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ÉTRANGE DROIT

L'audience à la CNDA, avec Maître Mélissa Cardoso

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35min |27/11/2025
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ÉTRANGE DROIT

L'audience à la CNDA, avec Maître Mélissa Cardoso

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Description

Aujourd’hui, on pousse les portes d’une audience à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Comment se déroule une audience ? Quel est le rôle de l'avocat face aux juges ? Comment préparer son récit pour convaincre ?


Avec notre invitée : Maître Mélissa Cardoso, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, vous l'avez compris, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Bensadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin.

  • Speaker #1

    Vous allez aussi entendre pendant l'épisode ma chère consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on va pousser les portes d'une audience à la Cour Nationale du Droit d'Asile avec notre invitée, ma consoeur Mélissa Cardozo, avocate en droit des étrangers, exerçant au barreau de Paris et qui passe souvent plus de temps à la CNDA qu'à son propre cabinet. Je me trompe, Mélissa ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Je vais rapidement présenter la CNDA, qui est une juridiction particulière. Déjà, on parle de la plus grosse juridiction administrative de France, puisqu'elle rend plus de 60 000 décisions par an. Quelles décisions ? La CNDA, c'est une juridiction qui, pour faire simple, accorde ou refuse la protection internationale aux demandeurs d'asile après un rejet par l'OFPRA. Son taux de protection, il est assez stable, il est d'environ 20%, comprenez donc donc 80% de rejet à la CNDA, ce qui est très motivant. Où est située la cour ? Eh bien avant c'était simple, elle était centralisée à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, à deux pas d'ici. Mais depuis 2024, il existe des chambres territoriales de la cour dans d'autres villes. Alors vous me direz pourquoi un épisode entier sur l'audience à la CNDA ? Eh bien, c'est simple. L'audience... C'est le moment décisif de la demande d'asile. Tu ne démentiras pas, je pense, Mélissa. Vous pouvez avoir le meilleur dossier du monde, les preuves les plus solides, mais si l'audience ne convainc pas, la demande sera très certainement rejetée. Donc en fait, c'est le moment de vérité et cela à double titre. Déjà, puisque la cour, pendant l'audience, va vérifier la véracité du récit du demandeur d'asile. Et ensuite, c'est là que se décide finalement l'issue de toute la procédure d'asile. C'est dire à quel point cette étape est absolument cruciale. Le cadre étant posé, on peut passer au concret avec notre invitée, Mélissa. Peux-tu commencer par te présenter, s'il te plaît ?

  • Speaker #2

    Je te remercie, Salomé. Alors moi, je suis Mélissa Cardoso, je suis avocate au barreau de Paris. J'exerce en droit des étrangers, comme tu l'as rappelé, mais également en droit d'asile. Alors, j'exerce depuis novembre 2021, mais je... Je côtoie le droit d'asile depuis bien plus longtemps, puisque après la fin de mes études, j'ai eu la chance d'exercer, d'avoir mon premier emploi en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, donc en tant que juriste et référente sociale. Donc le droit d'asile, je le connais bien depuis maintenant neuf années. Et voilà, c'est un contentieux que j'apprécie particulièrement, qui a motivé mon accès à cette profession d'avocat.

  • Speaker #0

    Mélissa, est-ce que tu peux commencer par nous raconter une audience à la CNDA ? J'aimerais que pendant les cinq prochaines minutes, on se téléporte de Pantin à Montreuil dans une salle de la cour et que tu nous expliques, que tu nous décrives en fait ce qu'il s'y passe, qui sont les acteurs, quelles sont leurs places, leurs rôles et quelle est la durée moyenne d'une audience. Vraiment, on veut plonger dans une audience à la CNDA.

  • Speaker #2

    Alors, tout d'abord, il faut savoir que le demandeur d'asile introduit un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Et à la suite de ce recours, il va être convoqué devant la CNDA. Les convocations arrivent en général, alors les procédures ont été un petit peu accélérées ces derniers temps, donc les convocations arrivent assez rapidement, ça peut être entre 3 mois, peut-être 6 mois. Et donc le demandeur va recevoir une convocation dans laquelle il va être mentionné l'heure de la convocation, la date bien sûr, et la salle dans laquelle il va être reçu. Donc comme tu l'as rappelé, il y a aussi les chambres territoriales. Donc maintenant, il y a des audiences de la cour. Alors il y a déjà celle de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Nancy. qui fonctionne déjà et nous attendons l'ouverture de Marseille et Nantes pour la rentrée. recevoir sa convocation lorsqu'il va arriver à la CNDA le jour J. Il va passer la sécurité de la cour et ensuite il va attendre dans une salle d'attente qui est dédiée, qui est prévue pour chaque salle d'audience. Donc c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile dans lequel il va attendre son passage en audience. Donc moi souvent j'arrive un petit peu avant l'heure de la convocation. pour rencontrer le demandeur d'asile parce que parfois j'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, en tout cas physiquement. Donc c'est un moment d'échange et de réconfort, on va dire, avant le passage à l'audience. Donc il y a plusieurs horaires qui sont prévus à la cour. Il y a l'audience de 9h, l'audience de 10h30, l'audience de 14h et l'audience de 15h30. Il faut savoir qu'à la cour... C'est pas parce qu'on est convoqué à 9h qu'on va passer à 9h. Il y a plusieurs dossiers qui sont prévus pour chaque créneau et effectivement parfois on n'arrive pas à passer tous les dossiers parce que les audiences, c'est une audience. On sait à l'heure à laquelle on commence, mais on ne sait jamais à l'heure à laquelle on termine. Donc, c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile parce que moi, j'ai toujours cet avertissement que peut-être ce n'est pas le jour. où il va avoir son audience parce qu'il y a ce risque qui est un renvoi parce qu'on n'aura pas eu le temps d'étudier le dossier. Donc l'audience, très concrètement, il va rentrer dans la salle d'audience. Pour les personnes non francophones qui auront un interprète, l'avocat est toujours assis à côté du demandeur d'asile. À ses côtés également, donc sur sa gauche, il y aura un interprète de la cour. Ensuite, vous avez donc à votre droite, dans la salle, il y aura donc la personne qui s'appelle le rapporteur. Comme j'explique à mes clients, le rapporteur n'est pas un juge, c'est une personne qui lit un rapport, qui reprend les termes du dossier. Et donc ensuite, vous êtes face à un... si c'est une audience à juge unique ou face à trois juges si c'est une audience, ce qu'on appelle une formation collégiale. Donc la première personne qui va prendre la parole, ça sera monsieur ou madame la rapporteure, donc qui va exposer son rapport et ensuite à la fin de la lecture du rapport, qui se fera l'objet d'une traduction par monsieur ou madame l'interprète de la cour, vous aurez donc les questions du juge ou des juges. de la cour et donc ces questions, elles peuvent durer 30 minutes, 40 minutes, 1 heure, 2 heures. Moi, j'ai parfois eu des audiences qui ont duré 2 heures et demie et parfois des audiences qui ont duré 30 minutes. Et donc ensuite, suite aux questions auxquelles le demandeur d'asile va répondre, il y aura la plaidoirie de l'avocat. Et ensuite, l'affaire sera mise en délibéré. ça veut dire que le président de la formation ou le juge unique donnera une date à laquelle on aura connaissance du sens du délibéré.

  • Speaker #1

    Waouh, merci pour cette plongée.

  • Speaker #2

    Peut-être un petit peu long.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Moi, il me semble que je vois toujours une cinquième personne qui est présente à la cour, mais finalement qui ne sert qu'à gérer le rôle de l'audience, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Je l'oublie. On l'oublie. Oui, on l'oublie alors qu'ils sont... parfaitement essentiel à l'organisation, c'est le secrétaire d'audience. Alors cette personne, effectivement, en réalité, c'est la première personne qui va prendre la parole pour annoncer l'affaire qui va avoir lieu.

  • Speaker #0

    Et c'est aussi notre interlocuteur pour savoir si les audiences se déroulent dans un délai normal ou si on a des risques de renvoi parce que les audiences se prolongent, etc.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Après cette belle présentation d'une audience, j'aimerais qu'on parle de ta pratique et que pour ça tu nous décrives l'audience qui pour toi a été la plus marquante, que ce soit parce que tu t'es sentie dans ton rôle d'avocate ou parce que le demandeur d'asile ou la demandeuse d'asile étaient bouleversées par ce moment-là et que tu as été un soutien. A quelle affaire tu penses ?

  • Speaker #2

    Bon, évidemment, cette question, elle est difficile parce qu'elles sont... Toute marquante d'une certaine manière. C'est jamais anodin de plaider pour un demandeur d'asile parce qu'on se dit qu'on arrive, comme tu l'as rappelé, c'est un moment crucial de la demande d'asile. L'enjeu, il est énorme parce que c'est savoir si un demandeur d'asile va obtenir une protection, s'il va être protégé par la France. Donc c'est évidemment un moment crucial. Pour moi, alors là, je pense à une affaire parce qu'elle est récente et qu'elle m'a particulièrement touchée en tant que femme. Parce qu'avant d'être avocat, on est évidemment un être humain et on fait des liens avec peut-être des histoires personnelles ou pas. Mais en tout cas, une histoire peut toujours résonner quelque part en soi. Je pense au dossier d'une femme djiboutienne qui, j'ai appris au deuxième entretien de préparation qu'elle n'avait pas tout dit lors de l'entretien à l'OFPRA et n'avait pas évoqué son homosexualité. Et donc effectivement, j'ai compris que j'avais été finalement la première personne à laquelle elle... Elle en a parlé et donc voilà, ça a été touchant parce qu'on se rend compte que les parcours des demandeurs d'asile, c'est des parcours difficiles. La verbalisation, bien évidemment, ou là, des sentiments, et c'est ce qui transparaissait chez ma cliente, c'est des sentiments de honte, de culpabilité. Et j'ai été très fière et je l'ai remerciée pour le fait qu'elle m'ait... confier quelque chose d'aussi important. Et donc, effectivement, on a retravaillé le récit. Ça a été un long travail et pas facile, surtout pour ma cliente. Mais l'audience a eu lieu il y a peut-être deux mois, je pense. Donc l'audience a été très difficile parce que Madame, alors, effectivement, il y avait la question de l'homosexualité et le fait qu'elle l'évoquait pour la première fois. Son orientation sexuelle devant les juges de la cour, puisqu'on était en plus en formation collégiale. Mais il y avait aussi des faits de mariage forcé, où elle avait été mariée de force à un homme qui a l'âge de mon grand-père, alors qu'elle n'avait que 21 ans. Et donc elle évoquait effectivement tout son récit et consistait à expliquer qu'elle avait été mariée de force pour cacher, pour faire taire les rumeurs. quant à son homosexualité par son père, puisqu'il avait eu vent de ces rumeurs. Et donc, effectivement, elle a également évoqué de façon très digne les violences sexuelles dont elle a été victime par cet homme de 70 ans. Et donc, ça a été très difficile. Et j'ai senti, puisqu'effectivement, on est juste à côté des demandeurs d'asile qu'on assiste, j'ai senti cette détresse. à l'évocation de ce vécu. Et nous avons eu la chance, alors je ne reviendrai peut-être pas sur les questions qu'il y a pu avoir d'un des juges, mais en tout cas, les deux autres, et notamment le président, ont été particulièrement attentifs et ont fait preuve de précaution dans les questions qui lui ont été posées. Et il est vrai qu'en plaidant, j'ai un peu parlé de cela, du fait que Finalement, j'avais eu la chance d'être la confidente de Madame sur ce point parfaitement essentiel. Et c'est vrai que j'ai senti, parce que j'ai regardé les juges dans les yeux, j'ai senti vraiment que je m'étais battue en plaidant. Et finalement, la bonne nouvelle est qu'elle a été protégée et qu'elle a obtenu un statut de réfugiée.

  • Speaker #0

    Mélissa, je te propose d'écouter Fleur Boixière, notre consoeur, qui va nous parler de la territorialisation de la CNDA. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une douce chronique où l'on va parler de la régionalisation de la CNDA. C'est LA grande nouveauté de l'année 2024 en droit d'asile. C'est vraiment une évolution structurelle majeure dans la matière, et donc un petit casse-tête, il faut le dire, que ce soit pour l'administration, pour les avocats, les travailleurs sociaux, et bien évidemment pour les demandeurs d'asile eux-mêmes. Et effectivement, on comprend bien pourquoi, puisque depuis sa création en 1952, la CNDA a toujours siégé exclusivement à Montreuil, en région parisienne. Comme vous pouvez l'imaginer, cette centralisation pose un grand nombre de difficultés pratiques, puisqu'avec plus de 56 000 recours enregistrés rien qu'en 2024, les délais explosent et les déplacements imposés aux demandeurs, qui sont souvent dans des situations de grande précarité, compliquent vraiment leur accès à la justice. Un demandeur d'asile pouvait par exemple se Il se déplaçait du sud de la France pour voir son audience renvoyée une fois arrivé à la cour à cause d'une heure trop tardive, comme on dit dans le jargon. C'est donc pour ces raisons que ce dont on entendait parler depuis de nombreuses années a finalement vu le jour en septembre 2024 avec l'ouverture de quatre chambres territoriales à Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse. Deux nouvelles chambres devraient également ouvrir à Marseille et à Nantes en septembre 2025. L'objectif de cette régionalisation, c'est vraiment de permettre aux demandeurs d'asile de pouvoir saisir une chambre régionale à proximité de leur lieu de résidence pour qu'ils y soient entendus avec un avocat et un interprète, tout en réduisant en même temps les délais de jugement et en allégeant la pression sur Montreuil. Il faut bien comprendre que tout ça va de pair avec la répartition des demandeurs d'asile sur le territoire, puisqu'en réalité, pour éviter la surconcentration des demandeurs d'asile en région parisienne, Lofi les envoie dans des lieux d'hébergement en région. à leur arrivée en France. Ils sont donc répartis sur tout le territoire. Attention, il existe évidemment quelques exceptions à cette régionalisation qui concernent certains pays et certaines langues rares qui continueront d'être jugées à Montreuil. La liste de l'ensemble de ces pays et des langues concernées est disponible et mise à jour sur le site de la CNDA. Alors, doit-on se réjouir de cette nouveauté ? Si les juges d'un côté nous assurent que cette régionalisation ne remettra pas en cause l'unicité de la position de la Cour et qu'il n'y aura pas de disparité territoriale, on s'interroge quand même. Est-ce qu'il y aura une répartition équitable des moyens administratifs humains et financiers ? Est-ce qu'il y aura une vraie coordination entre les juges des différentes chambres régionales ? Est-ce que les demandeurs d'asile auront un accès effectif à une assistance juridique dans toutes ces nouvelles zones qui peuvent parfois être dotées de peu d'avocats spécialisés ? À ce jour, on n'a pas encore le recul nécessaire pour faire le bilan de cette grande nouveauté et pour dire si, oui ou non, cette réforme a véritablement amélioré l'accès aux juges et l'efficacité de la justice en droit d'asile. Je vous laisse donc avec ces questionnements et vous dis à très vite ! dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    J'enchaîne sur un point qui est vraiment essentiel parce que je rappelle que ce podcast s'adresse particulièrement aux professionnels qui aident les demandeurs d'asile, en l'occurrence, mais les étrangers de manière générale. Comment est-ce qu'un professionnel, un travailleur social, un avocat peut aider Merci. le demandeur d'asile à se préparer à cette audience. Tu as déjà abordé un point qui est de retravailler le récit avec le demandeur d'asile, surtout quand il y a des points nouveaux, des points qui n'avaient pas été abordés devant l'OFPRA. Quels pourraient être tes conseils généraux ? Bien sûr, on ne va pas pouvoir aller dans le détail d'un dossier. Chaque dossier est unique. Mais quels sont les conseils que tu donnerais pour pouvoir se préparer au mieux vraiment aux questions ? qui seront posées en audience.

  • Speaker #2

    Alors, c'est vrai que tu as évoqué la question de la préparation par l'avocat ou le travailleur social. Bon, moi, j'ai eu la chance d'avoir les deux casquettes, donc je sais que le travail, il reste quand même identique, finalement, parce que le travailleur social, j'estime que son rôle est tout à fait essentiel et aussi essentiel que celui de l'avocat. Alors... Effectivement, tous les demandeurs d'asile ne sont pas hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Vous avez beaucoup de demandeurs d'asile qui n'ont même pas accès à une association, qui sont complètement démunis, qui ne bénéficient pas de suivi social et juridique. Pour cela, l'avocat va finalement être celui qui va avoir un rôle tout à fait essentiel. Quand il y a effectivement, que ce soit un travailleur social ou l'avocat, effectivement, l'objectif, c'est le travail du récit. Alors moi, mes conseils, souvent, c'est de retravailler notamment la chronologie parce que c'est beaucoup ça qui fait défaut dans les récits. Alors on l'explique, et ça, on l'explique souvent à la cour. Quand vous êtes un demandeur d'asile, vous arrivez avec vos traumatismes. Donc se rappeler de la date précise à laquelle vous avez vécu telle chose, parfois c'est extrêmement difficile. Mais c'est vrai qu'on constate que les juges de la cour exigent quand même une certaine logique, une certaine logique de temporalité. Donc ça, on essaye avec les demandeurs d'asile de retravailler ça parce qu'on sait qu'ils l'attendent, s'agissant des juges de la cour. Et retravailler, bien évidemment, le fait d'avoir le maximum de détails, parce qu'effectivement, avoir un récit détaillé, c'est ce qui donne davantage de crédibilité. Donc, je dirais la chronologie en premier lieu, et aussi la question du détail. Plus on en aura, mieux ce sera pour la crédibilité.

  • Speaker #0

    Et donc, toi, tu es avocate concrète. Comment se passe cette préparation quand les clients sont en région parisienne ? J'imagine que c'est différent des clients qui sont en région. Est-ce que tu as un protocole ? Combien de fois en moyenne tu vas t'entretenir avec eux ? Est-ce que c'est aussi à l'avocat ? Faire réviser, j'ai envie de dire, le client ou est-ce que là-dessus tu peux les responsabiliser pour leur donner aussi des devoirs à la maison dans l'attente de l'audience ? Comment ça s'organise tout ça ?

  • Speaker #2

    Alors j'ai une phrase que j'utilise beaucoup avec mes clients, c'est « je suis maître mais vous êtes également maître de votre dossier » . C'est-à-dire que je considère, et c'était déjà le cas quand j'étais travailleuse sociale, c'était de dire « c'est votre dossier et vous, vous êtes le meilleur défenseur de votre dossier » . Donc évidemment, on est là pour accompagner, pour assister. Donc évidemment, on donnera tous les conseils nécessaires pour que l'audience se passe dans les meilleures conditions possibles. Mais effectivement, parfois j'ai des clients qui n'ont pas l'air très investis. Alors pour plein de choses, pour plein de raisons, il y a plein de paramètres qui rentrent en jeu. Mais effectivement, c'est important. Moi, j'attends que mon client, la personne que j'assiste, soit investie dans son dossier. Merci. Donc effectivement, moi, ma façon de travailler, c'est je reçois ou j'ai par téléphone une première fois lors de l'introduction du recours. Donc au moment de la rédaction du recours, je vais m'entretenir avec le demandeur d'asile pour qu'il me donne, que je le prépare déjà à l'audience qui aura lieu, mais aussi pour qu'on revienne sur les raisons pour lesquelles l'OFRA a rejeté sa demande et que je l'interroge à ce sujet pour voir s'il a des éléments aussi complémentaires. Et effectivement, il y aura un deuxième entretien avec moi. Et donc, ça sera en amont de la convocation. Quand le demandeur d'asile recevra sa convocation, il y aura une vraie préparation, une vraie, comment dire, un premier... Une sorte de simulation. Voilà, une sorte de simulation. Merci, Salomé. À l'audience.

  • Speaker #0

    D'accord. J'enchaîne sur une question. Moi, ma hantise quand je faisais de l'asile, j'en fais un peu moins aujourd'hui, c'était de voir le client qui est donc effectivement juste à notre gauche s'enfoncer à l'audience, ne pas savoir répondre aux questions, bafouiller, être dans la confusion. Et ma hantise, c'était que l'avocat, dans ce cas-là, c'est le dernier à prendre la parole et il a très peu de temps pour réagir face à ça. donc j'imagine que tu as Des parades, des argumentaires juridiques dont tu nous as déjà un peu parlé, notamment sur des traumatismes qui peuvent finalement venir brouiller un peu la mémoire et notamment sur des dates, etc. Mais concrètement, comment on peut rattraper une audience quand le client n'a pas été son meilleur défenseur et que l'avocat doit venir au secours ?

  • Speaker #2

    Alors, c'est toujours compliqué. Ces audiences, elles sont toujours... C'est toujours compliqué, en effet. Alors, moi, ce que je dis souvent, c'est que je ne suis pas magicienne. Je fais avec les moyens du bord. Donc, oui, rattraper, on peut essayer. On peut essayer de fournir des explications au juge de la cour. Bon, parfois, ils comprennent bien que ça va être compliqué. Et tout le monde est aussi à cette intelligence. moi je suis pas là aussi pour euh Pour raconter n'importe quoi, il y a aussi une certaine crédibilité, un certain professionnalisme, sachant que les juges de la cour, avec le temps, on les connaît, on se retrouve aussi devant eux dans d'autres audiences par la suite. Donc on essaye de trouver des arguments. Parfois, on n'en a pas tellement, mais on fait avec ce qu'on a. On essaye.

  • Speaker #0

    Tu me rassures. Je te demandais quelle était ton expérience la plus marquante. Tu m'en as parlé d'une qui s'est bien terminée. Quelle a été ta pire expérience à la CNDA ?

  • Speaker #2

    J'ai tout de suite en tête une audience qui m'a partie, qui a été la pire. Après, je vais être très sincère, Salomé, il y en a eu pas mal des audiences où ça ne se passe pas très bien. Pour plein de raisons. Mais celle-ci en particulier à laquelle je pense, c'est celle d'une demandeuse d'asile qui avait subi des choses absolument atroces, des viols dans son pays, des vols sur le parcours d'exil. Et malheureusement, on était tombé sur un juge qui a été révoqué de la cour, je ne connais pas son nom. mais je pense que les professionnels qui n'est plus juge actuellement, en tout cas pas la CNDA, et donc qui avait bien évidemment pris sa décision avant même qu'on commence. Donc je savais que peu importe ce que j'allais dire, ça n'allait pas fonctionner, qu'on allait être rejeté. Évidemment, il a rejeté tout le rôle de la journée, sans surprise. Et ça a été extrêmement difficile parce que le récit, ma cliente a été particulièrement digne parce qu'elle a été en mesure de raconter tous les atrocités qu'elle avait vécues avec énormément de dignité. Et on était face à un juge qui effectivement n'avait aucune empathie ni encore moins d'humanité. Et donc le sentiment que j'ai eu, alors évidemment à l'évocation de toutes ces horreurs, c'est difficile, nous en tant qu'aussi, même si on s'habitue à l'horreur, je t'avoue que quand je suis sortie d'audience, j'avais envie de craquer, parce que c'était une des premières fois où ça a été extrêmement difficile. Et j'ai eu aussi ce sentiment d'impuissance totale, parce que je savais que quoi que je dise, quoi que je plaide, on n'allait pas obtenir une protection. Donc je pense à cette cliente, j'espère qu'elle a pu peut-être faire une demande de réexamen. Je ne sais pas, en tout cas, j'espère que... Je pense à elle en tout cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et donc tu as commencé un peu à nous parler de l'attitude de certains juges de la CNDA. Est-ce que depuis que tu exerces un droit d'asile, tu as constaté un durcissement ? des juges et notamment des questions qu'ils peuvent poser ? Est-ce qu'il y a toujours eu les mêmes biais, les mêmes abus, mais finalement répartis entre certains juges ? Oui,

  • Speaker #2

    je dirais plutôt ça. Peut-être que mes confrères plus expérimentés auront un point de vue différent. Moi, je constate, puisque j'exerçais à la cour depuis... Quatre ans, ce qui n'est pas énorme. Alors quand on est juriste ou travailleur social, on n'assiste pas aux audiences de la cour. Mais ce que je constate, c'est que les juges difficiles, ils restent difficiles et les juges plutôt bienveillants, ils le restent en général. Alors bienveillant, je... souvent, et nous on comprend, on est quand même des avocats, on est des professionnels du droit, de la justice, on comprend que parfois, oui, on ne va pas protéger cette personne parce que les éléments ne sont pas assez solides ou il n'y a pas d'éléments particuliers qui font que elle devrait être protégée. On a quand même ce discernement en tant qu'avocat, mais voilà, c'est vrai que certains juges, on sait par avance que ça ne passera pas, que certaines... que certains dossiers ne passeront pas et je pense que tant que ces personnes-là continueront à siéger, on saura que sur telle thématique, ça sera compliqué. Mais voilà, on se dit, on continue quand même à le combat, parce que sinon, on arrête tout et on ferme tout et ça, c'est pas possible.

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as constaté que parfois, ça sert de s'énerver un peu, de hausser la voix ? Parce que c'est ma deuxième hantise. Moi, je sais que je n'osais pas vraiment le faire. Je préférais passer par une note en délibéré qui est finalement un mémoire des écritures qu'on peut produire après l'audience, notamment quand on considère que des questions étaient particulièrement biaisées, etc. Mais en audience, moi, je ne savais pas forcément comment me positionner. J'avais peur que ce soit au détriment de mon client.

  • Speaker #2

    Oui, et aussi, je pense, Salomé, peut-être que tu seras d'accord avec moi, on a aussi un peu Cette crise de la légitimité aussi en tant que jeune avocate, de se dire est-ce que je dois prendre la parole face à des juges pour dire qu'effectivement ça c'est pas ok, c'est pas acceptable d'entendre. Alors moi, beaucoup plus maintenant, je laisse moins de choses passer. Alors effectivement, il y a eu des fois où en plaidant j'ai rappelé quand même que des choses n'étaient pas... audibles, n'étaient pas acceptables. Alors j'ai constaté que deux fois où c'était arrivé, finalement le juge avait quand même protégé mon client et mes clients. Parce qu'en fait, je pense que peut-être, alors peut-être que ça les touche peut-être dans leur égo, ce qu'on peut comprendre, mais ils ont quand même ce discernement. Et ils comprennent aussi qu'un avocat, bah oui, il est là pour défendre les intérêts de son client et que oui, il y a des choses qui doivent se dire en audience et qui doivent pas se passer ainsi. Alors effectivement, parfois ça passe en audience, mais ça passe aussi, comme tu le disais très bien, les notes en délibéré. parce que nous, ce que je rappelle souvent aussi aux juges de la Cour, c'est que ces notes en délibéré, elles sont importantes parce que ça peut permettre, si on l'estime nécessaire après le rendu d'une décision. Moi, c'est toujours une preuve qu'une audience s'est mal passée et que si je dois aller devant le Conseil d'État pour contester cette décision, je le ferai. Et ça reste une preuve, une trace écrite d'une audience qui s'est mal passée.

  • Speaker #0

    On a parlé des demandeurs d'asile qui affrontent cette étape de l'audience à la CNDA, mais il y a des demandeurs d'asile qui n'auront pas cette chance, finalement, d'aller en audience. Il y en a qui sont triés, on dit ça communément, une ordonnance de tri qui est prise par la CNDA avant d'être convoquée à l'audience. Est-ce que ça t'arrive dans beaucoup de dossiers ? Et la question qui suit, c'est est-ce que c'est un signe que l'avocat a mal fait son travail ?

  • Speaker #2

    Alors, pour ma part, oui, j'en ai reçu une ce matin. C'est tout frais. Alors, nous, on constate que les ordonnances de tri visent souvent les mêmes nationalités. Alors, moi, je fais désormais partie du réseau Elena, donc des avocats en droit d'asile. Et il y avait eu quand même des courriers à la présidence de la Cour sur la question, notamment des Bengladais qui déposaient pour la première fois une demande d'asile. Donc, on ne parle même pas de personnes qui redéposent. Et donc, ils sont en réexamen. On parle de demandeurs d'asile, des primo-demandeurs d'asile, comme on l'appelle communément, et qui font l'objet d'ordonnances de tri. Donc, ça veut dire que ces personnes n'auront jamais accès à une audience publique. Donc ça, on avait évidemment, enfin, mes confrères d'Hélène avaient adressé des courriers à la cour. Eh bien, écoutez, ce matin, ça n'a pas empêché un juge de la cour de prendre cette ordonnance de tri concernant un Bengladais. que j'ai assisté. On constate aussi qu'effectivement, avec le temps et le durcissement du contexte, les ordonnances de tri sont plus récurrentes, exactement. Et notamment, alors les réexamens, n'en parlons pas, même des dossiers afghans qui déposent, dans lesquels il y a des réexamens, c'est trié. Le travail de l'avocat, alors oui, il est important. Évidemment, les recours doivent être quand même complets. Il faut que ça soit sourcé. Il faut qu'il y ait des choses, des éléments permettant de contester la décision de l'OFPRA. Mais je pense qu'il y a aussi une appréciation souveraine des juges de la Cour et qui ont tendance à aller vers cette pratique de l'ordonnance de tri.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question pour toi. Pourquoi continues-tu à faire du droit d'asile ?

  • Speaker #2

    Je me le demande parfois. Pourquoi ? Parce que ça a été ma motivation première quand j'ai décidé de devenir avocate, ce contentieux, parce que je considère que les demandeurs d'asile sont le public le plus vulnérable. C'est des personnes qui ont été contraintes, même si évidemment je ne fais aucune hiérarchie entre une personne qui part de son pays pour des raisons économiques, familiales, personnelles, etc. Mais là, on parle d'un public qui a été contraint de fuir son pays d'origine, donc a tout quitté souvent, qu'a quitté outre son pays, a quitté sa famille, peut-être ses enfants, son épouse. Et donc, c'est des personnes qui ont, avant toute première chose, un besoin de protection. Et donc, évidemment, ce public-là... Il me motive à me surpasser au quotidien et je continuerai jusqu'à ce que j'en ai la force, j'espère, longtemps. Voilà, donc je continuerai pour le moment en tout cas.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Mélissa. Merci pour ce partage de tes conseils, de tes pratiques. Merci également à Eva Bensadi qui a coproduit cet épisode. Et merci à vous d'avoir écouté Étranges Droits. N'oubliez pas que chaque situation est unique et que les informations que nous partageons ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats qui font souvent bien leur travail. Je vous renvoie vers le site du GST pour trouver une assistance près de chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qui est le droit des étrangers.

Description

Aujourd’hui, on pousse les portes d’une audience à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Comment se déroule une audience ? Quel est le rôle de l'avocat face aux juges ? Comment préparer son récit pour convaincre ?


Avec notre invitée : Maître Mélissa Cardoso, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, vous l'avez compris, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Bensadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin.

  • Speaker #1

    Vous allez aussi entendre pendant l'épisode ma chère consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on va pousser les portes d'une audience à la Cour Nationale du Droit d'Asile avec notre invitée, ma consoeur Mélissa Cardozo, avocate en droit des étrangers, exerçant au barreau de Paris et qui passe souvent plus de temps à la CNDA qu'à son propre cabinet. Je me trompe, Mélissa ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Je vais rapidement présenter la CNDA, qui est une juridiction particulière. Déjà, on parle de la plus grosse juridiction administrative de France, puisqu'elle rend plus de 60 000 décisions par an. Quelles décisions ? La CNDA, c'est une juridiction qui, pour faire simple, accorde ou refuse la protection internationale aux demandeurs d'asile après un rejet par l'OFPRA. Son taux de protection, il est assez stable, il est d'environ 20%, comprenez donc donc 80% de rejet à la CNDA, ce qui est très motivant. Où est située la cour ? Eh bien avant c'était simple, elle était centralisée à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, à deux pas d'ici. Mais depuis 2024, il existe des chambres territoriales de la cour dans d'autres villes. Alors vous me direz pourquoi un épisode entier sur l'audience à la CNDA ? Eh bien, c'est simple. L'audience... C'est le moment décisif de la demande d'asile. Tu ne démentiras pas, je pense, Mélissa. Vous pouvez avoir le meilleur dossier du monde, les preuves les plus solides, mais si l'audience ne convainc pas, la demande sera très certainement rejetée. Donc en fait, c'est le moment de vérité et cela à double titre. Déjà, puisque la cour, pendant l'audience, va vérifier la véracité du récit du demandeur d'asile. Et ensuite, c'est là que se décide finalement l'issue de toute la procédure d'asile. C'est dire à quel point cette étape est absolument cruciale. Le cadre étant posé, on peut passer au concret avec notre invitée, Mélissa. Peux-tu commencer par te présenter, s'il te plaît ?

  • Speaker #2

    Je te remercie, Salomé. Alors moi, je suis Mélissa Cardoso, je suis avocate au barreau de Paris. J'exerce en droit des étrangers, comme tu l'as rappelé, mais également en droit d'asile. Alors, j'exerce depuis novembre 2021, mais je... Je côtoie le droit d'asile depuis bien plus longtemps, puisque après la fin de mes études, j'ai eu la chance d'exercer, d'avoir mon premier emploi en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, donc en tant que juriste et référente sociale. Donc le droit d'asile, je le connais bien depuis maintenant neuf années. Et voilà, c'est un contentieux que j'apprécie particulièrement, qui a motivé mon accès à cette profession d'avocat.

  • Speaker #0

    Mélissa, est-ce que tu peux commencer par nous raconter une audience à la CNDA ? J'aimerais que pendant les cinq prochaines minutes, on se téléporte de Pantin à Montreuil dans une salle de la cour et que tu nous expliques, que tu nous décrives en fait ce qu'il s'y passe, qui sont les acteurs, quelles sont leurs places, leurs rôles et quelle est la durée moyenne d'une audience. Vraiment, on veut plonger dans une audience à la CNDA.

  • Speaker #2

    Alors, tout d'abord, il faut savoir que le demandeur d'asile introduit un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Et à la suite de ce recours, il va être convoqué devant la CNDA. Les convocations arrivent en général, alors les procédures ont été un petit peu accélérées ces derniers temps, donc les convocations arrivent assez rapidement, ça peut être entre 3 mois, peut-être 6 mois. Et donc le demandeur va recevoir une convocation dans laquelle il va être mentionné l'heure de la convocation, la date bien sûr, et la salle dans laquelle il va être reçu. Donc comme tu l'as rappelé, il y a aussi les chambres territoriales. Donc maintenant, il y a des audiences de la cour. Alors il y a déjà celle de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Nancy. qui fonctionne déjà et nous attendons l'ouverture de Marseille et Nantes pour la rentrée. recevoir sa convocation lorsqu'il va arriver à la CNDA le jour J. Il va passer la sécurité de la cour et ensuite il va attendre dans une salle d'attente qui est dédiée, qui est prévue pour chaque salle d'audience. Donc c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile dans lequel il va attendre son passage en audience. Donc moi souvent j'arrive un petit peu avant l'heure de la convocation. pour rencontrer le demandeur d'asile parce que parfois j'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, en tout cas physiquement. Donc c'est un moment d'échange et de réconfort, on va dire, avant le passage à l'audience. Donc il y a plusieurs horaires qui sont prévus à la cour. Il y a l'audience de 9h, l'audience de 10h30, l'audience de 14h et l'audience de 15h30. Il faut savoir qu'à la cour... C'est pas parce qu'on est convoqué à 9h qu'on va passer à 9h. Il y a plusieurs dossiers qui sont prévus pour chaque créneau et effectivement parfois on n'arrive pas à passer tous les dossiers parce que les audiences, c'est une audience. On sait à l'heure à laquelle on commence, mais on ne sait jamais à l'heure à laquelle on termine. Donc, c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile parce que moi, j'ai toujours cet avertissement que peut-être ce n'est pas le jour. où il va avoir son audience parce qu'il y a ce risque qui est un renvoi parce qu'on n'aura pas eu le temps d'étudier le dossier. Donc l'audience, très concrètement, il va rentrer dans la salle d'audience. Pour les personnes non francophones qui auront un interprète, l'avocat est toujours assis à côté du demandeur d'asile. À ses côtés également, donc sur sa gauche, il y aura un interprète de la cour. Ensuite, vous avez donc à votre droite, dans la salle, il y aura donc la personne qui s'appelle le rapporteur. Comme j'explique à mes clients, le rapporteur n'est pas un juge, c'est une personne qui lit un rapport, qui reprend les termes du dossier. Et donc ensuite, vous êtes face à un... si c'est une audience à juge unique ou face à trois juges si c'est une audience, ce qu'on appelle une formation collégiale. Donc la première personne qui va prendre la parole, ça sera monsieur ou madame la rapporteure, donc qui va exposer son rapport et ensuite à la fin de la lecture du rapport, qui se fera l'objet d'une traduction par monsieur ou madame l'interprète de la cour, vous aurez donc les questions du juge ou des juges. de la cour et donc ces questions, elles peuvent durer 30 minutes, 40 minutes, 1 heure, 2 heures. Moi, j'ai parfois eu des audiences qui ont duré 2 heures et demie et parfois des audiences qui ont duré 30 minutes. Et donc ensuite, suite aux questions auxquelles le demandeur d'asile va répondre, il y aura la plaidoirie de l'avocat. Et ensuite, l'affaire sera mise en délibéré. ça veut dire que le président de la formation ou le juge unique donnera une date à laquelle on aura connaissance du sens du délibéré.

  • Speaker #1

    Waouh, merci pour cette plongée.

  • Speaker #2

    Peut-être un petit peu long.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Moi, il me semble que je vois toujours une cinquième personne qui est présente à la cour, mais finalement qui ne sert qu'à gérer le rôle de l'audience, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Je l'oublie. On l'oublie. Oui, on l'oublie alors qu'ils sont... parfaitement essentiel à l'organisation, c'est le secrétaire d'audience. Alors cette personne, effectivement, en réalité, c'est la première personne qui va prendre la parole pour annoncer l'affaire qui va avoir lieu.

  • Speaker #0

    Et c'est aussi notre interlocuteur pour savoir si les audiences se déroulent dans un délai normal ou si on a des risques de renvoi parce que les audiences se prolongent, etc.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Après cette belle présentation d'une audience, j'aimerais qu'on parle de ta pratique et que pour ça tu nous décrives l'audience qui pour toi a été la plus marquante, que ce soit parce que tu t'es sentie dans ton rôle d'avocate ou parce que le demandeur d'asile ou la demandeuse d'asile étaient bouleversées par ce moment-là et que tu as été un soutien. A quelle affaire tu penses ?

  • Speaker #2

    Bon, évidemment, cette question, elle est difficile parce qu'elles sont... Toute marquante d'une certaine manière. C'est jamais anodin de plaider pour un demandeur d'asile parce qu'on se dit qu'on arrive, comme tu l'as rappelé, c'est un moment crucial de la demande d'asile. L'enjeu, il est énorme parce que c'est savoir si un demandeur d'asile va obtenir une protection, s'il va être protégé par la France. Donc c'est évidemment un moment crucial. Pour moi, alors là, je pense à une affaire parce qu'elle est récente et qu'elle m'a particulièrement touchée en tant que femme. Parce qu'avant d'être avocat, on est évidemment un être humain et on fait des liens avec peut-être des histoires personnelles ou pas. Mais en tout cas, une histoire peut toujours résonner quelque part en soi. Je pense au dossier d'une femme djiboutienne qui, j'ai appris au deuxième entretien de préparation qu'elle n'avait pas tout dit lors de l'entretien à l'OFPRA et n'avait pas évoqué son homosexualité. Et donc effectivement, j'ai compris que j'avais été finalement la première personne à laquelle elle... Elle en a parlé et donc voilà, ça a été touchant parce qu'on se rend compte que les parcours des demandeurs d'asile, c'est des parcours difficiles. La verbalisation, bien évidemment, ou là, des sentiments, et c'est ce qui transparaissait chez ma cliente, c'est des sentiments de honte, de culpabilité. Et j'ai été très fière et je l'ai remerciée pour le fait qu'elle m'ait... confier quelque chose d'aussi important. Et donc, effectivement, on a retravaillé le récit. Ça a été un long travail et pas facile, surtout pour ma cliente. Mais l'audience a eu lieu il y a peut-être deux mois, je pense. Donc l'audience a été très difficile parce que Madame, alors, effectivement, il y avait la question de l'homosexualité et le fait qu'elle l'évoquait pour la première fois. Son orientation sexuelle devant les juges de la cour, puisqu'on était en plus en formation collégiale. Mais il y avait aussi des faits de mariage forcé, où elle avait été mariée de force à un homme qui a l'âge de mon grand-père, alors qu'elle n'avait que 21 ans. Et donc elle évoquait effectivement tout son récit et consistait à expliquer qu'elle avait été mariée de force pour cacher, pour faire taire les rumeurs. quant à son homosexualité par son père, puisqu'il avait eu vent de ces rumeurs. Et donc, effectivement, elle a également évoqué de façon très digne les violences sexuelles dont elle a été victime par cet homme de 70 ans. Et donc, ça a été très difficile. Et j'ai senti, puisqu'effectivement, on est juste à côté des demandeurs d'asile qu'on assiste, j'ai senti cette détresse. à l'évocation de ce vécu. Et nous avons eu la chance, alors je ne reviendrai peut-être pas sur les questions qu'il y a pu avoir d'un des juges, mais en tout cas, les deux autres, et notamment le président, ont été particulièrement attentifs et ont fait preuve de précaution dans les questions qui lui ont été posées. Et il est vrai qu'en plaidant, j'ai un peu parlé de cela, du fait que Finalement, j'avais eu la chance d'être la confidente de Madame sur ce point parfaitement essentiel. Et c'est vrai que j'ai senti, parce que j'ai regardé les juges dans les yeux, j'ai senti vraiment que je m'étais battue en plaidant. Et finalement, la bonne nouvelle est qu'elle a été protégée et qu'elle a obtenu un statut de réfugiée.

  • Speaker #0

    Mélissa, je te propose d'écouter Fleur Boixière, notre consoeur, qui va nous parler de la territorialisation de la CNDA. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une douce chronique où l'on va parler de la régionalisation de la CNDA. C'est LA grande nouveauté de l'année 2024 en droit d'asile. C'est vraiment une évolution structurelle majeure dans la matière, et donc un petit casse-tête, il faut le dire, que ce soit pour l'administration, pour les avocats, les travailleurs sociaux, et bien évidemment pour les demandeurs d'asile eux-mêmes. Et effectivement, on comprend bien pourquoi, puisque depuis sa création en 1952, la CNDA a toujours siégé exclusivement à Montreuil, en région parisienne. Comme vous pouvez l'imaginer, cette centralisation pose un grand nombre de difficultés pratiques, puisqu'avec plus de 56 000 recours enregistrés rien qu'en 2024, les délais explosent et les déplacements imposés aux demandeurs, qui sont souvent dans des situations de grande précarité, compliquent vraiment leur accès à la justice. Un demandeur d'asile pouvait par exemple se Il se déplaçait du sud de la France pour voir son audience renvoyée une fois arrivé à la cour à cause d'une heure trop tardive, comme on dit dans le jargon. C'est donc pour ces raisons que ce dont on entendait parler depuis de nombreuses années a finalement vu le jour en septembre 2024 avec l'ouverture de quatre chambres territoriales à Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse. Deux nouvelles chambres devraient également ouvrir à Marseille et à Nantes en septembre 2025. L'objectif de cette régionalisation, c'est vraiment de permettre aux demandeurs d'asile de pouvoir saisir une chambre régionale à proximité de leur lieu de résidence pour qu'ils y soient entendus avec un avocat et un interprète, tout en réduisant en même temps les délais de jugement et en allégeant la pression sur Montreuil. Il faut bien comprendre que tout ça va de pair avec la répartition des demandeurs d'asile sur le territoire, puisqu'en réalité, pour éviter la surconcentration des demandeurs d'asile en région parisienne, Lofi les envoie dans des lieux d'hébergement en région. à leur arrivée en France. Ils sont donc répartis sur tout le territoire. Attention, il existe évidemment quelques exceptions à cette régionalisation qui concernent certains pays et certaines langues rares qui continueront d'être jugées à Montreuil. La liste de l'ensemble de ces pays et des langues concernées est disponible et mise à jour sur le site de la CNDA. Alors, doit-on se réjouir de cette nouveauté ? Si les juges d'un côté nous assurent que cette régionalisation ne remettra pas en cause l'unicité de la position de la Cour et qu'il n'y aura pas de disparité territoriale, on s'interroge quand même. Est-ce qu'il y aura une répartition équitable des moyens administratifs humains et financiers ? Est-ce qu'il y aura une vraie coordination entre les juges des différentes chambres régionales ? Est-ce que les demandeurs d'asile auront un accès effectif à une assistance juridique dans toutes ces nouvelles zones qui peuvent parfois être dotées de peu d'avocats spécialisés ? À ce jour, on n'a pas encore le recul nécessaire pour faire le bilan de cette grande nouveauté et pour dire si, oui ou non, cette réforme a véritablement amélioré l'accès aux juges et l'efficacité de la justice en droit d'asile. Je vous laisse donc avec ces questionnements et vous dis à très vite ! dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    J'enchaîne sur un point qui est vraiment essentiel parce que je rappelle que ce podcast s'adresse particulièrement aux professionnels qui aident les demandeurs d'asile, en l'occurrence, mais les étrangers de manière générale. Comment est-ce qu'un professionnel, un travailleur social, un avocat peut aider Merci. le demandeur d'asile à se préparer à cette audience. Tu as déjà abordé un point qui est de retravailler le récit avec le demandeur d'asile, surtout quand il y a des points nouveaux, des points qui n'avaient pas été abordés devant l'OFPRA. Quels pourraient être tes conseils généraux ? Bien sûr, on ne va pas pouvoir aller dans le détail d'un dossier. Chaque dossier est unique. Mais quels sont les conseils que tu donnerais pour pouvoir se préparer au mieux vraiment aux questions ? qui seront posées en audience.

  • Speaker #2

    Alors, c'est vrai que tu as évoqué la question de la préparation par l'avocat ou le travailleur social. Bon, moi, j'ai eu la chance d'avoir les deux casquettes, donc je sais que le travail, il reste quand même identique, finalement, parce que le travailleur social, j'estime que son rôle est tout à fait essentiel et aussi essentiel que celui de l'avocat. Alors... Effectivement, tous les demandeurs d'asile ne sont pas hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Vous avez beaucoup de demandeurs d'asile qui n'ont même pas accès à une association, qui sont complètement démunis, qui ne bénéficient pas de suivi social et juridique. Pour cela, l'avocat va finalement être celui qui va avoir un rôle tout à fait essentiel. Quand il y a effectivement, que ce soit un travailleur social ou l'avocat, effectivement, l'objectif, c'est le travail du récit. Alors moi, mes conseils, souvent, c'est de retravailler notamment la chronologie parce que c'est beaucoup ça qui fait défaut dans les récits. Alors on l'explique, et ça, on l'explique souvent à la cour. Quand vous êtes un demandeur d'asile, vous arrivez avec vos traumatismes. Donc se rappeler de la date précise à laquelle vous avez vécu telle chose, parfois c'est extrêmement difficile. Mais c'est vrai qu'on constate que les juges de la cour exigent quand même une certaine logique, une certaine logique de temporalité. Donc ça, on essaye avec les demandeurs d'asile de retravailler ça parce qu'on sait qu'ils l'attendent, s'agissant des juges de la cour. Et retravailler, bien évidemment, le fait d'avoir le maximum de détails, parce qu'effectivement, avoir un récit détaillé, c'est ce qui donne davantage de crédibilité. Donc, je dirais la chronologie en premier lieu, et aussi la question du détail. Plus on en aura, mieux ce sera pour la crédibilité.

  • Speaker #0

    Et donc, toi, tu es avocate concrète. Comment se passe cette préparation quand les clients sont en région parisienne ? J'imagine que c'est différent des clients qui sont en région. Est-ce que tu as un protocole ? Combien de fois en moyenne tu vas t'entretenir avec eux ? Est-ce que c'est aussi à l'avocat ? Faire réviser, j'ai envie de dire, le client ou est-ce que là-dessus tu peux les responsabiliser pour leur donner aussi des devoirs à la maison dans l'attente de l'audience ? Comment ça s'organise tout ça ?

  • Speaker #2

    Alors j'ai une phrase que j'utilise beaucoup avec mes clients, c'est « je suis maître mais vous êtes également maître de votre dossier » . C'est-à-dire que je considère, et c'était déjà le cas quand j'étais travailleuse sociale, c'était de dire « c'est votre dossier et vous, vous êtes le meilleur défenseur de votre dossier » . Donc évidemment, on est là pour accompagner, pour assister. Donc évidemment, on donnera tous les conseils nécessaires pour que l'audience se passe dans les meilleures conditions possibles. Mais effectivement, parfois j'ai des clients qui n'ont pas l'air très investis. Alors pour plein de choses, pour plein de raisons, il y a plein de paramètres qui rentrent en jeu. Mais effectivement, c'est important. Moi, j'attends que mon client, la personne que j'assiste, soit investie dans son dossier. Merci. Donc effectivement, moi, ma façon de travailler, c'est je reçois ou j'ai par téléphone une première fois lors de l'introduction du recours. Donc au moment de la rédaction du recours, je vais m'entretenir avec le demandeur d'asile pour qu'il me donne, que je le prépare déjà à l'audience qui aura lieu, mais aussi pour qu'on revienne sur les raisons pour lesquelles l'OFRA a rejeté sa demande et que je l'interroge à ce sujet pour voir s'il a des éléments aussi complémentaires. Et effectivement, il y aura un deuxième entretien avec moi. Et donc, ça sera en amont de la convocation. Quand le demandeur d'asile recevra sa convocation, il y aura une vraie préparation, une vraie, comment dire, un premier... Une sorte de simulation. Voilà, une sorte de simulation. Merci, Salomé. À l'audience.

  • Speaker #0

    D'accord. J'enchaîne sur une question. Moi, ma hantise quand je faisais de l'asile, j'en fais un peu moins aujourd'hui, c'était de voir le client qui est donc effectivement juste à notre gauche s'enfoncer à l'audience, ne pas savoir répondre aux questions, bafouiller, être dans la confusion. Et ma hantise, c'était que l'avocat, dans ce cas-là, c'est le dernier à prendre la parole et il a très peu de temps pour réagir face à ça. donc j'imagine que tu as Des parades, des argumentaires juridiques dont tu nous as déjà un peu parlé, notamment sur des traumatismes qui peuvent finalement venir brouiller un peu la mémoire et notamment sur des dates, etc. Mais concrètement, comment on peut rattraper une audience quand le client n'a pas été son meilleur défenseur et que l'avocat doit venir au secours ?

  • Speaker #2

    Alors, c'est toujours compliqué. Ces audiences, elles sont toujours... C'est toujours compliqué, en effet. Alors, moi, ce que je dis souvent, c'est que je ne suis pas magicienne. Je fais avec les moyens du bord. Donc, oui, rattraper, on peut essayer. On peut essayer de fournir des explications au juge de la cour. Bon, parfois, ils comprennent bien que ça va être compliqué. Et tout le monde est aussi à cette intelligence. moi je suis pas là aussi pour euh Pour raconter n'importe quoi, il y a aussi une certaine crédibilité, un certain professionnalisme, sachant que les juges de la cour, avec le temps, on les connaît, on se retrouve aussi devant eux dans d'autres audiences par la suite. Donc on essaye de trouver des arguments. Parfois, on n'en a pas tellement, mais on fait avec ce qu'on a. On essaye.

  • Speaker #0

    Tu me rassures. Je te demandais quelle était ton expérience la plus marquante. Tu m'en as parlé d'une qui s'est bien terminée. Quelle a été ta pire expérience à la CNDA ?

  • Speaker #2

    J'ai tout de suite en tête une audience qui m'a partie, qui a été la pire. Après, je vais être très sincère, Salomé, il y en a eu pas mal des audiences où ça ne se passe pas très bien. Pour plein de raisons. Mais celle-ci en particulier à laquelle je pense, c'est celle d'une demandeuse d'asile qui avait subi des choses absolument atroces, des viols dans son pays, des vols sur le parcours d'exil. Et malheureusement, on était tombé sur un juge qui a été révoqué de la cour, je ne connais pas son nom. mais je pense que les professionnels qui n'est plus juge actuellement, en tout cas pas la CNDA, et donc qui avait bien évidemment pris sa décision avant même qu'on commence. Donc je savais que peu importe ce que j'allais dire, ça n'allait pas fonctionner, qu'on allait être rejeté. Évidemment, il a rejeté tout le rôle de la journée, sans surprise. Et ça a été extrêmement difficile parce que le récit, ma cliente a été particulièrement digne parce qu'elle a été en mesure de raconter tous les atrocités qu'elle avait vécues avec énormément de dignité. Et on était face à un juge qui effectivement n'avait aucune empathie ni encore moins d'humanité. Et donc le sentiment que j'ai eu, alors évidemment à l'évocation de toutes ces horreurs, c'est difficile, nous en tant qu'aussi, même si on s'habitue à l'horreur, je t'avoue que quand je suis sortie d'audience, j'avais envie de craquer, parce que c'était une des premières fois où ça a été extrêmement difficile. Et j'ai eu aussi ce sentiment d'impuissance totale, parce que je savais que quoi que je dise, quoi que je plaide, on n'allait pas obtenir une protection. Donc je pense à cette cliente, j'espère qu'elle a pu peut-être faire une demande de réexamen. Je ne sais pas, en tout cas, j'espère que... Je pense à elle en tout cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et donc tu as commencé un peu à nous parler de l'attitude de certains juges de la CNDA. Est-ce que depuis que tu exerces un droit d'asile, tu as constaté un durcissement ? des juges et notamment des questions qu'ils peuvent poser ? Est-ce qu'il y a toujours eu les mêmes biais, les mêmes abus, mais finalement répartis entre certains juges ? Oui,

  • Speaker #2

    je dirais plutôt ça. Peut-être que mes confrères plus expérimentés auront un point de vue différent. Moi, je constate, puisque j'exerçais à la cour depuis... Quatre ans, ce qui n'est pas énorme. Alors quand on est juriste ou travailleur social, on n'assiste pas aux audiences de la cour. Mais ce que je constate, c'est que les juges difficiles, ils restent difficiles et les juges plutôt bienveillants, ils le restent en général. Alors bienveillant, je... souvent, et nous on comprend, on est quand même des avocats, on est des professionnels du droit, de la justice, on comprend que parfois, oui, on ne va pas protéger cette personne parce que les éléments ne sont pas assez solides ou il n'y a pas d'éléments particuliers qui font que elle devrait être protégée. On a quand même ce discernement en tant qu'avocat, mais voilà, c'est vrai que certains juges, on sait par avance que ça ne passera pas, que certaines... que certains dossiers ne passeront pas et je pense que tant que ces personnes-là continueront à siéger, on saura que sur telle thématique, ça sera compliqué. Mais voilà, on se dit, on continue quand même à le combat, parce que sinon, on arrête tout et on ferme tout et ça, c'est pas possible.

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as constaté que parfois, ça sert de s'énerver un peu, de hausser la voix ? Parce que c'est ma deuxième hantise. Moi, je sais que je n'osais pas vraiment le faire. Je préférais passer par une note en délibéré qui est finalement un mémoire des écritures qu'on peut produire après l'audience, notamment quand on considère que des questions étaient particulièrement biaisées, etc. Mais en audience, moi, je ne savais pas forcément comment me positionner. J'avais peur que ce soit au détriment de mon client.

  • Speaker #2

    Oui, et aussi, je pense, Salomé, peut-être que tu seras d'accord avec moi, on a aussi un peu Cette crise de la légitimité aussi en tant que jeune avocate, de se dire est-ce que je dois prendre la parole face à des juges pour dire qu'effectivement ça c'est pas ok, c'est pas acceptable d'entendre. Alors moi, beaucoup plus maintenant, je laisse moins de choses passer. Alors effectivement, il y a eu des fois où en plaidant j'ai rappelé quand même que des choses n'étaient pas... audibles, n'étaient pas acceptables. Alors j'ai constaté que deux fois où c'était arrivé, finalement le juge avait quand même protégé mon client et mes clients. Parce qu'en fait, je pense que peut-être, alors peut-être que ça les touche peut-être dans leur égo, ce qu'on peut comprendre, mais ils ont quand même ce discernement. Et ils comprennent aussi qu'un avocat, bah oui, il est là pour défendre les intérêts de son client et que oui, il y a des choses qui doivent se dire en audience et qui doivent pas se passer ainsi. Alors effectivement, parfois ça passe en audience, mais ça passe aussi, comme tu le disais très bien, les notes en délibéré. parce que nous, ce que je rappelle souvent aussi aux juges de la Cour, c'est que ces notes en délibéré, elles sont importantes parce que ça peut permettre, si on l'estime nécessaire après le rendu d'une décision. Moi, c'est toujours une preuve qu'une audience s'est mal passée et que si je dois aller devant le Conseil d'État pour contester cette décision, je le ferai. Et ça reste une preuve, une trace écrite d'une audience qui s'est mal passée.

  • Speaker #0

    On a parlé des demandeurs d'asile qui affrontent cette étape de l'audience à la CNDA, mais il y a des demandeurs d'asile qui n'auront pas cette chance, finalement, d'aller en audience. Il y en a qui sont triés, on dit ça communément, une ordonnance de tri qui est prise par la CNDA avant d'être convoquée à l'audience. Est-ce que ça t'arrive dans beaucoup de dossiers ? Et la question qui suit, c'est est-ce que c'est un signe que l'avocat a mal fait son travail ?

  • Speaker #2

    Alors, pour ma part, oui, j'en ai reçu une ce matin. C'est tout frais. Alors, nous, on constate que les ordonnances de tri visent souvent les mêmes nationalités. Alors, moi, je fais désormais partie du réseau Elena, donc des avocats en droit d'asile. Et il y avait eu quand même des courriers à la présidence de la Cour sur la question, notamment des Bengladais qui déposaient pour la première fois une demande d'asile. Donc, on ne parle même pas de personnes qui redéposent. Et donc, ils sont en réexamen. On parle de demandeurs d'asile, des primo-demandeurs d'asile, comme on l'appelle communément, et qui font l'objet d'ordonnances de tri. Donc, ça veut dire que ces personnes n'auront jamais accès à une audience publique. Donc ça, on avait évidemment, enfin, mes confrères d'Hélène avaient adressé des courriers à la cour. Eh bien, écoutez, ce matin, ça n'a pas empêché un juge de la cour de prendre cette ordonnance de tri concernant un Bengladais. que j'ai assisté. On constate aussi qu'effectivement, avec le temps et le durcissement du contexte, les ordonnances de tri sont plus récurrentes, exactement. Et notamment, alors les réexamens, n'en parlons pas, même des dossiers afghans qui déposent, dans lesquels il y a des réexamens, c'est trié. Le travail de l'avocat, alors oui, il est important. Évidemment, les recours doivent être quand même complets. Il faut que ça soit sourcé. Il faut qu'il y ait des choses, des éléments permettant de contester la décision de l'OFPRA. Mais je pense qu'il y a aussi une appréciation souveraine des juges de la Cour et qui ont tendance à aller vers cette pratique de l'ordonnance de tri.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question pour toi. Pourquoi continues-tu à faire du droit d'asile ?

  • Speaker #2

    Je me le demande parfois. Pourquoi ? Parce que ça a été ma motivation première quand j'ai décidé de devenir avocate, ce contentieux, parce que je considère que les demandeurs d'asile sont le public le plus vulnérable. C'est des personnes qui ont été contraintes, même si évidemment je ne fais aucune hiérarchie entre une personne qui part de son pays pour des raisons économiques, familiales, personnelles, etc. Mais là, on parle d'un public qui a été contraint de fuir son pays d'origine, donc a tout quitté souvent, qu'a quitté outre son pays, a quitté sa famille, peut-être ses enfants, son épouse. Et donc, c'est des personnes qui ont, avant toute première chose, un besoin de protection. Et donc, évidemment, ce public-là... Il me motive à me surpasser au quotidien et je continuerai jusqu'à ce que j'en ai la force, j'espère, longtemps. Voilà, donc je continuerai pour le moment en tout cas.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Mélissa. Merci pour ce partage de tes conseils, de tes pratiques. Merci également à Eva Bensadi qui a coproduit cet épisode. Et merci à vous d'avoir écouté Étranges Droits. N'oubliez pas que chaque situation est unique et que les informations que nous partageons ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats qui font souvent bien leur travail. Je vous renvoie vers le site du GST pour trouver une assistance près de chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qui est le droit des étrangers.

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Description

Aujourd’hui, on pousse les portes d’une audience à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Comment se déroule une audience ? Quel est le rôle de l'avocat face aux juges ? Comment préparer son récit pour convaincre ?


Avec notre invitée : Maître Mélissa Cardoso, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, vous l'avez compris, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Bensadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin.

  • Speaker #1

    Vous allez aussi entendre pendant l'épisode ma chère consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on va pousser les portes d'une audience à la Cour Nationale du Droit d'Asile avec notre invitée, ma consoeur Mélissa Cardozo, avocate en droit des étrangers, exerçant au barreau de Paris et qui passe souvent plus de temps à la CNDA qu'à son propre cabinet. Je me trompe, Mélissa ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Je vais rapidement présenter la CNDA, qui est une juridiction particulière. Déjà, on parle de la plus grosse juridiction administrative de France, puisqu'elle rend plus de 60 000 décisions par an. Quelles décisions ? La CNDA, c'est une juridiction qui, pour faire simple, accorde ou refuse la protection internationale aux demandeurs d'asile après un rejet par l'OFPRA. Son taux de protection, il est assez stable, il est d'environ 20%, comprenez donc donc 80% de rejet à la CNDA, ce qui est très motivant. Où est située la cour ? Eh bien avant c'était simple, elle était centralisée à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, à deux pas d'ici. Mais depuis 2024, il existe des chambres territoriales de la cour dans d'autres villes. Alors vous me direz pourquoi un épisode entier sur l'audience à la CNDA ? Eh bien, c'est simple. L'audience... C'est le moment décisif de la demande d'asile. Tu ne démentiras pas, je pense, Mélissa. Vous pouvez avoir le meilleur dossier du monde, les preuves les plus solides, mais si l'audience ne convainc pas, la demande sera très certainement rejetée. Donc en fait, c'est le moment de vérité et cela à double titre. Déjà, puisque la cour, pendant l'audience, va vérifier la véracité du récit du demandeur d'asile. Et ensuite, c'est là que se décide finalement l'issue de toute la procédure d'asile. C'est dire à quel point cette étape est absolument cruciale. Le cadre étant posé, on peut passer au concret avec notre invitée, Mélissa. Peux-tu commencer par te présenter, s'il te plaît ?

  • Speaker #2

    Je te remercie, Salomé. Alors moi, je suis Mélissa Cardoso, je suis avocate au barreau de Paris. J'exerce en droit des étrangers, comme tu l'as rappelé, mais également en droit d'asile. Alors, j'exerce depuis novembre 2021, mais je... Je côtoie le droit d'asile depuis bien plus longtemps, puisque après la fin de mes études, j'ai eu la chance d'exercer, d'avoir mon premier emploi en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, donc en tant que juriste et référente sociale. Donc le droit d'asile, je le connais bien depuis maintenant neuf années. Et voilà, c'est un contentieux que j'apprécie particulièrement, qui a motivé mon accès à cette profession d'avocat.

  • Speaker #0

    Mélissa, est-ce que tu peux commencer par nous raconter une audience à la CNDA ? J'aimerais que pendant les cinq prochaines minutes, on se téléporte de Pantin à Montreuil dans une salle de la cour et que tu nous expliques, que tu nous décrives en fait ce qu'il s'y passe, qui sont les acteurs, quelles sont leurs places, leurs rôles et quelle est la durée moyenne d'une audience. Vraiment, on veut plonger dans une audience à la CNDA.

  • Speaker #2

    Alors, tout d'abord, il faut savoir que le demandeur d'asile introduit un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Et à la suite de ce recours, il va être convoqué devant la CNDA. Les convocations arrivent en général, alors les procédures ont été un petit peu accélérées ces derniers temps, donc les convocations arrivent assez rapidement, ça peut être entre 3 mois, peut-être 6 mois. Et donc le demandeur va recevoir une convocation dans laquelle il va être mentionné l'heure de la convocation, la date bien sûr, et la salle dans laquelle il va être reçu. Donc comme tu l'as rappelé, il y a aussi les chambres territoriales. Donc maintenant, il y a des audiences de la cour. Alors il y a déjà celle de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Nancy. qui fonctionne déjà et nous attendons l'ouverture de Marseille et Nantes pour la rentrée. recevoir sa convocation lorsqu'il va arriver à la CNDA le jour J. Il va passer la sécurité de la cour et ensuite il va attendre dans une salle d'attente qui est dédiée, qui est prévue pour chaque salle d'audience. Donc c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile dans lequel il va attendre son passage en audience. Donc moi souvent j'arrive un petit peu avant l'heure de la convocation. pour rencontrer le demandeur d'asile parce que parfois j'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, en tout cas physiquement. Donc c'est un moment d'échange et de réconfort, on va dire, avant le passage à l'audience. Donc il y a plusieurs horaires qui sont prévus à la cour. Il y a l'audience de 9h, l'audience de 10h30, l'audience de 14h et l'audience de 15h30. Il faut savoir qu'à la cour... C'est pas parce qu'on est convoqué à 9h qu'on va passer à 9h. Il y a plusieurs dossiers qui sont prévus pour chaque créneau et effectivement parfois on n'arrive pas à passer tous les dossiers parce que les audiences, c'est une audience. On sait à l'heure à laquelle on commence, mais on ne sait jamais à l'heure à laquelle on termine. Donc, c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile parce que moi, j'ai toujours cet avertissement que peut-être ce n'est pas le jour. où il va avoir son audience parce qu'il y a ce risque qui est un renvoi parce qu'on n'aura pas eu le temps d'étudier le dossier. Donc l'audience, très concrètement, il va rentrer dans la salle d'audience. Pour les personnes non francophones qui auront un interprète, l'avocat est toujours assis à côté du demandeur d'asile. À ses côtés également, donc sur sa gauche, il y aura un interprète de la cour. Ensuite, vous avez donc à votre droite, dans la salle, il y aura donc la personne qui s'appelle le rapporteur. Comme j'explique à mes clients, le rapporteur n'est pas un juge, c'est une personne qui lit un rapport, qui reprend les termes du dossier. Et donc ensuite, vous êtes face à un... si c'est une audience à juge unique ou face à trois juges si c'est une audience, ce qu'on appelle une formation collégiale. Donc la première personne qui va prendre la parole, ça sera monsieur ou madame la rapporteure, donc qui va exposer son rapport et ensuite à la fin de la lecture du rapport, qui se fera l'objet d'une traduction par monsieur ou madame l'interprète de la cour, vous aurez donc les questions du juge ou des juges. de la cour et donc ces questions, elles peuvent durer 30 minutes, 40 minutes, 1 heure, 2 heures. Moi, j'ai parfois eu des audiences qui ont duré 2 heures et demie et parfois des audiences qui ont duré 30 minutes. Et donc ensuite, suite aux questions auxquelles le demandeur d'asile va répondre, il y aura la plaidoirie de l'avocat. Et ensuite, l'affaire sera mise en délibéré. ça veut dire que le président de la formation ou le juge unique donnera une date à laquelle on aura connaissance du sens du délibéré.

  • Speaker #1

    Waouh, merci pour cette plongée.

  • Speaker #2

    Peut-être un petit peu long.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Moi, il me semble que je vois toujours une cinquième personne qui est présente à la cour, mais finalement qui ne sert qu'à gérer le rôle de l'audience, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Je l'oublie. On l'oublie. Oui, on l'oublie alors qu'ils sont... parfaitement essentiel à l'organisation, c'est le secrétaire d'audience. Alors cette personne, effectivement, en réalité, c'est la première personne qui va prendre la parole pour annoncer l'affaire qui va avoir lieu.

  • Speaker #0

    Et c'est aussi notre interlocuteur pour savoir si les audiences se déroulent dans un délai normal ou si on a des risques de renvoi parce que les audiences se prolongent, etc.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Après cette belle présentation d'une audience, j'aimerais qu'on parle de ta pratique et que pour ça tu nous décrives l'audience qui pour toi a été la plus marquante, que ce soit parce que tu t'es sentie dans ton rôle d'avocate ou parce que le demandeur d'asile ou la demandeuse d'asile étaient bouleversées par ce moment-là et que tu as été un soutien. A quelle affaire tu penses ?

  • Speaker #2

    Bon, évidemment, cette question, elle est difficile parce qu'elles sont... Toute marquante d'une certaine manière. C'est jamais anodin de plaider pour un demandeur d'asile parce qu'on se dit qu'on arrive, comme tu l'as rappelé, c'est un moment crucial de la demande d'asile. L'enjeu, il est énorme parce que c'est savoir si un demandeur d'asile va obtenir une protection, s'il va être protégé par la France. Donc c'est évidemment un moment crucial. Pour moi, alors là, je pense à une affaire parce qu'elle est récente et qu'elle m'a particulièrement touchée en tant que femme. Parce qu'avant d'être avocat, on est évidemment un être humain et on fait des liens avec peut-être des histoires personnelles ou pas. Mais en tout cas, une histoire peut toujours résonner quelque part en soi. Je pense au dossier d'une femme djiboutienne qui, j'ai appris au deuxième entretien de préparation qu'elle n'avait pas tout dit lors de l'entretien à l'OFPRA et n'avait pas évoqué son homosexualité. Et donc effectivement, j'ai compris que j'avais été finalement la première personne à laquelle elle... Elle en a parlé et donc voilà, ça a été touchant parce qu'on se rend compte que les parcours des demandeurs d'asile, c'est des parcours difficiles. La verbalisation, bien évidemment, ou là, des sentiments, et c'est ce qui transparaissait chez ma cliente, c'est des sentiments de honte, de culpabilité. Et j'ai été très fière et je l'ai remerciée pour le fait qu'elle m'ait... confier quelque chose d'aussi important. Et donc, effectivement, on a retravaillé le récit. Ça a été un long travail et pas facile, surtout pour ma cliente. Mais l'audience a eu lieu il y a peut-être deux mois, je pense. Donc l'audience a été très difficile parce que Madame, alors, effectivement, il y avait la question de l'homosexualité et le fait qu'elle l'évoquait pour la première fois. Son orientation sexuelle devant les juges de la cour, puisqu'on était en plus en formation collégiale. Mais il y avait aussi des faits de mariage forcé, où elle avait été mariée de force à un homme qui a l'âge de mon grand-père, alors qu'elle n'avait que 21 ans. Et donc elle évoquait effectivement tout son récit et consistait à expliquer qu'elle avait été mariée de force pour cacher, pour faire taire les rumeurs. quant à son homosexualité par son père, puisqu'il avait eu vent de ces rumeurs. Et donc, effectivement, elle a également évoqué de façon très digne les violences sexuelles dont elle a été victime par cet homme de 70 ans. Et donc, ça a été très difficile. Et j'ai senti, puisqu'effectivement, on est juste à côté des demandeurs d'asile qu'on assiste, j'ai senti cette détresse. à l'évocation de ce vécu. Et nous avons eu la chance, alors je ne reviendrai peut-être pas sur les questions qu'il y a pu avoir d'un des juges, mais en tout cas, les deux autres, et notamment le président, ont été particulièrement attentifs et ont fait preuve de précaution dans les questions qui lui ont été posées. Et il est vrai qu'en plaidant, j'ai un peu parlé de cela, du fait que Finalement, j'avais eu la chance d'être la confidente de Madame sur ce point parfaitement essentiel. Et c'est vrai que j'ai senti, parce que j'ai regardé les juges dans les yeux, j'ai senti vraiment que je m'étais battue en plaidant. Et finalement, la bonne nouvelle est qu'elle a été protégée et qu'elle a obtenu un statut de réfugiée.

  • Speaker #0

    Mélissa, je te propose d'écouter Fleur Boixière, notre consoeur, qui va nous parler de la territorialisation de la CNDA. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une douce chronique où l'on va parler de la régionalisation de la CNDA. C'est LA grande nouveauté de l'année 2024 en droit d'asile. C'est vraiment une évolution structurelle majeure dans la matière, et donc un petit casse-tête, il faut le dire, que ce soit pour l'administration, pour les avocats, les travailleurs sociaux, et bien évidemment pour les demandeurs d'asile eux-mêmes. Et effectivement, on comprend bien pourquoi, puisque depuis sa création en 1952, la CNDA a toujours siégé exclusivement à Montreuil, en région parisienne. Comme vous pouvez l'imaginer, cette centralisation pose un grand nombre de difficultés pratiques, puisqu'avec plus de 56 000 recours enregistrés rien qu'en 2024, les délais explosent et les déplacements imposés aux demandeurs, qui sont souvent dans des situations de grande précarité, compliquent vraiment leur accès à la justice. Un demandeur d'asile pouvait par exemple se Il se déplaçait du sud de la France pour voir son audience renvoyée une fois arrivé à la cour à cause d'une heure trop tardive, comme on dit dans le jargon. C'est donc pour ces raisons que ce dont on entendait parler depuis de nombreuses années a finalement vu le jour en septembre 2024 avec l'ouverture de quatre chambres territoriales à Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse. Deux nouvelles chambres devraient également ouvrir à Marseille et à Nantes en septembre 2025. L'objectif de cette régionalisation, c'est vraiment de permettre aux demandeurs d'asile de pouvoir saisir une chambre régionale à proximité de leur lieu de résidence pour qu'ils y soient entendus avec un avocat et un interprète, tout en réduisant en même temps les délais de jugement et en allégeant la pression sur Montreuil. Il faut bien comprendre que tout ça va de pair avec la répartition des demandeurs d'asile sur le territoire, puisqu'en réalité, pour éviter la surconcentration des demandeurs d'asile en région parisienne, Lofi les envoie dans des lieux d'hébergement en région. à leur arrivée en France. Ils sont donc répartis sur tout le territoire. Attention, il existe évidemment quelques exceptions à cette régionalisation qui concernent certains pays et certaines langues rares qui continueront d'être jugées à Montreuil. La liste de l'ensemble de ces pays et des langues concernées est disponible et mise à jour sur le site de la CNDA. Alors, doit-on se réjouir de cette nouveauté ? Si les juges d'un côté nous assurent que cette régionalisation ne remettra pas en cause l'unicité de la position de la Cour et qu'il n'y aura pas de disparité territoriale, on s'interroge quand même. Est-ce qu'il y aura une répartition équitable des moyens administratifs humains et financiers ? Est-ce qu'il y aura une vraie coordination entre les juges des différentes chambres régionales ? Est-ce que les demandeurs d'asile auront un accès effectif à une assistance juridique dans toutes ces nouvelles zones qui peuvent parfois être dotées de peu d'avocats spécialisés ? À ce jour, on n'a pas encore le recul nécessaire pour faire le bilan de cette grande nouveauté et pour dire si, oui ou non, cette réforme a véritablement amélioré l'accès aux juges et l'efficacité de la justice en droit d'asile. Je vous laisse donc avec ces questionnements et vous dis à très vite ! dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    J'enchaîne sur un point qui est vraiment essentiel parce que je rappelle que ce podcast s'adresse particulièrement aux professionnels qui aident les demandeurs d'asile, en l'occurrence, mais les étrangers de manière générale. Comment est-ce qu'un professionnel, un travailleur social, un avocat peut aider Merci. le demandeur d'asile à se préparer à cette audience. Tu as déjà abordé un point qui est de retravailler le récit avec le demandeur d'asile, surtout quand il y a des points nouveaux, des points qui n'avaient pas été abordés devant l'OFPRA. Quels pourraient être tes conseils généraux ? Bien sûr, on ne va pas pouvoir aller dans le détail d'un dossier. Chaque dossier est unique. Mais quels sont les conseils que tu donnerais pour pouvoir se préparer au mieux vraiment aux questions ? qui seront posées en audience.

  • Speaker #2

    Alors, c'est vrai que tu as évoqué la question de la préparation par l'avocat ou le travailleur social. Bon, moi, j'ai eu la chance d'avoir les deux casquettes, donc je sais que le travail, il reste quand même identique, finalement, parce que le travailleur social, j'estime que son rôle est tout à fait essentiel et aussi essentiel que celui de l'avocat. Alors... Effectivement, tous les demandeurs d'asile ne sont pas hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Vous avez beaucoup de demandeurs d'asile qui n'ont même pas accès à une association, qui sont complètement démunis, qui ne bénéficient pas de suivi social et juridique. Pour cela, l'avocat va finalement être celui qui va avoir un rôle tout à fait essentiel. Quand il y a effectivement, que ce soit un travailleur social ou l'avocat, effectivement, l'objectif, c'est le travail du récit. Alors moi, mes conseils, souvent, c'est de retravailler notamment la chronologie parce que c'est beaucoup ça qui fait défaut dans les récits. Alors on l'explique, et ça, on l'explique souvent à la cour. Quand vous êtes un demandeur d'asile, vous arrivez avec vos traumatismes. Donc se rappeler de la date précise à laquelle vous avez vécu telle chose, parfois c'est extrêmement difficile. Mais c'est vrai qu'on constate que les juges de la cour exigent quand même une certaine logique, une certaine logique de temporalité. Donc ça, on essaye avec les demandeurs d'asile de retravailler ça parce qu'on sait qu'ils l'attendent, s'agissant des juges de la cour. Et retravailler, bien évidemment, le fait d'avoir le maximum de détails, parce qu'effectivement, avoir un récit détaillé, c'est ce qui donne davantage de crédibilité. Donc, je dirais la chronologie en premier lieu, et aussi la question du détail. Plus on en aura, mieux ce sera pour la crédibilité.

  • Speaker #0

    Et donc, toi, tu es avocate concrète. Comment se passe cette préparation quand les clients sont en région parisienne ? J'imagine que c'est différent des clients qui sont en région. Est-ce que tu as un protocole ? Combien de fois en moyenne tu vas t'entretenir avec eux ? Est-ce que c'est aussi à l'avocat ? Faire réviser, j'ai envie de dire, le client ou est-ce que là-dessus tu peux les responsabiliser pour leur donner aussi des devoirs à la maison dans l'attente de l'audience ? Comment ça s'organise tout ça ?

  • Speaker #2

    Alors j'ai une phrase que j'utilise beaucoup avec mes clients, c'est « je suis maître mais vous êtes également maître de votre dossier » . C'est-à-dire que je considère, et c'était déjà le cas quand j'étais travailleuse sociale, c'était de dire « c'est votre dossier et vous, vous êtes le meilleur défenseur de votre dossier » . Donc évidemment, on est là pour accompagner, pour assister. Donc évidemment, on donnera tous les conseils nécessaires pour que l'audience se passe dans les meilleures conditions possibles. Mais effectivement, parfois j'ai des clients qui n'ont pas l'air très investis. Alors pour plein de choses, pour plein de raisons, il y a plein de paramètres qui rentrent en jeu. Mais effectivement, c'est important. Moi, j'attends que mon client, la personne que j'assiste, soit investie dans son dossier. Merci. Donc effectivement, moi, ma façon de travailler, c'est je reçois ou j'ai par téléphone une première fois lors de l'introduction du recours. Donc au moment de la rédaction du recours, je vais m'entretenir avec le demandeur d'asile pour qu'il me donne, que je le prépare déjà à l'audience qui aura lieu, mais aussi pour qu'on revienne sur les raisons pour lesquelles l'OFRA a rejeté sa demande et que je l'interroge à ce sujet pour voir s'il a des éléments aussi complémentaires. Et effectivement, il y aura un deuxième entretien avec moi. Et donc, ça sera en amont de la convocation. Quand le demandeur d'asile recevra sa convocation, il y aura une vraie préparation, une vraie, comment dire, un premier... Une sorte de simulation. Voilà, une sorte de simulation. Merci, Salomé. À l'audience.

  • Speaker #0

    D'accord. J'enchaîne sur une question. Moi, ma hantise quand je faisais de l'asile, j'en fais un peu moins aujourd'hui, c'était de voir le client qui est donc effectivement juste à notre gauche s'enfoncer à l'audience, ne pas savoir répondre aux questions, bafouiller, être dans la confusion. Et ma hantise, c'était que l'avocat, dans ce cas-là, c'est le dernier à prendre la parole et il a très peu de temps pour réagir face à ça. donc j'imagine que tu as Des parades, des argumentaires juridiques dont tu nous as déjà un peu parlé, notamment sur des traumatismes qui peuvent finalement venir brouiller un peu la mémoire et notamment sur des dates, etc. Mais concrètement, comment on peut rattraper une audience quand le client n'a pas été son meilleur défenseur et que l'avocat doit venir au secours ?

  • Speaker #2

    Alors, c'est toujours compliqué. Ces audiences, elles sont toujours... C'est toujours compliqué, en effet. Alors, moi, ce que je dis souvent, c'est que je ne suis pas magicienne. Je fais avec les moyens du bord. Donc, oui, rattraper, on peut essayer. On peut essayer de fournir des explications au juge de la cour. Bon, parfois, ils comprennent bien que ça va être compliqué. Et tout le monde est aussi à cette intelligence. moi je suis pas là aussi pour euh Pour raconter n'importe quoi, il y a aussi une certaine crédibilité, un certain professionnalisme, sachant que les juges de la cour, avec le temps, on les connaît, on se retrouve aussi devant eux dans d'autres audiences par la suite. Donc on essaye de trouver des arguments. Parfois, on n'en a pas tellement, mais on fait avec ce qu'on a. On essaye.

  • Speaker #0

    Tu me rassures. Je te demandais quelle était ton expérience la plus marquante. Tu m'en as parlé d'une qui s'est bien terminée. Quelle a été ta pire expérience à la CNDA ?

  • Speaker #2

    J'ai tout de suite en tête une audience qui m'a partie, qui a été la pire. Après, je vais être très sincère, Salomé, il y en a eu pas mal des audiences où ça ne se passe pas très bien. Pour plein de raisons. Mais celle-ci en particulier à laquelle je pense, c'est celle d'une demandeuse d'asile qui avait subi des choses absolument atroces, des viols dans son pays, des vols sur le parcours d'exil. Et malheureusement, on était tombé sur un juge qui a été révoqué de la cour, je ne connais pas son nom. mais je pense que les professionnels qui n'est plus juge actuellement, en tout cas pas la CNDA, et donc qui avait bien évidemment pris sa décision avant même qu'on commence. Donc je savais que peu importe ce que j'allais dire, ça n'allait pas fonctionner, qu'on allait être rejeté. Évidemment, il a rejeté tout le rôle de la journée, sans surprise. Et ça a été extrêmement difficile parce que le récit, ma cliente a été particulièrement digne parce qu'elle a été en mesure de raconter tous les atrocités qu'elle avait vécues avec énormément de dignité. Et on était face à un juge qui effectivement n'avait aucune empathie ni encore moins d'humanité. Et donc le sentiment que j'ai eu, alors évidemment à l'évocation de toutes ces horreurs, c'est difficile, nous en tant qu'aussi, même si on s'habitue à l'horreur, je t'avoue que quand je suis sortie d'audience, j'avais envie de craquer, parce que c'était une des premières fois où ça a été extrêmement difficile. Et j'ai eu aussi ce sentiment d'impuissance totale, parce que je savais que quoi que je dise, quoi que je plaide, on n'allait pas obtenir une protection. Donc je pense à cette cliente, j'espère qu'elle a pu peut-être faire une demande de réexamen. Je ne sais pas, en tout cas, j'espère que... Je pense à elle en tout cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et donc tu as commencé un peu à nous parler de l'attitude de certains juges de la CNDA. Est-ce que depuis que tu exerces un droit d'asile, tu as constaté un durcissement ? des juges et notamment des questions qu'ils peuvent poser ? Est-ce qu'il y a toujours eu les mêmes biais, les mêmes abus, mais finalement répartis entre certains juges ? Oui,

  • Speaker #2

    je dirais plutôt ça. Peut-être que mes confrères plus expérimentés auront un point de vue différent. Moi, je constate, puisque j'exerçais à la cour depuis... Quatre ans, ce qui n'est pas énorme. Alors quand on est juriste ou travailleur social, on n'assiste pas aux audiences de la cour. Mais ce que je constate, c'est que les juges difficiles, ils restent difficiles et les juges plutôt bienveillants, ils le restent en général. Alors bienveillant, je... souvent, et nous on comprend, on est quand même des avocats, on est des professionnels du droit, de la justice, on comprend que parfois, oui, on ne va pas protéger cette personne parce que les éléments ne sont pas assez solides ou il n'y a pas d'éléments particuliers qui font que elle devrait être protégée. On a quand même ce discernement en tant qu'avocat, mais voilà, c'est vrai que certains juges, on sait par avance que ça ne passera pas, que certaines... que certains dossiers ne passeront pas et je pense que tant que ces personnes-là continueront à siéger, on saura que sur telle thématique, ça sera compliqué. Mais voilà, on se dit, on continue quand même à le combat, parce que sinon, on arrête tout et on ferme tout et ça, c'est pas possible.

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as constaté que parfois, ça sert de s'énerver un peu, de hausser la voix ? Parce que c'est ma deuxième hantise. Moi, je sais que je n'osais pas vraiment le faire. Je préférais passer par une note en délibéré qui est finalement un mémoire des écritures qu'on peut produire après l'audience, notamment quand on considère que des questions étaient particulièrement biaisées, etc. Mais en audience, moi, je ne savais pas forcément comment me positionner. J'avais peur que ce soit au détriment de mon client.

  • Speaker #2

    Oui, et aussi, je pense, Salomé, peut-être que tu seras d'accord avec moi, on a aussi un peu Cette crise de la légitimité aussi en tant que jeune avocate, de se dire est-ce que je dois prendre la parole face à des juges pour dire qu'effectivement ça c'est pas ok, c'est pas acceptable d'entendre. Alors moi, beaucoup plus maintenant, je laisse moins de choses passer. Alors effectivement, il y a eu des fois où en plaidant j'ai rappelé quand même que des choses n'étaient pas... audibles, n'étaient pas acceptables. Alors j'ai constaté que deux fois où c'était arrivé, finalement le juge avait quand même protégé mon client et mes clients. Parce qu'en fait, je pense que peut-être, alors peut-être que ça les touche peut-être dans leur égo, ce qu'on peut comprendre, mais ils ont quand même ce discernement. Et ils comprennent aussi qu'un avocat, bah oui, il est là pour défendre les intérêts de son client et que oui, il y a des choses qui doivent se dire en audience et qui doivent pas se passer ainsi. Alors effectivement, parfois ça passe en audience, mais ça passe aussi, comme tu le disais très bien, les notes en délibéré. parce que nous, ce que je rappelle souvent aussi aux juges de la Cour, c'est que ces notes en délibéré, elles sont importantes parce que ça peut permettre, si on l'estime nécessaire après le rendu d'une décision. Moi, c'est toujours une preuve qu'une audience s'est mal passée et que si je dois aller devant le Conseil d'État pour contester cette décision, je le ferai. Et ça reste une preuve, une trace écrite d'une audience qui s'est mal passée.

  • Speaker #0

    On a parlé des demandeurs d'asile qui affrontent cette étape de l'audience à la CNDA, mais il y a des demandeurs d'asile qui n'auront pas cette chance, finalement, d'aller en audience. Il y en a qui sont triés, on dit ça communément, une ordonnance de tri qui est prise par la CNDA avant d'être convoquée à l'audience. Est-ce que ça t'arrive dans beaucoup de dossiers ? Et la question qui suit, c'est est-ce que c'est un signe que l'avocat a mal fait son travail ?

  • Speaker #2

    Alors, pour ma part, oui, j'en ai reçu une ce matin. C'est tout frais. Alors, nous, on constate que les ordonnances de tri visent souvent les mêmes nationalités. Alors, moi, je fais désormais partie du réseau Elena, donc des avocats en droit d'asile. Et il y avait eu quand même des courriers à la présidence de la Cour sur la question, notamment des Bengladais qui déposaient pour la première fois une demande d'asile. Donc, on ne parle même pas de personnes qui redéposent. Et donc, ils sont en réexamen. On parle de demandeurs d'asile, des primo-demandeurs d'asile, comme on l'appelle communément, et qui font l'objet d'ordonnances de tri. Donc, ça veut dire que ces personnes n'auront jamais accès à une audience publique. Donc ça, on avait évidemment, enfin, mes confrères d'Hélène avaient adressé des courriers à la cour. Eh bien, écoutez, ce matin, ça n'a pas empêché un juge de la cour de prendre cette ordonnance de tri concernant un Bengladais. que j'ai assisté. On constate aussi qu'effectivement, avec le temps et le durcissement du contexte, les ordonnances de tri sont plus récurrentes, exactement. Et notamment, alors les réexamens, n'en parlons pas, même des dossiers afghans qui déposent, dans lesquels il y a des réexamens, c'est trié. Le travail de l'avocat, alors oui, il est important. Évidemment, les recours doivent être quand même complets. Il faut que ça soit sourcé. Il faut qu'il y ait des choses, des éléments permettant de contester la décision de l'OFPRA. Mais je pense qu'il y a aussi une appréciation souveraine des juges de la Cour et qui ont tendance à aller vers cette pratique de l'ordonnance de tri.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question pour toi. Pourquoi continues-tu à faire du droit d'asile ?

  • Speaker #2

    Je me le demande parfois. Pourquoi ? Parce que ça a été ma motivation première quand j'ai décidé de devenir avocate, ce contentieux, parce que je considère que les demandeurs d'asile sont le public le plus vulnérable. C'est des personnes qui ont été contraintes, même si évidemment je ne fais aucune hiérarchie entre une personne qui part de son pays pour des raisons économiques, familiales, personnelles, etc. Mais là, on parle d'un public qui a été contraint de fuir son pays d'origine, donc a tout quitté souvent, qu'a quitté outre son pays, a quitté sa famille, peut-être ses enfants, son épouse. Et donc, c'est des personnes qui ont, avant toute première chose, un besoin de protection. Et donc, évidemment, ce public-là... Il me motive à me surpasser au quotidien et je continuerai jusqu'à ce que j'en ai la force, j'espère, longtemps. Voilà, donc je continuerai pour le moment en tout cas.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Mélissa. Merci pour ce partage de tes conseils, de tes pratiques. Merci également à Eva Bensadi qui a coproduit cet épisode. Et merci à vous d'avoir écouté Étranges Droits. N'oubliez pas que chaque situation est unique et que les informations que nous partageons ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats qui font souvent bien leur travail. Je vous renvoie vers le site du GST pour trouver une assistance près de chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qui est le droit des étrangers.

Description

Aujourd’hui, on pousse les portes d’une audience à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Comment se déroule une audience ? Quel est le rôle de l'avocat face aux juges ? Comment préparer son récit pour convaincre ?


Avec notre invitée : Maître Mélissa Cardoso, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, vous l'avez compris, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Bensadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin.

  • Speaker #1

    Vous allez aussi entendre pendant l'épisode ma chère consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on va pousser les portes d'une audience à la Cour Nationale du Droit d'Asile avec notre invitée, ma consoeur Mélissa Cardozo, avocate en droit des étrangers, exerçant au barreau de Paris et qui passe souvent plus de temps à la CNDA qu'à son propre cabinet. Je me trompe, Mélissa ?

  • Speaker #2

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    Je vais rapidement présenter la CNDA, qui est une juridiction particulière. Déjà, on parle de la plus grosse juridiction administrative de France, puisqu'elle rend plus de 60 000 décisions par an. Quelles décisions ? La CNDA, c'est une juridiction qui, pour faire simple, accorde ou refuse la protection internationale aux demandeurs d'asile après un rejet par l'OFPRA. Son taux de protection, il est assez stable, il est d'environ 20%, comprenez donc donc 80% de rejet à la CNDA, ce qui est très motivant. Où est située la cour ? Eh bien avant c'était simple, elle était centralisée à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, à deux pas d'ici. Mais depuis 2024, il existe des chambres territoriales de la cour dans d'autres villes. Alors vous me direz pourquoi un épisode entier sur l'audience à la CNDA ? Eh bien, c'est simple. L'audience... C'est le moment décisif de la demande d'asile. Tu ne démentiras pas, je pense, Mélissa. Vous pouvez avoir le meilleur dossier du monde, les preuves les plus solides, mais si l'audience ne convainc pas, la demande sera très certainement rejetée. Donc en fait, c'est le moment de vérité et cela à double titre. Déjà, puisque la cour, pendant l'audience, va vérifier la véracité du récit du demandeur d'asile. Et ensuite, c'est là que se décide finalement l'issue de toute la procédure d'asile. C'est dire à quel point cette étape est absolument cruciale. Le cadre étant posé, on peut passer au concret avec notre invitée, Mélissa. Peux-tu commencer par te présenter, s'il te plaît ?

  • Speaker #2

    Je te remercie, Salomé. Alors moi, je suis Mélissa Cardoso, je suis avocate au barreau de Paris. J'exerce en droit des étrangers, comme tu l'as rappelé, mais également en droit d'asile. Alors, j'exerce depuis novembre 2021, mais je... Je côtoie le droit d'asile depuis bien plus longtemps, puisque après la fin de mes études, j'ai eu la chance d'exercer, d'avoir mon premier emploi en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, donc en tant que juriste et référente sociale. Donc le droit d'asile, je le connais bien depuis maintenant neuf années. Et voilà, c'est un contentieux que j'apprécie particulièrement, qui a motivé mon accès à cette profession d'avocat.

  • Speaker #0

    Mélissa, est-ce que tu peux commencer par nous raconter une audience à la CNDA ? J'aimerais que pendant les cinq prochaines minutes, on se téléporte de Pantin à Montreuil dans une salle de la cour et que tu nous expliques, que tu nous décrives en fait ce qu'il s'y passe, qui sont les acteurs, quelles sont leurs places, leurs rôles et quelle est la durée moyenne d'une audience. Vraiment, on veut plonger dans une audience à la CNDA.

  • Speaker #2

    Alors, tout d'abord, il faut savoir que le demandeur d'asile introduit un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Et à la suite de ce recours, il va être convoqué devant la CNDA. Les convocations arrivent en général, alors les procédures ont été un petit peu accélérées ces derniers temps, donc les convocations arrivent assez rapidement, ça peut être entre 3 mois, peut-être 6 mois. Et donc le demandeur va recevoir une convocation dans laquelle il va être mentionné l'heure de la convocation, la date bien sûr, et la salle dans laquelle il va être reçu. Donc comme tu l'as rappelé, il y a aussi les chambres territoriales. Donc maintenant, il y a des audiences de la cour. Alors il y a déjà celle de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Nancy. qui fonctionne déjà et nous attendons l'ouverture de Marseille et Nantes pour la rentrée. recevoir sa convocation lorsqu'il va arriver à la CNDA le jour J. Il va passer la sécurité de la cour et ensuite il va attendre dans une salle d'attente qui est dédiée, qui est prévue pour chaque salle d'audience. Donc c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile dans lequel il va attendre son passage en audience. Donc moi souvent j'arrive un petit peu avant l'heure de la convocation. pour rencontrer le demandeur d'asile parce que parfois j'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, en tout cas physiquement. Donc c'est un moment d'échange et de réconfort, on va dire, avant le passage à l'audience. Donc il y a plusieurs horaires qui sont prévus à la cour. Il y a l'audience de 9h, l'audience de 10h30, l'audience de 14h et l'audience de 15h30. Il faut savoir qu'à la cour... C'est pas parce qu'on est convoqué à 9h qu'on va passer à 9h. Il y a plusieurs dossiers qui sont prévus pour chaque créneau et effectivement parfois on n'arrive pas à passer tous les dossiers parce que les audiences, c'est une audience. On sait à l'heure à laquelle on commence, mais on ne sait jamais à l'heure à laquelle on termine. Donc, c'est un moment assez stressant pour le demandeur d'asile parce que moi, j'ai toujours cet avertissement que peut-être ce n'est pas le jour. où il va avoir son audience parce qu'il y a ce risque qui est un renvoi parce qu'on n'aura pas eu le temps d'étudier le dossier. Donc l'audience, très concrètement, il va rentrer dans la salle d'audience. Pour les personnes non francophones qui auront un interprète, l'avocat est toujours assis à côté du demandeur d'asile. À ses côtés également, donc sur sa gauche, il y aura un interprète de la cour. Ensuite, vous avez donc à votre droite, dans la salle, il y aura donc la personne qui s'appelle le rapporteur. Comme j'explique à mes clients, le rapporteur n'est pas un juge, c'est une personne qui lit un rapport, qui reprend les termes du dossier. Et donc ensuite, vous êtes face à un... si c'est une audience à juge unique ou face à trois juges si c'est une audience, ce qu'on appelle une formation collégiale. Donc la première personne qui va prendre la parole, ça sera monsieur ou madame la rapporteure, donc qui va exposer son rapport et ensuite à la fin de la lecture du rapport, qui se fera l'objet d'une traduction par monsieur ou madame l'interprète de la cour, vous aurez donc les questions du juge ou des juges. de la cour et donc ces questions, elles peuvent durer 30 minutes, 40 minutes, 1 heure, 2 heures. Moi, j'ai parfois eu des audiences qui ont duré 2 heures et demie et parfois des audiences qui ont duré 30 minutes. Et donc ensuite, suite aux questions auxquelles le demandeur d'asile va répondre, il y aura la plaidoirie de l'avocat. Et ensuite, l'affaire sera mise en délibéré. ça veut dire que le président de la formation ou le juge unique donnera une date à laquelle on aura connaissance du sens du délibéré.

  • Speaker #1

    Waouh, merci pour cette plongée.

  • Speaker #2

    Peut-être un petit peu long.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Moi, il me semble que je vois toujours une cinquième personne qui est présente à la cour, mais finalement qui ne sert qu'à gérer le rôle de l'audience, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Je l'oublie. On l'oublie. Oui, on l'oublie alors qu'ils sont... parfaitement essentiel à l'organisation, c'est le secrétaire d'audience. Alors cette personne, effectivement, en réalité, c'est la première personne qui va prendre la parole pour annoncer l'affaire qui va avoir lieu.

  • Speaker #0

    Et c'est aussi notre interlocuteur pour savoir si les audiences se déroulent dans un délai normal ou si on a des risques de renvoi parce que les audiences se prolongent, etc.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Après cette belle présentation d'une audience, j'aimerais qu'on parle de ta pratique et que pour ça tu nous décrives l'audience qui pour toi a été la plus marquante, que ce soit parce que tu t'es sentie dans ton rôle d'avocate ou parce que le demandeur d'asile ou la demandeuse d'asile étaient bouleversées par ce moment-là et que tu as été un soutien. A quelle affaire tu penses ?

  • Speaker #2

    Bon, évidemment, cette question, elle est difficile parce qu'elles sont... Toute marquante d'une certaine manière. C'est jamais anodin de plaider pour un demandeur d'asile parce qu'on se dit qu'on arrive, comme tu l'as rappelé, c'est un moment crucial de la demande d'asile. L'enjeu, il est énorme parce que c'est savoir si un demandeur d'asile va obtenir une protection, s'il va être protégé par la France. Donc c'est évidemment un moment crucial. Pour moi, alors là, je pense à une affaire parce qu'elle est récente et qu'elle m'a particulièrement touchée en tant que femme. Parce qu'avant d'être avocat, on est évidemment un être humain et on fait des liens avec peut-être des histoires personnelles ou pas. Mais en tout cas, une histoire peut toujours résonner quelque part en soi. Je pense au dossier d'une femme djiboutienne qui, j'ai appris au deuxième entretien de préparation qu'elle n'avait pas tout dit lors de l'entretien à l'OFPRA et n'avait pas évoqué son homosexualité. Et donc effectivement, j'ai compris que j'avais été finalement la première personne à laquelle elle... Elle en a parlé et donc voilà, ça a été touchant parce qu'on se rend compte que les parcours des demandeurs d'asile, c'est des parcours difficiles. La verbalisation, bien évidemment, ou là, des sentiments, et c'est ce qui transparaissait chez ma cliente, c'est des sentiments de honte, de culpabilité. Et j'ai été très fière et je l'ai remerciée pour le fait qu'elle m'ait... confier quelque chose d'aussi important. Et donc, effectivement, on a retravaillé le récit. Ça a été un long travail et pas facile, surtout pour ma cliente. Mais l'audience a eu lieu il y a peut-être deux mois, je pense. Donc l'audience a été très difficile parce que Madame, alors, effectivement, il y avait la question de l'homosexualité et le fait qu'elle l'évoquait pour la première fois. Son orientation sexuelle devant les juges de la cour, puisqu'on était en plus en formation collégiale. Mais il y avait aussi des faits de mariage forcé, où elle avait été mariée de force à un homme qui a l'âge de mon grand-père, alors qu'elle n'avait que 21 ans. Et donc elle évoquait effectivement tout son récit et consistait à expliquer qu'elle avait été mariée de force pour cacher, pour faire taire les rumeurs. quant à son homosexualité par son père, puisqu'il avait eu vent de ces rumeurs. Et donc, effectivement, elle a également évoqué de façon très digne les violences sexuelles dont elle a été victime par cet homme de 70 ans. Et donc, ça a été très difficile. Et j'ai senti, puisqu'effectivement, on est juste à côté des demandeurs d'asile qu'on assiste, j'ai senti cette détresse. à l'évocation de ce vécu. Et nous avons eu la chance, alors je ne reviendrai peut-être pas sur les questions qu'il y a pu avoir d'un des juges, mais en tout cas, les deux autres, et notamment le président, ont été particulièrement attentifs et ont fait preuve de précaution dans les questions qui lui ont été posées. Et il est vrai qu'en plaidant, j'ai un peu parlé de cela, du fait que Finalement, j'avais eu la chance d'être la confidente de Madame sur ce point parfaitement essentiel. Et c'est vrai que j'ai senti, parce que j'ai regardé les juges dans les yeux, j'ai senti vraiment que je m'étais battue en plaidant. Et finalement, la bonne nouvelle est qu'elle a été protégée et qu'elle a obtenu un statut de réfugiée.

  • Speaker #0

    Mélissa, je te propose d'écouter Fleur Boixière, notre consoeur, qui va nous parler de la territorialisation de la CNDA. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une douce chronique où l'on va parler de la régionalisation de la CNDA. C'est LA grande nouveauté de l'année 2024 en droit d'asile. C'est vraiment une évolution structurelle majeure dans la matière, et donc un petit casse-tête, il faut le dire, que ce soit pour l'administration, pour les avocats, les travailleurs sociaux, et bien évidemment pour les demandeurs d'asile eux-mêmes. Et effectivement, on comprend bien pourquoi, puisque depuis sa création en 1952, la CNDA a toujours siégé exclusivement à Montreuil, en région parisienne. Comme vous pouvez l'imaginer, cette centralisation pose un grand nombre de difficultés pratiques, puisqu'avec plus de 56 000 recours enregistrés rien qu'en 2024, les délais explosent et les déplacements imposés aux demandeurs, qui sont souvent dans des situations de grande précarité, compliquent vraiment leur accès à la justice. Un demandeur d'asile pouvait par exemple se Il se déplaçait du sud de la France pour voir son audience renvoyée une fois arrivé à la cour à cause d'une heure trop tardive, comme on dit dans le jargon. C'est donc pour ces raisons que ce dont on entendait parler depuis de nombreuses années a finalement vu le jour en septembre 2024 avec l'ouverture de quatre chambres territoriales à Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse. Deux nouvelles chambres devraient également ouvrir à Marseille et à Nantes en septembre 2025. L'objectif de cette régionalisation, c'est vraiment de permettre aux demandeurs d'asile de pouvoir saisir une chambre régionale à proximité de leur lieu de résidence pour qu'ils y soient entendus avec un avocat et un interprète, tout en réduisant en même temps les délais de jugement et en allégeant la pression sur Montreuil. Il faut bien comprendre que tout ça va de pair avec la répartition des demandeurs d'asile sur le territoire, puisqu'en réalité, pour éviter la surconcentration des demandeurs d'asile en région parisienne, Lofi les envoie dans des lieux d'hébergement en région. à leur arrivée en France. Ils sont donc répartis sur tout le territoire. Attention, il existe évidemment quelques exceptions à cette régionalisation qui concernent certains pays et certaines langues rares qui continueront d'être jugées à Montreuil. La liste de l'ensemble de ces pays et des langues concernées est disponible et mise à jour sur le site de la CNDA. Alors, doit-on se réjouir de cette nouveauté ? Si les juges d'un côté nous assurent que cette régionalisation ne remettra pas en cause l'unicité de la position de la Cour et qu'il n'y aura pas de disparité territoriale, on s'interroge quand même. Est-ce qu'il y aura une répartition équitable des moyens administratifs humains et financiers ? Est-ce qu'il y aura une vraie coordination entre les juges des différentes chambres régionales ? Est-ce que les demandeurs d'asile auront un accès effectif à une assistance juridique dans toutes ces nouvelles zones qui peuvent parfois être dotées de peu d'avocats spécialisés ? À ce jour, on n'a pas encore le recul nécessaire pour faire le bilan de cette grande nouveauté et pour dire si, oui ou non, cette réforme a véritablement amélioré l'accès aux juges et l'efficacité de la justice en droit d'asile. Je vous laisse donc avec ces questionnements et vous dis à très vite ! dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    J'enchaîne sur un point qui est vraiment essentiel parce que je rappelle que ce podcast s'adresse particulièrement aux professionnels qui aident les demandeurs d'asile, en l'occurrence, mais les étrangers de manière générale. Comment est-ce qu'un professionnel, un travailleur social, un avocat peut aider Merci. le demandeur d'asile à se préparer à cette audience. Tu as déjà abordé un point qui est de retravailler le récit avec le demandeur d'asile, surtout quand il y a des points nouveaux, des points qui n'avaient pas été abordés devant l'OFPRA. Quels pourraient être tes conseils généraux ? Bien sûr, on ne va pas pouvoir aller dans le détail d'un dossier. Chaque dossier est unique. Mais quels sont les conseils que tu donnerais pour pouvoir se préparer au mieux vraiment aux questions ? qui seront posées en audience.

  • Speaker #2

    Alors, c'est vrai que tu as évoqué la question de la préparation par l'avocat ou le travailleur social. Bon, moi, j'ai eu la chance d'avoir les deux casquettes, donc je sais que le travail, il reste quand même identique, finalement, parce que le travailleur social, j'estime que son rôle est tout à fait essentiel et aussi essentiel que celui de l'avocat. Alors... Effectivement, tous les demandeurs d'asile ne sont pas hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Vous avez beaucoup de demandeurs d'asile qui n'ont même pas accès à une association, qui sont complètement démunis, qui ne bénéficient pas de suivi social et juridique. Pour cela, l'avocat va finalement être celui qui va avoir un rôle tout à fait essentiel. Quand il y a effectivement, que ce soit un travailleur social ou l'avocat, effectivement, l'objectif, c'est le travail du récit. Alors moi, mes conseils, souvent, c'est de retravailler notamment la chronologie parce que c'est beaucoup ça qui fait défaut dans les récits. Alors on l'explique, et ça, on l'explique souvent à la cour. Quand vous êtes un demandeur d'asile, vous arrivez avec vos traumatismes. Donc se rappeler de la date précise à laquelle vous avez vécu telle chose, parfois c'est extrêmement difficile. Mais c'est vrai qu'on constate que les juges de la cour exigent quand même une certaine logique, une certaine logique de temporalité. Donc ça, on essaye avec les demandeurs d'asile de retravailler ça parce qu'on sait qu'ils l'attendent, s'agissant des juges de la cour. Et retravailler, bien évidemment, le fait d'avoir le maximum de détails, parce qu'effectivement, avoir un récit détaillé, c'est ce qui donne davantage de crédibilité. Donc, je dirais la chronologie en premier lieu, et aussi la question du détail. Plus on en aura, mieux ce sera pour la crédibilité.

  • Speaker #0

    Et donc, toi, tu es avocate concrète. Comment se passe cette préparation quand les clients sont en région parisienne ? J'imagine que c'est différent des clients qui sont en région. Est-ce que tu as un protocole ? Combien de fois en moyenne tu vas t'entretenir avec eux ? Est-ce que c'est aussi à l'avocat ? Faire réviser, j'ai envie de dire, le client ou est-ce que là-dessus tu peux les responsabiliser pour leur donner aussi des devoirs à la maison dans l'attente de l'audience ? Comment ça s'organise tout ça ?

  • Speaker #2

    Alors j'ai une phrase que j'utilise beaucoup avec mes clients, c'est « je suis maître mais vous êtes également maître de votre dossier » . C'est-à-dire que je considère, et c'était déjà le cas quand j'étais travailleuse sociale, c'était de dire « c'est votre dossier et vous, vous êtes le meilleur défenseur de votre dossier » . Donc évidemment, on est là pour accompagner, pour assister. Donc évidemment, on donnera tous les conseils nécessaires pour que l'audience se passe dans les meilleures conditions possibles. Mais effectivement, parfois j'ai des clients qui n'ont pas l'air très investis. Alors pour plein de choses, pour plein de raisons, il y a plein de paramètres qui rentrent en jeu. Mais effectivement, c'est important. Moi, j'attends que mon client, la personne que j'assiste, soit investie dans son dossier. Merci. Donc effectivement, moi, ma façon de travailler, c'est je reçois ou j'ai par téléphone une première fois lors de l'introduction du recours. Donc au moment de la rédaction du recours, je vais m'entretenir avec le demandeur d'asile pour qu'il me donne, que je le prépare déjà à l'audience qui aura lieu, mais aussi pour qu'on revienne sur les raisons pour lesquelles l'OFRA a rejeté sa demande et que je l'interroge à ce sujet pour voir s'il a des éléments aussi complémentaires. Et effectivement, il y aura un deuxième entretien avec moi. Et donc, ça sera en amont de la convocation. Quand le demandeur d'asile recevra sa convocation, il y aura une vraie préparation, une vraie, comment dire, un premier... Une sorte de simulation. Voilà, une sorte de simulation. Merci, Salomé. À l'audience.

  • Speaker #0

    D'accord. J'enchaîne sur une question. Moi, ma hantise quand je faisais de l'asile, j'en fais un peu moins aujourd'hui, c'était de voir le client qui est donc effectivement juste à notre gauche s'enfoncer à l'audience, ne pas savoir répondre aux questions, bafouiller, être dans la confusion. Et ma hantise, c'était que l'avocat, dans ce cas-là, c'est le dernier à prendre la parole et il a très peu de temps pour réagir face à ça. donc j'imagine que tu as Des parades, des argumentaires juridiques dont tu nous as déjà un peu parlé, notamment sur des traumatismes qui peuvent finalement venir brouiller un peu la mémoire et notamment sur des dates, etc. Mais concrètement, comment on peut rattraper une audience quand le client n'a pas été son meilleur défenseur et que l'avocat doit venir au secours ?

  • Speaker #2

    Alors, c'est toujours compliqué. Ces audiences, elles sont toujours... C'est toujours compliqué, en effet. Alors, moi, ce que je dis souvent, c'est que je ne suis pas magicienne. Je fais avec les moyens du bord. Donc, oui, rattraper, on peut essayer. On peut essayer de fournir des explications au juge de la cour. Bon, parfois, ils comprennent bien que ça va être compliqué. Et tout le monde est aussi à cette intelligence. moi je suis pas là aussi pour euh Pour raconter n'importe quoi, il y a aussi une certaine crédibilité, un certain professionnalisme, sachant que les juges de la cour, avec le temps, on les connaît, on se retrouve aussi devant eux dans d'autres audiences par la suite. Donc on essaye de trouver des arguments. Parfois, on n'en a pas tellement, mais on fait avec ce qu'on a. On essaye.

  • Speaker #0

    Tu me rassures. Je te demandais quelle était ton expérience la plus marquante. Tu m'en as parlé d'une qui s'est bien terminée. Quelle a été ta pire expérience à la CNDA ?

  • Speaker #2

    J'ai tout de suite en tête une audience qui m'a partie, qui a été la pire. Après, je vais être très sincère, Salomé, il y en a eu pas mal des audiences où ça ne se passe pas très bien. Pour plein de raisons. Mais celle-ci en particulier à laquelle je pense, c'est celle d'une demandeuse d'asile qui avait subi des choses absolument atroces, des viols dans son pays, des vols sur le parcours d'exil. Et malheureusement, on était tombé sur un juge qui a été révoqué de la cour, je ne connais pas son nom. mais je pense que les professionnels qui n'est plus juge actuellement, en tout cas pas la CNDA, et donc qui avait bien évidemment pris sa décision avant même qu'on commence. Donc je savais que peu importe ce que j'allais dire, ça n'allait pas fonctionner, qu'on allait être rejeté. Évidemment, il a rejeté tout le rôle de la journée, sans surprise. Et ça a été extrêmement difficile parce que le récit, ma cliente a été particulièrement digne parce qu'elle a été en mesure de raconter tous les atrocités qu'elle avait vécues avec énormément de dignité. Et on était face à un juge qui effectivement n'avait aucune empathie ni encore moins d'humanité. Et donc le sentiment que j'ai eu, alors évidemment à l'évocation de toutes ces horreurs, c'est difficile, nous en tant qu'aussi, même si on s'habitue à l'horreur, je t'avoue que quand je suis sortie d'audience, j'avais envie de craquer, parce que c'était une des premières fois où ça a été extrêmement difficile. Et j'ai eu aussi ce sentiment d'impuissance totale, parce que je savais que quoi que je dise, quoi que je plaide, on n'allait pas obtenir une protection. Donc je pense à cette cliente, j'espère qu'elle a pu peut-être faire une demande de réexamen. Je ne sais pas, en tout cas, j'espère que... Je pense à elle en tout cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et donc tu as commencé un peu à nous parler de l'attitude de certains juges de la CNDA. Est-ce que depuis que tu exerces un droit d'asile, tu as constaté un durcissement ? des juges et notamment des questions qu'ils peuvent poser ? Est-ce qu'il y a toujours eu les mêmes biais, les mêmes abus, mais finalement répartis entre certains juges ? Oui,

  • Speaker #2

    je dirais plutôt ça. Peut-être que mes confrères plus expérimentés auront un point de vue différent. Moi, je constate, puisque j'exerçais à la cour depuis... Quatre ans, ce qui n'est pas énorme. Alors quand on est juriste ou travailleur social, on n'assiste pas aux audiences de la cour. Mais ce que je constate, c'est que les juges difficiles, ils restent difficiles et les juges plutôt bienveillants, ils le restent en général. Alors bienveillant, je... souvent, et nous on comprend, on est quand même des avocats, on est des professionnels du droit, de la justice, on comprend que parfois, oui, on ne va pas protéger cette personne parce que les éléments ne sont pas assez solides ou il n'y a pas d'éléments particuliers qui font que elle devrait être protégée. On a quand même ce discernement en tant qu'avocat, mais voilà, c'est vrai que certains juges, on sait par avance que ça ne passera pas, que certaines... que certains dossiers ne passeront pas et je pense que tant que ces personnes-là continueront à siéger, on saura que sur telle thématique, ça sera compliqué. Mais voilà, on se dit, on continue quand même à le combat, parce que sinon, on arrête tout et on ferme tout et ça, c'est pas possible.

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as constaté que parfois, ça sert de s'énerver un peu, de hausser la voix ? Parce que c'est ma deuxième hantise. Moi, je sais que je n'osais pas vraiment le faire. Je préférais passer par une note en délibéré qui est finalement un mémoire des écritures qu'on peut produire après l'audience, notamment quand on considère que des questions étaient particulièrement biaisées, etc. Mais en audience, moi, je ne savais pas forcément comment me positionner. J'avais peur que ce soit au détriment de mon client.

  • Speaker #2

    Oui, et aussi, je pense, Salomé, peut-être que tu seras d'accord avec moi, on a aussi un peu Cette crise de la légitimité aussi en tant que jeune avocate, de se dire est-ce que je dois prendre la parole face à des juges pour dire qu'effectivement ça c'est pas ok, c'est pas acceptable d'entendre. Alors moi, beaucoup plus maintenant, je laisse moins de choses passer. Alors effectivement, il y a eu des fois où en plaidant j'ai rappelé quand même que des choses n'étaient pas... audibles, n'étaient pas acceptables. Alors j'ai constaté que deux fois où c'était arrivé, finalement le juge avait quand même protégé mon client et mes clients. Parce qu'en fait, je pense que peut-être, alors peut-être que ça les touche peut-être dans leur égo, ce qu'on peut comprendre, mais ils ont quand même ce discernement. Et ils comprennent aussi qu'un avocat, bah oui, il est là pour défendre les intérêts de son client et que oui, il y a des choses qui doivent se dire en audience et qui doivent pas se passer ainsi. Alors effectivement, parfois ça passe en audience, mais ça passe aussi, comme tu le disais très bien, les notes en délibéré. parce que nous, ce que je rappelle souvent aussi aux juges de la Cour, c'est que ces notes en délibéré, elles sont importantes parce que ça peut permettre, si on l'estime nécessaire après le rendu d'une décision. Moi, c'est toujours une preuve qu'une audience s'est mal passée et que si je dois aller devant le Conseil d'État pour contester cette décision, je le ferai. Et ça reste une preuve, une trace écrite d'une audience qui s'est mal passée.

  • Speaker #0

    On a parlé des demandeurs d'asile qui affrontent cette étape de l'audience à la CNDA, mais il y a des demandeurs d'asile qui n'auront pas cette chance, finalement, d'aller en audience. Il y en a qui sont triés, on dit ça communément, une ordonnance de tri qui est prise par la CNDA avant d'être convoquée à l'audience. Est-ce que ça t'arrive dans beaucoup de dossiers ? Et la question qui suit, c'est est-ce que c'est un signe que l'avocat a mal fait son travail ?

  • Speaker #2

    Alors, pour ma part, oui, j'en ai reçu une ce matin. C'est tout frais. Alors, nous, on constate que les ordonnances de tri visent souvent les mêmes nationalités. Alors, moi, je fais désormais partie du réseau Elena, donc des avocats en droit d'asile. Et il y avait eu quand même des courriers à la présidence de la Cour sur la question, notamment des Bengladais qui déposaient pour la première fois une demande d'asile. Donc, on ne parle même pas de personnes qui redéposent. Et donc, ils sont en réexamen. On parle de demandeurs d'asile, des primo-demandeurs d'asile, comme on l'appelle communément, et qui font l'objet d'ordonnances de tri. Donc, ça veut dire que ces personnes n'auront jamais accès à une audience publique. Donc ça, on avait évidemment, enfin, mes confrères d'Hélène avaient adressé des courriers à la cour. Eh bien, écoutez, ce matin, ça n'a pas empêché un juge de la cour de prendre cette ordonnance de tri concernant un Bengladais. que j'ai assisté. On constate aussi qu'effectivement, avec le temps et le durcissement du contexte, les ordonnances de tri sont plus récurrentes, exactement. Et notamment, alors les réexamens, n'en parlons pas, même des dossiers afghans qui déposent, dans lesquels il y a des réexamens, c'est trié. Le travail de l'avocat, alors oui, il est important. Évidemment, les recours doivent être quand même complets. Il faut que ça soit sourcé. Il faut qu'il y ait des choses, des éléments permettant de contester la décision de l'OFPRA. Mais je pense qu'il y a aussi une appréciation souveraine des juges de la Cour et qui ont tendance à aller vers cette pratique de l'ordonnance de tri.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question pour toi. Pourquoi continues-tu à faire du droit d'asile ?

  • Speaker #2

    Je me le demande parfois. Pourquoi ? Parce que ça a été ma motivation première quand j'ai décidé de devenir avocate, ce contentieux, parce que je considère que les demandeurs d'asile sont le public le plus vulnérable. C'est des personnes qui ont été contraintes, même si évidemment je ne fais aucune hiérarchie entre une personne qui part de son pays pour des raisons économiques, familiales, personnelles, etc. Mais là, on parle d'un public qui a été contraint de fuir son pays d'origine, donc a tout quitté souvent, qu'a quitté outre son pays, a quitté sa famille, peut-être ses enfants, son épouse. Et donc, c'est des personnes qui ont, avant toute première chose, un besoin de protection. Et donc, évidemment, ce public-là... Il me motive à me surpasser au quotidien et je continuerai jusqu'à ce que j'en ai la force, j'espère, longtemps. Voilà, donc je continuerai pour le moment en tout cas.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Mélissa. Merci pour ce partage de tes conseils, de tes pratiques. Merci également à Eva Bensadi qui a coproduit cet épisode. Et merci à vous d'avoir écouté Étranges Droits. N'oubliez pas que chaque situation est unique et que les informations que nous partageons ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats qui font souvent bien leur travail. Je vous renvoie vers le site du GST pour trouver une assistance près de chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qui est le droit des étrangers.

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