- Speaker #0
Le Musée Sacem présente un podcast imaginé et raconté par Serge Elhaïc, les arrangeurs de la chanson française.
- Speaker #1
Générique Bonjour et bienvenue à l'écoute du quatrième épisode de ce podcast consacré à Gérard Calvi. Lors de l'épisode précédent, nous avons découvert quelques-unes des innombrables musiques de films signé par le maestro. Toujours en sa compagnie, nous revisitons certaines de ses partitions écrites pour le grand écran et tout particulièrement pour les films auxquels a collaboré un certain Pierre Tchernia, monsieur cinéma, qui témoigne dans ce quatrième épisode. Gérard Calvi, bonjour.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Que vous évoque le nom de Pierre Tchernia ?
- Speaker #2
C'est un de mes... des amis les plus chers, des garçons les plus fins avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler. Tu aurais dû jouer dans Branquignols, c'est un de ses grands regrets d'avoir pas fait partie de la troupe des Branquignols. Et puis, notre Pierre se destinait à être réalisateur de films dont il n'est pas venu avec les Brancignoles parce qu'il commençait, il a été assistant de je ne sais plus qui d'ailleurs pour faire ses stages, pour avoir son diplôme de l'IDEC.
- Speaker #1
Alors Gérard, je vous propose que nous écoutions un extrait du film La Belle Américaine de Robert Dhéry en collaboration avec Pierre Tchernia. Et Gérard, tout en continuant votre épopée avec Robert Dhéry et Colette Brossé, vous amorcez donc là une collaboration avec Tchernia qui va aller en s'amplifiant avec les années.
- Speaker #2
C'était aussi un travail en communion entre Dhéry et Tchernia. Ça faisait longtemps que Tchernia fréquentait les Branquignols. Là, il y a eu une vraie collaboration et dans cette belle américaine, il y a une histoire où on utilise beaucoup le personnage de Robert Dhéry, le comédien.
- Speaker #1
Alors je crois que la musique était quand même... Dans le vent, je dirais, puisque c'était l'époque du twist.
- Speaker #2
Oui, c'est ça. J'ai essayé de faire un générique qui soit un peu dans le style de l'époque.
- Speaker #1
C'était en 1962. Alors nous écoutons le thème principal de la belle américaine.
- Speaker #2
Le producteur m'avait demandé de faire une musique dans le style de l'époque et de taper dans le twist. Alors pour moi le twist était plutôt une non-musique qu'une vraie musique et alors donc il a fallu, je crois que j'ai trouvé un système qui consiste à avoir une rythmique qui est vraiment... et trouver un thème un peu jazzy qui était compatible avec le twist. Et alors ça a bien marché en France mais alors ça fait un tabac en Suède. Je sais pas pourquoi mais enfin bon ça a été le twist de l'année.
- Speaker #1
Gérard, j'ai une excellente surprise pour vous. Nous avons en ligne avec nous Pierre Tchernia. Il a bien voulu participer à cette biographie musicale de Gérard Calvi. Pierre, à quand remonte le premier contact avec Gérard ?
- Speaker #3
Écoutez, c'est précis, c'est l'hiver 48-49.
- Speaker #1
Après le début des Branquignols, puisque les Branquignols avaient démarré en avril 48 Tonnerre dans le ciel du théâtre parisien et dans le monde même des comiques parce que quelque chose de complètement nouveau était arrivé et quand on songe à l'équipe qui avait là dedans c'était magnifique bien sûr. Et donc, moi, j'ai connu Gérard au travers d'émissions de radio. Alors, je m'explique le plus rapidement possible. À cette époque-là, je suis en train d'essayer de commencer quelque chose dans le métier. Je suis sorti de l'Institut des Hautes Études Cinématographiques et je fais la découverte de quelque chose. complètement nouveau, qui est le club d'essai de la radiodiffusion française. A cette époque, il y avait un petit émetteur qui avait à peu près la portée de FIP, si vous voulez, sur la région parisienne, qui était réservé aux émissions de ce club d'essai. qui appartenait bien sûr à la radiodiffusion française, on disait encore la RDF, ça a été RTF quand la télévision a pris de l'importance, et c'était un organisme de radio complètement libre, dirigé par un poète, par Jean Tardieu, et dans lequel il y avait des émissions de tout genre, et des émissions complètement libérées des obligations de s'adresser à un public... extrêmement populaire n'oublions pas que c'est l'époque de saint-germain-des-près et qu'en plus de ça ce club d'essai fonctionne dans un très bel hôtel particulier à quelques centaines de mètres de saint-germain rue de l'université c'est une grande maison dans laquelle il y a d'immenses salons qui ont été transformés en studio de radio moi comme je sortais de l'idec à l'idec j'avais vu des sur le tableau des élèves des petites annonces disant si vous vous intéressez à la radio venez à ce club d'essai j'y suis venu et du jour au lendemain ou presque je me suis mis à connaître et à travailler avec Boris Vian, avec François Billedoux avec des tas de gens dont un complètement oublié malheureusement car il est mort et les absents ont toujours tort qui s'appelait Jacques Florent. Jacques Florent était un producteur c'est-à-dire quelqu'un qui avait pour mission de chercher, d'imaginer, de faire se rencontrer des gens. Jacques Florent fait partie des hommes importants de ma vie, car il m'a connu là-bas, il m'a jugé, il a eu une opinion de moi, si vous voulez, et il m'a fait faire, pour la première fois, le présentateur de radio, dans les émissions publiques ou de studios de ce club d'essai, et puis il m'a fait écrire des sketchs. Du jour au lendemain, je me suis mis à travailler avec des tas de gens. dont le musicien ordinaire de toutes les émissions de Jacques Florent, qui était Gérard Calvi. Il y a Gérard à côté de moi qui sourit.
- Speaker #2
Oui, je n'arrête pas de sourire parce que je me rappelle ce temps béni. C'était vraiment exceptionnel. Alors grâce effectivement à Jacques Florent, dont je vais prononcer le nom, comme tu l'as prononcé parce que c'était quand même notre initiateur, ça n'était pas intellectuel, c'était sensible et c'était simple. Les gens qui avaient quelque chose à dire, venaient dire quelque chose dans ces émissions, plus ou moins formelles, plus ou moins informelles. C'était une merveille, c'était vraiment cette admirable période d'après-guerre.
- Speaker #3
Alors c'était l'époque de la liberté.
- Speaker #2
Voilà, exactement.
- Speaker #3
Faut pas oublier que la libération, ça a été la libération des corps d'abord, c'est-à-dire la libération des gens qui avaient peur, la libération des gens qui étaient fusillés, qui étaient emprisonnés, mais ça a été la libération des esprits. N'oublions pas que pendant... 4 ans d'occupation, on n'a pas vu de films américains, ils étaient interdits. On n'entendait pas de disques de jazz, à moins que quelqu'un ait une collection de 78 tours qui dataient des années 38 ou 39. Et là, brusquement, ça a été le délire, ça a été la joie de découvrir des tas de choses, d'être libre, de se coucher à 3h du matin si on voulait, et de chanter dans la rue. Alors, évidemment, l'esprit s'est aiguisé là-dedans et on a fait le tour du monde de l'esprit.
- Speaker #1
C'était Duke Ellington avec Sophie's Sick Adept Lady, une composition de Duke Ellington particulièrement appréciée de Gérard Calvi. Pierre Tchernia, revenons à votre amitié avec Gérard Calvi. Nous sommes donc en 1948, les branquignoles font fureur à Paris. Vous essayez de votre côté d'entrer dans le monde de Robert Derry, en somme.
- Speaker #3
J'ai toujours dans l'esprit, à ce moment-là, car je sors de l'IDEC, d'essayer de trouver un stade... dans un film. Et connaissant Gérard, Gérard va me présenter à Robert Derry. Robert Derry doit tourner Branquignol et d'autres films, et j'espère qu'il va me prendre comme stagiaire, et puis la chose ne se fera pas. Mais c'est pour ça l'important, l'important c'est que je connais toute une bande de gens d'un esprit complètement neuf, et qui m'émerveille. D'autant que vous comprenez l'humour de Robert Dhéry, la science de la scène de Robert Dhéry, sa façon de juger les gens, de les utiliser, tout ça c'est quelque chose qui m'entre dans l'esprit, que j'apprends aussi. Et Gérard, moi ce qui m'émerveille dès l'abord chez cet homme, c'est que sur le plan musical, il a une culture et une technique musicale absolument impeccables, et qu'il a un esprit qui l'entraîne à utiliser, j'allais dire, d'autres notes que les notes de la gamme, et à les utiliser d'une façon qui est brillante, qui est sensible, qui est gaie, qui n'est jamais vulgaire. Alors bon, et puis en plus de ça, Gérard, c'est un homme courtois, bienveillant, ouvert, qui écoute. Alors bon, j'ai travaillé avec eux. Alors, il y a donc une atmosphère et musicale et poétique et dramatique et cinématographique dans tout ça, qui est un enchantement.
- Speaker #1
Eh bien oui, vous l'avez deviné, c'était un extrait des Branquignols, le premier film tiré du spectacle burlesque de Robert Dhéry, musique de Gérard Calvi, bien sûr. Pierre Tchernia, vous allez ensuite développer votre relation professionnelle avec Gérard Calvi à plusieurs niveaux.
- Speaker #3
Je vais donc avoir l'occasion de travailler avec Gérard dans toutes ses émissions de radio, ensuite dans les émissions de télévision, car Jacques Florent va m'entraîner dans la télévision naissante. Moi, je vais même m'y incruster complètement, puisque de 49 à 55, je serai parti de l'équipe qui a créé le journal télévisé, avec toujours le rêve de me retrouver dans le cinéma. Et ce rêve, il va se concrétiser avec qui ? avec Robert Derry, puisque je vais lui amener en 1957 ou 58, quelque chose comme ça, l'idée d'un film qui va devenir label américaine, que nous tournerons en 61, et dont le musicien sera évidemment Gérard. Voilà, sur le plan historique, c'est ça mes rencontres avec Gérard Calvi au départ.
- Speaker #2
Mon Pierrot, tu viens de me rappeler une des périodes les plus émouvantes, enfin les plus intéressantes de ma vie. Et alors, tu as bien fait de venir là parce que tu as parfaitement joué ton rôle. Eh bien dis donc. Si, je le pense. Parce que c'est vrai, on se choisissait, on se découvrait. Les amitiés, les collaborations ont fait qu'effectivement, tu viens de prononcer le nom de tellement de personnes que j'ai aimées. Je repense à Cora Vauquer, je pense à Agnès Capri, je pense tout ça. exceptionnel. Et alors, ce qui est merveilleux, c'est qu'en même temps, c'était simple. On savait qu'on allait au club d'essai et qu'on allait, grâce à Jean Tardieu et à Jacques Florent, on allait se retrouver entre des gens qui vivaient dans la poésie, dans la musique, dans l'invention, dans la gentillesse et qui, effectivement, il faut le dire, qui nous permettaient de retrouver une dignité après toutes les épreuves que nous avions passées.
- Speaker #3
J'ai connu un ravissement, d'autant que j'avais aucune culture musicale. Moi, j'avais que la culture musicale de la radio. J'écoutais à l'époque, je savais qui étaient Schubert et Mozart, mais c'est exactement comme sur le... Je veux dire que je sortais du lycée, alors je connaissais Chateaubriand, mais je ne connaissais pas Alphonse Allais. Alors je connaissais Beethoven, mais je ne connaissais pas Éric Satie. Et c'est là où Claude Essay m'a appris tant de choses.
- Speaker #1
Votre compositeur préféré après Mozart, très loin derrière Mozart, on nous a révélé un jour que c'était Calvi.
- Speaker #3
Ah c'est ça, oui, Calvi, je vois, je vois. Vous voyez ? Un grand type maigre. Voilà.
- Speaker #2
On a l'air... On a l'air...
- Speaker #4
Quand la pétite va tout bas Quand la pétite va tout bas Puis dans le futa il y a un oubliaire et
- Speaker #5
En la pétivate ou pas. Vive les canottes qui grottent et grignotent. En la pétivate ou pas. Écoutez ce qui va suivre. Le vieux proverbe est changé. On ne mange pas. Pas pour vivre, il faut vivre pour manger.
- Speaker #6
Quand l'appétit va, tout va. Pour la santé, y'a que ça. La pure émotion, c'est quand on a son estomac dans les talons.
- Speaker #5
Les petits points frais, les bons gros. Sur un rythme d'alvégros. Pour manger et boire, pour jouer des marches, boire. Quand l'appétit va, tout va.
- Speaker #1
Quand l'appétit va, tout va. Eh bien, cette chanson tirée du second film d'Astérix, Astérix et le Patre. Musique Gérard Calvi, paroles de Pierre Tchernia, les interprètes Roger Carel et Jacques Morel. Pierre, nous abordons avec vous et avec Gérard la toute dernière partie de votre collaboration commune, c'est-à-dire les films que vous avez réalisés, vous Pierre Tchernia en tant que réalisateur et Gérard en tant que compositeur des musiques, comme celle du Viagé par exemple.
- Speaker #3
Moi je me souviens quand on a fait le Viager, je me souviens... que Gérard m'a dit, attends, alors on va commencer à parler de ça, qu'est-ce que tu vois ? Je lui ai dit, écoute, moi ce que je vois, c'est que c'est l'histoire d'une maison, au travers des années, il y a un jardin, il y a du soleil, il y a des fleurs, il y a des enfants, il y a des imbéciles, il y a des braves gens, Mais au-dessus de tout ça... Et là, je sais d'où ça venait, ça venait de Mozart, justement. Au-dessus de tout ça, j'entends une flûte comme un oiseau qui passe au-dessus, et je sais à quoi je faisais allusion. Je faisais allusion à un très beau concerto pour flûte de Mozart qui fait... Il existe aussi sous forme de concerto pour clarinette et orchestre.
- Speaker #2
C'est exact, la version clarinette.
- Speaker #3
Et Gérard m'a dit, mais écoute, tu rentres tout à fait dans ce que j'imagine, parce que c'est très français, et il y a une flûte concertant dans le thème principal du Viager, et puis il y a d'autres musiques, bien sûr.
- Speaker #1
Alors, que vous rappellent les musiques de Des Gaspards, Bonjour l'angoisse, Le secret du petit milliard ?
- Speaker #3
Des Gaspards, c'est très beau, parce que Des Gaspards, il y a justement un thème principal, il avait... J'ai l'impression que c'est l'orchestre le plus important qu'il ait eu dans nos collaborations. Il y a le thème principal des Gaspard qui est très mozartien. Il est même tellement mozartien qu'il y a un moment où... Il y a un concerto de Mozart, un concerto pour piano, je ne sais plus lequel, où le thème évoque la musique des Gaspard par sa construction, par sa couleur.
- Speaker #2
Tu reverses complètement le problème, autrement dit... Oui, Mozart, bon, très bien. De toute façon, c'est normal, parce que le temps n'existe pas et donc on peut admettre que j'étais complètement... inspiré par Mozart et que Mozart a été inspiré par Calvi. Oh ! J'osais le dire.
- Speaker #3
Sûrement. Entre Vosges, Gangues, Gérard...
- Speaker #1
Le secret du petit milliard, c'est un de vos derniers films avec Gérard.
- Speaker #3
Oui, c'est un téléfilm dans lequel toutes les choses qu'on a faites, c'est toujours le même plaisir de collaboration, de le voir s'introduire dans une oeuvre. Maintenant, on se connaît tellement bien que quand je lui dis un peu ce qu'on va tourner... il voit déjà un peu ce que ça va être lui. Parce que souvent, on se dit, ah mais dis donc, tel réalisateur, tel auteur, travaille tout le temps avec tel décorateur ou tel musicien. Mais c'est logique, c'est normal, parce que s'ils ont trouvé une façon heureuse de collaborer, pourquoi changerait-il après tout, quand on a fait un enfant avec une femme, et que cette femme et cet enfant vous plaisent ? Eh bien, on continue, on va faire un deuxième.
- Speaker #2
Bon, écoute-moi, je trouve qu'il faut qu'on se voit assez rapidement pour faire un petit enfant ensemble, parce que... Ça me manque, hein ?
- Speaker #3
On va faire un opérant.
- Speaker #2
Alors, tout à fait d'accord.
- Speaker #1
Écoutez, Pierre, je vous remercie très sincèrement. Vous avez été vraiment assez exhaustif sur votre collaboration avec Gérard. Vraiment, je crois que nous avons été tout à fait complets sur notre parcours ensemble.
- Speaker #2
À très bientôt,
- Speaker #7
Pierrot.
- Speaker #1
C'est la fin de ce quatrième épisode en compagnie de Gérard Calvi et de Pierre Tchernia qui ont fait revivre cette épopée vécue ensemble. Le dernier épisode de ce podcast permettra d'évoquer la participation de Gérard Calvi à d'autres brillants projets musicaux et de rappeler qu'il a été président de la Sacem à plusieurs reprises.