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"Et main-tenant...?"

Maryse Jaspard , témoignage d'une "Féministe historique"

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1h03 |15/10/2024|

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"Et main-tenant...?"

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1h03 |15/10/2024|

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Description

Dans cet épisode captivant du podcast "Et main-tenant...?", animé par Patrice Marcadé, nous plongeons au cœur des luttes féministes à travers le témoignage unique de Maryse Jaspar, une figure emblématique du féminisme historique et professeure à l'université de Paris. Maryse nous invite à explorer son parcours au sein du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) des années 70, où elle a été une pionnière dans la défense des droits des femmes, notamment en matière de contraception et d'avortement.


Au fil de cette discussion enrichissante, nous découvrons comment le féminisme a évolué au fil des décennies. Maryse met en lumière les luttes des années 70, centrées sur le plaisir et la connaissance du corps, et les compare aux préoccupations contemporaines qui se concentrent davantage sur les violences faites aux femmes. Ce contraste nous amène à réfléchir sur la notion de la résilience et de la création artistique au sein des mouvements sociaux, ainsi que sur le sens de la vie et le temps qui passe.


Maryse aborde également les tensions actuelles au sein du féminisme, évoquant des sujets délicats tels que le racisme, l'islamophobie et les droits des personnes transgenres. Les réseaux sociaux, en exacerbant ces divisions, soulèvent des questions cruciales sur la relation entre les différentes luttes et sur l'amitié qui peut se forger malgré des divergences d'opinion.


Cet échange, riche en émotions et en réflexions, nous offre un éclairage précieux sur les défis persistants du féminisme aujourd'hui. Il nous invite à repenser notre rapport à la vieillesse et à vieillir, tout en célébrant l'activité intellectuelle qui nourrit notre engagement. À travers les mots de Maryse, nous découvrons que chaque voix compte dans le "pantheon" individuel des luttes pour l'égalité et la justice.


Ne manquez pas cet épisode qui, au-delà des thématiques féministes, interroge notre rapport à la vie, à l'amour, à la santé et à la tendresse. Rejoignez-nous dans cette conversation essentielle qui éclaire non seulement le féminisme, mais également notre humanité partagée. Écoutez "Et main-tenant...?" pour une exploration profonde et nuancée des enjeux qui façonnent notre société actuelle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir le pont des âges. Il n'est pas de jour que les médias ne parlent du féminisme des violences faites aux femmes. La cause est juste et devrait faire l'unanimité, or elle fait l'objet de polémiques, de disputes violentes. Pour clarifier ce débat, j'ai fait appel à une féministe historique, Maryse Jaspar, qui était professeure à l'université à Paris en 1968. Maryse, est-ce que tu peux te présenter avant toute chose ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, bonjour Patrice et merci d'avoir favorisé cet échange sur ce sujet effectivement brûlant. qui n'est pas nouveau du tout, mais qui en ce moment occupe beaucoup le centre d'intérêt majeur de l'ensemble des médias. Me présenter, c'est un peu compliqué. Je vais essayer de schématiser, de garder le plus important, ce qui est important à mes yeux. pour expliquer un peu mon parcours et pourquoi je suis là à parler de ce sujet. La légitimité en fait à en parler, c'est toujours une question de légitimité de parole. Et donc je commencerai par le commencement, c'est-à-dire que je fais partie de ce qu'on appelle les féministes historiques, c'est-à-dire les féministes, enfin les personnes, les femmes, qui étaient présentes dès les années 70, au début du MLF, c'est-à-dire ça devait être 69-70. Je ne sais plus exactement la date. Et qu'on commençait donc à se réunir, il faut bien dire, en région parisienne, dans des milieux assez privilégiés, plutôt des milieux intellectuels. Il se trouve que j'étais, moi, à l'époque, j'avais 23 ans, à peu près, oui, 23-24 ans. Et j'étais déjà mariée, mère de famille, ce qui était, dans le milieu féministe, assez rare. On appelait ça des féministes atypiques, les autres féministes étant plutôt des femmes célibataires. avec un niveau intellectuel assez élevé. Moi, j'étais étudiante encore. Enfin, étudiante... Au début, j'étais étudiante, et puis après, j'étais déjà... J'ai eu la chance d'être recrutée très, très trop à l'université. Donc, j'étais étudiante en sociologie, des biographies. Et j'ai été recrutée à l'université de Paris. J'avais juste... ma maîtrise et j'avais mon D.S.S. C'était un diplôme d'expert démographe. Et donc avec ce petit bagage, je suis rentrée à l'université. Après j'ai traîné pas mal pour avoir la thèse, mais bon ça c'est une autre histoire, c'était comme ça à l'époque. Donc j'ai eu la chance d'être recrutée à l'université dans un institut de démographie qui était un petit institut de l'université de Paris 1. Et dans lequel finalement, au début non, mais par la suite j'ai pu mener les enseignements que je voulais, comme je voulais, et de faire les études et les recherches que je voulais. Donc ça j'ai eu une chance extraordinaire d'avoir ça. Donc ça c'est mon parcours, et donc j'étais en même temps féminine.

  • Speaker #0

    Tu nous dis, les études que tu voulais, ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qui t'intéressait à cette époque ?

  • Speaker #1

    À cette époque-là j'étais féministe. Je me battais tous les jours pratiquement pour la libération. Puisque le combat de l'époque, c'était la libération de la contraception et de l'avortement. Puisque c'était interdit. Moi, j'avais un enfant parce que je n'avais pas eu de contraception. Je faisais partie des victimes du système. Je n'avais pas du tout volontairement eu ma fille. Je l'avais eue parce que je n'avais pas de contraception, qu'elle n'était pas disponible. La diffusion de la contraception était interdite. La publicité de contraception était interdite. Donc, c'était quand même une époque, il faut le rappeler. En 1970, les premiers décrets d'application pour la diffusion de la contraception datent de 1975. La loi avait été votée en 1967, mais il a fallu attendre 1975 pour qu'il y ait les premiers décrets pour permettre de diffuser la contraception. Et encore, c'était très limité à des milieux favorisés. au courant de ça. Donc ça ne touchait pas les populations les plus démunies et bien sûr les campagnes, etc. J'ai pu, assez rapidement, non, j'ai eu quand même quelques années de galère où je faisais de la démographie pure, avec l'enseignement des statistiques imparfaites, des choses assez barbares, qui ne m'intéressaient pas beaucoup, mais que je faisais parce qu'il fallait bien faire ce qu'on me donnait à faire, et puis j'ai pu à un moment donné faire ce que j'avais envie de faire. Et donc j'ai commencé avec les étudiants à faire un enseignement sur les enquêtes et à faire des enquêtes sur la contraception, l'IVG, la sexualité, etc. Donc j'ai vraiment eu de la chance de pouvoir faire ce genre de travail. Alors j'étais donc au MLF dès 1970, et je suis rentrée à l'université en 1970 aussi. Bon, je suis rentrée, j'ai commencé par être assistante, et on a traîné en assistant pendant des années. C'était un statut qui était quand même relativement précaire. Et c'est quand Mitterrand est arrivé en 81 qu'on a été titularisés. On lui doit beaucoup. Donc j'avais une double vie, parce qu'au début, quand j'étais recrutée à la fac, je ne racontais pas ma vie, je ne montrais pas que j'étais féministe. Ce n'était pas possible. J'ai dû faire un espèce de coming out à une époque. Il a bien fallu au moins 5-6 ans ou sinon plus pour faire mon coming out. Après, j'étais la féministe de service à l'Institut de démographie. Et donc, à l'époque, je militais très fort. J'habitais à la cité universitaire d'Antony, où il y avait 6 000 étudiants. Il y avait un tiers de couple. avec enfants, un tiers de filles, un tiers de garçons. A l'époque, il y avait eu 68, puisque je suis arrivée en 68, je suis arrivée en décembre 67 à l'université Paris 1.

  • Speaker #0

    Donc, tu as vécu 68 ?

  • Speaker #1

    Et donc, j'ai vécu 68, mais en plein. Mais alors, je me suis même fait arrêter dans la cour de la Sorbonne le premier jour, le 3 mai. Et on est parti dans les quarts de police. Donc, ça...

  • Speaker #0

    Tu es vraiment une féministe historique.

  • Speaker #1

    Oui. Et donc, le MLF, eh bien, c'est à peu près un an après mai 68. Je ne sais plus très bien quand c'était. Mais il y avait dans les couloirs, il y avait des étudiantes en médecine qui avaient mis des affiches. Ce qui se caractérisait au niveau du militantisme et des affiches, c'était qu'on a lancé le MLF, les femmes ont lancé les affiches avec les couleurs pastelles, c'est-à-dire le violet, le vert et le fuchsia. Donc il y avait des affiches en vert où les fuchsias écrites à la main en disant planning familial contraception venez vous informer J'étais extrêmement intéressée par ça. Parce que j'avais donc eu un enfant sans le désirer. Bon, j'étais quand même contente de l'avoir. La pauvre, c'était... Bon, heureusement que j'ai eu, parce qu'après, je n'avais plus envie d'avoir un enfant. Donc voilà comment je suis arrivée au MLF tout de suite donc parce que je suis allée à une réunion avec des étudiantes en médecine, j'étais 3 ou 4 étudiantes en médecine et puis bon je me suis lancée à fond là-dedans, j'ai créé, j'ai parce que c'est vrai que j'étais à l'origine, j'ai créé un groupe femme. On faisait son groupe femme et dans le groupe femme on faisait ce qu'on voulait, on parlait de ce qu'on voulait. Ça a été très simple ce dont on parlait, c'est-à-dire qu'on a parlé tout de suite des rapports de couple, des rapports hommes-femmes, de la sexualité, d'apprendre à dire non. C'est-à-dire tout ce qu'on raconte maintenant là. Les premières choses c'était apprendre à dire non, apprendre à connaître notre corps parce qu'on ne connaissait pas du tout notre corps. On ne savait pas comment ça fonctionnait, on ne savait pas le plaisir, on ne savait pas très bien ce que c'était. On était toutes en couple, dans le groupe que j'avais, on était en majorité en couple. On n'avait pas tellement connu le plaisir les unes et les autres. Et voilà, donc on avait vraiment tout à... Donc c'était vital, c'était pas... Là, il y a quelque chose qui est un peu décollé. Maintenant, comme le féminisme est très axé sur les violences, mais tout le monde n'a quand même pas subi les violences, fort heureusement. Et tandis qu'à l'époque, on avait quand même... toutes à peu près la même expérience du couple marié, pas toutes avec des enfants dans mon groupe, mais on avait exactement la même approche et le même besoin d'exister, parce qu'on était la femme d'eux, on n'était pas quelqu'un, une personne, on était la femme de quelqu'un, on portait le nom du mari, enfin non, pas moi, c'est mon prof de thèse, qui était un vieux monsieur, un polytechnicien un peu rigide, qui m'avait dit mais ! Il faut garder votre nom de jeune fille, c'est qu'est-ce que c'est que ça ? Vous n'allez pas prendre le nom du mari, c'est assez drôle quand même comme histoire. Et donc à l'époque, on avait tout ce besoin d'exister. Mon corps m'appartient et on s'est engagé à fond dans la libération de la contrassation de l'avortement. Je pense qu'on a passé notre temps à faire des réunions, à militer. Alors on avait les groupes qui étaient informels. Moi, c'était le groupe, c'était les universitaires, on était une dizaine. Et donc on distribuait les journaux, le torchon brûle, enfin bref, on avait une vie de militant à temps plein. Et on allait donc aux AG à Paris, on rejoignait les groupes. Alors c'était là, tout à l'heure, tu parlais des distinctions entre les groupes. C'était pareil, de toute façon. Il y a toujours eu, je me rappelle, en mai 68 à la CTU, on avait les groupes de gauchistes. Donc les gauchistes, il y avait au moins 10. dix factions différentes. Les Mao, il y en avait au moins trois. Les Trotskis, je crois qu'il y en avait au moins cinq. Je ne me rappelle plus les noms, je me rappelle de Rouge, et puis ils avaient chacun des noms différents. Ils avaient tendance à... Il y avait l'affaire, il y avait tout ça. Et donc, on n'arrêtait pas. L'ennemi, le plus à droite, c'était le PC. Le PS, n'en parlons pas. Le PSU était à peu près... Ça pouvait aller, parce qu'il y avait Paro-Kar, mais il y avait sa sœur. Il y avait des... très proche du rocard, parce que c'est les vieux de la vieille. Et donc, c'était très... On passait notre temps à se bagarrer. Après, on militait au MLF, on allait aux AG à Paris. Alors là, on rencontrait les groupes. À Paris, il y avait Psychépo, Psychoanalyse et Politique, qui étaient sous la roulette d'Antoine Etfoucq. qui était une figure très importante, qui était un sacré personnage. Il y avait des choses extraordinaires à raconter là-dessus. Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais il y avait des choses extraordinaires. Et puis, il y avait les féministes révolutionnaires, il y avait les léguines rouges. La plupart des filles étaient des intellectuelles. Oui, des intellectuelles écrivaines, universitaires, étudiantes, beaucoup d'étudiantes quand même, et puis profs à la fac, enfin il n'y avait pas tellement de profs femmes à l'époque, donc il n'y avait pas tellement de profs, mais des chercheuses, et puis des psychanalystes, et il y avait des figures, mais il y avait des écrits, mais les écrits n'étaient pas signés. Il y avait eu des livres collectifs qui sont sortis, des livres très intéressants. J'ai participé une ou deux fois à des groupes où on se réunissait pour faire l'écriture collective, ce qui n'est pas facile. Mais il y a eu des ouvrages sans signature, parce que la volonté c'était de ne pas se mettre en avant. Sauf Antoinette qui était une égérie un peu étouffante. Alors là, on parle de l'emprise maintenant. Alors à l'époque, l'emprise d'Antoinette, elle n'était pas mal. Il y avait beaucoup de choses à dire là-dessus. Et donc, il y avait ces groupes qui se réunissaient, qui n'étaient pas toujours d'accord, mais il y avait quand même une volonté commune de lutter. Parce que ce n'était pas trop leur problème, la contraception, l'avortement, à certaines. Surtout, on avait aussi une forte proportion de filles, à l'époque, on disait homosexuelles, un peu lesbiennes, mais lesbiennes, c'était... C'était encore difficile à dire. C'était une revendication, c'était les identitaires. Mais ce n'était pas un mot qui était très courant. On n'en est pas comme aujourd'hui à parler. Non, c'était à l'époque. Et donc, ça avait quand même une importance aussi dans les luttes, parce qu'on n'avait pas les mêmes luttes quand même. Ce n'était forcément pas les mêmes préoccupations. Il n'y avait pas tout ce qui touchait à la maternité, à la contraception. Et voilà. Donc il y avait déjà des problèmes, mais les problèmes, ils étaient surtout les filles, elles venaient toutes, la plupart de groupes gauchistes où on n'avait pas la parole. C'est pour ça qu'il y avait les féministes révolutionnaires qui venaient de Rouges, des Mao ou des Trotsky, c'était grosso modo. Il y avait Mauret Trotsky, c'est avec toute une nuance de variation de point de vue. C'était très théorique à l'époque. Le militantisme, même en 68, on était dans la théorie marxiste, avec des subtilités. Et le féminisme, il a démarré. Donc à ce moment-là, il n'y avait pas de texte fondateur. Il y avait un peu les américaines, on avait des ouvrages américains, mais au début, il n'y avait même pas ça. Il y a eu... Oui, bien sûr, oui. Mais il y a surtout eu, il y a eu une personne, il y a eu le premier numéro de Partizan, qui était donc un partisan, c'était une revue d'extrême gauche. plutôt trop schiste quelques femmes françaises qui ont un peu comment théoriser la le féminisme on s'est beaucoup appuyé aussi sur les américaines et sur notamment par exemple j'ai notre corps nous mêmes qui était un ouvrage qui avait été fait par un collectif c'est des collectifs on n'était pas y avait pas cette plus la personnalité qu'on a maintenant avec des personnes qui se qui se bagarre entre elles nominées avec la dénonciation, avec les noms. Ce n'étaient pas des noms, c'étaient des groupes de personnes qui se battaient pour acquérir leurs droits. Et malgré tout, il y avait vraiment là-dessus, même s'il y avait des désaccords sur la sexualité notamment, forcément, sur les rapports avec les hommes, la place des hommes. Donc voilà, ça c'est l'ambiance. Et il y a eu, pour mon parcours personnel, il y avait groupe femme. avec le féminisme, les luttes féministes classiques. Et puis il y a eu, en particulier, c'est là que je devenais un peu atypique, c'est parce que je me suis engagée beaucoup dans la contraception et l'IVG, et avec le MLAC. Alors le MLAC, il se trouve que toutes les féministes n'ont pas fait ça. Moi je me suis engagée dans quelque chose de très concret, qui ne me touchait beaucoup. et puis après avec le planning familial aussi j'ai pas mal travaillé et donc il se trouve qu'à l'époque donc il ya eu alors dans les dates c'était peut-être un petit peu plus tard nous sommes des 72 73 il ya eu le film histoire d'un qui avait été fait sur la méthode carman qui était absolument interdit en france et qui était donc diffusé par le gis le groupe d'intervention santé qui était un groupe plutôt d'hommes Je leur avais demandé le film et donc j'ai fait diffuser le film à la Cité Université de Saint-Antony, trois séances. Alors on se faisait le grand cinéma, on avait le service d'ordre, on avait demandé à Rouge, c'était un peu les ennemis, mais bon, enfin les ennemis, bien sûr c'était les hommes, donc il fallait se battre. Et je leur avais demandé quand même de faire le service d'ordre. J'avais aussi demandé les Antillais, il y avait aussi les groupes des Antillais, parce que la Cité US était très cosmopolite, c'était très multiracial. on parle de comme ça, c'était extraordinaire pour ça, parce qu'on était vraiment baignés dans...

  • Speaker #0

    C'est un melting pot.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui, oui. On se faisait beaucoup de cinéma là-dessus, puisque c'était interdit, on avait un peu peur. Et n'empêche qu'on avait passé trois fois de suite, c'était pas rien. Et qu'il y avait eu du monde, et je me souviens, sur la tribune, on avait à la CITU, on avait une salle de spectacle. La CITU, c'est extraordinaire comme endroit, parce qu'on ne faisait pas à manger, on avait le resto U, on faisait... à peine le ménage, on nous le faisait de temps en temps, peut-être pas les couples, je ne sais plus. Et on avait la salle de spectacle pour nous, on avait des salles de travail, et il y avait pour les couples qui étaient très nombreux, il y avait une crèche, et il y avait deux écoles maternelles. C'était un paradis parce qu'on avait au milieu, c'était à Antony, il y avait là en couronne les bâtiments et au milieu il y avait une espèce de parc. Et on était là en toute liberté, les enfants. On allait être petits, alors maintenant on est parano avec les enfants. Ma fille, avec sa copine, quand elle avait déjà 5-6 ans, elle courait partout dans la CTU, dans les chambres des garçons. On n'avait absolument pas peur, il ne se passait rien. Je veux dire, là, la parano actuelle, c'est épouvantable. Enfin bon, donc voilà, ça c'est pour me parler un peu de l'ambiance. Donc, il y a eu le MLAQ. Dans le groupe MLAQ, ce qui est intéressant, c'est que ceux qui faisaient les avortements, c'était des hommes. Enfin, c'était des uns étudiants en médecine. Et les femmes, on se contentait, on recevait les gens. Et puis après, on n'a pas fait... C'était interdit de pratiquer les avortements. Donc, on n'a pas fait quand même des tonnes. On a fait quelques-uns. Et pour moi, c'était très dur. Parce que j'étais là pour tenir la main.

  • Speaker #0

    Par aspiration ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, par aspiration, méthode Kármán. Et j'avais beau être là pour tenir la main, je ne peux pas dire que j'étais...

  • Speaker #0

    Très à l'aise ?

  • Speaker #1

    Non, c'était très dur. Mais bon, je ne l'ai pas fait souvent, heureusement. Mais c'était marrant. Il y avait quand même ce découpage. Les hommes, c'était un homme qui faisait ça. Il y avait des étudiantes en médecine, puis moi je n'étais pas du tout en médecine, et j'avais d'autres amies militantes qui ne l'étaient pas. Donc on a fait ce groupe MLAC qui a beaucoup fonctionné. Et on a, bien sûr, après on a eu toute la lutte pour qu'on arrive à la voie de 75, première voie suivie de l'IVG, deuxième voie 80. Donc le MLF, comme ça, ça a duré avec le MLAC et un peu de planning. Je ne sais plus le planning, à quel moment j'y suis allée, je ne sais plus très bien. Peut-être après. Et donc, jusqu'en 1980. Et là, 1980, c'est la dernière manif qui a dû avoir lieu en 1980, où le Psychepo a pris le sigle MLF à son compte. Donc, on a fait une marque, alors qu'il n'y avait pas de marque déposée. C'était quelque chose d'un... C'était comme totalement informel. Et là, elle a pris... Et donc, là, c'était le clash terrible et ça a tout cassé. dans une manif terrible. Et après, le Psyche-Époche est devenu... Après le sigle MLF, il y a eu la librairie des femmes qui est devenue un peu une institution. Et il faut bien dire qu'après 1980, le féminisme a disparu complètement. Le militantisme féminin a complètement disparu. Le planning familial s'en est un peu... Bon, le planning familial...... C'était un peu une étiquette féministe, mais on ne parlait plus de féminisme. On avait été tellement décriés, considérés comme des malbaisés, des lesbiennes, des malbaisés, tout ce qu'on peut imaginer comme horreur à l'époque. C'était très mal vu. Et je me suis retrouvée donc... À l'université, j'étais déjà à l'université depuis un moment. Et donc, j'ai réussi à faire des enquêtes sur la contraception et l'avortement. Mes premières enquêtes avec les étudiants, c'était sur la contraception et l'IVG. J'ai fait d'abord le BQ de la grossesse. Parce qu'il y avait un enjeu qui n'était pas tellement suivi par les féministes. C'était sur la grossesse, sur les conditions de grossesse. et sur un peu la foutesse de l'accouchement sans douleur. Moi, j'avais fait ça, j'avais fait avec mes étudiants, on avait été dans une clinique où ils faisaient pratiquer, c'était le médecin au pieds nus, comment il s'appelait, je ne sais plus, un grand ponte, qui faisait des accouchements soi-disant sans douleur. Et je me rappelle, pour moi, c'était très dur, ça. Parce que, pour des raisons personnelles, c'était très très dur, mais j'y tenais et les étudiants ont marché avec moi complètement. Et donc, on allait faire des interviews de femmes qui étaient en train d'accoucher, juste avant, juste après, juste après, et en leur faisant parler sur leur accouchement, les conditions d'accouchement. Et donc, il y avait des groupes de paroles qui étaient organisés par la clinique. Alors, j'allais au groupe de paroles et puis, elle me disait, après j'allais les voir, elle me disait le contraire de ce qu'elle avait dit dans le groupe. Dans le groupe, tout était merveilleux, tout allait très bien. Puis quand j'allais les voir, c'était beaucoup moins bien. Et donc, bon, c'était, voilà, on avait fait une enquête là-dessus et c'était assez intéressant. puisque j'étais démographe, ça faisait partie de... Et j'ai commencé comme ça, et puis après les autres enquêtes que j'ai réalisées, j'en ai fait quand même beaucoup avec les étudiants, on a même sorti des bouquets ensemble, ça a été plutôt contraception, IVG, et puis sexualité, et puis prévention du sida. Donc voilà, je pouvais avoir une vie militante d'un côté, et puis je pouvais, dans mon activité professionnelle, mettre en application ce que je pouvais faire. Et alors là, le rapport entre générations, mais à l'époque, c'est que j'avais l'âge des étudiants, à quelque chose près. Il y en avait même des plus, parce qu'il y avait beaucoup d'étudiants qui venaient d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne, nos anciennes colonies, qui venaient se former en démographie, qui étaient déjà chez eux un peu expérimentés. enfin qui avaient des postes importants, qui venaient se former en démographie. Et donc, ils étaient quelques fois plus vieux que moi, donc ce n'était pas une chance de régénération, c'était la même génération. Ce n'était pas très évident, enfin si, c'était plutôt ça. Ça m'a sans doute beaucoup facilité les choses pour faire avec eux des sujets comme ça, je pense que j'aurais fait ça. Et après, j'ai continué pendant toute ma carrière, pendant 40 ans, à travailler avec les étudiants sur ces mêmes sujets de société. Avec cette même approche, j'aurais même fait un cours qui était pas mal, sur ce qu'on ignore plus tard, sur ce qu'on ignore totalement, c'est-à-dire l'histoire récente. Dans les années 80, fin 80, j'aurais expliqué la lutte pour la contraception et l'avortement, qui était un phénomène. Pour des démographes, c'était fondamental. Et donc, je leur ai fait tout un historique, comme ça, de la législation, l'évolution de la législation, et l'évolution des rapports de couple, et l'évolution des rapports de sexe. Donc, j'ai vraiment réussi, dans ma carrière professionnelle, à faire les deux. Je n'ai pas été très embêtée. On ne peut pas dire. Personne ne m'a mis le bâton dans les roues. Parce que j'étais dans l'institut, j'étais institut de démographie, des instituts. Dans les universités, il y a des instituts un peu à chaque fois. On a le même statut que les autres, mais on a moins d'étudiants. Et on a des étudiants, c'était des étudiants au troisième cycle que j'avais. Et ce qui me permettait de faire ce type d'enseignement, j'avais besoin de leur apprendre les grandes doctrines de la sociologie ou de la démographie, ce qui n'est pas très marrant. Moi, ça ne m'amuse pas beaucoup. Et donc, ça me permettait... Et mon enseignement était très utile dans la mesure où je leur apprenais à faire des enquêtes et après, être opérationnelle sur le terrain. Et donc, ça, c'était... Et en plus, c'était au niveau enseignement, c'était... Je ne le savais pas, mais c'était très novateur, en fait. Après, on a dit qu'il fallait faire comme ça, mais...

  • Speaker #0

    Tu étais à la pointe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Sans le savoir.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu étais à la pointe sur le... En t'écoutant, j'ai... L'impression, si on compare les deux féminismes, celui de cette époque fondatrice autour des années 70-80... 70,

  • Speaker #1

    oui. 70, et maintenant,

  • Speaker #0

    j'ai l'impression que ce qui était revendiqué à cette époque-là, c'était le droit au plaisir. Et ça, vous transgressiez un tabou.

  • Speaker #1

    Et au désir.

  • Speaker #0

    Au désir, le plaisir. C'était un objectif. J'ai l'impression qu'actuellement, le combat des féministes, c'est le refus de la douleur, le refus de la violence, le refus de la douleur. Et ça me frappe ce parallèle entre... Oui, entre le combat des pionnières et le combat de maintenant. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Oui, attends, le refus de la douleur, nous on refusait, moi j'ai refusé, on n'était pas très nombreuses, mais on refusait la douleur de l'avortement. Pardon, la douleur de l'accouchement. Oui,

  • Speaker #0

    oui.

  • Speaker #1

    Et le refus, un peu, et d'une certaine manière, il y avait un refus de la maternité forcée, la procréation forcée. Donc, c'était ça, c'était une sacrée violence. C'était, je veux dire, la première violence, et ça, je l'ai écrit un peu partout dans mes bouquins, la première violence, c'est la procréation forcée. Bien sûr. Et l'accouchement, et la... Enfin, forcer les filles à... Une fille qui est enceinte, par exemple, à la suite d'un viol, la forcer à aller au bout et à accoucher, je trouve ça monstrueux.

  • Speaker #0

    Et ça, ça, donc, ça, ça, il faut bien le... C'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment. Parce que maintenant, les filles, elles ont l'impression, depuis des années, depuis que la contraception existe, depuis qu'elles sont informées sur la sexualité, sur les risques, etc. Elles ont l'impression que tout ça, c'est acquis, il n'y a pas de problème. Mais ça a été quand même ma génération. Ma génération, on a eu des enfants très tôt. Il y en a beaucoup qui ont eu des enfants avant de se marier, parce qu'on ne pouvait pas échapper au mariage. Donc on avait déjà le mariage, on n'avait pas très envie de se marier. Moi je n'avais pas envie de me marier quand je me suis mariée. On parle des mariages forcés, mais ça ressemblait à ça les mariages. Même si on n'avait pas des hommes monstrueux, on n'était pas obligatoire, on n'avait peut-être pas envie de se marier. Mais on était au forcé de se marier, enceinte ou pas d'ailleurs, c'était pas ça qui jouait. On ne pouvait pas coucher avec un garçon. Et ça les générations nouvelles ne le savent pas. Elles ne l'ont pas du tout intégrée, elles ne pouvaient pas comprendre. Et ça, on refusait ça. Le plaisir, parce qu'on ne connaissait pas le plaisir. Parce que quand on était mariés, on n'y connaissait rien. La masturbation, on connaissait à peine. On ne connaissait pas notre corps, parce que c'était sale. C'était ça, tout ce qui touchait en bas, on ne savait pas comment c'était. On ne savait pas comment on était faite, on ne savait pas combien on avait de trous en bas. Je suis désolée. On ne savait pas très bien par où on faisait pipi, par où on faisait les enfants, par où on faisait... C'est quand même ça le problème. Et ce que je raconte, c'est pas... Et j'étais quand même une fille étudiante, j'avais... D'un milieu, bon, qui n'était pas complètement... Un milieu artisan, un peu... Donc un peu évolué quand même. Et c'était ça. Donc, on ne recherchait pas le plaisir. D'abord, ce qu'on a recherché, c'est de connaître notre corps et de savoir comment ça fonctionnait, parce qu'on ne savait pas. La masturbation, on a le clitoris. Il y avait des discussions, je me souviens, un peu plus tard, dans des dîners où c'était un thé clitoridien ou vaginal. C'était des choses comme ça. On a découvert le clitoris. On savait le mot, on connaissait à peine.

  • Speaker #1

    C'est la découverte de l'Amérique.

  • Speaker #0

    Oui, c'était l'Amérique. Il faut dire que la découverte du plaisir, ça ne s'est pas venu tout de suite. Pour ça, il fallait rencontrer, il fallait mettre en pratique. Là, comme on est en pratique par l'homosexualité, par les rapports avec les femmes, ça permettait... Mais bon, ce n'est pas la majorité. des gens donc quand on est dans une relation hétérosexuelle c'était pas c'était pas évident bon donc après c'est les circonstances de la vie qui ont permis que ça il a fallu que chacune règle son problème à sa façon par rapport aux partenaires enfin bon bref donc c'était donc c'était pas tellement le plaisir enfin c'était le C'était de connaître son appartenir, qu'on s'appartienne en tant que personne et en tant que corps, et que comme corps qui peut éventuellement avoir du plaisir, parce que ça on ne connaissait pas. Si on lit les... J'avais beaucoup travaillé là-dessus, dans le bouquin, j'ai fait quand même pas mal d'historique de la sexualité. J'ai commencé par ça dans les bouquins, je travaillais sur la sexualité. Enfin, avant les violences. Et donc, dans les années 50, l'interview auprès des femmes qui avaient à l'époque 20, 30 ans, 40 ans, toutes, elles disaient qu'elles avaient commencé à comprendre, à avoir un peu de plaisir à peu près à 40 ans. Mais que tout le reste du temps, elles avaient supporté les rapports conjugaux, puisque tout le monde était marié. Les rapports conjugaux, bon, elles n'osaient pas dire non à leur mari. Donc c'était quand même un peu... Le jour de la nuit de noces, c'était un peu du viol. Et les nuits de mariage, c'était du viol pas trop violent, mais c'était quand même du rapport un peu imposé. Enfin, je veux dire, il faut quand même avoir ça dans la tête. Donc les jeunes femmes de maintenant, elles ne peuvent pas savoir. Et en plus, il y avait la peur d'être enceinte. C'était horrible ça, la peur d'être enceinte. Parce que tous les mois, si les règles n'arrivaient pas, on avait peur. Et ça, c'était terrible de vivre avec ça. Comment voulez-vous avoir une sexualité quand on ne pense qu'à ça ? Donc ça, c'est des phénomènes, vraiment, c'était vital. Et je pense que c'est pour ça que par rapport à maintenant, il y en a beaucoup, bon, il y en a qui savent de quoi elle parle, parce qu'il y en a qui ont été victimes, mais c'est quand même pas la majorité. Fort heureusement, je voudrais bien insister là-dessus. et que toutes les autres, elles défendent une cause. pour laquelle il leur reste quelque chose d'étranger quand même. On dit que là, on défendait quelque chose que toutes les femmes vivaient au quotidien. C'est un peu ça, je pense, la différence. Alors le plaisir...

  • Speaker #1

    Attends, explique-moi ça. Oui. Tu as l'impression qu'elles défendent quelque chose qui leur est étranger, c'est-à-dire quelque chose qui ne correspond pas à leur expérience, alors que de votre... vous vous battiez pour quelque chose qui correspondait à votre expérience, c'est une expérience de frustration, si on peut dire.

  • Speaker #0

    De frustration, oui. Enfin, je veux dire, il y a le Manifeste des Barouches, c'est un truc, je crois que j'ai mis dans tous les bouquins, peut-être pas dans celui-ci, mais dans tous les bouquins, j'ai mis… Ben voilà, il est là de toute façon. Nous sommes exploités comme objets sexuels, éducatrices, bonnes à tout faire et main-d'oeuvre à bon marché. Manifeste des barouches, New York, 1969. Ça résume tout à fait ce qu'on était et ce qu'on ressentait. On n'était rien, on n'était que ça. Donc, on avait vraiment de quoi se battre. Bon, toutes les femmes l'ont pas fait. Et puis j'arrive à Paris en 67, dans des conditions un peu pénibles aussi, je raconte pas. Et il y a mai 68, et le MLF, et ma vie a complètement changé. Enfin, je veux dire, c'est... J'aurais fait une psychanalyse pendant 20 ans, ça suffisait, c'était une renaissance complètement. Je ne suis pas la seule, enfin. Et pour les garçons, c'était pareil. Les garçons que j'ai connus, c'était pareil. Je veux dire, ça nous a... On a tout remis en question, puisque la grosse remise en question, c'était la famille quand même. C'était ça, c'était famille Jevoé. Puis c'était fort. Je veux dire, ce n'était pas non plus... Parce que si on était dans cette situation aussi... pénible là, c'est parce que les familles nous avaient mille grappes à-dessus en nous obligeant... La religion ! La religion quand même, comme tout le monde, j'étais dans ce village, tout le monde allait à l'église catholique, il y avait quelques protestants, parce que c'est quand même en région de protestants et catholiques, on avait des familles protestantes qui étaient plutôt les notables. Et donc les autres étaient tous cathos, tout le monde allait à la messe. C'était pas très drôle, on a fait la communion. Bon, puis après, à partir de 15 ans, je crois qu'on a réussi... Enfin, je crois que maintenant, il n'y a pas plus antique les récalques que moi. Et voilà, donc... Oui, c'était le poids de l'Église et de la famille. Enfin, eux, les parents, ils étaient forcément sous... C'était la société. c'était cette société familialiste patriarcale bien sûr patriarcale mais enfin les matriarcales il y avait des mères aussi qui n'étaient pas moi je ne sais pas c'est un autre sujet ça les mères et voilà donc voilà le parcours donc tu étais préparée

  • Speaker #1

    par ton enfance, ta jeunesse, tes premières expériences ici en Charente, tu étais préparée à ce que mai 68 soit vraiment l'éclosion, l'épargne, la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus après le MLA. Ça c'était la libération d'abord, la première libération. C'est vrai que ça a été... Puis nous on était en CITU alors. Il faut dire qu'on avait des conditions extraordinaires. Et quand je pense que, puisque j'ai commencé à travailler en 70, vous ne savez peut-être pas bien dire, mais à l'époque, j'avais très peu d'obligations. Parce qu'ils ont fait un recrutement, ils ont créé les universités. Il y avait les facultés avant. Ils ont créé les universités. Ils ont fait un recrutement massif. J'en ai profité avec d'autres. Et donc, ce recrutement massif, au début, on n'avait pas tellement d'heures de cours. Je ne dirais pas combien. Vous aviez le temps de faire un revue. Oui, c'est ça. Donc, il y a eu comme ça, une bonne 5-6 ans, ou peut-être un peu plus, pendant lesquels on avait cette espèce de liberté totale de penser. Mais s'il y avait des factions et des désaccords, il n'y avait pas de violence. Ce n'était pas aussi violent que les désaccords actuels que je vois entre les féministes elles-mêmes. Je trouve ça terrible et terrifiant, la manière dont on ne s'écoute pas, dont on ne supporte pas. Nous, on passait notre temps à discuter. Moi, j'étais virulente. Oui, j'étais virulente, tout le monde l'était. Mais c'était un plaisir. Après on pouvait être virulente comme ça, on pouvait se dire bon... En fait on ne s'est jamais tant bagarré, on se bagarre toujours avec les plus proches. Quand je me souviens qu'il y avait une fille étrangère qui était très cosmopolite, qui voulait absolument me faire rencontrer et laisser les vivre. Elle m'avait dit mais c'est pas possible quoi, c'est pas possible, ça n'a aucun sens. Par contre, si je rencontre par exemple le planning familial et puis le MLAAC, ou le planning et puis je ne sais pas, le mouvement, ça ne me revient pas là, mais d'être très proche, on pouvait passer une journée, un après-midi, à se disputer, à discuter vivement. Et puis en vérité, on avait les mêmes luttes, et après on allait dans la rue lutter ensemble. C'était donc... Et là, en ce moment, ce que je trouve, c'est qu'on est dans un camp ou dans l'autre. Là, ce n'était pas ça. Alors, on était dans le même camp, mais on avait des désaccords.

  • Speaker #1

    Mais c'est ça que je ne comprends pas.

  • Speaker #0

    Et là, on est dans un camp. Et là, par exemple, si on prend le livre du Caléronie Forest, et là, son livre, mais c'est pareil sur l'immigration. Sur l'immigration, j'étais aussi un peu dans ce truc-là, parce que j'enseignais, j'organisais des... Par exemple... petits colloques, mini-colloques là-dessus. Les gens qui sont en fait, ils sont très proches, mais ils s'insultent d'une façon, ils se dénient. Si je raconte sur les violences qui s'est passées, c'était violent aussi. Mais on ne peut pas tout dire à la fois. Et donc là, en ce moment, c'est ça, c'est qu'on est... on est un facho ou on est un... Ça joue quand même beaucoup là-dessus, sur l'extrême-gauche, l'extrême-gauche féminine, mais une espèce d'extrême-gauche extrêmement radicale. pas comment... Et puis après, l'extrême droite. Enfin non. Alors là, si on n'est pas tout à fait d'accord avec certains points des féministes les plus radicales en ce moment, on est forcément à droite. On est des réactionnaires. Voilà. Alors, avec la question des violences, ça a pris une ampleur. Mais ce n'est pas toutes les violences. C'est pareil. En fait, si on regarde bien les bagarres qu'il y a sur les violences, c'est par rapport à ce qu'on appelle maintenant les racisés. Je suis horreur de ça, parce que nous, le mot race on ne l'utilisait pas. Le premier bouquin que j'ai écrit, j'ai toujours évité de dire le mot race Le mot race c'était raciste. Et ça, c'est un changement dans le vocabulaire qui est très énorme. Et moi, j'ai du mal à m'y faire, je dois dire. Donc les racisés, puisqu'on dit ça comme ça. Et là, il y a ce problème qui est énorme. Et dans le féminisme actuel, c'est quand même le point d'achoppement. C'est les racisés et c'est là ce qu'on appelle l'islamophobie. Enfin bon, les reproches qu'on fait sur l'islamophobie et inversement. Et donc c'est plutôt les... Au fond des accords, ils sont là-dessus. Ils ne sont pas seulement là-dessus, ils sont aussi sur le genre, les transgenres, et puis sur la prostitution. Il y a trois points là, sur le féminisme actuel. Je sais qu'entre, par exemple, Oser le féminisme et Doutoute, il y a eu des bagarres, mais physiques, dans des manifestations, à propos ou avec les transgenres. Alors je n'ai pas trop bien compris dans quel sens ça va. C'est très violent. Donc sur les transgenres, est-ce que les transgenres, est-ce que les femmes qui viennent, qui étaient des hommes qui sont devenues des femmes, est-ce qu'elles ont le droit, axées ou pas, est-ce qu'elles ont le droit ou pas d'aller dans les toilettes pour hommes, etc. Enfin pour femmes, pardon. Enfin bref, il y a ça qui est très violent. Il y a la prostitution où il y a des points de vue très tranchés. J'ai jamais, dans tout ce que j'ai fait, j'ai toujours refusé. dans la violence, de traiter la prostitution. La prostitution, c'est un phénomène, d'abord, qui est pas... Je me suis toujours intéressée au phénomène qui touchait l'ensemble de la population, la population moyenne, on va dire, et non pas les marges. Le travail sur les marges, il se fait différemment. On n'a pas les mêmes méthodes, on n'a pas les mêmes approches. Donc je considère que la E, fort heureusement, la constitution, c'est un phénomène marginal, c'est du domaine de la criminalité. Mais là, dans les féminismes, elle... c'est inclus dans l'approche des violences. Et il y a bien sûr des situations... Et tout ça, il y a ça comme désaccord. Et puis il y avait aussi le désaccord sur, je pense que ça m'essayait toujours, c'est sur la procréation, sur les mères porteuses, sur la GPA. Donc il y a ces points de désaccord, mais ça entraîne des... Ça entraîne, alors surtout sur la racisation et puis la décolonisation, ça entraîne des situations vraiment, enfin quand on lit les... puisque moi j'ai tendance à lire ça mais j'en peux plus, parce que quand je vois Cléontine Autain, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Fourest, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Dehaas, je la connais bien aussi, parce que je connais tout le monde, c'est ça le problème. quand je les vois, ce qu'elles s'en voient, figurent, c'est absolument terrible. Mais si je réfléchis bien, il y a eu la même chose sur l'Algérie, sur l'islamophobie, etc. Sur l'immigration, sur la décolonisation. Quand on prend... Je me rappelais les noms. Les spécialistes aussi. Là, c'est des spécialistes, c'est des chercheurs. C'est des politiques, c'est pas des gens, c'est pas n'importe qui. C'est des gens qui ont... qui ont une parole légitime, qui sont des gens qui s'expriment très bien, qui sont intelligentes, toutes ces filles dont on parle. Elles sont intelligentes, elles sont brillantes, elles sont plutôt du bon côté, enfin je pense qu'elles sont toutes du bon côté politique. Et quand je vois la façon dont elles se parlent, se dévalorisent, se critiquent, alors si je réfléchis sur la violence... Je crois que j'ai eu des choses qui n'étaient pas si différentes de ça. Mais il n'y avait pas les réseaux sociaux. Et voilà. Et par contre, au moment du féminisme du MLF, du féminisme, il y avait quand même... Mais j'ai plutôt vécu des moments... que j'ai pris comme des moments de fusion, enfin de...

  • Speaker #1

    Des moments chaleureux.

  • Speaker #0

    Des moments chaleureux, oui, c'est ça. Et c'est pour ça que je dis, on était dans une lutte qui était sans doute plus... Alors c'est pareil pour les homosexuels, il y avait quand même... C'était pas du tout reconnu l'homosexualité. C'était assez dur. Donc il y avait un enjeu terrible pour les hommes et pour les femmes, et surtout pour les hommes d'ailleurs. J'ai participé aussi à pas mal de choses avec les hommes, c'était plutôt sympa à l'époque. Bon, il y avait des soirées, des journées, des choses comme ça. Donc, il y a une différence là, quand même. Après, le féminisme s'est arrêté, militant, il s'est arrêté à peu près en 80. Donc, entre 80 et 80... 95, 80, fin... Oui, milieu des années 90, il n'y a plus de mouvement féministe militant. Il y avait du féminisme institutionnel. Il s'est institutionnalisé. Il y avait, par contre, il y avait quand même quelques personnes, quelques institutions qui travaillaient sur les violences contre les femmes, très peu. Il y avait quelques centres. Et puis, il y avait aussi le planning familial.

  • Speaker #1

    Le CIDF et toutes ces institutions-là.

  • Speaker #0

    Mais le CIDF, c'était un truc... Plus politique. Oui, non, c'est institutionnel, complètement. C'est complètement institutionnel. Planique familiale, c'était un mouvement militant au départ. Mais le féminisme du mouvement planique familiale, il est quand même venu un peu plus. Il y a beaucoup maintenant de gens qui se... C'est pas des féministes, c'est des... Donc, je considère qu'entre 80 et 95, il y avait effectivement... quelques endroits d'institutionnes où il y avait du féminisme. Et le féminisme s'est institutionnalisé. C'est-à-dire qu'il a commencé à y avoir, effectivement, d'abord il y a eu les groupes de recherche féministes, c'était des chercheuses féministes, et là, j'ai participé à ça, parce que je me suis trouvé que je pouvais le faire.

  • Speaker #1

    C'était ton travail ?

  • Speaker #0

    Voilà, c'était mon travail, j'étais élue syndicale. de Genset-FDT. Et donc, je me suis trouvée dans toutes les commissions d'universités, pour ces administrations, tous les conseils. Il y avait l'administration, la vie étudiante, scientifique, et puis je ne sais plus quoi, en tant qu'élu. Et puis, je me suis trouvée au comité national du CNRS, qui est aussi une instance de contrôle et de recrutement des chercheurs du CNRS. Donc, je me suis trouvée dans ces institutions en tant que féministe, syndicaliste, féministe. C'était institutionnel. Et après, les groupes d'études féministes dans lesquels je me suis trouvée, c'était des lieux qui étaient difficiles, parce que quand on était une chercheuse femme, il fallait prouver qu'on avait de la valeur. Les hommes, ils n'ont rien à prouver, mais nous, il fallait prouver. Et entre femmes, il fallait se prouver entre nous qu'on était... C'est ça qui est terrible. C'est que c'était entre femmes qu'il fallait qu'on fasse... qu'on prouve qu'on avait la bonne technique, la bonne méthode. Alors il se trouve que moi, j'étais un peu protégée en étant quantitativiste, démographe. Je jouais beaucoup sur démographie plus que sociologie à l'époque, parce que j'étais démographe et quantitativiste, il y en avait très peu. Et il fallait que je faisais un peu la défense des statistiques. Étant démographe, travailler sur le sexe, de toute façon, moi je ne sais pas faire autrement que faire homme-femme, c'est pareil. En démographie, on fait toujours homme-femme, masculin-féminin. On fait par âge aussi, donc on a, c'est intersectionnel la démographie, maintenant avec l'intersectionnalisme là. Il y a le sexe, il y a l'âge, et puis quand on est un peu sociologue quand même, il y a la catégorie sociale. Donc de toute façon, moi j'ai toujours travaillé en croisant tout ça. Ça n'a pas de sens de travailler globalement. Donc j'avais des trucs à défendre qui n'étaient pas très difficiles à défendre. J'avais ma petite bulle qui faisait que je ne pouvais pas être trop affectée.

  • Speaker #1

    Et en tant que statisticienne, tu es rattachée aux sciences dures un peu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, je suis une statisticienne démographe. Je ne suis pas une statisticienne.

  • Speaker #1

    Non, mais tu es rattachée à des choses.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, des choses tangibles. Oui. Et donc je me souviens avoir été dans les colloques, en Belgique notamment, et j'avais ma petite bulle qui me protégeait quand même. Là, il y avait une espèce de protection. Et c'est là quand j'étais au comité national du CNRS que je me suis retrouvée avec d'autres féministes sociologues. Et là, j'ai redémarré quelque chose avec des sociologues plus ancrés sur... Sur les rapports, ce qu'on appelait à l'époque, on avait un groupe, c'était les rapports sociaux de sexe. C'était un peu barbare comme appellation, mais ça voulait bien dire ce que ça voulait dire. Moi, j'étais dans l'université et le CNRS. Donc, c'est quand même un milieu assez fermé et assez exigeant au plan, en plus, vis-à-vis des hommes. Il fallait qu'on prouve qu'on était... Je ne vous raconte pas quand j'ai fait l'enquête en VEF, puisque c'était une commande. Comment il a fallu qu'on prouve aux hommes, aux statisticiens de l'INSEE, qu'on était capable de faire une enquête ? Non mais c'est tout à rien. Non mais j'en ai pour des fers. Voilà, donc je pense que...

  • Speaker #1

    Donc par rapport, si tu avais, en conclusion, si tu avais quelques mots, si tu avais en face de toi... Clémentine Autain ou Caroline Touré. Qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Je crois que je ne pourrais rien leur dire. Je pense que... Mais non ! J'ai l'impression qu'en l'état actuel des choses, on ne peut pas mettre les gens ensemble. C'est comme si, quand à l'époque, vous vouliez mettre du mlaque avec quelqu'un de laisser les vivre, c'était non, ce n'est pas la peine. Et là, j'ai l'impression qu'elles sont presque autant. Je ressens tellement le seuil entre elles, alors que c'est terrible. Je trouve ça une situation... C'est presque schizophrénique ça. C'est une situation assez épouvantable. Mais c'est vrai aussi pour plein d'autres sujets de toute façon. C'est vraiment un phénomène propre à notre époque. Je ne sais pas si c'est à cause de... C'est la façon dont la société s'est peut-être aussi... à cause des réseaux sociaux, à cause du poids d'Internet, à cause de la vitesse. On va vite. Tout va vite et c'est n'importe quoi. Et on mélange tout. Et c'est peut-être pour ça qu'on en arrive là. Je ne saurais pas l'expliquer, ça, c'est pas... Mais je ne me vois pas, effectivement, Clémentine Autain. C'est des filles qui sont vraiment bien intéressantes avec des démarches. depuis longtemps en plus, c'est des militantes depuis longtemps.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et à un moment donné, enfin, Caroline Fourest, je l'ai connue, elle était doctorante. Toutes les deux, elles ont une pratique ancienne de lutte contre les violences faites aux femmes, d'égalité entre les hommes et les femmes, de gauche, enfin, c'est des femmes. Et là, c'est sûr, elle... L'islamophobie, ou la supposée islamophobie. Et sur cette question-là, j'ai bien vu que c'était là le point essentiel. J'en suis vraiment désolée. Mais justement, au moment du MLF, sur le viol, quand il y a eu dans les années 70 les procès sur viol et la dénonciation des viols, mais ce n'était pas la dénonciation. À l'époque, il y avait les gauchistes où certaines féministes ne voulaient pas. pensaient qu'il fallait se calmer sur les viols parce que ça stigmatisait les étrangers, les immigrés. C'était déjà la question. C'est la même question qui est posée maintenant. Ça stigmatisait les immigrés parce que c'était eux qui étaient le plus condamnés. Et c'est quand même sous-jacent dans tout ça, y compris dans le féminisme, c'est sous-jacent cette question de...... et la question religieuse qui est devenue prégnante depuis, moi je dirais, à peu près 20 ans. Moi je l'ai vue, c'est simple, je l'ai vue à l'université, puisque je faisais encore avec les étudiants, je faisais les enquêtes sur la sexualité, prévention du sida, j'ai fait avant les violences, et les violences. Et les rapports de couple, dans mes questionnements, il y avait toujours des questions sur la vie sexuelle, la vie amoureuse, le rapport de couple. Parce que quand on travaille sur les violences, Si on n'a pas ces éléments-là, on ne comprend rien. On ne peut pas expliquer. Pour expliquer une chose, il faut bien avoir des éléments sur la vie des gens. Et donc, j'avais ces questions-là. Et les questions sur la religion, on ne la posait pas. Enfin, on la posait dans le cas de Tom Weft, ce qui a été difficile à faire d'ailleurs. Mais on ne les posait pas vraiment. Enfin, on les posait, mais comme ça. Et sur la vie amoureuse, en tous les cas, on ne posait pas de questions sur la religion. Parce qu'on s'intéressait à la vie amoureuse des jeunes. Pas mal d'enquêtes qu'on avait faites, c'était sur les jeunes. Et donc la religion ne traite pas en ligne de compte. Comment choisir son conjoint, son petit ami ? On ne va pas lui demander sa religion. Et ça a émergé chez moi avec mes étudiants qui me disaient Ah madame, mais il faudrait... Oui, mais la religion... Je suis tombée des nues là. Et de plus en plus, C'est eux qui ont demandé à ce qu'on intègre des questions sur la religion dans le choix du petit ami, de savoir s'il avait la même religion ou pas, ou s'il pratiquait, etc. Et ça, c'est arrivé là. C'était un phénomène de société qui est en train de se mettre en place. Alors, c'était effectivement les étudiantes qui proposaient ça. C'est que dans mes étudiants, j'avais une proportion normale d'étudiants qui étaient issus de l'immigration. Et là, j'ai commencé à voir... chez les jeunes, l'émergence de l'importance, le poids de la religion, qu'avaient pas les générations d'avant. Parce que j'en ai eu des copines algériennes, tunisiennes, marocaines, et Dieu sait si, justement, il n'existait pas pour aucune d'entre nous. Ça n'émergeait pas du tout, du tout, du tout. Ça n'existait pas. Et donc, c'est les filles, ou les petites filles presque, maintenant c'est les petites filles, et ça, ça a émergé. Donc, c'est vrai que ce phénomène religieux, il a émergé, et c'est là-dessus qu'il y a le problème. C'est-à-dire, c'est l'universalisme et le communautarisme. On est un peu coincés dans notre... Notre approche républicaine d'égalité de notre constitution, toute personne est égaux en droit, etc. Aux États-Unis, en Angleterre, dans beaucoup de pays, il y a le communautarisme, puisqu'aux États-Unis, dans les recensements, on demandait la couleur de l'âme. On disait qu'il y avait les catégories black, mexicain, je ne sais plus quoi, parce que je faisais les cours sur le recensement. Et c'est vrai que depuis toujours, il y a ça. Tandis que nous, on était sur le universalisme, on était tous égaux, quel que soit l'âge, la couleur, le sexe, et tout ça, c'était quelque chose de... On était surtout, surtout ne pas faire de différence. Et là, maintenant, la religion est venue comme quelque chose qui s'imposait dans la vie. Dans la vie... courante. Et c'est ça, je pense que c'est ça qui... Et dans le féminisme, en fond, les dissensions sont avec... Par rapport à ça, alors que ça, ça n'existait pas du tout, du tout, du tout. À l'époque, on était pourtant un peu intersectionnaliste, le féminisme intersectionnaliste. On l'était forcément puisqu'on se disait que l'oppression, elle était... La domination, elle était au... au cœur, enfin, l'oppression, c'était le croisement de l'égalité homme-femme, elle était au croisement des sexes, forcément, mais aussi des classes sociales, des groupes sociaux, etc. Donc, il y avait cette idée-là, c'est le rapport de classe, puisqu'on était, il y avait le marxiste aussi, donc il y avait les rapports de classe et les rapports de sexe. On croisait les deux, forcément. Ça veut dire que ça faisait partie de la théorie féministe. Il y avait aussi des petites variantes là-dessus, mais n'empêche que grosse. Dès que là, la scission se fait quand même là-dessus essentiellement. Effectivement, le religieux, le voile, dans les points que je soulignais tout à l'heure sur les dissensions, il y a le port du voile. Acceptez ou pas le port du voile. Considérez qu'il y a l'opposition au port du voile. Et puis considérer que c'est la liberté des femmes. Là-dessus, moi, je ne suis pas...

  • Speaker #1

    Et le rapport...

  • Speaker #0

    Et donc, mettre dans une même pièce Clémentine Autain et...

  • Speaker #1

    Caroline Forest.

  • Speaker #0

    Caroline Forest, je ne sais pas. Je ne m'y risquerais pas.

  • Speaker #1

    Oui, c'est...

  • Speaker #0

    C'est terrible.

  • Speaker #1

    C'est terrible, oui.

  • Speaker #0

    C'est terrible parce que...

  • Speaker #1

    Mon Dieu ! C'est terrible. Oui. Ce qui me frappe, c'est effectivement qu'on arrive à la violence, que la place de... Après, en 68, on sortait beaucoup de l'influence prédominante de l'Église, ou de l'Église catholique, etc. Et on arrive en 2024 avec une présence de... de Dieu. Théocratie, une espèce de poids des religions, aussi bien musulmans, mais aussi tous les mouvements pentecôtistes,

  • Speaker #0

    tous les mouvements d'architecture, etc. Et pas seulement en Amérique, hélas.

  • Speaker #1

    Oui, partout.

  • Speaker #0

    Les pentecôtistes sont partout, y compris en Afrique, ils sont très puissants. C'est-à-dire que ce qui nous caractérise, qui nous différencie de l'ensemble des pays, je crois, du monde. On doit être le seul pays laïque au monde, non ? Pas tout à fait. Mais enfin, on est...

  • Speaker #1

    Oui, qui revendique la laïcité.

  • Speaker #0

    Qui revendique la laïcité comme une valeur. Et là, ce qui est en cause quand même dans ces batailles féministes, c'est quand même la laïcité, quasiment. C'est peut-être là le...

  • Speaker #1

    Oui, le concept.

  • Speaker #0

    Oui, alors après, il y a autre chose encore, mais c'est bon. Peut-être qu'on ne va pas...

  • Speaker #1

    Non, mais on va peut-être...

  • Speaker #0

    Parce que, oui.

  • Speaker #1

    conclure sur cette idée que la laïcité, le respect de l'autre et de sa différence est un combat à mener qui n'est pas fini et qui est loin d'être fini.

  • Speaker #0

    Qui est loin d'être fini, qui est plutôt, c'est le backlash là. Oui, c'est comme on dit en français, retour en arrière. Oui, c'est ça, on est plutôt dans un phénomène de...

  • Speaker #1

    De retour du balancier.

  • Speaker #0

    Oui, de retour du balancier, oui, c'est ça. Je pense qu'on est dans ce phénomène-là. Moi, ça me fait assez peur, mais... Et encore, on n'a pas abordé la question des violences. Je crois qu'il ne faut pas...

  • Speaker #1

    Bon, écoute, on va rester là-dessus. Je te remercie beaucoup pour t'être exprimé avec cette spontanéité, cette liberté de ton, cette... Oui, oui, cet abandon. Je trouve que c'est extrêmement méritoire et extrêmement intéressant et touchant. Et que c'est... Vraiment, je suis très reconnaissant. Ce regard sur la situation me paraît tout à fait donner matière à réflexion pour les jeunes générations, puisque c'est à elles que nous nous adressons. Je te remercie, Maryse, pour cet entretien. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci, Patrice.

  • Speaker #1

    Si le témoignage de Maryse Jasper Vous aurez intéressé, bien liker ce podcast. Si vous voulez réagir à certains propos, n'hésitez pas à m'écrire patricemarcade.com Je transmettrai vos messages à Maryse. Et maintenant, si à votre tour vous voulez monter sur le pont des âges, pour témoigner d'un événement, raconter une expérience, un combat, Valorisez une personne que vous voulez faire connaître, contactez-moi. Je vous rappelle que le prantaisage peut s'emprunter dans les deux sens. Les jeunes peuvent en profiter pour faire passer des messages aux habitants de l'autre rive, là-bas, vous savez, dans les quartiers chauds des papiers boomers. La bise à tous !

Chapters

  • Introduction au féminisme et aux violences faites aux femmes

    00:04

  • Présentation de Maryse Jaspard et de son parcours historique

    00:33

  • Les luttes pour la contraception et l'avortement dans les années 70

    03:40

  • L'engagement au sein du MLF et les premières actions féministes

    05:27

  • Évolution des revendications féministes et comparaison avec le présent

    15:44

  • Les tensions contemporaines au sein du féminisme et les nouveaux défis

    28:00

  • Conclusion et réflexions sur l'avenir du féminisme

    01:02:34

Description

Dans cet épisode captivant du podcast "Et main-tenant...?", animé par Patrice Marcadé, nous plongeons au cœur des luttes féministes à travers le témoignage unique de Maryse Jaspar, une figure emblématique du féminisme historique et professeure à l'université de Paris. Maryse nous invite à explorer son parcours au sein du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) des années 70, où elle a été une pionnière dans la défense des droits des femmes, notamment en matière de contraception et d'avortement.


Au fil de cette discussion enrichissante, nous découvrons comment le féminisme a évolué au fil des décennies. Maryse met en lumière les luttes des années 70, centrées sur le plaisir et la connaissance du corps, et les compare aux préoccupations contemporaines qui se concentrent davantage sur les violences faites aux femmes. Ce contraste nous amène à réfléchir sur la notion de la résilience et de la création artistique au sein des mouvements sociaux, ainsi que sur le sens de la vie et le temps qui passe.


Maryse aborde également les tensions actuelles au sein du féminisme, évoquant des sujets délicats tels que le racisme, l'islamophobie et les droits des personnes transgenres. Les réseaux sociaux, en exacerbant ces divisions, soulèvent des questions cruciales sur la relation entre les différentes luttes et sur l'amitié qui peut se forger malgré des divergences d'opinion.


Cet échange, riche en émotions et en réflexions, nous offre un éclairage précieux sur les défis persistants du féminisme aujourd'hui. Il nous invite à repenser notre rapport à la vieillesse et à vieillir, tout en célébrant l'activité intellectuelle qui nourrit notre engagement. À travers les mots de Maryse, nous découvrons que chaque voix compte dans le "pantheon" individuel des luttes pour l'égalité et la justice.


Ne manquez pas cet épisode qui, au-delà des thématiques féministes, interroge notre rapport à la vie, à l'amour, à la santé et à la tendresse. Rejoignez-nous dans cette conversation essentielle qui éclaire non seulement le féminisme, mais également notre humanité partagée. Écoutez "Et main-tenant...?" pour une exploration profonde et nuancée des enjeux qui façonnent notre société actuelle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir le pont des âges. Il n'est pas de jour que les médias ne parlent du féminisme des violences faites aux femmes. La cause est juste et devrait faire l'unanimité, or elle fait l'objet de polémiques, de disputes violentes. Pour clarifier ce débat, j'ai fait appel à une féministe historique, Maryse Jaspar, qui était professeure à l'université à Paris en 1968. Maryse, est-ce que tu peux te présenter avant toute chose ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, bonjour Patrice et merci d'avoir favorisé cet échange sur ce sujet effectivement brûlant. qui n'est pas nouveau du tout, mais qui en ce moment occupe beaucoup le centre d'intérêt majeur de l'ensemble des médias. Me présenter, c'est un peu compliqué. Je vais essayer de schématiser, de garder le plus important, ce qui est important à mes yeux. pour expliquer un peu mon parcours et pourquoi je suis là à parler de ce sujet. La légitimité en fait à en parler, c'est toujours une question de légitimité de parole. Et donc je commencerai par le commencement, c'est-à-dire que je fais partie de ce qu'on appelle les féministes historiques, c'est-à-dire les féministes, enfin les personnes, les femmes, qui étaient présentes dès les années 70, au début du MLF, c'est-à-dire ça devait être 69-70. Je ne sais plus exactement la date. Et qu'on commençait donc à se réunir, il faut bien dire, en région parisienne, dans des milieux assez privilégiés, plutôt des milieux intellectuels. Il se trouve que j'étais, moi, à l'époque, j'avais 23 ans, à peu près, oui, 23-24 ans. Et j'étais déjà mariée, mère de famille, ce qui était, dans le milieu féministe, assez rare. On appelait ça des féministes atypiques, les autres féministes étant plutôt des femmes célibataires. avec un niveau intellectuel assez élevé. Moi, j'étais étudiante encore. Enfin, étudiante... Au début, j'étais étudiante, et puis après, j'étais déjà... J'ai eu la chance d'être recrutée très, très trop à l'université. Donc, j'étais étudiante en sociologie, des biographies. Et j'ai été recrutée à l'université de Paris. J'avais juste... ma maîtrise et j'avais mon D.S.S. C'était un diplôme d'expert démographe. Et donc avec ce petit bagage, je suis rentrée à l'université. Après j'ai traîné pas mal pour avoir la thèse, mais bon ça c'est une autre histoire, c'était comme ça à l'époque. Donc j'ai eu la chance d'être recrutée à l'université dans un institut de démographie qui était un petit institut de l'université de Paris 1. Et dans lequel finalement, au début non, mais par la suite j'ai pu mener les enseignements que je voulais, comme je voulais, et de faire les études et les recherches que je voulais. Donc ça j'ai eu une chance extraordinaire d'avoir ça. Donc ça c'est mon parcours, et donc j'étais en même temps féminine.

  • Speaker #0

    Tu nous dis, les études que tu voulais, ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qui t'intéressait à cette époque ?

  • Speaker #1

    À cette époque-là j'étais féministe. Je me battais tous les jours pratiquement pour la libération. Puisque le combat de l'époque, c'était la libération de la contraception et de l'avortement. Puisque c'était interdit. Moi, j'avais un enfant parce que je n'avais pas eu de contraception. Je faisais partie des victimes du système. Je n'avais pas du tout volontairement eu ma fille. Je l'avais eue parce que je n'avais pas de contraception, qu'elle n'était pas disponible. La diffusion de la contraception était interdite. La publicité de contraception était interdite. Donc, c'était quand même une époque, il faut le rappeler. En 1970, les premiers décrets d'application pour la diffusion de la contraception datent de 1975. La loi avait été votée en 1967, mais il a fallu attendre 1975 pour qu'il y ait les premiers décrets pour permettre de diffuser la contraception. Et encore, c'était très limité à des milieux favorisés. au courant de ça. Donc ça ne touchait pas les populations les plus démunies et bien sûr les campagnes, etc. J'ai pu, assez rapidement, non, j'ai eu quand même quelques années de galère où je faisais de la démographie pure, avec l'enseignement des statistiques imparfaites, des choses assez barbares, qui ne m'intéressaient pas beaucoup, mais que je faisais parce qu'il fallait bien faire ce qu'on me donnait à faire, et puis j'ai pu à un moment donné faire ce que j'avais envie de faire. Et donc j'ai commencé avec les étudiants à faire un enseignement sur les enquêtes et à faire des enquêtes sur la contraception, l'IVG, la sexualité, etc. Donc j'ai vraiment eu de la chance de pouvoir faire ce genre de travail. Alors j'étais donc au MLF dès 1970, et je suis rentrée à l'université en 1970 aussi. Bon, je suis rentrée, j'ai commencé par être assistante, et on a traîné en assistant pendant des années. C'était un statut qui était quand même relativement précaire. Et c'est quand Mitterrand est arrivé en 81 qu'on a été titularisés. On lui doit beaucoup. Donc j'avais une double vie, parce qu'au début, quand j'étais recrutée à la fac, je ne racontais pas ma vie, je ne montrais pas que j'étais féministe. Ce n'était pas possible. J'ai dû faire un espèce de coming out à une époque. Il a bien fallu au moins 5-6 ans ou sinon plus pour faire mon coming out. Après, j'étais la féministe de service à l'Institut de démographie. Et donc, à l'époque, je militais très fort. J'habitais à la cité universitaire d'Antony, où il y avait 6 000 étudiants. Il y avait un tiers de couple. avec enfants, un tiers de filles, un tiers de garçons. A l'époque, il y avait eu 68, puisque je suis arrivée en 68, je suis arrivée en décembre 67 à l'université Paris 1.

  • Speaker #0

    Donc, tu as vécu 68 ?

  • Speaker #1

    Et donc, j'ai vécu 68, mais en plein. Mais alors, je me suis même fait arrêter dans la cour de la Sorbonne le premier jour, le 3 mai. Et on est parti dans les quarts de police. Donc, ça...

  • Speaker #0

    Tu es vraiment une féministe historique.

  • Speaker #1

    Oui. Et donc, le MLF, eh bien, c'est à peu près un an après mai 68. Je ne sais plus très bien quand c'était. Mais il y avait dans les couloirs, il y avait des étudiantes en médecine qui avaient mis des affiches. Ce qui se caractérisait au niveau du militantisme et des affiches, c'était qu'on a lancé le MLF, les femmes ont lancé les affiches avec les couleurs pastelles, c'est-à-dire le violet, le vert et le fuchsia. Donc il y avait des affiches en vert où les fuchsias écrites à la main en disant planning familial contraception venez vous informer J'étais extrêmement intéressée par ça. Parce que j'avais donc eu un enfant sans le désirer. Bon, j'étais quand même contente de l'avoir. La pauvre, c'était... Bon, heureusement que j'ai eu, parce qu'après, je n'avais plus envie d'avoir un enfant. Donc voilà comment je suis arrivée au MLF tout de suite donc parce que je suis allée à une réunion avec des étudiantes en médecine, j'étais 3 ou 4 étudiantes en médecine et puis bon je me suis lancée à fond là-dedans, j'ai créé, j'ai parce que c'est vrai que j'étais à l'origine, j'ai créé un groupe femme. On faisait son groupe femme et dans le groupe femme on faisait ce qu'on voulait, on parlait de ce qu'on voulait. Ça a été très simple ce dont on parlait, c'est-à-dire qu'on a parlé tout de suite des rapports de couple, des rapports hommes-femmes, de la sexualité, d'apprendre à dire non. C'est-à-dire tout ce qu'on raconte maintenant là. Les premières choses c'était apprendre à dire non, apprendre à connaître notre corps parce qu'on ne connaissait pas du tout notre corps. On ne savait pas comment ça fonctionnait, on ne savait pas le plaisir, on ne savait pas très bien ce que c'était. On était toutes en couple, dans le groupe que j'avais, on était en majorité en couple. On n'avait pas tellement connu le plaisir les unes et les autres. Et voilà, donc on avait vraiment tout à... Donc c'était vital, c'était pas... Là, il y a quelque chose qui est un peu décollé. Maintenant, comme le féminisme est très axé sur les violences, mais tout le monde n'a quand même pas subi les violences, fort heureusement. Et tandis qu'à l'époque, on avait quand même... toutes à peu près la même expérience du couple marié, pas toutes avec des enfants dans mon groupe, mais on avait exactement la même approche et le même besoin d'exister, parce qu'on était la femme d'eux, on n'était pas quelqu'un, une personne, on était la femme de quelqu'un, on portait le nom du mari, enfin non, pas moi, c'est mon prof de thèse, qui était un vieux monsieur, un polytechnicien un peu rigide, qui m'avait dit mais ! Il faut garder votre nom de jeune fille, c'est qu'est-ce que c'est que ça ? Vous n'allez pas prendre le nom du mari, c'est assez drôle quand même comme histoire. Et donc à l'époque, on avait tout ce besoin d'exister. Mon corps m'appartient et on s'est engagé à fond dans la libération de la contrassation de l'avortement. Je pense qu'on a passé notre temps à faire des réunions, à militer. Alors on avait les groupes qui étaient informels. Moi, c'était le groupe, c'était les universitaires, on était une dizaine. Et donc on distribuait les journaux, le torchon brûle, enfin bref, on avait une vie de militant à temps plein. Et on allait donc aux AG à Paris, on rejoignait les groupes. Alors c'était là, tout à l'heure, tu parlais des distinctions entre les groupes. C'était pareil, de toute façon. Il y a toujours eu, je me rappelle, en mai 68 à la CTU, on avait les groupes de gauchistes. Donc les gauchistes, il y avait au moins 10. dix factions différentes. Les Mao, il y en avait au moins trois. Les Trotskis, je crois qu'il y en avait au moins cinq. Je ne me rappelle plus les noms, je me rappelle de Rouge, et puis ils avaient chacun des noms différents. Ils avaient tendance à... Il y avait l'affaire, il y avait tout ça. Et donc, on n'arrêtait pas. L'ennemi, le plus à droite, c'était le PC. Le PS, n'en parlons pas. Le PSU était à peu près... Ça pouvait aller, parce qu'il y avait Paro-Kar, mais il y avait sa sœur. Il y avait des... très proche du rocard, parce que c'est les vieux de la vieille. Et donc, c'était très... On passait notre temps à se bagarrer. Après, on militait au MLF, on allait aux AG à Paris. Alors là, on rencontrait les groupes. À Paris, il y avait Psychépo, Psychoanalyse et Politique, qui étaient sous la roulette d'Antoine Etfoucq. qui était une figure très importante, qui était un sacré personnage. Il y avait des choses extraordinaires à raconter là-dessus. Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais il y avait des choses extraordinaires. Et puis, il y avait les féministes révolutionnaires, il y avait les léguines rouges. La plupart des filles étaient des intellectuelles. Oui, des intellectuelles écrivaines, universitaires, étudiantes, beaucoup d'étudiantes quand même, et puis profs à la fac, enfin il n'y avait pas tellement de profs femmes à l'époque, donc il n'y avait pas tellement de profs, mais des chercheuses, et puis des psychanalystes, et il y avait des figures, mais il y avait des écrits, mais les écrits n'étaient pas signés. Il y avait eu des livres collectifs qui sont sortis, des livres très intéressants. J'ai participé une ou deux fois à des groupes où on se réunissait pour faire l'écriture collective, ce qui n'est pas facile. Mais il y a eu des ouvrages sans signature, parce que la volonté c'était de ne pas se mettre en avant. Sauf Antoinette qui était une égérie un peu étouffante. Alors là, on parle de l'emprise maintenant. Alors à l'époque, l'emprise d'Antoinette, elle n'était pas mal. Il y avait beaucoup de choses à dire là-dessus. Et donc, il y avait ces groupes qui se réunissaient, qui n'étaient pas toujours d'accord, mais il y avait quand même une volonté commune de lutter. Parce que ce n'était pas trop leur problème, la contraception, l'avortement, à certaines. Surtout, on avait aussi une forte proportion de filles, à l'époque, on disait homosexuelles, un peu lesbiennes, mais lesbiennes, c'était... C'était encore difficile à dire. C'était une revendication, c'était les identitaires. Mais ce n'était pas un mot qui était très courant. On n'en est pas comme aujourd'hui à parler. Non, c'était à l'époque. Et donc, ça avait quand même une importance aussi dans les luttes, parce qu'on n'avait pas les mêmes luttes quand même. Ce n'était forcément pas les mêmes préoccupations. Il n'y avait pas tout ce qui touchait à la maternité, à la contraception. Et voilà. Donc il y avait déjà des problèmes, mais les problèmes, ils étaient surtout les filles, elles venaient toutes, la plupart de groupes gauchistes où on n'avait pas la parole. C'est pour ça qu'il y avait les féministes révolutionnaires qui venaient de Rouges, des Mao ou des Trotsky, c'était grosso modo. Il y avait Mauret Trotsky, c'est avec toute une nuance de variation de point de vue. C'était très théorique à l'époque. Le militantisme, même en 68, on était dans la théorie marxiste, avec des subtilités. Et le féminisme, il a démarré. Donc à ce moment-là, il n'y avait pas de texte fondateur. Il y avait un peu les américaines, on avait des ouvrages américains, mais au début, il n'y avait même pas ça. Il y a eu... Oui, bien sûr, oui. Mais il y a surtout eu, il y a eu une personne, il y a eu le premier numéro de Partizan, qui était donc un partisan, c'était une revue d'extrême gauche. plutôt trop schiste quelques femmes françaises qui ont un peu comment théoriser la le féminisme on s'est beaucoup appuyé aussi sur les américaines et sur notamment par exemple j'ai notre corps nous mêmes qui était un ouvrage qui avait été fait par un collectif c'est des collectifs on n'était pas y avait pas cette plus la personnalité qu'on a maintenant avec des personnes qui se qui se bagarre entre elles nominées avec la dénonciation, avec les noms. Ce n'étaient pas des noms, c'étaient des groupes de personnes qui se battaient pour acquérir leurs droits. Et malgré tout, il y avait vraiment là-dessus, même s'il y avait des désaccords sur la sexualité notamment, forcément, sur les rapports avec les hommes, la place des hommes. Donc voilà, ça c'est l'ambiance. Et il y a eu, pour mon parcours personnel, il y avait groupe femme. avec le féminisme, les luttes féministes classiques. Et puis il y a eu, en particulier, c'est là que je devenais un peu atypique, c'est parce que je me suis engagée beaucoup dans la contraception et l'IVG, et avec le MLAC. Alors le MLAC, il se trouve que toutes les féministes n'ont pas fait ça. Moi je me suis engagée dans quelque chose de très concret, qui ne me touchait beaucoup. et puis après avec le planning familial aussi j'ai pas mal travaillé et donc il se trouve qu'à l'époque donc il ya eu alors dans les dates c'était peut-être un petit peu plus tard nous sommes des 72 73 il ya eu le film histoire d'un qui avait été fait sur la méthode carman qui était absolument interdit en france et qui était donc diffusé par le gis le groupe d'intervention santé qui était un groupe plutôt d'hommes Je leur avais demandé le film et donc j'ai fait diffuser le film à la Cité Université de Saint-Antony, trois séances. Alors on se faisait le grand cinéma, on avait le service d'ordre, on avait demandé à Rouge, c'était un peu les ennemis, mais bon, enfin les ennemis, bien sûr c'était les hommes, donc il fallait se battre. Et je leur avais demandé quand même de faire le service d'ordre. J'avais aussi demandé les Antillais, il y avait aussi les groupes des Antillais, parce que la Cité US était très cosmopolite, c'était très multiracial. on parle de comme ça, c'était extraordinaire pour ça, parce qu'on était vraiment baignés dans...

  • Speaker #0

    C'est un melting pot.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui, oui. On se faisait beaucoup de cinéma là-dessus, puisque c'était interdit, on avait un peu peur. Et n'empêche qu'on avait passé trois fois de suite, c'était pas rien. Et qu'il y avait eu du monde, et je me souviens, sur la tribune, on avait à la CITU, on avait une salle de spectacle. La CITU, c'est extraordinaire comme endroit, parce qu'on ne faisait pas à manger, on avait le resto U, on faisait... à peine le ménage, on nous le faisait de temps en temps, peut-être pas les couples, je ne sais plus. Et on avait la salle de spectacle pour nous, on avait des salles de travail, et il y avait pour les couples qui étaient très nombreux, il y avait une crèche, et il y avait deux écoles maternelles. C'était un paradis parce qu'on avait au milieu, c'était à Antony, il y avait là en couronne les bâtiments et au milieu il y avait une espèce de parc. Et on était là en toute liberté, les enfants. On allait être petits, alors maintenant on est parano avec les enfants. Ma fille, avec sa copine, quand elle avait déjà 5-6 ans, elle courait partout dans la CTU, dans les chambres des garçons. On n'avait absolument pas peur, il ne se passait rien. Je veux dire, là, la parano actuelle, c'est épouvantable. Enfin bon, donc voilà, ça c'est pour me parler un peu de l'ambiance. Donc, il y a eu le MLAQ. Dans le groupe MLAQ, ce qui est intéressant, c'est que ceux qui faisaient les avortements, c'était des hommes. Enfin, c'était des uns étudiants en médecine. Et les femmes, on se contentait, on recevait les gens. Et puis après, on n'a pas fait... C'était interdit de pratiquer les avortements. Donc, on n'a pas fait quand même des tonnes. On a fait quelques-uns. Et pour moi, c'était très dur. Parce que j'étais là pour tenir la main.

  • Speaker #0

    Par aspiration ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, par aspiration, méthode Kármán. Et j'avais beau être là pour tenir la main, je ne peux pas dire que j'étais...

  • Speaker #0

    Très à l'aise ?

  • Speaker #1

    Non, c'était très dur. Mais bon, je ne l'ai pas fait souvent, heureusement. Mais c'était marrant. Il y avait quand même ce découpage. Les hommes, c'était un homme qui faisait ça. Il y avait des étudiantes en médecine, puis moi je n'étais pas du tout en médecine, et j'avais d'autres amies militantes qui ne l'étaient pas. Donc on a fait ce groupe MLAC qui a beaucoup fonctionné. Et on a, bien sûr, après on a eu toute la lutte pour qu'on arrive à la voie de 75, première voie suivie de l'IVG, deuxième voie 80. Donc le MLF, comme ça, ça a duré avec le MLAC et un peu de planning. Je ne sais plus le planning, à quel moment j'y suis allée, je ne sais plus très bien. Peut-être après. Et donc, jusqu'en 1980. Et là, 1980, c'est la dernière manif qui a dû avoir lieu en 1980, où le Psychepo a pris le sigle MLF à son compte. Donc, on a fait une marque, alors qu'il n'y avait pas de marque déposée. C'était quelque chose d'un... C'était comme totalement informel. Et là, elle a pris... Et donc, là, c'était le clash terrible et ça a tout cassé. dans une manif terrible. Et après, le Psyche-Époche est devenu... Après le sigle MLF, il y a eu la librairie des femmes qui est devenue un peu une institution. Et il faut bien dire qu'après 1980, le féminisme a disparu complètement. Le militantisme féminin a complètement disparu. Le planning familial s'en est un peu... Bon, le planning familial...... C'était un peu une étiquette féministe, mais on ne parlait plus de féminisme. On avait été tellement décriés, considérés comme des malbaisés, des lesbiennes, des malbaisés, tout ce qu'on peut imaginer comme horreur à l'époque. C'était très mal vu. Et je me suis retrouvée donc... À l'université, j'étais déjà à l'université depuis un moment. Et donc, j'ai réussi à faire des enquêtes sur la contraception et l'avortement. Mes premières enquêtes avec les étudiants, c'était sur la contraception et l'IVG. J'ai fait d'abord le BQ de la grossesse. Parce qu'il y avait un enjeu qui n'était pas tellement suivi par les féministes. C'était sur la grossesse, sur les conditions de grossesse. et sur un peu la foutesse de l'accouchement sans douleur. Moi, j'avais fait ça, j'avais fait avec mes étudiants, on avait été dans une clinique où ils faisaient pratiquer, c'était le médecin au pieds nus, comment il s'appelait, je ne sais plus, un grand ponte, qui faisait des accouchements soi-disant sans douleur. Et je me rappelle, pour moi, c'était très dur, ça. Parce que, pour des raisons personnelles, c'était très très dur, mais j'y tenais et les étudiants ont marché avec moi complètement. Et donc, on allait faire des interviews de femmes qui étaient en train d'accoucher, juste avant, juste après, juste après, et en leur faisant parler sur leur accouchement, les conditions d'accouchement. Et donc, il y avait des groupes de paroles qui étaient organisés par la clinique. Alors, j'allais au groupe de paroles et puis, elle me disait, après j'allais les voir, elle me disait le contraire de ce qu'elle avait dit dans le groupe. Dans le groupe, tout était merveilleux, tout allait très bien. Puis quand j'allais les voir, c'était beaucoup moins bien. Et donc, bon, c'était, voilà, on avait fait une enquête là-dessus et c'était assez intéressant. puisque j'étais démographe, ça faisait partie de... Et j'ai commencé comme ça, et puis après les autres enquêtes que j'ai réalisées, j'en ai fait quand même beaucoup avec les étudiants, on a même sorti des bouquets ensemble, ça a été plutôt contraception, IVG, et puis sexualité, et puis prévention du sida. Donc voilà, je pouvais avoir une vie militante d'un côté, et puis je pouvais, dans mon activité professionnelle, mettre en application ce que je pouvais faire. Et alors là, le rapport entre générations, mais à l'époque, c'est que j'avais l'âge des étudiants, à quelque chose près. Il y en avait même des plus, parce qu'il y avait beaucoup d'étudiants qui venaient d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne, nos anciennes colonies, qui venaient se former en démographie, qui étaient déjà chez eux un peu expérimentés. enfin qui avaient des postes importants, qui venaient se former en démographie. Et donc, ils étaient quelques fois plus vieux que moi, donc ce n'était pas une chance de régénération, c'était la même génération. Ce n'était pas très évident, enfin si, c'était plutôt ça. Ça m'a sans doute beaucoup facilité les choses pour faire avec eux des sujets comme ça, je pense que j'aurais fait ça. Et après, j'ai continué pendant toute ma carrière, pendant 40 ans, à travailler avec les étudiants sur ces mêmes sujets de société. Avec cette même approche, j'aurais même fait un cours qui était pas mal, sur ce qu'on ignore plus tard, sur ce qu'on ignore totalement, c'est-à-dire l'histoire récente. Dans les années 80, fin 80, j'aurais expliqué la lutte pour la contraception et l'avortement, qui était un phénomène. Pour des démographes, c'était fondamental. Et donc, je leur ai fait tout un historique, comme ça, de la législation, l'évolution de la législation, et l'évolution des rapports de couple, et l'évolution des rapports de sexe. Donc, j'ai vraiment réussi, dans ma carrière professionnelle, à faire les deux. Je n'ai pas été très embêtée. On ne peut pas dire. Personne ne m'a mis le bâton dans les roues. Parce que j'étais dans l'institut, j'étais institut de démographie, des instituts. Dans les universités, il y a des instituts un peu à chaque fois. On a le même statut que les autres, mais on a moins d'étudiants. Et on a des étudiants, c'était des étudiants au troisième cycle que j'avais. Et ce qui me permettait de faire ce type d'enseignement, j'avais besoin de leur apprendre les grandes doctrines de la sociologie ou de la démographie, ce qui n'est pas très marrant. Moi, ça ne m'amuse pas beaucoup. Et donc, ça me permettait... Et mon enseignement était très utile dans la mesure où je leur apprenais à faire des enquêtes et après, être opérationnelle sur le terrain. Et donc, ça, c'était... Et en plus, c'était au niveau enseignement, c'était... Je ne le savais pas, mais c'était très novateur, en fait. Après, on a dit qu'il fallait faire comme ça, mais...

  • Speaker #0

    Tu étais à la pointe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Sans le savoir.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu étais à la pointe sur le... En t'écoutant, j'ai... L'impression, si on compare les deux féminismes, celui de cette époque fondatrice autour des années 70-80... 70,

  • Speaker #1

    oui. 70, et maintenant,

  • Speaker #0

    j'ai l'impression que ce qui était revendiqué à cette époque-là, c'était le droit au plaisir. Et ça, vous transgressiez un tabou.

  • Speaker #1

    Et au désir.

  • Speaker #0

    Au désir, le plaisir. C'était un objectif. J'ai l'impression qu'actuellement, le combat des féministes, c'est le refus de la douleur, le refus de la violence, le refus de la douleur. Et ça me frappe ce parallèle entre... Oui, entre le combat des pionnières et le combat de maintenant. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Oui, attends, le refus de la douleur, nous on refusait, moi j'ai refusé, on n'était pas très nombreuses, mais on refusait la douleur de l'avortement. Pardon, la douleur de l'accouchement. Oui,

  • Speaker #0

    oui.

  • Speaker #1

    Et le refus, un peu, et d'une certaine manière, il y avait un refus de la maternité forcée, la procréation forcée. Donc, c'était ça, c'était une sacrée violence. C'était, je veux dire, la première violence, et ça, je l'ai écrit un peu partout dans mes bouquins, la première violence, c'est la procréation forcée. Bien sûr. Et l'accouchement, et la... Enfin, forcer les filles à... Une fille qui est enceinte, par exemple, à la suite d'un viol, la forcer à aller au bout et à accoucher, je trouve ça monstrueux.

  • Speaker #0

    Et ça, ça, donc, ça, ça, il faut bien le... C'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment. Parce que maintenant, les filles, elles ont l'impression, depuis des années, depuis que la contraception existe, depuis qu'elles sont informées sur la sexualité, sur les risques, etc. Elles ont l'impression que tout ça, c'est acquis, il n'y a pas de problème. Mais ça a été quand même ma génération. Ma génération, on a eu des enfants très tôt. Il y en a beaucoup qui ont eu des enfants avant de se marier, parce qu'on ne pouvait pas échapper au mariage. Donc on avait déjà le mariage, on n'avait pas très envie de se marier. Moi je n'avais pas envie de me marier quand je me suis mariée. On parle des mariages forcés, mais ça ressemblait à ça les mariages. Même si on n'avait pas des hommes monstrueux, on n'était pas obligatoire, on n'avait peut-être pas envie de se marier. Mais on était au forcé de se marier, enceinte ou pas d'ailleurs, c'était pas ça qui jouait. On ne pouvait pas coucher avec un garçon. Et ça les générations nouvelles ne le savent pas. Elles ne l'ont pas du tout intégrée, elles ne pouvaient pas comprendre. Et ça, on refusait ça. Le plaisir, parce qu'on ne connaissait pas le plaisir. Parce que quand on était mariés, on n'y connaissait rien. La masturbation, on connaissait à peine. On ne connaissait pas notre corps, parce que c'était sale. C'était ça, tout ce qui touchait en bas, on ne savait pas comment c'était. On ne savait pas comment on était faite, on ne savait pas combien on avait de trous en bas. Je suis désolée. On ne savait pas très bien par où on faisait pipi, par où on faisait les enfants, par où on faisait... C'est quand même ça le problème. Et ce que je raconte, c'est pas... Et j'étais quand même une fille étudiante, j'avais... D'un milieu, bon, qui n'était pas complètement... Un milieu artisan, un peu... Donc un peu évolué quand même. Et c'était ça. Donc, on ne recherchait pas le plaisir. D'abord, ce qu'on a recherché, c'est de connaître notre corps et de savoir comment ça fonctionnait, parce qu'on ne savait pas. La masturbation, on a le clitoris. Il y avait des discussions, je me souviens, un peu plus tard, dans des dîners où c'était un thé clitoridien ou vaginal. C'était des choses comme ça. On a découvert le clitoris. On savait le mot, on connaissait à peine.

  • Speaker #1

    C'est la découverte de l'Amérique.

  • Speaker #0

    Oui, c'était l'Amérique. Il faut dire que la découverte du plaisir, ça ne s'est pas venu tout de suite. Pour ça, il fallait rencontrer, il fallait mettre en pratique. Là, comme on est en pratique par l'homosexualité, par les rapports avec les femmes, ça permettait... Mais bon, ce n'est pas la majorité. des gens donc quand on est dans une relation hétérosexuelle c'était pas c'était pas évident bon donc après c'est les circonstances de la vie qui ont permis que ça il a fallu que chacune règle son problème à sa façon par rapport aux partenaires enfin bon bref donc c'était donc c'était pas tellement le plaisir enfin c'était le C'était de connaître son appartenir, qu'on s'appartienne en tant que personne et en tant que corps, et que comme corps qui peut éventuellement avoir du plaisir, parce que ça on ne connaissait pas. Si on lit les... J'avais beaucoup travaillé là-dessus, dans le bouquin, j'ai fait quand même pas mal d'historique de la sexualité. J'ai commencé par ça dans les bouquins, je travaillais sur la sexualité. Enfin, avant les violences. Et donc, dans les années 50, l'interview auprès des femmes qui avaient à l'époque 20, 30 ans, 40 ans, toutes, elles disaient qu'elles avaient commencé à comprendre, à avoir un peu de plaisir à peu près à 40 ans. Mais que tout le reste du temps, elles avaient supporté les rapports conjugaux, puisque tout le monde était marié. Les rapports conjugaux, bon, elles n'osaient pas dire non à leur mari. Donc c'était quand même un peu... Le jour de la nuit de noces, c'était un peu du viol. Et les nuits de mariage, c'était du viol pas trop violent, mais c'était quand même du rapport un peu imposé. Enfin, je veux dire, il faut quand même avoir ça dans la tête. Donc les jeunes femmes de maintenant, elles ne peuvent pas savoir. Et en plus, il y avait la peur d'être enceinte. C'était horrible ça, la peur d'être enceinte. Parce que tous les mois, si les règles n'arrivaient pas, on avait peur. Et ça, c'était terrible de vivre avec ça. Comment voulez-vous avoir une sexualité quand on ne pense qu'à ça ? Donc ça, c'est des phénomènes, vraiment, c'était vital. Et je pense que c'est pour ça que par rapport à maintenant, il y en a beaucoup, bon, il y en a qui savent de quoi elle parle, parce qu'il y en a qui ont été victimes, mais c'est quand même pas la majorité. Fort heureusement, je voudrais bien insister là-dessus. et que toutes les autres, elles défendent une cause. pour laquelle il leur reste quelque chose d'étranger quand même. On dit que là, on défendait quelque chose que toutes les femmes vivaient au quotidien. C'est un peu ça, je pense, la différence. Alors le plaisir...

  • Speaker #1

    Attends, explique-moi ça. Oui. Tu as l'impression qu'elles défendent quelque chose qui leur est étranger, c'est-à-dire quelque chose qui ne correspond pas à leur expérience, alors que de votre... vous vous battiez pour quelque chose qui correspondait à votre expérience, c'est une expérience de frustration, si on peut dire.

  • Speaker #0

    De frustration, oui. Enfin, je veux dire, il y a le Manifeste des Barouches, c'est un truc, je crois que j'ai mis dans tous les bouquins, peut-être pas dans celui-ci, mais dans tous les bouquins, j'ai mis… Ben voilà, il est là de toute façon. Nous sommes exploités comme objets sexuels, éducatrices, bonnes à tout faire et main-d'oeuvre à bon marché. Manifeste des barouches, New York, 1969. Ça résume tout à fait ce qu'on était et ce qu'on ressentait. On n'était rien, on n'était que ça. Donc, on avait vraiment de quoi se battre. Bon, toutes les femmes l'ont pas fait. Et puis j'arrive à Paris en 67, dans des conditions un peu pénibles aussi, je raconte pas. Et il y a mai 68, et le MLF, et ma vie a complètement changé. Enfin, je veux dire, c'est... J'aurais fait une psychanalyse pendant 20 ans, ça suffisait, c'était une renaissance complètement. Je ne suis pas la seule, enfin. Et pour les garçons, c'était pareil. Les garçons que j'ai connus, c'était pareil. Je veux dire, ça nous a... On a tout remis en question, puisque la grosse remise en question, c'était la famille quand même. C'était ça, c'était famille Jevoé. Puis c'était fort. Je veux dire, ce n'était pas non plus... Parce que si on était dans cette situation aussi... pénible là, c'est parce que les familles nous avaient mille grappes à-dessus en nous obligeant... La religion ! La religion quand même, comme tout le monde, j'étais dans ce village, tout le monde allait à l'église catholique, il y avait quelques protestants, parce que c'est quand même en région de protestants et catholiques, on avait des familles protestantes qui étaient plutôt les notables. Et donc les autres étaient tous cathos, tout le monde allait à la messe. C'était pas très drôle, on a fait la communion. Bon, puis après, à partir de 15 ans, je crois qu'on a réussi... Enfin, je crois que maintenant, il n'y a pas plus antique les récalques que moi. Et voilà, donc... Oui, c'était le poids de l'Église et de la famille. Enfin, eux, les parents, ils étaient forcément sous... C'était la société. c'était cette société familialiste patriarcale bien sûr patriarcale mais enfin les matriarcales il y avait des mères aussi qui n'étaient pas moi je ne sais pas c'est un autre sujet ça les mères et voilà donc voilà le parcours donc tu étais préparée

  • Speaker #1

    par ton enfance, ta jeunesse, tes premières expériences ici en Charente, tu étais préparée à ce que mai 68 soit vraiment l'éclosion, l'épargne, la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus après le MLA. Ça c'était la libération d'abord, la première libération. C'est vrai que ça a été... Puis nous on était en CITU alors. Il faut dire qu'on avait des conditions extraordinaires. Et quand je pense que, puisque j'ai commencé à travailler en 70, vous ne savez peut-être pas bien dire, mais à l'époque, j'avais très peu d'obligations. Parce qu'ils ont fait un recrutement, ils ont créé les universités. Il y avait les facultés avant. Ils ont créé les universités. Ils ont fait un recrutement massif. J'en ai profité avec d'autres. Et donc, ce recrutement massif, au début, on n'avait pas tellement d'heures de cours. Je ne dirais pas combien. Vous aviez le temps de faire un revue. Oui, c'est ça. Donc, il y a eu comme ça, une bonne 5-6 ans, ou peut-être un peu plus, pendant lesquels on avait cette espèce de liberté totale de penser. Mais s'il y avait des factions et des désaccords, il n'y avait pas de violence. Ce n'était pas aussi violent que les désaccords actuels que je vois entre les féministes elles-mêmes. Je trouve ça terrible et terrifiant, la manière dont on ne s'écoute pas, dont on ne supporte pas. Nous, on passait notre temps à discuter. Moi, j'étais virulente. Oui, j'étais virulente, tout le monde l'était. Mais c'était un plaisir. Après on pouvait être virulente comme ça, on pouvait se dire bon... En fait on ne s'est jamais tant bagarré, on se bagarre toujours avec les plus proches. Quand je me souviens qu'il y avait une fille étrangère qui était très cosmopolite, qui voulait absolument me faire rencontrer et laisser les vivre. Elle m'avait dit mais c'est pas possible quoi, c'est pas possible, ça n'a aucun sens. Par contre, si je rencontre par exemple le planning familial et puis le MLAAC, ou le planning et puis je ne sais pas, le mouvement, ça ne me revient pas là, mais d'être très proche, on pouvait passer une journée, un après-midi, à se disputer, à discuter vivement. Et puis en vérité, on avait les mêmes luttes, et après on allait dans la rue lutter ensemble. C'était donc... Et là, en ce moment, ce que je trouve, c'est qu'on est dans un camp ou dans l'autre. Là, ce n'était pas ça. Alors, on était dans le même camp, mais on avait des désaccords.

  • Speaker #1

    Mais c'est ça que je ne comprends pas.

  • Speaker #0

    Et là, on est dans un camp. Et là, par exemple, si on prend le livre du Caléronie Forest, et là, son livre, mais c'est pareil sur l'immigration. Sur l'immigration, j'étais aussi un peu dans ce truc-là, parce que j'enseignais, j'organisais des... Par exemple... petits colloques, mini-colloques là-dessus. Les gens qui sont en fait, ils sont très proches, mais ils s'insultent d'une façon, ils se dénient. Si je raconte sur les violences qui s'est passées, c'était violent aussi. Mais on ne peut pas tout dire à la fois. Et donc là, en ce moment, c'est ça, c'est qu'on est... on est un facho ou on est un... Ça joue quand même beaucoup là-dessus, sur l'extrême-gauche, l'extrême-gauche féminine, mais une espèce d'extrême-gauche extrêmement radicale. pas comment... Et puis après, l'extrême droite. Enfin non. Alors là, si on n'est pas tout à fait d'accord avec certains points des féministes les plus radicales en ce moment, on est forcément à droite. On est des réactionnaires. Voilà. Alors, avec la question des violences, ça a pris une ampleur. Mais ce n'est pas toutes les violences. C'est pareil. En fait, si on regarde bien les bagarres qu'il y a sur les violences, c'est par rapport à ce qu'on appelle maintenant les racisés. Je suis horreur de ça, parce que nous, le mot race on ne l'utilisait pas. Le premier bouquin que j'ai écrit, j'ai toujours évité de dire le mot race Le mot race c'était raciste. Et ça, c'est un changement dans le vocabulaire qui est très énorme. Et moi, j'ai du mal à m'y faire, je dois dire. Donc les racisés, puisqu'on dit ça comme ça. Et là, il y a ce problème qui est énorme. Et dans le féminisme actuel, c'est quand même le point d'achoppement. C'est les racisés et c'est là ce qu'on appelle l'islamophobie. Enfin bon, les reproches qu'on fait sur l'islamophobie et inversement. Et donc c'est plutôt les... Au fond des accords, ils sont là-dessus. Ils ne sont pas seulement là-dessus, ils sont aussi sur le genre, les transgenres, et puis sur la prostitution. Il y a trois points là, sur le féminisme actuel. Je sais qu'entre, par exemple, Oser le féminisme et Doutoute, il y a eu des bagarres, mais physiques, dans des manifestations, à propos ou avec les transgenres. Alors je n'ai pas trop bien compris dans quel sens ça va. C'est très violent. Donc sur les transgenres, est-ce que les transgenres, est-ce que les femmes qui viennent, qui étaient des hommes qui sont devenues des femmes, est-ce qu'elles ont le droit, axées ou pas, est-ce qu'elles ont le droit ou pas d'aller dans les toilettes pour hommes, etc. Enfin pour femmes, pardon. Enfin bref, il y a ça qui est très violent. Il y a la prostitution où il y a des points de vue très tranchés. J'ai jamais, dans tout ce que j'ai fait, j'ai toujours refusé. dans la violence, de traiter la prostitution. La prostitution, c'est un phénomène, d'abord, qui est pas... Je me suis toujours intéressée au phénomène qui touchait l'ensemble de la population, la population moyenne, on va dire, et non pas les marges. Le travail sur les marges, il se fait différemment. On n'a pas les mêmes méthodes, on n'a pas les mêmes approches. Donc je considère que la E, fort heureusement, la constitution, c'est un phénomène marginal, c'est du domaine de la criminalité. Mais là, dans les féminismes, elle... c'est inclus dans l'approche des violences. Et il y a bien sûr des situations... Et tout ça, il y a ça comme désaccord. Et puis il y avait aussi le désaccord sur, je pense que ça m'essayait toujours, c'est sur la procréation, sur les mères porteuses, sur la GPA. Donc il y a ces points de désaccord, mais ça entraîne des... Ça entraîne, alors surtout sur la racisation et puis la décolonisation, ça entraîne des situations vraiment, enfin quand on lit les... puisque moi j'ai tendance à lire ça mais j'en peux plus, parce que quand je vois Cléontine Autain, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Fourest, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Dehaas, je la connais bien aussi, parce que je connais tout le monde, c'est ça le problème. quand je les vois, ce qu'elles s'en voient, figurent, c'est absolument terrible. Mais si je réfléchis bien, il y a eu la même chose sur l'Algérie, sur l'islamophobie, etc. Sur l'immigration, sur la décolonisation. Quand on prend... Je me rappelais les noms. Les spécialistes aussi. Là, c'est des spécialistes, c'est des chercheurs. C'est des politiques, c'est pas des gens, c'est pas n'importe qui. C'est des gens qui ont... qui ont une parole légitime, qui sont des gens qui s'expriment très bien, qui sont intelligentes, toutes ces filles dont on parle. Elles sont intelligentes, elles sont brillantes, elles sont plutôt du bon côté, enfin je pense qu'elles sont toutes du bon côté politique. Et quand je vois la façon dont elles se parlent, se dévalorisent, se critiquent, alors si je réfléchis sur la violence... Je crois que j'ai eu des choses qui n'étaient pas si différentes de ça. Mais il n'y avait pas les réseaux sociaux. Et voilà. Et par contre, au moment du féminisme du MLF, du féminisme, il y avait quand même... Mais j'ai plutôt vécu des moments... que j'ai pris comme des moments de fusion, enfin de...

  • Speaker #1

    Des moments chaleureux.

  • Speaker #0

    Des moments chaleureux, oui, c'est ça. Et c'est pour ça que je dis, on était dans une lutte qui était sans doute plus... Alors c'est pareil pour les homosexuels, il y avait quand même... C'était pas du tout reconnu l'homosexualité. C'était assez dur. Donc il y avait un enjeu terrible pour les hommes et pour les femmes, et surtout pour les hommes d'ailleurs. J'ai participé aussi à pas mal de choses avec les hommes, c'était plutôt sympa à l'époque. Bon, il y avait des soirées, des journées, des choses comme ça. Donc, il y a une différence là, quand même. Après, le féminisme s'est arrêté, militant, il s'est arrêté à peu près en 80. Donc, entre 80 et 80... 95, 80, fin... Oui, milieu des années 90, il n'y a plus de mouvement féministe militant. Il y avait du féminisme institutionnel. Il s'est institutionnalisé. Il y avait, par contre, il y avait quand même quelques personnes, quelques institutions qui travaillaient sur les violences contre les femmes, très peu. Il y avait quelques centres. Et puis, il y avait aussi le planning familial.

  • Speaker #1

    Le CIDF et toutes ces institutions-là.

  • Speaker #0

    Mais le CIDF, c'était un truc... Plus politique. Oui, non, c'est institutionnel, complètement. C'est complètement institutionnel. Planique familiale, c'était un mouvement militant au départ. Mais le féminisme du mouvement planique familiale, il est quand même venu un peu plus. Il y a beaucoup maintenant de gens qui se... C'est pas des féministes, c'est des... Donc, je considère qu'entre 80 et 95, il y avait effectivement... quelques endroits d'institutionnes où il y avait du féminisme. Et le féminisme s'est institutionnalisé. C'est-à-dire qu'il a commencé à y avoir, effectivement, d'abord il y a eu les groupes de recherche féministes, c'était des chercheuses féministes, et là, j'ai participé à ça, parce que je me suis trouvé que je pouvais le faire.

  • Speaker #1

    C'était ton travail ?

  • Speaker #0

    Voilà, c'était mon travail, j'étais élue syndicale. de Genset-FDT. Et donc, je me suis trouvée dans toutes les commissions d'universités, pour ces administrations, tous les conseils. Il y avait l'administration, la vie étudiante, scientifique, et puis je ne sais plus quoi, en tant qu'élu. Et puis, je me suis trouvée au comité national du CNRS, qui est aussi une instance de contrôle et de recrutement des chercheurs du CNRS. Donc, je me suis trouvée dans ces institutions en tant que féministe, syndicaliste, féministe. C'était institutionnel. Et après, les groupes d'études féministes dans lesquels je me suis trouvée, c'était des lieux qui étaient difficiles, parce que quand on était une chercheuse femme, il fallait prouver qu'on avait de la valeur. Les hommes, ils n'ont rien à prouver, mais nous, il fallait prouver. Et entre femmes, il fallait se prouver entre nous qu'on était... C'est ça qui est terrible. C'est que c'était entre femmes qu'il fallait qu'on fasse... qu'on prouve qu'on avait la bonne technique, la bonne méthode. Alors il se trouve que moi, j'étais un peu protégée en étant quantitativiste, démographe. Je jouais beaucoup sur démographie plus que sociologie à l'époque, parce que j'étais démographe et quantitativiste, il y en avait très peu. Et il fallait que je faisais un peu la défense des statistiques. Étant démographe, travailler sur le sexe, de toute façon, moi je ne sais pas faire autrement que faire homme-femme, c'est pareil. En démographie, on fait toujours homme-femme, masculin-féminin. On fait par âge aussi, donc on a, c'est intersectionnel la démographie, maintenant avec l'intersectionnalisme là. Il y a le sexe, il y a l'âge, et puis quand on est un peu sociologue quand même, il y a la catégorie sociale. Donc de toute façon, moi j'ai toujours travaillé en croisant tout ça. Ça n'a pas de sens de travailler globalement. Donc j'avais des trucs à défendre qui n'étaient pas très difficiles à défendre. J'avais ma petite bulle qui faisait que je ne pouvais pas être trop affectée.

  • Speaker #1

    Et en tant que statisticienne, tu es rattachée aux sciences dures un peu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, je suis une statisticienne démographe. Je ne suis pas une statisticienne.

  • Speaker #1

    Non, mais tu es rattachée à des choses.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, des choses tangibles. Oui. Et donc je me souviens avoir été dans les colloques, en Belgique notamment, et j'avais ma petite bulle qui me protégeait quand même. Là, il y avait une espèce de protection. Et c'est là quand j'étais au comité national du CNRS que je me suis retrouvée avec d'autres féministes sociologues. Et là, j'ai redémarré quelque chose avec des sociologues plus ancrés sur... Sur les rapports, ce qu'on appelait à l'époque, on avait un groupe, c'était les rapports sociaux de sexe. C'était un peu barbare comme appellation, mais ça voulait bien dire ce que ça voulait dire. Moi, j'étais dans l'université et le CNRS. Donc, c'est quand même un milieu assez fermé et assez exigeant au plan, en plus, vis-à-vis des hommes. Il fallait qu'on prouve qu'on était... Je ne vous raconte pas quand j'ai fait l'enquête en VEF, puisque c'était une commande. Comment il a fallu qu'on prouve aux hommes, aux statisticiens de l'INSEE, qu'on était capable de faire une enquête ? Non mais c'est tout à rien. Non mais j'en ai pour des fers. Voilà, donc je pense que...

  • Speaker #1

    Donc par rapport, si tu avais, en conclusion, si tu avais quelques mots, si tu avais en face de toi... Clémentine Autain ou Caroline Touré. Qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Je crois que je ne pourrais rien leur dire. Je pense que... Mais non ! J'ai l'impression qu'en l'état actuel des choses, on ne peut pas mettre les gens ensemble. C'est comme si, quand à l'époque, vous vouliez mettre du mlaque avec quelqu'un de laisser les vivre, c'était non, ce n'est pas la peine. Et là, j'ai l'impression qu'elles sont presque autant. Je ressens tellement le seuil entre elles, alors que c'est terrible. Je trouve ça une situation... C'est presque schizophrénique ça. C'est une situation assez épouvantable. Mais c'est vrai aussi pour plein d'autres sujets de toute façon. C'est vraiment un phénomène propre à notre époque. Je ne sais pas si c'est à cause de... C'est la façon dont la société s'est peut-être aussi... à cause des réseaux sociaux, à cause du poids d'Internet, à cause de la vitesse. On va vite. Tout va vite et c'est n'importe quoi. Et on mélange tout. Et c'est peut-être pour ça qu'on en arrive là. Je ne saurais pas l'expliquer, ça, c'est pas... Mais je ne me vois pas, effectivement, Clémentine Autain. C'est des filles qui sont vraiment bien intéressantes avec des démarches. depuis longtemps en plus, c'est des militantes depuis longtemps.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et à un moment donné, enfin, Caroline Fourest, je l'ai connue, elle était doctorante. Toutes les deux, elles ont une pratique ancienne de lutte contre les violences faites aux femmes, d'égalité entre les hommes et les femmes, de gauche, enfin, c'est des femmes. Et là, c'est sûr, elle... L'islamophobie, ou la supposée islamophobie. Et sur cette question-là, j'ai bien vu que c'était là le point essentiel. J'en suis vraiment désolée. Mais justement, au moment du MLF, sur le viol, quand il y a eu dans les années 70 les procès sur viol et la dénonciation des viols, mais ce n'était pas la dénonciation. À l'époque, il y avait les gauchistes où certaines féministes ne voulaient pas. pensaient qu'il fallait se calmer sur les viols parce que ça stigmatisait les étrangers, les immigrés. C'était déjà la question. C'est la même question qui est posée maintenant. Ça stigmatisait les immigrés parce que c'était eux qui étaient le plus condamnés. Et c'est quand même sous-jacent dans tout ça, y compris dans le féminisme, c'est sous-jacent cette question de...... et la question religieuse qui est devenue prégnante depuis, moi je dirais, à peu près 20 ans. Moi je l'ai vue, c'est simple, je l'ai vue à l'université, puisque je faisais encore avec les étudiants, je faisais les enquêtes sur la sexualité, prévention du sida, j'ai fait avant les violences, et les violences. Et les rapports de couple, dans mes questionnements, il y avait toujours des questions sur la vie sexuelle, la vie amoureuse, le rapport de couple. Parce que quand on travaille sur les violences, Si on n'a pas ces éléments-là, on ne comprend rien. On ne peut pas expliquer. Pour expliquer une chose, il faut bien avoir des éléments sur la vie des gens. Et donc, j'avais ces questions-là. Et les questions sur la religion, on ne la posait pas. Enfin, on la posait dans le cas de Tom Weft, ce qui a été difficile à faire d'ailleurs. Mais on ne les posait pas vraiment. Enfin, on les posait, mais comme ça. Et sur la vie amoureuse, en tous les cas, on ne posait pas de questions sur la religion. Parce qu'on s'intéressait à la vie amoureuse des jeunes. Pas mal d'enquêtes qu'on avait faites, c'était sur les jeunes. Et donc la religion ne traite pas en ligne de compte. Comment choisir son conjoint, son petit ami ? On ne va pas lui demander sa religion. Et ça a émergé chez moi avec mes étudiants qui me disaient Ah madame, mais il faudrait... Oui, mais la religion... Je suis tombée des nues là. Et de plus en plus, C'est eux qui ont demandé à ce qu'on intègre des questions sur la religion dans le choix du petit ami, de savoir s'il avait la même religion ou pas, ou s'il pratiquait, etc. Et ça, c'est arrivé là. C'était un phénomène de société qui est en train de se mettre en place. Alors, c'était effectivement les étudiantes qui proposaient ça. C'est que dans mes étudiants, j'avais une proportion normale d'étudiants qui étaient issus de l'immigration. Et là, j'ai commencé à voir... chez les jeunes, l'émergence de l'importance, le poids de la religion, qu'avaient pas les générations d'avant. Parce que j'en ai eu des copines algériennes, tunisiennes, marocaines, et Dieu sait si, justement, il n'existait pas pour aucune d'entre nous. Ça n'émergeait pas du tout, du tout, du tout. Ça n'existait pas. Et donc, c'est les filles, ou les petites filles presque, maintenant c'est les petites filles, et ça, ça a émergé. Donc, c'est vrai que ce phénomène religieux, il a émergé, et c'est là-dessus qu'il y a le problème. C'est-à-dire, c'est l'universalisme et le communautarisme. On est un peu coincés dans notre... Notre approche républicaine d'égalité de notre constitution, toute personne est égaux en droit, etc. Aux États-Unis, en Angleterre, dans beaucoup de pays, il y a le communautarisme, puisqu'aux États-Unis, dans les recensements, on demandait la couleur de l'âme. On disait qu'il y avait les catégories black, mexicain, je ne sais plus quoi, parce que je faisais les cours sur le recensement. Et c'est vrai que depuis toujours, il y a ça. Tandis que nous, on était sur le universalisme, on était tous égaux, quel que soit l'âge, la couleur, le sexe, et tout ça, c'était quelque chose de... On était surtout, surtout ne pas faire de différence. Et là, maintenant, la religion est venue comme quelque chose qui s'imposait dans la vie. Dans la vie... courante. Et c'est ça, je pense que c'est ça qui... Et dans le féminisme, en fond, les dissensions sont avec... Par rapport à ça, alors que ça, ça n'existait pas du tout, du tout, du tout. À l'époque, on était pourtant un peu intersectionnaliste, le féminisme intersectionnaliste. On l'était forcément puisqu'on se disait que l'oppression, elle était... La domination, elle était au... au cœur, enfin, l'oppression, c'était le croisement de l'égalité homme-femme, elle était au croisement des sexes, forcément, mais aussi des classes sociales, des groupes sociaux, etc. Donc, il y avait cette idée-là, c'est le rapport de classe, puisqu'on était, il y avait le marxiste aussi, donc il y avait les rapports de classe et les rapports de sexe. On croisait les deux, forcément. Ça veut dire que ça faisait partie de la théorie féministe. Il y avait aussi des petites variantes là-dessus, mais n'empêche que grosse. Dès que là, la scission se fait quand même là-dessus essentiellement. Effectivement, le religieux, le voile, dans les points que je soulignais tout à l'heure sur les dissensions, il y a le port du voile. Acceptez ou pas le port du voile. Considérez qu'il y a l'opposition au port du voile. Et puis considérer que c'est la liberté des femmes. Là-dessus, moi, je ne suis pas...

  • Speaker #1

    Et le rapport...

  • Speaker #0

    Et donc, mettre dans une même pièce Clémentine Autain et...

  • Speaker #1

    Caroline Forest.

  • Speaker #0

    Caroline Forest, je ne sais pas. Je ne m'y risquerais pas.

  • Speaker #1

    Oui, c'est...

  • Speaker #0

    C'est terrible.

  • Speaker #1

    C'est terrible, oui.

  • Speaker #0

    C'est terrible parce que...

  • Speaker #1

    Mon Dieu ! C'est terrible. Oui. Ce qui me frappe, c'est effectivement qu'on arrive à la violence, que la place de... Après, en 68, on sortait beaucoup de l'influence prédominante de l'Église, ou de l'Église catholique, etc. Et on arrive en 2024 avec une présence de... de Dieu. Théocratie, une espèce de poids des religions, aussi bien musulmans, mais aussi tous les mouvements pentecôtistes,

  • Speaker #0

    tous les mouvements d'architecture, etc. Et pas seulement en Amérique, hélas.

  • Speaker #1

    Oui, partout.

  • Speaker #0

    Les pentecôtistes sont partout, y compris en Afrique, ils sont très puissants. C'est-à-dire que ce qui nous caractérise, qui nous différencie de l'ensemble des pays, je crois, du monde. On doit être le seul pays laïque au monde, non ? Pas tout à fait. Mais enfin, on est...

  • Speaker #1

    Oui, qui revendique la laïcité.

  • Speaker #0

    Qui revendique la laïcité comme une valeur. Et là, ce qui est en cause quand même dans ces batailles féministes, c'est quand même la laïcité, quasiment. C'est peut-être là le...

  • Speaker #1

    Oui, le concept.

  • Speaker #0

    Oui, alors après, il y a autre chose encore, mais c'est bon. Peut-être qu'on ne va pas...

  • Speaker #1

    Non, mais on va peut-être...

  • Speaker #0

    Parce que, oui.

  • Speaker #1

    conclure sur cette idée que la laïcité, le respect de l'autre et de sa différence est un combat à mener qui n'est pas fini et qui est loin d'être fini.

  • Speaker #0

    Qui est loin d'être fini, qui est plutôt, c'est le backlash là. Oui, c'est comme on dit en français, retour en arrière. Oui, c'est ça, on est plutôt dans un phénomène de...

  • Speaker #1

    De retour du balancier.

  • Speaker #0

    Oui, de retour du balancier, oui, c'est ça. Je pense qu'on est dans ce phénomène-là. Moi, ça me fait assez peur, mais... Et encore, on n'a pas abordé la question des violences. Je crois qu'il ne faut pas...

  • Speaker #1

    Bon, écoute, on va rester là-dessus. Je te remercie beaucoup pour t'être exprimé avec cette spontanéité, cette liberté de ton, cette... Oui, oui, cet abandon. Je trouve que c'est extrêmement méritoire et extrêmement intéressant et touchant. Et que c'est... Vraiment, je suis très reconnaissant. Ce regard sur la situation me paraît tout à fait donner matière à réflexion pour les jeunes générations, puisque c'est à elles que nous nous adressons. Je te remercie, Maryse, pour cet entretien. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci, Patrice.

  • Speaker #1

    Si le témoignage de Maryse Jasper Vous aurez intéressé, bien liker ce podcast. Si vous voulez réagir à certains propos, n'hésitez pas à m'écrire patricemarcade.com Je transmettrai vos messages à Maryse. Et maintenant, si à votre tour vous voulez monter sur le pont des âges, pour témoigner d'un événement, raconter une expérience, un combat, Valorisez une personne que vous voulez faire connaître, contactez-moi. Je vous rappelle que le prantaisage peut s'emprunter dans les deux sens. Les jeunes peuvent en profiter pour faire passer des messages aux habitants de l'autre rive, là-bas, vous savez, dans les quartiers chauds des papiers boomers. La bise à tous !

Chapters

  • Introduction au féminisme et aux violences faites aux femmes

    00:04

  • Présentation de Maryse Jaspard et de son parcours historique

    00:33

  • Les luttes pour la contraception et l'avortement dans les années 70

    03:40

  • L'engagement au sein du MLF et les premières actions féministes

    05:27

  • Évolution des revendications féministes et comparaison avec le présent

    15:44

  • Les tensions contemporaines au sein du féminisme et les nouveaux défis

    28:00

  • Conclusion et réflexions sur l'avenir du féminisme

    01:02:34

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Description

Dans cet épisode captivant du podcast "Et main-tenant...?", animé par Patrice Marcadé, nous plongeons au cœur des luttes féministes à travers le témoignage unique de Maryse Jaspar, une figure emblématique du féminisme historique et professeure à l'université de Paris. Maryse nous invite à explorer son parcours au sein du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) des années 70, où elle a été une pionnière dans la défense des droits des femmes, notamment en matière de contraception et d'avortement.


Au fil de cette discussion enrichissante, nous découvrons comment le féminisme a évolué au fil des décennies. Maryse met en lumière les luttes des années 70, centrées sur le plaisir et la connaissance du corps, et les compare aux préoccupations contemporaines qui se concentrent davantage sur les violences faites aux femmes. Ce contraste nous amène à réfléchir sur la notion de la résilience et de la création artistique au sein des mouvements sociaux, ainsi que sur le sens de la vie et le temps qui passe.


Maryse aborde également les tensions actuelles au sein du féminisme, évoquant des sujets délicats tels que le racisme, l'islamophobie et les droits des personnes transgenres. Les réseaux sociaux, en exacerbant ces divisions, soulèvent des questions cruciales sur la relation entre les différentes luttes et sur l'amitié qui peut se forger malgré des divergences d'opinion.


Cet échange, riche en émotions et en réflexions, nous offre un éclairage précieux sur les défis persistants du féminisme aujourd'hui. Il nous invite à repenser notre rapport à la vieillesse et à vieillir, tout en célébrant l'activité intellectuelle qui nourrit notre engagement. À travers les mots de Maryse, nous découvrons que chaque voix compte dans le "pantheon" individuel des luttes pour l'égalité et la justice.


Ne manquez pas cet épisode qui, au-delà des thématiques féministes, interroge notre rapport à la vie, à l'amour, à la santé et à la tendresse. Rejoignez-nous dans cette conversation essentielle qui éclaire non seulement le féminisme, mais également notre humanité partagée. Écoutez "Et main-tenant...?" pour une exploration profonde et nuancée des enjeux qui façonnent notre société actuelle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir le pont des âges. Il n'est pas de jour que les médias ne parlent du féminisme des violences faites aux femmes. La cause est juste et devrait faire l'unanimité, or elle fait l'objet de polémiques, de disputes violentes. Pour clarifier ce débat, j'ai fait appel à une féministe historique, Maryse Jaspar, qui était professeure à l'université à Paris en 1968. Maryse, est-ce que tu peux te présenter avant toute chose ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, bonjour Patrice et merci d'avoir favorisé cet échange sur ce sujet effectivement brûlant. qui n'est pas nouveau du tout, mais qui en ce moment occupe beaucoup le centre d'intérêt majeur de l'ensemble des médias. Me présenter, c'est un peu compliqué. Je vais essayer de schématiser, de garder le plus important, ce qui est important à mes yeux. pour expliquer un peu mon parcours et pourquoi je suis là à parler de ce sujet. La légitimité en fait à en parler, c'est toujours une question de légitimité de parole. Et donc je commencerai par le commencement, c'est-à-dire que je fais partie de ce qu'on appelle les féministes historiques, c'est-à-dire les féministes, enfin les personnes, les femmes, qui étaient présentes dès les années 70, au début du MLF, c'est-à-dire ça devait être 69-70. Je ne sais plus exactement la date. Et qu'on commençait donc à se réunir, il faut bien dire, en région parisienne, dans des milieux assez privilégiés, plutôt des milieux intellectuels. Il se trouve que j'étais, moi, à l'époque, j'avais 23 ans, à peu près, oui, 23-24 ans. Et j'étais déjà mariée, mère de famille, ce qui était, dans le milieu féministe, assez rare. On appelait ça des féministes atypiques, les autres féministes étant plutôt des femmes célibataires. avec un niveau intellectuel assez élevé. Moi, j'étais étudiante encore. Enfin, étudiante... Au début, j'étais étudiante, et puis après, j'étais déjà... J'ai eu la chance d'être recrutée très, très trop à l'université. Donc, j'étais étudiante en sociologie, des biographies. Et j'ai été recrutée à l'université de Paris. J'avais juste... ma maîtrise et j'avais mon D.S.S. C'était un diplôme d'expert démographe. Et donc avec ce petit bagage, je suis rentrée à l'université. Après j'ai traîné pas mal pour avoir la thèse, mais bon ça c'est une autre histoire, c'était comme ça à l'époque. Donc j'ai eu la chance d'être recrutée à l'université dans un institut de démographie qui était un petit institut de l'université de Paris 1. Et dans lequel finalement, au début non, mais par la suite j'ai pu mener les enseignements que je voulais, comme je voulais, et de faire les études et les recherches que je voulais. Donc ça j'ai eu une chance extraordinaire d'avoir ça. Donc ça c'est mon parcours, et donc j'étais en même temps féminine.

  • Speaker #0

    Tu nous dis, les études que tu voulais, ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qui t'intéressait à cette époque ?

  • Speaker #1

    À cette époque-là j'étais féministe. Je me battais tous les jours pratiquement pour la libération. Puisque le combat de l'époque, c'était la libération de la contraception et de l'avortement. Puisque c'était interdit. Moi, j'avais un enfant parce que je n'avais pas eu de contraception. Je faisais partie des victimes du système. Je n'avais pas du tout volontairement eu ma fille. Je l'avais eue parce que je n'avais pas de contraception, qu'elle n'était pas disponible. La diffusion de la contraception était interdite. La publicité de contraception était interdite. Donc, c'était quand même une époque, il faut le rappeler. En 1970, les premiers décrets d'application pour la diffusion de la contraception datent de 1975. La loi avait été votée en 1967, mais il a fallu attendre 1975 pour qu'il y ait les premiers décrets pour permettre de diffuser la contraception. Et encore, c'était très limité à des milieux favorisés. au courant de ça. Donc ça ne touchait pas les populations les plus démunies et bien sûr les campagnes, etc. J'ai pu, assez rapidement, non, j'ai eu quand même quelques années de galère où je faisais de la démographie pure, avec l'enseignement des statistiques imparfaites, des choses assez barbares, qui ne m'intéressaient pas beaucoup, mais que je faisais parce qu'il fallait bien faire ce qu'on me donnait à faire, et puis j'ai pu à un moment donné faire ce que j'avais envie de faire. Et donc j'ai commencé avec les étudiants à faire un enseignement sur les enquêtes et à faire des enquêtes sur la contraception, l'IVG, la sexualité, etc. Donc j'ai vraiment eu de la chance de pouvoir faire ce genre de travail. Alors j'étais donc au MLF dès 1970, et je suis rentrée à l'université en 1970 aussi. Bon, je suis rentrée, j'ai commencé par être assistante, et on a traîné en assistant pendant des années. C'était un statut qui était quand même relativement précaire. Et c'est quand Mitterrand est arrivé en 81 qu'on a été titularisés. On lui doit beaucoup. Donc j'avais une double vie, parce qu'au début, quand j'étais recrutée à la fac, je ne racontais pas ma vie, je ne montrais pas que j'étais féministe. Ce n'était pas possible. J'ai dû faire un espèce de coming out à une époque. Il a bien fallu au moins 5-6 ans ou sinon plus pour faire mon coming out. Après, j'étais la féministe de service à l'Institut de démographie. Et donc, à l'époque, je militais très fort. J'habitais à la cité universitaire d'Antony, où il y avait 6 000 étudiants. Il y avait un tiers de couple. avec enfants, un tiers de filles, un tiers de garçons. A l'époque, il y avait eu 68, puisque je suis arrivée en 68, je suis arrivée en décembre 67 à l'université Paris 1.

  • Speaker #0

    Donc, tu as vécu 68 ?

  • Speaker #1

    Et donc, j'ai vécu 68, mais en plein. Mais alors, je me suis même fait arrêter dans la cour de la Sorbonne le premier jour, le 3 mai. Et on est parti dans les quarts de police. Donc, ça...

  • Speaker #0

    Tu es vraiment une féministe historique.

  • Speaker #1

    Oui. Et donc, le MLF, eh bien, c'est à peu près un an après mai 68. Je ne sais plus très bien quand c'était. Mais il y avait dans les couloirs, il y avait des étudiantes en médecine qui avaient mis des affiches. Ce qui se caractérisait au niveau du militantisme et des affiches, c'était qu'on a lancé le MLF, les femmes ont lancé les affiches avec les couleurs pastelles, c'est-à-dire le violet, le vert et le fuchsia. Donc il y avait des affiches en vert où les fuchsias écrites à la main en disant planning familial contraception venez vous informer J'étais extrêmement intéressée par ça. Parce que j'avais donc eu un enfant sans le désirer. Bon, j'étais quand même contente de l'avoir. La pauvre, c'était... Bon, heureusement que j'ai eu, parce qu'après, je n'avais plus envie d'avoir un enfant. Donc voilà comment je suis arrivée au MLF tout de suite donc parce que je suis allée à une réunion avec des étudiantes en médecine, j'étais 3 ou 4 étudiantes en médecine et puis bon je me suis lancée à fond là-dedans, j'ai créé, j'ai parce que c'est vrai que j'étais à l'origine, j'ai créé un groupe femme. On faisait son groupe femme et dans le groupe femme on faisait ce qu'on voulait, on parlait de ce qu'on voulait. Ça a été très simple ce dont on parlait, c'est-à-dire qu'on a parlé tout de suite des rapports de couple, des rapports hommes-femmes, de la sexualité, d'apprendre à dire non. C'est-à-dire tout ce qu'on raconte maintenant là. Les premières choses c'était apprendre à dire non, apprendre à connaître notre corps parce qu'on ne connaissait pas du tout notre corps. On ne savait pas comment ça fonctionnait, on ne savait pas le plaisir, on ne savait pas très bien ce que c'était. On était toutes en couple, dans le groupe que j'avais, on était en majorité en couple. On n'avait pas tellement connu le plaisir les unes et les autres. Et voilà, donc on avait vraiment tout à... Donc c'était vital, c'était pas... Là, il y a quelque chose qui est un peu décollé. Maintenant, comme le féminisme est très axé sur les violences, mais tout le monde n'a quand même pas subi les violences, fort heureusement. Et tandis qu'à l'époque, on avait quand même... toutes à peu près la même expérience du couple marié, pas toutes avec des enfants dans mon groupe, mais on avait exactement la même approche et le même besoin d'exister, parce qu'on était la femme d'eux, on n'était pas quelqu'un, une personne, on était la femme de quelqu'un, on portait le nom du mari, enfin non, pas moi, c'est mon prof de thèse, qui était un vieux monsieur, un polytechnicien un peu rigide, qui m'avait dit mais ! Il faut garder votre nom de jeune fille, c'est qu'est-ce que c'est que ça ? Vous n'allez pas prendre le nom du mari, c'est assez drôle quand même comme histoire. Et donc à l'époque, on avait tout ce besoin d'exister. Mon corps m'appartient et on s'est engagé à fond dans la libération de la contrassation de l'avortement. Je pense qu'on a passé notre temps à faire des réunions, à militer. Alors on avait les groupes qui étaient informels. Moi, c'était le groupe, c'était les universitaires, on était une dizaine. Et donc on distribuait les journaux, le torchon brûle, enfin bref, on avait une vie de militant à temps plein. Et on allait donc aux AG à Paris, on rejoignait les groupes. Alors c'était là, tout à l'heure, tu parlais des distinctions entre les groupes. C'était pareil, de toute façon. Il y a toujours eu, je me rappelle, en mai 68 à la CTU, on avait les groupes de gauchistes. Donc les gauchistes, il y avait au moins 10. dix factions différentes. Les Mao, il y en avait au moins trois. Les Trotskis, je crois qu'il y en avait au moins cinq. Je ne me rappelle plus les noms, je me rappelle de Rouge, et puis ils avaient chacun des noms différents. Ils avaient tendance à... Il y avait l'affaire, il y avait tout ça. Et donc, on n'arrêtait pas. L'ennemi, le plus à droite, c'était le PC. Le PS, n'en parlons pas. Le PSU était à peu près... Ça pouvait aller, parce qu'il y avait Paro-Kar, mais il y avait sa sœur. Il y avait des... très proche du rocard, parce que c'est les vieux de la vieille. Et donc, c'était très... On passait notre temps à se bagarrer. Après, on militait au MLF, on allait aux AG à Paris. Alors là, on rencontrait les groupes. À Paris, il y avait Psychépo, Psychoanalyse et Politique, qui étaient sous la roulette d'Antoine Etfoucq. qui était une figure très importante, qui était un sacré personnage. Il y avait des choses extraordinaires à raconter là-dessus. Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais il y avait des choses extraordinaires. Et puis, il y avait les féministes révolutionnaires, il y avait les léguines rouges. La plupart des filles étaient des intellectuelles. Oui, des intellectuelles écrivaines, universitaires, étudiantes, beaucoup d'étudiantes quand même, et puis profs à la fac, enfin il n'y avait pas tellement de profs femmes à l'époque, donc il n'y avait pas tellement de profs, mais des chercheuses, et puis des psychanalystes, et il y avait des figures, mais il y avait des écrits, mais les écrits n'étaient pas signés. Il y avait eu des livres collectifs qui sont sortis, des livres très intéressants. J'ai participé une ou deux fois à des groupes où on se réunissait pour faire l'écriture collective, ce qui n'est pas facile. Mais il y a eu des ouvrages sans signature, parce que la volonté c'était de ne pas se mettre en avant. Sauf Antoinette qui était une égérie un peu étouffante. Alors là, on parle de l'emprise maintenant. Alors à l'époque, l'emprise d'Antoinette, elle n'était pas mal. Il y avait beaucoup de choses à dire là-dessus. Et donc, il y avait ces groupes qui se réunissaient, qui n'étaient pas toujours d'accord, mais il y avait quand même une volonté commune de lutter. Parce que ce n'était pas trop leur problème, la contraception, l'avortement, à certaines. Surtout, on avait aussi une forte proportion de filles, à l'époque, on disait homosexuelles, un peu lesbiennes, mais lesbiennes, c'était... C'était encore difficile à dire. C'était une revendication, c'était les identitaires. Mais ce n'était pas un mot qui était très courant. On n'en est pas comme aujourd'hui à parler. Non, c'était à l'époque. Et donc, ça avait quand même une importance aussi dans les luttes, parce qu'on n'avait pas les mêmes luttes quand même. Ce n'était forcément pas les mêmes préoccupations. Il n'y avait pas tout ce qui touchait à la maternité, à la contraception. Et voilà. Donc il y avait déjà des problèmes, mais les problèmes, ils étaient surtout les filles, elles venaient toutes, la plupart de groupes gauchistes où on n'avait pas la parole. C'est pour ça qu'il y avait les féministes révolutionnaires qui venaient de Rouges, des Mao ou des Trotsky, c'était grosso modo. Il y avait Mauret Trotsky, c'est avec toute une nuance de variation de point de vue. C'était très théorique à l'époque. Le militantisme, même en 68, on était dans la théorie marxiste, avec des subtilités. Et le féminisme, il a démarré. Donc à ce moment-là, il n'y avait pas de texte fondateur. Il y avait un peu les américaines, on avait des ouvrages américains, mais au début, il n'y avait même pas ça. Il y a eu... Oui, bien sûr, oui. Mais il y a surtout eu, il y a eu une personne, il y a eu le premier numéro de Partizan, qui était donc un partisan, c'était une revue d'extrême gauche. plutôt trop schiste quelques femmes françaises qui ont un peu comment théoriser la le féminisme on s'est beaucoup appuyé aussi sur les américaines et sur notamment par exemple j'ai notre corps nous mêmes qui était un ouvrage qui avait été fait par un collectif c'est des collectifs on n'était pas y avait pas cette plus la personnalité qu'on a maintenant avec des personnes qui se qui se bagarre entre elles nominées avec la dénonciation, avec les noms. Ce n'étaient pas des noms, c'étaient des groupes de personnes qui se battaient pour acquérir leurs droits. Et malgré tout, il y avait vraiment là-dessus, même s'il y avait des désaccords sur la sexualité notamment, forcément, sur les rapports avec les hommes, la place des hommes. Donc voilà, ça c'est l'ambiance. Et il y a eu, pour mon parcours personnel, il y avait groupe femme. avec le féminisme, les luttes féministes classiques. Et puis il y a eu, en particulier, c'est là que je devenais un peu atypique, c'est parce que je me suis engagée beaucoup dans la contraception et l'IVG, et avec le MLAC. Alors le MLAC, il se trouve que toutes les féministes n'ont pas fait ça. Moi je me suis engagée dans quelque chose de très concret, qui ne me touchait beaucoup. et puis après avec le planning familial aussi j'ai pas mal travaillé et donc il se trouve qu'à l'époque donc il ya eu alors dans les dates c'était peut-être un petit peu plus tard nous sommes des 72 73 il ya eu le film histoire d'un qui avait été fait sur la méthode carman qui était absolument interdit en france et qui était donc diffusé par le gis le groupe d'intervention santé qui était un groupe plutôt d'hommes Je leur avais demandé le film et donc j'ai fait diffuser le film à la Cité Université de Saint-Antony, trois séances. Alors on se faisait le grand cinéma, on avait le service d'ordre, on avait demandé à Rouge, c'était un peu les ennemis, mais bon, enfin les ennemis, bien sûr c'était les hommes, donc il fallait se battre. Et je leur avais demandé quand même de faire le service d'ordre. J'avais aussi demandé les Antillais, il y avait aussi les groupes des Antillais, parce que la Cité US était très cosmopolite, c'était très multiracial. on parle de comme ça, c'était extraordinaire pour ça, parce qu'on était vraiment baignés dans...

  • Speaker #0

    C'est un melting pot.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui, oui. On se faisait beaucoup de cinéma là-dessus, puisque c'était interdit, on avait un peu peur. Et n'empêche qu'on avait passé trois fois de suite, c'était pas rien. Et qu'il y avait eu du monde, et je me souviens, sur la tribune, on avait à la CITU, on avait une salle de spectacle. La CITU, c'est extraordinaire comme endroit, parce qu'on ne faisait pas à manger, on avait le resto U, on faisait... à peine le ménage, on nous le faisait de temps en temps, peut-être pas les couples, je ne sais plus. Et on avait la salle de spectacle pour nous, on avait des salles de travail, et il y avait pour les couples qui étaient très nombreux, il y avait une crèche, et il y avait deux écoles maternelles. C'était un paradis parce qu'on avait au milieu, c'était à Antony, il y avait là en couronne les bâtiments et au milieu il y avait une espèce de parc. Et on était là en toute liberté, les enfants. On allait être petits, alors maintenant on est parano avec les enfants. Ma fille, avec sa copine, quand elle avait déjà 5-6 ans, elle courait partout dans la CTU, dans les chambres des garçons. On n'avait absolument pas peur, il ne se passait rien. Je veux dire, là, la parano actuelle, c'est épouvantable. Enfin bon, donc voilà, ça c'est pour me parler un peu de l'ambiance. Donc, il y a eu le MLAQ. Dans le groupe MLAQ, ce qui est intéressant, c'est que ceux qui faisaient les avortements, c'était des hommes. Enfin, c'était des uns étudiants en médecine. Et les femmes, on se contentait, on recevait les gens. Et puis après, on n'a pas fait... C'était interdit de pratiquer les avortements. Donc, on n'a pas fait quand même des tonnes. On a fait quelques-uns. Et pour moi, c'était très dur. Parce que j'étais là pour tenir la main.

  • Speaker #0

    Par aspiration ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, par aspiration, méthode Kármán. Et j'avais beau être là pour tenir la main, je ne peux pas dire que j'étais...

  • Speaker #0

    Très à l'aise ?

  • Speaker #1

    Non, c'était très dur. Mais bon, je ne l'ai pas fait souvent, heureusement. Mais c'était marrant. Il y avait quand même ce découpage. Les hommes, c'était un homme qui faisait ça. Il y avait des étudiantes en médecine, puis moi je n'étais pas du tout en médecine, et j'avais d'autres amies militantes qui ne l'étaient pas. Donc on a fait ce groupe MLAC qui a beaucoup fonctionné. Et on a, bien sûr, après on a eu toute la lutte pour qu'on arrive à la voie de 75, première voie suivie de l'IVG, deuxième voie 80. Donc le MLF, comme ça, ça a duré avec le MLAC et un peu de planning. Je ne sais plus le planning, à quel moment j'y suis allée, je ne sais plus très bien. Peut-être après. Et donc, jusqu'en 1980. Et là, 1980, c'est la dernière manif qui a dû avoir lieu en 1980, où le Psychepo a pris le sigle MLF à son compte. Donc, on a fait une marque, alors qu'il n'y avait pas de marque déposée. C'était quelque chose d'un... C'était comme totalement informel. Et là, elle a pris... Et donc, là, c'était le clash terrible et ça a tout cassé. dans une manif terrible. Et après, le Psyche-Époche est devenu... Après le sigle MLF, il y a eu la librairie des femmes qui est devenue un peu une institution. Et il faut bien dire qu'après 1980, le féminisme a disparu complètement. Le militantisme féminin a complètement disparu. Le planning familial s'en est un peu... Bon, le planning familial...... C'était un peu une étiquette féministe, mais on ne parlait plus de féminisme. On avait été tellement décriés, considérés comme des malbaisés, des lesbiennes, des malbaisés, tout ce qu'on peut imaginer comme horreur à l'époque. C'était très mal vu. Et je me suis retrouvée donc... À l'université, j'étais déjà à l'université depuis un moment. Et donc, j'ai réussi à faire des enquêtes sur la contraception et l'avortement. Mes premières enquêtes avec les étudiants, c'était sur la contraception et l'IVG. J'ai fait d'abord le BQ de la grossesse. Parce qu'il y avait un enjeu qui n'était pas tellement suivi par les féministes. C'était sur la grossesse, sur les conditions de grossesse. et sur un peu la foutesse de l'accouchement sans douleur. Moi, j'avais fait ça, j'avais fait avec mes étudiants, on avait été dans une clinique où ils faisaient pratiquer, c'était le médecin au pieds nus, comment il s'appelait, je ne sais plus, un grand ponte, qui faisait des accouchements soi-disant sans douleur. Et je me rappelle, pour moi, c'était très dur, ça. Parce que, pour des raisons personnelles, c'était très très dur, mais j'y tenais et les étudiants ont marché avec moi complètement. Et donc, on allait faire des interviews de femmes qui étaient en train d'accoucher, juste avant, juste après, juste après, et en leur faisant parler sur leur accouchement, les conditions d'accouchement. Et donc, il y avait des groupes de paroles qui étaient organisés par la clinique. Alors, j'allais au groupe de paroles et puis, elle me disait, après j'allais les voir, elle me disait le contraire de ce qu'elle avait dit dans le groupe. Dans le groupe, tout était merveilleux, tout allait très bien. Puis quand j'allais les voir, c'était beaucoup moins bien. Et donc, bon, c'était, voilà, on avait fait une enquête là-dessus et c'était assez intéressant. puisque j'étais démographe, ça faisait partie de... Et j'ai commencé comme ça, et puis après les autres enquêtes que j'ai réalisées, j'en ai fait quand même beaucoup avec les étudiants, on a même sorti des bouquets ensemble, ça a été plutôt contraception, IVG, et puis sexualité, et puis prévention du sida. Donc voilà, je pouvais avoir une vie militante d'un côté, et puis je pouvais, dans mon activité professionnelle, mettre en application ce que je pouvais faire. Et alors là, le rapport entre générations, mais à l'époque, c'est que j'avais l'âge des étudiants, à quelque chose près. Il y en avait même des plus, parce qu'il y avait beaucoup d'étudiants qui venaient d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne, nos anciennes colonies, qui venaient se former en démographie, qui étaient déjà chez eux un peu expérimentés. enfin qui avaient des postes importants, qui venaient se former en démographie. Et donc, ils étaient quelques fois plus vieux que moi, donc ce n'était pas une chance de régénération, c'était la même génération. Ce n'était pas très évident, enfin si, c'était plutôt ça. Ça m'a sans doute beaucoup facilité les choses pour faire avec eux des sujets comme ça, je pense que j'aurais fait ça. Et après, j'ai continué pendant toute ma carrière, pendant 40 ans, à travailler avec les étudiants sur ces mêmes sujets de société. Avec cette même approche, j'aurais même fait un cours qui était pas mal, sur ce qu'on ignore plus tard, sur ce qu'on ignore totalement, c'est-à-dire l'histoire récente. Dans les années 80, fin 80, j'aurais expliqué la lutte pour la contraception et l'avortement, qui était un phénomène. Pour des démographes, c'était fondamental. Et donc, je leur ai fait tout un historique, comme ça, de la législation, l'évolution de la législation, et l'évolution des rapports de couple, et l'évolution des rapports de sexe. Donc, j'ai vraiment réussi, dans ma carrière professionnelle, à faire les deux. Je n'ai pas été très embêtée. On ne peut pas dire. Personne ne m'a mis le bâton dans les roues. Parce que j'étais dans l'institut, j'étais institut de démographie, des instituts. Dans les universités, il y a des instituts un peu à chaque fois. On a le même statut que les autres, mais on a moins d'étudiants. Et on a des étudiants, c'était des étudiants au troisième cycle que j'avais. Et ce qui me permettait de faire ce type d'enseignement, j'avais besoin de leur apprendre les grandes doctrines de la sociologie ou de la démographie, ce qui n'est pas très marrant. Moi, ça ne m'amuse pas beaucoup. Et donc, ça me permettait... Et mon enseignement était très utile dans la mesure où je leur apprenais à faire des enquêtes et après, être opérationnelle sur le terrain. Et donc, ça, c'était... Et en plus, c'était au niveau enseignement, c'était... Je ne le savais pas, mais c'était très novateur, en fait. Après, on a dit qu'il fallait faire comme ça, mais...

  • Speaker #0

    Tu étais à la pointe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Sans le savoir.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu étais à la pointe sur le... En t'écoutant, j'ai... L'impression, si on compare les deux féminismes, celui de cette époque fondatrice autour des années 70-80... 70,

  • Speaker #1

    oui. 70, et maintenant,

  • Speaker #0

    j'ai l'impression que ce qui était revendiqué à cette époque-là, c'était le droit au plaisir. Et ça, vous transgressiez un tabou.

  • Speaker #1

    Et au désir.

  • Speaker #0

    Au désir, le plaisir. C'était un objectif. J'ai l'impression qu'actuellement, le combat des féministes, c'est le refus de la douleur, le refus de la violence, le refus de la douleur. Et ça me frappe ce parallèle entre... Oui, entre le combat des pionnières et le combat de maintenant. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Oui, attends, le refus de la douleur, nous on refusait, moi j'ai refusé, on n'était pas très nombreuses, mais on refusait la douleur de l'avortement. Pardon, la douleur de l'accouchement. Oui,

  • Speaker #0

    oui.

  • Speaker #1

    Et le refus, un peu, et d'une certaine manière, il y avait un refus de la maternité forcée, la procréation forcée. Donc, c'était ça, c'était une sacrée violence. C'était, je veux dire, la première violence, et ça, je l'ai écrit un peu partout dans mes bouquins, la première violence, c'est la procréation forcée. Bien sûr. Et l'accouchement, et la... Enfin, forcer les filles à... Une fille qui est enceinte, par exemple, à la suite d'un viol, la forcer à aller au bout et à accoucher, je trouve ça monstrueux.

  • Speaker #0

    Et ça, ça, donc, ça, ça, il faut bien le... C'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment. Parce que maintenant, les filles, elles ont l'impression, depuis des années, depuis que la contraception existe, depuis qu'elles sont informées sur la sexualité, sur les risques, etc. Elles ont l'impression que tout ça, c'est acquis, il n'y a pas de problème. Mais ça a été quand même ma génération. Ma génération, on a eu des enfants très tôt. Il y en a beaucoup qui ont eu des enfants avant de se marier, parce qu'on ne pouvait pas échapper au mariage. Donc on avait déjà le mariage, on n'avait pas très envie de se marier. Moi je n'avais pas envie de me marier quand je me suis mariée. On parle des mariages forcés, mais ça ressemblait à ça les mariages. Même si on n'avait pas des hommes monstrueux, on n'était pas obligatoire, on n'avait peut-être pas envie de se marier. Mais on était au forcé de se marier, enceinte ou pas d'ailleurs, c'était pas ça qui jouait. On ne pouvait pas coucher avec un garçon. Et ça les générations nouvelles ne le savent pas. Elles ne l'ont pas du tout intégrée, elles ne pouvaient pas comprendre. Et ça, on refusait ça. Le plaisir, parce qu'on ne connaissait pas le plaisir. Parce que quand on était mariés, on n'y connaissait rien. La masturbation, on connaissait à peine. On ne connaissait pas notre corps, parce que c'était sale. C'était ça, tout ce qui touchait en bas, on ne savait pas comment c'était. On ne savait pas comment on était faite, on ne savait pas combien on avait de trous en bas. Je suis désolée. On ne savait pas très bien par où on faisait pipi, par où on faisait les enfants, par où on faisait... C'est quand même ça le problème. Et ce que je raconte, c'est pas... Et j'étais quand même une fille étudiante, j'avais... D'un milieu, bon, qui n'était pas complètement... Un milieu artisan, un peu... Donc un peu évolué quand même. Et c'était ça. Donc, on ne recherchait pas le plaisir. D'abord, ce qu'on a recherché, c'est de connaître notre corps et de savoir comment ça fonctionnait, parce qu'on ne savait pas. La masturbation, on a le clitoris. Il y avait des discussions, je me souviens, un peu plus tard, dans des dîners où c'était un thé clitoridien ou vaginal. C'était des choses comme ça. On a découvert le clitoris. On savait le mot, on connaissait à peine.

  • Speaker #1

    C'est la découverte de l'Amérique.

  • Speaker #0

    Oui, c'était l'Amérique. Il faut dire que la découverte du plaisir, ça ne s'est pas venu tout de suite. Pour ça, il fallait rencontrer, il fallait mettre en pratique. Là, comme on est en pratique par l'homosexualité, par les rapports avec les femmes, ça permettait... Mais bon, ce n'est pas la majorité. des gens donc quand on est dans une relation hétérosexuelle c'était pas c'était pas évident bon donc après c'est les circonstances de la vie qui ont permis que ça il a fallu que chacune règle son problème à sa façon par rapport aux partenaires enfin bon bref donc c'était donc c'était pas tellement le plaisir enfin c'était le C'était de connaître son appartenir, qu'on s'appartienne en tant que personne et en tant que corps, et que comme corps qui peut éventuellement avoir du plaisir, parce que ça on ne connaissait pas. Si on lit les... J'avais beaucoup travaillé là-dessus, dans le bouquin, j'ai fait quand même pas mal d'historique de la sexualité. J'ai commencé par ça dans les bouquins, je travaillais sur la sexualité. Enfin, avant les violences. Et donc, dans les années 50, l'interview auprès des femmes qui avaient à l'époque 20, 30 ans, 40 ans, toutes, elles disaient qu'elles avaient commencé à comprendre, à avoir un peu de plaisir à peu près à 40 ans. Mais que tout le reste du temps, elles avaient supporté les rapports conjugaux, puisque tout le monde était marié. Les rapports conjugaux, bon, elles n'osaient pas dire non à leur mari. Donc c'était quand même un peu... Le jour de la nuit de noces, c'était un peu du viol. Et les nuits de mariage, c'était du viol pas trop violent, mais c'était quand même du rapport un peu imposé. Enfin, je veux dire, il faut quand même avoir ça dans la tête. Donc les jeunes femmes de maintenant, elles ne peuvent pas savoir. Et en plus, il y avait la peur d'être enceinte. C'était horrible ça, la peur d'être enceinte. Parce que tous les mois, si les règles n'arrivaient pas, on avait peur. Et ça, c'était terrible de vivre avec ça. Comment voulez-vous avoir une sexualité quand on ne pense qu'à ça ? Donc ça, c'est des phénomènes, vraiment, c'était vital. Et je pense que c'est pour ça que par rapport à maintenant, il y en a beaucoup, bon, il y en a qui savent de quoi elle parle, parce qu'il y en a qui ont été victimes, mais c'est quand même pas la majorité. Fort heureusement, je voudrais bien insister là-dessus. et que toutes les autres, elles défendent une cause. pour laquelle il leur reste quelque chose d'étranger quand même. On dit que là, on défendait quelque chose que toutes les femmes vivaient au quotidien. C'est un peu ça, je pense, la différence. Alors le plaisir...

  • Speaker #1

    Attends, explique-moi ça. Oui. Tu as l'impression qu'elles défendent quelque chose qui leur est étranger, c'est-à-dire quelque chose qui ne correspond pas à leur expérience, alors que de votre... vous vous battiez pour quelque chose qui correspondait à votre expérience, c'est une expérience de frustration, si on peut dire.

  • Speaker #0

    De frustration, oui. Enfin, je veux dire, il y a le Manifeste des Barouches, c'est un truc, je crois que j'ai mis dans tous les bouquins, peut-être pas dans celui-ci, mais dans tous les bouquins, j'ai mis… Ben voilà, il est là de toute façon. Nous sommes exploités comme objets sexuels, éducatrices, bonnes à tout faire et main-d'oeuvre à bon marché. Manifeste des barouches, New York, 1969. Ça résume tout à fait ce qu'on était et ce qu'on ressentait. On n'était rien, on n'était que ça. Donc, on avait vraiment de quoi se battre. Bon, toutes les femmes l'ont pas fait. Et puis j'arrive à Paris en 67, dans des conditions un peu pénibles aussi, je raconte pas. Et il y a mai 68, et le MLF, et ma vie a complètement changé. Enfin, je veux dire, c'est... J'aurais fait une psychanalyse pendant 20 ans, ça suffisait, c'était une renaissance complètement. Je ne suis pas la seule, enfin. Et pour les garçons, c'était pareil. Les garçons que j'ai connus, c'était pareil. Je veux dire, ça nous a... On a tout remis en question, puisque la grosse remise en question, c'était la famille quand même. C'était ça, c'était famille Jevoé. Puis c'était fort. Je veux dire, ce n'était pas non plus... Parce que si on était dans cette situation aussi... pénible là, c'est parce que les familles nous avaient mille grappes à-dessus en nous obligeant... La religion ! La religion quand même, comme tout le monde, j'étais dans ce village, tout le monde allait à l'église catholique, il y avait quelques protestants, parce que c'est quand même en région de protestants et catholiques, on avait des familles protestantes qui étaient plutôt les notables. Et donc les autres étaient tous cathos, tout le monde allait à la messe. C'était pas très drôle, on a fait la communion. Bon, puis après, à partir de 15 ans, je crois qu'on a réussi... Enfin, je crois que maintenant, il n'y a pas plus antique les récalques que moi. Et voilà, donc... Oui, c'était le poids de l'Église et de la famille. Enfin, eux, les parents, ils étaient forcément sous... C'était la société. c'était cette société familialiste patriarcale bien sûr patriarcale mais enfin les matriarcales il y avait des mères aussi qui n'étaient pas moi je ne sais pas c'est un autre sujet ça les mères et voilà donc voilà le parcours donc tu étais préparée

  • Speaker #1

    par ton enfance, ta jeunesse, tes premières expériences ici en Charente, tu étais préparée à ce que mai 68 soit vraiment l'éclosion, l'épargne, la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus après le MLA. Ça c'était la libération d'abord, la première libération. C'est vrai que ça a été... Puis nous on était en CITU alors. Il faut dire qu'on avait des conditions extraordinaires. Et quand je pense que, puisque j'ai commencé à travailler en 70, vous ne savez peut-être pas bien dire, mais à l'époque, j'avais très peu d'obligations. Parce qu'ils ont fait un recrutement, ils ont créé les universités. Il y avait les facultés avant. Ils ont créé les universités. Ils ont fait un recrutement massif. J'en ai profité avec d'autres. Et donc, ce recrutement massif, au début, on n'avait pas tellement d'heures de cours. Je ne dirais pas combien. Vous aviez le temps de faire un revue. Oui, c'est ça. Donc, il y a eu comme ça, une bonne 5-6 ans, ou peut-être un peu plus, pendant lesquels on avait cette espèce de liberté totale de penser. Mais s'il y avait des factions et des désaccords, il n'y avait pas de violence. Ce n'était pas aussi violent que les désaccords actuels que je vois entre les féministes elles-mêmes. Je trouve ça terrible et terrifiant, la manière dont on ne s'écoute pas, dont on ne supporte pas. Nous, on passait notre temps à discuter. Moi, j'étais virulente. Oui, j'étais virulente, tout le monde l'était. Mais c'était un plaisir. Après on pouvait être virulente comme ça, on pouvait se dire bon... En fait on ne s'est jamais tant bagarré, on se bagarre toujours avec les plus proches. Quand je me souviens qu'il y avait une fille étrangère qui était très cosmopolite, qui voulait absolument me faire rencontrer et laisser les vivre. Elle m'avait dit mais c'est pas possible quoi, c'est pas possible, ça n'a aucun sens. Par contre, si je rencontre par exemple le planning familial et puis le MLAAC, ou le planning et puis je ne sais pas, le mouvement, ça ne me revient pas là, mais d'être très proche, on pouvait passer une journée, un après-midi, à se disputer, à discuter vivement. Et puis en vérité, on avait les mêmes luttes, et après on allait dans la rue lutter ensemble. C'était donc... Et là, en ce moment, ce que je trouve, c'est qu'on est dans un camp ou dans l'autre. Là, ce n'était pas ça. Alors, on était dans le même camp, mais on avait des désaccords.

  • Speaker #1

    Mais c'est ça que je ne comprends pas.

  • Speaker #0

    Et là, on est dans un camp. Et là, par exemple, si on prend le livre du Caléronie Forest, et là, son livre, mais c'est pareil sur l'immigration. Sur l'immigration, j'étais aussi un peu dans ce truc-là, parce que j'enseignais, j'organisais des... Par exemple... petits colloques, mini-colloques là-dessus. Les gens qui sont en fait, ils sont très proches, mais ils s'insultent d'une façon, ils se dénient. Si je raconte sur les violences qui s'est passées, c'était violent aussi. Mais on ne peut pas tout dire à la fois. Et donc là, en ce moment, c'est ça, c'est qu'on est... on est un facho ou on est un... Ça joue quand même beaucoup là-dessus, sur l'extrême-gauche, l'extrême-gauche féminine, mais une espèce d'extrême-gauche extrêmement radicale. pas comment... Et puis après, l'extrême droite. Enfin non. Alors là, si on n'est pas tout à fait d'accord avec certains points des féministes les plus radicales en ce moment, on est forcément à droite. On est des réactionnaires. Voilà. Alors, avec la question des violences, ça a pris une ampleur. Mais ce n'est pas toutes les violences. C'est pareil. En fait, si on regarde bien les bagarres qu'il y a sur les violences, c'est par rapport à ce qu'on appelle maintenant les racisés. Je suis horreur de ça, parce que nous, le mot race on ne l'utilisait pas. Le premier bouquin que j'ai écrit, j'ai toujours évité de dire le mot race Le mot race c'était raciste. Et ça, c'est un changement dans le vocabulaire qui est très énorme. Et moi, j'ai du mal à m'y faire, je dois dire. Donc les racisés, puisqu'on dit ça comme ça. Et là, il y a ce problème qui est énorme. Et dans le féminisme actuel, c'est quand même le point d'achoppement. C'est les racisés et c'est là ce qu'on appelle l'islamophobie. Enfin bon, les reproches qu'on fait sur l'islamophobie et inversement. Et donc c'est plutôt les... Au fond des accords, ils sont là-dessus. Ils ne sont pas seulement là-dessus, ils sont aussi sur le genre, les transgenres, et puis sur la prostitution. Il y a trois points là, sur le féminisme actuel. Je sais qu'entre, par exemple, Oser le féminisme et Doutoute, il y a eu des bagarres, mais physiques, dans des manifestations, à propos ou avec les transgenres. Alors je n'ai pas trop bien compris dans quel sens ça va. C'est très violent. Donc sur les transgenres, est-ce que les transgenres, est-ce que les femmes qui viennent, qui étaient des hommes qui sont devenues des femmes, est-ce qu'elles ont le droit, axées ou pas, est-ce qu'elles ont le droit ou pas d'aller dans les toilettes pour hommes, etc. Enfin pour femmes, pardon. Enfin bref, il y a ça qui est très violent. Il y a la prostitution où il y a des points de vue très tranchés. J'ai jamais, dans tout ce que j'ai fait, j'ai toujours refusé. dans la violence, de traiter la prostitution. La prostitution, c'est un phénomène, d'abord, qui est pas... Je me suis toujours intéressée au phénomène qui touchait l'ensemble de la population, la population moyenne, on va dire, et non pas les marges. Le travail sur les marges, il se fait différemment. On n'a pas les mêmes méthodes, on n'a pas les mêmes approches. Donc je considère que la E, fort heureusement, la constitution, c'est un phénomène marginal, c'est du domaine de la criminalité. Mais là, dans les féminismes, elle... c'est inclus dans l'approche des violences. Et il y a bien sûr des situations... Et tout ça, il y a ça comme désaccord. Et puis il y avait aussi le désaccord sur, je pense que ça m'essayait toujours, c'est sur la procréation, sur les mères porteuses, sur la GPA. Donc il y a ces points de désaccord, mais ça entraîne des... Ça entraîne, alors surtout sur la racisation et puis la décolonisation, ça entraîne des situations vraiment, enfin quand on lit les... puisque moi j'ai tendance à lire ça mais j'en peux plus, parce que quand je vois Cléontine Autain, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Fourest, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Dehaas, je la connais bien aussi, parce que je connais tout le monde, c'est ça le problème. quand je les vois, ce qu'elles s'en voient, figurent, c'est absolument terrible. Mais si je réfléchis bien, il y a eu la même chose sur l'Algérie, sur l'islamophobie, etc. Sur l'immigration, sur la décolonisation. Quand on prend... Je me rappelais les noms. Les spécialistes aussi. Là, c'est des spécialistes, c'est des chercheurs. C'est des politiques, c'est pas des gens, c'est pas n'importe qui. C'est des gens qui ont... qui ont une parole légitime, qui sont des gens qui s'expriment très bien, qui sont intelligentes, toutes ces filles dont on parle. Elles sont intelligentes, elles sont brillantes, elles sont plutôt du bon côté, enfin je pense qu'elles sont toutes du bon côté politique. Et quand je vois la façon dont elles se parlent, se dévalorisent, se critiquent, alors si je réfléchis sur la violence... Je crois que j'ai eu des choses qui n'étaient pas si différentes de ça. Mais il n'y avait pas les réseaux sociaux. Et voilà. Et par contre, au moment du féminisme du MLF, du féminisme, il y avait quand même... Mais j'ai plutôt vécu des moments... que j'ai pris comme des moments de fusion, enfin de...

  • Speaker #1

    Des moments chaleureux.

  • Speaker #0

    Des moments chaleureux, oui, c'est ça. Et c'est pour ça que je dis, on était dans une lutte qui était sans doute plus... Alors c'est pareil pour les homosexuels, il y avait quand même... C'était pas du tout reconnu l'homosexualité. C'était assez dur. Donc il y avait un enjeu terrible pour les hommes et pour les femmes, et surtout pour les hommes d'ailleurs. J'ai participé aussi à pas mal de choses avec les hommes, c'était plutôt sympa à l'époque. Bon, il y avait des soirées, des journées, des choses comme ça. Donc, il y a une différence là, quand même. Après, le féminisme s'est arrêté, militant, il s'est arrêté à peu près en 80. Donc, entre 80 et 80... 95, 80, fin... Oui, milieu des années 90, il n'y a plus de mouvement féministe militant. Il y avait du féminisme institutionnel. Il s'est institutionnalisé. Il y avait, par contre, il y avait quand même quelques personnes, quelques institutions qui travaillaient sur les violences contre les femmes, très peu. Il y avait quelques centres. Et puis, il y avait aussi le planning familial.

  • Speaker #1

    Le CIDF et toutes ces institutions-là.

  • Speaker #0

    Mais le CIDF, c'était un truc... Plus politique. Oui, non, c'est institutionnel, complètement. C'est complètement institutionnel. Planique familiale, c'était un mouvement militant au départ. Mais le féminisme du mouvement planique familiale, il est quand même venu un peu plus. Il y a beaucoup maintenant de gens qui se... C'est pas des féministes, c'est des... Donc, je considère qu'entre 80 et 95, il y avait effectivement... quelques endroits d'institutionnes où il y avait du féminisme. Et le féminisme s'est institutionnalisé. C'est-à-dire qu'il a commencé à y avoir, effectivement, d'abord il y a eu les groupes de recherche féministes, c'était des chercheuses féministes, et là, j'ai participé à ça, parce que je me suis trouvé que je pouvais le faire.

  • Speaker #1

    C'était ton travail ?

  • Speaker #0

    Voilà, c'était mon travail, j'étais élue syndicale. de Genset-FDT. Et donc, je me suis trouvée dans toutes les commissions d'universités, pour ces administrations, tous les conseils. Il y avait l'administration, la vie étudiante, scientifique, et puis je ne sais plus quoi, en tant qu'élu. Et puis, je me suis trouvée au comité national du CNRS, qui est aussi une instance de contrôle et de recrutement des chercheurs du CNRS. Donc, je me suis trouvée dans ces institutions en tant que féministe, syndicaliste, féministe. C'était institutionnel. Et après, les groupes d'études féministes dans lesquels je me suis trouvée, c'était des lieux qui étaient difficiles, parce que quand on était une chercheuse femme, il fallait prouver qu'on avait de la valeur. Les hommes, ils n'ont rien à prouver, mais nous, il fallait prouver. Et entre femmes, il fallait se prouver entre nous qu'on était... C'est ça qui est terrible. C'est que c'était entre femmes qu'il fallait qu'on fasse... qu'on prouve qu'on avait la bonne technique, la bonne méthode. Alors il se trouve que moi, j'étais un peu protégée en étant quantitativiste, démographe. Je jouais beaucoup sur démographie plus que sociologie à l'époque, parce que j'étais démographe et quantitativiste, il y en avait très peu. Et il fallait que je faisais un peu la défense des statistiques. Étant démographe, travailler sur le sexe, de toute façon, moi je ne sais pas faire autrement que faire homme-femme, c'est pareil. En démographie, on fait toujours homme-femme, masculin-féminin. On fait par âge aussi, donc on a, c'est intersectionnel la démographie, maintenant avec l'intersectionnalisme là. Il y a le sexe, il y a l'âge, et puis quand on est un peu sociologue quand même, il y a la catégorie sociale. Donc de toute façon, moi j'ai toujours travaillé en croisant tout ça. Ça n'a pas de sens de travailler globalement. Donc j'avais des trucs à défendre qui n'étaient pas très difficiles à défendre. J'avais ma petite bulle qui faisait que je ne pouvais pas être trop affectée.

  • Speaker #1

    Et en tant que statisticienne, tu es rattachée aux sciences dures un peu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, je suis une statisticienne démographe. Je ne suis pas une statisticienne.

  • Speaker #1

    Non, mais tu es rattachée à des choses.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, des choses tangibles. Oui. Et donc je me souviens avoir été dans les colloques, en Belgique notamment, et j'avais ma petite bulle qui me protégeait quand même. Là, il y avait une espèce de protection. Et c'est là quand j'étais au comité national du CNRS que je me suis retrouvée avec d'autres féministes sociologues. Et là, j'ai redémarré quelque chose avec des sociologues plus ancrés sur... Sur les rapports, ce qu'on appelait à l'époque, on avait un groupe, c'était les rapports sociaux de sexe. C'était un peu barbare comme appellation, mais ça voulait bien dire ce que ça voulait dire. Moi, j'étais dans l'université et le CNRS. Donc, c'est quand même un milieu assez fermé et assez exigeant au plan, en plus, vis-à-vis des hommes. Il fallait qu'on prouve qu'on était... Je ne vous raconte pas quand j'ai fait l'enquête en VEF, puisque c'était une commande. Comment il a fallu qu'on prouve aux hommes, aux statisticiens de l'INSEE, qu'on était capable de faire une enquête ? Non mais c'est tout à rien. Non mais j'en ai pour des fers. Voilà, donc je pense que...

  • Speaker #1

    Donc par rapport, si tu avais, en conclusion, si tu avais quelques mots, si tu avais en face de toi... Clémentine Autain ou Caroline Touré. Qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Je crois que je ne pourrais rien leur dire. Je pense que... Mais non ! J'ai l'impression qu'en l'état actuel des choses, on ne peut pas mettre les gens ensemble. C'est comme si, quand à l'époque, vous vouliez mettre du mlaque avec quelqu'un de laisser les vivre, c'était non, ce n'est pas la peine. Et là, j'ai l'impression qu'elles sont presque autant. Je ressens tellement le seuil entre elles, alors que c'est terrible. Je trouve ça une situation... C'est presque schizophrénique ça. C'est une situation assez épouvantable. Mais c'est vrai aussi pour plein d'autres sujets de toute façon. C'est vraiment un phénomène propre à notre époque. Je ne sais pas si c'est à cause de... C'est la façon dont la société s'est peut-être aussi... à cause des réseaux sociaux, à cause du poids d'Internet, à cause de la vitesse. On va vite. Tout va vite et c'est n'importe quoi. Et on mélange tout. Et c'est peut-être pour ça qu'on en arrive là. Je ne saurais pas l'expliquer, ça, c'est pas... Mais je ne me vois pas, effectivement, Clémentine Autain. C'est des filles qui sont vraiment bien intéressantes avec des démarches. depuis longtemps en plus, c'est des militantes depuis longtemps.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et à un moment donné, enfin, Caroline Fourest, je l'ai connue, elle était doctorante. Toutes les deux, elles ont une pratique ancienne de lutte contre les violences faites aux femmes, d'égalité entre les hommes et les femmes, de gauche, enfin, c'est des femmes. Et là, c'est sûr, elle... L'islamophobie, ou la supposée islamophobie. Et sur cette question-là, j'ai bien vu que c'était là le point essentiel. J'en suis vraiment désolée. Mais justement, au moment du MLF, sur le viol, quand il y a eu dans les années 70 les procès sur viol et la dénonciation des viols, mais ce n'était pas la dénonciation. À l'époque, il y avait les gauchistes où certaines féministes ne voulaient pas. pensaient qu'il fallait se calmer sur les viols parce que ça stigmatisait les étrangers, les immigrés. C'était déjà la question. C'est la même question qui est posée maintenant. Ça stigmatisait les immigrés parce que c'était eux qui étaient le plus condamnés. Et c'est quand même sous-jacent dans tout ça, y compris dans le féminisme, c'est sous-jacent cette question de...... et la question religieuse qui est devenue prégnante depuis, moi je dirais, à peu près 20 ans. Moi je l'ai vue, c'est simple, je l'ai vue à l'université, puisque je faisais encore avec les étudiants, je faisais les enquêtes sur la sexualité, prévention du sida, j'ai fait avant les violences, et les violences. Et les rapports de couple, dans mes questionnements, il y avait toujours des questions sur la vie sexuelle, la vie amoureuse, le rapport de couple. Parce que quand on travaille sur les violences, Si on n'a pas ces éléments-là, on ne comprend rien. On ne peut pas expliquer. Pour expliquer une chose, il faut bien avoir des éléments sur la vie des gens. Et donc, j'avais ces questions-là. Et les questions sur la religion, on ne la posait pas. Enfin, on la posait dans le cas de Tom Weft, ce qui a été difficile à faire d'ailleurs. Mais on ne les posait pas vraiment. Enfin, on les posait, mais comme ça. Et sur la vie amoureuse, en tous les cas, on ne posait pas de questions sur la religion. Parce qu'on s'intéressait à la vie amoureuse des jeunes. Pas mal d'enquêtes qu'on avait faites, c'était sur les jeunes. Et donc la religion ne traite pas en ligne de compte. Comment choisir son conjoint, son petit ami ? On ne va pas lui demander sa religion. Et ça a émergé chez moi avec mes étudiants qui me disaient Ah madame, mais il faudrait... Oui, mais la religion... Je suis tombée des nues là. Et de plus en plus, C'est eux qui ont demandé à ce qu'on intègre des questions sur la religion dans le choix du petit ami, de savoir s'il avait la même religion ou pas, ou s'il pratiquait, etc. Et ça, c'est arrivé là. C'était un phénomène de société qui est en train de se mettre en place. Alors, c'était effectivement les étudiantes qui proposaient ça. C'est que dans mes étudiants, j'avais une proportion normale d'étudiants qui étaient issus de l'immigration. Et là, j'ai commencé à voir... chez les jeunes, l'émergence de l'importance, le poids de la religion, qu'avaient pas les générations d'avant. Parce que j'en ai eu des copines algériennes, tunisiennes, marocaines, et Dieu sait si, justement, il n'existait pas pour aucune d'entre nous. Ça n'émergeait pas du tout, du tout, du tout. Ça n'existait pas. Et donc, c'est les filles, ou les petites filles presque, maintenant c'est les petites filles, et ça, ça a émergé. Donc, c'est vrai que ce phénomène religieux, il a émergé, et c'est là-dessus qu'il y a le problème. C'est-à-dire, c'est l'universalisme et le communautarisme. On est un peu coincés dans notre... Notre approche républicaine d'égalité de notre constitution, toute personne est égaux en droit, etc. Aux États-Unis, en Angleterre, dans beaucoup de pays, il y a le communautarisme, puisqu'aux États-Unis, dans les recensements, on demandait la couleur de l'âme. On disait qu'il y avait les catégories black, mexicain, je ne sais plus quoi, parce que je faisais les cours sur le recensement. Et c'est vrai que depuis toujours, il y a ça. Tandis que nous, on était sur le universalisme, on était tous égaux, quel que soit l'âge, la couleur, le sexe, et tout ça, c'était quelque chose de... On était surtout, surtout ne pas faire de différence. Et là, maintenant, la religion est venue comme quelque chose qui s'imposait dans la vie. Dans la vie... courante. Et c'est ça, je pense que c'est ça qui... Et dans le féminisme, en fond, les dissensions sont avec... Par rapport à ça, alors que ça, ça n'existait pas du tout, du tout, du tout. À l'époque, on était pourtant un peu intersectionnaliste, le féminisme intersectionnaliste. On l'était forcément puisqu'on se disait que l'oppression, elle était... La domination, elle était au... au cœur, enfin, l'oppression, c'était le croisement de l'égalité homme-femme, elle était au croisement des sexes, forcément, mais aussi des classes sociales, des groupes sociaux, etc. Donc, il y avait cette idée-là, c'est le rapport de classe, puisqu'on était, il y avait le marxiste aussi, donc il y avait les rapports de classe et les rapports de sexe. On croisait les deux, forcément. Ça veut dire que ça faisait partie de la théorie féministe. Il y avait aussi des petites variantes là-dessus, mais n'empêche que grosse. Dès que là, la scission se fait quand même là-dessus essentiellement. Effectivement, le religieux, le voile, dans les points que je soulignais tout à l'heure sur les dissensions, il y a le port du voile. Acceptez ou pas le port du voile. Considérez qu'il y a l'opposition au port du voile. Et puis considérer que c'est la liberté des femmes. Là-dessus, moi, je ne suis pas...

  • Speaker #1

    Et le rapport...

  • Speaker #0

    Et donc, mettre dans une même pièce Clémentine Autain et...

  • Speaker #1

    Caroline Forest.

  • Speaker #0

    Caroline Forest, je ne sais pas. Je ne m'y risquerais pas.

  • Speaker #1

    Oui, c'est...

  • Speaker #0

    C'est terrible.

  • Speaker #1

    C'est terrible, oui.

  • Speaker #0

    C'est terrible parce que...

  • Speaker #1

    Mon Dieu ! C'est terrible. Oui. Ce qui me frappe, c'est effectivement qu'on arrive à la violence, que la place de... Après, en 68, on sortait beaucoup de l'influence prédominante de l'Église, ou de l'Église catholique, etc. Et on arrive en 2024 avec une présence de... de Dieu. Théocratie, une espèce de poids des religions, aussi bien musulmans, mais aussi tous les mouvements pentecôtistes,

  • Speaker #0

    tous les mouvements d'architecture, etc. Et pas seulement en Amérique, hélas.

  • Speaker #1

    Oui, partout.

  • Speaker #0

    Les pentecôtistes sont partout, y compris en Afrique, ils sont très puissants. C'est-à-dire que ce qui nous caractérise, qui nous différencie de l'ensemble des pays, je crois, du monde. On doit être le seul pays laïque au monde, non ? Pas tout à fait. Mais enfin, on est...

  • Speaker #1

    Oui, qui revendique la laïcité.

  • Speaker #0

    Qui revendique la laïcité comme une valeur. Et là, ce qui est en cause quand même dans ces batailles féministes, c'est quand même la laïcité, quasiment. C'est peut-être là le...

  • Speaker #1

    Oui, le concept.

  • Speaker #0

    Oui, alors après, il y a autre chose encore, mais c'est bon. Peut-être qu'on ne va pas...

  • Speaker #1

    Non, mais on va peut-être...

  • Speaker #0

    Parce que, oui.

  • Speaker #1

    conclure sur cette idée que la laïcité, le respect de l'autre et de sa différence est un combat à mener qui n'est pas fini et qui est loin d'être fini.

  • Speaker #0

    Qui est loin d'être fini, qui est plutôt, c'est le backlash là. Oui, c'est comme on dit en français, retour en arrière. Oui, c'est ça, on est plutôt dans un phénomène de...

  • Speaker #1

    De retour du balancier.

  • Speaker #0

    Oui, de retour du balancier, oui, c'est ça. Je pense qu'on est dans ce phénomène-là. Moi, ça me fait assez peur, mais... Et encore, on n'a pas abordé la question des violences. Je crois qu'il ne faut pas...

  • Speaker #1

    Bon, écoute, on va rester là-dessus. Je te remercie beaucoup pour t'être exprimé avec cette spontanéité, cette liberté de ton, cette... Oui, oui, cet abandon. Je trouve que c'est extrêmement méritoire et extrêmement intéressant et touchant. Et que c'est... Vraiment, je suis très reconnaissant. Ce regard sur la situation me paraît tout à fait donner matière à réflexion pour les jeunes générations, puisque c'est à elles que nous nous adressons. Je te remercie, Maryse, pour cet entretien. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci, Patrice.

  • Speaker #1

    Si le témoignage de Maryse Jasper Vous aurez intéressé, bien liker ce podcast. Si vous voulez réagir à certains propos, n'hésitez pas à m'écrire patricemarcade.com Je transmettrai vos messages à Maryse. Et maintenant, si à votre tour vous voulez monter sur le pont des âges, pour témoigner d'un événement, raconter une expérience, un combat, Valorisez une personne que vous voulez faire connaître, contactez-moi. Je vous rappelle que le prantaisage peut s'emprunter dans les deux sens. Les jeunes peuvent en profiter pour faire passer des messages aux habitants de l'autre rive, là-bas, vous savez, dans les quartiers chauds des papiers boomers. La bise à tous !

Chapters

  • Introduction au féminisme et aux violences faites aux femmes

    00:04

  • Présentation de Maryse Jaspard et de son parcours historique

    00:33

  • Les luttes pour la contraception et l'avortement dans les années 70

    03:40

  • L'engagement au sein du MLF et les premières actions féministes

    05:27

  • Évolution des revendications féministes et comparaison avec le présent

    15:44

  • Les tensions contemporaines au sein du féminisme et les nouveaux défis

    28:00

  • Conclusion et réflexions sur l'avenir du féminisme

    01:02:34

Description

Dans cet épisode captivant du podcast "Et main-tenant...?", animé par Patrice Marcadé, nous plongeons au cœur des luttes féministes à travers le témoignage unique de Maryse Jaspar, une figure emblématique du féminisme historique et professeure à l'université de Paris. Maryse nous invite à explorer son parcours au sein du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) des années 70, où elle a été une pionnière dans la défense des droits des femmes, notamment en matière de contraception et d'avortement.


Au fil de cette discussion enrichissante, nous découvrons comment le féminisme a évolué au fil des décennies. Maryse met en lumière les luttes des années 70, centrées sur le plaisir et la connaissance du corps, et les compare aux préoccupations contemporaines qui se concentrent davantage sur les violences faites aux femmes. Ce contraste nous amène à réfléchir sur la notion de la résilience et de la création artistique au sein des mouvements sociaux, ainsi que sur le sens de la vie et le temps qui passe.


Maryse aborde également les tensions actuelles au sein du féminisme, évoquant des sujets délicats tels que le racisme, l'islamophobie et les droits des personnes transgenres. Les réseaux sociaux, en exacerbant ces divisions, soulèvent des questions cruciales sur la relation entre les différentes luttes et sur l'amitié qui peut se forger malgré des divergences d'opinion.


Cet échange, riche en émotions et en réflexions, nous offre un éclairage précieux sur les défis persistants du féminisme aujourd'hui. Il nous invite à repenser notre rapport à la vieillesse et à vieillir, tout en célébrant l'activité intellectuelle qui nourrit notre engagement. À travers les mots de Maryse, nous découvrons que chaque voix compte dans le "pantheon" individuel des luttes pour l'égalité et la justice.


Ne manquez pas cet épisode qui, au-delà des thématiques féministes, interroge notre rapport à la vie, à l'amour, à la santé et à la tendresse. Rejoignez-nous dans cette conversation essentielle qui éclaire non seulement le féminisme, mais également notre humanité partagée. Écoutez "Et main-tenant...?" pour une exploration profonde et nuancée des enjeux qui façonnent notre société actuelle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Patrice Marcadé, vous écoutez et maintenant le podcast qui tend la main pour franchir le pont des âges. Il n'est pas de jour que les médias ne parlent du féminisme des violences faites aux femmes. La cause est juste et devrait faire l'unanimité, or elle fait l'objet de polémiques, de disputes violentes. Pour clarifier ce débat, j'ai fait appel à une féministe historique, Maryse Jaspar, qui était professeure à l'université à Paris en 1968. Maryse, est-ce que tu peux te présenter avant toute chose ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, bonjour Patrice et merci d'avoir favorisé cet échange sur ce sujet effectivement brûlant. qui n'est pas nouveau du tout, mais qui en ce moment occupe beaucoup le centre d'intérêt majeur de l'ensemble des médias. Me présenter, c'est un peu compliqué. Je vais essayer de schématiser, de garder le plus important, ce qui est important à mes yeux. pour expliquer un peu mon parcours et pourquoi je suis là à parler de ce sujet. La légitimité en fait à en parler, c'est toujours une question de légitimité de parole. Et donc je commencerai par le commencement, c'est-à-dire que je fais partie de ce qu'on appelle les féministes historiques, c'est-à-dire les féministes, enfin les personnes, les femmes, qui étaient présentes dès les années 70, au début du MLF, c'est-à-dire ça devait être 69-70. Je ne sais plus exactement la date. Et qu'on commençait donc à se réunir, il faut bien dire, en région parisienne, dans des milieux assez privilégiés, plutôt des milieux intellectuels. Il se trouve que j'étais, moi, à l'époque, j'avais 23 ans, à peu près, oui, 23-24 ans. Et j'étais déjà mariée, mère de famille, ce qui était, dans le milieu féministe, assez rare. On appelait ça des féministes atypiques, les autres féministes étant plutôt des femmes célibataires. avec un niveau intellectuel assez élevé. Moi, j'étais étudiante encore. Enfin, étudiante... Au début, j'étais étudiante, et puis après, j'étais déjà... J'ai eu la chance d'être recrutée très, très trop à l'université. Donc, j'étais étudiante en sociologie, des biographies. Et j'ai été recrutée à l'université de Paris. J'avais juste... ma maîtrise et j'avais mon D.S.S. C'était un diplôme d'expert démographe. Et donc avec ce petit bagage, je suis rentrée à l'université. Après j'ai traîné pas mal pour avoir la thèse, mais bon ça c'est une autre histoire, c'était comme ça à l'époque. Donc j'ai eu la chance d'être recrutée à l'université dans un institut de démographie qui était un petit institut de l'université de Paris 1. Et dans lequel finalement, au début non, mais par la suite j'ai pu mener les enseignements que je voulais, comme je voulais, et de faire les études et les recherches que je voulais. Donc ça j'ai eu une chance extraordinaire d'avoir ça. Donc ça c'est mon parcours, et donc j'étais en même temps féminine.

  • Speaker #0

    Tu nous dis, les études que tu voulais, ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qui t'intéressait à cette époque ?

  • Speaker #1

    À cette époque-là j'étais féministe. Je me battais tous les jours pratiquement pour la libération. Puisque le combat de l'époque, c'était la libération de la contraception et de l'avortement. Puisque c'était interdit. Moi, j'avais un enfant parce que je n'avais pas eu de contraception. Je faisais partie des victimes du système. Je n'avais pas du tout volontairement eu ma fille. Je l'avais eue parce que je n'avais pas de contraception, qu'elle n'était pas disponible. La diffusion de la contraception était interdite. La publicité de contraception était interdite. Donc, c'était quand même une époque, il faut le rappeler. En 1970, les premiers décrets d'application pour la diffusion de la contraception datent de 1975. La loi avait été votée en 1967, mais il a fallu attendre 1975 pour qu'il y ait les premiers décrets pour permettre de diffuser la contraception. Et encore, c'était très limité à des milieux favorisés. au courant de ça. Donc ça ne touchait pas les populations les plus démunies et bien sûr les campagnes, etc. J'ai pu, assez rapidement, non, j'ai eu quand même quelques années de galère où je faisais de la démographie pure, avec l'enseignement des statistiques imparfaites, des choses assez barbares, qui ne m'intéressaient pas beaucoup, mais que je faisais parce qu'il fallait bien faire ce qu'on me donnait à faire, et puis j'ai pu à un moment donné faire ce que j'avais envie de faire. Et donc j'ai commencé avec les étudiants à faire un enseignement sur les enquêtes et à faire des enquêtes sur la contraception, l'IVG, la sexualité, etc. Donc j'ai vraiment eu de la chance de pouvoir faire ce genre de travail. Alors j'étais donc au MLF dès 1970, et je suis rentrée à l'université en 1970 aussi. Bon, je suis rentrée, j'ai commencé par être assistante, et on a traîné en assistant pendant des années. C'était un statut qui était quand même relativement précaire. Et c'est quand Mitterrand est arrivé en 81 qu'on a été titularisés. On lui doit beaucoup. Donc j'avais une double vie, parce qu'au début, quand j'étais recrutée à la fac, je ne racontais pas ma vie, je ne montrais pas que j'étais féministe. Ce n'était pas possible. J'ai dû faire un espèce de coming out à une époque. Il a bien fallu au moins 5-6 ans ou sinon plus pour faire mon coming out. Après, j'étais la féministe de service à l'Institut de démographie. Et donc, à l'époque, je militais très fort. J'habitais à la cité universitaire d'Antony, où il y avait 6 000 étudiants. Il y avait un tiers de couple. avec enfants, un tiers de filles, un tiers de garçons. A l'époque, il y avait eu 68, puisque je suis arrivée en 68, je suis arrivée en décembre 67 à l'université Paris 1.

  • Speaker #0

    Donc, tu as vécu 68 ?

  • Speaker #1

    Et donc, j'ai vécu 68, mais en plein. Mais alors, je me suis même fait arrêter dans la cour de la Sorbonne le premier jour, le 3 mai. Et on est parti dans les quarts de police. Donc, ça...

  • Speaker #0

    Tu es vraiment une féministe historique.

  • Speaker #1

    Oui. Et donc, le MLF, eh bien, c'est à peu près un an après mai 68. Je ne sais plus très bien quand c'était. Mais il y avait dans les couloirs, il y avait des étudiantes en médecine qui avaient mis des affiches. Ce qui se caractérisait au niveau du militantisme et des affiches, c'était qu'on a lancé le MLF, les femmes ont lancé les affiches avec les couleurs pastelles, c'est-à-dire le violet, le vert et le fuchsia. Donc il y avait des affiches en vert où les fuchsias écrites à la main en disant planning familial contraception venez vous informer J'étais extrêmement intéressée par ça. Parce que j'avais donc eu un enfant sans le désirer. Bon, j'étais quand même contente de l'avoir. La pauvre, c'était... Bon, heureusement que j'ai eu, parce qu'après, je n'avais plus envie d'avoir un enfant. Donc voilà comment je suis arrivée au MLF tout de suite donc parce que je suis allée à une réunion avec des étudiantes en médecine, j'étais 3 ou 4 étudiantes en médecine et puis bon je me suis lancée à fond là-dedans, j'ai créé, j'ai parce que c'est vrai que j'étais à l'origine, j'ai créé un groupe femme. On faisait son groupe femme et dans le groupe femme on faisait ce qu'on voulait, on parlait de ce qu'on voulait. Ça a été très simple ce dont on parlait, c'est-à-dire qu'on a parlé tout de suite des rapports de couple, des rapports hommes-femmes, de la sexualité, d'apprendre à dire non. C'est-à-dire tout ce qu'on raconte maintenant là. Les premières choses c'était apprendre à dire non, apprendre à connaître notre corps parce qu'on ne connaissait pas du tout notre corps. On ne savait pas comment ça fonctionnait, on ne savait pas le plaisir, on ne savait pas très bien ce que c'était. On était toutes en couple, dans le groupe que j'avais, on était en majorité en couple. On n'avait pas tellement connu le plaisir les unes et les autres. Et voilà, donc on avait vraiment tout à... Donc c'était vital, c'était pas... Là, il y a quelque chose qui est un peu décollé. Maintenant, comme le féminisme est très axé sur les violences, mais tout le monde n'a quand même pas subi les violences, fort heureusement. Et tandis qu'à l'époque, on avait quand même... toutes à peu près la même expérience du couple marié, pas toutes avec des enfants dans mon groupe, mais on avait exactement la même approche et le même besoin d'exister, parce qu'on était la femme d'eux, on n'était pas quelqu'un, une personne, on était la femme de quelqu'un, on portait le nom du mari, enfin non, pas moi, c'est mon prof de thèse, qui était un vieux monsieur, un polytechnicien un peu rigide, qui m'avait dit mais ! Il faut garder votre nom de jeune fille, c'est qu'est-ce que c'est que ça ? Vous n'allez pas prendre le nom du mari, c'est assez drôle quand même comme histoire. Et donc à l'époque, on avait tout ce besoin d'exister. Mon corps m'appartient et on s'est engagé à fond dans la libération de la contrassation de l'avortement. Je pense qu'on a passé notre temps à faire des réunions, à militer. Alors on avait les groupes qui étaient informels. Moi, c'était le groupe, c'était les universitaires, on était une dizaine. Et donc on distribuait les journaux, le torchon brûle, enfin bref, on avait une vie de militant à temps plein. Et on allait donc aux AG à Paris, on rejoignait les groupes. Alors c'était là, tout à l'heure, tu parlais des distinctions entre les groupes. C'était pareil, de toute façon. Il y a toujours eu, je me rappelle, en mai 68 à la CTU, on avait les groupes de gauchistes. Donc les gauchistes, il y avait au moins 10. dix factions différentes. Les Mao, il y en avait au moins trois. Les Trotskis, je crois qu'il y en avait au moins cinq. Je ne me rappelle plus les noms, je me rappelle de Rouge, et puis ils avaient chacun des noms différents. Ils avaient tendance à... Il y avait l'affaire, il y avait tout ça. Et donc, on n'arrêtait pas. L'ennemi, le plus à droite, c'était le PC. Le PS, n'en parlons pas. Le PSU était à peu près... Ça pouvait aller, parce qu'il y avait Paro-Kar, mais il y avait sa sœur. Il y avait des... très proche du rocard, parce que c'est les vieux de la vieille. Et donc, c'était très... On passait notre temps à se bagarrer. Après, on militait au MLF, on allait aux AG à Paris. Alors là, on rencontrait les groupes. À Paris, il y avait Psychépo, Psychoanalyse et Politique, qui étaient sous la roulette d'Antoine Etfoucq. qui était une figure très importante, qui était un sacré personnage. Il y avait des choses extraordinaires à raconter là-dessus. Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais il y avait des choses extraordinaires. Et puis, il y avait les féministes révolutionnaires, il y avait les léguines rouges. La plupart des filles étaient des intellectuelles. Oui, des intellectuelles écrivaines, universitaires, étudiantes, beaucoup d'étudiantes quand même, et puis profs à la fac, enfin il n'y avait pas tellement de profs femmes à l'époque, donc il n'y avait pas tellement de profs, mais des chercheuses, et puis des psychanalystes, et il y avait des figures, mais il y avait des écrits, mais les écrits n'étaient pas signés. Il y avait eu des livres collectifs qui sont sortis, des livres très intéressants. J'ai participé une ou deux fois à des groupes où on se réunissait pour faire l'écriture collective, ce qui n'est pas facile. Mais il y a eu des ouvrages sans signature, parce que la volonté c'était de ne pas se mettre en avant. Sauf Antoinette qui était une égérie un peu étouffante. Alors là, on parle de l'emprise maintenant. Alors à l'époque, l'emprise d'Antoinette, elle n'était pas mal. Il y avait beaucoup de choses à dire là-dessus. Et donc, il y avait ces groupes qui se réunissaient, qui n'étaient pas toujours d'accord, mais il y avait quand même une volonté commune de lutter. Parce que ce n'était pas trop leur problème, la contraception, l'avortement, à certaines. Surtout, on avait aussi une forte proportion de filles, à l'époque, on disait homosexuelles, un peu lesbiennes, mais lesbiennes, c'était... C'était encore difficile à dire. C'était une revendication, c'était les identitaires. Mais ce n'était pas un mot qui était très courant. On n'en est pas comme aujourd'hui à parler. Non, c'était à l'époque. Et donc, ça avait quand même une importance aussi dans les luttes, parce qu'on n'avait pas les mêmes luttes quand même. Ce n'était forcément pas les mêmes préoccupations. Il n'y avait pas tout ce qui touchait à la maternité, à la contraception. Et voilà. Donc il y avait déjà des problèmes, mais les problèmes, ils étaient surtout les filles, elles venaient toutes, la plupart de groupes gauchistes où on n'avait pas la parole. C'est pour ça qu'il y avait les féministes révolutionnaires qui venaient de Rouges, des Mao ou des Trotsky, c'était grosso modo. Il y avait Mauret Trotsky, c'est avec toute une nuance de variation de point de vue. C'était très théorique à l'époque. Le militantisme, même en 68, on était dans la théorie marxiste, avec des subtilités. Et le féminisme, il a démarré. Donc à ce moment-là, il n'y avait pas de texte fondateur. Il y avait un peu les américaines, on avait des ouvrages américains, mais au début, il n'y avait même pas ça. Il y a eu... Oui, bien sûr, oui. Mais il y a surtout eu, il y a eu une personne, il y a eu le premier numéro de Partizan, qui était donc un partisan, c'était une revue d'extrême gauche. plutôt trop schiste quelques femmes françaises qui ont un peu comment théoriser la le féminisme on s'est beaucoup appuyé aussi sur les américaines et sur notamment par exemple j'ai notre corps nous mêmes qui était un ouvrage qui avait été fait par un collectif c'est des collectifs on n'était pas y avait pas cette plus la personnalité qu'on a maintenant avec des personnes qui se qui se bagarre entre elles nominées avec la dénonciation, avec les noms. Ce n'étaient pas des noms, c'étaient des groupes de personnes qui se battaient pour acquérir leurs droits. Et malgré tout, il y avait vraiment là-dessus, même s'il y avait des désaccords sur la sexualité notamment, forcément, sur les rapports avec les hommes, la place des hommes. Donc voilà, ça c'est l'ambiance. Et il y a eu, pour mon parcours personnel, il y avait groupe femme. avec le féminisme, les luttes féministes classiques. Et puis il y a eu, en particulier, c'est là que je devenais un peu atypique, c'est parce que je me suis engagée beaucoup dans la contraception et l'IVG, et avec le MLAC. Alors le MLAC, il se trouve que toutes les féministes n'ont pas fait ça. Moi je me suis engagée dans quelque chose de très concret, qui ne me touchait beaucoup. et puis après avec le planning familial aussi j'ai pas mal travaillé et donc il se trouve qu'à l'époque donc il ya eu alors dans les dates c'était peut-être un petit peu plus tard nous sommes des 72 73 il ya eu le film histoire d'un qui avait été fait sur la méthode carman qui était absolument interdit en france et qui était donc diffusé par le gis le groupe d'intervention santé qui était un groupe plutôt d'hommes Je leur avais demandé le film et donc j'ai fait diffuser le film à la Cité Université de Saint-Antony, trois séances. Alors on se faisait le grand cinéma, on avait le service d'ordre, on avait demandé à Rouge, c'était un peu les ennemis, mais bon, enfin les ennemis, bien sûr c'était les hommes, donc il fallait se battre. Et je leur avais demandé quand même de faire le service d'ordre. J'avais aussi demandé les Antillais, il y avait aussi les groupes des Antillais, parce que la Cité US était très cosmopolite, c'était très multiracial. on parle de comme ça, c'était extraordinaire pour ça, parce qu'on était vraiment baignés dans...

  • Speaker #0

    C'est un melting pot.

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, oui, oui. On se faisait beaucoup de cinéma là-dessus, puisque c'était interdit, on avait un peu peur. Et n'empêche qu'on avait passé trois fois de suite, c'était pas rien. Et qu'il y avait eu du monde, et je me souviens, sur la tribune, on avait à la CITU, on avait une salle de spectacle. La CITU, c'est extraordinaire comme endroit, parce qu'on ne faisait pas à manger, on avait le resto U, on faisait... à peine le ménage, on nous le faisait de temps en temps, peut-être pas les couples, je ne sais plus. Et on avait la salle de spectacle pour nous, on avait des salles de travail, et il y avait pour les couples qui étaient très nombreux, il y avait une crèche, et il y avait deux écoles maternelles. C'était un paradis parce qu'on avait au milieu, c'était à Antony, il y avait là en couronne les bâtiments et au milieu il y avait une espèce de parc. Et on était là en toute liberté, les enfants. On allait être petits, alors maintenant on est parano avec les enfants. Ma fille, avec sa copine, quand elle avait déjà 5-6 ans, elle courait partout dans la CTU, dans les chambres des garçons. On n'avait absolument pas peur, il ne se passait rien. Je veux dire, là, la parano actuelle, c'est épouvantable. Enfin bon, donc voilà, ça c'est pour me parler un peu de l'ambiance. Donc, il y a eu le MLAQ. Dans le groupe MLAQ, ce qui est intéressant, c'est que ceux qui faisaient les avortements, c'était des hommes. Enfin, c'était des uns étudiants en médecine. Et les femmes, on se contentait, on recevait les gens. Et puis après, on n'a pas fait... C'était interdit de pratiquer les avortements. Donc, on n'a pas fait quand même des tonnes. On a fait quelques-uns. Et pour moi, c'était très dur. Parce que j'étais là pour tenir la main.

  • Speaker #0

    Par aspiration ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, par aspiration, méthode Kármán. Et j'avais beau être là pour tenir la main, je ne peux pas dire que j'étais...

  • Speaker #0

    Très à l'aise ?

  • Speaker #1

    Non, c'était très dur. Mais bon, je ne l'ai pas fait souvent, heureusement. Mais c'était marrant. Il y avait quand même ce découpage. Les hommes, c'était un homme qui faisait ça. Il y avait des étudiantes en médecine, puis moi je n'étais pas du tout en médecine, et j'avais d'autres amies militantes qui ne l'étaient pas. Donc on a fait ce groupe MLAC qui a beaucoup fonctionné. Et on a, bien sûr, après on a eu toute la lutte pour qu'on arrive à la voie de 75, première voie suivie de l'IVG, deuxième voie 80. Donc le MLF, comme ça, ça a duré avec le MLAC et un peu de planning. Je ne sais plus le planning, à quel moment j'y suis allée, je ne sais plus très bien. Peut-être après. Et donc, jusqu'en 1980. Et là, 1980, c'est la dernière manif qui a dû avoir lieu en 1980, où le Psychepo a pris le sigle MLF à son compte. Donc, on a fait une marque, alors qu'il n'y avait pas de marque déposée. C'était quelque chose d'un... C'était comme totalement informel. Et là, elle a pris... Et donc, là, c'était le clash terrible et ça a tout cassé. dans une manif terrible. Et après, le Psyche-Époche est devenu... Après le sigle MLF, il y a eu la librairie des femmes qui est devenue un peu une institution. Et il faut bien dire qu'après 1980, le féminisme a disparu complètement. Le militantisme féminin a complètement disparu. Le planning familial s'en est un peu... Bon, le planning familial...... C'était un peu une étiquette féministe, mais on ne parlait plus de féminisme. On avait été tellement décriés, considérés comme des malbaisés, des lesbiennes, des malbaisés, tout ce qu'on peut imaginer comme horreur à l'époque. C'était très mal vu. Et je me suis retrouvée donc... À l'université, j'étais déjà à l'université depuis un moment. Et donc, j'ai réussi à faire des enquêtes sur la contraception et l'avortement. Mes premières enquêtes avec les étudiants, c'était sur la contraception et l'IVG. J'ai fait d'abord le BQ de la grossesse. Parce qu'il y avait un enjeu qui n'était pas tellement suivi par les féministes. C'était sur la grossesse, sur les conditions de grossesse. et sur un peu la foutesse de l'accouchement sans douleur. Moi, j'avais fait ça, j'avais fait avec mes étudiants, on avait été dans une clinique où ils faisaient pratiquer, c'était le médecin au pieds nus, comment il s'appelait, je ne sais plus, un grand ponte, qui faisait des accouchements soi-disant sans douleur. Et je me rappelle, pour moi, c'était très dur, ça. Parce que, pour des raisons personnelles, c'était très très dur, mais j'y tenais et les étudiants ont marché avec moi complètement. Et donc, on allait faire des interviews de femmes qui étaient en train d'accoucher, juste avant, juste après, juste après, et en leur faisant parler sur leur accouchement, les conditions d'accouchement. Et donc, il y avait des groupes de paroles qui étaient organisés par la clinique. Alors, j'allais au groupe de paroles et puis, elle me disait, après j'allais les voir, elle me disait le contraire de ce qu'elle avait dit dans le groupe. Dans le groupe, tout était merveilleux, tout allait très bien. Puis quand j'allais les voir, c'était beaucoup moins bien. Et donc, bon, c'était, voilà, on avait fait une enquête là-dessus et c'était assez intéressant. puisque j'étais démographe, ça faisait partie de... Et j'ai commencé comme ça, et puis après les autres enquêtes que j'ai réalisées, j'en ai fait quand même beaucoup avec les étudiants, on a même sorti des bouquets ensemble, ça a été plutôt contraception, IVG, et puis sexualité, et puis prévention du sida. Donc voilà, je pouvais avoir une vie militante d'un côté, et puis je pouvais, dans mon activité professionnelle, mettre en application ce que je pouvais faire. Et alors là, le rapport entre générations, mais à l'époque, c'est que j'avais l'âge des étudiants, à quelque chose près. Il y en avait même des plus, parce qu'il y avait beaucoup d'étudiants qui venaient d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne, nos anciennes colonies, qui venaient se former en démographie, qui étaient déjà chez eux un peu expérimentés. enfin qui avaient des postes importants, qui venaient se former en démographie. Et donc, ils étaient quelques fois plus vieux que moi, donc ce n'était pas une chance de régénération, c'était la même génération. Ce n'était pas très évident, enfin si, c'était plutôt ça. Ça m'a sans doute beaucoup facilité les choses pour faire avec eux des sujets comme ça, je pense que j'aurais fait ça. Et après, j'ai continué pendant toute ma carrière, pendant 40 ans, à travailler avec les étudiants sur ces mêmes sujets de société. Avec cette même approche, j'aurais même fait un cours qui était pas mal, sur ce qu'on ignore plus tard, sur ce qu'on ignore totalement, c'est-à-dire l'histoire récente. Dans les années 80, fin 80, j'aurais expliqué la lutte pour la contraception et l'avortement, qui était un phénomène. Pour des démographes, c'était fondamental. Et donc, je leur ai fait tout un historique, comme ça, de la législation, l'évolution de la législation, et l'évolution des rapports de couple, et l'évolution des rapports de sexe. Donc, j'ai vraiment réussi, dans ma carrière professionnelle, à faire les deux. Je n'ai pas été très embêtée. On ne peut pas dire. Personne ne m'a mis le bâton dans les roues. Parce que j'étais dans l'institut, j'étais institut de démographie, des instituts. Dans les universités, il y a des instituts un peu à chaque fois. On a le même statut que les autres, mais on a moins d'étudiants. Et on a des étudiants, c'était des étudiants au troisième cycle que j'avais. Et ce qui me permettait de faire ce type d'enseignement, j'avais besoin de leur apprendre les grandes doctrines de la sociologie ou de la démographie, ce qui n'est pas très marrant. Moi, ça ne m'amuse pas beaucoup. Et donc, ça me permettait... Et mon enseignement était très utile dans la mesure où je leur apprenais à faire des enquêtes et après, être opérationnelle sur le terrain. Et donc, ça, c'était... Et en plus, c'était au niveau enseignement, c'était... Je ne le savais pas, mais c'était très novateur, en fait. Après, on a dit qu'il fallait faire comme ça, mais...

  • Speaker #0

    Tu étais à la pointe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Sans le savoir.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu étais à la pointe sur le... En t'écoutant, j'ai... L'impression, si on compare les deux féminismes, celui de cette époque fondatrice autour des années 70-80... 70,

  • Speaker #1

    oui. 70, et maintenant,

  • Speaker #0

    j'ai l'impression que ce qui était revendiqué à cette époque-là, c'était le droit au plaisir. Et ça, vous transgressiez un tabou.

  • Speaker #1

    Et au désir.

  • Speaker #0

    Au désir, le plaisir. C'était un objectif. J'ai l'impression qu'actuellement, le combat des féministes, c'est le refus de la douleur, le refus de la violence, le refus de la douleur. Et ça me frappe ce parallèle entre... Oui, entre le combat des pionnières et le combat de maintenant. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Oui, attends, le refus de la douleur, nous on refusait, moi j'ai refusé, on n'était pas très nombreuses, mais on refusait la douleur de l'avortement. Pardon, la douleur de l'accouchement. Oui,

  • Speaker #0

    oui.

  • Speaker #1

    Et le refus, un peu, et d'une certaine manière, il y avait un refus de la maternité forcée, la procréation forcée. Donc, c'était ça, c'était une sacrée violence. C'était, je veux dire, la première violence, et ça, je l'ai écrit un peu partout dans mes bouquins, la première violence, c'est la procréation forcée. Bien sûr. Et l'accouchement, et la... Enfin, forcer les filles à... Une fille qui est enceinte, par exemple, à la suite d'un viol, la forcer à aller au bout et à accoucher, je trouve ça monstrueux.

  • Speaker #0

    Et ça, ça, donc, ça, ça, il faut bien le... C'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment. Parce que maintenant, les filles, elles ont l'impression, depuis des années, depuis que la contraception existe, depuis qu'elles sont informées sur la sexualité, sur les risques, etc. Elles ont l'impression que tout ça, c'est acquis, il n'y a pas de problème. Mais ça a été quand même ma génération. Ma génération, on a eu des enfants très tôt. Il y en a beaucoup qui ont eu des enfants avant de se marier, parce qu'on ne pouvait pas échapper au mariage. Donc on avait déjà le mariage, on n'avait pas très envie de se marier. Moi je n'avais pas envie de me marier quand je me suis mariée. On parle des mariages forcés, mais ça ressemblait à ça les mariages. Même si on n'avait pas des hommes monstrueux, on n'était pas obligatoire, on n'avait peut-être pas envie de se marier. Mais on était au forcé de se marier, enceinte ou pas d'ailleurs, c'était pas ça qui jouait. On ne pouvait pas coucher avec un garçon. Et ça les générations nouvelles ne le savent pas. Elles ne l'ont pas du tout intégrée, elles ne pouvaient pas comprendre. Et ça, on refusait ça. Le plaisir, parce qu'on ne connaissait pas le plaisir. Parce que quand on était mariés, on n'y connaissait rien. La masturbation, on connaissait à peine. On ne connaissait pas notre corps, parce que c'était sale. C'était ça, tout ce qui touchait en bas, on ne savait pas comment c'était. On ne savait pas comment on était faite, on ne savait pas combien on avait de trous en bas. Je suis désolée. On ne savait pas très bien par où on faisait pipi, par où on faisait les enfants, par où on faisait... C'est quand même ça le problème. Et ce que je raconte, c'est pas... Et j'étais quand même une fille étudiante, j'avais... D'un milieu, bon, qui n'était pas complètement... Un milieu artisan, un peu... Donc un peu évolué quand même. Et c'était ça. Donc, on ne recherchait pas le plaisir. D'abord, ce qu'on a recherché, c'est de connaître notre corps et de savoir comment ça fonctionnait, parce qu'on ne savait pas. La masturbation, on a le clitoris. Il y avait des discussions, je me souviens, un peu plus tard, dans des dîners où c'était un thé clitoridien ou vaginal. C'était des choses comme ça. On a découvert le clitoris. On savait le mot, on connaissait à peine.

  • Speaker #1

    C'est la découverte de l'Amérique.

  • Speaker #0

    Oui, c'était l'Amérique. Il faut dire que la découverte du plaisir, ça ne s'est pas venu tout de suite. Pour ça, il fallait rencontrer, il fallait mettre en pratique. Là, comme on est en pratique par l'homosexualité, par les rapports avec les femmes, ça permettait... Mais bon, ce n'est pas la majorité. des gens donc quand on est dans une relation hétérosexuelle c'était pas c'était pas évident bon donc après c'est les circonstances de la vie qui ont permis que ça il a fallu que chacune règle son problème à sa façon par rapport aux partenaires enfin bon bref donc c'était donc c'était pas tellement le plaisir enfin c'était le C'était de connaître son appartenir, qu'on s'appartienne en tant que personne et en tant que corps, et que comme corps qui peut éventuellement avoir du plaisir, parce que ça on ne connaissait pas. Si on lit les... J'avais beaucoup travaillé là-dessus, dans le bouquin, j'ai fait quand même pas mal d'historique de la sexualité. J'ai commencé par ça dans les bouquins, je travaillais sur la sexualité. Enfin, avant les violences. Et donc, dans les années 50, l'interview auprès des femmes qui avaient à l'époque 20, 30 ans, 40 ans, toutes, elles disaient qu'elles avaient commencé à comprendre, à avoir un peu de plaisir à peu près à 40 ans. Mais que tout le reste du temps, elles avaient supporté les rapports conjugaux, puisque tout le monde était marié. Les rapports conjugaux, bon, elles n'osaient pas dire non à leur mari. Donc c'était quand même un peu... Le jour de la nuit de noces, c'était un peu du viol. Et les nuits de mariage, c'était du viol pas trop violent, mais c'était quand même du rapport un peu imposé. Enfin, je veux dire, il faut quand même avoir ça dans la tête. Donc les jeunes femmes de maintenant, elles ne peuvent pas savoir. Et en plus, il y avait la peur d'être enceinte. C'était horrible ça, la peur d'être enceinte. Parce que tous les mois, si les règles n'arrivaient pas, on avait peur. Et ça, c'était terrible de vivre avec ça. Comment voulez-vous avoir une sexualité quand on ne pense qu'à ça ? Donc ça, c'est des phénomènes, vraiment, c'était vital. Et je pense que c'est pour ça que par rapport à maintenant, il y en a beaucoup, bon, il y en a qui savent de quoi elle parle, parce qu'il y en a qui ont été victimes, mais c'est quand même pas la majorité. Fort heureusement, je voudrais bien insister là-dessus. et que toutes les autres, elles défendent une cause. pour laquelle il leur reste quelque chose d'étranger quand même. On dit que là, on défendait quelque chose que toutes les femmes vivaient au quotidien. C'est un peu ça, je pense, la différence. Alors le plaisir...

  • Speaker #1

    Attends, explique-moi ça. Oui. Tu as l'impression qu'elles défendent quelque chose qui leur est étranger, c'est-à-dire quelque chose qui ne correspond pas à leur expérience, alors que de votre... vous vous battiez pour quelque chose qui correspondait à votre expérience, c'est une expérience de frustration, si on peut dire.

  • Speaker #0

    De frustration, oui. Enfin, je veux dire, il y a le Manifeste des Barouches, c'est un truc, je crois que j'ai mis dans tous les bouquins, peut-être pas dans celui-ci, mais dans tous les bouquins, j'ai mis… Ben voilà, il est là de toute façon. Nous sommes exploités comme objets sexuels, éducatrices, bonnes à tout faire et main-d'oeuvre à bon marché. Manifeste des barouches, New York, 1969. Ça résume tout à fait ce qu'on était et ce qu'on ressentait. On n'était rien, on n'était que ça. Donc, on avait vraiment de quoi se battre. Bon, toutes les femmes l'ont pas fait. Et puis j'arrive à Paris en 67, dans des conditions un peu pénibles aussi, je raconte pas. Et il y a mai 68, et le MLF, et ma vie a complètement changé. Enfin, je veux dire, c'est... J'aurais fait une psychanalyse pendant 20 ans, ça suffisait, c'était une renaissance complètement. Je ne suis pas la seule, enfin. Et pour les garçons, c'était pareil. Les garçons que j'ai connus, c'était pareil. Je veux dire, ça nous a... On a tout remis en question, puisque la grosse remise en question, c'était la famille quand même. C'était ça, c'était famille Jevoé. Puis c'était fort. Je veux dire, ce n'était pas non plus... Parce que si on était dans cette situation aussi... pénible là, c'est parce que les familles nous avaient mille grappes à-dessus en nous obligeant... La religion ! La religion quand même, comme tout le monde, j'étais dans ce village, tout le monde allait à l'église catholique, il y avait quelques protestants, parce que c'est quand même en région de protestants et catholiques, on avait des familles protestantes qui étaient plutôt les notables. Et donc les autres étaient tous cathos, tout le monde allait à la messe. C'était pas très drôle, on a fait la communion. Bon, puis après, à partir de 15 ans, je crois qu'on a réussi... Enfin, je crois que maintenant, il n'y a pas plus antique les récalques que moi. Et voilà, donc... Oui, c'était le poids de l'Église et de la famille. Enfin, eux, les parents, ils étaient forcément sous... C'était la société. c'était cette société familialiste patriarcale bien sûr patriarcale mais enfin les matriarcales il y avait des mères aussi qui n'étaient pas moi je ne sais pas c'est un autre sujet ça les mères et voilà donc voilà le parcours donc tu étais préparée

  • Speaker #1

    par ton enfance, ta jeunesse, tes premières expériences ici en Charente, tu étais préparée à ce que mai 68 soit vraiment l'éclosion, l'épargne, la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus après le MLA. Ça c'était la libération d'abord, la première libération. C'est vrai que ça a été... Puis nous on était en CITU alors. Il faut dire qu'on avait des conditions extraordinaires. Et quand je pense que, puisque j'ai commencé à travailler en 70, vous ne savez peut-être pas bien dire, mais à l'époque, j'avais très peu d'obligations. Parce qu'ils ont fait un recrutement, ils ont créé les universités. Il y avait les facultés avant. Ils ont créé les universités. Ils ont fait un recrutement massif. J'en ai profité avec d'autres. Et donc, ce recrutement massif, au début, on n'avait pas tellement d'heures de cours. Je ne dirais pas combien. Vous aviez le temps de faire un revue. Oui, c'est ça. Donc, il y a eu comme ça, une bonne 5-6 ans, ou peut-être un peu plus, pendant lesquels on avait cette espèce de liberté totale de penser. Mais s'il y avait des factions et des désaccords, il n'y avait pas de violence. Ce n'était pas aussi violent que les désaccords actuels que je vois entre les féministes elles-mêmes. Je trouve ça terrible et terrifiant, la manière dont on ne s'écoute pas, dont on ne supporte pas. Nous, on passait notre temps à discuter. Moi, j'étais virulente. Oui, j'étais virulente, tout le monde l'était. Mais c'était un plaisir. Après on pouvait être virulente comme ça, on pouvait se dire bon... En fait on ne s'est jamais tant bagarré, on se bagarre toujours avec les plus proches. Quand je me souviens qu'il y avait une fille étrangère qui était très cosmopolite, qui voulait absolument me faire rencontrer et laisser les vivre. Elle m'avait dit mais c'est pas possible quoi, c'est pas possible, ça n'a aucun sens. Par contre, si je rencontre par exemple le planning familial et puis le MLAAC, ou le planning et puis je ne sais pas, le mouvement, ça ne me revient pas là, mais d'être très proche, on pouvait passer une journée, un après-midi, à se disputer, à discuter vivement. Et puis en vérité, on avait les mêmes luttes, et après on allait dans la rue lutter ensemble. C'était donc... Et là, en ce moment, ce que je trouve, c'est qu'on est dans un camp ou dans l'autre. Là, ce n'était pas ça. Alors, on était dans le même camp, mais on avait des désaccords.

  • Speaker #1

    Mais c'est ça que je ne comprends pas.

  • Speaker #0

    Et là, on est dans un camp. Et là, par exemple, si on prend le livre du Caléronie Forest, et là, son livre, mais c'est pareil sur l'immigration. Sur l'immigration, j'étais aussi un peu dans ce truc-là, parce que j'enseignais, j'organisais des... Par exemple... petits colloques, mini-colloques là-dessus. Les gens qui sont en fait, ils sont très proches, mais ils s'insultent d'une façon, ils se dénient. Si je raconte sur les violences qui s'est passées, c'était violent aussi. Mais on ne peut pas tout dire à la fois. Et donc là, en ce moment, c'est ça, c'est qu'on est... on est un facho ou on est un... Ça joue quand même beaucoup là-dessus, sur l'extrême-gauche, l'extrême-gauche féminine, mais une espèce d'extrême-gauche extrêmement radicale. pas comment... Et puis après, l'extrême droite. Enfin non. Alors là, si on n'est pas tout à fait d'accord avec certains points des féministes les plus radicales en ce moment, on est forcément à droite. On est des réactionnaires. Voilà. Alors, avec la question des violences, ça a pris une ampleur. Mais ce n'est pas toutes les violences. C'est pareil. En fait, si on regarde bien les bagarres qu'il y a sur les violences, c'est par rapport à ce qu'on appelle maintenant les racisés. Je suis horreur de ça, parce que nous, le mot race on ne l'utilisait pas. Le premier bouquin que j'ai écrit, j'ai toujours évité de dire le mot race Le mot race c'était raciste. Et ça, c'est un changement dans le vocabulaire qui est très énorme. Et moi, j'ai du mal à m'y faire, je dois dire. Donc les racisés, puisqu'on dit ça comme ça. Et là, il y a ce problème qui est énorme. Et dans le féminisme actuel, c'est quand même le point d'achoppement. C'est les racisés et c'est là ce qu'on appelle l'islamophobie. Enfin bon, les reproches qu'on fait sur l'islamophobie et inversement. Et donc c'est plutôt les... Au fond des accords, ils sont là-dessus. Ils ne sont pas seulement là-dessus, ils sont aussi sur le genre, les transgenres, et puis sur la prostitution. Il y a trois points là, sur le féminisme actuel. Je sais qu'entre, par exemple, Oser le féminisme et Doutoute, il y a eu des bagarres, mais physiques, dans des manifestations, à propos ou avec les transgenres. Alors je n'ai pas trop bien compris dans quel sens ça va. C'est très violent. Donc sur les transgenres, est-ce que les transgenres, est-ce que les femmes qui viennent, qui étaient des hommes qui sont devenues des femmes, est-ce qu'elles ont le droit, axées ou pas, est-ce qu'elles ont le droit ou pas d'aller dans les toilettes pour hommes, etc. Enfin pour femmes, pardon. Enfin bref, il y a ça qui est très violent. Il y a la prostitution où il y a des points de vue très tranchés. J'ai jamais, dans tout ce que j'ai fait, j'ai toujours refusé. dans la violence, de traiter la prostitution. La prostitution, c'est un phénomène, d'abord, qui est pas... Je me suis toujours intéressée au phénomène qui touchait l'ensemble de la population, la population moyenne, on va dire, et non pas les marges. Le travail sur les marges, il se fait différemment. On n'a pas les mêmes méthodes, on n'a pas les mêmes approches. Donc je considère que la E, fort heureusement, la constitution, c'est un phénomène marginal, c'est du domaine de la criminalité. Mais là, dans les féminismes, elle... c'est inclus dans l'approche des violences. Et il y a bien sûr des situations... Et tout ça, il y a ça comme désaccord. Et puis il y avait aussi le désaccord sur, je pense que ça m'essayait toujours, c'est sur la procréation, sur les mères porteuses, sur la GPA. Donc il y a ces points de désaccord, mais ça entraîne des... Ça entraîne, alors surtout sur la racisation et puis la décolonisation, ça entraîne des situations vraiment, enfin quand on lit les... puisque moi j'ai tendance à lire ça mais j'en peux plus, parce que quand je vois Cléontine Autain, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Fourest, que c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, Caroline Dehaas, je la connais bien aussi, parce que je connais tout le monde, c'est ça le problème. quand je les vois, ce qu'elles s'en voient, figurent, c'est absolument terrible. Mais si je réfléchis bien, il y a eu la même chose sur l'Algérie, sur l'islamophobie, etc. Sur l'immigration, sur la décolonisation. Quand on prend... Je me rappelais les noms. Les spécialistes aussi. Là, c'est des spécialistes, c'est des chercheurs. C'est des politiques, c'est pas des gens, c'est pas n'importe qui. C'est des gens qui ont... qui ont une parole légitime, qui sont des gens qui s'expriment très bien, qui sont intelligentes, toutes ces filles dont on parle. Elles sont intelligentes, elles sont brillantes, elles sont plutôt du bon côté, enfin je pense qu'elles sont toutes du bon côté politique. Et quand je vois la façon dont elles se parlent, se dévalorisent, se critiquent, alors si je réfléchis sur la violence... Je crois que j'ai eu des choses qui n'étaient pas si différentes de ça. Mais il n'y avait pas les réseaux sociaux. Et voilà. Et par contre, au moment du féminisme du MLF, du féminisme, il y avait quand même... Mais j'ai plutôt vécu des moments... que j'ai pris comme des moments de fusion, enfin de...

  • Speaker #1

    Des moments chaleureux.

  • Speaker #0

    Des moments chaleureux, oui, c'est ça. Et c'est pour ça que je dis, on était dans une lutte qui était sans doute plus... Alors c'est pareil pour les homosexuels, il y avait quand même... C'était pas du tout reconnu l'homosexualité. C'était assez dur. Donc il y avait un enjeu terrible pour les hommes et pour les femmes, et surtout pour les hommes d'ailleurs. J'ai participé aussi à pas mal de choses avec les hommes, c'était plutôt sympa à l'époque. Bon, il y avait des soirées, des journées, des choses comme ça. Donc, il y a une différence là, quand même. Après, le féminisme s'est arrêté, militant, il s'est arrêté à peu près en 80. Donc, entre 80 et 80... 95, 80, fin... Oui, milieu des années 90, il n'y a plus de mouvement féministe militant. Il y avait du féminisme institutionnel. Il s'est institutionnalisé. Il y avait, par contre, il y avait quand même quelques personnes, quelques institutions qui travaillaient sur les violences contre les femmes, très peu. Il y avait quelques centres. Et puis, il y avait aussi le planning familial.

  • Speaker #1

    Le CIDF et toutes ces institutions-là.

  • Speaker #0

    Mais le CIDF, c'était un truc... Plus politique. Oui, non, c'est institutionnel, complètement. C'est complètement institutionnel. Planique familiale, c'était un mouvement militant au départ. Mais le féminisme du mouvement planique familiale, il est quand même venu un peu plus. Il y a beaucoup maintenant de gens qui se... C'est pas des féministes, c'est des... Donc, je considère qu'entre 80 et 95, il y avait effectivement... quelques endroits d'institutionnes où il y avait du féminisme. Et le féminisme s'est institutionnalisé. C'est-à-dire qu'il a commencé à y avoir, effectivement, d'abord il y a eu les groupes de recherche féministes, c'était des chercheuses féministes, et là, j'ai participé à ça, parce que je me suis trouvé que je pouvais le faire.

  • Speaker #1

    C'était ton travail ?

  • Speaker #0

    Voilà, c'était mon travail, j'étais élue syndicale. de Genset-FDT. Et donc, je me suis trouvée dans toutes les commissions d'universités, pour ces administrations, tous les conseils. Il y avait l'administration, la vie étudiante, scientifique, et puis je ne sais plus quoi, en tant qu'élu. Et puis, je me suis trouvée au comité national du CNRS, qui est aussi une instance de contrôle et de recrutement des chercheurs du CNRS. Donc, je me suis trouvée dans ces institutions en tant que féministe, syndicaliste, féministe. C'était institutionnel. Et après, les groupes d'études féministes dans lesquels je me suis trouvée, c'était des lieux qui étaient difficiles, parce que quand on était une chercheuse femme, il fallait prouver qu'on avait de la valeur. Les hommes, ils n'ont rien à prouver, mais nous, il fallait prouver. Et entre femmes, il fallait se prouver entre nous qu'on était... C'est ça qui est terrible. C'est que c'était entre femmes qu'il fallait qu'on fasse... qu'on prouve qu'on avait la bonne technique, la bonne méthode. Alors il se trouve que moi, j'étais un peu protégée en étant quantitativiste, démographe. Je jouais beaucoup sur démographie plus que sociologie à l'époque, parce que j'étais démographe et quantitativiste, il y en avait très peu. Et il fallait que je faisais un peu la défense des statistiques. Étant démographe, travailler sur le sexe, de toute façon, moi je ne sais pas faire autrement que faire homme-femme, c'est pareil. En démographie, on fait toujours homme-femme, masculin-féminin. On fait par âge aussi, donc on a, c'est intersectionnel la démographie, maintenant avec l'intersectionnalisme là. Il y a le sexe, il y a l'âge, et puis quand on est un peu sociologue quand même, il y a la catégorie sociale. Donc de toute façon, moi j'ai toujours travaillé en croisant tout ça. Ça n'a pas de sens de travailler globalement. Donc j'avais des trucs à défendre qui n'étaient pas très difficiles à défendre. J'avais ma petite bulle qui faisait que je ne pouvais pas être trop affectée.

  • Speaker #1

    Et en tant que statisticienne, tu es rattachée aux sciences dures un peu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, je suis une statisticienne démographe. Je ne suis pas une statisticienne.

  • Speaker #1

    Non, mais tu es rattachée à des choses.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, des choses tangibles. Oui. Et donc je me souviens avoir été dans les colloques, en Belgique notamment, et j'avais ma petite bulle qui me protégeait quand même. Là, il y avait une espèce de protection. Et c'est là quand j'étais au comité national du CNRS que je me suis retrouvée avec d'autres féministes sociologues. Et là, j'ai redémarré quelque chose avec des sociologues plus ancrés sur... Sur les rapports, ce qu'on appelait à l'époque, on avait un groupe, c'était les rapports sociaux de sexe. C'était un peu barbare comme appellation, mais ça voulait bien dire ce que ça voulait dire. Moi, j'étais dans l'université et le CNRS. Donc, c'est quand même un milieu assez fermé et assez exigeant au plan, en plus, vis-à-vis des hommes. Il fallait qu'on prouve qu'on était... Je ne vous raconte pas quand j'ai fait l'enquête en VEF, puisque c'était une commande. Comment il a fallu qu'on prouve aux hommes, aux statisticiens de l'INSEE, qu'on était capable de faire une enquête ? Non mais c'est tout à rien. Non mais j'en ai pour des fers. Voilà, donc je pense que...

  • Speaker #1

    Donc par rapport, si tu avais, en conclusion, si tu avais quelques mots, si tu avais en face de toi... Clémentine Autain ou Caroline Touré. Qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Je crois que je ne pourrais rien leur dire. Je pense que... Mais non ! J'ai l'impression qu'en l'état actuel des choses, on ne peut pas mettre les gens ensemble. C'est comme si, quand à l'époque, vous vouliez mettre du mlaque avec quelqu'un de laisser les vivre, c'était non, ce n'est pas la peine. Et là, j'ai l'impression qu'elles sont presque autant. Je ressens tellement le seuil entre elles, alors que c'est terrible. Je trouve ça une situation... C'est presque schizophrénique ça. C'est une situation assez épouvantable. Mais c'est vrai aussi pour plein d'autres sujets de toute façon. C'est vraiment un phénomène propre à notre époque. Je ne sais pas si c'est à cause de... C'est la façon dont la société s'est peut-être aussi... à cause des réseaux sociaux, à cause du poids d'Internet, à cause de la vitesse. On va vite. Tout va vite et c'est n'importe quoi. Et on mélange tout. Et c'est peut-être pour ça qu'on en arrive là. Je ne saurais pas l'expliquer, ça, c'est pas... Mais je ne me vois pas, effectivement, Clémentine Autain. C'est des filles qui sont vraiment bien intéressantes avec des démarches. depuis longtemps en plus, c'est des militantes depuis longtemps.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et à un moment donné, enfin, Caroline Fourest, je l'ai connue, elle était doctorante. Toutes les deux, elles ont une pratique ancienne de lutte contre les violences faites aux femmes, d'égalité entre les hommes et les femmes, de gauche, enfin, c'est des femmes. Et là, c'est sûr, elle... L'islamophobie, ou la supposée islamophobie. Et sur cette question-là, j'ai bien vu que c'était là le point essentiel. J'en suis vraiment désolée. Mais justement, au moment du MLF, sur le viol, quand il y a eu dans les années 70 les procès sur viol et la dénonciation des viols, mais ce n'était pas la dénonciation. À l'époque, il y avait les gauchistes où certaines féministes ne voulaient pas. pensaient qu'il fallait se calmer sur les viols parce que ça stigmatisait les étrangers, les immigrés. C'était déjà la question. C'est la même question qui est posée maintenant. Ça stigmatisait les immigrés parce que c'était eux qui étaient le plus condamnés. Et c'est quand même sous-jacent dans tout ça, y compris dans le féminisme, c'est sous-jacent cette question de...... et la question religieuse qui est devenue prégnante depuis, moi je dirais, à peu près 20 ans. Moi je l'ai vue, c'est simple, je l'ai vue à l'université, puisque je faisais encore avec les étudiants, je faisais les enquêtes sur la sexualité, prévention du sida, j'ai fait avant les violences, et les violences. Et les rapports de couple, dans mes questionnements, il y avait toujours des questions sur la vie sexuelle, la vie amoureuse, le rapport de couple. Parce que quand on travaille sur les violences, Si on n'a pas ces éléments-là, on ne comprend rien. On ne peut pas expliquer. Pour expliquer une chose, il faut bien avoir des éléments sur la vie des gens. Et donc, j'avais ces questions-là. Et les questions sur la religion, on ne la posait pas. Enfin, on la posait dans le cas de Tom Weft, ce qui a été difficile à faire d'ailleurs. Mais on ne les posait pas vraiment. Enfin, on les posait, mais comme ça. Et sur la vie amoureuse, en tous les cas, on ne posait pas de questions sur la religion. Parce qu'on s'intéressait à la vie amoureuse des jeunes. Pas mal d'enquêtes qu'on avait faites, c'était sur les jeunes. Et donc la religion ne traite pas en ligne de compte. Comment choisir son conjoint, son petit ami ? On ne va pas lui demander sa religion. Et ça a émergé chez moi avec mes étudiants qui me disaient Ah madame, mais il faudrait... Oui, mais la religion... Je suis tombée des nues là. Et de plus en plus, C'est eux qui ont demandé à ce qu'on intègre des questions sur la religion dans le choix du petit ami, de savoir s'il avait la même religion ou pas, ou s'il pratiquait, etc. Et ça, c'est arrivé là. C'était un phénomène de société qui est en train de se mettre en place. Alors, c'était effectivement les étudiantes qui proposaient ça. C'est que dans mes étudiants, j'avais une proportion normale d'étudiants qui étaient issus de l'immigration. Et là, j'ai commencé à voir... chez les jeunes, l'émergence de l'importance, le poids de la religion, qu'avaient pas les générations d'avant. Parce que j'en ai eu des copines algériennes, tunisiennes, marocaines, et Dieu sait si, justement, il n'existait pas pour aucune d'entre nous. Ça n'émergeait pas du tout, du tout, du tout. Ça n'existait pas. Et donc, c'est les filles, ou les petites filles presque, maintenant c'est les petites filles, et ça, ça a émergé. Donc, c'est vrai que ce phénomène religieux, il a émergé, et c'est là-dessus qu'il y a le problème. C'est-à-dire, c'est l'universalisme et le communautarisme. On est un peu coincés dans notre... Notre approche républicaine d'égalité de notre constitution, toute personne est égaux en droit, etc. Aux États-Unis, en Angleterre, dans beaucoup de pays, il y a le communautarisme, puisqu'aux États-Unis, dans les recensements, on demandait la couleur de l'âme. On disait qu'il y avait les catégories black, mexicain, je ne sais plus quoi, parce que je faisais les cours sur le recensement. Et c'est vrai que depuis toujours, il y a ça. Tandis que nous, on était sur le universalisme, on était tous égaux, quel que soit l'âge, la couleur, le sexe, et tout ça, c'était quelque chose de... On était surtout, surtout ne pas faire de différence. Et là, maintenant, la religion est venue comme quelque chose qui s'imposait dans la vie. Dans la vie... courante. Et c'est ça, je pense que c'est ça qui... Et dans le féminisme, en fond, les dissensions sont avec... Par rapport à ça, alors que ça, ça n'existait pas du tout, du tout, du tout. À l'époque, on était pourtant un peu intersectionnaliste, le féminisme intersectionnaliste. On l'était forcément puisqu'on se disait que l'oppression, elle était... La domination, elle était au... au cœur, enfin, l'oppression, c'était le croisement de l'égalité homme-femme, elle était au croisement des sexes, forcément, mais aussi des classes sociales, des groupes sociaux, etc. Donc, il y avait cette idée-là, c'est le rapport de classe, puisqu'on était, il y avait le marxiste aussi, donc il y avait les rapports de classe et les rapports de sexe. On croisait les deux, forcément. Ça veut dire que ça faisait partie de la théorie féministe. Il y avait aussi des petites variantes là-dessus, mais n'empêche que grosse. Dès que là, la scission se fait quand même là-dessus essentiellement. Effectivement, le religieux, le voile, dans les points que je soulignais tout à l'heure sur les dissensions, il y a le port du voile. Acceptez ou pas le port du voile. Considérez qu'il y a l'opposition au port du voile. Et puis considérer que c'est la liberté des femmes. Là-dessus, moi, je ne suis pas...

  • Speaker #1

    Et le rapport...

  • Speaker #0

    Et donc, mettre dans une même pièce Clémentine Autain et...

  • Speaker #1

    Caroline Forest.

  • Speaker #0

    Caroline Forest, je ne sais pas. Je ne m'y risquerais pas.

  • Speaker #1

    Oui, c'est...

  • Speaker #0

    C'est terrible.

  • Speaker #1

    C'est terrible, oui.

  • Speaker #0

    C'est terrible parce que...

  • Speaker #1

    Mon Dieu ! C'est terrible. Oui. Ce qui me frappe, c'est effectivement qu'on arrive à la violence, que la place de... Après, en 68, on sortait beaucoup de l'influence prédominante de l'Église, ou de l'Église catholique, etc. Et on arrive en 2024 avec une présence de... de Dieu. Théocratie, une espèce de poids des religions, aussi bien musulmans, mais aussi tous les mouvements pentecôtistes,

  • Speaker #0

    tous les mouvements d'architecture, etc. Et pas seulement en Amérique, hélas.

  • Speaker #1

    Oui, partout.

  • Speaker #0

    Les pentecôtistes sont partout, y compris en Afrique, ils sont très puissants. C'est-à-dire que ce qui nous caractérise, qui nous différencie de l'ensemble des pays, je crois, du monde. On doit être le seul pays laïque au monde, non ? Pas tout à fait. Mais enfin, on est...

  • Speaker #1

    Oui, qui revendique la laïcité.

  • Speaker #0

    Qui revendique la laïcité comme une valeur. Et là, ce qui est en cause quand même dans ces batailles féministes, c'est quand même la laïcité, quasiment. C'est peut-être là le...

  • Speaker #1

    Oui, le concept.

  • Speaker #0

    Oui, alors après, il y a autre chose encore, mais c'est bon. Peut-être qu'on ne va pas...

  • Speaker #1

    Non, mais on va peut-être...

  • Speaker #0

    Parce que, oui.

  • Speaker #1

    conclure sur cette idée que la laïcité, le respect de l'autre et de sa différence est un combat à mener qui n'est pas fini et qui est loin d'être fini.

  • Speaker #0

    Qui est loin d'être fini, qui est plutôt, c'est le backlash là. Oui, c'est comme on dit en français, retour en arrière. Oui, c'est ça, on est plutôt dans un phénomène de...

  • Speaker #1

    De retour du balancier.

  • Speaker #0

    Oui, de retour du balancier, oui, c'est ça. Je pense qu'on est dans ce phénomène-là. Moi, ça me fait assez peur, mais... Et encore, on n'a pas abordé la question des violences. Je crois qu'il ne faut pas...

  • Speaker #1

    Bon, écoute, on va rester là-dessus. Je te remercie beaucoup pour t'être exprimé avec cette spontanéité, cette liberté de ton, cette... Oui, oui, cet abandon. Je trouve que c'est extrêmement méritoire et extrêmement intéressant et touchant. Et que c'est... Vraiment, je suis très reconnaissant. Ce regard sur la situation me paraît tout à fait donner matière à réflexion pour les jeunes générations, puisque c'est à elles que nous nous adressons. Je te remercie, Maryse, pour cet entretien. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci, Patrice.

  • Speaker #1

    Si le témoignage de Maryse Jasper Vous aurez intéressé, bien liker ce podcast. Si vous voulez réagir à certains propos, n'hésitez pas à m'écrire patricemarcade.com Je transmettrai vos messages à Maryse. Et maintenant, si à votre tour vous voulez monter sur le pont des âges, pour témoigner d'un événement, raconter une expérience, un combat, Valorisez une personne que vous voulez faire connaître, contactez-moi. Je vous rappelle que le prantaisage peut s'emprunter dans les deux sens. Les jeunes peuvent en profiter pour faire passer des messages aux habitants de l'autre rive, là-bas, vous savez, dans les quartiers chauds des papiers boomers. La bise à tous !

Chapters

  • Introduction au féminisme et aux violences faites aux femmes

    00:04

  • Présentation de Maryse Jaspard et de son parcours historique

    00:33

  • Les luttes pour la contraception et l'avortement dans les années 70

    03:40

  • L'engagement au sein du MLF et les premières actions féministes

    05:27

  • Évolution des revendications féministes et comparaison avec le présent

    15:44

  • Les tensions contemporaines au sein du féminisme et les nouveaux défis

    28:00

  • Conclusion et réflexions sur l'avenir du féminisme

    01:02:34

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