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Entretien avec un dentiste

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 7 Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 7 Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

48min |09/10/2024|

481

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Entretien avec un dentiste

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Mon voyage à travers l'argent en dentisterie : épisode 7 Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

48min |09/10/2024|

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Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 7 : Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

Dans cet épisode, j’accueille Jérémie Bazart pour une conversation passionnante autour de la rémunération des dentistes, du modèle libéral, et de la formation des jeunes praticien·nes. Ensemble, nous questionnons la compatibilité entre l’exigence de rentabilité du modèle libéral et l’essence du soin. Jérémie partage son expérience de praticien salarié, où il trouve un équilibre entre qualité des soins et stabilité financière. Nous discutons aussi des défis de la formation universitaire : pourquoi l’université ne forme-t-elle pas les dentistes à devenir des chefs d’entreprise ? Et comment aider les jeunes à explorer différents modèles d’exercice au-delà du libéral ? Une réflexion profonde sur l’avenir de la profession, à écouter sans modération !


Dans cet épisode, Jérémie évoque à plusieurs reprises le sujet du déconventionnement, le thème de l'épisode précédent avec la docteure Pauline Chardron-Mazière. N'hésitez pas à l'écouter si ce n'est déjà fait 😉


🎧 Écoutez l’épisode dès maintenant et n’oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer le prochain, où nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani !


Bonne écoute 😉


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Merci pour votre écoute et votre engagement, qui rendent cette aventure possible. Restez à l'écoute et n'hésitez pas à laisser vos commentaires et suggestions pour les futurs épisodes !


Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci au docteur Jérémie Bazart pour son partage d'expérience si précieux.


Retrouvez tous les épisodes sur le site d'Entretien avec un dentiste   


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de mon voyage à travers l'argent en dentisterie. Je suis Florence Echeverry, chirurgien dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui j'accueille Jérémy Bazar, chirurgien dentiste omnipraticien dans le département de la Seine-Saint-Denis. Jérémy exerce également comme praticien hospitalier à la maison d'arrêt de Paris et il est aussi journaliste scientifique, membre de l'association des acteurs de la santé publique bucco-dentaire et de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information. J'ai souhaité discuter avec Jérémy car ces derniers temps, l'exercice salarié me questionne. A la sortie des études, je voyais l'exercice libéral comme synonyme de liberté, influencé par mon père qui avait créé son entreprise pour ne plus dépendre d'un supérieur. Mais aujourd'hui, je doute. En tant que praticienne libérale, je me sens davantage soignante que chef d'entreprise. Travailler dans un cabinet à mon image, entouré d'une équipe que j'aime et que j'ai choisie quelque part, avec des patients qui me correspondent, est un véritable confort. Mais la question du paiement à l'acte me perturbe. La santé n'est pas, à mes yeux, une activité scalable ou rentable comme une autre. Le paiement à l'acte peut inciter à multiplier les soins, parfois au détriment de la relation de soins et de l'écoute, ou encore à pratiquer des actes non pris en charge, NPC, avec des tarifs élevés, inaccessibles à tous. En fait, je ressens une forme d'ambivalence. Je suis attirée par la stabilité du salariat, mais surtout, je me demande si le modèle économique salarié n'est pas finalement plus compatible avec une pratique de soins plus centrée sur l'humain. Pourtant, je ne me sens pas prête à renoncer aux avantages du libéral. Épisode 7, au-delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin. Avant de plonger dans notre conversation, je souhaite également vous parler de notre mission imminente à Madagascar. Dans quelques jours, je pars avec Cécile, mon assistante, pour une mission humanitaire aux côtés de personnes formidables, comme Gérard, un dentiste à la retraite, et Dominique, sa femme, enseignante retraitée. Nous avons besoin de votre soutien. pour l'achat de matériel d'enregistrement, la création musicale et le montage de l'épisode. Vos dons seront précieux pour me permettre de documenter et partager cette expérience exceptionnelle. Petite précision avant de continuer, si vous entendez des bruits de fond, comme des coups de marteau piqueur, c'est parce que des travaux avaient lieu juste devant chez moi le jour de l'enregistrement. Ça ne dure pas trop longtemps, mais j'espère que ça ne perturbera pas trop votre écoute. Maintenant, place à notre conversation avec Jérémy.

  • Speaker #1

    Donc moi j'ai un double statut, je suis praticien hospitalier à l'hôpital Cochin, je dépends de la fonction publique hospitalière, je suis membre d'une unité d'un service hospitalier qui s'appelle une UXA, une unité de consultation de soins ambulatoires, c'est des unités déportées de l'hôpital vers les prisons. Donc c'est un service dans la prison, c'est un service hospitalier dans la prison, c'est pas un service qui appartient à l'administration pénitentiaire, mais c'est l'hôpital qui va dans les prisons. Donc c'est un service très complet avec des kinés, des infirmiers, des aides-soignants, des médecins, des médecins spécialistes, un service de psychiatrie, des addictologues, enfin bref, tout un tas de professionnels qui prennent en charge les détenus et donc aussi des dentistes. Et puis mon autre activité, c'est donc, je suis contractuel vacataire de la fonction publique territoriale, cette fois-ci, donc ça c'est pour le, je travaille pour le département de la Seine-Saint-Denis dans une unité... Je suis dentiste référent du centre mobile dentaire du département. C'est un dispositif qui est composé de deux choses. La première chose, c'est un bus. C'est un boostone qui est aménagé en cabinet dentaire. C'est un cabinet sur roue avec tout ce qu'il y a, une stérilisation, une radio. Et puis un cabinet, c'est une salle d'attente, on monte les dossiers patients, etc. Et c'est également des unités mobiles. Donc là, c'est un dispositif plus petit. C'est typiquement des petites unités qui vont dans les EHPAD, c'est assez connu pour ça, mais nous on va aussi dans les écoles, dans les centres d'accueil pour la réduction des risques des usagers de drogue, dans les foyers d'OMA, dans les associations de jeunes travailleurs, dans les foyers pour les personnes en situation de handicap. dans les ESAT, les établissements d'insertion par le travail pour les personnes handicapées. Bref, tout. En fait, c'est le dispositif d'aller vers, donc aller vers les structures, aller vers les gens qui ne vont pas voir le dentiste.

  • Speaker #0

    Le dispositif Aller vers, mis en place en 2017, vise à rendre les soins plus accessibles en se déplaçant vers des populations vulnérables, souvent éloignées des circuits de santé traditionnels. Cette initiative, portée par le ministère de la Santé, a pour objectif d'assurer un accès aux soins aux personnes qui, pour diverses raisons, ne consultent pas spontanément. Cela inclut les écoles, les EHPAD, les foyers et bien d'autres structures. Toi, ça a été un choix ou ça a été le hasard qui t'a conduit à rentrer dans le salariat ?

  • Speaker #1

    C'est quand même un environnement où l'argent est, au cours des études, où l'argent est très très présent, les discussions ne sont pas, ça ne m'intéressait pas. Et donc c'est vrai que très rapidement on se trouve avec un groupe de copains qui est quand même très restreint et on décide ensemble de réaliser son métier en rapport avec ses valeurs. Et on s'aperçoit que ça ne va pas être, ça ne va pas matcher. Donc il faut trouver quelque chose qui, enfin moi ce qui m'intéressait, si j'ai... Si je suis allé au bout de ces études-là, c'était aussi parce que je me suis dit, bon, je vais jusqu'au bout, mais je sais que quand je serai grand, quand je serai un vrai dentiste, je serai toujours en rapport avec mes valeurs et je ne mettrai pas l'argent au centre. Au moment des études, c'est vraiment un trop. On parle trop d'argent. On est des étudiants. Ce n'est pas l'objectif. Ce n'est pas le lieu. Ce n'est pas le moment.

  • Speaker #0

    Jérémy soulève ici une question essentielle que je me pose également. Comment concilier nos valeurs de soignants avec un modèle économique qui semble parfois donner trop d'importance à l'argent ?

  • Speaker #1

    Dans l'environnement de travail et l'environnement universitaire, j'ai trouvé que c'était un sujet qui prenait énormément de place. Et compris en dehors, parce que quand on parle des dentistes dans la société en général, on sait bien que ce sont des métiers qui ne sont pas à plaindre. Il y a toute une image dans les représentations, mais ce n'est pas complètement faux. Ça parlait quand même beaucoup d'argent. Donc l'idée, c'est effectivement que j'exerce mon métier. de manière complètement de déconnecter l'argent de ce métier et de me reconcentrer sur le soin. Et la seule façon pour moi de pouvoir soigner les gens, les patients, sans avoir un dollar ou un euro qui s'affiche en tête, c'était d'être salarié et de ne pas savoir combien j'allais... Enfin, je veux dire, de soigner les gens, ça va avoir une bouche sous les yeux. Je m'en fous de savoir combien elle va me rapporter. Et quand je vois les différents plans de traitement qui sont faits par des confrères, ou quand on voit dans les centres locaux, quand on voit que les gens repartent avec des plaquettes extraordinaires, avec un montant derrière, c'est pas quelque chose qui... Moi je vois des gens qui ont des besoins et je me dis allez, j'y vais, peu importe combien ça coûte, c'est pas mon sujet en fait C'est le paiement à l'acte que je remets en question, sur la façon de soigner les gens. Je pense que le paiement à l'acte est difficilement compatible avec un soin de qualité en fait. Et donc j'ai essayé d'exercer en salarié, enfin j'ai voulu exercer en salarié pour pouvoir extraire cette donnée de mon plan de traitement.

  • Speaker #0

    Et effectivement, moi c'est toutes ces questions qui m'ont menée aussi à travailler sur ce sujet de l'argent, parce que c'est aussi le constat que je fais moi en libérale. J'ai pas l'impression d'arriver... L'équilibre est très difficile à trouver entre le soin et la rentabilité. Donc même quand on a envie de bien faire notre métier et qu'on est consciencieux, on est de toute façon confronté à cette réalité qui est que si on veut travailler dans un environnement agréable et aussi pas s'épuiser, donc avoir une secrétaire, avoir une assistante, avoir un beau plateau technique, il va falloir... rentrer des sous et de plus en plus. Et donc, ça veut dire qu'au lieu de penser aux besoins du patient, on a toujours cet œil sur le compteur horaire qui tourne.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Après, je te dis, c'est quelque chose que j'ai voulu extraire d'emblée. Je n'ai jamais voulu... Alors, il se trouve que mes premiers postes, c'était des postes dans un centre d'examen de santé pour l'assurance maladie à la Courneuve. et qu'ensuite j'ai embrayé sur des remplacements dans des centres municipaux de santé, notamment à Tremblay en France, et puis aussi pour l'assurance maladie. Là, j'étais payé à l'acte, mais le fait d'être payé à l'acte, il y a une petite contradiction dans ce que je dis. Même en étant payé à l'acte, je n'ai quand même pas ressenti ce besoin d'en faire toujours plus. Disons que je me suis battu en étant salarié de l'assurance maladie, en étant payé à l'acte. pour qu'on soit payé au forfait en fait, enfin pour qu'on soit sur des vacations horaires, voilà on est payé je sais pas 30, 40, 50 euros de l'heure, enfin peu importe, mais en tout cas d'avoir un salaire horaire, ça a jamais pu se faire, mais en tout cas moi je me suis battu contre mon propre mode de rémunération en fait, parce que je trouvais que c'était pas complètement sain, même si ça me faisait, enfin c'est pas en étant payé à l'acte que je gagnais des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, mais je milite contre en fait, je me tire une balle dans le pied si tu veux.

  • Speaker #0

    Cette réflexion sur le lien entre temps passé avec les patients et rémunération m'a toujours interpellée. C'est un dilemme que je vis quotidiennement en libéral. Est-ce juste que des dentistes qui s'investissent dans la relation passent du temps à écouter leurs patients et à les accompagner dans leurs soins, soient moins rémunérés que d'autres qui enchaînent les actes techniques sans cet investissement ? Le problème, c'est que ce temps passé n'est pas quantifiable, et aujourd'hui on vit dans une société qui valorise ce qui est quantifiable et mesurable. Est-ce que ce temps passé, à expliquer et à écouter, ne devrait pas être valorisé autant que la quantité d'actes réalisés ? J'ai récemment écouté un épisode du podcast Les idées larges de Laura Reim, dans lequel l'économiste Bernard Friot développe l'idée d'un salaire à vie. Selon lui, un salaire inconditionnel permettrait de s'affranchir du chantage à l'emploi. Cela m'a fait réfléchir. Pourrait-on imaginer un modèle où les dentistes reçoivent un salaire de base, indépendamment du nombre d'actes réalisés ou du temps passé avec les patients ? Ce serait une vraie question d'équité dans notre profession. Bien sûr, j'ai conscience que cette idée de nivellement ne va pas plaire à tout le monde, notamment à ceux qui considèrent leur investissement entrepreneurial ou technique comme un facteur de mérite. J'ai partagé cette idée avec Jérémy et voici ce qu'il en pense.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, je vois ce que tu veux dire. Et c'est plutôt le bon volet que tu expliques, parce qu'on pourrait très bien dire, il y a aussi des dentistes qui non seulement n'expliquent rien aux patients, mais qui en plus ne foutent rien. Donc il n'y a aucune raison qu'ils soient payés par aix que quelqu'un qui parle et qui au moins fait exactement ce que tu dis, qui prend le temps avec le patient de lui expliquer sa pathologie, d'essayer de l'accompagner dans son soin. Enfin oui, de l'accompagner. Moi, ce que je dis à tous mes patients, c'est que, enfin surtout en prison, parce qu'ils ne sont quand même pas tous...... Ils n'arrivent pas avec la banane, comme beaucoup de patients dans les cabinets, mais là on est sur des gens qui ont un problème avec les rapports sociaux. Donc il faut être très compliant, il faut vraiment s'adapter à chaque patient. Et je leur dis, déjà évidemment le consentement c'est évident, mais surtout moi je dis on est deux dans l'histoire, donc si vous ne m'accompagnez pas ou si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. Si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. J'ai besoin de vous, donc il faut que vous m'accompagniez, il faut que vous compreniez, il faut que je vois que vous êtes dans votre soin. Et tout ça, effectivement, c'est un temps très long. Après, on est face à des patients particuliers. Tous ne sont pas comme ça, mais il faut pouvoir prendre le temps avec chaque patient. C'est aussi l'intérêt de ce métier.

  • Speaker #0

    Ce que Jérémy souligne ici, c'est que le soin ne peut se résumer à une série d'actes techniques. Il nécessite du temps, de l'écoute et surtout une relation de confiance mutuelle. qui permet d'accompagner véritablement le patient dans son parcours de santé. Cette question du temps est complexe pour nous, praticiens libéraux. Chaque patient a des besoins uniques et le temps passé à les écouter, les rassurer, à expliquer leur pathologie ou le soin qu'ils vont recevoir, ne fait pas partie de ce qui est valorisé. Le temps nécessaire pour construire une relation de confiance, pour accompagner des décisions médicales délicates, comme des extractions par exemple, peut parfois s'étendre bien au-delà du simple acte technique. Mais en libéral, ce temps supplémentaire, comme on l'avait évoqué au-dessus, peut rapidement devenir une pression financière et mettre en péril la viabilité économique du cabinet.

  • Speaker #1

    C'est vraiment complexe la façon d'aborder la question du temps qu'on passe. Parce qu'effectivement, aujourd'hui, ce n'est pas un temps qui est rémunéré. Sauf qu'il est rémunéré en salariat quelque part. C'est-à-dire qu'on a des comptes à rendre aussi à nos financeurs. Quand on travaille dans un centre de santé, il faut qu'on rende des comptes. De dire à un dentiste qu'il ne faut rien, ça ne va pas du tout. Évidemment, c'est normal. Ce temps-là, effectivement, c'est un temps qui peut être utilisé et qui est nécessaire pour pouvoir faire un bon soin. Et puis surtout, ce qui est intéressant, c'est la suite. C'est-à-dire que l'objectif, c'est qu'ils comprennent pour pas... Enfin, moi, c'est ce que je leur dis, quand une dent doit être extraite, pour moi, elle est déjà extraite, en fait. Et on s'intéresse, je m'intéresse toujours aux autres dents, en fait. Et donc, l'objectif, c'est que les autres dents ne soient pas extraites. Et donc, quand je commence à discuter ou à reparler de prévention... à essayer de faire comprendre au patient ce qui se passe dans sa bouche. Moi, je lui dis, voilà, celle-là, on oublie. Voilà, cette dent-là, elle est comme ça, elle est arrivée à cet état-là, voilà, pour cette raison-là. Mais on ne va pas... L'important, c'est que les autres, celles qui sont là, vous avez encore plein de dents qui sont en bonne santé, il faut que ces dents-là, on les garde. On les garde, OK, c'est le contrat qu'on se fait ensemble, on les garde, etc. Et ça, c'est ce temps-là aussi. C'est comment faire comprendre qu'en fait, cette dent-là, OK, c'est terminé, mais les autres, il ne faut pas qu'elles finissent dans le même état. Et donc, il faut bien comprendre ce qui s'est passé pour celle-ci pour ne pas que ça recommence au niveau des autres. Et ce temps-là, c'est un temps qui n'est pas rémunéré quand on est en libéral. Le choix de l'exercice salarié, ce n'est pas toujours facile. Je te dis, en étant payé à l'acte pour l'assurance maladie, c'est pareil, ce n'était pas un temps rémunéré. Donc, quand moi je travaillais pour l'assurance maladie, j'y travaillais plus là, mais quand je travaillais pour l'assurance maladie, je me dis, le patient, il vient aussi nous voir parce qu'on a l'assurance maladie. On a une image à véhiculer qui est celle des professionnels et du droit à la santé, et des professionnels et de la prévention, des professionnels de la dentisterie. Et donc, il ne peut pas repartir comme s'il était une machine à créer du revenu pour un praticien, même si c'est effectivement ça qui se passe quand on est payé à l'acte. C'est comme ça que moi je le vois, je suis un peu dur avec la façon de faire, mais si ça ne convient pas, on change en fait. Si ça ne convient pas, il y a tellement de modes d'exercice possibles de ce métier. que si on n'est pas content dans le salariat, on peut aller dans le libéral, il y a l'embarras du choix, et si on n'est pas content en libéral, on peut aussi devenir salarié. Alors effectivement, des questions qui se posent aujourd'hui, c'est la rémunération mixte par exemple, d'avoir un fixe, qui permet pourquoi pas justement d'avoir ce temps qui n'est pas rémunéré, même si c'est scandaleux que ce soit pas rémunéré quand même quelque part. Mais avoir une rémunération fixe qui permet ce temps-là, et une rémunération variable, je te parle de ça pour des centres de santé, où c'est une discussion un peu en ce moment. pour pouvoir à la fois créer les deux, qu'on ne soit pas en train de faire du surtraitement et en même temps de rien glander, en se disant de toute façon que je fasse ou que je ne fasse pas, j'aurai la même somme à la fin du mois. Mais la réflexion sur les modes de rémunération, elle traverse aussi les centres de santé. Les associations, les syndicats dans lesquels je suis, c'est surtout des syndicats et des associations de centres de santé municipaux, mutualistes. et CEPAM essentiellement.

  • Speaker #0

    Donc là dans ces centres-là, tu disais qu'en fait il y a un fixe ?

  • Speaker #1

    En fait c'est pas ça, c'est que souvent il y a un fixe, très souvent. Enfin dans les centres municipaux ça le fait de moins en moins. Mais les réflexions aussi des gestionnaires de centres pour faire tourner leur service dentaire, c'est aussi de proposer une rémunération à l'acte pour motiver aussi les dentistes à travailler un peu plus. C'est ça qui est difficile.

  • Speaker #0

    on pourrait aussi imaginer un système qui mélange les rémunérations. Parce qu'il y a la rémunération à l'acte, la rémunération au forfait, il y a la capacitation aussi. Et puis, par exemple, certaines pathologies, comme peut-être la maladie parodontale, pourraient être plus propices au paiement au forfait.

  • Speaker #1

    Oui, par exemple, sur la consultation diabète aussi. C'est vrai que ça permet d'avoir une prise en charge plus globale et d'être plus... d'être plus juste au niveau du temps passé. Mais la crainte en faisant ça, c'est que quand j'entends les syndicats de dentistes libéraux qui réclament toujours plus d'augmentation sur la prise en charge, j'ai une crainte que rien ne change en fait, mais juste qu'ils gagnent plus. C'est-à-dire que je ne vois pas, si vraiment c'était ça, et que... les dentistes disent ok maintenant que le soin est mieux rémunéré au temps passé je vais vraiment passer plus de temps à le faire est-ce que la question c'est je passe le temps qu'il faut pour faire mon soin et puis tant pis si je suis pas bien payé parce que c'est comme ça ou alors je me déconventionne ou alors je fais du ornomenclature enfin bref ou est-ce que de toute façon je suis payé ça moi j'ai besoin de mettre pas plus de temps de temps sur tel soin donc je le fais dans ce temps là et qu'il soit bien ou pas bien je m'en fous parce que de toute façon voilà mais Je ne sais pas, je me dis qu'en augmentant les tarifs, ce qui va se passer, ce n'est pas que la durée du soin va augmenter, c'est que les dentistes gagneront plus, ils ne changeront pas leur mode de pratique. Je ne suis pas sûr, moi je n'y crois pas trop à ce mode de...

  • Speaker #0

    La question de la rémunération dans la pratique dentaire ne se limite pas à un simple calcul financier. Au-delà des tarifs et des modes de rémunération, il faut se poser une question peut-être plus profonde. Comment garantir que la qualité des soins et la relation avec le patient restent au centre de la pratique et non la rentabilité ? Pour Jérémy, augmenter les tarifs ne résoudra pas le problème fondamental de la valorisation du temps passé avec les patients et de la qualité des actes. Personnellement, je pense que les contrôles actuels, comme ceux sur la fraude à la sécurité sociale ainsi que les formations obligatoires ne suffisent pas. Il faudra aller plus loin, avec des contrôles plus poussés et plus personnalisés pour chaque praticien. Afin de vérifier régulièrement que leurs compétences sont à jour par rapport aux avancées de la science et que la qualité de leurs soins soit optimale. Je sais que cette idée ne fera pas l'unanimité et qu'elle risque même de déranger certains de mes confrères et consoeurs. Et honnêtement, je serais peut-être la première à râler si un tel système se mettait en place. Mais je crois que c'est une réflexion nécessaire pour garantir la qualité des soins dans notre profession.

  • Speaker #1

    Je suis complètement d'accord avec toi. Il y a plusieurs questions dans ce que tu dis. Effectivement, les questions de fraude à l'assurance maladie, ça c'est des choses qui sont régulièrement sanctionnées, que ce soit par l'ordre ou par des dépôts de plainte de l'assurance maladie sur des surcotations ou des actes fictifs. Bon, voilà, là, tout le temps, tous les mois, il y a des listes de dentistes qui sont publiques, qui permettent de voir qui est sanctionné, parce qu'il y a eu tant de dépassements, enfin pas de dépassements, mais d'actes fictifs, de fraudes à l'assurance maladie. D'ailleurs, je rappelle quand même que les premiers fraudeurs à l'assurance maladie, c'est les professionnels de santé, bien plus que les patients eux-mêmes. Ça, c'est des chiffres qui sont bien connus. Et les dentistes appartiennent à cette catégorie. Ils ne sont pas tous fraudeurs, mais en tout cas, c'est vrai que voir une radiopanoramie, combien de fois j'ai eu des... Moi, je ne l'ai jamais fait, mais des collègues qui ont fait leur stage de pratique chez des praticiens, à un moment, ils voient une panneau, ils cotent les composites sur la panneau, les amalgames, enfin tout ce qui est déjà coté une première fois, ils les cotent une deuxième fois, puis de toute façon, il n'y a rien qui prouve que ça n'a pas été refait. Enfin bref, c'est hyper facile de le faire. Et ça m'est encore apporté là par les étudiants que je reçois, les étudiants de sixième année, dans le cadre de leur stage d'intérêt général, qui font un stage pratique. chez des confrères et des consoeurs, ils me rapportent exactement la même chose. Et moi, j'entends déjà ça il y a 25 ans. Donc là, c'est quelque chose, c'est une pratique. Ce n'est pas généralisé, bien sûr, bien sûr, bien sûr, mais ce n'est quand même pas très compliqué. Ça existe. Et donc, effectivement, s'il n'y a pas plus de dentistes conseils de l'assurance maladie, ça pose un problème pour faire à la fois ces contrôles, qui sont des contrôles plutôt techniques, administratifs. Une dent qui est cotée deux fois en un an, ça doit pouvoir se contrôler facilement. Donc en fait, ce n'est pas tellement les dentistes conseils, c'est plus les gens de l'assurance maladie qui doivent vérifier qu'il n'y a pas le même acte qui a été fait deux fois ou trois fois en un an sur la même dent, ça paraît logique. Et en plus, effectivement, convoquer les patients pour vérifier la qualité des soins quand c'est fait. Ça permet d'éviter des dérives qu'on a pu en avoir ces dernières années. Dès l'instant qu'un dentiste est conventionné, ça veut dire qu'il accepte le mode de fonctionnement de l'assurance maladie. S'il accepte le mode de fonctionnement, ça veut dire qu'il accepte d'appliquer les tarifs de l'assurance maladie. Ça veut dire qu'il accepte d'être contrôlé par les dentistes conseils de l'assurance maladie. Là où moi ça me pose un problème, c'est toujours sur cette histoire du paiement à l'acte, parce que quand on dit aux dentistes ou aux médecins, c'est plus global, mais qui sont des salariés de l'assurance maladie, parce que quelque part, c'est de l'argent qui est de l'argent public, et ok, c'est pas la même poche, machin, enfin quelque part. Quand on dit que les professions libérales sont en fait salariées de l'assurance maladie, évidemment, il y en a plein qui s'étranglent et qui se disent c'est pas vrai, c'est n'importe quoi, machin, machin Mais en fait, si, c'est ça. Si les dentistes ou les médecins spécialistes veulent se déconventionner, c'est des menaces qu'on entend tout le temps avec les médecins, encore la semaine dernière, sur les consultations à 30 euros, moi, ça ne me pose aucun problème que les gens se déconventionnent. Au contraire, au moins, ça clarifie les choses. D'un côté, tu as ton entreprise privée, tu fais ce que tu veux. t'as des comptes à rendre à personne, de l'autre, si t'es conventionné, t'as des comptes à rendre. Et les comptes à rendre, il faut les accepter jusqu'au bout, en fait. Et si les patients ne viennent pas te voir, ils ne viendront pas te voir, et tant pis, tu te reconventionneras. Et c'est un peu en lien avec tout ça, c'est-à-dire la façon d'accepter le jeu, qui est loin d'être un jeu, parce que la question de la rentabilité, de la santé, c'est une question qu'on ne se pose pas quand on parle de police ou quand on parle d'armée. On ne se pose pas la question de savoir si un militaire est rentable ou pas. combien ça nous coûte, ou un policier. Vraiment, on pose la question sur l'éducation nationale, on pose la question sur la santé, beaucoup, sur tout un tas de services publics, sur l'armée, la police, et on ne va pas se mettre à dire comment on évalue le coût d'un policier, sa rentabilité, enfin voilà. La santé, pour moi, ce n'est pas une marchandise, clairement, et ça doit rentrer dans un... C'est un bien commun. Moi, la privatisation de cette santé, à travers la médecine libérale, l'onotologie libérale, tout ce que tu veux, ça me pose un problème. Ça me pose un problème, surtout quand on est dans une profession qui est libérale à 90

  • Speaker #0

    Ce pourcentage est en train de diminuer. Oui. On est plutôt autour de 84-85 Après, une vraie question dans ce que tu dis, c'est quand dans le libéral, il y a le mot liberté. Et je pense que pour avoir discuté avec pas mal de confrères, consœurs, quand je leur posais la question Pourquoi vous avez choisi ce métier ? Alors c'est vrai qu'à 18-19 ans, c'est rarement la vocation. Ça arrive, mais c'est quand même pas courant. Donc souvent, le mot qui revient, c'est l'indépendance. Et c'est une question aujourd'hui... que je trouve intéressante parce que finalement on est indépendant quand on est libéral et tout simplement quand on est un être humain parce qu'on ne vit que par interdépendance. Donc c'est un peu une illusion et c'est un petit peu... Tu vois, on reproche beaucoup à nos patients de penser que la santé est gratuite et en fait d'occulter que la sécurité sociale c'est une organisation solidaire. qui fait qu'en fait on peut bénéficier des soins pour tout le monde, quelles que soient les conditions de vie, quel que soit son statut socio-économique, parce que finalement on peut faire partie d'un milieu privilégié, et puis on peut aussi tout perdre et se retrouver dans des situations dramatiques. Donc cette solidarité elle est importante. Et ça, souvent, en tant que dentiste, on en fait le reproche aux patients en disant Oui, euh... Les gens veulent tout, pensent que c'est gratuit et c'est pas gratuit. Mais cette liberté que nous on revendique, est-ce qu'elle est réelle ? C'est ce que tu soulignais, c'est qu'on n'est pas libre de tout. Quand on adhère à la Convention, on est aussi tributaire de la sécu, effectivement. Et ça, je pense qu'on l'oublie.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui, t'as raison. Alors en fait, parce que souvent, c'est vrai que c'est ce qu'on me dit aussi quand tu parles de l'exercice libéral, indépendance, tout ça. Ça voudrait dire que quelque part, l'exercice salarié, c'est quelque chose où t'es pas indépendant. Alors en l'occurrence, moi, si j'ai une commande à faire, je fais une commande, en fait. Je peux commander un peu ce que je veux. Si c'est ça, l'indépendance, par exemple. Je peux traiter les dents de la façon que je veux. Je peux faire ce que je veux, en fait. J'ai une liberté, évidemment. qui n'est pas une contrainte imaginée peut-être par l'exercice libéral, ou en tout cas par les confrères ou les consoeurs qui exercent en libéral. Je suis indépendant dans mes plans de traitement, je suis indépendant dans les patients que je reçois. J'ai un petit peu de mal à voir en quoi on n'a pas le même métier, pour le coup. Et effectivement, tu as raison, je suis aussi dépendant d'une structure, mais comme les dentistes libéraux sont dépendants, comme tu viens de le dire, d'autres facteurs. L'assurance maladie, effectivement, si on ne veut pas être dépendant, il faut se déconventionner.

  • Speaker #0

    Cette idée d'indépendance est centrale dans les discussions sur le libéral. Pourtant, Jérémy pointe du doigt un paradoxe. Que l'on soit salarié ou libéral, nous sommes tous dépendants d'un système, que ce soit d'une structure de santé, de l'assurance maladie ou des contraintes financières liées à l'installation. L'indépendance absolue reste une illusion. Et en tant que praticien, nous devons jongler avec ces réalités, tout en cherchant à maintenir l'équilibre. entre notre liberté professionnelle et les obligations que nous impose le système de santé.

  • Speaker #1

    C'est une liberté peut-être d'organisation du temps de travail. Là, pour le coup, moi, je n'en ai pas. Et effectivement, c'est peut-être ça la valeur ajoutée de l'exercice libéral, en quelque part, même si tu n'as pas trop le choix, parce que je vois le nombre de personnes qui sont sorties de la fac en ayant des dettes dès le début à rembourser, et donc qui sont attachées au fauteuil du lundi au samedi de 8h du matin à 21h. Bon, parce qu'ils ont fait des gros crédits. Donc, effectivement, c'est un petit peu une bêtise, mais en fait, c'est un choix. de vie, qui a été fait d'emblée. Ils auraient pu faire un autre choix. Moi, j'ai fait un autre choix. Et il y en a d'autres qui travaillent trois jours par semaine et ils s'en sortent très, très bien.

  • Speaker #0

    C'est la difficulté quand tu commences un exercice, c'est que quand tu es jeune praticien, tu ne sais pas encore trop ce qui te correspond.

  • Speaker #1

    En fait, la question, c'est aussi qu'on te montre qu'il n'y a qu'une seule façon de travailler. Il y a quand même... Nous, c'est quelque chose, je dis nous, c'est avec d'autres confrères, deux centres de santé qui ne sont pas tous dentistes, mais l'idée quand même d'aller dans les universités pour montrer comment on travaille en salarié. Autrement que les centres locaux qui financent les soirées étudiantes aussi, j'ai appris ça. Donc évidemment, la vision qu'ont les étudiants des centres de santé, c'est ceux qui payent les pizzas et les bières. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est cité par différents profs d'université. Effectivement, c'est les centres qui payent aujourd'hui les soirées étudiantes. Donc c'est une image qui est, venez après chez nous, vous allez vous faire la main, et puis quand vous aurez surfacturé et surtraité, vous irez ouvrir votre cabinet. Ou vous ouvrirez vous-même un centre de santé, parce que certains étudiants m'ont dit aussi, c'est toujours les mêmes parce que je reçois mon stage d'intérêt général, que les rêves des étudiants aujourd'hui, ce n'est plus tellement de devenir dentiste, c'est de devenir gestionnaire d'un centre de santé.

  • Speaker #0

    Et là tu te dis merde, c'est pas possible. Donc en fait c'est de faire de la thune peu importe comment. Et bon enfin, encore une fois, j'espère que c'est à la marge, mais j'ai pas de chiffre là-dessus.

  • Speaker #1

    Je rejoins également ce que dit Jérémy sur le manque de modèle proposé aux étudiants. Quand j'étais en fac, on nous présentait surtout le libéral comme voie principale, presque comme une évidence. Monter son cabinet, c'était vu comme monter une petite entreprise, et le modèle salarial ou d'autres options étaient rarement abordés. Et puis, je pense que la société aujourd'hui valorise tellement ce modèle, de l'entrepreneur qui, seul à la sueur de son front, monte son entreprise et réussit financièrement, que je ne suis pas surprise que, comme il l'évoque, certains étudiants rêvent davantage de monter leur propre centre que de travailler comme dentiste. C'est une aspiration qui est presque devenue une norme avec l'idée que la réussite est liée à l'argent et à la gestion d'une entreprise.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même cette question de la réussite, de ce qu'est la réussite. Et dans notre milieu, l'idée quand même que si tu es en salarié, tu es un peu un loser. Enfin quand même, c'est quand même... Et moi, même, je reprends les exemples de la prison que j'expliquais tout à l'heure, mais les patients que je vois en prison, Ils pensent que moi aussi je suis puni en fait. Si je suis là, c'est que j'ai raté ma vie, j'étais incapable de monter un cabinet tu vois. Et il y a un peu l'idée mais... C'est marrant quoi. Bah oui, c'est marrant. Une fois qu'ils voient que ça se passe bien et que je ne suis pas déconnant, ils sont en mesure d'évaluer ma déconnance, ce qui est encore à prouver parce qu'ils ne peuvent pas trop vérifier ce que je fais. Mais en tout cas, il y a quand même cette idée... attendez mais vous êtes con vous vous avez un boulot vous pouvez vous réconcilier bien vous pouvez gagner mais laisse tomber là de l'argent quoi et vous êtes là à bosser en prison comme un con c'est un peu ça tu vois ça ça veut quand même dire que l'idée de la réussite est liée à l'argent elle est universelle elle n'est pas que de palier aux dentistes en fait non oui tu as raison mais quand même le tu vois là on t'a parlé d'entrepreneuriat tout à l'heure c'est et que effectivement monter un cabinet dentaire c'est monter une entreprise Moi, ça, c'est quelque chose qui est incompatible avec ce que je vois de ce que peut être la santé. On ne peut pas parler d'entreprise quand on parle de santé. Enfin, pour moi, c'est incompatible, en fait. C'est quelque chose qui est très compliqué.

  • Speaker #1

    En discutant avec plusieurs confrères, notamment autour du sujet du burn-out, un reproche revenait souvent. L'université ne nous forme pas à devenir des chefs d'entreprise, ni à gérer un cabinet comme une petite entreprise. Cette critique m'avait marquée, jusqu'à ce que Jean-Noël Vergne, professeur à l'université de Toulouse, et ancien invité de ce podcast, me fasse un retour. J'avais eu l'occasion de rencontrer Jean-Noël à Toulouse pour parler de ses recherches sur l'empathie, et depuis il est devenu un ami avec qui j'échange régulièrement. Lors de notre conversation donc, il m'a rappelé que, finalement, l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise. Cette remarque m'a permis de prendre du recul, car dans la difficulté, il est facile de chercher des responsables. Mais comme le disait Jérémy, la vision de la profession est souvent trop étroite et le libéral apparaît parfois comme la seule voie envisageable.

  • Speaker #0

    effectivement l'université au moins mais je rejoins ce que ce que dit jean noël verne l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise jamais c'est pas son c'est pas son rôle clairement pas son rôle et malgré tout il ya quand même des semaines d'insertion à la vie professionnelle qui sont opposés à l'université on explique je crois qu'un chident les trucs les machins l'urssaf et compagnie et ça c'est nouveau Mais je me souviens qu'il y a une dizaine d'années, je crois une quinzaine d'années, même les étudiants avaient fait grève parce que justement, on ne leur apprenait pas ce qu'était leur futur métier. C'est comme ça qu'ils le voyaient eux. Moi, j'avais trouvé ça scandaleuse, cette grève. On ne peut pas... Tu es des étudiants, tu n'es pas là pour apprendre à monter une boîte. Tu es là pour apprendre ton métier. Point. Barre. Tu n'es pas là pour savoir comment on règle les problèmes avec je ne sais pas quelle caisse de... Enfin, ce n'est pas la question. Ce n'est pas ça. Virons après. Après, ils se payent des formations, je ne sais pas. Voilà.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord, mais ceux qui font ce retour, c'est des gens, peut-être justement à qui ça ne convient pas et qui se rendent compte. C'est quand il y a un malaise, quand il y a une dissonance entre ce que tu pensais faire de ta vie et au final ce que tu fais de ta vie, que tu te poses ces questions-là. Après, quelle est la proportion de postes salariés ? Est-ce qu'il y en a... pas beaucoup, c'est pas infini tu vois.

  • Speaker #0

    Oui mais après si ça devient un choix facile, si demain matin les étudiants veulent travailler en centre de santé être salariés à l'hôpital Les postes vacants aujourd'hui, il y en a des tonnes, vraiment il y en a des tonnes, il y en a partout. Les dentistes aujourd'hui, c'est les rois du pétrole, ils vont où ils veulent. Ils peuvent récupérer un cabinet pour 1€ parce que les dentistes partent à la retraite, ils n'arrivent pas à vendre. Ils peuvent travailler à l'hôpital parce qu'il y a des postes de PH qui ne sont pas pourvus. Ils peuvent travailler dans les centres de santé parce qu'ils ont un taux de turnover important et puis les salaires dans les centres de santé sont moins importants que dans le camp libéral. Donc il y a peu de personnes qui travaillent en centre de santé.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que tu disais tout à l'heure, là, c'est des services où ça sera à nous de nous déplacer. Et donc ça, sur Paris, il y a peut-être plus d'offres, mais dans les villes comme les miennes, je suis sûre que demain, je vais au centre hospitalier ou dans le service psychiatrie ou à l'EHPAD, et je leur dis, voilà, moi, je suis partante pour venir une journée par semaine ou une journée tous les 15 jours dans votre unité, je pense qu'il n'y a pas de souci.

  • Speaker #0

    Tu donnes toi-même les exemples. Il y a de quoi faire énormément, il y a des besoins partout. Le problème c'est aussi, est-ce que c'est vraiment une envie d'aller faire ça par les confrères, tout ce qu'on entend, ou est-ce que c'est monter son entreprise, et puis faire ce que fait le voisin d'à côté, rajouter un camé d'enterre, là où il y en a déjà 25 au mètre carré.

  • Speaker #1

    Parfois, comme évoqué avec Jérémy, J'ai envisagé cette possibilité de proposer mes services à des hôpitaux, à des EHPAD ou à d'autres institutions qui en auraient besoin. Mais en entendant parler du mal-être des soignants dans ces structures, je dois avouer que je freine des cas de fer. Avec tout ce que j'ai déjà à gérer au quotidien, je me dis que je n'ai pas forcément l'énergie ou l'envie de me rajouter de nouvelles contraintes. Même si Jérémy semble épanoui et satisfait de son choix, ce que je vois et j'entends du milieu hospitalier ne me fait pas rêver. Et même si je sais que, comme tout le monde, je ne suis pas vraiment libre ou indépendante, parce que je suis conventionnée, et parce que nous sommes tous interdépendants d'une manière ou d'une autre, je reste tellement attachée à cette croyance que je suis mon propre chef dans mon cabinet que je pense que j'aurais vraiment du mal à m'adapter au monde du salariat. Toi, tu travailles combien de jours ?

  • Speaker #0

    Moi, je travaille 4 jours par semaine.

  • Speaker #1

    Et tu peux nous dire quel est ton salaire ? Ou c'est quelque chose que tu n'aimes pas dire ?

  • Speaker #0

    Non, bien sûr, il n'y a pas de problème. Moi, en étant à l'hôpital, je suis sur une grille de praticiens hospitaliers. Donc, c'est la grille des praticiens hospitaliers. Alors attends, que je te le donne, parce que comme je n'ai pas un travail à temps plein à l'hôpital, je suis à 40%. Ça peut se trouver exactement... Voilà, c'est un temps plein à 5200 euros bruts. Donc sur 100%. Moi, je suis à 40%, donc je dois être à 2000 euros. C'est à peu près... Ouais, c'est ça. 2000 euros. Pour deux jours par semaine. Ah oui.

  • Speaker #1

    Et donc,

  • Speaker #0

    tu me cadres ? Pour le premier poste. Poste à l'hôpital. Pour le poste au conseil départemental, je suis payé à l'heure. Donc en fait, je suis payé 50 euros bruts. de l'heure. Donc je compte mes heures. Tu vois, hier j'étais où hier ? Hier j'ai accueilli les étudiants le matin donc j'ai compté trois heures parce qu'on a fait l'organisation du bus, voilà, plus de la coordination sur des nouveaux comptes rendus qu'on est en train de mettre en place, des liens avec Médecins du Monde avec qui on travaille, voilà. Donc je compte des heures. Si je fais trois heures, je compte 150 euros. Enfin je les remplis tous les mois en fait. Et puis le jeudi... Pareil, aujourd'hui je suis au département et ce matin j'étais un médecin du monde avec des unités mobiles, j'ai passé 3 heures à médecin du monde donc je vais coter 3 heures au département pour aujourd'hui. Tu vois, mais c'est ça, si on compte sur des journées classiques de 7h, ça te fait 350€ par jour donc 700€ par semaine x 4, 2100€ donc en fait c'est à peu près le pareil, je suis à 4000€ à peu près, que je me plaigne.

  • Speaker #1

    Et tu fais quoi comme horaires ?

  • Speaker #0

    9h, midi, 14h, 17h30 à l'hôpital, et au département, 9h, plutôt 13h, 14h, 17h. C'est 7h dans les deux cas, en fait. C'est des horaires, vraiment, c'est des horaires 35h. Et je n'ai pas de garde, je n'ai pas de jour férié. Tu n'as pas de garde ? Non. C'est pas juste ! Non, je suis d'accord avec toi, et c'est pas faute de l'avoir réclamé. Les gardes, je ne sais pas pourquoi, je paye ma cotisation à l'ordre. Enfin, je dis ça, mais en fait non, je l'ai reçue cette semaine, je ne l'ai pas payée, il faut que je la paye. Mais je ne fais pas partie du tableau de garde, je ne sais absolument pas pourquoi, ni les collègues qui sont dans les centres de santé. Je ne sais pas pourquoi on ne fait pas partie de cette permanence de soins. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Si je compare à mon activité en libéral, je réalise que nos rémunérations sont finalement assez similaires. D'autant que je travaille trois jours par semaine. Aujourd'hui... je me prends un peu moins la tête au sujet de la rentabilité, même si ma principale crainte reste de mettre en péril le cabinet dans lequel nous sommes aujourd'hui 4 associés, dont mon mari. Mais pour le moment, ce n'est pas un souci. A mes débuts, avoir un salaire fixe m'aurait sûrement aidé à mieux gérer un budget. Pourtant, avec le temps, j'apprends à relativiser. J'ai un travail utile, que j'aime, et j'ai de quoi vivre confortablement bien plus que la plupart des gens que je côtoie. Et j'en parlais, il y a deux semaines j'étais de garde et en fait une étudiante de Bordeaux m'avait appelée pour prendre ma garde. Mais je lui ai dit ok pas de soucis mais je la fais avec toi parce qu'on est quand même assez submergée d'urgence les jours de garde à Périgueux. Et je voulais pas la laisser toute seule dans un cabinet qu'elle connaît pas, je trouvais pas ça cool quoi. Puis moi j'aime bien, donc je suis allée avec elle. Et à la fin elle me disait tu vois le stage actif. C'est bien et c'est pas bien parce que déjà ces deux mois c'est un peu court elle dit la sixième année on fait pas grand chose on s'ennuie un peu enfin je pense que c'est un peu comme ça l'a été nous on a été dans les premiers à avoir la sixième année et on faisait pas grand chose de cette année et elle me disait ça serait ça serait chouette toi d'avoir des centres où les étudiants seraient salariés chapeautés par des dentistes expérimentés Et ils pourraient faire leur sixième année, donc ça serait obligatoire et pas facultatif, et dans des zones où il y a un vrai besoin. Donc tu répondrais à la fois à un besoin de santé publique et à la fois à ce campagnonnage qu'on cherche toute notre carrière.

  • Speaker #0

    Je suis tout à fait d'accord avec ce principe. Et pour moi, c'est un peu un dû, en fait. Ça a l'air bizarre comme ça, mais c'est l'idée que... Je vais reparler encore de l'armée, mais tu vois, un pilote d'hélicoptère dans l'armée, s'il est formé comme pilote d'hélicoptère dans l'armée, il doit 10 ans à l'armée pour rembourser sa formation de pilote d'hélicoptère. Un médecin, un dentiste, c'est des étudiants qui coûtent très cher. Un étudiant lambda, la moyenne de, je crois, un étudiant, ça coûte 15 000 euros par an à l'État. En moyenne. Un étudiant dentaire, il coûte beaucoup plus cher que ça. La médecine aussi. La moindre des choses, ce serait de rembourser ce qu'il a coûté à la société, soit par l'intermédiaire de ce stage de 6e année dans un endroit, dans un désert, ou même de s'installer dans un lieu où, temporairement, un cabinet dédié à cette année de tampons entre la fin de la fac et le début de l'exercice professionnel, quel que soit le mode d'exercice, mais d'avoir, comme les profs, d'envoyer les dentistes comme on envoie les profs. Les profs, on ne leur demande pas trop leur avis sur à quel endroit ils veulent aller. Ils sont obligés de se marier pour pouvoir partir ensemble dans des lieux où il y a des manques, où il y a des écoles qui ferment, des écoles qui ouvrent, etc. Et s'ils ne jouent pas le jeu là-dessus, ils sont obligés de quitter l'éducation nationale. La question des aires médicaux, de l'exercice et surtout de l'installation, Pour moi, la seule façon de ne plus avoir de désert, c'est aussi de provoquer cette installation forcée, parce que je vais encore me faire des ennemis, mais moi je ne suis pas pour... De la même façon qu'il y a des profs dans les endroits où il n'y a pas de... Enfin, c'est plus compliqué, mais je pense qu'avoir des zones dédiées avec des dentistes qui se relaient à la fin de leurs études, de leur début d'exercice professionnel, et puis une fois qu'ils ont fait leur année... dans ce désert et bah hop ils vivent leur vie mais au moins ils ont remboursé entre guillemets leur dette je le fais courant parce que c'est un peu plus compliqué que ça mais enfin je sais pas si c'est ça que tu avais en tête mais moi c'est un peu ça qui est complètement complètement mais à la fois d'utiliser les étudiants de sixième année parce qu'effectivement tu as raison ils savent pas trop quoi faire tu as raison entre le stage d'intérêt général le stage actif la thèse les stages toujours à la fac ils ont un emploi du temps un peu compliqué, et puis il n'est pas forcément complètement rempli, enfin, ils ont tous des emplois du temps complètement différents, ce serait l'occasion de pouvoir voir tout ça, tous ces modes d'exercice. Mais c'est compliqué encore aujourd'hui, en stage actif par exemple, de travailler dans un centre de santé public. Ça se fait de plus en plus, mais ce n'est pas encore complètement fluide. Et puis, il n'y en a pas partout. Parce que c'est vrai que c'est une particularité très parisienne d'avoir des centres de santé municipaux qui tournent encore pas mal, en plus dans la banlieue de Paris.

  • Speaker #1

    Et puis d'avoir la possibilité... voir peut-être l'obligation, je ne sais pas, encore une fois, on n'aime pas trop les contraintes, mais de devoir aussi explorer différentes formes d'exercices, c'est-à-dire voir ce que c'est que de travailler en milieu hospitalier, de voir ce que c'est que de travailler en centre mutualiste, de voir ce que c'est que de travailler en libéral, mais de pouvoir en fait faire un choix qui soit éclairé et pas un choix qui soit... orienté parce que tout le monde fait comme ça. Si tu veux, moi je me suis jamais posé la question, même. Bon, la recherche, je pense que même encore aujourd'hui, ça serait pas un choix. Parce que c'est... Je trouve ça passionnant, mais si tu veux, je sens que c'est pas du tout ce qui m'attire. Mais en revanche, je trouve que c'est trop fermé en fait, c'est trop cloisonné, c'est trop... en fonction des rencontres que tu fais, il faudrait avoir la possibilité d'explorer ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai que ton choix d'exercice va dépendre beaucoup des rencontres que tu vas faire, dans ta vie, des gens que tu vas rencontrer, et ça va être peut-être même lié au hasard de se retrouver dans un... de penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas pensé spontanément parce qu'on ne te l'a pas montré à la fac. Et c'est vrai que... Moi c'était comme ça il y a 25-30 ans. Aujourd'hui c'est peut-être un petit peu moins vrai parce que... Il y a de plus en plus d'étudiants qui voient un peu ce qu'est l'exercice en centre de santé. Mais pouvoir essayer, pratiquer différentes façons, c'est une très bonne idée. C'est ce qui devrait être fait. Mais pour ça, il faut qu'il soit bien accueilli. Aujourd'hui, le stage actif, ça se passe à l'envers. C'est-à-dire que c'est l'étudiant qui va voir un dentiste, qui lui dit... Est-ce que tu veux bien être mon maître de stage ? Le dentiste dit oui, il signe, il envoie le papier à l'ordre et puis il accueille l'étudiant qui en plus veut être payé pour les actes qu'il fait alors que c'est un stage actif. Donc normalement, ce n'est pas rémunéré sur des actes réalisés. C'est une autre question, mais les étudiants que je vois, ils me disent que ce n'est pas normal. Il y en a qui sont payés, d'autres qui ne sont pas payés. Et là, on confond l'apprentissage et l'exercice. Si c'est travailler, ils travaillent, mais ce n'est plus un stage actif. Mais l'objectif du stage actif, ce n'est pas d'être rémunéré pour les actes qu'on fait, c'est de voir comment fonctionne un cabinet dentaire. C'est justement d'avoir toutes ces problématiques que tu évoquais tout à l'heure, qui ne sont peut-être pas apprises à la fac, mais justement, en allant dans un cabinet et en faisant ce stage actif, ça permet de voir toutes les contraintes administratives liées à faire tourner une entreprise, pour le coup. Mais d'après ce que je sais, ce n'est pas toujours le cas, parce que les confrères et les consoeurs mettent un fauteuil à disposition de l'étudiant, et puis ils lui font son chiffre sur le mois, et puis ils le payent en fonction de ce qui rentre. Et c'est pas l'objectif du tout du stage. Je te le fais court aussi là, mais j'ai l'impression que c'est pas encadré. Et de fait, il n'y a pas besoin d'être formé en pédagogie, par exemple, pour être maître de stage, pour un stage actif d'étudiant. Alors que c'est un stage, il faut pouvoir encadrer un étudiant. Tous les dentistes sont pas en mesure d'encadrer un étudiant et de lui transmettre des choses. Il faut être formé pour ça. Je crois que l'idée, c'est plutôt de faire à l'envers, d'avoir un pool. de mettre de stage dans différents modes d'exercice, et après c'est les étudiants qui vont choisir ce qui leur est proposé, c'est ce qui devrait être comme ça en fait, pas l'inverse. Aujourd'hui c'est l'inverse qui se pose. Et quand un étudiant veut venir faire son stage actif dans un centre de santé, c'est encore plus compliqué, et puis il arrive que les formalités soient encore plus difficiles à obtenir pour les centres de santé que pour l'exercice libéral. Donc, par défaut, les étudiants se retournent vers l'exercice libéral qui est beaucoup plus souple. En tout cas, tout existe depuis très longtemps pour ce mode d'exercice, en tout cas, recevoir des étudiants dans les cabinets de l'hôpital.

  • Speaker #1

    Au cours de sa discussion avec Jérémy, nous avons exploré de nombreux aspects de notre métier, de la gestion du temps et de la rentabilité dans l'exercice libéral, à la diversité des modèles d'exercice disponibles, comme le salariat en centre de santé ou à l'hôpital. Jérémy a partagé sa vision d'un exercice salarié épanouissant, avec des horaires cadrés et une rémunération stable, tout en affirmant avec conviction que la rémunération à l'acte et l'exercice libéral, qui placent le dentiste en position de chef d'entreprise, ne sont pas compatibles avec le soin. Pour lui, c'est même antinomique. La santé et l'entrepreneuriat ne peuvent être confondus. De mon côté, j'ai mis en lumière mes propres questionnements autour de la gestion d'un cabinet libéral et de la pression que cela peut engendrer. Nous avons également discuté des limites du modèle libéral, qui reste souvent la seule voie présentée aux étudiants, et du besoin d'offrir d'autres options, plus équilibrées, dans lesquelles l'argent ne deviendrait pas la finalité. Finalement, une question reste centrale. Comment mieux former les futurs praticiens ? Comment les accompagner pour qu'ils trouvent une voie qui leur convienne vraiment et qui ne soit pas nécessairement le libéral ? Comment mettre en place un compagnonnage solide qui leur permette de concilier le soin et la rentabilité sans que l'argent devienne un objectif en soi ? Il est essentiel d'accompagner les jeunes praticiens à entrer dans la vie professionnelle en leur rappelant qu'ils ont choisi un métier de soin et non celui d'entrepreneur. Le vrai défi, c'est de leur offrir des expériences diversifiées en milieu hospitalier en centre mutualiste ou même dans la recherche, afin qu'ils puissent faire un choix éclairé et aligné avec leurs valeurs, plutôt que de simplement suivre la voie que tout le monde emprunte. Merci beaucoup à Jérémy pour sa participation et pour ses réflexions si enrichissantes sur notre métier. Un grand merci également à Pauline pour le montage, à Maxime Wattieu pour la musique et à Camille Covez pour l'illustration de cet épisode. Le prochain épisode, qui viendra clore cette série sur l'argent, sortira à mon retour de Madagascar. Nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani, un sujet passionnant et crucial pour notre profession. Alors restez à l'écoute. Je vous rappelle l'importance de mettre des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée et de vous abonner, de partager tout autour de vous et si vous le souhaitez, de soutenir le podcast sur Tipeee pour me permettre de continuer à produire du contenu de qualité. Je vous mets tous les liens dans le descriptif de l'épisode. Merci encore pour votre soutien et à très bientôt.

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 7 : Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

Dans cet épisode, j’accueille Jérémie Bazart pour une conversation passionnante autour de la rémunération des dentistes, du modèle libéral, et de la formation des jeunes praticien·nes. Ensemble, nous questionnons la compatibilité entre l’exigence de rentabilité du modèle libéral et l’essence du soin. Jérémie partage son expérience de praticien salarié, où il trouve un équilibre entre qualité des soins et stabilité financière. Nous discutons aussi des défis de la formation universitaire : pourquoi l’université ne forme-t-elle pas les dentistes à devenir des chefs d’entreprise ? Et comment aider les jeunes à explorer différents modèles d’exercice au-delà du libéral ? Une réflexion profonde sur l’avenir de la profession, à écouter sans modération !


Dans cet épisode, Jérémie évoque à plusieurs reprises le sujet du déconventionnement, le thème de l'épisode précédent avec la docteure Pauline Chardron-Mazière. N'hésitez pas à l'écouter si ce n'est déjà fait 😉


🎧 Écoutez l’épisode dès maintenant et n’oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer le prochain, où nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani !


Bonne écoute 😉


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Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci au docteur Jérémie Bazart pour son partage d'expérience si précieux.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de mon voyage à travers l'argent en dentisterie. Je suis Florence Echeverry, chirurgien dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui j'accueille Jérémy Bazar, chirurgien dentiste omnipraticien dans le département de la Seine-Saint-Denis. Jérémy exerce également comme praticien hospitalier à la maison d'arrêt de Paris et il est aussi journaliste scientifique, membre de l'association des acteurs de la santé publique bucco-dentaire et de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information. J'ai souhaité discuter avec Jérémy car ces derniers temps, l'exercice salarié me questionne. A la sortie des études, je voyais l'exercice libéral comme synonyme de liberté, influencé par mon père qui avait créé son entreprise pour ne plus dépendre d'un supérieur. Mais aujourd'hui, je doute. En tant que praticienne libérale, je me sens davantage soignante que chef d'entreprise. Travailler dans un cabinet à mon image, entouré d'une équipe que j'aime et que j'ai choisie quelque part, avec des patients qui me correspondent, est un véritable confort. Mais la question du paiement à l'acte me perturbe. La santé n'est pas, à mes yeux, une activité scalable ou rentable comme une autre. Le paiement à l'acte peut inciter à multiplier les soins, parfois au détriment de la relation de soins et de l'écoute, ou encore à pratiquer des actes non pris en charge, NPC, avec des tarifs élevés, inaccessibles à tous. En fait, je ressens une forme d'ambivalence. Je suis attirée par la stabilité du salariat, mais surtout, je me demande si le modèle économique salarié n'est pas finalement plus compatible avec une pratique de soins plus centrée sur l'humain. Pourtant, je ne me sens pas prête à renoncer aux avantages du libéral. Épisode 7, au-delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin. Avant de plonger dans notre conversation, je souhaite également vous parler de notre mission imminente à Madagascar. Dans quelques jours, je pars avec Cécile, mon assistante, pour une mission humanitaire aux côtés de personnes formidables, comme Gérard, un dentiste à la retraite, et Dominique, sa femme, enseignante retraitée. Nous avons besoin de votre soutien. pour l'achat de matériel d'enregistrement, la création musicale et le montage de l'épisode. Vos dons seront précieux pour me permettre de documenter et partager cette expérience exceptionnelle. Petite précision avant de continuer, si vous entendez des bruits de fond, comme des coups de marteau piqueur, c'est parce que des travaux avaient lieu juste devant chez moi le jour de l'enregistrement. Ça ne dure pas trop longtemps, mais j'espère que ça ne perturbera pas trop votre écoute. Maintenant, place à notre conversation avec Jérémy.

  • Speaker #1

    Donc moi j'ai un double statut, je suis praticien hospitalier à l'hôpital Cochin, je dépends de la fonction publique hospitalière, je suis membre d'une unité d'un service hospitalier qui s'appelle une UXA, une unité de consultation de soins ambulatoires, c'est des unités déportées de l'hôpital vers les prisons. Donc c'est un service dans la prison, c'est un service hospitalier dans la prison, c'est pas un service qui appartient à l'administration pénitentiaire, mais c'est l'hôpital qui va dans les prisons. Donc c'est un service très complet avec des kinés, des infirmiers, des aides-soignants, des médecins, des médecins spécialistes, un service de psychiatrie, des addictologues, enfin bref, tout un tas de professionnels qui prennent en charge les détenus et donc aussi des dentistes. Et puis mon autre activité, c'est donc, je suis contractuel vacataire de la fonction publique territoriale, cette fois-ci, donc ça c'est pour le, je travaille pour le département de la Seine-Saint-Denis dans une unité... Je suis dentiste référent du centre mobile dentaire du département. C'est un dispositif qui est composé de deux choses. La première chose, c'est un bus. C'est un boostone qui est aménagé en cabinet dentaire. C'est un cabinet sur roue avec tout ce qu'il y a, une stérilisation, une radio. Et puis un cabinet, c'est une salle d'attente, on monte les dossiers patients, etc. Et c'est également des unités mobiles. Donc là, c'est un dispositif plus petit. C'est typiquement des petites unités qui vont dans les EHPAD, c'est assez connu pour ça, mais nous on va aussi dans les écoles, dans les centres d'accueil pour la réduction des risques des usagers de drogue, dans les foyers d'OMA, dans les associations de jeunes travailleurs, dans les foyers pour les personnes en situation de handicap. dans les ESAT, les établissements d'insertion par le travail pour les personnes handicapées. Bref, tout. En fait, c'est le dispositif d'aller vers, donc aller vers les structures, aller vers les gens qui ne vont pas voir le dentiste.

  • Speaker #0

    Le dispositif Aller vers, mis en place en 2017, vise à rendre les soins plus accessibles en se déplaçant vers des populations vulnérables, souvent éloignées des circuits de santé traditionnels. Cette initiative, portée par le ministère de la Santé, a pour objectif d'assurer un accès aux soins aux personnes qui, pour diverses raisons, ne consultent pas spontanément. Cela inclut les écoles, les EHPAD, les foyers et bien d'autres structures. Toi, ça a été un choix ou ça a été le hasard qui t'a conduit à rentrer dans le salariat ?

  • Speaker #1

    C'est quand même un environnement où l'argent est, au cours des études, où l'argent est très très présent, les discussions ne sont pas, ça ne m'intéressait pas. Et donc c'est vrai que très rapidement on se trouve avec un groupe de copains qui est quand même très restreint et on décide ensemble de réaliser son métier en rapport avec ses valeurs. Et on s'aperçoit que ça ne va pas être, ça ne va pas matcher. Donc il faut trouver quelque chose qui, enfin moi ce qui m'intéressait, si j'ai... Si je suis allé au bout de ces études-là, c'était aussi parce que je me suis dit, bon, je vais jusqu'au bout, mais je sais que quand je serai grand, quand je serai un vrai dentiste, je serai toujours en rapport avec mes valeurs et je ne mettrai pas l'argent au centre. Au moment des études, c'est vraiment un trop. On parle trop d'argent. On est des étudiants. Ce n'est pas l'objectif. Ce n'est pas le lieu. Ce n'est pas le moment.

  • Speaker #0

    Jérémy soulève ici une question essentielle que je me pose également. Comment concilier nos valeurs de soignants avec un modèle économique qui semble parfois donner trop d'importance à l'argent ?

  • Speaker #1

    Dans l'environnement de travail et l'environnement universitaire, j'ai trouvé que c'était un sujet qui prenait énormément de place. Et compris en dehors, parce que quand on parle des dentistes dans la société en général, on sait bien que ce sont des métiers qui ne sont pas à plaindre. Il y a toute une image dans les représentations, mais ce n'est pas complètement faux. Ça parlait quand même beaucoup d'argent. Donc l'idée, c'est effectivement que j'exerce mon métier. de manière complètement de déconnecter l'argent de ce métier et de me reconcentrer sur le soin. Et la seule façon pour moi de pouvoir soigner les gens, les patients, sans avoir un dollar ou un euro qui s'affiche en tête, c'était d'être salarié et de ne pas savoir combien j'allais... Enfin, je veux dire, de soigner les gens, ça va avoir une bouche sous les yeux. Je m'en fous de savoir combien elle va me rapporter. Et quand je vois les différents plans de traitement qui sont faits par des confrères, ou quand on voit dans les centres locaux, quand on voit que les gens repartent avec des plaquettes extraordinaires, avec un montant derrière, c'est pas quelque chose qui... Moi je vois des gens qui ont des besoins et je me dis allez, j'y vais, peu importe combien ça coûte, c'est pas mon sujet en fait C'est le paiement à l'acte que je remets en question, sur la façon de soigner les gens. Je pense que le paiement à l'acte est difficilement compatible avec un soin de qualité en fait. Et donc j'ai essayé d'exercer en salarié, enfin j'ai voulu exercer en salarié pour pouvoir extraire cette donnée de mon plan de traitement.

  • Speaker #0

    Et effectivement, moi c'est toutes ces questions qui m'ont menée aussi à travailler sur ce sujet de l'argent, parce que c'est aussi le constat que je fais moi en libérale. J'ai pas l'impression d'arriver... L'équilibre est très difficile à trouver entre le soin et la rentabilité. Donc même quand on a envie de bien faire notre métier et qu'on est consciencieux, on est de toute façon confronté à cette réalité qui est que si on veut travailler dans un environnement agréable et aussi pas s'épuiser, donc avoir une secrétaire, avoir une assistante, avoir un beau plateau technique, il va falloir... rentrer des sous et de plus en plus. Et donc, ça veut dire qu'au lieu de penser aux besoins du patient, on a toujours cet œil sur le compteur horaire qui tourne.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Après, je te dis, c'est quelque chose que j'ai voulu extraire d'emblée. Je n'ai jamais voulu... Alors, il se trouve que mes premiers postes, c'était des postes dans un centre d'examen de santé pour l'assurance maladie à la Courneuve. et qu'ensuite j'ai embrayé sur des remplacements dans des centres municipaux de santé, notamment à Tremblay en France, et puis aussi pour l'assurance maladie. Là, j'étais payé à l'acte, mais le fait d'être payé à l'acte, il y a une petite contradiction dans ce que je dis. Même en étant payé à l'acte, je n'ai quand même pas ressenti ce besoin d'en faire toujours plus. Disons que je me suis battu en étant salarié de l'assurance maladie, en étant payé à l'acte. pour qu'on soit payé au forfait en fait, enfin pour qu'on soit sur des vacations horaires, voilà on est payé je sais pas 30, 40, 50 euros de l'heure, enfin peu importe, mais en tout cas d'avoir un salaire horaire, ça a jamais pu se faire, mais en tout cas moi je me suis battu contre mon propre mode de rémunération en fait, parce que je trouvais que c'était pas complètement sain, même si ça me faisait, enfin c'est pas en étant payé à l'acte que je gagnais des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, mais je milite contre en fait, je me tire une balle dans le pied si tu veux.

  • Speaker #0

    Cette réflexion sur le lien entre temps passé avec les patients et rémunération m'a toujours interpellée. C'est un dilemme que je vis quotidiennement en libéral. Est-ce juste que des dentistes qui s'investissent dans la relation passent du temps à écouter leurs patients et à les accompagner dans leurs soins, soient moins rémunérés que d'autres qui enchaînent les actes techniques sans cet investissement ? Le problème, c'est que ce temps passé n'est pas quantifiable, et aujourd'hui on vit dans une société qui valorise ce qui est quantifiable et mesurable. Est-ce que ce temps passé, à expliquer et à écouter, ne devrait pas être valorisé autant que la quantité d'actes réalisés ? J'ai récemment écouté un épisode du podcast Les idées larges de Laura Reim, dans lequel l'économiste Bernard Friot développe l'idée d'un salaire à vie. Selon lui, un salaire inconditionnel permettrait de s'affranchir du chantage à l'emploi. Cela m'a fait réfléchir. Pourrait-on imaginer un modèle où les dentistes reçoivent un salaire de base, indépendamment du nombre d'actes réalisés ou du temps passé avec les patients ? Ce serait une vraie question d'équité dans notre profession. Bien sûr, j'ai conscience que cette idée de nivellement ne va pas plaire à tout le monde, notamment à ceux qui considèrent leur investissement entrepreneurial ou technique comme un facteur de mérite. J'ai partagé cette idée avec Jérémy et voici ce qu'il en pense.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, je vois ce que tu veux dire. Et c'est plutôt le bon volet que tu expliques, parce qu'on pourrait très bien dire, il y a aussi des dentistes qui non seulement n'expliquent rien aux patients, mais qui en plus ne foutent rien. Donc il n'y a aucune raison qu'ils soient payés par aix que quelqu'un qui parle et qui au moins fait exactement ce que tu dis, qui prend le temps avec le patient de lui expliquer sa pathologie, d'essayer de l'accompagner dans son soin. Enfin oui, de l'accompagner. Moi, ce que je dis à tous mes patients, c'est que, enfin surtout en prison, parce qu'ils ne sont quand même pas tous...... Ils n'arrivent pas avec la banane, comme beaucoup de patients dans les cabinets, mais là on est sur des gens qui ont un problème avec les rapports sociaux. Donc il faut être très compliant, il faut vraiment s'adapter à chaque patient. Et je leur dis, déjà évidemment le consentement c'est évident, mais surtout moi je dis on est deux dans l'histoire, donc si vous ne m'accompagnez pas ou si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. Si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. J'ai besoin de vous, donc il faut que vous m'accompagniez, il faut que vous compreniez, il faut que je vois que vous êtes dans votre soin. Et tout ça, effectivement, c'est un temps très long. Après, on est face à des patients particuliers. Tous ne sont pas comme ça, mais il faut pouvoir prendre le temps avec chaque patient. C'est aussi l'intérêt de ce métier.

  • Speaker #0

    Ce que Jérémy souligne ici, c'est que le soin ne peut se résumer à une série d'actes techniques. Il nécessite du temps, de l'écoute et surtout une relation de confiance mutuelle. qui permet d'accompagner véritablement le patient dans son parcours de santé. Cette question du temps est complexe pour nous, praticiens libéraux. Chaque patient a des besoins uniques et le temps passé à les écouter, les rassurer, à expliquer leur pathologie ou le soin qu'ils vont recevoir, ne fait pas partie de ce qui est valorisé. Le temps nécessaire pour construire une relation de confiance, pour accompagner des décisions médicales délicates, comme des extractions par exemple, peut parfois s'étendre bien au-delà du simple acte technique. Mais en libéral, ce temps supplémentaire, comme on l'avait évoqué au-dessus, peut rapidement devenir une pression financière et mettre en péril la viabilité économique du cabinet.

  • Speaker #1

    C'est vraiment complexe la façon d'aborder la question du temps qu'on passe. Parce qu'effectivement, aujourd'hui, ce n'est pas un temps qui est rémunéré. Sauf qu'il est rémunéré en salariat quelque part. C'est-à-dire qu'on a des comptes à rendre aussi à nos financeurs. Quand on travaille dans un centre de santé, il faut qu'on rende des comptes. De dire à un dentiste qu'il ne faut rien, ça ne va pas du tout. Évidemment, c'est normal. Ce temps-là, effectivement, c'est un temps qui peut être utilisé et qui est nécessaire pour pouvoir faire un bon soin. Et puis surtout, ce qui est intéressant, c'est la suite. C'est-à-dire que l'objectif, c'est qu'ils comprennent pour pas... Enfin, moi, c'est ce que je leur dis, quand une dent doit être extraite, pour moi, elle est déjà extraite, en fait. Et on s'intéresse, je m'intéresse toujours aux autres dents, en fait. Et donc, l'objectif, c'est que les autres dents ne soient pas extraites. Et donc, quand je commence à discuter ou à reparler de prévention... à essayer de faire comprendre au patient ce qui se passe dans sa bouche. Moi, je lui dis, voilà, celle-là, on oublie. Voilà, cette dent-là, elle est comme ça, elle est arrivée à cet état-là, voilà, pour cette raison-là. Mais on ne va pas... L'important, c'est que les autres, celles qui sont là, vous avez encore plein de dents qui sont en bonne santé, il faut que ces dents-là, on les garde. On les garde, OK, c'est le contrat qu'on se fait ensemble, on les garde, etc. Et ça, c'est ce temps-là aussi. C'est comment faire comprendre qu'en fait, cette dent-là, OK, c'est terminé, mais les autres, il ne faut pas qu'elles finissent dans le même état. Et donc, il faut bien comprendre ce qui s'est passé pour celle-ci pour ne pas que ça recommence au niveau des autres. Et ce temps-là, c'est un temps qui n'est pas rémunéré quand on est en libéral. Le choix de l'exercice salarié, ce n'est pas toujours facile. Je te dis, en étant payé à l'acte pour l'assurance maladie, c'est pareil, ce n'était pas un temps rémunéré. Donc, quand moi je travaillais pour l'assurance maladie, j'y travaillais plus là, mais quand je travaillais pour l'assurance maladie, je me dis, le patient, il vient aussi nous voir parce qu'on a l'assurance maladie. On a une image à véhiculer qui est celle des professionnels et du droit à la santé, et des professionnels et de la prévention, des professionnels de la dentisterie. Et donc, il ne peut pas repartir comme s'il était une machine à créer du revenu pour un praticien, même si c'est effectivement ça qui se passe quand on est payé à l'acte. C'est comme ça que moi je le vois, je suis un peu dur avec la façon de faire, mais si ça ne convient pas, on change en fait. Si ça ne convient pas, il y a tellement de modes d'exercice possibles de ce métier. que si on n'est pas content dans le salariat, on peut aller dans le libéral, il y a l'embarras du choix, et si on n'est pas content en libéral, on peut aussi devenir salarié. Alors effectivement, des questions qui se posent aujourd'hui, c'est la rémunération mixte par exemple, d'avoir un fixe, qui permet pourquoi pas justement d'avoir ce temps qui n'est pas rémunéré, même si c'est scandaleux que ce soit pas rémunéré quand même quelque part. Mais avoir une rémunération fixe qui permet ce temps-là, et une rémunération variable, je te parle de ça pour des centres de santé, où c'est une discussion un peu en ce moment. pour pouvoir à la fois créer les deux, qu'on ne soit pas en train de faire du surtraitement et en même temps de rien glander, en se disant de toute façon que je fasse ou que je ne fasse pas, j'aurai la même somme à la fin du mois. Mais la réflexion sur les modes de rémunération, elle traverse aussi les centres de santé. Les associations, les syndicats dans lesquels je suis, c'est surtout des syndicats et des associations de centres de santé municipaux, mutualistes. et CEPAM essentiellement.

  • Speaker #0

    Donc là dans ces centres-là, tu disais qu'en fait il y a un fixe ?

  • Speaker #1

    En fait c'est pas ça, c'est que souvent il y a un fixe, très souvent. Enfin dans les centres municipaux ça le fait de moins en moins. Mais les réflexions aussi des gestionnaires de centres pour faire tourner leur service dentaire, c'est aussi de proposer une rémunération à l'acte pour motiver aussi les dentistes à travailler un peu plus. C'est ça qui est difficile.

  • Speaker #0

    on pourrait aussi imaginer un système qui mélange les rémunérations. Parce qu'il y a la rémunération à l'acte, la rémunération au forfait, il y a la capacitation aussi. Et puis, par exemple, certaines pathologies, comme peut-être la maladie parodontale, pourraient être plus propices au paiement au forfait.

  • Speaker #1

    Oui, par exemple, sur la consultation diabète aussi. C'est vrai que ça permet d'avoir une prise en charge plus globale et d'être plus... d'être plus juste au niveau du temps passé. Mais la crainte en faisant ça, c'est que quand j'entends les syndicats de dentistes libéraux qui réclament toujours plus d'augmentation sur la prise en charge, j'ai une crainte que rien ne change en fait, mais juste qu'ils gagnent plus. C'est-à-dire que je ne vois pas, si vraiment c'était ça, et que... les dentistes disent ok maintenant que le soin est mieux rémunéré au temps passé je vais vraiment passer plus de temps à le faire est-ce que la question c'est je passe le temps qu'il faut pour faire mon soin et puis tant pis si je suis pas bien payé parce que c'est comme ça ou alors je me déconventionne ou alors je fais du ornomenclature enfin bref ou est-ce que de toute façon je suis payé ça moi j'ai besoin de mettre pas plus de temps de temps sur tel soin donc je le fais dans ce temps là et qu'il soit bien ou pas bien je m'en fous parce que de toute façon voilà mais Je ne sais pas, je me dis qu'en augmentant les tarifs, ce qui va se passer, ce n'est pas que la durée du soin va augmenter, c'est que les dentistes gagneront plus, ils ne changeront pas leur mode de pratique. Je ne suis pas sûr, moi je n'y crois pas trop à ce mode de...

  • Speaker #0

    La question de la rémunération dans la pratique dentaire ne se limite pas à un simple calcul financier. Au-delà des tarifs et des modes de rémunération, il faut se poser une question peut-être plus profonde. Comment garantir que la qualité des soins et la relation avec le patient restent au centre de la pratique et non la rentabilité ? Pour Jérémy, augmenter les tarifs ne résoudra pas le problème fondamental de la valorisation du temps passé avec les patients et de la qualité des actes. Personnellement, je pense que les contrôles actuels, comme ceux sur la fraude à la sécurité sociale ainsi que les formations obligatoires ne suffisent pas. Il faudra aller plus loin, avec des contrôles plus poussés et plus personnalisés pour chaque praticien. Afin de vérifier régulièrement que leurs compétences sont à jour par rapport aux avancées de la science et que la qualité de leurs soins soit optimale. Je sais que cette idée ne fera pas l'unanimité et qu'elle risque même de déranger certains de mes confrères et consoeurs. Et honnêtement, je serais peut-être la première à râler si un tel système se mettait en place. Mais je crois que c'est une réflexion nécessaire pour garantir la qualité des soins dans notre profession.

  • Speaker #1

    Je suis complètement d'accord avec toi. Il y a plusieurs questions dans ce que tu dis. Effectivement, les questions de fraude à l'assurance maladie, ça c'est des choses qui sont régulièrement sanctionnées, que ce soit par l'ordre ou par des dépôts de plainte de l'assurance maladie sur des surcotations ou des actes fictifs. Bon, voilà, là, tout le temps, tous les mois, il y a des listes de dentistes qui sont publiques, qui permettent de voir qui est sanctionné, parce qu'il y a eu tant de dépassements, enfin pas de dépassements, mais d'actes fictifs, de fraudes à l'assurance maladie. D'ailleurs, je rappelle quand même que les premiers fraudeurs à l'assurance maladie, c'est les professionnels de santé, bien plus que les patients eux-mêmes. Ça, c'est des chiffres qui sont bien connus. Et les dentistes appartiennent à cette catégorie. Ils ne sont pas tous fraudeurs, mais en tout cas, c'est vrai que voir une radiopanoramie, combien de fois j'ai eu des... Moi, je ne l'ai jamais fait, mais des collègues qui ont fait leur stage de pratique chez des praticiens, à un moment, ils voient une panneau, ils cotent les composites sur la panneau, les amalgames, enfin tout ce qui est déjà coté une première fois, ils les cotent une deuxième fois, puis de toute façon, il n'y a rien qui prouve que ça n'a pas été refait. Enfin bref, c'est hyper facile de le faire. Et ça m'est encore apporté là par les étudiants que je reçois, les étudiants de sixième année, dans le cadre de leur stage d'intérêt général, qui font un stage pratique. chez des confrères et des consoeurs, ils me rapportent exactement la même chose. Et moi, j'entends déjà ça il y a 25 ans. Donc là, c'est quelque chose, c'est une pratique. Ce n'est pas généralisé, bien sûr, bien sûr, bien sûr, mais ce n'est quand même pas très compliqué. Ça existe. Et donc, effectivement, s'il n'y a pas plus de dentistes conseils de l'assurance maladie, ça pose un problème pour faire à la fois ces contrôles, qui sont des contrôles plutôt techniques, administratifs. Une dent qui est cotée deux fois en un an, ça doit pouvoir se contrôler facilement. Donc en fait, ce n'est pas tellement les dentistes conseils, c'est plus les gens de l'assurance maladie qui doivent vérifier qu'il n'y a pas le même acte qui a été fait deux fois ou trois fois en un an sur la même dent, ça paraît logique. Et en plus, effectivement, convoquer les patients pour vérifier la qualité des soins quand c'est fait. Ça permet d'éviter des dérives qu'on a pu en avoir ces dernières années. Dès l'instant qu'un dentiste est conventionné, ça veut dire qu'il accepte le mode de fonctionnement de l'assurance maladie. S'il accepte le mode de fonctionnement, ça veut dire qu'il accepte d'appliquer les tarifs de l'assurance maladie. Ça veut dire qu'il accepte d'être contrôlé par les dentistes conseils de l'assurance maladie. Là où moi ça me pose un problème, c'est toujours sur cette histoire du paiement à l'acte, parce que quand on dit aux dentistes ou aux médecins, c'est plus global, mais qui sont des salariés de l'assurance maladie, parce que quelque part, c'est de l'argent qui est de l'argent public, et ok, c'est pas la même poche, machin, enfin quelque part. Quand on dit que les professions libérales sont en fait salariées de l'assurance maladie, évidemment, il y en a plein qui s'étranglent et qui se disent c'est pas vrai, c'est n'importe quoi, machin, machin Mais en fait, si, c'est ça. Si les dentistes ou les médecins spécialistes veulent se déconventionner, c'est des menaces qu'on entend tout le temps avec les médecins, encore la semaine dernière, sur les consultations à 30 euros, moi, ça ne me pose aucun problème que les gens se déconventionnent. Au contraire, au moins, ça clarifie les choses. D'un côté, tu as ton entreprise privée, tu fais ce que tu veux. t'as des comptes à rendre à personne, de l'autre, si t'es conventionné, t'as des comptes à rendre. Et les comptes à rendre, il faut les accepter jusqu'au bout, en fait. Et si les patients ne viennent pas te voir, ils ne viendront pas te voir, et tant pis, tu te reconventionneras. Et c'est un peu en lien avec tout ça, c'est-à-dire la façon d'accepter le jeu, qui est loin d'être un jeu, parce que la question de la rentabilité, de la santé, c'est une question qu'on ne se pose pas quand on parle de police ou quand on parle d'armée. On ne se pose pas la question de savoir si un militaire est rentable ou pas. combien ça nous coûte, ou un policier. Vraiment, on pose la question sur l'éducation nationale, on pose la question sur la santé, beaucoup, sur tout un tas de services publics, sur l'armée, la police, et on ne va pas se mettre à dire comment on évalue le coût d'un policier, sa rentabilité, enfin voilà. La santé, pour moi, ce n'est pas une marchandise, clairement, et ça doit rentrer dans un... C'est un bien commun. Moi, la privatisation de cette santé, à travers la médecine libérale, l'onotologie libérale, tout ce que tu veux, ça me pose un problème. Ça me pose un problème, surtout quand on est dans une profession qui est libérale à 90

  • Speaker #0

    Ce pourcentage est en train de diminuer. Oui. On est plutôt autour de 84-85 Après, une vraie question dans ce que tu dis, c'est quand dans le libéral, il y a le mot liberté. Et je pense que pour avoir discuté avec pas mal de confrères, consœurs, quand je leur posais la question Pourquoi vous avez choisi ce métier ? Alors c'est vrai qu'à 18-19 ans, c'est rarement la vocation. Ça arrive, mais c'est quand même pas courant. Donc souvent, le mot qui revient, c'est l'indépendance. Et c'est une question aujourd'hui... que je trouve intéressante parce que finalement on est indépendant quand on est libéral et tout simplement quand on est un être humain parce qu'on ne vit que par interdépendance. Donc c'est un peu une illusion et c'est un petit peu... Tu vois, on reproche beaucoup à nos patients de penser que la santé est gratuite et en fait d'occulter que la sécurité sociale c'est une organisation solidaire. qui fait qu'en fait on peut bénéficier des soins pour tout le monde, quelles que soient les conditions de vie, quel que soit son statut socio-économique, parce que finalement on peut faire partie d'un milieu privilégié, et puis on peut aussi tout perdre et se retrouver dans des situations dramatiques. Donc cette solidarité elle est importante. Et ça, souvent, en tant que dentiste, on en fait le reproche aux patients en disant Oui, euh... Les gens veulent tout, pensent que c'est gratuit et c'est pas gratuit. Mais cette liberté que nous on revendique, est-ce qu'elle est réelle ? C'est ce que tu soulignais, c'est qu'on n'est pas libre de tout. Quand on adhère à la Convention, on est aussi tributaire de la sécu, effectivement. Et ça, je pense qu'on l'oublie.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui, t'as raison. Alors en fait, parce que souvent, c'est vrai que c'est ce qu'on me dit aussi quand tu parles de l'exercice libéral, indépendance, tout ça. Ça voudrait dire que quelque part, l'exercice salarié, c'est quelque chose où t'es pas indépendant. Alors en l'occurrence, moi, si j'ai une commande à faire, je fais une commande, en fait. Je peux commander un peu ce que je veux. Si c'est ça, l'indépendance, par exemple. Je peux traiter les dents de la façon que je veux. Je peux faire ce que je veux, en fait. J'ai une liberté, évidemment. qui n'est pas une contrainte imaginée peut-être par l'exercice libéral, ou en tout cas par les confrères ou les consoeurs qui exercent en libéral. Je suis indépendant dans mes plans de traitement, je suis indépendant dans les patients que je reçois. J'ai un petit peu de mal à voir en quoi on n'a pas le même métier, pour le coup. Et effectivement, tu as raison, je suis aussi dépendant d'une structure, mais comme les dentistes libéraux sont dépendants, comme tu viens de le dire, d'autres facteurs. L'assurance maladie, effectivement, si on ne veut pas être dépendant, il faut se déconventionner.

  • Speaker #0

    Cette idée d'indépendance est centrale dans les discussions sur le libéral. Pourtant, Jérémy pointe du doigt un paradoxe. Que l'on soit salarié ou libéral, nous sommes tous dépendants d'un système, que ce soit d'une structure de santé, de l'assurance maladie ou des contraintes financières liées à l'installation. L'indépendance absolue reste une illusion. Et en tant que praticien, nous devons jongler avec ces réalités, tout en cherchant à maintenir l'équilibre. entre notre liberté professionnelle et les obligations que nous impose le système de santé.

  • Speaker #1

    C'est une liberté peut-être d'organisation du temps de travail. Là, pour le coup, moi, je n'en ai pas. Et effectivement, c'est peut-être ça la valeur ajoutée de l'exercice libéral, en quelque part, même si tu n'as pas trop le choix, parce que je vois le nombre de personnes qui sont sorties de la fac en ayant des dettes dès le début à rembourser, et donc qui sont attachées au fauteuil du lundi au samedi de 8h du matin à 21h. Bon, parce qu'ils ont fait des gros crédits. Donc, effectivement, c'est un petit peu une bêtise, mais en fait, c'est un choix. de vie, qui a été fait d'emblée. Ils auraient pu faire un autre choix. Moi, j'ai fait un autre choix. Et il y en a d'autres qui travaillent trois jours par semaine et ils s'en sortent très, très bien.

  • Speaker #0

    C'est la difficulté quand tu commences un exercice, c'est que quand tu es jeune praticien, tu ne sais pas encore trop ce qui te correspond.

  • Speaker #1

    En fait, la question, c'est aussi qu'on te montre qu'il n'y a qu'une seule façon de travailler. Il y a quand même... Nous, c'est quelque chose, je dis nous, c'est avec d'autres confrères, deux centres de santé qui ne sont pas tous dentistes, mais l'idée quand même d'aller dans les universités pour montrer comment on travaille en salarié. Autrement que les centres locaux qui financent les soirées étudiantes aussi, j'ai appris ça. Donc évidemment, la vision qu'ont les étudiants des centres de santé, c'est ceux qui payent les pizzas et les bières. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est cité par différents profs d'université. Effectivement, c'est les centres qui payent aujourd'hui les soirées étudiantes. Donc c'est une image qui est, venez après chez nous, vous allez vous faire la main, et puis quand vous aurez surfacturé et surtraité, vous irez ouvrir votre cabinet. Ou vous ouvrirez vous-même un centre de santé, parce que certains étudiants m'ont dit aussi, c'est toujours les mêmes parce que je reçois mon stage d'intérêt général, que les rêves des étudiants aujourd'hui, ce n'est plus tellement de devenir dentiste, c'est de devenir gestionnaire d'un centre de santé.

  • Speaker #0

    Et là tu te dis merde, c'est pas possible. Donc en fait c'est de faire de la thune peu importe comment. Et bon enfin, encore une fois, j'espère que c'est à la marge, mais j'ai pas de chiffre là-dessus.

  • Speaker #1

    Je rejoins également ce que dit Jérémy sur le manque de modèle proposé aux étudiants. Quand j'étais en fac, on nous présentait surtout le libéral comme voie principale, presque comme une évidence. Monter son cabinet, c'était vu comme monter une petite entreprise, et le modèle salarial ou d'autres options étaient rarement abordés. Et puis, je pense que la société aujourd'hui valorise tellement ce modèle, de l'entrepreneur qui, seul à la sueur de son front, monte son entreprise et réussit financièrement, que je ne suis pas surprise que, comme il l'évoque, certains étudiants rêvent davantage de monter leur propre centre que de travailler comme dentiste. C'est une aspiration qui est presque devenue une norme avec l'idée que la réussite est liée à l'argent et à la gestion d'une entreprise.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même cette question de la réussite, de ce qu'est la réussite. Et dans notre milieu, l'idée quand même que si tu es en salarié, tu es un peu un loser. Enfin quand même, c'est quand même... Et moi, même, je reprends les exemples de la prison que j'expliquais tout à l'heure, mais les patients que je vois en prison, Ils pensent que moi aussi je suis puni en fait. Si je suis là, c'est que j'ai raté ma vie, j'étais incapable de monter un cabinet tu vois. Et il y a un peu l'idée mais... C'est marrant quoi. Bah oui, c'est marrant. Une fois qu'ils voient que ça se passe bien et que je ne suis pas déconnant, ils sont en mesure d'évaluer ma déconnance, ce qui est encore à prouver parce qu'ils ne peuvent pas trop vérifier ce que je fais. Mais en tout cas, il y a quand même cette idée... attendez mais vous êtes con vous vous avez un boulot vous pouvez vous réconcilier bien vous pouvez gagner mais laisse tomber là de l'argent quoi et vous êtes là à bosser en prison comme un con c'est un peu ça tu vois ça ça veut quand même dire que l'idée de la réussite est liée à l'argent elle est universelle elle n'est pas que de palier aux dentistes en fait non oui tu as raison mais quand même le tu vois là on t'a parlé d'entrepreneuriat tout à l'heure c'est et que effectivement monter un cabinet dentaire c'est monter une entreprise Moi, ça, c'est quelque chose qui est incompatible avec ce que je vois de ce que peut être la santé. On ne peut pas parler d'entreprise quand on parle de santé. Enfin, pour moi, c'est incompatible, en fait. C'est quelque chose qui est très compliqué.

  • Speaker #1

    En discutant avec plusieurs confrères, notamment autour du sujet du burn-out, un reproche revenait souvent. L'université ne nous forme pas à devenir des chefs d'entreprise, ni à gérer un cabinet comme une petite entreprise. Cette critique m'avait marquée, jusqu'à ce que Jean-Noël Vergne, professeur à l'université de Toulouse, et ancien invité de ce podcast, me fasse un retour. J'avais eu l'occasion de rencontrer Jean-Noël à Toulouse pour parler de ses recherches sur l'empathie, et depuis il est devenu un ami avec qui j'échange régulièrement. Lors de notre conversation donc, il m'a rappelé que, finalement, l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise. Cette remarque m'a permis de prendre du recul, car dans la difficulté, il est facile de chercher des responsables. Mais comme le disait Jérémy, la vision de la profession est souvent trop étroite et le libéral apparaît parfois comme la seule voie envisageable.

  • Speaker #0

    effectivement l'université au moins mais je rejoins ce que ce que dit jean noël verne l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise jamais c'est pas son c'est pas son rôle clairement pas son rôle et malgré tout il ya quand même des semaines d'insertion à la vie professionnelle qui sont opposés à l'université on explique je crois qu'un chident les trucs les machins l'urssaf et compagnie et ça c'est nouveau Mais je me souviens qu'il y a une dizaine d'années, je crois une quinzaine d'années, même les étudiants avaient fait grève parce que justement, on ne leur apprenait pas ce qu'était leur futur métier. C'est comme ça qu'ils le voyaient eux. Moi, j'avais trouvé ça scandaleuse, cette grève. On ne peut pas... Tu es des étudiants, tu n'es pas là pour apprendre à monter une boîte. Tu es là pour apprendre ton métier. Point. Barre. Tu n'es pas là pour savoir comment on règle les problèmes avec je ne sais pas quelle caisse de... Enfin, ce n'est pas la question. Ce n'est pas ça. Virons après. Après, ils se payent des formations, je ne sais pas. Voilà.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord, mais ceux qui font ce retour, c'est des gens, peut-être justement à qui ça ne convient pas et qui se rendent compte. C'est quand il y a un malaise, quand il y a une dissonance entre ce que tu pensais faire de ta vie et au final ce que tu fais de ta vie, que tu te poses ces questions-là. Après, quelle est la proportion de postes salariés ? Est-ce qu'il y en a... pas beaucoup, c'est pas infini tu vois.

  • Speaker #0

    Oui mais après si ça devient un choix facile, si demain matin les étudiants veulent travailler en centre de santé être salariés à l'hôpital Les postes vacants aujourd'hui, il y en a des tonnes, vraiment il y en a des tonnes, il y en a partout. Les dentistes aujourd'hui, c'est les rois du pétrole, ils vont où ils veulent. Ils peuvent récupérer un cabinet pour 1€ parce que les dentistes partent à la retraite, ils n'arrivent pas à vendre. Ils peuvent travailler à l'hôpital parce qu'il y a des postes de PH qui ne sont pas pourvus. Ils peuvent travailler dans les centres de santé parce qu'ils ont un taux de turnover important et puis les salaires dans les centres de santé sont moins importants que dans le camp libéral. Donc il y a peu de personnes qui travaillent en centre de santé.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que tu disais tout à l'heure, là, c'est des services où ça sera à nous de nous déplacer. Et donc ça, sur Paris, il y a peut-être plus d'offres, mais dans les villes comme les miennes, je suis sûre que demain, je vais au centre hospitalier ou dans le service psychiatrie ou à l'EHPAD, et je leur dis, voilà, moi, je suis partante pour venir une journée par semaine ou une journée tous les 15 jours dans votre unité, je pense qu'il n'y a pas de souci.

  • Speaker #0

    Tu donnes toi-même les exemples. Il y a de quoi faire énormément, il y a des besoins partout. Le problème c'est aussi, est-ce que c'est vraiment une envie d'aller faire ça par les confrères, tout ce qu'on entend, ou est-ce que c'est monter son entreprise, et puis faire ce que fait le voisin d'à côté, rajouter un camé d'enterre, là où il y en a déjà 25 au mètre carré.

  • Speaker #1

    Parfois, comme évoqué avec Jérémy, J'ai envisagé cette possibilité de proposer mes services à des hôpitaux, à des EHPAD ou à d'autres institutions qui en auraient besoin. Mais en entendant parler du mal-être des soignants dans ces structures, je dois avouer que je freine des cas de fer. Avec tout ce que j'ai déjà à gérer au quotidien, je me dis que je n'ai pas forcément l'énergie ou l'envie de me rajouter de nouvelles contraintes. Même si Jérémy semble épanoui et satisfait de son choix, ce que je vois et j'entends du milieu hospitalier ne me fait pas rêver. Et même si je sais que, comme tout le monde, je ne suis pas vraiment libre ou indépendante, parce que je suis conventionnée, et parce que nous sommes tous interdépendants d'une manière ou d'une autre, je reste tellement attachée à cette croyance que je suis mon propre chef dans mon cabinet que je pense que j'aurais vraiment du mal à m'adapter au monde du salariat. Toi, tu travailles combien de jours ?

  • Speaker #0

    Moi, je travaille 4 jours par semaine.

  • Speaker #1

    Et tu peux nous dire quel est ton salaire ? Ou c'est quelque chose que tu n'aimes pas dire ?

  • Speaker #0

    Non, bien sûr, il n'y a pas de problème. Moi, en étant à l'hôpital, je suis sur une grille de praticiens hospitaliers. Donc, c'est la grille des praticiens hospitaliers. Alors attends, que je te le donne, parce que comme je n'ai pas un travail à temps plein à l'hôpital, je suis à 40%. Ça peut se trouver exactement... Voilà, c'est un temps plein à 5200 euros bruts. Donc sur 100%. Moi, je suis à 40%, donc je dois être à 2000 euros. C'est à peu près... Ouais, c'est ça. 2000 euros. Pour deux jours par semaine. Ah oui.

  • Speaker #1

    Et donc,

  • Speaker #0

    tu me cadres ? Pour le premier poste. Poste à l'hôpital. Pour le poste au conseil départemental, je suis payé à l'heure. Donc en fait, je suis payé 50 euros bruts. de l'heure. Donc je compte mes heures. Tu vois, hier j'étais où hier ? Hier j'ai accueilli les étudiants le matin donc j'ai compté trois heures parce qu'on a fait l'organisation du bus, voilà, plus de la coordination sur des nouveaux comptes rendus qu'on est en train de mettre en place, des liens avec Médecins du Monde avec qui on travaille, voilà. Donc je compte des heures. Si je fais trois heures, je compte 150 euros. Enfin je les remplis tous les mois en fait. Et puis le jeudi... Pareil, aujourd'hui je suis au département et ce matin j'étais un médecin du monde avec des unités mobiles, j'ai passé 3 heures à médecin du monde donc je vais coter 3 heures au département pour aujourd'hui. Tu vois, mais c'est ça, si on compte sur des journées classiques de 7h, ça te fait 350€ par jour donc 700€ par semaine x 4, 2100€ donc en fait c'est à peu près le pareil, je suis à 4000€ à peu près, que je me plaigne.

  • Speaker #1

    Et tu fais quoi comme horaires ?

  • Speaker #0

    9h, midi, 14h, 17h30 à l'hôpital, et au département, 9h, plutôt 13h, 14h, 17h. C'est 7h dans les deux cas, en fait. C'est des horaires, vraiment, c'est des horaires 35h. Et je n'ai pas de garde, je n'ai pas de jour férié. Tu n'as pas de garde ? Non. C'est pas juste ! Non, je suis d'accord avec toi, et c'est pas faute de l'avoir réclamé. Les gardes, je ne sais pas pourquoi, je paye ma cotisation à l'ordre. Enfin, je dis ça, mais en fait non, je l'ai reçue cette semaine, je ne l'ai pas payée, il faut que je la paye. Mais je ne fais pas partie du tableau de garde, je ne sais absolument pas pourquoi, ni les collègues qui sont dans les centres de santé. Je ne sais pas pourquoi on ne fait pas partie de cette permanence de soins. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Si je compare à mon activité en libéral, je réalise que nos rémunérations sont finalement assez similaires. D'autant que je travaille trois jours par semaine. Aujourd'hui... je me prends un peu moins la tête au sujet de la rentabilité, même si ma principale crainte reste de mettre en péril le cabinet dans lequel nous sommes aujourd'hui 4 associés, dont mon mari. Mais pour le moment, ce n'est pas un souci. A mes débuts, avoir un salaire fixe m'aurait sûrement aidé à mieux gérer un budget. Pourtant, avec le temps, j'apprends à relativiser. J'ai un travail utile, que j'aime, et j'ai de quoi vivre confortablement bien plus que la plupart des gens que je côtoie. Et j'en parlais, il y a deux semaines j'étais de garde et en fait une étudiante de Bordeaux m'avait appelée pour prendre ma garde. Mais je lui ai dit ok pas de soucis mais je la fais avec toi parce qu'on est quand même assez submergée d'urgence les jours de garde à Périgueux. Et je voulais pas la laisser toute seule dans un cabinet qu'elle connaît pas, je trouvais pas ça cool quoi. Puis moi j'aime bien, donc je suis allée avec elle. Et à la fin elle me disait tu vois le stage actif. C'est bien et c'est pas bien parce que déjà ces deux mois c'est un peu court elle dit la sixième année on fait pas grand chose on s'ennuie un peu enfin je pense que c'est un peu comme ça l'a été nous on a été dans les premiers à avoir la sixième année et on faisait pas grand chose de cette année et elle me disait ça serait ça serait chouette toi d'avoir des centres où les étudiants seraient salariés chapeautés par des dentistes expérimentés Et ils pourraient faire leur sixième année, donc ça serait obligatoire et pas facultatif, et dans des zones où il y a un vrai besoin. Donc tu répondrais à la fois à un besoin de santé publique et à la fois à ce campagnonnage qu'on cherche toute notre carrière.

  • Speaker #0

    Je suis tout à fait d'accord avec ce principe. Et pour moi, c'est un peu un dû, en fait. Ça a l'air bizarre comme ça, mais c'est l'idée que... Je vais reparler encore de l'armée, mais tu vois, un pilote d'hélicoptère dans l'armée, s'il est formé comme pilote d'hélicoptère dans l'armée, il doit 10 ans à l'armée pour rembourser sa formation de pilote d'hélicoptère. Un médecin, un dentiste, c'est des étudiants qui coûtent très cher. Un étudiant lambda, la moyenne de, je crois, un étudiant, ça coûte 15 000 euros par an à l'État. En moyenne. Un étudiant dentaire, il coûte beaucoup plus cher que ça. La médecine aussi. La moindre des choses, ce serait de rembourser ce qu'il a coûté à la société, soit par l'intermédiaire de ce stage de 6e année dans un endroit, dans un désert, ou même de s'installer dans un lieu où, temporairement, un cabinet dédié à cette année de tampons entre la fin de la fac et le début de l'exercice professionnel, quel que soit le mode d'exercice, mais d'avoir, comme les profs, d'envoyer les dentistes comme on envoie les profs. Les profs, on ne leur demande pas trop leur avis sur à quel endroit ils veulent aller. Ils sont obligés de se marier pour pouvoir partir ensemble dans des lieux où il y a des manques, où il y a des écoles qui ferment, des écoles qui ouvrent, etc. Et s'ils ne jouent pas le jeu là-dessus, ils sont obligés de quitter l'éducation nationale. La question des aires médicaux, de l'exercice et surtout de l'installation, Pour moi, la seule façon de ne plus avoir de désert, c'est aussi de provoquer cette installation forcée, parce que je vais encore me faire des ennemis, mais moi je ne suis pas pour... De la même façon qu'il y a des profs dans les endroits où il n'y a pas de... Enfin, c'est plus compliqué, mais je pense qu'avoir des zones dédiées avec des dentistes qui se relaient à la fin de leurs études, de leur début d'exercice professionnel, et puis une fois qu'ils ont fait leur année... dans ce désert et bah hop ils vivent leur vie mais au moins ils ont remboursé entre guillemets leur dette je le fais courant parce que c'est un peu plus compliqué que ça mais enfin je sais pas si c'est ça que tu avais en tête mais moi c'est un peu ça qui est complètement complètement mais à la fois d'utiliser les étudiants de sixième année parce qu'effectivement tu as raison ils savent pas trop quoi faire tu as raison entre le stage d'intérêt général le stage actif la thèse les stages toujours à la fac ils ont un emploi du temps un peu compliqué, et puis il n'est pas forcément complètement rempli, enfin, ils ont tous des emplois du temps complètement différents, ce serait l'occasion de pouvoir voir tout ça, tous ces modes d'exercice. Mais c'est compliqué encore aujourd'hui, en stage actif par exemple, de travailler dans un centre de santé public. Ça se fait de plus en plus, mais ce n'est pas encore complètement fluide. Et puis, il n'y en a pas partout. Parce que c'est vrai que c'est une particularité très parisienne d'avoir des centres de santé municipaux qui tournent encore pas mal, en plus dans la banlieue de Paris.

  • Speaker #1

    Et puis d'avoir la possibilité... voir peut-être l'obligation, je ne sais pas, encore une fois, on n'aime pas trop les contraintes, mais de devoir aussi explorer différentes formes d'exercices, c'est-à-dire voir ce que c'est que de travailler en milieu hospitalier, de voir ce que c'est que de travailler en centre mutualiste, de voir ce que c'est que de travailler en libéral, mais de pouvoir en fait faire un choix qui soit éclairé et pas un choix qui soit... orienté parce que tout le monde fait comme ça. Si tu veux, moi je me suis jamais posé la question, même. Bon, la recherche, je pense que même encore aujourd'hui, ça serait pas un choix. Parce que c'est... Je trouve ça passionnant, mais si tu veux, je sens que c'est pas du tout ce qui m'attire. Mais en revanche, je trouve que c'est trop fermé en fait, c'est trop cloisonné, c'est trop... en fonction des rencontres que tu fais, il faudrait avoir la possibilité d'explorer ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai que ton choix d'exercice va dépendre beaucoup des rencontres que tu vas faire, dans ta vie, des gens que tu vas rencontrer, et ça va être peut-être même lié au hasard de se retrouver dans un... de penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas pensé spontanément parce qu'on ne te l'a pas montré à la fac. Et c'est vrai que... Moi c'était comme ça il y a 25-30 ans. Aujourd'hui c'est peut-être un petit peu moins vrai parce que... Il y a de plus en plus d'étudiants qui voient un peu ce qu'est l'exercice en centre de santé. Mais pouvoir essayer, pratiquer différentes façons, c'est une très bonne idée. C'est ce qui devrait être fait. Mais pour ça, il faut qu'il soit bien accueilli. Aujourd'hui, le stage actif, ça se passe à l'envers. C'est-à-dire que c'est l'étudiant qui va voir un dentiste, qui lui dit... Est-ce que tu veux bien être mon maître de stage ? Le dentiste dit oui, il signe, il envoie le papier à l'ordre et puis il accueille l'étudiant qui en plus veut être payé pour les actes qu'il fait alors que c'est un stage actif. Donc normalement, ce n'est pas rémunéré sur des actes réalisés. C'est une autre question, mais les étudiants que je vois, ils me disent que ce n'est pas normal. Il y en a qui sont payés, d'autres qui ne sont pas payés. Et là, on confond l'apprentissage et l'exercice. Si c'est travailler, ils travaillent, mais ce n'est plus un stage actif. Mais l'objectif du stage actif, ce n'est pas d'être rémunéré pour les actes qu'on fait, c'est de voir comment fonctionne un cabinet dentaire. C'est justement d'avoir toutes ces problématiques que tu évoquais tout à l'heure, qui ne sont peut-être pas apprises à la fac, mais justement, en allant dans un cabinet et en faisant ce stage actif, ça permet de voir toutes les contraintes administratives liées à faire tourner une entreprise, pour le coup. Mais d'après ce que je sais, ce n'est pas toujours le cas, parce que les confrères et les consoeurs mettent un fauteuil à disposition de l'étudiant, et puis ils lui font son chiffre sur le mois, et puis ils le payent en fonction de ce qui rentre. Et c'est pas l'objectif du tout du stage. Je te le fais court aussi là, mais j'ai l'impression que c'est pas encadré. Et de fait, il n'y a pas besoin d'être formé en pédagogie, par exemple, pour être maître de stage, pour un stage actif d'étudiant. Alors que c'est un stage, il faut pouvoir encadrer un étudiant. Tous les dentistes sont pas en mesure d'encadrer un étudiant et de lui transmettre des choses. Il faut être formé pour ça. Je crois que l'idée, c'est plutôt de faire à l'envers, d'avoir un pool. de mettre de stage dans différents modes d'exercice, et après c'est les étudiants qui vont choisir ce qui leur est proposé, c'est ce qui devrait être comme ça en fait, pas l'inverse. Aujourd'hui c'est l'inverse qui se pose. Et quand un étudiant veut venir faire son stage actif dans un centre de santé, c'est encore plus compliqué, et puis il arrive que les formalités soient encore plus difficiles à obtenir pour les centres de santé que pour l'exercice libéral. Donc, par défaut, les étudiants se retournent vers l'exercice libéral qui est beaucoup plus souple. En tout cas, tout existe depuis très longtemps pour ce mode d'exercice, en tout cas, recevoir des étudiants dans les cabinets de l'hôpital.

  • Speaker #1

    Au cours de sa discussion avec Jérémy, nous avons exploré de nombreux aspects de notre métier, de la gestion du temps et de la rentabilité dans l'exercice libéral, à la diversité des modèles d'exercice disponibles, comme le salariat en centre de santé ou à l'hôpital. Jérémy a partagé sa vision d'un exercice salarié épanouissant, avec des horaires cadrés et une rémunération stable, tout en affirmant avec conviction que la rémunération à l'acte et l'exercice libéral, qui placent le dentiste en position de chef d'entreprise, ne sont pas compatibles avec le soin. Pour lui, c'est même antinomique. La santé et l'entrepreneuriat ne peuvent être confondus. De mon côté, j'ai mis en lumière mes propres questionnements autour de la gestion d'un cabinet libéral et de la pression que cela peut engendrer. Nous avons également discuté des limites du modèle libéral, qui reste souvent la seule voie présentée aux étudiants, et du besoin d'offrir d'autres options, plus équilibrées, dans lesquelles l'argent ne deviendrait pas la finalité. Finalement, une question reste centrale. Comment mieux former les futurs praticiens ? Comment les accompagner pour qu'ils trouvent une voie qui leur convienne vraiment et qui ne soit pas nécessairement le libéral ? Comment mettre en place un compagnonnage solide qui leur permette de concilier le soin et la rentabilité sans que l'argent devienne un objectif en soi ? Il est essentiel d'accompagner les jeunes praticiens à entrer dans la vie professionnelle en leur rappelant qu'ils ont choisi un métier de soin et non celui d'entrepreneur. Le vrai défi, c'est de leur offrir des expériences diversifiées en milieu hospitalier en centre mutualiste ou même dans la recherche, afin qu'ils puissent faire un choix éclairé et aligné avec leurs valeurs, plutôt que de simplement suivre la voie que tout le monde emprunte. Merci beaucoup à Jérémy pour sa participation et pour ses réflexions si enrichissantes sur notre métier. Un grand merci également à Pauline pour le montage, à Maxime Wattieu pour la musique et à Camille Covez pour l'illustration de cet épisode. Le prochain épisode, qui viendra clore cette série sur l'argent, sortira à mon retour de Madagascar. Nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani, un sujet passionnant et crucial pour notre profession. Alors restez à l'écoute. Je vous rappelle l'importance de mettre des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée et de vous abonner, de partager tout autour de vous et si vous le souhaitez, de soutenir le podcast sur Tipeee pour me permettre de continuer à produire du contenu de qualité. Je vous mets tous les liens dans le descriptif de l'épisode. Merci encore pour votre soutien et à très bientôt.

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Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 7 : Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

Dans cet épisode, j’accueille Jérémie Bazart pour une conversation passionnante autour de la rémunération des dentistes, du modèle libéral, et de la formation des jeunes praticien·nes. Ensemble, nous questionnons la compatibilité entre l’exigence de rentabilité du modèle libéral et l’essence du soin. Jérémie partage son expérience de praticien salarié, où il trouve un équilibre entre qualité des soins et stabilité financière. Nous discutons aussi des défis de la formation universitaire : pourquoi l’université ne forme-t-elle pas les dentistes à devenir des chefs d’entreprise ? Et comment aider les jeunes à explorer différents modèles d’exercice au-delà du libéral ? Une réflexion profonde sur l’avenir de la profession, à écouter sans modération !


Dans cet épisode, Jérémie évoque à plusieurs reprises le sujet du déconventionnement, le thème de l'épisode précédent avec la docteure Pauline Chardron-Mazière. N'hésitez pas à l'écouter si ce n'est déjà fait 😉


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Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci au docteur Jérémie Bazart pour son partage d'expérience si précieux.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de mon voyage à travers l'argent en dentisterie. Je suis Florence Echeverry, chirurgien dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui j'accueille Jérémy Bazar, chirurgien dentiste omnipraticien dans le département de la Seine-Saint-Denis. Jérémy exerce également comme praticien hospitalier à la maison d'arrêt de Paris et il est aussi journaliste scientifique, membre de l'association des acteurs de la santé publique bucco-dentaire et de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information. J'ai souhaité discuter avec Jérémy car ces derniers temps, l'exercice salarié me questionne. A la sortie des études, je voyais l'exercice libéral comme synonyme de liberté, influencé par mon père qui avait créé son entreprise pour ne plus dépendre d'un supérieur. Mais aujourd'hui, je doute. En tant que praticienne libérale, je me sens davantage soignante que chef d'entreprise. Travailler dans un cabinet à mon image, entouré d'une équipe que j'aime et que j'ai choisie quelque part, avec des patients qui me correspondent, est un véritable confort. Mais la question du paiement à l'acte me perturbe. La santé n'est pas, à mes yeux, une activité scalable ou rentable comme une autre. Le paiement à l'acte peut inciter à multiplier les soins, parfois au détriment de la relation de soins et de l'écoute, ou encore à pratiquer des actes non pris en charge, NPC, avec des tarifs élevés, inaccessibles à tous. En fait, je ressens une forme d'ambivalence. Je suis attirée par la stabilité du salariat, mais surtout, je me demande si le modèle économique salarié n'est pas finalement plus compatible avec une pratique de soins plus centrée sur l'humain. Pourtant, je ne me sens pas prête à renoncer aux avantages du libéral. Épisode 7, au-delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin. Avant de plonger dans notre conversation, je souhaite également vous parler de notre mission imminente à Madagascar. Dans quelques jours, je pars avec Cécile, mon assistante, pour une mission humanitaire aux côtés de personnes formidables, comme Gérard, un dentiste à la retraite, et Dominique, sa femme, enseignante retraitée. Nous avons besoin de votre soutien. pour l'achat de matériel d'enregistrement, la création musicale et le montage de l'épisode. Vos dons seront précieux pour me permettre de documenter et partager cette expérience exceptionnelle. Petite précision avant de continuer, si vous entendez des bruits de fond, comme des coups de marteau piqueur, c'est parce que des travaux avaient lieu juste devant chez moi le jour de l'enregistrement. Ça ne dure pas trop longtemps, mais j'espère que ça ne perturbera pas trop votre écoute. Maintenant, place à notre conversation avec Jérémy.

  • Speaker #1

    Donc moi j'ai un double statut, je suis praticien hospitalier à l'hôpital Cochin, je dépends de la fonction publique hospitalière, je suis membre d'une unité d'un service hospitalier qui s'appelle une UXA, une unité de consultation de soins ambulatoires, c'est des unités déportées de l'hôpital vers les prisons. Donc c'est un service dans la prison, c'est un service hospitalier dans la prison, c'est pas un service qui appartient à l'administration pénitentiaire, mais c'est l'hôpital qui va dans les prisons. Donc c'est un service très complet avec des kinés, des infirmiers, des aides-soignants, des médecins, des médecins spécialistes, un service de psychiatrie, des addictologues, enfin bref, tout un tas de professionnels qui prennent en charge les détenus et donc aussi des dentistes. Et puis mon autre activité, c'est donc, je suis contractuel vacataire de la fonction publique territoriale, cette fois-ci, donc ça c'est pour le, je travaille pour le département de la Seine-Saint-Denis dans une unité... Je suis dentiste référent du centre mobile dentaire du département. C'est un dispositif qui est composé de deux choses. La première chose, c'est un bus. C'est un boostone qui est aménagé en cabinet dentaire. C'est un cabinet sur roue avec tout ce qu'il y a, une stérilisation, une radio. Et puis un cabinet, c'est une salle d'attente, on monte les dossiers patients, etc. Et c'est également des unités mobiles. Donc là, c'est un dispositif plus petit. C'est typiquement des petites unités qui vont dans les EHPAD, c'est assez connu pour ça, mais nous on va aussi dans les écoles, dans les centres d'accueil pour la réduction des risques des usagers de drogue, dans les foyers d'OMA, dans les associations de jeunes travailleurs, dans les foyers pour les personnes en situation de handicap. dans les ESAT, les établissements d'insertion par le travail pour les personnes handicapées. Bref, tout. En fait, c'est le dispositif d'aller vers, donc aller vers les structures, aller vers les gens qui ne vont pas voir le dentiste.

  • Speaker #0

    Le dispositif Aller vers, mis en place en 2017, vise à rendre les soins plus accessibles en se déplaçant vers des populations vulnérables, souvent éloignées des circuits de santé traditionnels. Cette initiative, portée par le ministère de la Santé, a pour objectif d'assurer un accès aux soins aux personnes qui, pour diverses raisons, ne consultent pas spontanément. Cela inclut les écoles, les EHPAD, les foyers et bien d'autres structures. Toi, ça a été un choix ou ça a été le hasard qui t'a conduit à rentrer dans le salariat ?

  • Speaker #1

    C'est quand même un environnement où l'argent est, au cours des études, où l'argent est très très présent, les discussions ne sont pas, ça ne m'intéressait pas. Et donc c'est vrai que très rapidement on se trouve avec un groupe de copains qui est quand même très restreint et on décide ensemble de réaliser son métier en rapport avec ses valeurs. Et on s'aperçoit que ça ne va pas être, ça ne va pas matcher. Donc il faut trouver quelque chose qui, enfin moi ce qui m'intéressait, si j'ai... Si je suis allé au bout de ces études-là, c'était aussi parce que je me suis dit, bon, je vais jusqu'au bout, mais je sais que quand je serai grand, quand je serai un vrai dentiste, je serai toujours en rapport avec mes valeurs et je ne mettrai pas l'argent au centre. Au moment des études, c'est vraiment un trop. On parle trop d'argent. On est des étudiants. Ce n'est pas l'objectif. Ce n'est pas le lieu. Ce n'est pas le moment.

  • Speaker #0

    Jérémy soulève ici une question essentielle que je me pose également. Comment concilier nos valeurs de soignants avec un modèle économique qui semble parfois donner trop d'importance à l'argent ?

  • Speaker #1

    Dans l'environnement de travail et l'environnement universitaire, j'ai trouvé que c'était un sujet qui prenait énormément de place. Et compris en dehors, parce que quand on parle des dentistes dans la société en général, on sait bien que ce sont des métiers qui ne sont pas à plaindre. Il y a toute une image dans les représentations, mais ce n'est pas complètement faux. Ça parlait quand même beaucoup d'argent. Donc l'idée, c'est effectivement que j'exerce mon métier. de manière complètement de déconnecter l'argent de ce métier et de me reconcentrer sur le soin. Et la seule façon pour moi de pouvoir soigner les gens, les patients, sans avoir un dollar ou un euro qui s'affiche en tête, c'était d'être salarié et de ne pas savoir combien j'allais... Enfin, je veux dire, de soigner les gens, ça va avoir une bouche sous les yeux. Je m'en fous de savoir combien elle va me rapporter. Et quand je vois les différents plans de traitement qui sont faits par des confrères, ou quand on voit dans les centres locaux, quand on voit que les gens repartent avec des plaquettes extraordinaires, avec un montant derrière, c'est pas quelque chose qui... Moi je vois des gens qui ont des besoins et je me dis allez, j'y vais, peu importe combien ça coûte, c'est pas mon sujet en fait C'est le paiement à l'acte que je remets en question, sur la façon de soigner les gens. Je pense que le paiement à l'acte est difficilement compatible avec un soin de qualité en fait. Et donc j'ai essayé d'exercer en salarié, enfin j'ai voulu exercer en salarié pour pouvoir extraire cette donnée de mon plan de traitement.

  • Speaker #0

    Et effectivement, moi c'est toutes ces questions qui m'ont menée aussi à travailler sur ce sujet de l'argent, parce que c'est aussi le constat que je fais moi en libérale. J'ai pas l'impression d'arriver... L'équilibre est très difficile à trouver entre le soin et la rentabilité. Donc même quand on a envie de bien faire notre métier et qu'on est consciencieux, on est de toute façon confronté à cette réalité qui est que si on veut travailler dans un environnement agréable et aussi pas s'épuiser, donc avoir une secrétaire, avoir une assistante, avoir un beau plateau technique, il va falloir... rentrer des sous et de plus en plus. Et donc, ça veut dire qu'au lieu de penser aux besoins du patient, on a toujours cet œil sur le compteur horaire qui tourne.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Après, je te dis, c'est quelque chose que j'ai voulu extraire d'emblée. Je n'ai jamais voulu... Alors, il se trouve que mes premiers postes, c'était des postes dans un centre d'examen de santé pour l'assurance maladie à la Courneuve. et qu'ensuite j'ai embrayé sur des remplacements dans des centres municipaux de santé, notamment à Tremblay en France, et puis aussi pour l'assurance maladie. Là, j'étais payé à l'acte, mais le fait d'être payé à l'acte, il y a une petite contradiction dans ce que je dis. Même en étant payé à l'acte, je n'ai quand même pas ressenti ce besoin d'en faire toujours plus. Disons que je me suis battu en étant salarié de l'assurance maladie, en étant payé à l'acte. pour qu'on soit payé au forfait en fait, enfin pour qu'on soit sur des vacations horaires, voilà on est payé je sais pas 30, 40, 50 euros de l'heure, enfin peu importe, mais en tout cas d'avoir un salaire horaire, ça a jamais pu se faire, mais en tout cas moi je me suis battu contre mon propre mode de rémunération en fait, parce que je trouvais que c'était pas complètement sain, même si ça me faisait, enfin c'est pas en étant payé à l'acte que je gagnais des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, mais je milite contre en fait, je me tire une balle dans le pied si tu veux.

  • Speaker #0

    Cette réflexion sur le lien entre temps passé avec les patients et rémunération m'a toujours interpellée. C'est un dilemme que je vis quotidiennement en libéral. Est-ce juste que des dentistes qui s'investissent dans la relation passent du temps à écouter leurs patients et à les accompagner dans leurs soins, soient moins rémunérés que d'autres qui enchaînent les actes techniques sans cet investissement ? Le problème, c'est que ce temps passé n'est pas quantifiable, et aujourd'hui on vit dans une société qui valorise ce qui est quantifiable et mesurable. Est-ce que ce temps passé, à expliquer et à écouter, ne devrait pas être valorisé autant que la quantité d'actes réalisés ? J'ai récemment écouté un épisode du podcast Les idées larges de Laura Reim, dans lequel l'économiste Bernard Friot développe l'idée d'un salaire à vie. Selon lui, un salaire inconditionnel permettrait de s'affranchir du chantage à l'emploi. Cela m'a fait réfléchir. Pourrait-on imaginer un modèle où les dentistes reçoivent un salaire de base, indépendamment du nombre d'actes réalisés ou du temps passé avec les patients ? Ce serait une vraie question d'équité dans notre profession. Bien sûr, j'ai conscience que cette idée de nivellement ne va pas plaire à tout le monde, notamment à ceux qui considèrent leur investissement entrepreneurial ou technique comme un facteur de mérite. J'ai partagé cette idée avec Jérémy et voici ce qu'il en pense.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, je vois ce que tu veux dire. Et c'est plutôt le bon volet que tu expliques, parce qu'on pourrait très bien dire, il y a aussi des dentistes qui non seulement n'expliquent rien aux patients, mais qui en plus ne foutent rien. Donc il n'y a aucune raison qu'ils soient payés par aix que quelqu'un qui parle et qui au moins fait exactement ce que tu dis, qui prend le temps avec le patient de lui expliquer sa pathologie, d'essayer de l'accompagner dans son soin. Enfin oui, de l'accompagner. Moi, ce que je dis à tous mes patients, c'est que, enfin surtout en prison, parce qu'ils ne sont quand même pas tous...... Ils n'arrivent pas avec la banane, comme beaucoup de patients dans les cabinets, mais là on est sur des gens qui ont un problème avec les rapports sociaux. Donc il faut être très compliant, il faut vraiment s'adapter à chaque patient. Et je leur dis, déjà évidemment le consentement c'est évident, mais surtout moi je dis on est deux dans l'histoire, donc si vous ne m'accompagnez pas ou si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. Si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. J'ai besoin de vous, donc il faut que vous m'accompagniez, il faut que vous compreniez, il faut que je vois que vous êtes dans votre soin. Et tout ça, effectivement, c'est un temps très long. Après, on est face à des patients particuliers. Tous ne sont pas comme ça, mais il faut pouvoir prendre le temps avec chaque patient. C'est aussi l'intérêt de ce métier.

  • Speaker #0

    Ce que Jérémy souligne ici, c'est que le soin ne peut se résumer à une série d'actes techniques. Il nécessite du temps, de l'écoute et surtout une relation de confiance mutuelle. qui permet d'accompagner véritablement le patient dans son parcours de santé. Cette question du temps est complexe pour nous, praticiens libéraux. Chaque patient a des besoins uniques et le temps passé à les écouter, les rassurer, à expliquer leur pathologie ou le soin qu'ils vont recevoir, ne fait pas partie de ce qui est valorisé. Le temps nécessaire pour construire une relation de confiance, pour accompagner des décisions médicales délicates, comme des extractions par exemple, peut parfois s'étendre bien au-delà du simple acte technique. Mais en libéral, ce temps supplémentaire, comme on l'avait évoqué au-dessus, peut rapidement devenir une pression financière et mettre en péril la viabilité économique du cabinet.

  • Speaker #1

    C'est vraiment complexe la façon d'aborder la question du temps qu'on passe. Parce qu'effectivement, aujourd'hui, ce n'est pas un temps qui est rémunéré. Sauf qu'il est rémunéré en salariat quelque part. C'est-à-dire qu'on a des comptes à rendre aussi à nos financeurs. Quand on travaille dans un centre de santé, il faut qu'on rende des comptes. De dire à un dentiste qu'il ne faut rien, ça ne va pas du tout. Évidemment, c'est normal. Ce temps-là, effectivement, c'est un temps qui peut être utilisé et qui est nécessaire pour pouvoir faire un bon soin. Et puis surtout, ce qui est intéressant, c'est la suite. C'est-à-dire que l'objectif, c'est qu'ils comprennent pour pas... Enfin, moi, c'est ce que je leur dis, quand une dent doit être extraite, pour moi, elle est déjà extraite, en fait. Et on s'intéresse, je m'intéresse toujours aux autres dents, en fait. Et donc, l'objectif, c'est que les autres dents ne soient pas extraites. Et donc, quand je commence à discuter ou à reparler de prévention... à essayer de faire comprendre au patient ce qui se passe dans sa bouche. Moi, je lui dis, voilà, celle-là, on oublie. Voilà, cette dent-là, elle est comme ça, elle est arrivée à cet état-là, voilà, pour cette raison-là. Mais on ne va pas... L'important, c'est que les autres, celles qui sont là, vous avez encore plein de dents qui sont en bonne santé, il faut que ces dents-là, on les garde. On les garde, OK, c'est le contrat qu'on se fait ensemble, on les garde, etc. Et ça, c'est ce temps-là aussi. C'est comment faire comprendre qu'en fait, cette dent-là, OK, c'est terminé, mais les autres, il ne faut pas qu'elles finissent dans le même état. Et donc, il faut bien comprendre ce qui s'est passé pour celle-ci pour ne pas que ça recommence au niveau des autres. Et ce temps-là, c'est un temps qui n'est pas rémunéré quand on est en libéral. Le choix de l'exercice salarié, ce n'est pas toujours facile. Je te dis, en étant payé à l'acte pour l'assurance maladie, c'est pareil, ce n'était pas un temps rémunéré. Donc, quand moi je travaillais pour l'assurance maladie, j'y travaillais plus là, mais quand je travaillais pour l'assurance maladie, je me dis, le patient, il vient aussi nous voir parce qu'on a l'assurance maladie. On a une image à véhiculer qui est celle des professionnels et du droit à la santé, et des professionnels et de la prévention, des professionnels de la dentisterie. Et donc, il ne peut pas repartir comme s'il était une machine à créer du revenu pour un praticien, même si c'est effectivement ça qui se passe quand on est payé à l'acte. C'est comme ça que moi je le vois, je suis un peu dur avec la façon de faire, mais si ça ne convient pas, on change en fait. Si ça ne convient pas, il y a tellement de modes d'exercice possibles de ce métier. que si on n'est pas content dans le salariat, on peut aller dans le libéral, il y a l'embarras du choix, et si on n'est pas content en libéral, on peut aussi devenir salarié. Alors effectivement, des questions qui se posent aujourd'hui, c'est la rémunération mixte par exemple, d'avoir un fixe, qui permet pourquoi pas justement d'avoir ce temps qui n'est pas rémunéré, même si c'est scandaleux que ce soit pas rémunéré quand même quelque part. Mais avoir une rémunération fixe qui permet ce temps-là, et une rémunération variable, je te parle de ça pour des centres de santé, où c'est une discussion un peu en ce moment. pour pouvoir à la fois créer les deux, qu'on ne soit pas en train de faire du surtraitement et en même temps de rien glander, en se disant de toute façon que je fasse ou que je ne fasse pas, j'aurai la même somme à la fin du mois. Mais la réflexion sur les modes de rémunération, elle traverse aussi les centres de santé. Les associations, les syndicats dans lesquels je suis, c'est surtout des syndicats et des associations de centres de santé municipaux, mutualistes. et CEPAM essentiellement.

  • Speaker #0

    Donc là dans ces centres-là, tu disais qu'en fait il y a un fixe ?

  • Speaker #1

    En fait c'est pas ça, c'est que souvent il y a un fixe, très souvent. Enfin dans les centres municipaux ça le fait de moins en moins. Mais les réflexions aussi des gestionnaires de centres pour faire tourner leur service dentaire, c'est aussi de proposer une rémunération à l'acte pour motiver aussi les dentistes à travailler un peu plus. C'est ça qui est difficile.

  • Speaker #0

    on pourrait aussi imaginer un système qui mélange les rémunérations. Parce qu'il y a la rémunération à l'acte, la rémunération au forfait, il y a la capacitation aussi. Et puis, par exemple, certaines pathologies, comme peut-être la maladie parodontale, pourraient être plus propices au paiement au forfait.

  • Speaker #1

    Oui, par exemple, sur la consultation diabète aussi. C'est vrai que ça permet d'avoir une prise en charge plus globale et d'être plus... d'être plus juste au niveau du temps passé. Mais la crainte en faisant ça, c'est que quand j'entends les syndicats de dentistes libéraux qui réclament toujours plus d'augmentation sur la prise en charge, j'ai une crainte que rien ne change en fait, mais juste qu'ils gagnent plus. C'est-à-dire que je ne vois pas, si vraiment c'était ça, et que... les dentistes disent ok maintenant que le soin est mieux rémunéré au temps passé je vais vraiment passer plus de temps à le faire est-ce que la question c'est je passe le temps qu'il faut pour faire mon soin et puis tant pis si je suis pas bien payé parce que c'est comme ça ou alors je me déconventionne ou alors je fais du ornomenclature enfin bref ou est-ce que de toute façon je suis payé ça moi j'ai besoin de mettre pas plus de temps de temps sur tel soin donc je le fais dans ce temps là et qu'il soit bien ou pas bien je m'en fous parce que de toute façon voilà mais Je ne sais pas, je me dis qu'en augmentant les tarifs, ce qui va se passer, ce n'est pas que la durée du soin va augmenter, c'est que les dentistes gagneront plus, ils ne changeront pas leur mode de pratique. Je ne suis pas sûr, moi je n'y crois pas trop à ce mode de...

  • Speaker #0

    La question de la rémunération dans la pratique dentaire ne se limite pas à un simple calcul financier. Au-delà des tarifs et des modes de rémunération, il faut se poser une question peut-être plus profonde. Comment garantir que la qualité des soins et la relation avec le patient restent au centre de la pratique et non la rentabilité ? Pour Jérémy, augmenter les tarifs ne résoudra pas le problème fondamental de la valorisation du temps passé avec les patients et de la qualité des actes. Personnellement, je pense que les contrôles actuels, comme ceux sur la fraude à la sécurité sociale ainsi que les formations obligatoires ne suffisent pas. Il faudra aller plus loin, avec des contrôles plus poussés et plus personnalisés pour chaque praticien. Afin de vérifier régulièrement que leurs compétences sont à jour par rapport aux avancées de la science et que la qualité de leurs soins soit optimale. Je sais que cette idée ne fera pas l'unanimité et qu'elle risque même de déranger certains de mes confrères et consoeurs. Et honnêtement, je serais peut-être la première à râler si un tel système se mettait en place. Mais je crois que c'est une réflexion nécessaire pour garantir la qualité des soins dans notre profession.

  • Speaker #1

    Je suis complètement d'accord avec toi. Il y a plusieurs questions dans ce que tu dis. Effectivement, les questions de fraude à l'assurance maladie, ça c'est des choses qui sont régulièrement sanctionnées, que ce soit par l'ordre ou par des dépôts de plainte de l'assurance maladie sur des surcotations ou des actes fictifs. Bon, voilà, là, tout le temps, tous les mois, il y a des listes de dentistes qui sont publiques, qui permettent de voir qui est sanctionné, parce qu'il y a eu tant de dépassements, enfin pas de dépassements, mais d'actes fictifs, de fraudes à l'assurance maladie. D'ailleurs, je rappelle quand même que les premiers fraudeurs à l'assurance maladie, c'est les professionnels de santé, bien plus que les patients eux-mêmes. Ça, c'est des chiffres qui sont bien connus. Et les dentistes appartiennent à cette catégorie. Ils ne sont pas tous fraudeurs, mais en tout cas, c'est vrai que voir une radiopanoramie, combien de fois j'ai eu des... Moi, je ne l'ai jamais fait, mais des collègues qui ont fait leur stage de pratique chez des praticiens, à un moment, ils voient une panneau, ils cotent les composites sur la panneau, les amalgames, enfin tout ce qui est déjà coté une première fois, ils les cotent une deuxième fois, puis de toute façon, il n'y a rien qui prouve que ça n'a pas été refait. Enfin bref, c'est hyper facile de le faire. Et ça m'est encore apporté là par les étudiants que je reçois, les étudiants de sixième année, dans le cadre de leur stage d'intérêt général, qui font un stage pratique. chez des confrères et des consoeurs, ils me rapportent exactement la même chose. Et moi, j'entends déjà ça il y a 25 ans. Donc là, c'est quelque chose, c'est une pratique. Ce n'est pas généralisé, bien sûr, bien sûr, bien sûr, mais ce n'est quand même pas très compliqué. Ça existe. Et donc, effectivement, s'il n'y a pas plus de dentistes conseils de l'assurance maladie, ça pose un problème pour faire à la fois ces contrôles, qui sont des contrôles plutôt techniques, administratifs. Une dent qui est cotée deux fois en un an, ça doit pouvoir se contrôler facilement. Donc en fait, ce n'est pas tellement les dentistes conseils, c'est plus les gens de l'assurance maladie qui doivent vérifier qu'il n'y a pas le même acte qui a été fait deux fois ou trois fois en un an sur la même dent, ça paraît logique. Et en plus, effectivement, convoquer les patients pour vérifier la qualité des soins quand c'est fait. Ça permet d'éviter des dérives qu'on a pu en avoir ces dernières années. Dès l'instant qu'un dentiste est conventionné, ça veut dire qu'il accepte le mode de fonctionnement de l'assurance maladie. S'il accepte le mode de fonctionnement, ça veut dire qu'il accepte d'appliquer les tarifs de l'assurance maladie. Ça veut dire qu'il accepte d'être contrôlé par les dentistes conseils de l'assurance maladie. Là où moi ça me pose un problème, c'est toujours sur cette histoire du paiement à l'acte, parce que quand on dit aux dentistes ou aux médecins, c'est plus global, mais qui sont des salariés de l'assurance maladie, parce que quelque part, c'est de l'argent qui est de l'argent public, et ok, c'est pas la même poche, machin, enfin quelque part. Quand on dit que les professions libérales sont en fait salariées de l'assurance maladie, évidemment, il y en a plein qui s'étranglent et qui se disent c'est pas vrai, c'est n'importe quoi, machin, machin Mais en fait, si, c'est ça. Si les dentistes ou les médecins spécialistes veulent se déconventionner, c'est des menaces qu'on entend tout le temps avec les médecins, encore la semaine dernière, sur les consultations à 30 euros, moi, ça ne me pose aucun problème que les gens se déconventionnent. Au contraire, au moins, ça clarifie les choses. D'un côté, tu as ton entreprise privée, tu fais ce que tu veux. t'as des comptes à rendre à personne, de l'autre, si t'es conventionné, t'as des comptes à rendre. Et les comptes à rendre, il faut les accepter jusqu'au bout, en fait. Et si les patients ne viennent pas te voir, ils ne viendront pas te voir, et tant pis, tu te reconventionneras. Et c'est un peu en lien avec tout ça, c'est-à-dire la façon d'accepter le jeu, qui est loin d'être un jeu, parce que la question de la rentabilité, de la santé, c'est une question qu'on ne se pose pas quand on parle de police ou quand on parle d'armée. On ne se pose pas la question de savoir si un militaire est rentable ou pas. combien ça nous coûte, ou un policier. Vraiment, on pose la question sur l'éducation nationale, on pose la question sur la santé, beaucoup, sur tout un tas de services publics, sur l'armée, la police, et on ne va pas se mettre à dire comment on évalue le coût d'un policier, sa rentabilité, enfin voilà. La santé, pour moi, ce n'est pas une marchandise, clairement, et ça doit rentrer dans un... C'est un bien commun. Moi, la privatisation de cette santé, à travers la médecine libérale, l'onotologie libérale, tout ce que tu veux, ça me pose un problème. Ça me pose un problème, surtout quand on est dans une profession qui est libérale à 90

  • Speaker #0

    Ce pourcentage est en train de diminuer. Oui. On est plutôt autour de 84-85 Après, une vraie question dans ce que tu dis, c'est quand dans le libéral, il y a le mot liberté. Et je pense que pour avoir discuté avec pas mal de confrères, consœurs, quand je leur posais la question Pourquoi vous avez choisi ce métier ? Alors c'est vrai qu'à 18-19 ans, c'est rarement la vocation. Ça arrive, mais c'est quand même pas courant. Donc souvent, le mot qui revient, c'est l'indépendance. Et c'est une question aujourd'hui... que je trouve intéressante parce que finalement on est indépendant quand on est libéral et tout simplement quand on est un être humain parce qu'on ne vit que par interdépendance. Donc c'est un peu une illusion et c'est un petit peu... Tu vois, on reproche beaucoup à nos patients de penser que la santé est gratuite et en fait d'occulter que la sécurité sociale c'est une organisation solidaire. qui fait qu'en fait on peut bénéficier des soins pour tout le monde, quelles que soient les conditions de vie, quel que soit son statut socio-économique, parce que finalement on peut faire partie d'un milieu privilégié, et puis on peut aussi tout perdre et se retrouver dans des situations dramatiques. Donc cette solidarité elle est importante. Et ça, souvent, en tant que dentiste, on en fait le reproche aux patients en disant Oui, euh... Les gens veulent tout, pensent que c'est gratuit et c'est pas gratuit. Mais cette liberté que nous on revendique, est-ce qu'elle est réelle ? C'est ce que tu soulignais, c'est qu'on n'est pas libre de tout. Quand on adhère à la Convention, on est aussi tributaire de la sécu, effectivement. Et ça, je pense qu'on l'oublie.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui, t'as raison. Alors en fait, parce que souvent, c'est vrai que c'est ce qu'on me dit aussi quand tu parles de l'exercice libéral, indépendance, tout ça. Ça voudrait dire que quelque part, l'exercice salarié, c'est quelque chose où t'es pas indépendant. Alors en l'occurrence, moi, si j'ai une commande à faire, je fais une commande, en fait. Je peux commander un peu ce que je veux. Si c'est ça, l'indépendance, par exemple. Je peux traiter les dents de la façon que je veux. Je peux faire ce que je veux, en fait. J'ai une liberté, évidemment. qui n'est pas une contrainte imaginée peut-être par l'exercice libéral, ou en tout cas par les confrères ou les consoeurs qui exercent en libéral. Je suis indépendant dans mes plans de traitement, je suis indépendant dans les patients que je reçois. J'ai un petit peu de mal à voir en quoi on n'a pas le même métier, pour le coup. Et effectivement, tu as raison, je suis aussi dépendant d'une structure, mais comme les dentistes libéraux sont dépendants, comme tu viens de le dire, d'autres facteurs. L'assurance maladie, effectivement, si on ne veut pas être dépendant, il faut se déconventionner.

  • Speaker #0

    Cette idée d'indépendance est centrale dans les discussions sur le libéral. Pourtant, Jérémy pointe du doigt un paradoxe. Que l'on soit salarié ou libéral, nous sommes tous dépendants d'un système, que ce soit d'une structure de santé, de l'assurance maladie ou des contraintes financières liées à l'installation. L'indépendance absolue reste une illusion. Et en tant que praticien, nous devons jongler avec ces réalités, tout en cherchant à maintenir l'équilibre. entre notre liberté professionnelle et les obligations que nous impose le système de santé.

  • Speaker #1

    C'est une liberté peut-être d'organisation du temps de travail. Là, pour le coup, moi, je n'en ai pas. Et effectivement, c'est peut-être ça la valeur ajoutée de l'exercice libéral, en quelque part, même si tu n'as pas trop le choix, parce que je vois le nombre de personnes qui sont sorties de la fac en ayant des dettes dès le début à rembourser, et donc qui sont attachées au fauteuil du lundi au samedi de 8h du matin à 21h. Bon, parce qu'ils ont fait des gros crédits. Donc, effectivement, c'est un petit peu une bêtise, mais en fait, c'est un choix. de vie, qui a été fait d'emblée. Ils auraient pu faire un autre choix. Moi, j'ai fait un autre choix. Et il y en a d'autres qui travaillent trois jours par semaine et ils s'en sortent très, très bien.

  • Speaker #0

    C'est la difficulté quand tu commences un exercice, c'est que quand tu es jeune praticien, tu ne sais pas encore trop ce qui te correspond.

  • Speaker #1

    En fait, la question, c'est aussi qu'on te montre qu'il n'y a qu'une seule façon de travailler. Il y a quand même... Nous, c'est quelque chose, je dis nous, c'est avec d'autres confrères, deux centres de santé qui ne sont pas tous dentistes, mais l'idée quand même d'aller dans les universités pour montrer comment on travaille en salarié. Autrement que les centres locaux qui financent les soirées étudiantes aussi, j'ai appris ça. Donc évidemment, la vision qu'ont les étudiants des centres de santé, c'est ceux qui payent les pizzas et les bières. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est cité par différents profs d'université. Effectivement, c'est les centres qui payent aujourd'hui les soirées étudiantes. Donc c'est une image qui est, venez après chez nous, vous allez vous faire la main, et puis quand vous aurez surfacturé et surtraité, vous irez ouvrir votre cabinet. Ou vous ouvrirez vous-même un centre de santé, parce que certains étudiants m'ont dit aussi, c'est toujours les mêmes parce que je reçois mon stage d'intérêt général, que les rêves des étudiants aujourd'hui, ce n'est plus tellement de devenir dentiste, c'est de devenir gestionnaire d'un centre de santé.

  • Speaker #0

    Et là tu te dis merde, c'est pas possible. Donc en fait c'est de faire de la thune peu importe comment. Et bon enfin, encore une fois, j'espère que c'est à la marge, mais j'ai pas de chiffre là-dessus.

  • Speaker #1

    Je rejoins également ce que dit Jérémy sur le manque de modèle proposé aux étudiants. Quand j'étais en fac, on nous présentait surtout le libéral comme voie principale, presque comme une évidence. Monter son cabinet, c'était vu comme monter une petite entreprise, et le modèle salarial ou d'autres options étaient rarement abordés. Et puis, je pense que la société aujourd'hui valorise tellement ce modèle, de l'entrepreneur qui, seul à la sueur de son front, monte son entreprise et réussit financièrement, que je ne suis pas surprise que, comme il l'évoque, certains étudiants rêvent davantage de monter leur propre centre que de travailler comme dentiste. C'est une aspiration qui est presque devenue une norme avec l'idée que la réussite est liée à l'argent et à la gestion d'une entreprise.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même cette question de la réussite, de ce qu'est la réussite. Et dans notre milieu, l'idée quand même que si tu es en salarié, tu es un peu un loser. Enfin quand même, c'est quand même... Et moi, même, je reprends les exemples de la prison que j'expliquais tout à l'heure, mais les patients que je vois en prison, Ils pensent que moi aussi je suis puni en fait. Si je suis là, c'est que j'ai raté ma vie, j'étais incapable de monter un cabinet tu vois. Et il y a un peu l'idée mais... C'est marrant quoi. Bah oui, c'est marrant. Une fois qu'ils voient que ça se passe bien et que je ne suis pas déconnant, ils sont en mesure d'évaluer ma déconnance, ce qui est encore à prouver parce qu'ils ne peuvent pas trop vérifier ce que je fais. Mais en tout cas, il y a quand même cette idée... attendez mais vous êtes con vous vous avez un boulot vous pouvez vous réconcilier bien vous pouvez gagner mais laisse tomber là de l'argent quoi et vous êtes là à bosser en prison comme un con c'est un peu ça tu vois ça ça veut quand même dire que l'idée de la réussite est liée à l'argent elle est universelle elle n'est pas que de palier aux dentistes en fait non oui tu as raison mais quand même le tu vois là on t'a parlé d'entrepreneuriat tout à l'heure c'est et que effectivement monter un cabinet dentaire c'est monter une entreprise Moi, ça, c'est quelque chose qui est incompatible avec ce que je vois de ce que peut être la santé. On ne peut pas parler d'entreprise quand on parle de santé. Enfin, pour moi, c'est incompatible, en fait. C'est quelque chose qui est très compliqué.

  • Speaker #1

    En discutant avec plusieurs confrères, notamment autour du sujet du burn-out, un reproche revenait souvent. L'université ne nous forme pas à devenir des chefs d'entreprise, ni à gérer un cabinet comme une petite entreprise. Cette critique m'avait marquée, jusqu'à ce que Jean-Noël Vergne, professeur à l'université de Toulouse, et ancien invité de ce podcast, me fasse un retour. J'avais eu l'occasion de rencontrer Jean-Noël à Toulouse pour parler de ses recherches sur l'empathie, et depuis il est devenu un ami avec qui j'échange régulièrement. Lors de notre conversation donc, il m'a rappelé que, finalement, l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise. Cette remarque m'a permis de prendre du recul, car dans la difficulté, il est facile de chercher des responsables. Mais comme le disait Jérémy, la vision de la profession est souvent trop étroite et le libéral apparaît parfois comme la seule voie envisageable.

  • Speaker #0

    effectivement l'université au moins mais je rejoins ce que ce que dit jean noël verne l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise jamais c'est pas son c'est pas son rôle clairement pas son rôle et malgré tout il ya quand même des semaines d'insertion à la vie professionnelle qui sont opposés à l'université on explique je crois qu'un chident les trucs les machins l'urssaf et compagnie et ça c'est nouveau Mais je me souviens qu'il y a une dizaine d'années, je crois une quinzaine d'années, même les étudiants avaient fait grève parce que justement, on ne leur apprenait pas ce qu'était leur futur métier. C'est comme ça qu'ils le voyaient eux. Moi, j'avais trouvé ça scandaleuse, cette grève. On ne peut pas... Tu es des étudiants, tu n'es pas là pour apprendre à monter une boîte. Tu es là pour apprendre ton métier. Point. Barre. Tu n'es pas là pour savoir comment on règle les problèmes avec je ne sais pas quelle caisse de... Enfin, ce n'est pas la question. Ce n'est pas ça. Virons après. Après, ils se payent des formations, je ne sais pas. Voilà.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord, mais ceux qui font ce retour, c'est des gens, peut-être justement à qui ça ne convient pas et qui se rendent compte. C'est quand il y a un malaise, quand il y a une dissonance entre ce que tu pensais faire de ta vie et au final ce que tu fais de ta vie, que tu te poses ces questions-là. Après, quelle est la proportion de postes salariés ? Est-ce qu'il y en a... pas beaucoup, c'est pas infini tu vois.

  • Speaker #0

    Oui mais après si ça devient un choix facile, si demain matin les étudiants veulent travailler en centre de santé être salariés à l'hôpital Les postes vacants aujourd'hui, il y en a des tonnes, vraiment il y en a des tonnes, il y en a partout. Les dentistes aujourd'hui, c'est les rois du pétrole, ils vont où ils veulent. Ils peuvent récupérer un cabinet pour 1€ parce que les dentistes partent à la retraite, ils n'arrivent pas à vendre. Ils peuvent travailler à l'hôpital parce qu'il y a des postes de PH qui ne sont pas pourvus. Ils peuvent travailler dans les centres de santé parce qu'ils ont un taux de turnover important et puis les salaires dans les centres de santé sont moins importants que dans le camp libéral. Donc il y a peu de personnes qui travaillent en centre de santé.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que tu disais tout à l'heure, là, c'est des services où ça sera à nous de nous déplacer. Et donc ça, sur Paris, il y a peut-être plus d'offres, mais dans les villes comme les miennes, je suis sûre que demain, je vais au centre hospitalier ou dans le service psychiatrie ou à l'EHPAD, et je leur dis, voilà, moi, je suis partante pour venir une journée par semaine ou une journée tous les 15 jours dans votre unité, je pense qu'il n'y a pas de souci.

  • Speaker #0

    Tu donnes toi-même les exemples. Il y a de quoi faire énormément, il y a des besoins partout. Le problème c'est aussi, est-ce que c'est vraiment une envie d'aller faire ça par les confrères, tout ce qu'on entend, ou est-ce que c'est monter son entreprise, et puis faire ce que fait le voisin d'à côté, rajouter un camé d'enterre, là où il y en a déjà 25 au mètre carré.

  • Speaker #1

    Parfois, comme évoqué avec Jérémy, J'ai envisagé cette possibilité de proposer mes services à des hôpitaux, à des EHPAD ou à d'autres institutions qui en auraient besoin. Mais en entendant parler du mal-être des soignants dans ces structures, je dois avouer que je freine des cas de fer. Avec tout ce que j'ai déjà à gérer au quotidien, je me dis que je n'ai pas forcément l'énergie ou l'envie de me rajouter de nouvelles contraintes. Même si Jérémy semble épanoui et satisfait de son choix, ce que je vois et j'entends du milieu hospitalier ne me fait pas rêver. Et même si je sais que, comme tout le monde, je ne suis pas vraiment libre ou indépendante, parce que je suis conventionnée, et parce que nous sommes tous interdépendants d'une manière ou d'une autre, je reste tellement attachée à cette croyance que je suis mon propre chef dans mon cabinet que je pense que j'aurais vraiment du mal à m'adapter au monde du salariat. Toi, tu travailles combien de jours ?

  • Speaker #0

    Moi, je travaille 4 jours par semaine.

  • Speaker #1

    Et tu peux nous dire quel est ton salaire ? Ou c'est quelque chose que tu n'aimes pas dire ?

  • Speaker #0

    Non, bien sûr, il n'y a pas de problème. Moi, en étant à l'hôpital, je suis sur une grille de praticiens hospitaliers. Donc, c'est la grille des praticiens hospitaliers. Alors attends, que je te le donne, parce que comme je n'ai pas un travail à temps plein à l'hôpital, je suis à 40%. Ça peut se trouver exactement... Voilà, c'est un temps plein à 5200 euros bruts. Donc sur 100%. Moi, je suis à 40%, donc je dois être à 2000 euros. C'est à peu près... Ouais, c'est ça. 2000 euros. Pour deux jours par semaine. Ah oui.

  • Speaker #1

    Et donc,

  • Speaker #0

    tu me cadres ? Pour le premier poste. Poste à l'hôpital. Pour le poste au conseil départemental, je suis payé à l'heure. Donc en fait, je suis payé 50 euros bruts. de l'heure. Donc je compte mes heures. Tu vois, hier j'étais où hier ? Hier j'ai accueilli les étudiants le matin donc j'ai compté trois heures parce qu'on a fait l'organisation du bus, voilà, plus de la coordination sur des nouveaux comptes rendus qu'on est en train de mettre en place, des liens avec Médecins du Monde avec qui on travaille, voilà. Donc je compte des heures. Si je fais trois heures, je compte 150 euros. Enfin je les remplis tous les mois en fait. Et puis le jeudi... Pareil, aujourd'hui je suis au département et ce matin j'étais un médecin du monde avec des unités mobiles, j'ai passé 3 heures à médecin du monde donc je vais coter 3 heures au département pour aujourd'hui. Tu vois, mais c'est ça, si on compte sur des journées classiques de 7h, ça te fait 350€ par jour donc 700€ par semaine x 4, 2100€ donc en fait c'est à peu près le pareil, je suis à 4000€ à peu près, que je me plaigne.

  • Speaker #1

    Et tu fais quoi comme horaires ?

  • Speaker #0

    9h, midi, 14h, 17h30 à l'hôpital, et au département, 9h, plutôt 13h, 14h, 17h. C'est 7h dans les deux cas, en fait. C'est des horaires, vraiment, c'est des horaires 35h. Et je n'ai pas de garde, je n'ai pas de jour férié. Tu n'as pas de garde ? Non. C'est pas juste ! Non, je suis d'accord avec toi, et c'est pas faute de l'avoir réclamé. Les gardes, je ne sais pas pourquoi, je paye ma cotisation à l'ordre. Enfin, je dis ça, mais en fait non, je l'ai reçue cette semaine, je ne l'ai pas payée, il faut que je la paye. Mais je ne fais pas partie du tableau de garde, je ne sais absolument pas pourquoi, ni les collègues qui sont dans les centres de santé. Je ne sais pas pourquoi on ne fait pas partie de cette permanence de soins. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Si je compare à mon activité en libéral, je réalise que nos rémunérations sont finalement assez similaires. D'autant que je travaille trois jours par semaine. Aujourd'hui... je me prends un peu moins la tête au sujet de la rentabilité, même si ma principale crainte reste de mettre en péril le cabinet dans lequel nous sommes aujourd'hui 4 associés, dont mon mari. Mais pour le moment, ce n'est pas un souci. A mes débuts, avoir un salaire fixe m'aurait sûrement aidé à mieux gérer un budget. Pourtant, avec le temps, j'apprends à relativiser. J'ai un travail utile, que j'aime, et j'ai de quoi vivre confortablement bien plus que la plupart des gens que je côtoie. Et j'en parlais, il y a deux semaines j'étais de garde et en fait une étudiante de Bordeaux m'avait appelée pour prendre ma garde. Mais je lui ai dit ok pas de soucis mais je la fais avec toi parce qu'on est quand même assez submergée d'urgence les jours de garde à Périgueux. Et je voulais pas la laisser toute seule dans un cabinet qu'elle connaît pas, je trouvais pas ça cool quoi. Puis moi j'aime bien, donc je suis allée avec elle. Et à la fin elle me disait tu vois le stage actif. C'est bien et c'est pas bien parce que déjà ces deux mois c'est un peu court elle dit la sixième année on fait pas grand chose on s'ennuie un peu enfin je pense que c'est un peu comme ça l'a été nous on a été dans les premiers à avoir la sixième année et on faisait pas grand chose de cette année et elle me disait ça serait ça serait chouette toi d'avoir des centres où les étudiants seraient salariés chapeautés par des dentistes expérimentés Et ils pourraient faire leur sixième année, donc ça serait obligatoire et pas facultatif, et dans des zones où il y a un vrai besoin. Donc tu répondrais à la fois à un besoin de santé publique et à la fois à ce campagnonnage qu'on cherche toute notre carrière.

  • Speaker #0

    Je suis tout à fait d'accord avec ce principe. Et pour moi, c'est un peu un dû, en fait. Ça a l'air bizarre comme ça, mais c'est l'idée que... Je vais reparler encore de l'armée, mais tu vois, un pilote d'hélicoptère dans l'armée, s'il est formé comme pilote d'hélicoptère dans l'armée, il doit 10 ans à l'armée pour rembourser sa formation de pilote d'hélicoptère. Un médecin, un dentiste, c'est des étudiants qui coûtent très cher. Un étudiant lambda, la moyenne de, je crois, un étudiant, ça coûte 15 000 euros par an à l'État. En moyenne. Un étudiant dentaire, il coûte beaucoup plus cher que ça. La médecine aussi. La moindre des choses, ce serait de rembourser ce qu'il a coûté à la société, soit par l'intermédiaire de ce stage de 6e année dans un endroit, dans un désert, ou même de s'installer dans un lieu où, temporairement, un cabinet dédié à cette année de tampons entre la fin de la fac et le début de l'exercice professionnel, quel que soit le mode d'exercice, mais d'avoir, comme les profs, d'envoyer les dentistes comme on envoie les profs. Les profs, on ne leur demande pas trop leur avis sur à quel endroit ils veulent aller. Ils sont obligés de se marier pour pouvoir partir ensemble dans des lieux où il y a des manques, où il y a des écoles qui ferment, des écoles qui ouvrent, etc. Et s'ils ne jouent pas le jeu là-dessus, ils sont obligés de quitter l'éducation nationale. La question des aires médicaux, de l'exercice et surtout de l'installation, Pour moi, la seule façon de ne plus avoir de désert, c'est aussi de provoquer cette installation forcée, parce que je vais encore me faire des ennemis, mais moi je ne suis pas pour... De la même façon qu'il y a des profs dans les endroits où il n'y a pas de... Enfin, c'est plus compliqué, mais je pense qu'avoir des zones dédiées avec des dentistes qui se relaient à la fin de leurs études, de leur début d'exercice professionnel, et puis une fois qu'ils ont fait leur année... dans ce désert et bah hop ils vivent leur vie mais au moins ils ont remboursé entre guillemets leur dette je le fais courant parce que c'est un peu plus compliqué que ça mais enfin je sais pas si c'est ça que tu avais en tête mais moi c'est un peu ça qui est complètement complètement mais à la fois d'utiliser les étudiants de sixième année parce qu'effectivement tu as raison ils savent pas trop quoi faire tu as raison entre le stage d'intérêt général le stage actif la thèse les stages toujours à la fac ils ont un emploi du temps un peu compliqué, et puis il n'est pas forcément complètement rempli, enfin, ils ont tous des emplois du temps complètement différents, ce serait l'occasion de pouvoir voir tout ça, tous ces modes d'exercice. Mais c'est compliqué encore aujourd'hui, en stage actif par exemple, de travailler dans un centre de santé public. Ça se fait de plus en plus, mais ce n'est pas encore complètement fluide. Et puis, il n'y en a pas partout. Parce que c'est vrai que c'est une particularité très parisienne d'avoir des centres de santé municipaux qui tournent encore pas mal, en plus dans la banlieue de Paris.

  • Speaker #1

    Et puis d'avoir la possibilité... voir peut-être l'obligation, je ne sais pas, encore une fois, on n'aime pas trop les contraintes, mais de devoir aussi explorer différentes formes d'exercices, c'est-à-dire voir ce que c'est que de travailler en milieu hospitalier, de voir ce que c'est que de travailler en centre mutualiste, de voir ce que c'est que de travailler en libéral, mais de pouvoir en fait faire un choix qui soit éclairé et pas un choix qui soit... orienté parce que tout le monde fait comme ça. Si tu veux, moi je me suis jamais posé la question, même. Bon, la recherche, je pense que même encore aujourd'hui, ça serait pas un choix. Parce que c'est... Je trouve ça passionnant, mais si tu veux, je sens que c'est pas du tout ce qui m'attire. Mais en revanche, je trouve que c'est trop fermé en fait, c'est trop cloisonné, c'est trop... en fonction des rencontres que tu fais, il faudrait avoir la possibilité d'explorer ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai que ton choix d'exercice va dépendre beaucoup des rencontres que tu vas faire, dans ta vie, des gens que tu vas rencontrer, et ça va être peut-être même lié au hasard de se retrouver dans un... de penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas pensé spontanément parce qu'on ne te l'a pas montré à la fac. Et c'est vrai que... Moi c'était comme ça il y a 25-30 ans. Aujourd'hui c'est peut-être un petit peu moins vrai parce que... Il y a de plus en plus d'étudiants qui voient un peu ce qu'est l'exercice en centre de santé. Mais pouvoir essayer, pratiquer différentes façons, c'est une très bonne idée. C'est ce qui devrait être fait. Mais pour ça, il faut qu'il soit bien accueilli. Aujourd'hui, le stage actif, ça se passe à l'envers. C'est-à-dire que c'est l'étudiant qui va voir un dentiste, qui lui dit... Est-ce que tu veux bien être mon maître de stage ? Le dentiste dit oui, il signe, il envoie le papier à l'ordre et puis il accueille l'étudiant qui en plus veut être payé pour les actes qu'il fait alors que c'est un stage actif. Donc normalement, ce n'est pas rémunéré sur des actes réalisés. C'est une autre question, mais les étudiants que je vois, ils me disent que ce n'est pas normal. Il y en a qui sont payés, d'autres qui ne sont pas payés. Et là, on confond l'apprentissage et l'exercice. Si c'est travailler, ils travaillent, mais ce n'est plus un stage actif. Mais l'objectif du stage actif, ce n'est pas d'être rémunéré pour les actes qu'on fait, c'est de voir comment fonctionne un cabinet dentaire. C'est justement d'avoir toutes ces problématiques que tu évoquais tout à l'heure, qui ne sont peut-être pas apprises à la fac, mais justement, en allant dans un cabinet et en faisant ce stage actif, ça permet de voir toutes les contraintes administratives liées à faire tourner une entreprise, pour le coup. Mais d'après ce que je sais, ce n'est pas toujours le cas, parce que les confrères et les consoeurs mettent un fauteuil à disposition de l'étudiant, et puis ils lui font son chiffre sur le mois, et puis ils le payent en fonction de ce qui rentre. Et c'est pas l'objectif du tout du stage. Je te le fais court aussi là, mais j'ai l'impression que c'est pas encadré. Et de fait, il n'y a pas besoin d'être formé en pédagogie, par exemple, pour être maître de stage, pour un stage actif d'étudiant. Alors que c'est un stage, il faut pouvoir encadrer un étudiant. Tous les dentistes sont pas en mesure d'encadrer un étudiant et de lui transmettre des choses. Il faut être formé pour ça. Je crois que l'idée, c'est plutôt de faire à l'envers, d'avoir un pool. de mettre de stage dans différents modes d'exercice, et après c'est les étudiants qui vont choisir ce qui leur est proposé, c'est ce qui devrait être comme ça en fait, pas l'inverse. Aujourd'hui c'est l'inverse qui se pose. Et quand un étudiant veut venir faire son stage actif dans un centre de santé, c'est encore plus compliqué, et puis il arrive que les formalités soient encore plus difficiles à obtenir pour les centres de santé que pour l'exercice libéral. Donc, par défaut, les étudiants se retournent vers l'exercice libéral qui est beaucoup plus souple. En tout cas, tout existe depuis très longtemps pour ce mode d'exercice, en tout cas, recevoir des étudiants dans les cabinets de l'hôpital.

  • Speaker #1

    Au cours de sa discussion avec Jérémy, nous avons exploré de nombreux aspects de notre métier, de la gestion du temps et de la rentabilité dans l'exercice libéral, à la diversité des modèles d'exercice disponibles, comme le salariat en centre de santé ou à l'hôpital. Jérémy a partagé sa vision d'un exercice salarié épanouissant, avec des horaires cadrés et une rémunération stable, tout en affirmant avec conviction que la rémunération à l'acte et l'exercice libéral, qui placent le dentiste en position de chef d'entreprise, ne sont pas compatibles avec le soin. Pour lui, c'est même antinomique. La santé et l'entrepreneuriat ne peuvent être confondus. De mon côté, j'ai mis en lumière mes propres questionnements autour de la gestion d'un cabinet libéral et de la pression que cela peut engendrer. Nous avons également discuté des limites du modèle libéral, qui reste souvent la seule voie présentée aux étudiants, et du besoin d'offrir d'autres options, plus équilibrées, dans lesquelles l'argent ne deviendrait pas la finalité. Finalement, une question reste centrale. Comment mieux former les futurs praticiens ? Comment les accompagner pour qu'ils trouvent une voie qui leur convienne vraiment et qui ne soit pas nécessairement le libéral ? Comment mettre en place un compagnonnage solide qui leur permette de concilier le soin et la rentabilité sans que l'argent devienne un objectif en soi ? Il est essentiel d'accompagner les jeunes praticiens à entrer dans la vie professionnelle en leur rappelant qu'ils ont choisi un métier de soin et non celui d'entrepreneur. Le vrai défi, c'est de leur offrir des expériences diversifiées en milieu hospitalier en centre mutualiste ou même dans la recherche, afin qu'ils puissent faire un choix éclairé et aligné avec leurs valeurs, plutôt que de simplement suivre la voie que tout le monde emprunte. Merci beaucoup à Jérémy pour sa participation et pour ses réflexions si enrichissantes sur notre métier. Un grand merci également à Pauline pour le montage, à Maxime Wattieu pour la musique et à Camille Covez pour l'illustration de cet épisode. Le prochain épisode, qui viendra clore cette série sur l'argent, sortira à mon retour de Madagascar. Nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani, un sujet passionnant et crucial pour notre profession. Alors restez à l'écoute. Je vous rappelle l'importance de mettre des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée et de vous abonner, de partager tout autour de vous et si vous le souhaitez, de soutenir le podcast sur Tipeee pour me permettre de continuer à produire du contenu de qualité. Je vous mets tous les liens dans le descriptif de l'épisode. Merci encore pour votre soutien et à très bientôt.

Description

Mon Voyage à travers l'Argent en dentisterie, est une série dans laquelle nous allons naviguer dans les eaux profondes et souvent troubles de l'argent. Je vous invite à explorer avec moi un sujet bien plus complexe et entrelacé que je ne l'aurais jamais imaginé.

Dans cette série, nous sonderons des réflexions sur le rôle de l'argent, notre relation avec celui-ci, et comment il façonne discrètement, mais puissamment, notre approche de la dentisterie. Entre récits personnels, témoignages et parole d'expert·es, chaque épisode enrichira notre compréhension de ces dynamiques complexes.


Épisode 7 : Au delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin

Dans cet épisode, j’accueille Jérémie Bazart pour une conversation passionnante autour de la rémunération des dentistes, du modèle libéral, et de la formation des jeunes praticien·nes. Ensemble, nous questionnons la compatibilité entre l’exigence de rentabilité du modèle libéral et l’essence du soin. Jérémie partage son expérience de praticien salarié, où il trouve un équilibre entre qualité des soins et stabilité financière. Nous discutons aussi des défis de la formation universitaire : pourquoi l’université ne forme-t-elle pas les dentistes à devenir des chefs d’entreprise ? Et comment aider les jeunes à explorer différents modèles d’exercice au-delà du libéral ? Une réflexion profonde sur l’avenir de la profession, à écouter sans modération !


Dans cet épisode, Jérémie évoque à plusieurs reprises le sujet du déconventionnement, le thème de l'épisode précédent avec la docteure Pauline Chardron-Mazière. N'hésitez pas à l'écouter si ce n'est déjà fait 😉


🎧 Écoutez l’épisode dès maintenant et n’oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer le prochain, où nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani !


Bonne écoute 😉


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Le montage a été réalisé par Pauline Bussi 

https://le-son-libre.fr/creations-sonores/ 

La musique a été composée spécialement par Maxime Wathieu

L'illustration réalisée par Camille Cauvez


Merci au docteur Jérémie Bazart pour son partage d'expérience si précieux.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de mon voyage à travers l'argent en dentisterie. Je suis Florence Echeverry, chirurgien dentiste et productrice de ce podcast. Aujourd'hui j'accueille Jérémy Bazar, chirurgien dentiste omnipraticien dans le département de la Seine-Saint-Denis. Jérémy exerce également comme praticien hospitalier à la maison d'arrêt de Paris et il est aussi journaliste scientifique, membre de l'association des acteurs de la santé publique bucco-dentaire et de l'association des journalistes scientifiques de la presse d'information. J'ai souhaité discuter avec Jérémy car ces derniers temps, l'exercice salarié me questionne. A la sortie des études, je voyais l'exercice libéral comme synonyme de liberté, influencé par mon père qui avait créé son entreprise pour ne plus dépendre d'un supérieur. Mais aujourd'hui, je doute. En tant que praticienne libérale, je me sens davantage soignante que chef d'entreprise. Travailler dans un cabinet à mon image, entouré d'une équipe que j'aime et que j'ai choisie quelque part, avec des patients qui me correspondent, est un véritable confort. Mais la question du paiement à l'acte me perturbe. La santé n'est pas, à mes yeux, une activité scalable ou rentable comme une autre. Le paiement à l'acte peut inciter à multiplier les soins, parfois au détriment de la relation de soins et de l'écoute, ou encore à pratiquer des actes non pris en charge, NPC, avec des tarifs élevés, inaccessibles à tous. En fait, je ressens une forme d'ambivalence. Je suis attirée par la stabilité du salariat, mais surtout, je me demande si le modèle économique salarié n'est pas finalement plus compatible avec une pratique de soins plus centrée sur l'humain. Pourtant, je ne me sens pas prête à renoncer aux avantages du libéral. Épisode 7, au-delà du libéral, choisir ses valeurs dans le soin. Avant de plonger dans notre conversation, je souhaite également vous parler de notre mission imminente à Madagascar. Dans quelques jours, je pars avec Cécile, mon assistante, pour une mission humanitaire aux côtés de personnes formidables, comme Gérard, un dentiste à la retraite, et Dominique, sa femme, enseignante retraitée. Nous avons besoin de votre soutien. pour l'achat de matériel d'enregistrement, la création musicale et le montage de l'épisode. Vos dons seront précieux pour me permettre de documenter et partager cette expérience exceptionnelle. Petite précision avant de continuer, si vous entendez des bruits de fond, comme des coups de marteau piqueur, c'est parce que des travaux avaient lieu juste devant chez moi le jour de l'enregistrement. Ça ne dure pas trop longtemps, mais j'espère que ça ne perturbera pas trop votre écoute. Maintenant, place à notre conversation avec Jérémy.

  • Speaker #1

    Donc moi j'ai un double statut, je suis praticien hospitalier à l'hôpital Cochin, je dépends de la fonction publique hospitalière, je suis membre d'une unité d'un service hospitalier qui s'appelle une UXA, une unité de consultation de soins ambulatoires, c'est des unités déportées de l'hôpital vers les prisons. Donc c'est un service dans la prison, c'est un service hospitalier dans la prison, c'est pas un service qui appartient à l'administration pénitentiaire, mais c'est l'hôpital qui va dans les prisons. Donc c'est un service très complet avec des kinés, des infirmiers, des aides-soignants, des médecins, des médecins spécialistes, un service de psychiatrie, des addictologues, enfin bref, tout un tas de professionnels qui prennent en charge les détenus et donc aussi des dentistes. Et puis mon autre activité, c'est donc, je suis contractuel vacataire de la fonction publique territoriale, cette fois-ci, donc ça c'est pour le, je travaille pour le département de la Seine-Saint-Denis dans une unité... Je suis dentiste référent du centre mobile dentaire du département. C'est un dispositif qui est composé de deux choses. La première chose, c'est un bus. C'est un boostone qui est aménagé en cabinet dentaire. C'est un cabinet sur roue avec tout ce qu'il y a, une stérilisation, une radio. Et puis un cabinet, c'est une salle d'attente, on monte les dossiers patients, etc. Et c'est également des unités mobiles. Donc là, c'est un dispositif plus petit. C'est typiquement des petites unités qui vont dans les EHPAD, c'est assez connu pour ça, mais nous on va aussi dans les écoles, dans les centres d'accueil pour la réduction des risques des usagers de drogue, dans les foyers d'OMA, dans les associations de jeunes travailleurs, dans les foyers pour les personnes en situation de handicap. dans les ESAT, les établissements d'insertion par le travail pour les personnes handicapées. Bref, tout. En fait, c'est le dispositif d'aller vers, donc aller vers les structures, aller vers les gens qui ne vont pas voir le dentiste.

  • Speaker #0

    Le dispositif Aller vers, mis en place en 2017, vise à rendre les soins plus accessibles en se déplaçant vers des populations vulnérables, souvent éloignées des circuits de santé traditionnels. Cette initiative, portée par le ministère de la Santé, a pour objectif d'assurer un accès aux soins aux personnes qui, pour diverses raisons, ne consultent pas spontanément. Cela inclut les écoles, les EHPAD, les foyers et bien d'autres structures. Toi, ça a été un choix ou ça a été le hasard qui t'a conduit à rentrer dans le salariat ?

  • Speaker #1

    C'est quand même un environnement où l'argent est, au cours des études, où l'argent est très très présent, les discussions ne sont pas, ça ne m'intéressait pas. Et donc c'est vrai que très rapidement on se trouve avec un groupe de copains qui est quand même très restreint et on décide ensemble de réaliser son métier en rapport avec ses valeurs. Et on s'aperçoit que ça ne va pas être, ça ne va pas matcher. Donc il faut trouver quelque chose qui, enfin moi ce qui m'intéressait, si j'ai... Si je suis allé au bout de ces études-là, c'était aussi parce que je me suis dit, bon, je vais jusqu'au bout, mais je sais que quand je serai grand, quand je serai un vrai dentiste, je serai toujours en rapport avec mes valeurs et je ne mettrai pas l'argent au centre. Au moment des études, c'est vraiment un trop. On parle trop d'argent. On est des étudiants. Ce n'est pas l'objectif. Ce n'est pas le lieu. Ce n'est pas le moment.

  • Speaker #0

    Jérémy soulève ici une question essentielle que je me pose également. Comment concilier nos valeurs de soignants avec un modèle économique qui semble parfois donner trop d'importance à l'argent ?

  • Speaker #1

    Dans l'environnement de travail et l'environnement universitaire, j'ai trouvé que c'était un sujet qui prenait énormément de place. Et compris en dehors, parce que quand on parle des dentistes dans la société en général, on sait bien que ce sont des métiers qui ne sont pas à plaindre. Il y a toute une image dans les représentations, mais ce n'est pas complètement faux. Ça parlait quand même beaucoup d'argent. Donc l'idée, c'est effectivement que j'exerce mon métier. de manière complètement de déconnecter l'argent de ce métier et de me reconcentrer sur le soin. Et la seule façon pour moi de pouvoir soigner les gens, les patients, sans avoir un dollar ou un euro qui s'affiche en tête, c'était d'être salarié et de ne pas savoir combien j'allais... Enfin, je veux dire, de soigner les gens, ça va avoir une bouche sous les yeux. Je m'en fous de savoir combien elle va me rapporter. Et quand je vois les différents plans de traitement qui sont faits par des confrères, ou quand on voit dans les centres locaux, quand on voit que les gens repartent avec des plaquettes extraordinaires, avec un montant derrière, c'est pas quelque chose qui... Moi je vois des gens qui ont des besoins et je me dis allez, j'y vais, peu importe combien ça coûte, c'est pas mon sujet en fait C'est le paiement à l'acte que je remets en question, sur la façon de soigner les gens. Je pense que le paiement à l'acte est difficilement compatible avec un soin de qualité en fait. Et donc j'ai essayé d'exercer en salarié, enfin j'ai voulu exercer en salarié pour pouvoir extraire cette donnée de mon plan de traitement.

  • Speaker #0

    Et effectivement, moi c'est toutes ces questions qui m'ont menée aussi à travailler sur ce sujet de l'argent, parce que c'est aussi le constat que je fais moi en libérale. J'ai pas l'impression d'arriver... L'équilibre est très difficile à trouver entre le soin et la rentabilité. Donc même quand on a envie de bien faire notre métier et qu'on est consciencieux, on est de toute façon confronté à cette réalité qui est que si on veut travailler dans un environnement agréable et aussi pas s'épuiser, donc avoir une secrétaire, avoir une assistante, avoir un beau plateau technique, il va falloir... rentrer des sous et de plus en plus. Et donc, ça veut dire qu'au lieu de penser aux besoins du patient, on a toujours cet œil sur le compteur horaire qui tourne.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Après, je te dis, c'est quelque chose que j'ai voulu extraire d'emblée. Je n'ai jamais voulu... Alors, il se trouve que mes premiers postes, c'était des postes dans un centre d'examen de santé pour l'assurance maladie à la Courneuve. et qu'ensuite j'ai embrayé sur des remplacements dans des centres municipaux de santé, notamment à Tremblay en France, et puis aussi pour l'assurance maladie. Là, j'étais payé à l'acte, mais le fait d'être payé à l'acte, il y a une petite contradiction dans ce que je dis. Même en étant payé à l'acte, je n'ai quand même pas ressenti ce besoin d'en faire toujours plus. Disons que je me suis battu en étant salarié de l'assurance maladie, en étant payé à l'acte. pour qu'on soit payé au forfait en fait, enfin pour qu'on soit sur des vacations horaires, voilà on est payé je sais pas 30, 40, 50 euros de l'heure, enfin peu importe, mais en tout cas d'avoir un salaire horaire, ça a jamais pu se faire, mais en tout cas moi je me suis battu contre mon propre mode de rémunération en fait, parce que je trouvais que c'était pas complètement sain, même si ça me faisait, enfin c'est pas en étant payé à l'acte que je gagnais des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, des milliers, mais je milite contre en fait, je me tire une balle dans le pied si tu veux.

  • Speaker #0

    Cette réflexion sur le lien entre temps passé avec les patients et rémunération m'a toujours interpellée. C'est un dilemme que je vis quotidiennement en libéral. Est-ce juste que des dentistes qui s'investissent dans la relation passent du temps à écouter leurs patients et à les accompagner dans leurs soins, soient moins rémunérés que d'autres qui enchaînent les actes techniques sans cet investissement ? Le problème, c'est que ce temps passé n'est pas quantifiable, et aujourd'hui on vit dans une société qui valorise ce qui est quantifiable et mesurable. Est-ce que ce temps passé, à expliquer et à écouter, ne devrait pas être valorisé autant que la quantité d'actes réalisés ? J'ai récemment écouté un épisode du podcast Les idées larges de Laura Reim, dans lequel l'économiste Bernard Friot développe l'idée d'un salaire à vie. Selon lui, un salaire inconditionnel permettrait de s'affranchir du chantage à l'emploi. Cela m'a fait réfléchir. Pourrait-on imaginer un modèle où les dentistes reçoivent un salaire de base, indépendamment du nombre d'actes réalisés ou du temps passé avec les patients ? Ce serait une vraie question d'équité dans notre profession. Bien sûr, j'ai conscience que cette idée de nivellement ne va pas plaire à tout le monde, notamment à ceux qui considèrent leur investissement entrepreneurial ou technique comme un facteur de mérite. J'ai partagé cette idée avec Jérémy et voici ce qu'il en pense.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, je vois ce que tu veux dire. Et c'est plutôt le bon volet que tu expliques, parce qu'on pourrait très bien dire, il y a aussi des dentistes qui non seulement n'expliquent rien aux patients, mais qui en plus ne foutent rien. Donc il n'y a aucune raison qu'ils soient payés par aix que quelqu'un qui parle et qui au moins fait exactement ce que tu dis, qui prend le temps avec le patient de lui expliquer sa pathologie, d'essayer de l'accompagner dans son soin. Enfin oui, de l'accompagner. Moi, ce que je dis à tous mes patients, c'est que, enfin surtout en prison, parce qu'ils ne sont quand même pas tous...... Ils n'arrivent pas avec la banane, comme beaucoup de patients dans les cabinets, mais là on est sur des gens qui ont un problème avec les rapports sociaux. Donc il faut être très compliant, il faut vraiment s'adapter à chaque patient. Et je leur dis, déjà évidemment le consentement c'est évident, mais surtout moi je dis on est deux dans l'histoire, donc si vous ne m'accompagnez pas ou si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. Si vous n'êtes pas avec moi, je ne peux pas le faire. J'ai besoin de vous, donc il faut que vous m'accompagniez, il faut que vous compreniez, il faut que je vois que vous êtes dans votre soin. Et tout ça, effectivement, c'est un temps très long. Après, on est face à des patients particuliers. Tous ne sont pas comme ça, mais il faut pouvoir prendre le temps avec chaque patient. C'est aussi l'intérêt de ce métier.

  • Speaker #0

    Ce que Jérémy souligne ici, c'est que le soin ne peut se résumer à une série d'actes techniques. Il nécessite du temps, de l'écoute et surtout une relation de confiance mutuelle. qui permet d'accompagner véritablement le patient dans son parcours de santé. Cette question du temps est complexe pour nous, praticiens libéraux. Chaque patient a des besoins uniques et le temps passé à les écouter, les rassurer, à expliquer leur pathologie ou le soin qu'ils vont recevoir, ne fait pas partie de ce qui est valorisé. Le temps nécessaire pour construire une relation de confiance, pour accompagner des décisions médicales délicates, comme des extractions par exemple, peut parfois s'étendre bien au-delà du simple acte technique. Mais en libéral, ce temps supplémentaire, comme on l'avait évoqué au-dessus, peut rapidement devenir une pression financière et mettre en péril la viabilité économique du cabinet.

  • Speaker #1

    C'est vraiment complexe la façon d'aborder la question du temps qu'on passe. Parce qu'effectivement, aujourd'hui, ce n'est pas un temps qui est rémunéré. Sauf qu'il est rémunéré en salariat quelque part. C'est-à-dire qu'on a des comptes à rendre aussi à nos financeurs. Quand on travaille dans un centre de santé, il faut qu'on rende des comptes. De dire à un dentiste qu'il ne faut rien, ça ne va pas du tout. Évidemment, c'est normal. Ce temps-là, effectivement, c'est un temps qui peut être utilisé et qui est nécessaire pour pouvoir faire un bon soin. Et puis surtout, ce qui est intéressant, c'est la suite. C'est-à-dire que l'objectif, c'est qu'ils comprennent pour pas... Enfin, moi, c'est ce que je leur dis, quand une dent doit être extraite, pour moi, elle est déjà extraite, en fait. Et on s'intéresse, je m'intéresse toujours aux autres dents, en fait. Et donc, l'objectif, c'est que les autres dents ne soient pas extraites. Et donc, quand je commence à discuter ou à reparler de prévention... à essayer de faire comprendre au patient ce qui se passe dans sa bouche. Moi, je lui dis, voilà, celle-là, on oublie. Voilà, cette dent-là, elle est comme ça, elle est arrivée à cet état-là, voilà, pour cette raison-là. Mais on ne va pas... L'important, c'est que les autres, celles qui sont là, vous avez encore plein de dents qui sont en bonne santé, il faut que ces dents-là, on les garde. On les garde, OK, c'est le contrat qu'on se fait ensemble, on les garde, etc. Et ça, c'est ce temps-là aussi. C'est comment faire comprendre qu'en fait, cette dent-là, OK, c'est terminé, mais les autres, il ne faut pas qu'elles finissent dans le même état. Et donc, il faut bien comprendre ce qui s'est passé pour celle-ci pour ne pas que ça recommence au niveau des autres. Et ce temps-là, c'est un temps qui n'est pas rémunéré quand on est en libéral. Le choix de l'exercice salarié, ce n'est pas toujours facile. Je te dis, en étant payé à l'acte pour l'assurance maladie, c'est pareil, ce n'était pas un temps rémunéré. Donc, quand moi je travaillais pour l'assurance maladie, j'y travaillais plus là, mais quand je travaillais pour l'assurance maladie, je me dis, le patient, il vient aussi nous voir parce qu'on a l'assurance maladie. On a une image à véhiculer qui est celle des professionnels et du droit à la santé, et des professionnels et de la prévention, des professionnels de la dentisterie. Et donc, il ne peut pas repartir comme s'il était une machine à créer du revenu pour un praticien, même si c'est effectivement ça qui se passe quand on est payé à l'acte. C'est comme ça que moi je le vois, je suis un peu dur avec la façon de faire, mais si ça ne convient pas, on change en fait. Si ça ne convient pas, il y a tellement de modes d'exercice possibles de ce métier. que si on n'est pas content dans le salariat, on peut aller dans le libéral, il y a l'embarras du choix, et si on n'est pas content en libéral, on peut aussi devenir salarié. Alors effectivement, des questions qui se posent aujourd'hui, c'est la rémunération mixte par exemple, d'avoir un fixe, qui permet pourquoi pas justement d'avoir ce temps qui n'est pas rémunéré, même si c'est scandaleux que ce soit pas rémunéré quand même quelque part. Mais avoir une rémunération fixe qui permet ce temps-là, et une rémunération variable, je te parle de ça pour des centres de santé, où c'est une discussion un peu en ce moment. pour pouvoir à la fois créer les deux, qu'on ne soit pas en train de faire du surtraitement et en même temps de rien glander, en se disant de toute façon que je fasse ou que je ne fasse pas, j'aurai la même somme à la fin du mois. Mais la réflexion sur les modes de rémunération, elle traverse aussi les centres de santé. Les associations, les syndicats dans lesquels je suis, c'est surtout des syndicats et des associations de centres de santé municipaux, mutualistes. et CEPAM essentiellement.

  • Speaker #0

    Donc là dans ces centres-là, tu disais qu'en fait il y a un fixe ?

  • Speaker #1

    En fait c'est pas ça, c'est que souvent il y a un fixe, très souvent. Enfin dans les centres municipaux ça le fait de moins en moins. Mais les réflexions aussi des gestionnaires de centres pour faire tourner leur service dentaire, c'est aussi de proposer une rémunération à l'acte pour motiver aussi les dentistes à travailler un peu plus. C'est ça qui est difficile.

  • Speaker #0

    on pourrait aussi imaginer un système qui mélange les rémunérations. Parce qu'il y a la rémunération à l'acte, la rémunération au forfait, il y a la capacitation aussi. Et puis, par exemple, certaines pathologies, comme peut-être la maladie parodontale, pourraient être plus propices au paiement au forfait.

  • Speaker #1

    Oui, par exemple, sur la consultation diabète aussi. C'est vrai que ça permet d'avoir une prise en charge plus globale et d'être plus... d'être plus juste au niveau du temps passé. Mais la crainte en faisant ça, c'est que quand j'entends les syndicats de dentistes libéraux qui réclament toujours plus d'augmentation sur la prise en charge, j'ai une crainte que rien ne change en fait, mais juste qu'ils gagnent plus. C'est-à-dire que je ne vois pas, si vraiment c'était ça, et que... les dentistes disent ok maintenant que le soin est mieux rémunéré au temps passé je vais vraiment passer plus de temps à le faire est-ce que la question c'est je passe le temps qu'il faut pour faire mon soin et puis tant pis si je suis pas bien payé parce que c'est comme ça ou alors je me déconventionne ou alors je fais du ornomenclature enfin bref ou est-ce que de toute façon je suis payé ça moi j'ai besoin de mettre pas plus de temps de temps sur tel soin donc je le fais dans ce temps là et qu'il soit bien ou pas bien je m'en fous parce que de toute façon voilà mais Je ne sais pas, je me dis qu'en augmentant les tarifs, ce qui va se passer, ce n'est pas que la durée du soin va augmenter, c'est que les dentistes gagneront plus, ils ne changeront pas leur mode de pratique. Je ne suis pas sûr, moi je n'y crois pas trop à ce mode de...

  • Speaker #0

    La question de la rémunération dans la pratique dentaire ne se limite pas à un simple calcul financier. Au-delà des tarifs et des modes de rémunération, il faut se poser une question peut-être plus profonde. Comment garantir que la qualité des soins et la relation avec le patient restent au centre de la pratique et non la rentabilité ? Pour Jérémy, augmenter les tarifs ne résoudra pas le problème fondamental de la valorisation du temps passé avec les patients et de la qualité des actes. Personnellement, je pense que les contrôles actuels, comme ceux sur la fraude à la sécurité sociale ainsi que les formations obligatoires ne suffisent pas. Il faudra aller plus loin, avec des contrôles plus poussés et plus personnalisés pour chaque praticien. Afin de vérifier régulièrement que leurs compétences sont à jour par rapport aux avancées de la science et que la qualité de leurs soins soit optimale. Je sais que cette idée ne fera pas l'unanimité et qu'elle risque même de déranger certains de mes confrères et consoeurs. Et honnêtement, je serais peut-être la première à râler si un tel système se mettait en place. Mais je crois que c'est une réflexion nécessaire pour garantir la qualité des soins dans notre profession.

  • Speaker #1

    Je suis complètement d'accord avec toi. Il y a plusieurs questions dans ce que tu dis. Effectivement, les questions de fraude à l'assurance maladie, ça c'est des choses qui sont régulièrement sanctionnées, que ce soit par l'ordre ou par des dépôts de plainte de l'assurance maladie sur des surcotations ou des actes fictifs. Bon, voilà, là, tout le temps, tous les mois, il y a des listes de dentistes qui sont publiques, qui permettent de voir qui est sanctionné, parce qu'il y a eu tant de dépassements, enfin pas de dépassements, mais d'actes fictifs, de fraudes à l'assurance maladie. D'ailleurs, je rappelle quand même que les premiers fraudeurs à l'assurance maladie, c'est les professionnels de santé, bien plus que les patients eux-mêmes. Ça, c'est des chiffres qui sont bien connus. Et les dentistes appartiennent à cette catégorie. Ils ne sont pas tous fraudeurs, mais en tout cas, c'est vrai que voir une radiopanoramie, combien de fois j'ai eu des... Moi, je ne l'ai jamais fait, mais des collègues qui ont fait leur stage de pratique chez des praticiens, à un moment, ils voient une panneau, ils cotent les composites sur la panneau, les amalgames, enfin tout ce qui est déjà coté une première fois, ils les cotent une deuxième fois, puis de toute façon, il n'y a rien qui prouve que ça n'a pas été refait. Enfin bref, c'est hyper facile de le faire. Et ça m'est encore apporté là par les étudiants que je reçois, les étudiants de sixième année, dans le cadre de leur stage d'intérêt général, qui font un stage pratique. chez des confrères et des consoeurs, ils me rapportent exactement la même chose. Et moi, j'entends déjà ça il y a 25 ans. Donc là, c'est quelque chose, c'est une pratique. Ce n'est pas généralisé, bien sûr, bien sûr, bien sûr, mais ce n'est quand même pas très compliqué. Ça existe. Et donc, effectivement, s'il n'y a pas plus de dentistes conseils de l'assurance maladie, ça pose un problème pour faire à la fois ces contrôles, qui sont des contrôles plutôt techniques, administratifs. Une dent qui est cotée deux fois en un an, ça doit pouvoir se contrôler facilement. Donc en fait, ce n'est pas tellement les dentistes conseils, c'est plus les gens de l'assurance maladie qui doivent vérifier qu'il n'y a pas le même acte qui a été fait deux fois ou trois fois en un an sur la même dent, ça paraît logique. Et en plus, effectivement, convoquer les patients pour vérifier la qualité des soins quand c'est fait. Ça permet d'éviter des dérives qu'on a pu en avoir ces dernières années. Dès l'instant qu'un dentiste est conventionné, ça veut dire qu'il accepte le mode de fonctionnement de l'assurance maladie. S'il accepte le mode de fonctionnement, ça veut dire qu'il accepte d'appliquer les tarifs de l'assurance maladie. Ça veut dire qu'il accepte d'être contrôlé par les dentistes conseils de l'assurance maladie. Là où moi ça me pose un problème, c'est toujours sur cette histoire du paiement à l'acte, parce que quand on dit aux dentistes ou aux médecins, c'est plus global, mais qui sont des salariés de l'assurance maladie, parce que quelque part, c'est de l'argent qui est de l'argent public, et ok, c'est pas la même poche, machin, enfin quelque part. Quand on dit que les professions libérales sont en fait salariées de l'assurance maladie, évidemment, il y en a plein qui s'étranglent et qui se disent c'est pas vrai, c'est n'importe quoi, machin, machin Mais en fait, si, c'est ça. Si les dentistes ou les médecins spécialistes veulent se déconventionner, c'est des menaces qu'on entend tout le temps avec les médecins, encore la semaine dernière, sur les consultations à 30 euros, moi, ça ne me pose aucun problème que les gens se déconventionnent. Au contraire, au moins, ça clarifie les choses. D'un côté, tu as ton entreprise privée, tu fais ce que tu veux. t'as des comptes à rendre à personne, de l'autre, si t'es conventionné, t'as des comptes à rendre. Et les comptes à rendre, il faut les accepter jusqu'au bout, en fait. Et si les patients ne viennent pas te voir, ils ne viendront pas te voir, et tant pis, tu te reconventionneras. Et c'est un peu en lien avec tout ça, c'est-à-dire la façon d'accepter le jeu, qui est loin d'être un jeu, parce que la question de la rentabilité, de la santé, c'est une question qu'on ne se pose pas quand on parle de police ou quand on parle d'armée. On ne se pose pas la question de savoir si un militaire est rentable ou pas. combien ça nous coûte, ou un policier. Vraiment, on pose la question sur l'éducation nationale, on pose la question sur la santé, beaucoup, sur tout un tas de services publics, sur l'armée, la police, et on ne va pas se mettre à dire comment on évalue le coût d'un policier, sa rentabilité, enfin voilà. La santé, pour moi, ce n'est pas une marchandise, clairement, et ça doit rentrer dans un... C'est un bien commun. Moi, la privatisation de cette santé, à travers la médecine libérale, l'onotologie libérale, tout ce que tu veux, ça me pose un problème. Ça me pose un problème, surtout quand on est dans une profession qui est libérale à 90

  • Speaker #0

    Ce pourcentage est en train de diminuer. Oui. On est plutôt autour de 84-85 Après, une vraie question dans ce que tu dis, c'est quand dans le libéral, il y a le mot liberté. Et je pense que pour avoir discuté avec pas mal de confrères, consœurs, quand je leur posais la question Pourquoi vous avez choisi ce métier ? Alors c'est vrai qu'à 18-19 ans, c'est rarement la vocation. Ça arrive, mais c'est quand même pas courant. Donc souvent, le mot qui revient, c'est l'indépendance. Et c'est une question aujourd'hui... que je trouve intéressante parce que finalement on est indépendant quand on est libéral et tout simplement quand on est un être humain parce qu'on ne vit que par interdépendance. Donc c'est un peu une illusion et c'est un petit peu... Tu vois, on reproche beaucoup à nos patients de penser que la santé est gratuite et en fait d'occulter que la sécurité sociale c'est une organisation solidaire. qui fait qu'en fait on peut bénéficier des soins pour tout le monde, quelles que soient les conditions de vie, quel que soit son statut socio-économique, parce que finalement on peut faire partie d'un milieu privilégié, et puis on peut aussi tout perdre et se retrouver dans des situations dramatiques. Donc cette solidarité elle est importante. Et ça, souvent, en tant que dentiste, on en fait le reproche aux patients en disant Oui, euh... Les gens veulent tout, pensent que c'est gratuit et c'est pas gratuit. Mais cette liberté que nous on revendique, est-ce qu'elle est réelle ? C'est ce que tu soulignais, c'est qu'on n'est pas libre de tout. Quand on adhère à la Convention, on est aussi tributaire de la sécu, effectivement. Et ça, je pense qu'on l'oublie.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui, t'as raison. Alors en fait, parce que souvent, c'est vrai que c'est ce qu'on me dit aussi quand tu parles de l'exercice libéral, indépendance, tout ça. Ça voudrait dire que quelque part, l'exercice salarié, c'est quelque chose où t'es pas indépendant. Alors en l'occurrence, moi, si j'ai une commande à faire, je fais une commande, en fait. Je peux commander un peu ce que je veux. Si c'est ça, l'indépendance, par exemple. Je peux traiter les dents de la façon que je veux. Je peux faire ce que je veux, en fait. J'ai une liberté, évidemment. qui n'est pas une contrainte imaginée peut-être par l'exercice libéral, ou en tout cas par les confrères ou les consoeurs qui exercent en libéral. Je suis indépendant dans mes plans de traitement, je suis indépendant dans les patients que je reçois. J'ai un petit peu de mal à voir en quoi on n'a pas le même métier, pour le coup. Et effectivement, tu as raison, je suis aussi dépendant d'une structure, mais comme les dentistes libéraux sont dépendants, comme tu viens de le dire, d'autres facteurs. L'assurance maladie, effectivement, si on ne veut pas être dépendant, il faut se déconventionner.

  • Speaker #0

    Cette idée d'indépendance est centrale dans les discussions sur le libéral. Pourtant, Jérémy pointe du doigt un paradoxe. Que l'on soit salarié ou libéral, nous sommes tous dépendants d'un système, que ce soit d'une structure de santé, de l'assurance maladie ou des contraintes financières liées à l'installation. L'indépendance absolue reste une illusion. Et en tant que praticien, nous devons jongler avec ces réalités, tout en cherchant à maintenir l'équilibre. entre notre liberté professionnelle et les obligations que nous impose le système de santé.

  • Speaker #1

    C'est une liberté peut-être d'organisation du temps de travail. Là, pour le coup, moi, je n'en ai pas. Et effectivement, c'est peut-être ça la valeur ajoutée de l'exercice libéral, en quelque part, même si tu n'as pas trop le choix, parce que je vois le nombre de personnes qui sont sorties de la fac en ayant des dettes dès le début à rembourser, et donc qui sont attachées au fauteuil du lundi au samedi de 8h du matin à 21h. Bon, parce qu'ils ont fait des gros crédits. Donc, effectivement, c'est un petit peu une bêtise, mais en fait, c'est un choix. de vie, qui a été fait d'emblée. Ils auraient pu faire un autre choix. Moi, j'ai fait un autre choix. Et il y en a d'autres qui travaillent trois jours par semaine et ils s'en sortent très, très bien.

  • Speaker #0

    C'est la difficulté quand tu commences un exercice, c'est que quand tu es jeune praticien, tu ne sais pas encore trop ce qui te correspond.

  • Speaker #1

    En fait, la question, c'est aussi qu'on te montre qu'il n'y a qu'une seule façon de travailler. Il y a quand même... Nous, c'est quelque chose, je dis nous, c'est avec d'autres confrères, deux centres de santé qui ne sont pas tous dentistes, mais l'idée quand même d'aller dans les universités pour montrer comment on travaille en salarié. Autrement que les centres locaux qui financent les soirées étudiantes aussi, j'ai appris ça. Donc évidemment, la vision qu'ont les étudiants des centres de santé, c'est ceux qui payent les pizzas et les bières. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est cité par différents profs d'université. Effectivement, c'est les centres qui payent aujourd'hui les soirées étudiantes. Donc c'est une image qui est, venez après chez nous, vous allez vous faire la main, et puis quand vous aurez surfacturé et surtraité, vous irez ouvrir votre cabinet. Ou vous ouvrirez vous-même un centre de santé, parce que certains étudiants m'ont dit aussi, c'est toujours les mêmes parce que je reçois mon stage d'intérêt général, que les rêves des étudiants aujourd'hui, ce n'est plus tellement de devenir dentiste, c'est de devenir gestionnaire d'un centre de santé.

  • Speaker #0

    Et là tu te dis merde, c'est pas possible. Donc en fait c'est de faire de la thune peu importe comment. Et bon enfin, encore une fois, j'espère que c'est à la marge, mais j'ai pas de chiffre là-dessus.

  • Speaker #1

    Je rejoins également ce que dit Jérémy sur le manque de modèle proposé aux étudiants. Quand j'étais en fac, on nous présentait surtout le libéral comme voie principale, presque comme une évidence. Monter son cabinet, c'était vu comme monter une petite entreprise, et le modèle salarial ou d'autres options étaient rarement abordés. Et puis, je pense que la société aujourd'hui valorise tellement ce modèle, de l'entrepreneur qui, seul à la sueur de son front, monte son entreprise et réussit financièrement, que je ne suis pas surprise que, comme il l'évoque, certains étudiants rêvent davantage de monter leur propre centre que de travailler comme dentiste. C'est une aspiration qui est presque devenue une norme avec l'idée que la réussite est liée à l'argent et à la gestion d'une entreprise.

  • Speaker #0

    Mais il y a quand même cette question de la réussite, de ce qu'est la réussite. Et dans notre milieu, l'idée quand même que si tu es en salarié, tu es un peu un loser. Enfin quand même, c'est quand même... Et moi, même, je reprends les exemples de la prison que j'expliquais tout à l'heure, mais les patients que je vois en prison, Ils pensent que moi aussi je suis puni en fait. Si je suis là, c'est que j'ai raté ma vie, j'étais incapable de monter un cabinet tu vois. Et il y a un peu l'idée mais... C'est marrant quoi. Bah oui, c'est marrant. Une fois qu'ils voient que ça se passe bien et que je ne suis pas déconnant, ils sont en mesure d'évaluer ma déconnance, ce qui est encore à prouver parce qu'ils ne peuvent pas trop vérifier ce que je fais. Mais en tout cas, il y a quand même cette idée... attendez mais vous êtes con vous vous avez un boulot vous pouvez vous réconcilier bien vous pouvez gagner mais laisse tomber là de l'argent quoi et vous êtes là à bosser en prison comme un con c'est un peu ça tu vois ça ça veut quand même dire que l'idée de la réussite est liée à l'argent elle est universelle elle n'est pas que de palier aux dentistes en fait non oui tu as raison mais quand même le tu vois là on t'a parlé d'entrepreneuriat tout à l'heure c'est et que effectivement monter un cabinet dentaire c'est monter une entreprise Moi, ça, c'est quelque chose qui est incompatible avec ce que je vois de ce que peut être la santé. On ne peut pas parler d'entreprise quand on parle de santé. Enfin, pour moi, c'est incompatible, en fait. C'est quelque chose qui est très compliqué.

  • Speaker #1

    En discutant avec plusieurs confrères, notamment autour du sujet du burn-out, un reproche revenait souvent. L'université ne nous forme pas à devenir des chefs d'entreprise, ni à gérer un cabinet comme une petite entreprise. Cette critique m'avait marquée, jusqu'à ce que Jean-Noël Vergne, professeur à l'université de Toulouse, et ancien invité de ce podcast, me fasse un retour. J'avais eu l'occasion de rencontrer Jean-Noël à Toulouse pour parler de ses recherches sur l'empathie, et depuis il est devenu un ami avec qui j'échange régulièrement. Lors de notre conversation donc, il m'a rappelé que, finalement, l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise. Cette remarque m'a permis de prendre du recul, car dans la difficulté, il est facile de chercher des responsables. Mais comme le disait Jérémy, la vision de la profession est souvent trop étroite et le libéral apparaît parfois comme la seule voie envisageable.

  • Speaker #0

    effectivement l'université au moins mais je rejoins ce que ce que dit jean noël verne l'université n'a pas vocation à former des chefs d'entreprise jamais c'est pas son c'est pas son rôle clairement pas son rôle et malgré tout il ya quand même des semaines d'insertion à la vie professionnelle qui sont opposés à l'université on explique je crois qu'un chident les trucs les machins l'urssaf et compagnie et ça c'est nouveau Mais je me souviens qu'il y a une dizaine d'années, je crois une quinzaine d'années, même les étudiants avaient fait grève parce que justement, on ne leur apprenait pas ce qu'était leur futur métier. C'est comme ça qu'ils le voyaient eux. Moi, j'avais trouvé ça scandaleuse, cette grève. On ne peut pas... Tu es des étudiants, tu n'es pas là pour apprendre à monter une boîte. Tu es là pour apprendre ton métier. Point. Barre. Tu n'es pas là pour savoir comment on règle les problèmes avec je ne sais pas quelle caisse de... Enfin, ce n'est pas la question. Ce n'est pas ça. Virons après. Après, ils se payent des formations, je ne sais pas. Voilà.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord, mais ceux qui font ce retour, c'est des gens, peut-être justement à qui ça ne convient pas et qui se rendent compte. C'est quand il y a un malaise, quand il y a une dissonance entre ce que tu pensais faire de ta vie et au final ce que tu fais de ta vie, que tu te poses ces questions-là. Après, quelle est la proportion de postes salariés ? Est-ce qu'il y en a... pas beaucoup, c'est pas infini tu vois.

  • Speaker #0

    Oui mais après si ça devient un choix facile, si demain matin les étudiants veulent travailler en centre de santé être salariés à l'hôpital Les postes vacants aujourd'hui, il y en a des tonnes, vraiment il y en a des tonnes, il y en a partout. Les dentistes aujourd'hui, c'est les rois du pétrole, ils vont où ils veulent. Ils peuvent récupérer un cabinet pour 1€ parce que les dentistes partent à la retraite, ils n'arrivent pas à vendre. Ils peuvent travailler à l'hôpital parce qu'il y a des postes de PH qui ne sont pas pourvus. Ils peuvent travailler dans les centres de santé parce qu'ils ont un taux de turnover important et puis les salaires dans les centres de santé sont moins importants que dans le camp libéral. Donc il y a peu de personnes qui travaillent en centre de santé.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que tu disais tout à l'heure, là, c'est des services où ça sera à nous de nous déplacer. Et donc ça, sur Paris, il y a peut-être plus d'offres, mais dans les villes comme les miennes, je suis sûre que demain, je vais au centre hospitalier ou dans le service psychiatrie ou à l'EHPAD, et je leur dis, voilà, moi, je suis partante pour venir une journée par semaine ou une journée tous les 15 jours dans votre unité, je pense qu'il n'y a pas de souci.

  • Speaker #0

    Tu donnes toi-même les exemples. Il y a de quoi faire énormément, il y a des besoins partout. Le problème c'est aussi, est-ce que c'est vraiment une envie d'aller faire ça par les confrères, tout ce qu'on entend, ou est-ce que c'est monter son entreprise, et puis faire ce que fait le voisin d'à côté, rajouter un camé d'enterre, là où il y en a déjà 25 au mètre carré.

  • Speaker #1

    Parfois, comme évoqué avec Jérémy, J'ai envisagé cette possibilité de proposer mes services à des hôpitaux, à des EHPAD ou à d'autres institutions qui en auraient besoin. Mais en entendant parler du mal-être des soignants dans ces structures, je dois avouer que je freine des cas de fer. Avec tout ce que j'ai déjà à gérer au quotidien, je me dis que je n'ai pas forcément l'énergie ou l'envie de me rajouter de nouvelles contraintes. Même si Jérémy semble épanoui et satisfait de son choix, ce que je vois et j'entends du milieu hospitalier ne me fait pas rêver. Et même si je sais que, comme tout le monde, je ne suis pas vraiment libre ou indépendante, parce que je suis conventionnée, et parce que nous sommes tous interdépendants d'une manière ou d'une autre, je reste tellement attachée à cette croyance que je suis mon propre chef dans mon cabinet que je pense que j'aurais vraiment du mal à m'adapter au monde du salariat. Toi, tu travailles combien de jours ?

  • Speaker #0

    Moi, je travaille 4 jours par semaine.

  • Speaker #1

    Et tu peux nous dire quel est ton salaire ? Ou c'est quelque chose que tu n'aimes pas dire ?

  • Speaker #0

    Non, bien sûr, il n'y a pas de problème. Moi, en étant à l'hôpital, je suis sur une grille de praticiens hospitaliers. Donc, c'est la grille des praticiens hospitaliers. Alors attends, que je te le donne, parce que comme je n'ai pas un travail à temps plein à l'hôpital, je suis à 40%. Ça peut se trouver exactement... Voilà, c'est un temps plein à 5200 euros bruts. Donc sur 100%. Moi, je suis à 40%, donc je dois être à 2000 euros. C'est à peu près... Ouais, c'est ça. 2000 euros. Pour deux jours par semaine. Ah oui.

  • Speaker #1

    Et donc,

  • Speaker #0

    tu me cadres ? Pour le premier poste. Poste à l'hôpital. Pour le poste au conseil départemental, je suis payé à l'heure. Donc en fait, je suis payé 50 euros bruts. de l'heure. Donc je compte mes heures. Tu vois, hier j'étais où hier ? Hier j'ai accueilli les étudiants le matin donc j'ai compté trois heures parce qu'on a fait l'organisation du bus, voilà, plus de la coordination sur des nouveaux comptes rendus qu'on est en train de mettre en place, des liens avec Médecins du Monde avec qui on travaille, voilà. Donc je compte des heures. Si je fais trois heures, je compte 150 euros. Enfin je les remplis tous les mois en fait. Et puis le jeudi... Pareil, aujourd'hui je suis au département et ce matin j'étais un médecin du monde avec des unités mobiles, j'ai passé 3 heures à médecin du monde donc je vais coter 3 heures au département pour aujourd'hui. Tu vois, mais c'est ça, si on compte sur des journées classiques de 7h, ça te fait 350€ par jour donc 700€ par semaine x 4, 2100€ donc en fait c'est à peu près le pareil, je suis à 4000€ à peu près, que je me plaigne.

  • Speaker #1

    Et tu fais quoi comme horaires ?

  • Speaker #0

    9h, midi, 14h, 17h30 à l'hôpital, et au département, 9h, plutôt 13h, 14h, 17h. C'est 7h dans les deux cas, en fait. C'est des horaires, vraiment, c'est des horaires 35h. Et je n'ai pas de garde, je n'ai pas de jour férié. Tu n'as pas de garde ? Non. C'est pas juste ! Non, je suis d'accord avec toi, et c'est pas faute de l'avoir réclamé. Les gardes, je ne sais pas pourquoi, je paye ma cotisation à l'ordre. Enfin, je dis ça, mais en fait non, je l'ai reçue cette semaine, je ne l'ai pas payée, il faut que je la paye. Mais je ne fais pas partie du tableau de garde, je ne sais absolument pas pourquoi, ni les collègues qui sont dans les centres de santé. Je ne sais pas pourquoi on ne fait pas partie de cette permanence de soins. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Si je compare à mon activité en libéral, je réalise que nos rémunérations sont finalement assez similaires. D'autant que je travaille trois jours par semaine. Aujourd'hui... je me prends un peu moins la tête au sujet de la rentabilité, même si ma principale crainte reste de mettre en péril le cabinet dans lequel nous sommes aujourd'hui 4 associés, dont mon mari. Mais pour le moment, ce n'est pas un souci. A mes débuts, avoir un salaire fixe m'aurait sûrement aidé à mieux gérer un budget. Pourtant, avec le temps, j'apprends à relativiser. J'ai un travail utile, que j'aime, et j'ai de quoi vivre confortablement bien plus que la plupart des gens que je côtoie. Et j'en parlais, il y a deux semaines j'étais de garde et en fait une étudiante de Bordeaux m'avait appelée pour prendre ma garde. Mais je lui ai dit ok pas de soucis mais je la fais avec toi parce qu'on est quand même assez submergée d'urgence les jours de garde à Périgueux. Et je voulais pas la laisser toute seule dans un cabinet qu'elle connaît pas, je trouvais pas ça cool quoi. Puis moi j'aime bien, donc je suis allée avec elle. Et à la fin elle me disait tu vois le stage actif. C'est bien et c'est pas bien parce que déjà ces deux mois c'est un peu court elle dit la sixième année on fait pas grand chose on s'ennuie un peu enfin je pense que c'est un peu comme ça l'a été nous on a été dans les premiers à avoir la sixième année et on faisait pas grand chose de cette année et elle me disait ça serait ça serait chouette toi d'avoir des centres où les étudiants seraient salariés chapeautés par des dentistes expérimentés Et ils pourraient faire leur sixième année, donc ça serait obligatoire et pas facultatif, et dans des zones où il y a un vrai besoin. Donc tu répondrais à la fois à un besoin de santé publique et à la fois à ce campagnonnage qu'on cherche toute notre carrière.

  • Speaker #0

    Je suis tout à fait d'accord avec ce principe. Et pour moi, c'est un peu un dû, en fait. Ça a l'air bizarre comme ça, mais c'est l'idée que... Je vais reparler encore de l'armée, mais tu vois, un pilote d'hélicoptère dans l'armée, s'il est formé comme pilote d'hélicoptère dans l'armée, il doit 10 ans à l'armée pour rembourser sa formation de pilote d'hélicoptère. Un médecin, un dentiste, c'est des étudiants qui coûtent très cher. Un étudiant lambda, la moyenne de, je crois, un étudiant, ça coûte 15 000 euros par an à l'État. En moyenne. Un étudiant dentaire, il coûte beaucoup plus cher que ça. La médecine aussi. La moindre des choses, ce serait de rembourser ce qu'il a coûté à la société, soit par l'intermédiaire de ce stage de 6e année dans un endroit, dans un désert, ou même de s'installer dans un lieu où, temporairement, un cabinet dédié à cette année de tampons entre la fin de la fac et le début de l'exercice professionnel, quel que soit le mode d'exercice, mais d'avoir, comme les profs, d'envoyer les dentistes comme on envoie les profs. Les profs, on ne leur demande pas trop leur avis sur à quel endroit ils veulent aller. Ils sont obligés de se marier pour pouvoir partir ensemble dans des lieux où il y a des manques, où il y a des écoles qui ferment, des écoles qui ouvrent, etc. Et s'ils ne jouent pas le jeu là-dessus, ils sont obligés de quitter l'éducation nationale. La question des aires médicaux, de l'exercice et surtout de l'installation, Pour moi, la seule façon de ne plus avoir de désert, c'est aussi de provoquer cette installation forcée, parce que je vais encore me faire des ennemis, mais moi je ne suis pas pour... De la même façon qu'il y a des profs dans les endroits où il n'y a pas de... Enfin, c'est plus compliqué, mais je pense qu'avoir des zones dédiées avec des dentistes qui se relaient à la fin de leurs études, de leur début d'exercice professionnel, et puis une fois qu'ils ont fait leur année... dans ce désert et bah hop ils vivent leur vie mais au moins ils ont remboursé entre guillemets leur dette je le fais courant parce que c'est un peu plus compliqué que ça mais enfin je sais pas si c'est ça que tu avais en tête mais moi c'est un peu ça qui est complètement complètement mais à la fois d'utiliser les étudiants de sixième année parce qu'effectivement tu as raison ils savent pas trop quoi faire tu as raison entre le stage d'intérêt général le stage actif la thèse les stages toujours à la fac ils ont un emploi du temps un peu compliqué, et puis il n'est pas forcément complètement rempli, enfin, ils ont tous des emplois du temps complètement différents, ce serait l'occasion de pouvoir voir tout ça, tous ces modes d'exercice. Mais c'est compliqué encore aujourd'hui, en stage actif par exemple, de travailler dans un centre de santé public. Ça se fait de plus en plus, mais ce n'est pas encore complètement fluide. Et puis, il n'y en a pas partout. Parce que c'est vrai que c'est une particularité très parisienne d'avoir des centres de santé municipaux qui tournent encore pas mal, en plus dans la banlieue de Paris.

  • Speaker #1

    Et puis d'avoir la possibilité... voir peut-être l'obligation, je ne sais pas, encore une fois, on n'aime pas trop les contraintes, mais de devoir aussi explorer différentes formes d'exercices, c'est-à-dire voir ce que c'est que de travailler en milieu hospitalier, de voir ce que c'est que de travailler en centre mutualiste, de voir ce que c'est que de travailler en libéral, mais de pouvoir en fait faire un choix qui soit éclairé et pas un choix qui soit... orienté parce que tout le monde fait comme ça. Si tu veux, moi je me suis jamais posé la question, même. Bon, la recherche, je pense que même encore aujourd'hui, ça serait pas un choix. Parce que c'est... Je trouve ça passionnant, mais si tu veux, je sens que c'est pas du tout ce qui m'attire. Mais en revanche, je trouve que c'est trop fermé en fait, c'est trop cloisonné, c'est trop... en fonction des rencontres que tu fais, il faudrait avoir la possibilité d'explorer ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai que ton choix d'exercice va dépendre beaucoup des rencontres que tu vas faire, dans ta vie, des gens que tu vas rencontrer, et ça va être peut-être même lié au hasard de se retrouver dans un... de penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas pensé spontanément parce qu'on ne te l'a pas montré à la fac. Et c'est vrai que... Moi c'était comme ça il y a 25-30 ans. Aujourd'hui c'est peut-être un petit peu moins vrai parce que... Il y a de plus en plus d'étudiants qui voient un peu ce qu'est l'exercice en centre de santé. Mais pouvoir essayer, pratiquer différentes façons, c'est une très bonne idée. C'est ce qui devrait être fait. Mais pour ça, il faut qu'il soit bien accueilli. Aujourd'hui, le stage actif, ça se passe à l'envers. C'est-à-dire que c'est l'étudiant qui va voir un dentiste, qui lui dit... Est-ce que tu veux bien être mon maître de stage ? Le dentiste dit oui, il signe, il envoie le papier à l'ordre et puis il accueille l'étudiant qui en plus veut être payé pour les actes qu'il fait alors que c'est un stage actif. Donc normalement, ce n'est pas rémunéré sur des actes réalisés. C'est une autre question, mais les étudiants que je vois, ils me disent que ce n'est pas normal. Il y en a qui sont payés, d'autres qui ne sont pas payés. Et là, on confond l'apprentissage et l'exercice. Si c'est travailler, ils travaillent, mais ce n'est plus un stage actif. Mais l'objectif du stage actif, ce n'est pas d'être rémunéré pour les actes qu'on fait, c'est de voir comment fonctionne un cabinet dentaire. C'est justement d'avoir toutes ces problématiques que tu évoquais tout à l'heure, qui ne sont peut-être pas apprises à la fac, mais justement, en allant dans un cabinet et en faisant ce stage actif, ça permet de voir toutes les contraintes administratives liées à faire tourner une entreprise, pour le coup. Mais d'après ce que je sais, ce n'est pas toujours le cas, parce que les confrères et les consoeurs mettent un fauteuil à disposition de l'étudiant, et puis ils lui font son chiffre sur le mois, et puis ils le payent en fonction de ce qui rentre. Et c'est pas l'objectif du tout du stage. Je te le fais court aussi là, mais j'ai l'impression que c'est pas encadré. Et de fait, il n'y a pas besoin d'être formé en pédagogie, par exemple, pour être maître de stage, pour un stage actif d'étudiant. Alors que c'est un stage, il faut pouvoir encadrer un étudiant. Tous les dentistes sont pas en mesure d'encadrer un étudiant et de lui transmettre des choses. Il faut être formé pour ça. Je crois que l'idée, c'est plutôt de faire à l'envers, d'avoir un pool. de mettre de stage dans différents modes d'exercice, et après c'est les étudiants qui vont choisir ce qui leur est proposé, c'est ce qui devrait être comme ça en fait, pas l'inverse. Aujourd'hui c'est l'inverse qui se pose. Et quand un étudiant veut venir faire son stage actif dans un centre de santé, c'est encore plus compliqué, et puis il arrive que les formalités soient encore plus difficiles à obtenir pour les centres de santé que pour l'exercice libéral. Donc, par défaut, les étudiants se retournent vers l'exercice libéral qui est beaucoup plus souple. En tout cas, tout existe depuis très longtemps pour ce mode d'exercice, en tout cas, recevoir des étudiants dans les cabinets de l'hôpital.

  • Speaker #1

    Au cours de sa discussion avec Jérémy, nous avons exploré de nombreux aspects de notre métier, de la gestion du temps et de la rentabilité dans l'exercice libéral, à la diversité des modèles d'exercice disponibles, comme le salariat en centre de santé ou à l'hôpital. Jérémy a partagé sa vision d'un exercice salarié épanouissant, avec des horaires cadrés et une rémunération stable, tout en affirmant avec conviction que la rémunération à l'acte et l'exercice libéral, qui placent le dentiste en position de chef d'entreprise, ne sont pas compatibles avec le soin. Pour lui, c'est même antinomique. La santé et l'entrepreneuriat ne peuvent être confondus. De mon côté, j'ai mis en lumière mes propres questionnements autour de la gestion d'un cabinet libéral et de la pression que cela peut engendrer. Nous avons également discuté des limites du modèle libéral, qui reste souvent la seule voie présentée aux étudiants, et du besoin d'offrir d'autres options, plus équilibrées, dans lesquelles l'argent ne deviendrait pas la finalité. Finalement, une question reste centrale. Comment mieux former les futurs praticiens ? Comment les accompagner pour qu'ils trouvent une voie qui leur convienne vraiment et qui ne soit pas nécessairement le libéral ? Comment mettre en place un compagnonnage solide qui leur permette de concilier le soin et la rentabilité sans que l'argent devienne un objectif en soi ? Il est essentiel d'accompagner les jeunes praticiens à entrer dans la vie professionnelle en leur rappelant qu'ils ont choisi un métier de soin et non celui d'entrepreneur. Le vrai défi, c'est de leur offrir des expériences diversifiées en milieu hospitalier en centre mutualiste ou même dans la recherche, afin qu'ils puissent faire un choix éclairé et aligné avec leurs valeurs, plutôt que de simplement suivre la voie que tout le monde emprunte. Merci beaucoup à Jérémy pour sa participation et pour ses réflexions si enrichissantes sur notre métier. Un grand merci également à Pauline pour le montage, à Maxime Wattieu pour la musique et à Camille Covez pour l'illustration de cet épisode. Le prochain épisode, qui viendra clore cette série sur l'argent, sortira à mon retour de Madagascar. Nous parlerons d'éthique avec Flora Bastiani, un sujet passionnant et crucial pour notre profession. Alors restez à l'écoute. Je vous rappelle l'importance de mettre des étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée et de vous abonner, de partager tout autour de vous et si vous le souhaitez, de soutenir le podcast sur Tipeee pour me permettre de continuer à produire du contenu de qualité. Je vous mets tous les liens dans le descriptif de l'épisode. Merci encore pour votre soutien et à très bientôt.

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