- Speaker #0
Le Musée Sacem présente Un podcast imaginé et raconté par Serge Elhaïk Les arrangeurs de la chanson française
- Speaker #1
Le premier épisode permet de suivre le cheminement du jeune musicien et de découvrir toutes ses influences et les rencontres qui ont marqué ses débuts dans le métier. Eh bien Grégoire Krettly, oh pardon, Gérard Calvi, bonjour.
- Speaker #2
Vous n'avez pas à dire pardon, parce que je suis Krettly, je suis Calvi. Bon, vous voulez savoir pourquoi je m'appelle Calvi ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #2
Bon ben c'est parce que quand j'ai commencé à faire mes premières chansons, j'avais... pas tout à fait 19 ans, j'étais au conservatoire et c'était un peu incompatible parce que, surtout à cette période-là, la chanson, le jazz étaient absolument ignorés. On se dit que la musique est sérieuse. Et la personne avec qui j'ai fait mes premières chansons m'a dit il faut que tu prennes un pseudonyme. J'ai dit pourquoi ? Il m'a dit écoute, tu fais de la musique classique, ton père a un quatuor, on va faire des chansons, il faut un pseudonyme et il te faut un nom de 5 lettres qui se termine par I. Ça porte chance. J'ai dit donne-moi un exemple. Il m'a dit, moi, par exemple, je m'appelle Biot, Jacques Maty, oui, c'est un exemple, oui, mais il est un peu insuffisant pour moi. Il me dit, et Tino Rossi, alors, qu'est-ce que c'est ? Alors, Rossi, 5 têtes, 5 vignes de Paris, et alors on était placé ici. J'ai dit, bon, ben très bien, quelle vie ? Voilà. La référence à la Corse, quoi.
- Speaker #1
Alors, vous êtes le fils du grand quartettiste Robert Krettly, vous l'avez dit à l'instant, et vous avez donc fait vos études au Conservatoire de Musique de Paris, ou au Conservatoire National, et vous avez obtenu un Grand Prix de Rome. Vous l'avez dit vous-même, vous vous intéressez au jazz et notamment à Joe Kennington avec lequel vous avez travaillé. Nous y reviendrons tout à l'heure. Alors, des questions classiques Gérard, quels ont été vos premiers pas musicaux ?
- Speaker #2
Ils ont été jeunes, parce que comme je vivais complètement dans une ambiance de musique, puisque mon père faisait ses répétitions de quatuor à la maison, en plus de ça, il donnait des leçons de violon, il travaillait son violon, alors moi j'avais pris l'habitude de venir assister, comme ça, j'entrais dans un très très bel atelier, rue des Dames, dans le 17ème arrondissement, et puis, au bout de, je sais pas, au bout de relativement peu de temps, j'ai vu qu'à un moment il fallait tourner les pages, alors j'ai dit, ah tiens, c'est intéressant, enfin dans ma petite tête d'enfant, et puis la leçon d'après, au moment où mon père allait tourner la page, j'ai tourné la page. Alors il m'a regardé, il m'a dit mais... J'ai dit oui, oui, c'est les petites notes là, il faut tourner la page. Alors bon, il m'a dit oui, je savais que tu serais musicien. Maintenant, c'est piano et violon. Donc j'ai travaillé le violon et j'ai travaillé le piano. Et puis naturellement, j'ai très vite abandonné le violon parce que c'était un instrument terrible. Mon père en jouait très bien et moi j'en jouais très mal. Et puis comme je me destinais dans ma tête à la composition, c'est l'instrument rêvé du compositeur, le piano.
- Speaker #1
Je crois, Gérard, que vous avez commencé à composer très jeune, n'est-ce pas ?
- Speaker #2
Je me souviens très bien de comment j'ai commencé à sentir que je serais compositeur. J'étais tout jeune, je suis né en 1922, je vais avoir même pas dix ans. Et alors, je travaille mon piano. Alors, je travaille mon Czerny. C'est le Czerny. Alors, je le jouais une fois. Et puis, je le jouais une seconde fois. J'ajoutais des notes à la main droite. Et puis, je le jouais une troisième fois. J'ajoutais des notes à la main gauche. Et puis, au bout d'un certain temps, comme ça, alors le Czerny n'existait plus que comme un certain initiateur lointain. Mais voilà, c'était tout à fait naturel, quoi. Je ne peux pas dire si c'était bon, mais enfin, c'était autre chose.
- Speaker #1
Alors, autre composition pour rester dans le semi-classique, je dirais, nous allons écouter Cancan. que vous avez écrit dans le style de Folie Parisienne et French Cancan. Et d'ailleurs, on vous a surnommé à l'époque, quand vous avez composé cette suite, de l'Offenbach des temps modernes. Ça vous flatte, ça ?
- Speaker #2
Oh non, je rougis. Soyons modestes, je ne me reconnais pas le talent d'Offenbach, qui était un génie, qui a complètement créé un style de musique. La musique gaie, c'est peut-être plus difficile que la musique émouvante, pour une raison très simple, c'est que le matériau lui-même est émouvant. Mais c'est un peu plus rare que la musique émouvante. Alors, comme je suis assez naturellement gaie, ce qui m'a embarqué d'ailleurs dans les aventures théâtrales dont on va parler, donc j'ai écrit la musique que je pense que je devais écrire.
- Speaker #1
Dans les années 30, donc vous avez quoi, une quinzaine d'années finalement, vous allez, tout en continuant vos études au conservatoire de Paris, vous allez donner des cours de claquettes, je crois ?
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Des cours de danse, donc ?
- Speaker #2
Oui, voilà comment ça s'est passé. Bon, j'avais dit à ma mère que j'amènerais de l'argent en travaillant, parce que la vie était un petit peu difficile. Mon père s'est beaucoup consacré à la création de musiques contemporaines, et c'est naturellement, non seulement ça ne rapporte pas d'argent, mais ça en coûte. Et donc, j'ai dit, voyons, comment je vais pouvoir gagner ma vie ? Il y avait plusieurs options. C'était de faire du piano-bar. J'ai fait du piano-bar. C'était d'être pianiste dans une édition. Et donc, au fameux studio qui était à la place d'ici, on donnait des leçons de danse. Et comme j'aimais Fred Astaire, j'ai dit, ben voilà, je suis spécialiste en musique pour claques. Il y a tout le répertoire de Fred Astaire et Ginger Rogers, je peux le jouer. Et on m'a dit, c'est très bien, parce qu'il y a M. Howard Vernon qui ouvre un cours. Et donc, on va vous présenter. et ils sont pas venus dans les lieux. le son, et j'ai connu Howard Vernon, et c'était un personnage qui est devenu un comédien très connu, amusant, et j'ai donc gagné ma première cachée au studio Wacker, en accompagnant de délicieuses danseuses, voilà, qui faisaient des claquettes.
- Speaker #1
Gérard, à cette époque, nous sommes en septembre 1939, vous allez obtenir vos diplômes de fugue, d'harmonie, de contrepoint au conservatoire de Paris, alors parlez-nous de cette période, je suppose, quand même très heureuse pour vous, parce que vous avez quand même les plus beaux diplômes. de ce conservatoire parisien ?
- Speaker #2
J'ai eu de très bons professeurs, évidemment, grâce à mon père. J'ai eu les frères Gallon. Alors les frères Gallon ont formé énormément d'élèves, et c'était des musiciens qui n'étaient pas obnubilés par la modernité à tout prix.
- Speaker #1
Alors Noël et Jean Gallon.
- Speaker #2
Voilà, c'est ça. Jean Gallon était le professeur d'harmonie, et Noël était le professeur de fugue. J'ai commencé à avoir mon premier prix, effectivement, pas du tout en 39, c'était en 41. En 40, on a passé le concours. Le 10 juin, ou un truc comme ça. pendant la mise en loge, puisqu'on est enfermé. fermé toute la journée, c'est un dimanche, d'un seul coup, vers midi, on a entendu « brum » . Alors, il y a le secrétaire du conservatoire, M. Chantavoine, qui est passé, il a dit « écoutez mes petits-enfants, n'avez-vous pas des événements indépendants de notre volonté ? » Ils ont dit « j'interromps le concours, alors vous nous donnez, on emmène vos travaux, puis après on fera le jury, naturellement, on n'a jamais retrouvé les partitions, qui sont parties du côté de Bordeaux, et le lendemain, on prenait tous la voiture, et je me suis retrouvé en Bretagne, ou leur question. de la radio où mon père déluge en solo était à Rennes. Alors donc j'ai retrouvé mon père à Rennes et puis après je me suis retrouvé aussi à Toulouse.
- Speaker #1
Ce qui est assez étonnant pour un musicien qui au départ était très classique comme vous, vous allez avoir finalement deux vies et vous allez travailler donc dans le domaine de la variété. Vous allez collaborer avec les éditions Raoul Breton, les fameuses éditions qui ont édité Charles Trenet puis après Charles Aznavour et bien d'autres.
- Speaker #2
Écoutez, ce qui m'a décidé d'écrire dans la musique de la chanson ou la musique de film, c'est deux immenses personnages. C'est Charles Trenet, qui est un artiste complet, et l'autre, qui était le plus grand musicien de jazz qui existait.
- Speaker #3
Bonsoir, jolie madame, reviendrez-vous au rendez-vous où le printemps vous met dans l'âme un désir fou ?
- Speaker #1
Donc c'était bien sûr Charles Trenet avec Bonsoir Jolie Madame. Alors Gérard, nous étions en 1941. Alors vous commencez à écrire vos premières chansons. Qui vous a inspiré cette écriture pour la chanson, cette composition pour la chanson ?
- Speaker #2
Ben justement, c'est l'équipe des éditions Raoul Breton, c'est-à-dire... Mireille, Jean Noin, Charles Trenet bon enfin c'était vous avez été poussé, embarqué exactement, et puis il y avait une équipe de chanteurs donc c'était effectivement tout à fait, enfin moi ça me plaisait beaucoup parce qu'ils avaient une grande qualité musicale
- Speaker #1
Trenet c'est un génie et alors on va le redire un instant c'est à ce moment là que vous avez donc pris le pseudonyme de Gérard Calvi alors que vous étiez Grégoire Krettly il fallait donc changer de nom pour le domaine variété voilà Alors finalement, Gérard, je l'ai déjà dit tout à l'heure, mais je le redis, dans les années 38-45, deux vies, deux vies musicales, une vie classique, une vie variété.
- Speaker #2
Oui, c'est ça, et puis j'en avais une troisième qui n'était pas très musicale, mais enfin qui était... Elle est dite ou laquelle ? J'ai créé la cellule de résistance du conservatoire. Et donc je me suis bien engagé là-dedans, d'autant plus que j'ai beaucoup souffert de la déportation de la première femme que j'aimais. Et j'avais donc des comptes à régler.
- Speaker #1
Alors en 1945, vous allez obtenir comme conclusion musicale, je dirais, votre parcours classique au conservatoire. Le premier et le second prix comme on l'a vu. On dit dans le métier du Grand Prix de Rome de composition musicale.
- Speaker #2
Alors oui, c'était le top niveau des récompenses. Et alors il y avait un premier Grand Prix de Rome et l'énorme avantage du premier Grand Prix de Rome, c'est qu'il allait à la Villa Medicis. Alors évidemment... le premier Grand Prix de Rome, pendant l'occupation, il allait, je crois me rappeler, il allait à Nice. Alors j'ai passé ce concours, on m'a dit, c'est très bien, t'aurais dû avoir le premier Grand Prix. Mais tu referas le concours l'année d'après parce qu'il faut que tu aies le Grand Prix, tu vas essayer de pas attendre. Ah bon, très bien, alors j'ai refait le concours, mais alors moi pendant ce temps-là j'avais commencé à faire des chansons, je faisais du piano, je faisais des arrangements, etc. Je commençais gentiment à gagner ma vie, et alors j'ai refait une belle cantate, on m'a dit, oh ta cantate était patente, mais j'ai pas eu le prix. Mais alors, bon, oui mais alors attends, en 47, alors là on te la doit, et mon cher professeur, le dit bubu, monsieur Busser, dit, oui oui, Grégoire, il faut que tu fasses le... Alors j'ai refait une troisième fois le concours et j'ai eu une honte. Elle est formidable. alors ça a été extraordinaire, et je n'ai pas eu le prix. Mais l'Institut de France m'a rendu un service extraordinaire. Parce que si j'avais eu le premier Grand Prix, je partais la ville à Médicis. Ça aurait été délicieux, c'était admirable, je me serais cultivé, bon, j'aurais peut-être été jusqu'en Grèce, mais ma carrière, moi j'ai vu mes amis qui ont eu les Grands Prix de Rome, ils rentraient, et la meilleure situation qu'ils pouvaient trouver, c'était d'être professeur de solfège au conservatoire, alors que je faisais des choses beaucoup plus intéressantes.
- Speaker #1
Quelques noms qui ont eu le Grand Prix de Rome, le premier Grand Prix ?
- Speaker #2
mon grand frère en musique c'est Henri Dutilleux à cette époque là il y a eu de très bons musiciens qui ont pris le drame et puis il y en a eu de très bons que nous n'avons pas eu ...
- Speaker #1
Muguet-Polka, c'était une composition de Gérard Calvi qui s'inspirait quand même de la Pidicato-Polka de Johan Strauss, n'est-ce pas Gérard ?
- Speaker #2
Oui, oui, mais il faut mieux ressembler à Strauss qu'à Landru, c'est ce que dit le bonhomme. On est complètement d'accord. Non, mais il y a une raison très simple, c'est qu'on m'a demandé de... Je crois que c'était un de mes recommandes, c'est ça. Et M. Charmand m'a dit, voilà, je monte un spectacle pour les animaux, eux et nous. Et alors, il y avait une petite danseuse qui ne le savait pas. J'avais dansé que le Pizzicato de Strauss. Mais comme je faisais de la musique, il m'a dit, écoutez, on ne va pas changer la chorégraphie. Alors j'ai dit, bon, très bien, je fais un démarquage. Alors voilà, c'est un démarquage parfait de Strauss. Merci, M. Strauss.
- Speaker #1
Merci, M. Strauss. Alors Gérard, nous sommes à la fin de la guerre maintenant. Vous rencontrez Francis Blanche, avec lequel vous allez avoir une collaboration artistique particulièrement riche pendant plusieurs années, n'est-ce pas ?
- Speaker #2
Oui, mais j'ai connu Francis Blanche bien avant. Pour gagner ma vie, alors là, j'avais changé de crèmerie. Je n'étais plus chez Raoul Breton et je faisais les cours aux éditions Chappelle. Et là, c'était une des chances de ma vie parce que les éditions Chappelle étaient une édition anglo-américaine. Et c'est là que j'ai eu tous les trésors de la musique américaine. Cette musique était interdite, parce qu'il ne m'a pas empêché de la jouer. au centre-île d'Isée, on le disait à Batny. si vous voulez entendre de la musique américaine, mais il ne faut pas le dire trop, parce que vous allez au Paro-Terre de Marigny, juste là, au coin en face. Et donc je ne jouais que ça, et donc j'ai connu naturellement Berlin, Yersuin, et toutes ces merveilleuses musiques qui m'ont tellement inspiré par la suite, je ne le cache pas. J'ai connu, le directeur des éditions Chapelle était le fils de Louis Gann, du compositeur Louis Gann, et M. Paul Gann, il m'a dit, mais il faut que je vous fasse connaître un jeune comédien qui se produit dans les cabarets, etc. vous devriez travailler ensemble. Et alors, j'ai pris la connaissance de Francis Blanche et on a écrit notre première chanson, je crois en 1941 ou 1942, qui s'appelait « Avril » .
- Speaker #1
Un peu plus tard, après la guerre, vous avez... Il a composé une célèbre chanson pour Edith Piaf. Alors la chanson c'est le président de la tour bien sûr. Comment ça s'est passé la rencontre avec Edith ?
- Speaker #2
Ah bah écoutez ça je la dois à Francis qui lui faisait des cabarets tous les soirs comme interprète. Et un matin il me téléphone il me dit... Je lui dis, viens tout de suite, parce qu'on a rendez-vous avec Édith Piaf à 2h30. Je lui dis, oui. Je lui dis, mais pourquoi ? Elle me dit, pour lui proposer une chanson. Je lui dis, oui, mais la chanson n'est pas écrite. Il me dit, oui, c'est pour ça qu'il faut que tu viennes. et alors il m'a dit je suis en train d'écrire un texte alors je suis arrivé il m'a dit le prisonnier de la tour et alors je crois que jamais une chanson n'a été composée aussi vite parce que c'est très bien construit il était quelque chose comme une heure et demie on avait rendez-vous à deux heures et demie à l'Arc de Triomphe et on est arrivé et je tenais chez Francis et il m'a dit c'est ton rigolo là c'est le pianiste et bien bon très bien mettez-vous au piano alors jouez-moi ça un petit peu Francis a dit tout de suite oui mais alors surtout qu'une chanteuse pas, tu ne chantes pas, tu joues du piano, mais tu ne chantes pas. Et alors Pierre lui dit, pourquoi, il ne chante pas bien ? Il ne chante pas bien ? Ah si, alors il faut que s'il ne chante pas bien, il faut qu'il chante, etc. Finalement, je me suis mis au piano, j'ai bien joué la fin, et puis, pour la faire rigoler, j'ai quand même chanté le dernier truc, parce que je chante très mal, je chante très mal mes chansons, et voilà. Et elle a dit, ça me plaît, mes enfants, je vous l'enregistre, alors je crois qu'elle avait une séance, je vous l'enregistre la semaine prochaine, ou un truc comme ça, voilà, c'est des histoires de rêve.
- Speaker #1
Tout à fait, et puis ça persiste depuis toujours puisque cette chanson... C'est une chanson de tradition.
- Speaker #2
C'est une chanson de tradition,
- Speaker #4
donc voilà. Si le roi savait ça, Isabelle, Isabelle, si le roi savait ça, à la robe de dentelle, vous n'auriez plus jamais de roi, Isabelle, si le roi savait ça. Le prisonnier de la tour était mon seul ami, grand-mère, nous n'irons pas à la messe aujourd'hui. Il était mon seul amour, la raison de ma vie, grand-mère, et ma jeunesse était éteinte avec lui. Si le roi savait ça, Isabelle, Isabelle, si le roi savait ça...
- Speaker #1
Est-il besoin de dire que c'était Edith Piaf qui chantait la célèbre composition de Gérard Calvi et Francis Blanche ? Avec des paroles de Francis Blanche, c'était bien sûr le prisonnier de la tour. Alors, Gérard, vous m'avez fait remarquer, pendant que nous écoutions cette chanson, qu'il y avait une arpiste qui était incluse dans la partition. Qui était l'arpiste ?
- Speaker #2
C'était la célèbre Lili Laskin. Ça aurait pu être Spears, qui jouait très bien. C'était un garçon doué d'une façon exceptionnelle, ce pauvre Pierre.
- Speaker #1
Et tout en commençant, Gérard, à travailler pour le... le cinéma, vous allez enregistrer des disques à partir du début des années 50, je dirais, pour la marque Vogue. Vous allez signer un contrat avec la marque Vogue. Je crois que c'était en
- Speaker #2
1953, 1954. Un peu plus loin, oui. Oui, mais... Vous savez ce que c'est en disquant en premier ? Ce n'est pas du tout des disques d'orchestre. C'était des disques pour enfants. Et alors, il y a quelqu'un qui m'a secoué un petit peu dans ce moment-là. C'était mon grand ami Georges Jouvin. Et alors, il m'a dit, mais est-ce que tu te rends compte ? Comment se dit-il que tu ne penses pas à faire des disques ? J'ai dit, moi ? Il m'a dit, mais oui, tu fais des disques. Il y a l'orchestre, comment ça s'appelle ? Franck Poncel. Franck Poncel, il y a Franck Poncel. Armand Bernard. Exactement, exactement. Alors, j'ai dit, ah bon, très bien. Et là est intervenu un dénommé Jacques Walson. qui m'a emmené chez Vogue, mais en tout cas, je me suis bien amusé dans cette maison.
- Speaker #1
Et le premier 25 cm a été vraiment très remarqué, et il comprenait la fameuse polka du colonel que nous allons écouter à présent.
- Speaker #2
Ah bon ? Alors merci mon colonel !
- Speaker #1
Eh bien merci mon colonel, c'est Gérard Calvi qui disait cela. Oui, c'est moi. La polka du colonel, une composition de Gérard Calvi. Alors, il y a dans ce titre un solo de finale de trompette qui est particulièrement difficile à interpréter, je crois Gérard.
- Speaker #2
C'était un garçon dont je ne me rappelle plus le nom, qui était trompette solo de l'opéra. Et alors, le dilemme... C'est que je lui faisais faire quelque chose de très difficile, mais que ça se terminait par un espèce de couac, etc. Et alors il m'a dit, tu sais, ça m'ennuie quand même, parce que moi, tu comprends, je dis, mais oui, mais ça c'est le côté clin d'œil, je dirais que tu pouvais aller encore, aller beaucoup plus haut.
- Speaker #1
haut etc c'est moi qui t'ai cassé ta trompette alors bon il y avait un bon cachet il a accepté vous savez que ce morceau a été interdit on va en parler tout de suite après absolument puisque effectivement ferland bonifet jacques urdo ont écrit un texte sur cette musique oui et nous allons l'écouter à une version par jacques ardenne bourville a également interprété en version chantée je crois comme vous venez de commencer à nous l'expliquer que cette polka du colonel à une une histoire un peu secrète.
- Speaker #2
Oui, il est venu à mauvais moment, en tout cas. et comme on annonçait la polka du colonel il s'est installé un espèce de malaise et finalement il y avait l'incrimination des programmes et effectivement on a dit non vous avez été censuré ? j'ai été censuré j'avais joué tellement de musique censurée sur l'occupation que j'ai dit c'était normal que je reprenne un petit coup moi aussi
- Speaker #5
Moi garçon Oui mon clonel Quand on a votre âge, il faut du courage, mon garçon, oui mon colonel, pour m'arrêter l'arme à la bretelle, mon garçon, oui mon colonel. Quand on a votre âge, on aime le carnage, mon garçon, oui mon colonel, on part à l'assaut des citadelles, des canons, des avions, il faut en écoudre, faire parler la foudre, des bastions, des dragons, voyez un monsieur craignant de nom.
- Speaker #6
Mais si on colonne elle, mieux qu'en des filles, on les yeux qui brillent, on préfère avec elle, se livrer à la guerre en dentelle. Un coin de jupon, c'est bon, et soupir profond, c'est bon, un regard très doux, délaisé dans le cou, c'est vraiment encore meilleur que tout, c'est fou, c'est fou, c'est fou, c'est fou, c'est fou, c'est fou mon colonne. C'est pourquoi mon cher colonel Quitte à vous déplaire Je me fous de la guerre Les galons ça m'est bien égal Gardez vos ficelles La vie est trop belle Car sur le plan sentimental Moi mon colonel Je suis général
- Speaker #1
Eh bien écoutez, je comprends quand même, en écoutant attentivement les paroles de cette chanson, qu'elle fut interdite sur les ondes nationales.
- Speaker #2
Oui, oui, oui, une petite réaction. Vous savez, je me sentais tout à fait à l'aise parce que l'armée que je connaissais, je m'étais engagé dans la deuxième DB. Alors je n'étais pas un héros, j'étais dans la musique, je jouais des cymbales. Je me suis retrouvé à Berthier-Sugaden avec la deuxième DB. J'ai fait Strasbourg, j'ai fait tout ça, donc voilà.
- Speaker #1
Gérard, le milieu des années 50 a été particulièrement riche pour vous en rencontres intéressantes. Il y a eu d'abord Duke Ellington, je crois. Vous avez joué avec lui.
- Speaker #2
Un peu plus tard, hein. Et puis, bon, c'était l'homme que j'admirais le plus, qui m'avait avait initié le jazz avant la guerre. Et donc, rien que d'entendre ça, moi j'ai le frisson encore.
- Speaker #1
Sophie City Cat Lady, ça c'est sûr.
- Speaker #2
Oui, c'est ça, exactement.
- Speaker #1
Gérard, c'est vous, je crois, puisque nous sommes en train de parler de Duke Ellington qui avait introduit le jazz au conservatoire. National de musique de Paris, c'est quand même assez curieux ça, étonnant.
- Speaker #2
Oui, écoutez, c'est très simple, il y avait un marchand de musique, une maison d'accès ici, qui était juste au coin de la rue de Rome, et un jour j'ai acheté un recueil, dans les années 38, 37, 38, etc., quand le premier recueil de jazz que j'ai vu c'était... Des airs de Duke Ellington. Et le premier que j'ai joué, c'était ma sophistiquée de Lady. Je l'ai joué, mais peut-être, je sais pas, cent fois. Bon, d'abord, c'est génial comme air, comme composition. Et puis... Euh... J'avais pris l'habitude, quand je sortais de ma classe, alors après, entre parenthèses, Charles Trenet et Duke Ellington, ça va très bien ensemble. Et donc, je disais aux copains, partez pas trop vite, etc. Et puis, on tousse, on allait dans un endroit où il y avait un super piano. Et je leur jouais ça. Alors je dois dire que j'ai joué ça. Alors, il y en avait un autre qui connaissait un petit peu, qui faisait de la variété, et puis il y en a un autre qui était parfait. Alors, il y avait Pierre de Vévé, et il y avait l'admirable Pierre Spiers, qui a eu son premier prix de harpe, et son premier prix de piano. Et puis, il y avait Samson François. Voilà, et puis les autres, enfin bon, ben voilà.
- Speaker #1
Et votre prof à cette époque-là, c'était Henri Busser, il a été stupéfait d'apprendre que vous divertissiez en faisant du jazz ?
- Speaker #2
Non, non, non, il avait une énorme qualité, il disait il faut que vous fassiez ce que vous faites, c'est pourquoi vous êtes fait.
- Speaker #1
Alors nous allons terminer cette première heure, nous allons écouter Claude Goati qui a interprété le succès de Lucienne Boyer si petite. Avec Claude Goati vous avez enregistré de très nombreuses gravures, parlez-nous de cette chanteuse.
- Speaker #2
Ben, Claude faisait partie des artistes de la maison.
- Speaker #1
Oui, vous l'avez accompagné. Voilà,
- Speaker #2
et alors, ils espéraient beaucoup sur la carrière de Claude Goati. Ils ont dépensé là aussi de l'argent.
- Speaker #1
Un disque est paru aux Etats-Unis même, de Claude Goati. Oui,
- Speaker #2
et donc... Avec votre orchestre. Avec ceci petit, ben, ce qu'ils voulaient, c'est arriver à faire une Damia ou une Lucienne Boyer.
- Speaker #1
Qu'est-ce qu'elle est venue ?
- Speaker #2
Ben, ça a marché gentiment, et puis, comme ça n'a pas fait une très très très grande carrière, ben, je sais, elle m'a téléphoné très gentiment l'autre jour, et... Elle vend des meubles anciens. Antiquaires. anti-carrie.
- Speaker #1
Elle regrette son époque d'artiste ?
- Speaker #2
Oh,
- Speaker #7
évidemment ! ... Quand mon cœur bat trop vite, le briser entre tes doigts. Quand tu vois qu'une peine m'agite, tu me baisses doucement. Je me fais dans tes bras si petite. Si petite, oh mon amant Donc Gérard,
- Speaker #1
nous venons d'écouter une très belle chanson, Si Petite, et je trouve que vous aviez réalisé des arrangements musicaux vraiment remarquables à l'époque.
- Speaker #2
Oui. Comme par la suite d'ailleurs. Il y avait une équipe de musiciens formidables à l'époque, parce qu'il y avait des arrangements... Donc, ils travaillaient. Donc, ils travaillaient. Et donc, les techniciens aussi étaient très bons. Tout ça se passait au Havagram, à la salle Havagram. Et il y avait un son naturel qui était très bien. Enfin, bon...
- Speaker #1
Vous étiez au piano.
- Speaker #2
Ça, c'est du heureux, oui, c'est ça.
- Speaker #1
Voilà, Gérard, je vous remercie. Nous allons aborder le système branquignol la prochaine fois.
- Speaker #2
Ah bon, il y a des choses à dire, là.
- Speaker #1
On va en dire beaucoup avec des invités que vous aimez bien et qui vous adorent.
- Speaker #0
C'est la fin du premier épisode de ce podcast consacré aux premières années musicales de Gérard Calvi.
- Speaker #1
Le second épisode racontera sa complicité avec Robert Derry, Colette Brossé et la troupe des Branquignoles à partir de 1948.