendre que mon métier de dentiste m'offrait de nombreux avantages auxquels je n'avais pas envie de renoncer. Vivre du podcasting me demandait des sacrifices ou des compromis que je n'étais pas prête à accepter. Ce que l'on perçoit dans le témoignage de Pauline, comme dans nos propres expériences, c'est que l'équilibre entre passion, engagement et viabilité économique est souvent fragile. Et c'est là également qu'intervient une autre forme d'entraide, celle de nos confrères et consoeurs, qui, dans des moments de doute ou de difficulté, peuvent nous permettre de nous recentrer et de retrouver une stabilité. Peut-être une question un peu compliquée, mais j'aurais aimé savoir un peu quel bilan tu tirais de ces trois expériences salariat, convention, hors convention. Parce que finalement, tu as pu en tirer énormément de choses aujourd'hui. Ton exercice, c'est une deuxième question dans la question, mais aujourd'hui, tu es heureuse dans ton fonctionnement ?

  • Speaker #0

    Absolument. En fait, j'adore le parcours que j'ai eu. Je trouve qu'ils me correspondent parfaitement bien. Pour la première fois, j'ai voulu arrêter le métier. Je ne suis pas d'ailleurs convaincue de terminer dentiste, mais après il y a les nécessités économiques qui font loi, donc on verra. Mais je trouve que le cheminement depuis la fin de mes études, le cheminement que j'ai eu, me correspond parfaitement. Et je pense qu'actuellement, je suis beaucoup plus sereine. maintenant, alors il y a l'âge aussi qui fait que, mais je suis beaucoup plus sereine dans mon exercice maintenant, parce que je pense que je suis passée par toutes ces étapes, et que probablement, par rapport à ce que je voulais faire de ma vie, c'est-à-dire être vraiment dans une relation d'aide, par rapport aux écoles philosophiques en quelles je crois, et que j'essaie d'appliquer à mon quotidien, j'ai l'impression d'être maintenant bien bien en phase. avec moi, avec ce que je pense, avec mes valeurs, avec ce que j'ai dans mon cœur, avec ma vie personnelle. Je suis très très contente d'avoir fait ce trajet. En plus, j'aime bien toujours faire les choses un peu en itinéraire bis. Et donc, quand je repense ou quand je suis sortie de mes études où j'ai dit, moi je vais faire de la pédo en centre de soins ou qu'on m'a regardée avec les yeux ronds, et finalement où j'en suis maintenant, je suis assez contente. Je suis aussi contente un peu de faire un petit pied de nez à mes anciens profs qui ne me connaissent plus, et ce n'est pas grave, mais de leur dire, voyez les gars, il n'y a pas un seul mode d'exercice, il n'y a pas une seule vie. Je pense que ça ne se fait plus maintenant, mais on n'était peut-être pas obligés de nous faire rentrer aux forceps dans des moules qui ne nous convenaient pas. Et je suis bien contente de leur dire t'as vu où je suis maintenant ?

  • Speaker #1

    Pauline souligne ici une vérité, que beaucoup d'entre nous oublient parfois, notre chemin n'est pas tout tracé. Il est façonné par nos expériences, nos choix, mais surtout par nos valeurs. Son parcours en est le reflet. Ce qui est essentiel, c'est de rester fidèle à ce que nous sommes, à ce qui nous anime profondément. Nos valeurs servent de boussole, même lorsque le doute s'installe. D'ailleurs, je pense que le doute est une force. Il nous permet de questionner, de réfléchir, de ne pas accepter les choses telles qu'elles sont. Et je dois dire que j'aime les gens qui doutent, parce qu'ils me rassurent. Il montre qu'il est possible d'avancer tout en se remettant en question, et c'est peut-être ce qui nous aide à rester sincères, en accord avec nous-mêmes, comme Pauline évoque si bien. Je tiens à remercier chaleureusement Pauline Chardron-Mazière pour cet échange sincère et profond. Son parcours en itinéraire bis est une belle preuve qu'il n'y a pas de chemin unique. Chacun d'entre nous doit trouver sa propre voie, celle qui résonne avec ses valeurs et sa vision du métier. Un immense merci aussi à Pauline Bussy pour le montage de cet épisode, à Maxime Wattieu pour la réalisation et la composition musicale, et à Camille Covez pour l'illustration, qui donne vie à ce podcast à travers leur talent et leur créativité. Avant de conclure, je vous rappelle que nous préparons une série spéciale autour de ma mission humanitaire à Madagascar, et j'ai besoin de votre soutien plus que jamais. Les dons que vous pouvez faire serviront à financer le matériel nécessaire à la mission, mais aussi la création de cette série. Musique, visuel, montage. Si vous souhaitez participer à cette aventure, vous trouverez toutes les informations dans la description de cet épisode. Pour le prochain épisode, nous aurons le plaisir d'accueillir notre confrère Jérémy Bazar, qui nous parlera de son parcours de dentiste et de son choix de toujours avoir travaillé en salariat. Une autre façon d'exercer, une autre perspective sur notre métier, que j'ai hâte de partager avec vous. Merci à toutes et à tous pour votre écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à lui donner 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Cela m'aide profondément. à faire découvrir le podcast à d'autres. Mais surtout, parlez-en tout autour de vous, partagez-le sur les réseaux sociaux, faites fonctionner le bouche à oreille. C'est grâce à vous que cette aventure continue à grandir. N'oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer les prochains épisodes et à très bientôt pour de nouvelles réflexions autour de notre métier de dentiste.

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