Speaker #0Être un chef d'entreprise autiste. Aujourd'hui, c'est un épisode tardif et court, avec un format un peu inhabituel, qui est plutôt sous forme de réflexion et d'interrogation. Dans cette série sur autisme et travail, on a déjà abordé le fait d'être à son compte. Dans l'épisode numéro 2, on a parlé de choses sans filtre, avec un témoignage, le témoignage de Mégane, qui illustrait parfaitement le travail à son compte. et les enjeux, les implications, ce à quoi il faut faire attention. On a fait une pause dans cette série avec l'épisode sur la fatigue, pause fatigue au milieu de la série sur le travail. Et puis on abordera, pour clôturer cette série, l'entrée dans le monde du travail pour les jeunes. Mais maintenant, j'aimerais qu'on échange et qu'on s'interroge sur les défis d'être autiste et patron. La personne autiste, de par la façon dont son cerveau fonctionne, a tendance entre autres de façon non exhaustive, mais c'est surtout là-dessus qu'on va se pencher aujourd'hui, a tendance à prendre tout à la lettre et à manquer de nuances. Je suis Maya et dans ces chroniques, au titre un peu de taquin, je vous partage mes constats et réflexions de femmes concernées par le TSA depuis toujours, par ma famille, mon entourage personnel et mon travail. Je termine ma formation de père aidante familiale professionnelle et j'enchaîne sur la psychoéducation. J'ai une expertise de terrain que je partage volontiers avec vous, avec humilité, parce que j'en apprends tous les jours. Je peux dire aussi, je peux me tromper. Et je ne prétends pas du tout vous proposer une vérité absolue, mais plutôt des sujets de réflexion et de sensibilisation. N'hésitez pas à partager vos retours, parce qu'ensemble on décode, on déchiffre, on explique un univers à l'autre, pour ne pas les opposer, mais pour avancer ensemble. Alors, des défis d'être autiste et patron, ça donnerait quoi dans les exemples suivants pour le chef d'entreprise ? Je vais vous donner quatre exemples. Votre banquier peut être très accueillant avec vous et super sympa, vous fait des grands sourires, vous offre un café, etc. quand votre entreprise tourne bien et change complètement de ton quand vous avez des dettes, quand ça va mal, quand le chiffre d'affaires baisse et que ça commence à coincer, que vous avez besoin de votre soutien bancaire. Le deuxième exemple, imaginez un partenaire commercial qui est indispensable au bon fonctionnement de votre entreprise. Par exemple, si vous avez un site internet, votre plateforme d'acquisition des ventes via la carte bancaire, et qui change sa tarification, mais en vous avertissant uniquement via un mail automatique qui est arrivé dans vos spams. Vous loupez donc le délai qui vous permettait de résilier le contrat. Vous vous rendez compte un mois plus tard en faisant votre comptabilité que le tarif est augmenté. consulter en disant mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ah ben, on vous avait prévenu. Puisque ce mail était dans vos spams, vous n'avez pas pu bénéficier du délai pour ne pas reconduire le contrat et vous êtes obligé de payer le nouveau prix. Vous êtes réengagé sans le vouloir, sans le savoir, sans l'avoir réalisé à un prix plus haut. Le troisième exemple, vous découvrez sur la convention d'honoraires de l'avocat que vous consultez pour une affaire qui va prendre 10% d'honoraires en plus du forfait de travail. il va prendre 10% d'honoraires sur les sommes qu'il va récupérer pour vous. Ça, et vous ne l'avez pas dit lorsque vous vous êtes rencontré pour parler de cette affaire. Vous le découvrez au moment de signer la convention d'honoraires. Le quatrième exemple, c'est le commercial de votre fournisseur principal qui vous appelle chaque année en décembre pour prendre rendez-vous avec vous, pour vous présenter et vous faire signer les tarifs, augmentés bien entendu, pour l'année suivante. Alors, chez beaucoup de chefs d'entreprise, à mon avis, la réaction à ces quatre situations... sera la suivante. Je parle de chef d'entreprise hors autisme. Le banquier va être vivement critiqué, il va être traité de plusieurs noms d'oiseaux pour son changement de comportement, dont la variabilité dépend du porte-monnaie garni ou non. Et puis, le patron passera au sujet suivant. S'il est vraiment vexé, il va changer de banque. C'est probable que pour l'autiste, ça prenne beaucoup plus de temps pour passer au sujet suivant, que ça lui prenne beaucoup d'énergie et que ça l'empêche de se concentrer pendant quelques heures, voire quelques jours. Cette affaire-là. Sur le second exemple, le partenaire commercial qui a augmenté ses prix via un mailing impersonnel qui est arrivé dans les spams. Lui aussi, il va probablement être incendié au téléphone ou par mail. Mais ensuite, le chef d'entreprise va évaluer la concurrence. Il va se noter bien, comme il faut dans son agenda ou son planning, la prochaine échéance du contrat, deux mois avant, pour résilier avec le préavis, pour éventuellement changer, donc avant la date butoir, s'il trouve mieux. Et comme pour l'exemple avec le banquier, là aussi ça risque pour l'autiste de prendre beaucoup plus de temps sur le plan cognitif et émotionnel pour gérer ça. Il est probable qu'il s'en voudra. ne pas avoir tout contrôlé. Et peut-être il va mettre en place un correctif, par exemple consulter et traiter ses spams tous les jours pour être sûr que ça ne lui arrive plus et ne pas prendre le risque de zapper une autre fois une information comme celle-là. C'est possible aussi qu'il se mette à coder un truc avec l'IA pour repérer ces messages-là. Alors sur ces deux exemples, finalement, on évoque le sentiment d'injustice qui peut être aussi très présent chez des personnes à la sensibilité émotionnelle très vive. Ça peut venir des ACE, les expériences adverses dans l'enfance, du TDA, j'ai d'autres choses. C'est pas uniquement lié à l'autisme, évidemment. On passe aux deux exemples suivants. L'avocat et le commercial. Là, il me semble qu'on touche un peu à autre chose, une forme de code social. Ce code, si difficile à comprendre et pratiquer pour les autistes, qui dit qu'en affaires, tout se négocie. L'avocat vous annonce son tarif, en fait, c'est une proposition. Vous pouvez faire une contre-proposition. À la baisse, ça se négocie. Entre pros, on se met d'accord. Le commercial vous dit qu'il vient vous faire signer les prix pour l'année prochaine. En réalité, et même s'il vous présente les choses ainsi, en bon notice que vous êtes, vous le prenez de façon tout à fait littérale. Il ne vous a pas dit « je viens négocier les tarifs » . Il vous dit « je viens vous présenter la grille tarifaire pour l'année prochaine et vous la faire signer » . À quel moment est-ce que ça vous vient à l'esprit que c'est négociable ? Et bien en fait si, c'est une négociation. Vous pouvez dire non, vous pouvez dire moins, vous pouvez dire pas comme ça, vous pouvez dire bon, alors je veux ça en plus si vous me faites payer autant. Et puis vous pouvez ne pas signer, changer de fournisseur, ça vous le savez déjà. Enfin, il faut changer de fournisseur avant de ne pas payer. Ne pas payer ses factures, ça c'est pas... si si, il faut. Et ça, certaines personnes, autistes ou pas d'ailleurs, mais il semble que c'est vraiment très fréquent chez les autistes, Cette forme de naïveté à la fois sociale et en affaires, certains mettent des années à apprendre que ça peut se négocier. La majorité des personnes autistes, quand on leur annonce un prix entre professionnels, s'imaginent que c'est le prix, de la même manière qu'au supermarché, quand vous achetez un kilo de pommes, il a un prix, vous n'allez pas négocier à la caisse. Entre pros, si. Ça c'est du pain béni pour les commerciaux, les gens comme ça. Et l'inverse est aussi vrai parce que quand on demande à la personne autiste quel est son budget, la plupart du temps, elle va répondre en disant quel est son budget. Ça paraît logique. Eh bien, en fait, c'est un jeu social. Dans les affaires, c'est un jeu. Le jeu, ce sera de dire un budget à la bête. Le vendeur va prendre un air offusqué en vous disant jamais je peux baisser autant. Il va sembler quitter la table des négociations alors que c'est un jeu. et quand c'est quand le vendeur c'est l'autiste et que son client lui dit je mets maximum 1500 euros l'autiste en général il le croit mais là aussi c'est un jeu le client dit 1500 la plupart du temps parce qu'il dit le prix le plus bas mais il est prêt à négocier plus haut mais quand on ne connait pas ces codes là comment on peut savoir que quand quelqu'un nous dit 1500 en fait il pense 1800 ou il est prêt à monter jusqu'à 2000 c'est un jeu dont les règles sont floues elles sont changeantes, elles sont en géométrie variable Et c'est surtout un jeu qui amuse beaucoup de gens, qui prennent du plaisir à négocier et à chercher à obtenir plus. Et oui, il y a pas mal de gens qui s'amusent et qui sont très fiers au final quand ils ont obtenu plus. Pas mal de gens, mais très peu d'autistes. Pour eux, ils prennent ça pour de la triche, du mensonge, de la perversité, de la manipulation. Et le vivent, en général, très très mal. Et c'est quand même particulièrement épuisant. Alors oui... Être autiste et chef d'entreprise, c'est aussi ça. C'est jouer à un jeu dont les règles sont à minima fluctuantes, mais pires, dont ils ne savent même pas qu'elles existent, ces règles. Alors, il y aurait bien d'autres choses à évoquer, comme les relations avec les salariés quand on est autiste et patron, et puis aussi les exigences du patron autiste. Mais ça, si vous en avez envie, on en parle en privé, dans un groupe privé. Parce que, vous le savez probablement, il y a un groupe Discord d'échange entre auditeurs de ce podcast qui est en place. Et puis, il y a un second, tout frais, tout jeune, qui est dédié spécifiquement aux adultes autistes qui travaillent à leur compte ou qui sont patrons ou indépendants. Si vous voulez rejoindre l'un ou l'autre de ces groupes, ou les deux d'ailleurs, si vous êtes concerné par les deux choses, vous me faites signe par mail sur hello.mayael.org pour que je vous communique le lien. Pour ceux qui ont testé, vous constatez qu'en ce moment, je ne consulte pas. Je n'ai pas la possibilité de consulter mes mails tous les jours, mais ça viendra. À partir de septembre, je serai plus régulière. Là, je suis en transition professionnelle. Et pour l'instant, il faut être un tout petit peu plus patient. Et je vous remercie beaucoup pour votre patience, justement. Et puis, là encore, si vous êtes autiste et chef d'entreprise, patron, employeur, vos témoignages et vos expériences m'intéressent. Là, je vous ai partagé. des petites anecdotes, mais il y a vraiment beaucoup de choses à dire. Et je suis certaine que ça intéresse beaucoup de gens et auditeurs de ce podcast. Alors vous pouvez aussi les partager en commentaire, n'hésitez pas, ou pareil, en m'écrivant sur la boîte mail que je vous ai indiquée, hello.mayel.org. Et j'en profite d'ailleurs pour vous remercier pour vos retours et vos très gentils messages. Et vous dire que si vous voulez être informé de la sortie des épisodes, vous pouvez vous abonner sur les plateformes d'écoute. et si vous avez envie de faire connaître mon travail, vous pouvez bien entendu partager les contenus, les envoyer à vos proches. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes de podcast et sur Youtube, donc vous allez là où vous préférez pour partager. Et je ne résiste pas en contenu caché à la fin de cet épisode à vous poser la question, est-ce que Racontez-moi, saviez-vous qu'on pouvait négocier avec son expert comptable, avec un avocat, négocier une grille tarifaire qu'on vous présente comme ça, comme « ben voilà, il faut signer, c'est comme ça, c'est les prochains tarifs de l'année » .