Speaker #1Bonjour à toutes et à tous. Aujourd'hui, on va parler gestion de la colère et de la frustration. Je suis Marine Manard, je suis neuropsychologue, docteur en sciences psychologiques, et c'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, parce qu'il va avoir un impact sur notre vie, dans le quotidien, sur nos enfants, sur notre entourage et dans la société en général. On va parler de ce qu'est la colère, de ce qu'elle nous apporte, de ce qu'elle nous informe au quotidien, mais aussi des stratégies pour pouvoir la gérer, cette colère. Mon objectif est de vous fournir des outils concrets pour mieux gérer ces émotions et améliorer le quotidien. Alors d'abord la colère et la frustration, qu'est-ce que c'est ? Ces émotions surviennent en général quand on a un sentiment de perte de contrôle, un sentiment d'injustice, un sentiment de ne pas pouvoir être maître de la situation, des choix qui nous concernent. Donc dans ces cas-là, la colère va survenir pour permettre de rétablir un sentiment de justice, un sentiment de cohérence et un sentiment de contrôle qui nous est nécessaire. pour pouvoir justement fonctionner adéquatement au quotidien. Par contre, l'expression de cette colère va pouvoir être très différente d'une personne à l'autre et va être culturellement conditionnée. Une colère va être exprimée dans certaines sociétés d'une façon adéquate, ce qui ne sera pas acceptable dans une autre société. Et dans tous les cas, une colère qui est exprimée de façon inadéquate va entraîner toutes sortes de difficultés, que ce soit... relationnel, mais aussi, je pense, en termes de santé physique et mentale, notamment pour les colères plus sourdes, plus chroniques. Alors, cette colère et cette frustration, qui sont souvent interreliées, parce qu'en fait la frustration, qui va être un sentiment qui va pouvoir donner lieu ensuite à des manifestations de colère notamment, ou de repli sur soi, vont amener tout un ensemble de schémas comportementaux qui vont pouvoir déclencher des difficultés dans le quotidien. Alors, en termes de cause, comme on le disait, c'est souvent un sentiment de perte de contrôle, d'injustice, de manque de maîtrise. Bien sûr, des facteurs internes comme des facteurs externes peuvent y contribuer avec une certaine fragilité de nos états dans certaines circonstances. Je pense notamment aux personnes très anxieuses, très stressées qui vont déjà avoir un terrain favorable à ce sentiment de de perte de contrôle et notamment à une expression peut-être inadéquate de la colère parce qu'elles vont être irritables. Je pense également aux personnes qui ont des problèmes de douleurs chroniques par exemple, qui ont déjà un système nerveux et de stress qui est déjà irrité et donc comme un animal blessé dans sa grotte, et bien la moindre petite contrariété, le moindre petit grain de sable qui vient se mettre dans l'engrenage de la journée va pouvoir générer... de grosses frustrations et de grosses émotions de colère. En termes de manifestation, la colère et la frustration vont pouvoir amener tout un lot d'actions comportementales, notamment des actions physiques et physiologiques. Donc on va observer par exemple une tension musculaire, une accélération du rythme cardiaque, de la transpiration notamment, le corps va en fait se préparer à l'attaque, va se préparer à réagir. à ce qui génère cette frustration, cette injustice et ce sentiment de perte de contrôle pour rétablir justement l'équilibre. Et donc le corps va se préparer à affronter le stimulus ou la personne qui va être considérée comme provoquant cette colère. Alors évidemment, taper du poing sur la table ou taper sur... la personne qui génère ou qui provoque cette colère ne va pas être adéquat, évidemment. Et donc, on va culturellement apprendre à gérer ces émotions de façon acceptable pour... que tout le monde puisse vivre de façon sereine et adéquate. C'est justement très important de pouvoir apprendre à gérer cette colère et à l'exprimer de façon adéquate, parce qu'évidemment, on le remarque avec les enfants en bas âge notamment, l'expression de cette colère peut être très explosive, très désorganisée et amener son lot de casses et de blessures. Et donc, effectivement, apprendre à réguler cette colère, à la gérer efficacement et à l'exprimer. de façon adéquate est essentiel pour pouvoir maintenir des relations saines et justement apaiser cette colère et ne pas la transformer dans des sentiments de honte, de culpabilité et des regrets. Et donc, apprendre à exprimer sa colère verbalement, à évidemment pouvoir décharger physiquement les tensions musculaires et les tensions physiques qui y sont associées, mais de façon adéquate, sans blesser personne, sans casser d'objet, va vraiment... être le challenge, si possible dans l'enfance ou plus tard à l'âge adulte, parfois avec l'aide d'un professionnel de santé. Lorsqu'on refuse de voir cette colère, de l'accepter, de l'exprimer, cette colère peut devenir, comme je le disais tout à l'heure, un peu sourde, un peu latente, un peu chronique comme ça. Et donc on va avoir cette agitation interne. tension interne qui va être permanente, qui ne va pas être aiguë, qui ne va pas être trop forte, qui va être tolérable, mais qui va rester là, en sourdine, et qui va justement colorer un petit peu nos perceptions. Il y a un schéma intéressant en termes de colère, c'est que la colère va amener ce qu'on appelle un biais cognitif. Un biais cognitif, c'est un schéma de pensée qui va venir biaiser, comme son nom l'indique, et donc va venir influencer notre pensée. perception des choses, notre compréhension du monde. Et donc, ce biais cognitif, en fait, quand on est en colère, va amener à interpréter l'environnement et les personnes autour de nous comme étant hostiles, comme étant des agressions, comme, justement, provoquant ce sentiment d'injustice et de perte de contrôle. Et donc, à chaque fois qu'on va être confronté justement à une situation, on va plutôt l'interpréter sous le prisme de l'attaque. et de l'agression, ce qui fait que notre colère va s'amplifier, jusqu'à, si elle n'est pas régulée, jusqu'au passage, de l'agression physique ou verbale et de l'attaque. Donc, évidemment, réguler correctement la colère et l'évacuer correctement et sainement est essentiel pour justement se libérer de ce biais cognitif et se libérer de ce sentiment presque de persécution qu'on peut entrevoir lorsque la colère reste sourde et reste... ravalées en quelque sorte. Alors, pour gérer la colère et la frustration, il y a évidemment différentes techniques qui peuvent être mises en place et l'efficacité de ces techniques vont pouvoir dépendre à la fois des personnes, mais également des moments. Et donc, il va falloir évidemment trouver ce qui fonctionne pour chacun et chacune en gardant en tête qu'évidemment, il y aura des moments où la colère ne saura pas s'exprimer de façon calme et sereine. La colère devra parfois s'exprimer... à travers une tempête, ça fait partie de la vie. Malheureusement, ou heureusement, il faut parfois que ça sorte. Alors, première étape, évidemment, ça va être d'essayer de contrôler, de réguler sa respiration. Quand on est en colère, quand on passe en phase de défense ou d'attaque, ou quand on est très frustré, qu'on perd le contrôle sur la situation, la respiration va s'accélérer, va se désorganiser, on va essayer de reprendre le contrôle sur sa respiration. Notamment, par exemple, avec des exercices de cohérence cardiaque, où on va inspirer pendant quelques secondes, 3, 5 ou 7 secondes selon nos capacités respiratoires, bloquer pendant la même durée que l'inspiration, souffler pendant la même durée et rebloquer pendant la même durée, et ainsi de suite. Ça permet généralement d'arriver à apaiser un petit peu, en tout cas, les tensions physiques. Quand la tension physique est vraiment trop forte... Ce que j'aime conseiller, ça va être de lui permettre de sortir, s'empêcher d'exprimer sa colère et la tension physique ne fait que reporter le problème. Et donc, j'aime bien l'exercice de pousser les murs, par exemple. Donc, on se met contre un mur et on pousse le mur. Ça ne fait de mal à personne, ça n'abîme rien et ça permet de décharger la tension et on peut imaginer, pour ceux qui ont des bonnes capacités d'imagination, on peut imaginer toute la colère qui traverse les bras et qui va dans le mur. On peut aussi crier sans son. Alors ça, c'est assez amusant comme exercice, notamment à faire avec les enfants. Ça va être de s'entraîner à crier de toutes ses forces, mais sans faire sortir le moindre son. Donc on a le visage qui va se déformer par le cri, on va vraiment ressentir physiquement le cri, le tout sans évidemment faire sortir le son et donc éviter éventuellement de déranger les autres ou d'être agressif vis-à-vis des autres, ce qui nous permet d'être un petit peu plus discret. Ça marche aussi dans les milieux professionnels quand on ne peut pas évacuer autrement. Donc toutes les techniques de relaxation en général sont des bonnes techniques que j'aime proposer, mais plutôt de façon préventive plutôt que curative en quelque sorte. Parce que quand la colère est là, quand la frustration est déjà là et est déjà forte, c'est un peu tard pour se mettre à faire du yoga ou de la méditation. Mais voilà, ce qui arrive évidemment c'est très très bien, mais ne vous culpabilisez pas trop si c'est trop difficile à mettre en place quand vous êtes vraiment... en phase de colère. On peut aussi évidemment, dans les petites techniques comme ça, pour faire passer la colère, ça va être évidemment de l'exprimer cette colère et la frustration, de pouvoir la verbaliser, de dire à la personne ou de dire à quelqu'un de confiance ce que vous ressentez, de pouvoir explorer cette colère, de comprendre pourquoi elle survient, quelle est la sensation d'injustice qu'il y a derrière, quels sont les... colorations de cette colère, parce que parfois il n'y a pas que de la colère et de la frustration, il peut y avoir un mélange d'émotions interreliées qui vont venir s'entremêler. Enfin, on va pouvoir mettre en place des stratégies de réévaluation cognitive. Alors, ces stratégies de réévaluation cognitive sont parmi les meilleures stratégies de régulation émotionnelle, afin d'augmenter les émotions dites agréables ou positives, et diminuer l'impact et la fréquence des émotions désagréables ou négatives. Les techniques de réévaluation cognitive sont assez basiques, mais parfois difficiles à mettre en place. C'est-à-dire qu'on va essayer d'envisager la situation sous un autre angle, de changer notre perception de la situation, comme si on faisait un pas de côté ou qu'on prenait un peu de hauteur. On essaie de regarder la situation sous un autre angle pour justement en dégager un ou des aspects positifs et pour lesquels on peut en tout cas... réduire les sensations et les émotions désagréables. Dans tous les cas, se concentrer vraiment sur la recherche de solutions, la recherche d'expressions saines est vraiment l'une des choses les plus essentielles à faire. Après, il y a également d'autres exercices qu'on peut mettre en place de façon plus profonde pour les personnes qui expérimentent par exemple cette colère plutôt chronique. ou des épisodes répétés de colère, ce serait intéressant évidemment d'explorer s'il n'y a pas un terrain anxieux derrière, s'il n'y a pas trop de charge mentale, de la fatigue chronique, des douleurs chroniques comme je le disais tout à l'heure. Donc tout ça va être à explorer soit soi-même, soit avec des amis, des personnes de confiance, soit avec un professionnel de santé évidemment et donc tout ça va pouvoir évidemment augmenter. nos manifestations de colère, diminuer notre seuil de tolérance à la frustration. Et évidemment, dans ces cas-là, la première chose à faire va être de diminuer les sources de frustration. Parce que ce n'est pas en s'exposant régulièrement à la frustration qu'on devient plus tolérant. À tout le moment, on peut se résigner éventuellement à la frustration, mais ce n'est pas vraiment une solution. Donc effectivement, limiter les sources de frustration, enlever toutes les sources possibles à enlever, est déjà un bon conseil à avoir. s'appliquer et surtout beaucoup de bienveillance envers soi, je pense que c'est vraiment l'essentiel. J'ai quelques petits exemples évidemment de suivis de patients qui ont mis en place des stratégies efficaces de régulation de la colère. Comme je le disais tout à l'heure, chacun a besoin de son petit lot d'outils et d'astuces et Et selon les situations, selon les périodes aussi, ces outils peuvent changer. Il y a un outil qu'on va pouvoir utiliser pendant des semaines de façon très efficace et puis hop, ça ne fonctionne plus pendant un certain temps et puis on y revient. Donc ça, c'est OK aussi. Évidemment, on peut voyager dans notre boîte à outils pour la colère. Il y a une de mes patientes, par exemple, qui avait vraiment besoin de l'exprimer artistiquement. Et donc là, on est parti sur... plutôt du coloriage. Donc elle coloriait sa colère, on faisait une sorte de gribouillage comme ça sur la feuille, et tous les jours, elle venait colorer des petites parties du... du gribouillage. C'était une espèce de ligne entremêlée comme ça, et donc en fonction de la taille de la colère qu'elle a ressentie, en fonction des moments de la journée, elle coloriait différentes cases. Et en fait, reprendre le contrôle aussi, une vision globale de sa journée, lui permettait de voir l'évolution au fil des jours de l'expression de sa colère et de la quantité de colère qu'elle ressentait. Évidemment, tout ça s'accompagnait d'exercices de relaxation, de méditation sur le côté, et évidemment la prise en charge de tout ce qui était source de stress, qui limitait évidemment son seuil de tolérance également. Un autre patient masculin, cette fois-ci, avait plutôt des problèmes de gestion de l'expression de sa colère, donc il avait des problèmes d'impulsivité, c'est-à-dire qu'il ne contrôlait pas l'expression. de sa colère, il avait du mal à inhiber, à ne pas produire certains comportements, notamment des comportements plutôt violents. Et donc là, effectivement, on a mis en place tout un système d'expression physique, pour ne pas empêcher l'expression physique, mais la rediriger. Comme je le disais tout à l'heure, par exemple, avec le fait de pousser les murs, ça pouvait s'ancrer dans le sol, en essayant de pousser très très fort sur les pieds, pour essayer de faire passer la colère dans le sol, comme s'il était traversé par un champ électrique, par exemple. Il y avait des exercices en fond, là évidemment quand ce n'était pas les moments de colère, des exercices de sophrologie qui fonctionnaient bien chez lui. Voilà, donc c'est des petits exemples concrets comme ça. C'est évidemment des outils qu'on peut mettre en place chez l'adulte, chez l'adolescent, chez l'enfant et qui sont tout à fait adaptables aux besoins. Il n'y a pas de recettes toutes faites, on peut évidemment les mixer comme on le veut. J'espère que j'ai pu répondre à quelques-unes de vos questions. J'espère que vous trouverez de l'inspiration pour vous accompagner dans les moments difficiles où vous sentez que vous perdez le contrôle et où vous risquez de perdre pied. Et je vous souhaite à toutes et tous une très très belle journée. Prenez soin de vous et à bientôt.